La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures dix.

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Nous accueillons les représentants de l'Association française du gaz M. Patrick Corbin son président et M. Grégoire du Guerny, responsable des affaires publiques, ainsi que M. Bernard Aulagne, président de l'association Coenove.

L'Association française du gaz a été créée en 1874. C'est le syndicat professionnel de l'industrie gazière française : gaz naturel, biométhane, GPL et hydrogène. L'association Coenove a été créée en 2014, soit 140 ans après, par les acteurs de la filière gaz du bâtiment.

La question générale qui nous occupe est celle de la place du gaz dans la transition énergétique puisque nous essayons de ne pas nous limiter au spectre électrique, qui est très souvent l'un des défauts de la conception. On ne parle très souvent que du nucléaire et nous avons souhaité donner autant d'espace à tous les types de production.

En Asie, la demande gazière augmente du fait de la Chine, en raison notamment de la substitution du gaz au charbon. L'Inde réoriente sa politique énergétique vers le gaz. La part du gaz naturel s'accroît par rapport au charbon dans le bouquet énergétique des États-Unis en raison de coûts de production inférieurs du gaz de schiste, ce qui fait que les États-Unis vendent du charbon, en tout cas en Europe.

À l'opposé, la consommation de gaz n'a pas augmenté en Europe en 2018 après plusieurs années de hausse. Une explication avancée tient à la montée en puissance des énergies renouvelables. Cette montée en puissance conduit à modifier le recours aux centrales à gaz. D'une production de base, on passerait plutôt à une production pour passer la pointe électrique, ce qui conduit à une baisse de la demande de gaz et, en écho, à des problèmes récurrents d'entreprises qui expliquent que faute de pouvoir faire fonctionner les centrales à gaz, elles sont peut-être obligées de réduire les effectifs.

Mais en Europe et notamment dans notre pays, à côté du rôle du gaz naturel dans le passage de la pointe, se posent deux questions :

- le transfert d'usage au profit du gaz en matière de transport et de chauffage des bâtiments résidentiels ou tertiaires ;

- le développement du gaz renouvelable, en particulier le biométhane.

Vous aurez tout à loisir, dans les quinze minutes qui vous sont données à deux, de nous faire part de votre appréciation des objectifs du projet de programmation pluriannuelle de l'énergie. Quelles peuvent être les anticipations raisonnables en matière de prix du gaz naturel, notamment de gaz naturel liquéfié (GNL) ? Ce prix ne peut qu'avoir un impact sur le montant de la subvention nécessaire au développement du gaz renouvelable.

Enfin, vous aurez peut-être à cœur de nous expliquer la place du gaz, notamment concernant l'hydrogène et d'autres types de production.

Je vous propose de donner la parole en propos liminaire à M. Corbin puis à M. Aulagne. Ensuite, les membres de la commission d'enquête vous interrogeront à leur tour, à commencer par notre rapporteur Mme Meynier-Millefert. Avant que vous preniez la parole, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais vous demander, Monsieur Corbin, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez lever la main droite et dire « Je le jure ».

(M. Patrick Corbin prête serment.)

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M. Aulagne, je vais vous demander de lever la main droite et de dire « Je le jure ».

(M. Bernard Aulagne prête serment.)

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Merci Monsieur le président et merci de nous inviter pour cette audition.

Je sais que vous auditionnez beaucoup de monde. Aussi, je voudrais insister sur un certain nombre de points essentiels, d'abord concernant la France, même si vous avez ouvert vos propos au monde, qui montrent la vraie singularité de la France dans le concert mondial des évolutions aujourd'hui.

Le premier point sur lequel je voulais insister est le fait qu'une politique énergétique d'un pays comme la France doit s'appuyer sur deux pieds :

- l'efficacité énergétique, où comment nous réduisons nos consommations ;

- comment nous décarbonons l'économie.

En tant que gazier, nous sommes convaincus qu'on ne réussira la transition énergétique qu'en avançant de manière à peu près équilibrée sur ces deux pieds.

Nous pensons que toute politique énergétique, qu'elle soit de type efficacité énergétique ou renouvelable, doit être régulièrement évaluée ex-post à la fois sur ses effets, ses coûts économiques et ses impacts environnementaux. Aujourd'hui, le soutien au renouvelable est facile à déterminer. Il suffit de regarder le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » pour connaître le décompte de toutes les sommes qui seront engagées en 2019 pour soutenir les renouvelables.

Nous avons essayé de faire le même exercice pour l'efficacité énergétique mais nous n'avons pas réussi. C'est beaucoup plus compliqué car tout ceci entre dans des processus qui relèvent soit de soutien public, soit de soutien privé et sont mis dans une facture. Je prendrai comme exemple les certificats d'économie d'énergie, qui sont à charge des fournisseurs. Nous connaissons le coût de ce soutien pour le fournisseur historique avec les tarifs réglementés de vente mais pas pour les autres fournisseurs qui sont en offre de marché. Nous pensons qu'aujourd'hui, entre 7 et peut-être 10 milliards portent sur l'efficacité énergétique. Dans tous les cas, compte tenu des sommes avancées (5,2 ou 5,4 milliards) chaque année pour les renouvelables et de 7 à 10 milliards pour l'efficacité énergétique, nous pensons que ceci doit être régulièrement évalué. C'est la parole que nous avons portée aux membres de cette Assemblée assez régulièrement.

Quand nous faisons de l'évaluation, à partir du moment où nous avons fait le choix que notre objectif était la réduction des émissions de carbone, toutes ces politiques doivent être évaluées dans une approche coûts-bénéfices de type coût d'abattement du CO2. Cette notion existait déjà un peu depuis quelques mois et je dirais que le rapport Quinet remis au Gouvernement au mois de février l'a un peu remise en lumière en stipulant qu'il fallait évaluer tous les soutiens à cette mesure pour en connaître l'impact réel en termes de réduction des émissions de CO2.

Ce qui est sûr avec le biométhane, c'est que, toutes choses étant égales par ailleurs, lorsqu'on injecte 1 TWh de biométhane dans le réseau français, c'est 1 TWh de gaz qui n'est pas importé ; on obtient donc la réduction correspondante de CO2. En revanche, quand on ajoute 1 TWh de renouvelable électrique, je ne sais pas ce qu'il remplace, peut-être en majeure partie de l'électricité, aujourd'hui d'origine nucléaire, qui est déjà décarbonée.

Pour le soutien au renouvelable, nous plaidons pour que ces énergies ne soient pas évaluées en fonction de l'écart entre leur coût de rachat et le coût du marché mais avant tout en termes d'efficacité par rapport à la réduction de CO2.

Mon dernier point concerne la mobilité. Il faut accepter d'avoir des démarches vertueuses et en termes de démarches vertueuses, les analyses du cycle de vie, même si elles ne sont pas parfaites, nous font faire des progrès. Aujourd'hui, sur la base d'études provenant de l'étranger et de France, nous considérons qu'un véhicule au bioGNV est aussi bon qu'un véhicule électrique avec de l'électricité renouvelable en analyse du cycle de vie. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons soutenu un amendement qui, je crois, est en cours de discussion dans cette Assemblée, pour le déploiement d'un réseau de stations terrestres de GNV. Nous avons cette conviction et nous plaidons aujourd'hui à Bruxelles pour que la réglementation actuelle sur les véhicules soit modifiée pour s'orienter vers l'analyse du cycle de vie. Un véhicule électrique à Stuttgart qui consomme de l'électricité produite à partir de charbon ne fait avancer ni la machine ni l'humanité et ne fait rien gagner en CO2.

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Merci de ce préambule. Sans plus tarder, je cède la parole au président de l'association Coenove pour une dizaine de minutes.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Merci Monsieur le président. Je dirai quelques mots pour compléter la présentation de Coenove, qui est effectivement une jeune association du paysage énergétique créée en 2014 à l'initiative d'industriels du bâtiment, fabricants de pompes à chaleur, de chaudières et de panneaux solaires, avec les principaux majors de l'industrie de la performance énergétique et des gaziers (vous avez déjà eu l'occasion d'auditionner GRDF, un de nos membres). En outre, nous avons été très rapidement rejoints par des organismes professionnels du bâtiment comme la CAPEB ou la Fédération française du bâtiment. Tous ces braves gens sont motivés et regroupés autour d'une double conviction : l'atteinte des objectifs ambitieux de la transition énergétique ne peut se faire qu'avec une approche véritablement fondée sur la complémentarité des énergies et non pas la recherche de l'énergie miracle à tout prix qui va répondre à tous les besoins et au sein de cette complémentarité, le gaz, de plus en plus renouvelable, a un rôle essentiel à jouer dans les années à venir.

