Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mardi 26 juillet 2022 à 20h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à vingt-heures cinq.

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Chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du président Gassilloud, qui ne peut être présent parmi nous, ni aujourd'hui ni demain, car il accompagne le Président de la République dans son déplacement au Cameroun et au Bénin.

Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport pour avis de Natalia Pouzyreff sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Finlande et la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Royaume de Suède.

Le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier, a redimensionné le rôle de l'OTAN dans la défense de l'Europe. C'est vers cette organisation que se sont tournés les pays européens principalement exposés à la menace russe. Il s'agit des pays de l'Est et des Pays baltes, qui sont membres de l'Alliance atlantique, mais aussi de deux pays nordiques historiquement neutres, la Suède et la Finlande.

Après avoir présenté officiellement leur candidature en mai, ces deux pays ont signé, le 5 juillet dernier, avec les membres de l'OTAN, leur protocole d'accession au Traité de l'Atlantique Nord. Ces protocoles doivent être ratifiés par chacun des trente membres de l'Alliance atlantique. Dix-huit d'entre eux l'ont fait.

La ratification de ces protocoles et, plus largement, l'adhésion à l'OTAN de deux États membres de l'Union européenne (UE), remet à l'ordre du jour la question de l'articulation entre l'Alliance atlantique et l'Europe de la défense. Elle a été au cœur des discussions que nous avons eues récemment avec une délégation de la sous-commission Sécurité et défense (SEDE) du Parlement européen. Les appréciations varient : certains estiment que cette articulation va de soi et est acceptée par tous, d'autres craignent que ce regain de l'OTAN soit susceptible de mettre à mal l'idée d'autonomie stratégique européenne.

Par ailleurs, la question se pose – elle intéresse très directement notre commission – de savoir quel est l'état des forces armées suédoises et finlandaises, et quels avantages politiques, militaires et stratégiques l'OTAN peut espérer de l'adhésion de ces deux pays.

Enfin, la Turquie a longtemps menacé de ne pas signer les protocoles d'adhésion. Elle n'a levé son veto qu'après des engagements de la Suède et de la Finlande. Quels sont-ils ? Quelles appréciations peuvent-ils nous inspirer ?

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Chers collègues, le rapport que je m'apprête à vous présenter porte sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Finlande et la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Royaume de Suède.

Depuis le 24 février 2022, l'Europe est à nouveau confrontée à la guerre. Si, depuis la chute de l'URSS, en 1991, plusieurs conflits ont éclaté sur notre continent, notamment en Yougoslavie, c'est la première fois, depuis la Deuxième guerre mondiale, que deux États souverains sont impliqués, l'un envahissant l'autre dans l'objectif de l'annexer, et utilisant à cette fin toutes les armes dont il dispose sur terre, sur mer et dans les airs, incluant la menace de recourir à l'arme nucléaire.

La guerre en Ukraine est un nouvel exemple d'une guerre de haute intensité, avec son cortège de destructions et de morts, dont on pensait qu'il serait à jamais un mauvais souvenir en Europe. Face à cette guerre, face à la menace existentielle que représentent la Russie et son chantage à l'utilisation de la bombe atomique, l'OTAN apparaît comme le cadre fondamental de la défense territoriale de l'Europe.

C'est vers elle que se sont tournés les pays d'Europe de l'Est, qui sont en première ligne face à la Russie. C'est elle qui a déployé soldats et équipements dans les Pays baltes, en Pologne, en Bulgarie, en Roumanie, en Slovaquie et en Hongrie. En tant que membre de l'OTAN, la France contribue à cet effort de dissuasion, par le déploiement de 300 hommes en Estonie, dans le cadre de l'opération Lynx, et de 500 hommes en Roumanie, dans le cadre de l'opération Aigle.

Si les pays membres de l'OTAN se sont tournés vers elle pour dissuader la Russie, c'est également vers l'OTAN que se tournent deux pays européens historiquement neutres, la Suède et la Finlande. La démonstration du mépris, par la Russie, de la souveraineté de son voisin et des règles les mieux établies du droit international, ainsi que la haute intensité du conflit et l'ampleur des destructions et des souffrances humaines qu'il a provoquées, ont constitué un électrochoc dans la classe politique, les médias et l'opinion publique suédois et finlandais, ce qui a radicalement et brutalement changé les termes du débat.

Tandis que l'adhésion à l'OTAN, lorsqu'elle était débattue dans ces deux pays, suscitait une forte opposition et divisait peuples et partis politiques, l'invasion de l'Ukraine a convaincu une majorité de Finlandais et de Suédois de la soutenir. Ainsi, 76 % des Finlandais se déclarent favorables à une adhésion à l'Alliance atlantique, contre 20 % avant le conflit. Il en va de même en Suède : 57 % des Suédois soutiennent l'adhésion de leur pays à l'OTAN, alors qu'une majorité s'y opposait auparavant.

Au niveau politique, la crainte que la Russie, après l'Ukraine, ne s'en prenne militairement à un autre pays voisin, a fait de l'adhésion à l'OTAN une priorité absolue des gouvernements finlandais et suédois, soutenus par leur parlement respectif, qui se sont massivement prononcés en faveur du dépôt d'une demande d'adhésion. Rappelons que la Finlande partage environ 1 400 kilomètres de frontière avec la Russie.

Cette demande a été officiellement déposée le 18 mai. Les protocoles d'accession ont été signés le 5 juillet dernier. La ratification de ces protocoles est l'objet du présent projet de loi.

Ces éléments de contexte étant rappelés, j'articulerai mon propos autour de quatre axes : la procédure de ratification et les pressions de la Turquie ; le bénéfice pour l'OTAN de l'adhésion de ces deux pays ; les réactions russes ; les conséquences de cette adhésion pour l'Europe de la défense.

