La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures trente-trois

Présidence de Mme Véronique Riotton, présidente

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Ces débats ont fait l'objet d'un compte rendu écrit ; ils sont également accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

https://assnat.fr/MAyatL

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Je suis ravie de vous retrouver au lendemain du 4 mars 2024 qui restera, pour nous toutes et tous, l'aboutissement historique d'un travail transpartisan ayant conduit à la constitutionnalisation du droit à l'avortement.

Je salue la présence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, que nous accueillons avec plaisir au sein de notre délégation.

Madame la ministre, nous vous remercions pour cette audition. À la suite de votre nomination aux fonctions de ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, il nous a en effet paru essentiel de vous entendre, afin que vous nous présentiez votre feuille de route.

En particulier, vous savez que notre délégation travaille en ce moment sur la place du sport et de l'activité physique dans la vie des femmes et sur la place des femmes dans le monde sportif. Nous sommes également lancées dans une réflexion, avec Marie-Charlotte Garin, sur l'opportunité de modifier la définition pénale du viol pour mieux répondre aux évolutions et attentes de notre société sur ce crime encore trop largement impuni. Aussi suis-je particulièrement intéressée par votre position sur ces questions, sans préjudice de l'ensemble des autres thèmes que vous voudrez bien aborder, sur la santé des femmes, leur vie professionnelle ou encore la lutte plus globale contre les violences.

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Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

Je vous remercie d'avoir accepté le report de cette audition et pour les mots que vous avez eus à mon égard. Nous avons en effet vécu un moment historique hier et je tiens à remercier toutes celles et ceux, au sein des délégations aux droits des femmes du Sénat, de l'Assemblée nationale ou du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui y ont contribué. C'est une belle victoire, car elle est collective. Elle témoigne aussi de la force de la vie politique qui parvient à créer des moments d'unité de nature à rendre confiance dans les initiatives parlementaires.

La défense des droits des femmes et la promotion de l'égalité occupent évidemment une place centrale dans mon engagement et votre présence ici me fait croire que nous le partageons. Nous savons aussi que cette longue marche vers l'égalité n'est pas terminée : depuis cinquante ans, le ministère que j'ai l'honneur d'occuper a permis d'accompagner des avancées majeures pour les droits et pour l'égalité. Il s'agit à la fois de sécuriser ces acquis et de lutter contre toute forme de régression, mais aussi d'avoir un discours de conquête sociale pour de nouveaux droits de façon à faire reculer ce qui affaiblit encore notre promesse d'égalité. L'égalité entre les femmes et les hommes constitue justement la grande cause des deux quinquennats du Président de la République. Ce combat doit être collectif et se faire avec les parlementaires de tous les groupes politiques qui souhaitent s'engager sincèrement sur ce sujet, avec les collectivités locales et aussi avec les associations avec lesquelles je travaille de la façon la plus régulière et rapprochée. Mais nous devons aller plus loin : nous ne devons pas seulement discuter entre nous car, ici, malgré nos désaccords, nous sommes convaincus de la nécessité d'avancer ; nous devons mobiliser la société de la manière la plus large possible, embarquer les entreprises et les Français, car ce combat les concerne tous.

L'égalité entre les femmes et les hommes est un combat que « nous mènerons jusqu'au bout, jusqu'à l'égalité réelle ». C'est par ces mots que la Première ministre Élisabeth Borne avait marqué, le 8 mars dernier, l'annonce du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027. Il comporte quatre axes principaux : lutter contre toutes les violences faites aux femmes ; promouvoir et donner aux femmes un accès à la santé ; assurer l'égalité professionnelle et économique ; et instaurer une véritable culture de l'égalité dans notre pays. Ce sont mes champs d'action prioritaires, selon lesquels j'ai essayé de découper mon propos liminaire.

Concernant l'égalité économique et professionnelle, ainsi que la parentalité qui lui est connexe, nous savons que les inégalités persistent dans le monde professionnel. Que ce soit dans le choix des carrières ou le choix des métiers, les femmes continuent de faire face à des inégalités. Il est crucial d'améliorer les parcours professionnels des femmes, afin de leur permettre de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle, tout en réduisant les écarts de rémunération. J'aimerais que le slogan « À travail égal, salaire égal » devienne une réalité dès notre génération.