Par rapport à cette double conviction, je ferai un rappel rapide, une photographie de la situation du mix énergétique aujourd'hui à partir d'une étude que nous avons réalisée sur les appels de puissance hebdomadaire sur la période courant du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, qui montre quelques points essentiels, en confirmant notamment la différence d'amplitude entre été et hiver dans un rapport de 1 à 4 en fonction des besoins de puissance. La manière de passer la pointe, qui dans la troisième semaine de janvier 2017 se situait à un niveau global d'environ 330 GW apporte quelques enseignements :

- la mobilisation de toutes les énergies permet de faire face à cette pointe ;

- l'énergie électrique a permis de satisfaire 95 GW de pointe, soit environ 30 % du total, alors que dans le même temps le gaz couvrait 160 GW du besoin, le reste étant couvert par le fioul, le bois, etc., ce qui signifie que le gaz a représenté environ 45 % de la satisfaction de cette pointe maximale.

De cette photographie, nous tirons nous aussi des leçons en matière de décarbonation du mix énergétique qui rejoignent celles qu'a rappelées Patrick Corbin dans son message liminaire. Je pense naturellement à l'urgence, à l'importance de l'efficacité énergétique pour toutes les énergies pour réduire notamment la pointe et cette amplitude entre l'été et l'hiver. Compte tenu de la place actuelle du gaz dans le mix énergétique pour faire face à ces besoins, la nécessité, la responsabilité de la filière gaz consiste véritablement à entamer sa mue et se verdir, se décarboner. L'objectif est de donner la priorité à la décarbonation du gaz et non pas à son exclusion comme on le trouve dans certaines réflexions.

Dans ce cadre, pour répondre à votre question, Monsieur le président, la parution du projet de PPE a suscité, a minima chez nous, de l'incompréhension voire de la déception, voire de la frustration dans la mesure où il nous paraissait un peu étrange de vouloir électrifier, prôner l'électrification à outrance des usages alors que nous sommes dans une logique de maîtrise de la pointe électrique difficile, délicate quasiment à chaque hiver. Nous recevons régulièrement des alertes sur la nécessité de veiller à la maîtrise de ces consommations. Il est donc paradoxal que dans un tel contexte, on puisse promouvoir l'électrification des usages et corollairement, la faible place accordée au gaz renouvelable, se situant même en retrait par rapport à ce qui figure dans la loi de transition énergétique.

Pour nous, a fortiori dans le bâtiment, cœur de métier de Coenove, le gaz a toute sa place et nous avons un certain nombre d'inquiétudes par exemple au travers des premiers projets, des premières réflexions sur la RE 2020 et avec un certain nombre d'initiatives ou de ballons d'essai qui sont lancés du type baisse du coefficient d'énergie primaire, changement du contenu en CO2 du KWh d'électricité, qui vont toutes dans le même sens et sont de nature à sortir le gaz de la construction neuve alors même qu'il a un certain nombre d'atouts et, pour boucler sur le gaz renouvelable, qu'il constitue également une utilisation pertinente de gaz renouvelable dans des logiques d'alimentation en boucle fermée d'écoquartiers et de projets semblables qui nous paraissent tout à fait pertinents, des sujets à creuser, notamment dans l'optique de la RE 2020.

Sur la rénovation, Mme la députée Meynier-Millefert le sait bien, le gaz a un rôle essentiel puisque 8,5 millions de chaudières à gaz chauffent actuellement les logements dans le résidentiel. Sur ces 8,5 millions de chaudières, à peine 25 % sont à condensation, ce qui constitue un potentiel énorme d'économies et de réduction des émissions de gaz à effet de serre par le simple renouvellement d'appareils. Voilà nos convictions sur l'avenir du gaz naturel.

Les objections qui nous sont régulièrement lancées comprennent le problème du coût de production de biométhane, qui se situe aujourd'hui aux environs de 95 €/MWh en moyenne en fonction de la nature des exploitations, soit bien au-delà du prix du gaz naturel aujourd'hui. Mais pour reprendre ce que disait Patrick Corbin, comparons ce qui est comparable et de la même manière, il est également tout à fait en deçà des premiers chiffres de 700 €/MWh pour les premiers KWh électriques photovoltaïques d'il y a une petite dizaine d'années. Là aussi, l'objectif extrêmement drastique de réduction des coûts à l'horizon 2023 à hauteur de 67 €/MWh fixé par la PPE nous paraît extrêmement dangereux et de nature à décourager une filière émergente et qui commence à peine à se développer, avant même de trouver son régime de croisière, sachant que la filière biométhane s'est de toute façon engagée à atteindre un objectif d'environ 67 à 68 €/MWh mais à l'horizon 2028, avec une baisse régulière de ces coûts. À ma connaissance, ce chiffre de 67 à 68 €/MWh nous paraît tout à fait compatible avec le coût d'autres énergies, qu'il s'agisse des énergies renouvelables électriques, du nucléaire ancien rénové ou du nouveau nucléaire.

L'autre point qui nous paraît important et qui est souvent cité lorsque l'on parle du gaz renouvelable est la logique des externalités positives : le gaz renouvelable, et notamment la méthanisation, n'est pas une simple source d'énergie mais présente toute une série d'externalités positives sur lesquelles un vaste chantier est actuellement mené dans le cadre du comité stratégique de filière pour identifier, quantifier et monétiser ces externalités positives au-delà des grands discours tels qu'on les pratique depuis quelques mois. Si cela ne vous a pas déjà été proposé, nous pourrons vous transmettre une première partie de l'étude qui sous-tend cette réflexion du comité stratégique de filière.

Je parlais tout à l'heure d'identifier ces externalités positives ; aujourd'hui, elles sont regroupées en trois grandes catégories :

- les externalités liées aux enjeux énergie et déchets ;

- les externalités liées aux enjeux pratiques agricoles ;

- les externalités liées aux enjeux activités économiques.

Je ne rentrerai pas dans le détail mais pour vous donner un ordre d'idée, la première partie liée aux enjeux énergie et déchets concerne toute la problématique de la diminution des émissions de gaz à effet de serre et sa valorisation, la production d'une EnR qui présente le double intérêt d'être non variable et stockable, qui contribue, comme le rappelait Patrick Corbin, à l'indépendance énergétique de la France et qui permet de valoriser les actifs, les infrastructures gazières existantes depuis de nombreuses années, ainsi que l'évolution vers une économie circulaire dans les territoires.

Les enjeux de pratiques agricoles portent quant à eux sur l'impact positif progressif du développement des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) pour l'agriculture intensive et sur la diminution du recours aux engrais minéraux, remplacés progressivement par les digestats, de la pollution des eaux et des odeurs, grâce au remplacement de l'épandage des lisiers et fumiers par le digestat, nettement moins malodorant.

Les externalités concernant l'activité économique correspondent à la création de valeur ajoutée pour le pays et d'emplois locaux et à la contribution à l'augmentation du revenu pour les agriculteurs en complément de leurs revenus tirés de leur métier de base.

L'une des difficultés au niveau du comité stratégique de filière réside dans le fait que ces externalités ne peuvent pas venir directement en déduction du coût de production du KWh et du MWh de biométhane car les bénéficiaires sont différents : il peut s'agir tantôt de l'État, par exemple au niveau d'un certain nombre de gains sur la partie énergétique, tantôt du consommateur final, tantôt des producteurs de biodéchets au niveau du traitement des déchets, tantôt des agriculteurs. Tout ce travail est en cours et doit normalement aboutir, soit fin juin, soit début septembre.

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Merci Monsieur le président pour cette présentation. Je cède la parole à Mme le rapporteur pour les premières questions.

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Merci beaucoup. Entre le projet énergie-climat et nos échanges ici, on ne se quitte plus.