Toute adhésion d'un État au Traité de l'Atlantique Nord exige l'unanimité des membres de l'OTAN, qui sont trente à l'heure actuelle, chacun disposant donc d'un droit de veto. Tous ont signé les deux protocoles d'accession le 5 juillet dernier. Il faut à présent que chacun les ratifie selon sa procédure constitutionnelle interne, pour que la Suède et la Finlande soient membres à part entière de l'OTAN et bénéficient à ce titre de la protection offerte par l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord. Pour rappel, cet article stipule qu'une attaque contre l'une des parties au Traité « sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties », et qu'en conséquence « chacune d'elles […] assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée […] ».

Or, l'un des États membres de l'OTAN a vu dans cette demande d'adhésion l'occasion de faire avancer son propre agenda. La Turquie reproche en effet de longue date à la Suède et à la Finlande d'être des terres d'accueil et de refuser l'extradition de personnes qu'elle qualifie de terroristes, appartenant à des organisations kurdes, telles que le PKK, ou au Fetö du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d'avoir fomenté la tentative de coup d'État de 2016. Par ailleurs, ces deux pays ont imposé un embargo sur les exportations d'armes à destination de la Turquie en raison de l'attaque par celle-ci des milices kurdes syriennes.

La Turquie a donc fait savoir qu'elle refusait de signer les protocoles d'accession. Les négociations tripartites subséquentes ont abouti, le 28 juin, à plusieurs engagements de la Suède et de la Finlande à l'égard de la Turquie, notamment la levée des restrictions sur les ventes d'armes et d'équipements militaires, le traitement des demandes d'extradition de personnes soupçonnées de terrorisme de manière rapide et approfondie, en tenant compte des informations fournis par la Turquie, et l'absence de soutien aux Kurdes syriens de l'YPG/PYD, c'est-à-dire les milices kurdes syriennes.

Ces engagements ont soulevé de nombreuses inquiétudes parmi les défenseurs des droits de l'Homme, qui craignent ouvertement que l'extradition vers la Turquie de militants kurdes ou gülenistes ne les expose à une violation de leurs droits.

En outre, une fois cet accord conclu, la Turquie a maintenu la pression sur la Suède et la Finlande en présentant immédiatement ses exigences, sous la forme d'une liste de soixante-treize personnes dont elle demande l'extradition pour fait de terrorisme. Toutefois, le protocole d'accord tripartite prévoit l'instauration d'un mécanisme de dialogue et stipule que toute extradition doit être conforme à la Convention européenne d'extradition.

J'en viens au bénéfice pour l'OTAN de l'adhésion de la Suède et de la Finlande. Bien que neutres, ces deux pays ont des capacités militaires qui, sans être considérables, ne sont pas négligeables. Sans entrer dans les détails qui figureront dans le rapport, je rappelle que la Suède dispose d'une armée professionnelle d'environ 14 000 membres, et la Finlande d'une armée de 12 000 membres. Cet effectif est en outre grandement renforcé par les réservistes, d'autant que ces deux pays ont conservé – pour la Finlande – ou rétabli – pour la Suède – le service militaire obligatoire. Ainsi, la Finlande, qui ne compte que 5,5 millions d'habitants, est en mesure d'opposer, en cas d'agression armée, 900 000 hommes ayant reçu une formation militaire.

Les armées finlandaise et suédoise disposent en outre d'armements modernes, tels que les avions de combat JAS 39 Gripen et les chars lourds Leopard 2. En outre, l'armée suédoise dispose d'une base industrielle et technologique de défense (BITD) compétitive et innovante, dont le chef de file est l'entreprise de défense Saab.

Pour faire face à la menace russe, ces deux pays ont décidé d'augmenter considérablement leurs budgets de défense respectifs. En 2020, une hausse de 40 % du budget militaire suédois a été décidée, en vue de le porter à 8,8 milliards d'euros en 2025. Au lendemain du déclenchement de la guerre en Ukraine, le gouvernement suédois a fait part de sa volonté de porter l'effort à 2 % du PIB, soit plus de 10 milliards d'euros par an. Quant à la Finlande, dont le budget de défense a atteint 5,1 milliards d'euros en 2022, soit 2 % de son PIB, elle a récemment décidé de l'augmenter de 40 %, pour le porter à plus de 7 milliards d'euros par an en 2026.

À mes yeux, le principal apport de l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN est, non pas capacitaire, mais stratégique et politique. Elle constitue un apport de profondeur stratégique, qui permet de renforcer la posture de défense et de dissuasion du flanc oriental de l'OTAN, en facilitant notamment la protection des États baltes en cas d'attaque de la Russie. Par ailleurs, elle illustre la résurrection politique de l'OTAN, après une période de tension sous la présidence de Donald Trump qui, concentré sur la rivalité sino-américaine, a tenu des propos ambigus sur l'automaticité du déclenchement de l'article 5 en cas d'agression armée contre un membre de l'Alliance. Le fait que deux pays historiquement neutres souhaitent rejoindre les trente membres de l'OTAN symbolise l'unité et l'attractivité retrouvée de cette organisation.

J'en viens à la réaction russe. La demande d'adhésion à l'OTAN de la Suède et de la Finlande a logiquement fait réagir la Russie, mais d'une manière relativement mesurée. Le 29 juin, le président russe a déclaré : « Si la Finlande et la Suède le souhaitent, qu'elles y adhèrent. C'est leur affaire, elles peuvent adhérer où elles veulent ». Mais « en cas de déploiement de contingents militaires et d'infrastructures militaires là-bas, nous serons obligés de répondre de manière symétrique et de créer les mêmes menaces pour les territoires d'où émanent les menaces pour nous ». Autrement dit, l'adhésion à l'OTAN de ces deux pays en tant que telle n'est pas une ligne rouge, mais l'utilisation par celle-ci de leur territoire contre la Russie – notamment le déploiement de groupements tactiques – le serait.