Pour encourager une plus grande mixité dans tous les secteurs d'activité, il est essentiel de fournir aux jeunes filles et femmes des exemples et des mentors, dans ceux où elles sont sous-représentées – filières techniques, scientifiques, numériques, en particulier l'intelligence artificielle.

La directive du 19 juillet 2023 a pour objectif de garantir une attribution de 40 % des emplois ciblés dans la fonction publique à des femmes.

L'introduction d'un congé de naissance, que j'ai défendu dès mon entrée au Gouvernement et qui a été confirmé par le Président de la République, constitue un enjeu d'égalité entre les femmes et les hommes, une chance pour les enfants, ainsi que pour tous les parents d'assumer pleinement leur rôle, en leur laissant évidemment toute liberté dans le recours à ce congé.

Poursuivre la réduction des inégalités d'accès à l'emploi en milieu urbain comme en zone rurale, doit être une priorité. Malgré la loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle, dite loi Rixain, née d'une initiative parlementaire et qui a permis de féminiser les conseils d'administration et de surveillance des entreprises françaises, les femmes occupent encore trop souvent des postes de second plan, sans véritable pouvoir décisionnel.

Nous avons été les premiers à mettre en place l'index de l'égalité professionnelle, ou index Pénicaud. Les entreprises qui obtiendront un score inférieur à 75 sur 100, qui refuseraient d'utiliser l'index ou de le publier, n'auront plus accès aux marchés publics, et je n'aurai aucun tabou si nous devions aller plus loin et envisager d'autres sanctions. Avec Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement et de la recherche, nous comptons approfondir la mesure des écarts à l'entrée de la carrière professionnelle, parce qu'il y aura toujours ceux qui, malgré la pertinence de l'index Pénicaud, insisteront sur ses défauts ou le contesteront au prétexte qu'après quinze ou trente ans de carrière, on compare l'incomparable. À l'entrée de la carrière, quand on sort de la même grande école, faculté, ou centre de formation des apprentis (CFA) avec le même diplôme, il n'y a aucune raison de constater des écarts. On doit donc les mesurer et c'est ce que nous allons mettre en place.

Il est également important de mieux tenir compte des disparités de revenus au sein même des couples, notamment en appliquant par défaut un taux individualisé au prélèvement à la source du revenu, comme le prévoit la loi de finances pour 2024.

Nous améliorons le cahier des charges du label Égalité professionnelle pour mieux prendre en considération les violences faites aux femmes, l'évolution des modes de travail et l'usage de l'intelligence artificielle.

Il ne s'agit pas seulement de droits, mais aussi d'un ensemble de représentations culturelles et sociales à combattre – c'est souvent ce qu'il y a de plus difficile à changer –, qu'il s'agisse du sexisme, des stéréotypes, de l'éducation à la vie affective ou de la pornographie. Ainsi, 90 % des contenus pour adultes montrent aujourd'hui des scènes réelles de violence physique, sexuelle ou verbale, d'humiliation systématique des femmes ; or, une portion significative de la société ne voit malheureusement pas ces contenus comme problématiques. Soyons lucides : nos enfants, à l'âge de 10 ou 11 ans en moyenne, ont déjà visionné un contenu pornographique. Ainsi, une culture sexiste et violente se propage, incluant des scènes de torture et de barbarie accessibles librement et facilement, comme l'a mis en lumière le récent rapport « Pornocriminalité » du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH). Cela a une influence malheureuse sur les plus jeunes générations. Nous devons donc nous appuyer sur les recommandations du HCEFH et du Sénat afin d'aborder cette question dès le plus jeune âge et promouvoir auprès de nos enfants une véritable culture de l'égalité dans le moindre geste du quotidien. Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, auquel vous avez contribué, contient de nombreuses dispositions pour lutter contre toutes les formes de violence et contraindre plus fortement l'industrie pornographique. J'espère qu'elles seront maintenues en commission mixte paritaire (CMP), parce qu'elles sont protectrices pour les femmes. Comme vous, je soutiens la mise en place de ces sanctions afin d'éliminer les contenus mettant en scène des violences physiques et sexuelles envers les femmes ainsi que les discours incitant à la haine. La nécessité des sanctions contre les violences représentées dans l'industrie pornographique et la propagation de contenus nuisibles pour les mineurs met en évidence notre devoir d'agir pour la santé publique et la protection des droits.