Je voudrais d'abord, si vous en êtes d'accord, revenir sur votre tentative échouée de comptabilisation des points sur l'efficacité énergétique. Vous avez essayé d'additionner tous les éléments portant sur l'efficacité énergétique mais je n'ai pas très bien compris si vous vous référiez aux budgets uniquement alloués à cet objectif ou aux résultats et, le cas échéant ce que vous aviez compilé pour essayer d'arriver à votre évaluation.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

De nombreuses mesures portent sur l'efficacité énergétique, dont la mesure des certificats d'économie d'énergie, qui est en fait une charge pour les fournisseurs. Aujourd'hui, les certificats d'économie d'énergie s'achètent aux alentours de 8 à 9 €/KWh CUMAC. Bien entendu, ces fournisseurs d'énergie répercutent ceci sur la facture du client. Une évaluation à la grosse nous montre que chaque année, entre 3 et 4 milliards sont payés par les consommateurs pour soutenir des actions d'efficacité énergétique. Une fois de plus, je ne mettrai pas ma main sur le billot sur ces chiffres. En face de ces 3 à 4 milliards, je ne sais pas très bien quelle est la réalité des mesures d'efficacité énergétique qui ont été réalisées. Les a-t-on évaluées ex-post ? Il faut ajouter à cela les aides de l'ANAH, sachant que certaines aides sont plus ou moins des aides à la précarité énergétique tandis que d'autres ne le sont pas. Quelle est la part de celles que l'on considère comme des vraies aides de type efficacité énergétique et celles qui sont de type aide aux plus pauvres ? En tant qu'AFG, nous sommes prêts à contribuer, avec l'Assemblée nationale, le Sénat ou d'autres, à essayer de procéder à cette évaluation. Nous estimons qu'entre 7 et 10 milliards sont mis dans la machine.

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Pouvez-vous nous donner la décomposition de ces 7 à 10 milliards ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

3 milliards sur le C2E précarité énergétique, les aides de l'ANAH, le CITE… Sur le CAS TE, nous avons les mêmes chiffres, il suffit de lire, c'est facile, alors que là, vous et moi n'avons pas les mêmes chiffres et le pire est que nous ne connaissons pas l'efficacité du système réel. On dit que 200 000 logements sont rénovés chaque année mais la rénovation a-t-elle été efficace ? C'est un autre débat. Tout ceci mérite évaluation.

Sur ce sujet, nos voisins européens sont un peu plus dans l'évaluation ex-post et nous aurions un progrès à faire ensemble pour que l'argent public ou dépensé par les Français soit utilisé au mieux. C'est la logique sur laquelle nous nous basons en tant que gazier.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Cela fait écho à un échange que nous avons déjà eu. Un des problèmes que je rencontre actuellement vis-à-vis de la rénovation énergétique et dont personne, et surtout pas Coenove, ne discute l'enjeu extrêmement important aujourd'hui, concerne le pilotage d'indicateurs des résultats.

Nous avions déjà échangé sur le sujet ; actuellement, nous ignorons totalement où nous en sommes et à quoi les 200 000 logements dont nous parlons correspondent véritablement. L'enquête TREMI réalisée par l'ADEME montrait qu'une foultitude de gestes dits de « rénovation énergétique » était réalisée chaque année mais que sur cette foultitude, seulement 75 % se concrétisaient, avec un gain d'une classe énergétique. Aujourd'hui, pour l'ensemble des acteurs, il est très difficile de progresser à partir du moment où le thermomètre n'est pas du tout fiable. Il existe un vrai chantier de fiabilisation des indicateurs permettant d'apprécier la réussite, que ce soit en termes de quantité ou de qualité des opérations de rénovation énergétique.

M. Patrick Corbin. Ce ne sera qu'en agglomérant un certain nombre de personnes autour d'une table que nous approcherons la vérité.

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Vous prêchez une convaincue, autant sur la nécessité de coconstruction de tous les acteurs publics ou privés que des dispositifs entre les différents ministères. Tout le monde doit travailler collégialement sur ces sujets. Sur la rénovation énergétique, nous pouvons et nous allons faire mieux.

On entend certains discours sur le gaz selon lesquels, grosso modo, toute la partie sur les charges globales en termes d'énergie proviendra de l'électrique mais le gaz aura sa place, surtout sur la pointe. Êtes-vous d'accord avec cette analyse ?

M. Patrick Corbin. Aujourd'hui, en période d'hiver, l'énergie est en pointe, produite à partir de gaz et/ou importée. La France n'est pas une île électrique mais est connectée à ses voisins européens. C'est ce qui nous amène d'ailleurs à une des difficultés sur la RE 2020 : en période de chauffage, nous considérons que l'électricité produite est carbonée. Elle est carbonée si elle est produite en France, car on fait tourner les centrales à combustion à gaz, et si on l'importe. Elle le sera encore plus demain, sans doute avec moins de charbon mais plus de gaz. Un principe extrêmement basique pour les gaziers est qu'il vaut toujours mieux utiliser l'énergie au plus près de son usage final. Si quelqu'un dans cette assemblée me disait un jour : « Ce n'est pas grave si la pointe monte, vous construirez les centrales à gaz et vous serez contents, vous vendrez du gaz pour faire tourner des centrales à gaz pour produire de l'électricité. », je répondrais par la négative car nous estimons que ce n'est pas du bon usage du gaz dans ce cas.

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Par conséquent, vous êtes assez d'accord pour dire que progressivement, le gaz sera de moins en moins utilisé pour la base et de plus en plus pour la pointe. Cela rejoint mon propos d'aller vers une dynamique qui réserverait progressivement le gaz à la pointe et de moins en moins à la charge continue.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Ce que vous dites est déjà une réalité. Quand du nucléaire est disponible, il coûte moins cher que de faire tourner une centrale à gaz. Dans le merit order comme disent les Anglo-Saxons, le nucléaire arrive avant le gaz lorsqu'il est disponible, et tout ce qui est renouvelable arrive en premier. Lorsque ces moyens renouvelables et ce nucléaire sont disponibles, on ne fait pas tourner le gaz. Cependant, il ne faut pas aller jusqu'à dire que le gaz est uniquement en pointe. Les turbines à combustion en 2017 par exemple ont fonctionné entre 3 000 et 4 000 heures. Or une année compte 8 700 heures. C'est une pointe qui a une base assez large, un peu plus que la durée de chauffage en France.

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J'ai une question complémentaire qui revient sur les propos de M. Aulagne, sur la nécessité ou non de réviser ce coefficient d'énergie primaire. N'aurions-nous pas intérêt à distinguer les problématiques du neuf des problématiques de la rénovation ? Dans la mesure où on construit aujourd'hui des BBC qui demandent assez peu de chauffage, l'électrique ponctuel pourrait-il suffire ? On pourrait le penser. De l'autre côté, sur la partie rénovation comme vous l'avez dit, toute une partie des ménages se chauffe au gaz. Dans ces ménages déjà installés, on pourrait plutôt avoir un accompagnement de l'amélioration du chauffage au gaz mais pas forcément un basculement vers des énergies électriques. Est-ce qu'on ne se trouble pas un peu le cerveau en essayant de faire à la fois le neuf et la rénovation ?

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

C'est une question intéressante. Tout le monde a été un peu surpris, voire sonné, de la brutalité de l'annonce du projet de l'administration pour baisser le PEF (coefficient d'énergie primaire), sans d'ailleurs beaucoup de distinction entre neuf et existant. C'est une question importante qui mérite une vraie réflexion et non pas un oukase qui tombe de l'administration.

Si je donne ma réflexion personnelle sur ce sujet, il faut d'abord voir que le PEF n'est pas un indicateur que l'on manie mais une réalité physique de performance de la chaîne de transformation de l'énergie pour arriver à produire 1 kWh d'électricité chez le client final. Il faut bien distinguer neuf et existant ; la segmentation n'est pas forcément suffisante. Il faut aussi faire la distinction entre collectif et maisons individuelles. Si on commence à rentrer dans la segmentation, on peut aller très loin, surtout si on croise cela avec des critères de meilleure adaptation de la solution par rapport à la situation concernée. À cet égard, quand on parle des usages, dans toutes les pages de la PPE, on parle de pompes à chaleur. Or aujourd'hui on voit très peu de pompes à chaleur dans le domaine collectif et quand on discute avec les fabricants et qu'on regarde ce qui se passe dans d'autres pays, on se rend compte que ce n'est pas dans ce créneau que se développe véritablement la pompe à chaleur. La solution, le traitement de la question énergétique dans le secteur collectif ne consiste pas forcément à faire en sorte, en maniant le PEF de manière discutable, de favoriser le retour du convecteur électrique dans les logements collectifs.