J'en viens aux conséquences de cet élargissement de l'OTAN sur l'Europe de la défense. Le renforcement de l'OTAN et de ses capacités est parfois présenté comme un affaiblissement de l'Europe de la défense, à tout le moins comme un obstacle à son développement. Or, l'Europe de la défense et l'OTAN partagent l'objectif de contribuer à la sécurité et à la défense du territoire européen. Cette congruence entre les deux organisations – UE et OTAN – est d'ailleurs rappelée dans les textes européens et dans le dernier concept stratégique publié par l'OTAN, qui rappelle que l'UE est pour l'OTAN « un partenaire incontournable et sans équivalent », et que « les deux organisations jouent des rôles complémentaires, cohérents et se renforçant mutuellement ».

Contrairement à l'OTAN, dont les moyens sont exclusivement militaires, l'UE fait face à la guerre en Ukraine avec tous les moyens dont elle dispose. Elle prend des mesures dans les domaines politique, économique, financier ou énergétique. De ce point de vue, l'action de l'OTAN et celle de l'UE se complètent et concourent à la sécurité globale de l'Europe. Les deux organisations se renforcent mutuellement. L'adhésion à l'OTAN de la Suède et de la Finlande renforcera le pilier européen de l'organisation, en augmentant la part de ses membres, de ses capacités et de son budget provenant de l'UE.

La meilleure preuve qu'il est vain d'opposer la défense européenne et l'OTAN est le cas du Danemark. Membre de l'OTAN depuis sa création en 1949, ce pays s'est toujours tenu à l'écart de l'Europe de la défense, dès la conclusion du traité de Maastricht en 1992, bénéficiant à ce titre d'un opt-out. Or, face à la menace russe, le gouvernement danois a décidé de soumettre à référendum le maintien de cette exception. Le 1er juin, le peuple danois a voté à 67 % pour sa suppression, permettant au Danemark de participer pleinement à l'Europe de la défense.

La ratification des protocoles d'accession est une urgence. J'émets donc un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

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La demande d'adhésion qui nous est soumise constitue une décision historique pour la Suède – qui met fin à sa neutralité diplomatique – et pour la Finlande – avec la fin de la stricte neutralité qui s'était imposée à elle par la force des choses au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Mais elle est aussi historique pour les Européens, puisque ces deux États faisaient jusqu'à présent en quelque sorte office d'airbags entre l'ex-bloc soviétique et l'Europe que nous essayons de construire.

Pourquoi un tel revirement ? C'est bien l'invasion de l'Ukraine par la Russie depuis le 24 février qui change fondamentalement la donne.

Le texte qui nous est proposé permet de mesurer combien la déconnexion est forte entre cette prise de conscience par deux États plutôt pacifistes – qui aspirent à la démocratie et à la paix au sein de l'espace européen – et la position de certains partis politiques en France. Ces derniers expliquent sans trembler qu'il faudrait sortir du commandement intégré de l'Alliance atlantique, sans mesurer les conséquences que cela pourrait avoir pour la France.

L'OTAN est une alliance défensive, voire dissuasive, dirigée par les États qui en sont membres et où les décisions sont prises à l'unanimité. Depuis sa création, elle sert à nous défendre contre des menaces extérieures, à gérer des crises – y compris dans un contexte de menace terroriste toujours présente – et à coopérer en matière d'interopérabilité et d'opérations militaires, notamment en association avec la défense européenne. En tant que membre du commandement intégré de l'OTAN, la France dispose d'une capacité d'influence extrêmement importante. Elle bénéficie en outre d'une position originale grâce à sa force de dissuasion.

La Finlande et la Suède partagent avec la France les mêmes valeurs démocratiques et la même aspiration à la paix en Europe. Leur décision d'adhérer à l'Alliance est le fait de peuples souverains. La solidarité européenne commande de soutenir leur volonté d'autant que le temps est venu de renforcer la solidarité et l'unité des Européens face à l'adversité et aux menaces extérieures. Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance émettra un avis favorable à la demande de ratification de ces protocoles.

Quelles sont les perspectives de coopération de ces deux États avec l'Alliance et au sein de l'espace européen en termes d'exercices militaires conjoints ou de projets industriels ?

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J'éviterai les attaques sur les conceptions géostratégiques d'autres groupes. Personne ne détient la vérité et chacun peut avoir son opinion, madame Genetet.

Deux enseignements peuvent être tirés de la crise en Ukraine.

Le premier est que nous sommes tous très attachés à l'indépendance et à la souveraineté des nations – et c'est encore plus vrai désormais. Elles sont libres de choisir leur destin, leurs alliances, leurs partenaires et leurs coopérations. Cette conclusion issue des tristes événements actuels s'applique à la Suède comme à la Finlande, et nous ne souhaitons pas nous ingérer dans leurs choix ni d'une manière – en les poussant à aller dans les mains des Américains au sein de l'OTAN – ni d'une autre – en les empêchant d'adhérer à l'Alliance alors qu'elles le souhaitent. Au demeurant, la neutralité de la Finlande et de la Suède est théorique. La Suède entretient déjà des relations très étroites avec les États-Unis. Elle n'a pas renoncé par hasard à son programme nucléaire militaire dans les années 1980. En contrepartie, les États-Unis lui ont apportée la garantie d'une assistance militaire en cas d'attaque, à l'époque par l'URSS – à laquelle on voit bien que la Russie d'aujourd'hui tend à ressembler, en tout cas géographiquement.

Nous sommes également très attachés à la coopération avec la Finlande et la Suède. Faut-il en passer par l'OTAN ? C'est un débat. Il y a d'autres structures pour le faire. Ces deux États nous ont ainsi aidé lors des opérations au Sahel – ce qui est assez rare pour être souligné – et nous devons annoncer que nous nous trouverons à leurs côtés, de manière indéfectible.