Je souhaite poursuivre le travail engagé depuis 2017 et qui a entraîné des avancées importantes en matière de violences sexistes et sexuelles : la mise en œuvre de mesures de prévention et de lutte contre les violences conjugales et domestiques, issues notamment du Plan rouge VIF, conçu par Émilie Chandler et Dominique Vérien, est en cours ; elle a marqué une étape décisive de notre combat – je pense aussi à la proposition de loi visant à allonger la durée de l'ordonnance de protection et à créer l'ordonnance provisoire de protection immédiate. Le nombre de places d'hébergement pour les victimes a été doublé, atteignant plus de 11 000 places, afin de fournir un refuge à celles qui en ont le plus besoin, souvent des mères d'enfants en bas âge. Le bracelet antirapprochement (BAR) a été adopté et il y en a plus de 1 000 en circulation aujourd'hui ; le téléphone grave danger (TGD), dont le nombre dépasse 5 000, a prouvé son efficacité puisque les interventions des forces de l'ordre ont triplé, passant de 3 634 en 2022 à près de 10 500 l'année dernière. À cet égard, l'intervention il y a quelques semaines en Seine-Saint-Denis à la suite du déclenchement d'un TGD a sans doute permis de neutraliser un homme et d'éviter un féminicide, démontrant l'efficacité de ces dispositifs. Les moyens alloués à la lutte contre ces violences ont augmenté de 13 millions d'euros par rapport à 2023, pour mettre en œuvre une initiative parlementaire, l'aide universelle d'urgence pour les femmes victimes de violences, notamment conjugales ; le lancement du numéro d'assistance 3919 et du site arretonslesviolences.gouv.fr offre aujourd'hui un accès permanent à des ressources essentielles et les près de cinquante équivalents temps plein (ETP) permettent d'accroître la vigilance et de multiplier les actions, à l'aide d'un budget renforcé grâce à vous ; le versement automatique des pensions alimentaires a été un pas important en direction de l'autonomie financière des femmes, dont les victimes de violences sont souvent privées, ce qui les empêche de prendre leur destin en main et de se libérer des violences dont elles souffrent.

Ces mesures doivent être accompagnées par un effort continu pour mieux accueillir la parole des femmes. Les femmes ont toujours parlé et exprimé les violences dont elles étaient l'objet, mais la société ne les a pas suffisamment écoutées. Nous leur disons clairement que désormais nous les écoutons et que nous les croyons. Il faut, dans la mesure du possible, les inciter à porter plainte et à s'engager dans la voie judiciaire, extrêmement exigeante. Nous devons assurer un soutien efficace dès le dépôt de la plainte et jusqu'à l'éloignement de l'agresseur. C'est d'abord cela qui doit être mis en place. Une telle approche est cruciale pour transformer notre société, garantir la sécurité et l'égalité pour toutes les femmes.

Depuis 2017, la lutte contre les violences faites aux femmes, qu'elles soient intrafamiliales ou systémiques, est une priorité. Nous avons encore vu récemment que la mobilisation a permis à de plus en plus de femmes de briser une forme d'omerta ayant longtemps prévalu dans des secteurs où la domination masculine, solidement ancrée, rendait l'expression encore plus difficile. Nous devons continuer à nous mobiliser sur ce sujet, comme le montre la multiplication récente des témoignages d'artistes ou de sportives, dont les récits mettent en lumière des situations de domination et des risques d'abus de pouvoir qui persistent dans des secteurs tels que la culture, le sport, la santé ou l'enseignement supérieur, situations qui soulèvent incidemment la question d'une forme de complicité silencieuse de l'entourage ou celle de la responsabilité parentale. C'est pourquoi nous lançons une mission interministérielle incluant tous les ministres clés sur ce sujet, de manière à établir un état des lieux et à recueillir les témoignages, mais aussi à développer de manière systématique des contre-pouvoirs, des garde-fous et des régulations là où ils font cruellement défaut. Nous continuerons à combattre les violences sexistes et sexuelles pour encourager les prises de parole jusqu'à l'obtention de la justice.