Par rapport à votre question, c'est une voie qui peut être intéressante mais qui demande d'être creusée car d'un autre côté, il ne faut pas non plus complexifier la situation en distinguant le neuf de la rénovation. Je vous rappelle qu'il y a quelques années, dans les réglementations thermiques dans le neuf, certains engagements étaient déjà différents entre des objectifs sur les logements chauffés à l'électrique et ceux chauffés au gaz, qui constituaient une certaine manière de traiter le problème du PEF entre les deux.

Je rebondis sur la question précédente. Votre échange a surtout porté sur la production (base, pointe…). Pour revenir aux usages, nous les observons de près et nous sommes en train de travailler sur une étude qui va sortir dans les jours ou les semaines qui viennent pour regarder la pertinence des solutions hybrides, des chaudières hybrides, avec une partie chaudière avec une petite pompe à chaleur permettant justement de tirer le meilleur parti de chacune des technologies en fonction des besoins et par exemple de la température extérieure, puisque comme chacun sait, lorsque la température extérieure baisse, le coefficient de performance de la PAC n'est pas au même niveau qu'en mi-saison.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Je souhaiterais apporter un complément sur le projet de RE 2020 et sur la partie du neuf, avec ce fameux coefficient d'énergie primaire qui excite un peu les foules à l'heure actuelle. En tant qu'AFG, nous sommes contre le projet tel qu'il est aujourd'hui pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'avec ce coefficient d'énergie primaire, au-delà de s'affranchir de quelques règles européennes, on permet le retour du chauffage par effet Joule, donc du radiateur. Qu'on le veuille ou non, il n'est pas performant. Je n'ai rien contre les pompes à chaleur électriques performantes, je dis bien les pompes à chaleur électriques performantes, mais je suis contre les radiateurs électriques, le chauffage par effet Joule car je pense qu'à l'usage, ce ne sera pas bon pour le porte-monnaie des Français. Je commence à avoir un peu d'âge, j'ai vécu dans le domaine énergétique et j'ai vu les efforts considérables qu'il a fallu déployer avec tous les systèmes de chauffage électrique anciens, même si les maisons de demain seront mieux isolées que les anciennes.

Ce n'est pas bon non plus car, qu'on le veuille ou non, un chauffage par effet Joule crée de la pointe. Si aujourd'hui, par rapport à la situation actuelle, on bascule tous les logements neufs en électrique et avec de l'effet Joule, l'effet pointe sera de l'ordre de 400 à 700 MW par an en plus.

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Les objectifs de la RE 2020 sont de parvenir à des bâtiments d'une performance énergétique qui fait que c'est quasiment l'humain à l'intérieur du bâtiment qui le chauffe, nous y sommes presque. Certes, l'effet Joule est la moins bonne façon de se chauffer, nous sommes d'accord, mais quand on a si peu besoin de se chauffer, les bâtiments neufs étant à énergie positive ou passive, on peut même se demander si un modèle de chauffage est nécessaire. Si on sépare le sujet de la rénovation du sujet du neuf, votre cœur de sujet est dans la rénovation et non pas dans les coefficients qu'on applique au neuf. Ce qui vous inquiète, c'est qu'en faisant cela, on a une influence sur les DPE (diagnostic de performance énergétique).

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Non. Le risque pour nous, si on va très loin, c'est la disparition du gaz de la construction neuve. Ce que nous estimons néfaste, c'est qu'à la fois la filière gaz et l'ensemble des consommateurs n'aient plus aucun choix en matière énergétique. Par rapport à ce que vous disiez sur les bâtiments d'aujourd'hui et le fait qu'en 2020, ce serait quasiment l'humain qui les chaufferait, nous n'en sommes pas là pour l'instant. Les normes de la RT 2012 correspondent à 50 kWh par énergie primaire par an et par m² sur cinq usages hors usage captif de l'électricité. Une baisse du PEF dans la construction neuve associée à une baisse du coefficient de la consommation cible peut se regarder d'un peu plus près car dans ce cas, on va effectivement se rapprocher de logements qui ont très peu besoin de chauffage, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui, même si de gros progrès ont été faits dans les bâtiments de type RT 2012.

Il faut absolument accompagner toutes les réflexions sur la baisse du PEF pour éviter un effet pervers du retour du convecteur électrique.

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Pourriez-vous compléter vos propos selon lesquels cela va à l'encontre de la directive européenne ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Le règlement européen prévoit que le coefficient d'énergie primaire doit être calculé sur le bilan électrique actuel de production du pays. En proposant de retenir l'année 2035, on améliore automatiquement le système puisqu'on fait tomber le nucléaire à 50 % et qu'on le remplace par du renouvelable. Le nucléaire a un coefficient 3 et le renouvelable a un coefficient 1. La mécanique était facile à comprendre.

Sur cette volonté de revenir à des radiateurs à effet Joule, à ma connaissance, nous allons sans doute, une fois de plus, être un peu les seuls en Europe à faire cela. Dans les autres pays européens, ils utilisent de l'électricité pour le chauffage mais au moyen de pompes à chaleur. Dans des pays comme l'Allemagne et la Suisse par exemple, ces pompes à chaleur sont très performantes car elles puisent l'énergie dans le sol, ce qui ne crée pas d'effet pointe car un pays comme l'Allemagne est extrêmement rigoureux sur ces contraintes réseau qui lui sont propres en termes de distribution d'électricité.

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J'ai une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Vous avez parlé des externalités par rapport au biométhane. Vaudrait-il mieux travailler sur la prise en compte de ces externalités positives afin qu'elles viennent en déduction des coûts de production ou aurions-nous davantage intérêt à les soutenir sous forme de subventions ? Quelle méthode préféreriez-vous ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Le biométhane est une technologie servant à produire du gaz en phase d'industrialisation. Sur la première période, je pense qu'on ne peut pas changer les règles du jeu et qu'il faut conserver les tarifs de rachat. Si on change trop les règles du jeu, on va faire exploser la filière. En revanche, chaque année des sommes d'argent sont prévues dans le CAS TE pour soutenir les renouvelables électriques et/ou les renouvelables gaz. Pourquoi ne pas créer une autre allocation selon les coûts d'abattement du CO2 entre le renouvelable électrique et le renouvelable gaz à budget constant ?

Le CAS TE est de l'ordre de 5,2 à 5,4 milliards pour l'année 2019. Dans ce CAS TE, la majeure partie des sommes est dédiée au renouvelable électrique et il n'est prévu pour l'injection de biométhane que 132 millions d'euros (si je lis bien mes fiches). Je sais que sur ce soutien au renouvelable électrique, on « paie la facture du passé » mais on paie aussi la facture des décisions actuelles. Concernant les décisions futures, qu'elles portent sur le biométhane ou sur l'électrique, la DGEC a prévu des trajectoires. À budget constant, entre le soutien au renouvelable électrique et le soutien au renouvelable gaz, n'existe-il pas une autre allocation plus favorable au biométhane avec l'argument que je donnais tout à l'heure, qui consiste à dire que lorsqu'on injecte 1 TWh de biométhane, il correspond à 1 TWh de gaz naturel qui n'est pas importé, d'où une réduction de CO2 d'autant, alors qu'en injectant de l'éolien terrestre sur le réseau, on est presque sûr que cela va réduire une production nucléaire déjà décarbonée ? C'est toute l'idée de ne pas juger les renouvelables de demain par rapport à l'écart entre le prix de rachat et le prix du marché mais par rapport à ce qu'elles apportent en termes de réduction des émissions de CO2.

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Si vous avez terminé vos réponses, je propose de céder la parole à Mme Auconie.