Deuxième enseignement de la crise ukrainienne : la méthode diplomatique n'a pas été employée jusqu'à son terme. On a très clairement désigné l'ennemi – et il est vrai que la Russie est l'envahisseur. Alors que des discussions se poursuivent, le moment est-il opportun de lui envoyer un signal qui pourrait être perçu comme belliqueux ? La rapporteure a souligné les déclarations un peu complexes de la Russie, qui estime en somme que la Finlande et la Suède peuvent faire ce qu'elles veulent mais qu'elle saura en tirer les conclusions si l'OTAN se rapproche.

Dans ce contexte, est-il prudent d'accélérer le processus d'adhésion ? N'est-ce pas un signe négatif pour la paix ? Le groupe Rassemblement national considère que l'on est pas allé au bout des efforts diplomatiques et qu'ils ne sont pas assez puissants. Nous nous abstiendrons donc.

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La Finlande et la Suède occupent une place particulière sur la scène européenne et mondiale. Leur diplomatie est caractérisée par une véritable modération et par le souci constant de privilégier le règlement pacifique des conflits ainsi que la consolidation d'un ordre international fondé sur le droit.

Cette sensibilité et les vicissitudes de l'histoire les ont conduits à choisir la neutralité au cours de la guerre froide. Depuis la fin du bloc soviétique, ces États ont opté pour une approche moins stricte, qu'on peut qualifier de non-alignée. Ces choix leur ont garanti la paix et la sécurité.

En raison de l'agression de l'Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine et de la dégradation globale de l'architecture de sécurité, la Finlande et la Suède ont choisi de solliciter leur adhésion à l'OTAN. La demande est certes compréhensible compte tenu du contexte. Mais l'on peut toutefois s'interroger sur les conséquences d'une telle adhésion.

La procédure a été engagée hâtivement et alimente un mécanisme de polarisation extrême des relations internationales, qui n'est pas dans l'intérêt de la France – ni même selon moi dans celui de la Finlande et de la Suède. Leur statut de membre de l'Union européenne garantit déjà notre solidarité en cas d'agression. La participation aux exercices militaires menés par l'OTAN leur offre des moyens pour obtenir l'aide et l'appui des États de l'Alliance, afin de prévenir une éventuelle menace ou d'y faire face. Par ailleurs, on constate que la protection d'une alliance militaire n'est pas de nature à déjouer les menaces de la guerre hybride – pour l'heure, l'OTAN n'apporte aucune solution à la guerre du gaz et du pétrole.

Dans ces conditions, changer de statut et intégrer pleinement l'Alliance constituerait avant tout un choix politique, contribuant à superposer toujours davantage l'OTAN et l'Union européenne. Dans la mesure où la prépondérance des États-Unis au sein de l'Alliance ne fait aucun doute, ce processus est dangereux. Il tend à réduire encore la marge de manœuvre des États européens dans la défense de leurs intérêts et dans la promotion de leur singularité politique, culturelle et économique. En outre, si cette adhésion n'implique pas l'installation de bases de l'OTAN en Finlande et en Suède, nul ne peut assurer que ce ne sera pas le cas à l'avenir. Personne n'aurait ainsi pu imaginer en janvier dernier que ces deux pays seraient candidats à l'adhésion durant l'été.

Prenons garde de ne pas précipiter une décision sur laquelle il sera certes possible en théorie de revenir mais qui, dans la pratique, engage nos pays pour de nombreuses années.

Enfin, je ne peux terminer sans évoquer la transaction inacceptable qui a eu lieu pour que la Turquie lève son veto à l'adhésion de ces deux pays. M. Erdoğan a obtenu que les militants kurdes ne puissent plus désormais trouver un refuge sûr en Finlande et en Suède. La France elle-même a manqué de courage pour protéger nos alliés ces dernières années. Tant et si bien qu'on est tenté de croire que ce chantage odieux est la première des contorsions auxquelles conduit le plus souvent l'enrôlement au sein d'une alliance comme l'OTAN. Cela ternit déjà singulièrement la stratégie internationale de la Finlande et de la Suède, dont on pressent qu'elles risqueraient de perdre beaucoup de leur indépendance et de leur capacité d'action au service de la paix en adhérant à l'OTAN.

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Il n'y a pas de politique en dehors des réalités. La réalité actuelle en Europe c'est qu'il y a un agressé, un agresseur et une menace. Les erreurs éventuelles que l'Ouest aurait pu commettre – en particulier avec la redéfinition des frontières de la Serbie avec le Kosovo – n'excusent en rien les crimes des autres. La réalité est que l'OTAN est indispensable à la sécurité collective de l'Europe.

Si l'on revient aux réalités, il faut poser quelques principes.

Le premier est qu'il est faux de dire que l'extension de l'OTAN résulte d'une volonté impérialiste américaine. Il s'agit du choix de peuples libres, qui ont connu le communisme et la botte russe et qui ont fait le choix de la liberté. On doit le respecter. Les extensions précédentes de l'Alliance ont résulté de ce choix ; c'est désormais celui de la Finlande et de la Suède qui, après l'expérience de la neutralité, souhaitent nous rejoindre. Nous l'acceptons d'autant plus volontiers que nous avons soutenu la Finlande du maréchal Mannerheim en 1939-1940, lorsqu'elle était victime de l'agression soviétique.

Deuxième point : il faut aller sur place en Europe de l'Est, par exemple dans les Pays baltes et en Pologne – comme je l'ai fait lors de la précédente législature – et en Roumanie – d'où revient une délégation de notre commission – pour comprendre que ces peuples attendent la sécurité. La réalité politique fait qu'ils ne croient pas à la sécurité en dehors de l'OTAN et du parapluie américain. On peut le regretter, mais c'est un fait.