Pour veiller à la protection des victimes, nous multiplions par deux le nombre de maisons d'accueil des femmes sur le territoire. C'est une des initiatives du pack nouveau départ, destiné à couvrir les coûts immédiats avant d'élaborer des solutions à long terme, de façon à donner la possibilité aux femmes victimes qui le souhaitent de partir, grâce à une coordination effective et efficace de l'ensemble des services.

Enfin, consolider l'aide aux victimes et diffuser notre culture de l'égalité passe aussi par la diplomatie féministe. Ce n'est pas un gadget. Pour avoir été dans un conseil informel des ministres européens en charge de l'égalité et rencontré notamment mon homologue polonaise à la veille du vote sur la constitutionnalisation de l'IVG, j'ai constaté un effet d'entraînement. C'est rassurant, car cela signifie que la voix de la France est encore largement écoutée et attendue sur les droits humains, en particulier les droits des femmes. L'engagement de notre pays sur ces sujets est donc absolument déterminant. Il doit se poursuivre, d'autant plus que nous accueillons dans quelques mois les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). J'y vois l'occasion d'envoyer un message au monde sur les enjeux d'égalité, sur la culture de l'égalité et sur la lutte contre toutes les formes de mutilation faites aux femmes. Des phénomènes de traite humaine et de mutilation peuvent se produire en parallèle de ces événements. De telles situations doivent être révélées et judiciarisées, afin de conforter et soutenir les femmes. À partir de dimanche prochain, je serai, ainsi qu'un certain nombre d'entre vous, à New York pour assister à la réunion annuelle de la commission de la condition de la femme des Nations Unies. Notre vote hier et les enjeux que nous souhaitons porter seront très importants, c'est pourquoi j'ai décidé que l'événement que parrainera la France, comme peut le faire chaque pays, portera sur la question du viol comme arme de guerre et arme terroriste, notamment après ce qui s'est produit le 7 octobre dernier. Nous ne pouvons rester muets alors que tant de femmes ont subi des violences sexuelles et des mutilations. J'espère que la voix de la France sera également écoutée.

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S'il y a une chose sur laquelle nous sommes toutes et tous d'accord au sein de notre délégation, c'est qu'être une femme ne doit pas être un frein. Ce n'est pas une fatalité, c'est une chance. Nous en faisons d'ailleurs notre combat quotidien. L'égalité femmes-hommes est une cause qui nous rassemble et cette nécessité se ressent dans l'ensemble des secteurs de la société, au quotidien.

Malgré les progrès indiscutables réalisés par notre majorité depuis 2017, les Françaises sont confrontées à des freins qui creusent des inégalités que nous peinons à combler, en dépit de dispositifs pertinents déployés dans nos territoires. La notion de territorialité est importante, parce que ce sont près de 11 millions de femmes qui vivent dans les territoires ruraux. Les inégalités, qui existent partout ailleurs, y sont encore accentuées à cause de freins spécifiques car les femmes à la campagne sont confrontées à des difficultés supplémentaires, cependant que leur situation reste souvent méconnue. Depuis le début de mon mandat, je m'efforce de rencontrer et de mettre en avant ces femmes qui s'engagent et portent le territoire du Val-d'Oise. Celles-ci ont témoigné auprès de moi des difficultés évidentes qu'elles rencontrent, notamment dans l'accès à l'emploi. Le risque d'être touché par le chômage et la précarité est plus important pour les femmes : dans les communes rurales, 21 % des femmes salariées ont un contrat précaire, contre 13 % dans les communes les plus urbaines. Ainsi, les données publiées par le ministère de l'égalité lui-même illustrent de façon frappante cette réalité : les obstacles à l'emploi persistent et se multiplient. En ruralité, les femmes ne doivent pas seulement briser le plafond de verre, mais aussi parcourir des kilomètres pour l'atteindre.