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Merci Monsieur le président. Messieurs, merci pour ces interventions éclairantes. J'aurai deux questions en complément de celles qui ont été posées. Je mesure la différence, en termes d'implantation d'unités de méthanisation par exemple, entre la France et un certain nombre d'États membres de l'Union européenne, soit, sauf erreur de ma part, quelques centaines en France et plusieurs milliers dans d'autres États membres. À votre avis, quelle est la raison pour laquelle nous n'arrivons pas en France à aller à un rythme plus soutenu d'implantation des unités de méthanisation (même si cela s'est visiblement amélioré) ?

Deuxième sujet : l'unité de méthanisation qui produit du gaz est pour moi un excellent outil puisqu'elle participe à gérer la problématique des déchets et transforme un déchet en ressource, ce qui est excellent dans le cadre de l'économie circulaire. Ceci étant dit, le digestat, qui est un sous-produit, est-il réellement stabilisé ? Un certain nombre des citoyens que nous rencontrons sur nos territoires est inquiet quant à la nature du digestat, y compris quand il n'inclut pas de boue d'épuration.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Je vais essayer de répondre à votre première question sur le développement du biométhane en France et à l'étranger. À ma connaissance en Europe, un pays en a produit beaucoup plus : l'Allemagne. Aujourd'hui, la capacité de production de la France est d'un peu plus de 1 TWh avec une centaine d'installations, contre plus de 30 TWh de production de biométhane en Allemagne. La vraie différence est extrêmement simple : la France a fait le choix, que nous acceptons complètement en tant que gazier, de ne pas utiliser de culture énergétique dédiée. Les Allemands ont fait un choix extrêmement simple en couvrant les fermes de maïs à titre principal. Au lieu que les fermes produisent du blé et du maïs pour nourrir l'homme et les animaux, seul du maïs est produit, puis coupé, ensilé et mis dans un tas pour fabriquer du biométhane. C'est une manière extrêmement simple de produire du biométhane. Les Allemands l'ont fait mais ont arrêté suite à des oppositions assez fortes dans leur pays, dû à la compétition entre l'usage énergétique et l'usage alimentaire. La France a fait un choix que nous respectons totalement. Forcément, nous nous déploierons moins vite car la rentabilité avec le maïs, qui pouvait se déployer à toute vitesse, était fantastique. Dans des régions comme le Sud-ouest, des méthaniseurs auraient été installés dans chaque canton.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

La conséquence de ce que vient de dire Patrick Corbin est que le choix français complexifie la gestion, la quantité et la qualité des intrants permettant de faire fonctionner les méthaniseurs, ce qui explique un peu ce « retard à l'allumage » et la nécessité de bien avancer dans cette gestion des intrants sans pénaliser les agriculteurs sur ces sujets.

Quant à savoir si le digestat est réellement stabilisé, je dirais que pour l'instant, un certain nombre de craintes ont été émises. Des études sont menées, notamment par l'Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France, pour montrer la stabilisation de ce digestat et l'aspect intéressant de son utilisation après méthanisation. Tant qu'on n'a pas véritablement, d'une part, de résultats d'études et, d'autre part, la prise en compte de cette évolution dans la réglementation, les doutes peuvent subsister, mais comme toutes filières émergentes, on entend un certain nombre de craintes et de doutes, sur lesquels nous travaillons.

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Étant donné que je participe au printemps d'évaluation sur les cohésions des territoires, un vrai sujet lorsqu'on parle d'énergie, je suis obligée de partir maintenant et ne pourrai donc pas assister à la seconde partie. J'en suis vraiment désolée.

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Je vous prie de m'excuser de mon retard. Je voudrais approfondir ce que vous avez dit. Peut-être n'avons-nous pas les bons indicateurs pour faire les bons choix dans des trajectoires d'énergies renouvelables répondant à plusieurs enjeux et non pas un seul. Aujourd'hui, l'enjeu très visible est la question du changement climatique et de la montée du CO2 dans la concentration atmosphérique mais nous avons beaucoup d'autres enjeux : la consommation de ressources, des enjeux de territoires, des enjeux agricoles.

Vous avez expliqué que l'Allemagne a pu faire un choix à un certain moment, ce qui a également créé une économie ancrée dans des territoires avec une visibilité sur 10 ou 20 ans d'engagement public susceptible de consolider un secteur agricole qui pourrait être fragilisé tout comme peut l'être le secteur agricole français dans beaucoup de territoires. Avez-vous travaillé sur la possibilité de donner aux décideurs publics d'autres indicateurs que celui, aujourd'hui, des énergies renouvelables et notamment électriques ? Vous avez tout à l'heure abordé la question du CO2, j'aurais aimé qu'elle soit approfondie. Vous avez donné des chiffres de l'aide publique. Peut-être pourrions-nous nous orienter vers des solutions bien plus ancrées dans les territoires. Un méthaniseur ira distribuer très loin de la richesse. On peut aller jusqu'à la station d'épuration, la petite PME, la petite laiterie du coin, tout ce qui génère de la matière organique qui peut être réinjectée, même au supermarché. Je connais des supermarchés qui trouvent leur capacité à évacuer leurs invendus grâce à un méthaniseur à proximité. La valorisation de tous les déchets verts de tous types est bien meilleure.

Il n'y a pas que le biométhane en perspective, mais aussi la reconstruction du CH4 par le Power-to-Gas et la perspective sur les microalgues. J'ai rencontré du côté de Fos-sur-Mer des acteurs qui ont de l'espoir pour la décennie 2030 mais qui ont besoin d'engagements, notamment autour du projet Vasco 2.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Sur le premier point, je suis entièrement d'accord avec vous. Étant moi-même fils d'agriculteur, je vois très bien ce que la méthanisation peut apporter localement. En tant qu'association gazière et avec les principaux membres (EDF, Total, ENGIE…), nous allons travailler sur ce nous appelons les coûts d'abattement du CO2 en réponse au rapport Quinet du mois de février. Nous allons essayer d'analyser toute mesure quelle qu'elle soit. Par exemple, si on remplace une chaudière non performante par une chaudière performante, quel est son impact CO2 et quel est le coût des C2E dans le simulateur de rénovation ? Ainsi, nous essaierons d'indiquer sur une grille toutes les mesures pour voir lesquelles sont les plus pertinentes en termes de coûts d'abattement du CO2, et ce pour un grand nombre de mesures sur l'efficacité énergétique et pour le renouvelable. Nous espérons apporter des éléments d'ici la fin de l'année. Or cela traitera uniquement du CO2. D'autres éléments participeront de votre décision publique, par exemple l'aménagement du territoire, sur lequel j'aurais du mal à donner un chiffre. Nous essaierons d'y contribuer.

Sur le sujet CH4, méthanation et hydrogène, comme je l'ai dit en introduction, nous avons décidé, à l'instigation de nos membres, de l'inclure dans la palette de l'AFG, en particulier l'hydrogène. Notre conviction aujourd'hui est qu'il faut travailler sur ces technologies. Or elles sont loin du marché. Ce que nous souhaitons éviter, c'est qu'on veuille absolument l'hydrogène et qu'on ne fasse rien tant qu'on ne l'a pas. Nous trouvons cela terrible. Pour vous donner un exemple, une commande publique d'un bateau dont je tairai le nom a été passée récemment, et c'était fioul ou hydrogène. Ils sont repartis au fioul avec un bateau neuf, ce qui est un peu gênant car il y avait une solution gaz intermédiaire mais la solution hydrogène n'était pas suffisamment fiable, aboutie et mature. Nous ne voudrions pas que l'hydrogène empêche de faire. La transition énergétique sera un marathon et les derniers kilomètres de ce marathon vont coûter cher. La neutralité carbone coûte cher. Les derniers térawatt-heures à gagner vont coûter cher. D'ailleurs, l'Allemagne a publié ce matin un projet de document indiquant qu'elle ne va pas vers la neutralité carbone. Elle écrit ostensiblement « réduction des émissions de 85 % ».