Rêver d'un splendide isolement est une illusion absolue. On estime qu'il faudrait entre 400 et 500 pièces d'artillerie lourde pour répondre aux besoins en Europe. Le camion équipé d'un système d'artillerie (CAESAR) est probablement l'un des meilleurs canons du monde, mais comme l'on est capable d'en produire seulement 25 par an, il faut bien aller en chercher ailleurs.

Enfin, croire que l'extension de l'OTAN répond aux intérêts américains est une erreur majeure. Cet élargissement retarde la mise en œuvre du pivot que les États-Unis auraient voulu effectuer vers l'Asie et l'Extrême-Orient. C'est la réalité qui impose le choix de l'extension, pas les intérêts américains.

Dans ces conditions, l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN est une nécessité. C'est la seule manière de répondre à l'évangile de la force que propagent les Russes. Le discours d'apaisement est une folie. Churchill disait : « Un conciliateur c'est quelqu'un qui nourrit un crocodile en espérant qu'il sera le dernier à être mangé. »

Le groupe LR est un des partis de la liberté. La liberté consiste désormais à retrouver une part de la grammaire de la guerre froide. C'est savoir que nous sommes le monde libre. Et parce que nous aimons le monde libre et que nous le défendons, nous soutiendrons bien entendu l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN.

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Ce projet de loi de ratification des deux protocoles relatifs à l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN est une nouvelle fois l'occasion de souligner que la paix et la sécurité dans le monde sont essentielles pour notre pays.

Ces démarches d'adhésion illustrent un changement sécuritaire important et une prise de conscience indispensable dans le contexte actuel. Ces deux pays, marqués par une longue tradition de neutralité, franchissent un cap pour rejoindre les trente membres de l'Alliance.

Le groupe Démocrate s'en réjouit vivement : la Finlande et la Suède jouent déjà pleinement leur rôle au sein de l'Union Européenne et nous entretenons avec elles une forte coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense. Leur adhésion à l'OTAN renforcera non seulement leur propre sécurité, mais elle représentera aussi un gain immédiat pour la sécurité de l'Europe et de la zone euro-atlantique. La Finlande et la Suède disposent en effet de capacités de défense robustes, qu'elles se sont engagées à renforcer dans les prochaines années.

Les agressions répétées de la Russie font craindre le retour à une période que nous pensions révolue. Aussi est-ce avec beaucoup de responsabilité et de gravité que nous soutenons ces processus d'adhésion à l'OTAN. De la sorte, vingt-trois États membres de l'UE en feront partie. C'est une satisfaction car la défense européenne ne peut se concevoir sans l'OTAN.

On peut noter que les étapes de ces adhésions sont franchies rapidement et que le veto de la Turquie a été levé – contre toute attente – au prix d'un accord qui ne lie ni l'OTAN ni aucun de ses membres. Mais la réalité de la menace russe justifie cette rapidité. Il est essentiel que ces deux pays bénéficient rapidement de la clause de défense mutuelle de l'article 5 du traité de Washington.

Notre groupe souhaite que la commission émette un avis favorable à la ratification de ces protocoles, comme l'a fait le Sénat.

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Le projet de loi dont nous sommes saisis nous ramène à l'actualité la plus grave, dont nous avons pu constater les effets lors d'un récent déplacement en Roumanie.

Le texte nous rappelle notre rôle dans la prise en compte de la redéfinition de la géopolitique mondiale et européenne. Ce débat dépasse les autres discussions en cours et s'impose par son urgente nécessité.

La manière dont le contexte stratégique a été modifié par l'attaque russe en Ukraine a déjà été très bien exposée par tous les orateurs. La situation géographique de la Finlande et de la Suède les amène à chercher un moyen juridique pour protéger leur intégrité territoriale. La Finlande partage en effet une frontière de près de 1 400 kilomètres avec la Russie. Historiquement neutres, la Finlande et la Suède aideront désormais à sécuriser l'ensemble du flanc oriental de l'Alliance – puisque c'est bien de cela qu'il s'agit. L'accélération du processus d'adhésion montre l'urgence de la situation.

Notre vote va témoigner d'une nécessaire solidarité. Il n'empêche pas de s'interroger sur l'accord tripartite entre la Finlande, la Suède et la Turquie. Nous sommes assez inquiets au sujet de la levée de l'embargo sur la vente de certaines armes, ainsi bien entendu que pour le peuple kurde. Il s'est tenu fermement à nos côtés durant la guerre en Syrie et nous sommes extrêmement attentifs à sa protection.

Dans cette situation géopolitique qui n'était pas envisagée en janvier dernier, il apparaît clairement que l'Europe de la défense a redonné des couleurs à l'OTAN, qui en sort extrêmement renforcée. Comme nous avons pu le voir en Roumanie, l'OTAN est très attendue pour protéger son flanc Est. Il conviendra de réfléchir au renforcement de l'autonomie stratégique européenne, en coordination avec l'OTAN.

Compte tenu de la situation actuelle, notre groupe est favorable à la demande d'adhésion de la Finlande et de la Suède.

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L'agression de l'Ukraine par la Russie précipite l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN, ce processus étant fortement soutenu par leur population.

Ces deux États souhaitent ainsi préserver leur souveraineté nationale et défendre leurs valeurs démocratiques. Leur outil de défense est très structuré et des coopérations sont déjà nouées avec des États européens – dont en particulier la France–, dans le cadre de l'OTAN ou de manière bilatérale.

L'entrée de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN aura pour effet de renforcer, en son sein, le poids de l'Europe face aux États-Unis. Elle contribuera également à stabiliser la zone des Balkans.

Le groupe Horizons et apparentés est évidemment favorable à l'entrée de ces deux pays au sein de l'OTAN. Il me semblerait toutefois utile que notre commission ait une discussion, au moins bilatérale, avec la Finlande et la Suède, au sujet des Kurdes : nous devons savoir, en toute transparence, quelle est la teneur des négociations.