Avant de finir, j'aimerais rendre hommage à deux femmes remarquables de mon territoire, Mmes Valérie Toureille et Carine Bertolino, toutes deux cheffes d'entreprise et engagées dans un réseau féminin né du constat d'inégalités locales et souhaitant promouvoir la solidarité et le partage d'expériences entre ses membres, afin de sortir de l'isolement et d'étoffer les réseaux de la ruralité. De telles initiatives, par lesquelles des femmes dynamiques se rassemblent pour combattre ensemble les inégalités de genre, se multiplient sur le territoire. Oui, en 2024, les femmes ont encore besoin de s'entraider et de s'accompagner pour faire face aux inégalités qui perdurent dans la société.

Étant donné votre engagement sans faille sur ce sujet et votre connaissance des problématiques rurales, madame la ministre, pouvez-vous nous dire quelles sont les prochaines mesures envisagées pour apporter des réponses à ces inégalités persistantes, handicapant au quotidien les femmes dans l'accès à l'emploi, en particulier en ruralité ?

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Les droits des femmes sont menacés par la recrudescence d'actes barbares sur notre sol, notamment de l'excision. Cette pratique est de plus en plus répandue en France et les chiffres publiés le 6 février dernier, date de la journée internationale contre les mutilations génitales féminines, font froid dans le dos. Elles concernent actuellement 200 millions de femmes dans le monde et plus de 125 000 en France ; 13 % des femmes ayant accouché à l'hôpital de Montreuil en 2018 avaient subi une excision. Il s'agit d'une pratique clairement d'origine subsaharienne et sa présence en France n'est donc nullement autochtone. L'immigration est ainsi le seul facteur explicatif des mutilations sexuelles féminines constatées en France.

Ces mutilations, qui constituent une forme extrême de discrimination à l'égard des femmes, sont internationalement considérées comme une violation des droits de l'enfant – lorsqu'elles sont pratiquées sur des mineures –, et des droits des jeunes filles et des femmes. Ces pratiques inhumaines et dégradantes violent également les droits à la santé, à la sécurité et l'intégrité physiques, le droit d'être à l'abri de la torture ainsi que le droit à la vie lorsqu'elles ont des conséquences fatales.

En France, l'excision est interdite, mais ce sont néanmoins des milliers de jeunes filles et de femmes qui se font exciser chaque année dans la clandestinité, avec les conséquences sur leur santé que cela implique. Elles étaient 60 000 au début des années 2000, 125 000 en 2010 et aujourd'hui, au vu des témoignages concordants des chirurgiens et des gynécologues, il ne fait aucun doute que la situation empire.

Qu'allez-vous mettre en place pour assurer la sécurité des femmes et des fillettes dans notre pays, où l'excision, tout comme les autres mutilations sexuelles, se pratique de manière exponentielle ?

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Au lendemain d'un moment historique dont nous partageons l'émotion et à la veille du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, je profiterai de votre présence pour vous poser des questions précises.

Concernant la garantie du droit à l'IVG, qui a été constitutionnalisée, que comptez-vous mettre en œuvre pour garantir son effectivité ? Quels seront vos engagements en matière de réouverture de centres IVG fermés ces dernières années ? Que pensez-vous de la double clause de conscience des médecins ? Ne faudrait-il pas revenir dessus puisqu'il existe déjà une clause de conscience générale ?

À propos des 10 milliards de coupes budgétaires annoncées par décret, dont 7 millions sont imputés directement au ministère délégué chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, vous nous avez déjà affirmé qu'ils ne seraient pas prélevés sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, mais l'on se demande alors où. Le Premier ministre a reçu ce matin un courrier adressé par le Planning familial et plusieurs associations de droits des femmes et féministes, dont vous avez dû prendre connaissance, lesquels expliquent être à bout de souffle et avoir besoin de 2,6 milliards d'euros pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles : que leur répondez-vous ? comment expliquez-vous le décalage entre une baisse de budget et des demandes budgétaires jamais comblées ? Dans ce cadre, ne craignez-vous pas que la mission interministérielle sur les violences sexuelles dans la culture et dans le sport, que nul ne conteste, apparaisse comme un moyen de retarder la réponse à des demandes existantes – démettre Dominique Boutonnat, accusé de violences sexuelles, ou ne pas tresser des lauriers à Gérard Depardieu –, faute de budget ?