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Pour compléter, dans la vision du développement des gaz renouvelables entre aujourd'hui et 2050, la première cible très claire pour nous à 2030 est 95 % de méthanisation et post 2010-2035, l'arrivée du Power-to-Gas de manière plus mature, de la pyrogazéification et des microalgues. Or l'idée est d'arriver à ancrer cette progressivité aujourd'hui pour aller à fond sur la méthanisation. Dans le même temps, des démonstrateurs à Fos-sur-Mer sont en construction, notamment avec le projet Jupiter 1000 sur la partie Power-to-Gas, pour commencer à préparer l'après-2030 avec d'autres formes de gaz renouvelable ; c'est bien la somme des trois.

Pour compléter votre première question sur d'autres indicateurs, cela revient un peu à ce que j'ai dit tout à l'heure sur les externalités positives et toutes les études en cours avec le comité stratégique de filière pour identifier et quantifier les différentes formes d'externalités positives qui sont vues aussi bien du côté nation ou État en termes de politique de réduction d'émissions de gaz à effet de serre que du côté pratique agricole, du côté emplois locaux… une multitude d'indicateurs vont bien au-delà du simple aspect énergétique, qui n'est pas négligeable puisqu'il s'agit d'une EnR stockable et non variable.

La difficulté est qu'aujourd'hui, les travaux en cours doivent déjà commencer à identifier les bénéficiaires potentiels de ces externalités positives (l'État au niveau des enjeux énergétiques, les agriculteurs, les entreprises de traitement de déchets et les consommateurs finaux) et voir ensuite comment ils s'y retrouvent. Cela me permet de répondre à la question de Mme la rapporteure sur les éventuelles subventions par rapport à ces externalités positives. Pour l'instant, il y a une nécessité d'y voir plus clair sur les différents types d'externalités positives pour ensuite trouver la meilleure manière de les utiliser, qui peut résider dans des subventions mais pas uniquement étant donné que l'activité même du biométhane va donner lieu à rémunération.

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J'ai oublié de poser une question sur les infrastructures. Le réseau de gaz est un réseau construit sur un siècle et qui peut durer un millénaire, voire plus suivant l'entretien, et qui doit faire partie de la réflexion dans les arbitrages. Comment abordez-vous cela ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Je crois que GRDF et GRTgaz ont été auditionnés. Je ne sais pas si cette question leur a été posée mais je sais qu'ils ont évalué les coûts dits de raccordement des EnR de type biométhane au réseau. Ces coûts sont tout à fait raisonnables, de l'ordre de 3 % des coûts de réseau, sachant que le réseau principal ne pose pas de problème puisque la consommation globale de gaz a plutôt vocation à se réduire. Cet afflux de biométhane se substituera à du gaz importé.

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S'agissant des infrastructures, il est question d'un investissement du passé.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Si on retient le scénario dit premier SNBC2050 d'avril 2018, où seulement 100 TWh circulaient dans les réseaux de gaz, quand la DGEC a écrit 100 TWh, elle aurait pu indiquer 0 car de toute façon, le réseau est une machine à coût fixe. Aujourd'hui, on transporte 500 TWh. Qu'on en transporte 500 ou 100, les coûts fixes sont à peu près les mêmes. On disqualifie donc très vite par les coûts les clients qui restent au gaz et on arrive à des coûts échoués de réseau. Si on va vers une électrification extrêmement massive, les coûts échoués des réseaux pèseront à un moment dans la balance.

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Vous avez mentionné le chiffre de 7 à 10 milliards concernant l'efficacité énergétique. Une fourchette à 3 milliards d'euros, ce n'est pas rien. Comment expliquez-vous, alors qu'il y a des jaunes budgétaires, des verts budgétaires (nous avons d'ailleurs reçu ici la direction du Budget, qui a été dans l'incapacité de fournir des chiffres complets), alors qu'on parle tout le temps de transition énergétique et qu'on demande des chiffres assez simples, qu'on ne puisse pas avoir de chiffre précis ? Nous avons obtenu la prévision du CITE et du C2E. Cela vient-il de l'ANAH ? Expliquez-moi votre point de vue.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Pour les C2E, la CRE a calculé un chiffre uniquement pour les fournisseurs historiques car elle a dû l'intégrer à sa proposition d'évaluation des tarifs réglementés de vente de gaz ou d'électricité. Quand Total ou d'autres font des offres de gaz ou d'électricité à leurs clients, ils ne communiquent à personne (ce qui est normal) le montant qu'ils investissent au titre de l'achat des C2E. Je ne dispose pas de ces chiffres car ils entrent dans le cadre des offres commerciales des fournisseurs.

J'avoue que ma fourchette est sans doute très large et je ne suis même pas très sûr de ses deux bornes mais dans les aides de l'ANAH, où se situe la frontière entre ce que l'on considère comme une aide ANAH de type efficacité énergétique et une aide ANAH de type soutien à la précarité ? J'ignore dans quelle colonne on place les C2E précarité énergétique. Je ne détiens pas la vérité sur ces sujets, loin de là, et j'ai envie de dire que personne ne la détient. Pour aller dans le sens de Mme la rapporteuse, je pense que c'est en se mettant ensemble et en essayant de construire quelque chose de manière collégiale que nous arriverons à mettre une évaluation sur la table. Très honnêtement, c'est ce que nous appelons de nos vœux depuis un certain temps.

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Vous avez affirmé ensuite qu'au niveau du cycle de vie, un véhicule au bioGNV était aussi bon qu'un véhicule électrique.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

J'ai même osé ajouter qu'en analyse du cycle de vie CO2, un véhicule au bioGNV est aussi bon qu'un véhicule électrique avec de l'électricité décarbonée, soit de type renouvelable ou nucléaire.

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Sur quels critères vous basez-vous pour l'affirmer ? Avez-vous réalisé ou payé une étude ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Non. Nous avons pris les études faites par les Allemands sur le sujet.

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Ces études ont donc été réalisées avec un véhicule électrique… ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Non, ils ont fait plusieurs études avec ce qu'ils appelaient le mix européen, le mix américain, le pur renouvelable allemand et le mix français. Pour tout vous dire, cette étude a été financée par le groupe Volkswagen.

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Volkswagen est-il intéressé par la commercialisation de voitures en bioGNV ? Volkswagen construit-il des voitures électriques ? Quelle est sa politique dans ce domaine ? Vous comprenez que lorsqu'un opérateur privé paie une étude pour prouver quelque chose, ce n'est pas comme si c'était l'État allemand qui faisait l'étude. C'est un opérateur qui a des intérêts.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Je comprends parfaitement ce que vous dites. Je dirai simplement qu'un certain nombre de constructeurs automobiles se sont quand même largement inquiétés de considérer que ce schéma était la réalité. Je ne sais pas si vous voyez ce schéma. Il montre dans la partie supérieure une voiture au diesel avec la légende « I am so dirty », et en bas une autre voiture « I feel so clean » alimentée par une centrale. Les constructeurs automobiles n'avaient pas le choix.

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Je comprends mais vous me parlez de constructeurs automobiles qui ont été pris la main dans le sac pour avoir faussé les données sur les émissions de particules. Par conséquent, je m'interroge sur l'origine de vos études. Nous serions d'ailleurs ravis d'en avoir une copie. Existe-il des études qui ne proviennent pas d'acteurs industriels ? Je ne dis pas qu'un acteur industriel, quand il fait une étude, la truque. Néanmoins, c'est différent si la fédération des boulangers de France nous explique que le pain français est meilleur que le pain industriel ou si c'est le ministère de l'Économie qui fait une étude. On ne peut pas pondérer de la même manière.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

À ce sujet, je peux vous dire que nous avons commandité à l'IFPEN une étude pour comparer les véhicules bioGNV et les véhicules électriques en analyse cycle de vie, une étude un peu sophistiquée car l'IFP compare les véhicules électriques avec de petites batteries et des autonomies de l'ordre de 100 km et des véhicules avec de grosses batteries et une autonomie accrue.

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Disposez-vous de cette étude ou sera-t-elle rendue bientôt ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Nous devrions la rendre à l'automne.