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Voilà 153 jours que la guerre a ressurgi aux portes de l'Europe. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a été un choc, même si elle a succédé à l'annexion de la Crimée et à la guerre du Donbass. Durant huit années, par crainte des déséquilibres économiques et politiques qui pouvaient résulter d'un conflit avec la Russie, tout a été mis en œuvre pour privilégier une solution diplomatique et préserver la paix.

Face à cette invasion, la position du groupe Écologiste-NUPES est claire : c'est celle d'un soutien à l'Ukraine, à son peuple et à son armée, pour qu'elle puisse se défendre et préserver son intégrité territoriale. Et c'est dans le même état d'esprit que nous abordons la demande d'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord.

Alors que la guerre s'installe, nous ne devons pas oublier les exactions commises par les Russes à l'encontre du peuple ukrainien : le bombardement d'une maternité à Marioupol, la torture et l'exécution de civils à Boutcha, les viols à Brovary. Face à ce déferlement de violence et au bouleversement des équilibres géopolitiques mondiaux, nous ne pouvons que comprendre le souhait de la Suède et de la Finlande de rejoindre l'Alliance atlantique, en mettant ainsi fin à une position historique de neutralité. En cette période de tensions, ce protocole d'adhésion ne doit pas se traduire par le déploiement de forces de l'Alliance en Finlande et en Suède sur les 1 340 kilomètres de frontière commune avec la Russie. De même, pour les écologistes, l'enjeu n'est pas la revitalisation politique de l'OTAN, au contraire. Ce que nous devons nous demander, c'est pourquoi, soixante-dix ans après la création de l'Union européenne, la Finlande et la Suède se trouvent contraintes d'aller chercher une protection auprès de l'OTAN.

Les écologistes l'ont toujours dit : pour assurer la sécurité des peuples, la défense de nos frontières et le maintien de la paix, une défense européenne est nécessaire. Elle devient incontournable en cette période de tensions internationales ; elle seule nous permettra de conserver une autonomie diplomatique et stratégique vis-à-vis de notre partenaire étasunien. La France, du fait de l'expérience de ses forces armées et du savoir-faire des femmes et des hommes qui les composent, doit jouer un rôle moteur dans la constitution de cette défense européenne. Elle doit passer par une coordination entre pays européens, mais aussi par un renforcement et un approfondissement des coopérations entre l'Union européenne et les organisations multilatérales – l'OTAN, mais aussi l'ONU. La position tenue par la France lors du sommet de l'OTAN des 28, 29 et 30 juin au sujet du renforcement du pilier européen semble aller dans ce sens.

Je regrette les conditions imposées par la Turquie à l'intégration de la Finlande et de la Suède à l'OTAN ; elles sont contraires au respect des droits humains et fragilisent le PKK, qui a été un allié face à la menace terroriste.

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Madame Le Hénanff, sachez que nous recevrons en septembre une délégation de députés finlandais. Nous pouvons envisager d'associer à cette visite les membres de notre commission qui le souhaiteront.

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L'entrée dans l'OTAN de la Suède et de la Finlande, deux pays restés jusqu'ici attachés à leur neutralité, constitue un revirement historique, mais c'est le choix de peuples libres et souverains – nombre d'entre vous l'ont justement rappelé. Dès lors, il n'y a pas lieu de se demander, comme l'ont fait MM. Saintoul et Jacobelli, si cette décision intervient au bon moment ou si elle présente un intérêt pour ces pays. Il s'agit de choix souverains, votés par leurs parlements : nous devons les respecter.

Madame Genetet, vous m'interrogez sur les perspectives de coopération entre la Suède, la Finlande et l'OTAN. Ces deux pays participent aux exercices organisés dans le cadre de l'OTAN depuis 1994 et ils ont intégré l'initiative pour l'interopérabilité en 2014. Par ailleurs, la Finlande abrite depuis 2017 le centre d'excellence pour la lutte contre les menaces hybrides. Cela confirme la congruence entre la défense européenne et la défense collective de l'Europe via l'OTAN. J'ajoute, enfin, que ces deux pays ont participé à des opérations au Sahel pour le compte de l'Europe.

Monsieur Jacobelli, pour nous, il ne fait pas de doute que l'agresseur est bien la Russie. Lorsqu'on est mis devant le fait accompli, lorsqu'on est face à une agression, la prudence n'est plus de mise. La réponse des pays européens a été unanime. On a utilisé la diplomatie tant qu'on l'a pu ; jusqu'au bout, le président Macron a tenté de maintenir le dialogue avec le président Poutine ; ensuite, nous avons pris des sanctions ; et il s'agit maintenant de protéger nos frontières. C'est ce à quoi s'emploient les pays alliés de l'OTAN, à la frontière orientale de l'Europe.

Monsieur Saintoul, vous craignez que l'entrée de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN affaiblisse la puissance européenne – ou l'Europe de la défense. J'ai pour habitude de faire une distinction entre la défense collective de l'Europe, qui appartient à l'OTAN et à l'Union européenne, d'une part, et l'Europe de la défense, d'autre part. Cette dernière est plus large et inclut une notion de souveraineté, notamment en matière technologique : il s'agit de s'assurer que nous aurons, dans le futur, un armement de pointe, assuré par notre base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne. L'Europe de la défense, c'est plus que la défense de l'Europe, mais la défense et la stabilité en Europe reposent à la fois sur l'Union européenne et sur l'OTAN.

Nombre d'entre vous m'ont interrogée au sujet de l'accord conclu le 28 juin par ces deux pays avec la Turquie. Il s'agit d'un accord tripartite dans lequel la France n'est pas partie prenante. Elle veillera évidemment, comme tous les autres pays, à ce que la Turquie n'oppose pas de nouveau son veto. En tant que parlementaires français, nous devons autoriser la ratification de cet accord.