Enfin, nous avons besoin de précisions concernant le congé de naissance, parce qu'actuellement il est difficile de savoir s'il ne conduira pas à un rabotage du congé parental. J'aimerais avoir votre avis à propos de la proposition de loi pour l'égalité des congés maternité et paternité que nous déposons cette semaine et qui lèverait un premier obstacle rencontré par les pères. Il s'agirait d'un congé égal et obligatoire pour accueillir l'enfant, que pourrait prendre le père, le conjoint ou la conjointe et qui permettrait de s'assurer que la mère ne se retrouve pas au bout de vingt-huit jours – au mieux – toute seule avec l'enfant. Il me semble que ce serait décisif pour parvenir à un meilleur partage des tâches familiales et pour lutter contre les discriminations, y compris professionnelles.

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Nous attendions votre feuille de route, tout comme les associations et celles et ceux qui sont sur le terrain, pour savoir quels seront vos objectifs.

Quand vous évoquez un « discours de conquête » je ne peux qu'y souscrire, mais je m'interroge sur notre capacité à atteindre des objectifs partagés au vu du programme 137 de notre loi de finances : les aides universelles d'urgence pour les victimes de violences conjugales paraissent insuffisantes et les crédits dévolus à la lutte contre la prostitution me laissent perplexe.

Concernant la prostitution des mineurs, véritable fléau qui se développe partout de manière méthodique et ignoble, quelles sont les actions que pourrait entreprendre votre ministère en lien avec les parquets, les associations de terrain pour tarir cette ignominie dans notre pays ?

Concernant les violences domestiques et conjugales, vous avez rappelé les dispositions qui ont été votées, souvent à l'unanimité ; il n'en demeure pas moins que les résultats ne sont pas à la hauteur. Ne faudrait-il pas désormais, sous l'égide de votre ministère, que nous procédions à une évaluation de l'efficacité des mesures votées et des moyens de protection mis en place ? Il y a en effet des annonces, des actions suivent, mais chaque jour des femmes perdent la vie dans un contexte domestique. C'est notre rôle d'évaluer les politiques publiques et il faudrait engager une réflexion à bref délai à ce sujet.

Enfin, à propos des familles monoparentales et des mères isolées, souvent exclues de la société et du marché de l'emploi, disposez-vous de suffisamment de connexions avec France Travail pour vous assurer que la récente réforme de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA comprendra des modalités de suivi adaptées aux mères isolées de sorte de favoriser leur insertion professionnelle ?

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Vous avez évoqué les femmes et les sciences à l'aune de la montée de l'intelligence artificielle et ce sera aussi l'objet de mon intervention. En France, aujourd'hui, les formations scientifiques, techniques et numériques ont le plus faible taux de féminisation de l'enseignement, quel que soit le niveau d'étude. Seul un tiers des lycéennes en terminale ont les mathématiques pour spécialité et seuls 24 % des ingénieurs sont des femmes. Cette non-parité semble inéluctable puisque cette proportion stagne depuis dix ans. Je le constate dans les promotions de l'école d'ingénieurs où j'enseigne. Ce manque de représentation des femmes dans les domaines scientifiques a de nombreuses causes, au premier rang desquelles on trouve la culture populaire, les interactions et les attentes sociales, qui véhiculent des stéréotypes. Quand une jeune femme exprime son intérêt pour les sciences, elle est susceptible de ne pas recevoir le même soutien de la part de sa famille, de ses pairs ou de ses enseignants qu'un garçon, au détriment de sa confiance en elle et sa volonté de persévérer.