Permettez-moi d'insister. Je ne vais pas rentrer dans le débat quant à savoir si ces constructeurs ont triché ou pas, là n'est pas mon propos, mais les constructeurs automobiles européens n'ont pas d'autre choix aujourd'hui que de faire du véhicule électrique car la réglementation considère que l'électricité, quelle que soit la manière dont elle a été produite, est propre par nature et s'ils ne respectent pas la fameuse réglementation européenne, ils ont des amendes totalement insupportables lorsqu'ils dépassent le seuil des 95 grammes. Nous militons d'ailleurs très fortement à Bruxelles depuis 3 ou 4 ans pour faire changer cela. Nous venons d'observer un début de changement : Bruxelles a commencé à écrire dans un règlement qu'à partir de 2023, il faudra prendre beaucoup plus en compte les analyses du cycle de vie en matière de mobilité.

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Comme j'ai beaucoup de questions, je vous propose de faire des réponses courtes.

Comment expliquez-vous, alors que cela paraît évident, que la Commission européenne mette autant de temps à changer de braquet ? S'agit-il d'une lourdeur administrative propre à cet organisme ou de l'action de lobbies qui poussent l'électrification du véhicule à tous les niveaux, ce qui implique des intérêts trop forts, auquel cas, même si ce n'est pas « bon pour la planète », on fait comme si ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Je n'ai pas de réponse à votre question, sauf à dire peut-être qu'au niveau de la Commission européenne, on a voulu séparer les variables avec d'un côté une mobilité propre et de l'autre une politique de décarbonation de la production d'électricité.

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Sur la mobilité, vous pointez que si on avait uniquement un parc nucléaire et une mobilité électrique, il n'y aurait pas de sujet carbone.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Je n'ai aucun souci avec le véhicule électrique sur le plan du CO2. Pour le reste : où sont fabriquées les batteries, où est la valeur ajoutée du véhicule, quel est l'impact sur les voies… c'est un autre débat.

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Pour être clair, le sujet CO2 pour vous se pose à partir du moment où il implique des énergies renouvelables intermittentes électriques car elles peuvent être adossées sur des centrales thermiques.

Vous avez introduit un point intéressant. Sur la mobilité, c'est un peu aléatoire. En revanche, sur le chauffage, c'est plus facilement prévisible. On peut légitimement affirmer qu'en hiver, de nuit, on n'est pas sur du solaire. À la pointe, vous avez votre nucléaire et si vous avez l'éolien, vous faites de l'éolien mais vous aurez peut-être d'autres sources, notamment les centrales thermiques, c'est bien ce que vous avez dit.

M. Patrick Corbin. Si je peux me permettre de revenir sur le point précédent, nous avons trouvé le wording du dernier règlement bruxellois. Je vais vous le donner :

Il est important d'évaluer l'ensemble des émissions produites tout au long du cycle de vie des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers au niveau de l'Union. À cette fin, la Commission devrait, au plus tard en 2023 […].

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Je voudrais aborder un sujet plus simple et nous terminerons par le sujet le plus compliqué. Vous avez dit, concernant le biométhane, qu'on pourrait envisager une autre allocation du CAS transition énergétique suivant les coûts d'abattement du CO2 à budget constant, ce qui a attiré mon attention puisque je suis rapporteur spécial sur ce fameux CAS. Si je comprends bien, ce que vous pointez n'est pas un appel d'offres. Est-ce un tarif de rachat avec priorité à ceux qui émettent le moins de CO2, qui font économiser le plus de CO2 ou un appel d'offres qui se ferait non pas sur le coût de revient mais sur le CO2 évité ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Aujourd'hui, dans la trajectoire de la PPE, la DGEC a prévu d'allouer tant de milliards d'euros pour le soutien au renouvelable électrique. Sa trajectoire court jusqu'en 2028, fin de la PPE. De la même manière, elle a prévu une somme pour le biométhane. Ce que nous disons, c'est que ces trajectoires existent. Nous comprenons les contraintes budgétaires de ce pays. Mettons ces deux sommes ensemble et faisons un choix plus pertinent sur la plus forte réduction des émissions de CO2. Bien entendu, pour arriver au bout de mon raisonnement, ce serait plus profitable au biométhane. Nous avions d'ailleurs proposé que l'argent non dépensé sur les appels d'offres sur l'éolien soit versé au crédit du biométhane.

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Pour prendre l'exemple de l'éolien, il s'agit désormais d'appels d'offres. Pour le biométhane, vous êtes au tarif de rachat. Comment, dans la pratique, comparez-vous deux procédures sur deux types d'énergie : l'une qui fonctionne avec un tarif de rachat et l'autre avec un appel d'offres ? Je peux éventuellement comprendre un appel d'offres pluritechnologique en mettant en concurrence toutes les énergies et en disant « Que la meilleure gagne ». Je vois à peu près ce que cela donne, mais c'est en fonction du coût. Je peux imaginer un appel d'offres pluritechnologique qui ne se ferait pas en fonction du coût mais du CO2 ou éventuellement une espèce de « marché public » regroupant plusieurs critères tels que le coût, où vous pondérez le CO2. Ce que je ne comprends pas, c'est comment vous pouvez allouer une somme avec d'un côté un tarif de rachat et de l'autre un appel d'offres et comment vous transposez cela avec le critère CO2 ? Y avez-vous réfléchi ou est-ce juste un principe ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

J'entends très bien votre questionnement et je pense m'être mal fait comprendre. Aujourd'hui, pour le biométhane, il existe de petites installations et non pas des grands industriels et il faut continuer avec les tarifs de rachat. Des appels d'offres seront d'ailleurs peut-être lancés pour le biométhane, mais sans doute pour les plus grandes installations. On peut difficilement imaginer des systèmes d'appels d'offres avec les agriculteurs, il ne faut pas rêver. Le CAS TE a prévu en 2019 d'allouer 2,9 milliards pour le photovoltaïque et environ 135 millions pour le biométhane. On pourrait éventuellement envisager de réduire légèrement l'allocation CAS TE au titre des renouvelables électriques et d'en mettre un peu plus sur le biométhane, sans changer les procédures d'appel d'offres et les systèmes de rachat.

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De manière beaucoup plus simple, ce que vous demandez est un changement de ligne budgétaire.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

Oui, absolument.

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Quand vous avez mentionné une autre allocation suivant les coûts d'abattement du CO2 à budget constant, j'imaginais une procédure beaucoup plus complexe. Étant donné qu'il s'agit d'un CAS, la situation est très particulière. Vous n'êtes pas véritablement sur un budget que vous dépensez mais sur un compte qui permet de suivre des dépenses tirées de l'extérieur par des décisions préalables et antérieures sur lesquelles vous avez une visibilité à l'instant T. Il ne s'agit pas véritablement d'une ventilation où vous avez un budget.

Rentrons dans le dernier sujet, qui est le plus compliqué : le coefficient d'énergie primaire avec la polémique sur la RT 2012. Vous nous dites : en 2012, on avait gagné la bataille de l'électrique, on a revu le coefficient d'énergie primaire. À partir de la RT 2012, nous sommes d'accord que l'électrique a été marginalisé dans le neuf. Non ? Vous considérez qu'on continue à mettre des radiateurs électriques dans les installations ?

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Quand on regarde les parts de marché aujourd'hui dans l'ensemble de la construction neuve, en intégrant le tertiaire et le résidentiel, on arrive à environ 42 % d'électrique.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Non, en flux. Ce chiffre englobe le tertiaire et le résidentiel. Les cris d'orfraie (passez-moi l'expression) que pousse la filière électrique concernent strictement les logements collectifs. Aujourd'hui, en maison individuelle, l'électrique représente encore plus de 60 % de l'énergie utilisée. La différence de fond par rapport à la RT 2012 est que ce sont majoritairement des pompes à chaleur et non des convecteurs électriques, ce qui nous paraît tout à fait logique en termes d'efficacité énergétique. L'électricité a été loin d'être marginalisée. Pour nous, un rééquilibrage s'est produit.

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D'accord. Mais avant la RT 2012, quelle était la part de chauffage au gaz en flux par rapport au chauffage électrique ?

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

C'est simple. Si je me place sur les chiffres avant la RT 2012, soit dans les années 2010, l'électrique, essentiellement à base de convecteurs, représentait sur l'ensemble des segments (maisons individuelles et collectives) environ 70 %. En maison individuelle, c'était carrément 85 %.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

40 %.