Madame Chatelain, le PKK est considéré par l'Union européenne comme une organisation terroriste. Si nous devons nous poser des questions, c'est plutôt au sujet des Kurdes syriens et du YPG. En tant que parlementaires, nous prêterons évidemment attention à la suite des négociations mais le droit européen, notamment en matière d'extradition, ne devrait pas être remis en cause par l'accord qui a été signé. Il existe une base juridique européenne protectrice.

La Roumanie, la Pologne, l'Estonie et les autres Pays baltes ont des attentes très fortes, que l'on peut qualifier d'existentielles. Monsieur Thiériot, vous nous avez dit combien votre voyage en Roumanie vous avait permis de le comprendre.

Madame Poueyto, vous avez justement rappelé que l'OTAN va compter deux pays européens de plus : de vingt et un, ils vont passer à vingt-trois, sur trente-deux pays membres de l'Alliance. Le poids de l'Europe au sein de l'OTAN va s'en trouver renforcé. Plus les pays européens seront nombreux, plus nous serons audibles. En effet, même si la France et l'Allemagne sont déjà de gros contributeurs, les États-Unis restent le premier, à tous points de vue.

S'agissant de la levée de l'embargo sur la vente de certaines armes vers la Turquie, toutes les règles européennes demeurent, y compris celles qui lient les partenaires européens en matière d'exportations d'armes, quel que soit le pays concerné.

Comme le président l'a indiqué, ceux d'entre vous qui le souhaitent pourront rencontrer nos homologues finlandais à la rentrée. Les membres de la commission des affaires étrangères seront également concernés. Je ne peux qu'encourager ces formes de transparlementarisme.

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L'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN a nécessité la levée du veto turc, qui ne s'est pas faite sans contreparties : les groupes armés kurdes ont été qualifiés de terroristes et un transfert d'armement des pays nordiques vers la Turquie a été autorisé. Avons-nous des informations plus précises au sujet de ces transferts d'armement ? Comment notre pays se positionne-t-il sur cette question ?

La procédure d'entrée dans l'OTAN, le Membership Action Plan, même si elle est moins longue que la procédure d'adhésion à l'Union européenne, prend tout de même un certain temps, puisqu'elle comporte sept chapitres. Combien de temps faudra-t-il pour aboutir à l'adhésion complète de la Suède et de la Finlande à l'OTAN ?

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Je veux tout d'abord revenir sur le chantage turc au sujet des Kurdes. On ne peut pas se contenter de dire que le PKK figure sur la liste des organisations terroristes ; mon mouvement politique milite précisément pour qu'il en soit retiré. On ne peut pas scinder les choses : il existe un continuum de peuple, de revendication politique et de combat par-delà les frontières. On ne peut pas rejeter le Kurde lorsqu'il est à l'intérieur des frontières turques et l'applaudir lorsqu'il se bat avec nous contre Daech.

Chacun est évidemment libre de sa parole, mais j'ai été surpris par quelques interventions qui confondent l'OTAN et la défense européenne, alors que ce sont deux choses tout à fait distinctes. Si l'on veut envisager l'avenir de manière intelligente – je pense notamment à la base industrielle et technologique de défense –, il faut se garder des raisonnements simplistes. L'OTAN – ce n'est un secret pour personne, tout le monde le dit à Washington et elle a été conçue pour cela –, est le VRP de l'industrie d'armement américaine. Or, qui dit industrie d'armement dit aussi choix stratégique, dès lors qu'on épouse les armements et l'interopérabilité américains.

L'agression russe, les exactions commises et l'émotion qu'elles ont pu susciter ne justifient aucunement que nous remettions les clés de notre défense à la Maison-Blanche. L'OTAN ne fonctionne pas mieux depuis que Trump a quitté la Maison-Blanche ou que Poutine a agressé la Russie. En tant que représentation nationale, nous devons faire preuve de mesure face à la complexité de la situation.

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Pendant toute la guerre froide, ni la Finlande ni la Suède n'avaient souhaité rejoindre l'alliance défensive, militaire, qu'est l'OTAN et tout le monde s'accommodait parfaitement de cette « finlandisation », synonyme de situation d'équilibre. Pourtant, la Finlande possède 1 340 kilomètres de frontière avec la Russie. Elle compte 5,5 millions d'habitants, quand les Russes sont 150 millions et disposent de forces militaires sans commune mesure. Si la Finlande et la Suède demandent désormais à accéder à l'OTAN, c'est que la peur d'une agression est extrêmement présente.

J'ai sans doute mal entendu, mais il m'a semblé que certains expliquaient que nous étions les agresseurs de la Russie. Ne confondons pas l'agresseur et l'agressé. En l'occurrence, une nation démocratique a été agressée, et en partie envahie, par une autre nation. Il est donc normal que les pays riverains, militairement faibles par rapport à la Russie, souhaitent intégrer l'organisation défensive de l'OTAN.

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Nous avons tous été sous le choc de l'agression de l'Ukraine par la Russie et nous souhaitons tous trouver des solutions mais la facilité, les embardées ou les caricatures ne sont pas la meilleure réponse. Il y a huit mois, un Président de la République nous expliquait que l'OTAN était en état de mort cérébrale ; désormais, ses partisans à l'Assemblée nous disent qu'elle est l'alpha et l'oméga de la défense de chaque pays.

Il faut raison garder ! Nous comprenons la volonté de la Suède et de la Finlande d'adhérer à l'OTAN, mais notre objectif n'est pas la guerre. Madame la rapporteure, j'ai été surpris par vos propos, par ailleurs toujours très précis et clairs. Vous nous avez expliqué que la diplomatie, pas plus que les représailles économiques, n'avaient fonctionné et que la Russie était notre ennemi. J'ai très peur de la troisième étape. Ne laissons pas imaginer par notre attitude que nous souhaitons une troisième guerre mondiale.

Évitons les embardées et les raccourcis historiques, ainsi que les solutions manichéennes. Il est acquis que la Suède et la Finlande ont notre appui total, tout comme celui des États-Unis. Faut-il le formaliser ? Pourquoi pas, c'est leur choix. Mais veillons à conserver un discours équilibré et ne nous précipitons pas.

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J'apporte également le soutien de mon groupe aux minorités kurdes et à leur demande d'autodétermination. Je tiens à souligner l'hypocrisie qui consiste à se réjouir de leurs actions à Kobané ou à Mossoul, tout en les traitant de terroristes – ou en acceptant leur qualification de terroristes en Turquie. Notre pays ne devrait pas tergiverser quand il s'agit de soutenir les minorités, les droits humains et le droit fondamental des peuples à disposer d'eux-mêmes.

De la même manière, il faut battre en brèche toutes les confusions qui ont pu émailler certaines interventions. La Russie est seule responsable du retour en grâce de l'OTAN. La Russie est l'agresseur, l'Ukraine, l'agressé, et l'ensemble de l'Europe est menacé. Il faut prendre cette affaire pour ce qu'elle est : la menace appelle un sursaut de solidarité internationale et européenne – c'est d'ailleurs ce qui a permis jusqu'ici de soutenir l'Ukraine. Elle appelle aussi un sursaut dans la prise de conscience d'une nécessaire défense européenne. Les écologistes, et d'autres, plaident en ce sens depuis longtemps et, si cette position apparaissait chimérique ou illusoire, les derniers développements montrent à quel point elle est au contraire pertinente et urgente.

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Monsieur Royer-Perreaut, depuis 1994, la Finlande et la Suède sont parfaitement intégrées au processus et aux exercices de l'OTAN, notamment en termes d'interopérabilité. C'est pourquoi le processus a été très rapide, les demandes d'accession datant du 18 mai et les protocoles ayant été signés le 5 juillet dernier. Reste l'étape de la ratification par les trente pays alliés au sein de l'OTAN.

Monsieur Mathieu et Monsieur Bayou, au cours du précédent quinquennat, vous ne pouvez pas dire que nous avons fait preuve d'hypocrisie vis-à-vis des Kurdes. Nous avons toujours soutenu les Kurdes syriens, qui nous ont eux-mêmes soutenus dans la lutte contre Daech – il s'agissait d'une position unanime sur les bancs de l'Assemblée. Personne ne veut nier le rôle qu'ils ont joué dans ce combat.

Mais il ne faut pas entretenir la confusion entre le parti des travailleurs du PKK et les unités de protection du peuple, ou YPG. On peut le regretter mais il n'existe pas de position kurde unifiée, que ce soit en Syrie, en Irak ou en Turquie. Enfin, aux yeux de l'Union Européenne, il existe également une différence puisque le PKK est considéré comme une organisation terroriste – ce que confirme le protocole d'accord de la Finlande et de la Suède. Concernant le YPG, le mémorandum Turquie-Finlande-Suède précise que la Finlande et la Suède ne lui fourniront aucun soutien.

Monsieur Mathieu, vous craignez que nous ne cédions aux sirènes américaines et que cela ouvre encore plus la porte à l'achat d'armement américain. Vous avez raison, les pays européens achètent beaucoup d'armements américains, mais ils n'ont pas attendu l'accession de la Finlande et la Suède à l'OTAN pour le faire. En revanche, nous pouvons nous féliciter du sursaut européen car les budgets de la défense sont en hausse dans tous les pays européens. Avant d'alimenter les achats de matériel américain, cela doit surtout alimenter ceux de matériel européen. C'est la position qu'a toujours défendue la France par la voix de son Président. Durant la Présidence française du Conseil de l'Union européenne, nous avons progressé. Bien sûr, il faut toujours être vigilants par rapport aux pays tiers coopérants. Je vous renvoie à la lecture du rapport que j'ai rédigé avec ma collègue Michèle Tabarot sur la coopération structurée permanente (CSP) en Europe, qui répondra à vos questions.

Monsieur Chenevard, vous avez raison, il ne faut pas confondre l'agresseur avec l'agressé.

Monsieur Jacobelli, je persiste à employer le terme de résurrection car l'OTAN a bien été, à un moment donné, en état de mort cérébrale. C'est certes une organisation militaire qui a toujours bien fonctionné, dont les rouages sont très bien huilés et qui sait fédérer, mais c'est aussi une organisation politique et, quand la volonté politique disparaît ou que le discours politique change complètement – comme ce fut parfois le cas sous la présidence de Donald Trump –, on peut s'interroger sur la vision et les objectifs de l'organisation. Nous sommes désormais dans une autre époque, les faits le prouvent.

Enfin, vous ne pouvez m'accuser de bellicisme car j'ai bien précisé que l'OTAN était utile pour protéger nos frontières, et les pays frontaliers de l'Union européenne, mais que nous, Européens, n'étions pas en guerre.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

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La commission des affaires étrangères examinera le projet de loi au fond demain matin à onze heures. La rapporteure pour avis portera les propositions de la commission de la défense.

Le projet de loi sera débattu en séance publique le 2 août.

La séance est levée à vingt et une heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Julien Bayou, M. Mounir Belhamiti, M. Pierrick Berteloot, M. Christophe Bex, M. Frédéric Boccaletti, M. Hubert Brigand, M. Vincent Bru, Mme Danielle Brulebois, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Emmanuel Fernandes, Mme Stéphanie Galzy, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Loïc Kervran, Mme Anne Le Hénanff, Mme Murielle Lepvraud, Mme Michèle Martinez, M. Frédéric Mathieu, Mme Lysiane Métayer, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Julien Rancoule, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Mélanie Thomin, Mme Corinne Vignon

Excusés. - M. Xavier Batut, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Martine Etienne, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Thomas Gassilloud, M. Olivier Marleix, Mme Pascale Martin, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, M. Mikaele Seo