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On peut considérer que la RT 2012 a significativement inversé ce chiffre.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Elle l'a rééquilibré, elle ne l'a pas inversé. Nous ne sommes pas passés à 30/70 dans l'autre sens.

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Si je suis un parti politique et que je fais 80 % des voix et que dix ans plus tard, je suis à 40 % et que mon adversaire fait 60 %, on peut dire que le rapport de force s'est inversé.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Votre adversaire fait 40 %.

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Vous avez dit qu'on n'a pas revu ce coefficient d'énergie primaire en 2012, Qu'est-ce qui a fait que cela s'est inversé ? Qu'est-ce qui a fait qu'on a progressivement renoncé à des convecteurs électriques ?

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

L'exigence de performance globale de la RT 2012.

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Il a été divisé par trois, passant de 150 à 50 KWh, vous avez raison.

Ce que vous critiquez, c'est le fait qu'on revoie le coefficient.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Oui.

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Normalement, ce coefficient est aussi calculé à partir de la manière dont on produit l'électricité. Arrêtez-moi si je me trompe mais plus la part du nucléaire dans la construction du coefficient baisse, plus, logiquement, on devrait revoir le coefficient de transformation d'énergie primaire.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Oui.

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Si le nucléaire baisse dans le mix électrique, le fait que le coefficient soit revu pour tenir compte de cette situation est-il contradictoire ?

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Pas du tout, à condition que cette baisse soit avérée et non pas envisagée. Normalement, la baisse du nucléaire était programmée pour 2025 et d'un coup, elle devrait passer à 2035. Qu'est-ce qui nous dit aujourd'hui qu'en 2030, on ne va pas la faire passer à 2040 ? Caler un coefficient d'énergie primaire tout de suite pour la RE 2020 sur un mix prospectif, je ne dirais pas incantatoire mais volontariste, en 2035 nous paraît délicat. C'est pour cela que notre position consiste à se caler sur le mix électrique 2020 tel que RTE le publie, puis, tous les 4 ou 5 ans, réviser le PEF au fur et à mesure de l'évolution de ce mix électrique. Nous ne sommes pas dans une logique de refus de toucher au 2,58. C'est tout à fait normal que le coefficient tienne compte de l'évolution de la manière de produire l'électricité mais il faut le faire pas à pas.

J'en profite pour dire que la DGEC, dans la note qu'elle a produite, s'est fendue d'un historique de l'évolution de ce coefficient depuis plusieurs années qui montre que quand on regarde le point de passage 2019-2020, la vraie valeur calculée par la DGEC et non pas par Coenove ou d'autres personnes est de 2,71, soit supérieure au coefficient de 2,58, ce qui fait que la filière électrique est largement favorisée par la situation actuelle.

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En sachant que vous nous avez dit ensuite que cela vient du fait que le nucléaire a un coefficient de 3 et que les EnR ont un coefficient de 1. Ces coefficients vous semblent-ils critiquables ? On peut critiquer la composition du mix et on pourrait éventuellement remettre en cause la manière dont on a fabriqué les coefficients qui permettent de calculer le coefficient final. À cet égard, avez-vous une argumentation pour un changement ou pour une stabilité ?

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Le rendement de chaque mode de production d'électricité est évalué par l'AIE au niveau mondial. Nous prenons ces valeurs et les appliquons au mix français, de même que Bruxelles les applique au mix européen.

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Pour compléter, je vais encore revenir sur le neuf mais le fait qu'on utilise ces sujets dans le neuf pourrait faire sens dans la mesure où le neuf construit aujourd'hui est fait pour durer un certain temps. Les choix de construction qu'on fait aujourd'hui auront encore cours en 2035. Ne serait-il pas obsolète de mettre dans le neuf aujourd'hui des solutions qui seront si rapidement obsolètes sur des produits censés durer longtemps ?

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

J'ai envie de vous faire une proposition. Comme je l'ai dit, nous ne sommes pas contre les pompes à chaleur performantes électriques. Si demain la réglementation aboutit à des pompes à chaleur électriques performantes, je ne dirai rien et vous verrez que les gaziers ne diront rien. Quand vous dites qu'il faut déjà être prêt pour l'avenir, ce que nous disons, c'est que si vous mettez une boucle à eau chaude et que vous l'alimentez aujourd'hui par une pompe à chaleur, cela vous laisse la liberté dans vingt ans, lorsque la pompe à chaleur sera en fin de vie, de la remplacer par le meilleur système qui conviendra. Si vous alimentez en 2020 cette boucle à eau chaude, radiateur ou plancher chauffant, avec une chaudière à gaz performante, vous pourrez en 2040 la remplacer par une pompe à chaleur. Le client conserve la liberté de choix. Je ne sais plus combien de logements sont actuellement chauffés à l'électricité, avec des radiateurs mais je pense que la rénovation sera compliquée car il n'existe pas de solution bon marché autre que l'effet Joule.

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Puisque vous connaissez bien mieux le sujet que moi, quelle est la différence de performance entre ce qu'on appelait les « grille-pain » à l'époque et les radiateurs qui sont mis en place à présent ? Quel est leur degré de performance, qu'ont-ils gagné en performance ?

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Ils n'ont rien gagné en performance ; cela reste un mode de production d'électricité, de chauffage par convection. Tous les arguments mis en avant sur le sujet sont directement liés à la partie détection, avec une meilleure optimisation de toute la partie programmation et régulation, ce qui est d'ailleurs tout à fait transposable sur toutes les solutions au gaz. Dans de nombreux cas, passez-moi l'expression mais nous sommes sur des arguments commerciaux.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Je dirais 10 %.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Sur l'exploitation, oui, mais à partir du moment où on adopte des logiques d'amélioration du « grille-pain », on revient au concept de chauffage électrique intégré à sa création, c'est-à-dire des convecteurs, des radiateurs modernes programmables, régulables, etc. avec une qualité d'isolation et du bâti à la hauteur. On n'est pas sur du cheap comme on l'a trop souvent rencontré dans le chauffage électrique des années 1990.

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Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz

N'oublions pas que nous serons sans doute les seuls à faire cela.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Pour revenir sur ce que vous disiez sur la construction neuve, vous avez raison, c'est l'exception française puisque quand Bruxelles se préoccupe de la révision du coefficient d'énergie primaire, ils travaillent sur le mix électrique 2019-2020 avec une clause de révision tous les 4 ou 5 ans alors qu'a priori les bâtiments construits dans les autres pays de la zone euro sont également conçus pour durer un certain temps. Nous sommes manifestement les seuls à considérer qu'il faut absolument aller chercher un mix énergétique hypothétique de 2035 pour tenir compte de la durée de vie des bâtiments.

J'en profite pour dire que relativement à la RE 2020, l'un des problèmes (j'y contribue donc j'assume tout à fait) que pose cette discussion sur le PEF, qui a surgi il y a quelques semaines, c'est que la RE 2020 comporte des ambitions extrêmement fortes qui, me semble-t-il, sont beaucoup plus sérieuses dans la durée que les manœuvres sur le PEF par exemple, qui considèrent la mesure de l'empreinte carbone d'un bâtiment depuis sa construction jusqu'à sa déconstruction, soit comment prendre en compte l'empreinte carbone de la phase de chantier et des équipements qui sont retenus. C'est une vraie révolution par rapport à la RE 2012, qui était uniquement calée sur la maîtrise des consommations. La filière du bâtiment dans sa globalité, depuis les bureaux d'études jusqu'aux promoteurs, a beaucoup de travail à faire pour véritablement arriver à mesurer l'empreinte carbone. C'est toute la discussion sur les seuils carbone acceptables. De toute façon, on a une complexité importante pour la prochaine RE 2020 et il est un peu dommage de la polluer avec ce débat sur le PEF.

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Très bien. Avec un quart d'heure de retard, je propose de lever la session. Merci beaucoup pour votre participation.

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Bernard Aulagne, président de l'Association Coenove

Merci à vous pour votre invitation.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-sept.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mardi 4 juin 2019 à 17 h 15

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Sophie Auconie, M. François-Michel Lambert, Mme Laure de La Raudière, Mme Marjolaine Meynier-Millefert

Excusés. - M. Christophe Bouillon, Mme Véronique Louwagie