Des leviers sont disponibles et des réponses peuvent être apportées impliquant plusieurs ministères – l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche, l'industrie et le vôtre. Pourriez-vous préciser les mesures interministérielles que vous comptez mettre en place pour encourager ces jeunes filles à poursuivre des études et des carrières dans les domaines techniques, scientifiques et numériques ?

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Je vous remercie pour votre venue au lendemain du jour historique lors duquel notre pays, en devenant le premier État à constitutionnaliser la liberté de recours à l'IVG, a envoyé un message fort à l'ensemble du monde. Beaucoup d'émotion et de fierté nous envahissaient hier avec l'aboutissement d'un travail auquel nombre de membres de la délégation ont contribué. Nous pouvons collectivement être fiers de ce travail transpartisan.

Ce vote nous engage et nous avons désormais la responsabilité de garantir l'accès à l'IVG en donnant les moyens à la médecine de manière générale – les hôpitaux et les médecins de ville – et aux associations qui accompagnent ces femmes. Il y a quelque temps déjà, je vous ai transmis un courrier signé par vingt-cinq parlementaires réclamant la révision du décret du 16 décembre 2023 relatif à la pratique des IVG instrumentales par des sages-femmes en établissement de santé, qui vise à pérenniser cette pratique, mais dont plusieurs critères inquiètent les professionnels de santé des femmes et ne semblent pas justifiés du point de vue de la sécurité sociale. Il va donc à l'encontre de l'esprit de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement, portée par notre collègue Albane Gaillot. Les demandes de révision du décret sont très fortes et je voulais donc avoir votre avis à ce sujet. Je ne doute pas de la force de votre engagement pour rassurer ces sages-femmes qui souhaiteraient pratiquer ce type d'IVG, d'autant plus que nous avons besoin d'elles alors que les médecins sont de moins en moins nombreux à le faire.

À propos des 130 centres IVG qui ont fermé en l'espace de quinze ans, quels moyens comptez-vous employer pour garantir, sinon leur réouverture, du moins la prise en charge des patientes ?

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C'est un grand plaisir de vous accueillir au lendemain d'une journée historique pour laquelle vous avez œuvré avec conviction depuis si longtemps.

À l'approche des JOP, je rappellerai que ce genre de manifestation peut malheureusement induire un accroissement des phénomènes de prostitution, notamment le proxénétisme. En 2014, la Coupe du monde de football au Brésil avait provoqué une augmentation de 30 % de la prostitution. Comment réagir dans la perspective des JOP ? Je ne peux pas m'empêcher de lier cette question au sujet des jeunes filles dans les centres d'aide sociale à l'enfance (ASE), qui sont devenues de véritables proies pour les réseaux de traite humaine et les proxénètes. J'imagine que vous travaillez avec votre collègue du ministère de l'intérieur, mais sachez qu'il s'agit pour nous d'une vraie préoccupation et je vous remercie d'avoir abordé la question dans votre discours, conformément à l'image d'un pays qui prend soin de ses femmes, comme nous l'avons montré hier.

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À chaque fois que vous avancerez et que vous protégerez les droits des femmes et des minorités, vous nous trouverez à vos côtés. La journée historique d'hier en est la preuve et cette délégation constitue un espace précieux de travail transpartisan.

Mais à chaque fois que vous menacerez et inquiéterez les associations féministes, nous ne laisserons rien passer. Ainsi des propos que vous avez tenus il y a quelques semaines, parce qu'une ministre à l'égalité ne devrait pas dire ça, ne devrait pas charger, menacer ou intimider les associations qui agissent partout où l'État ne le peut pas et qui sont les piliers des avancées de nos droits. Que vous vous indigniez des femmes victimes de terrorisme et de crimes de guerre partout dans le monde peut s'entendre et je le comprends, mais il n'est pas acceptable, à l'heure où le backlash contre les féministes dans notre société est si grand, que vous pointiez du doigt et fragilisiez celles-là mêmes sur qui nos droits reposent. Tout ça pour finalement ne rien trouver : « Tout ça pour ça ? »

Vous avez annoncé une mission sur les violences sexistes et sexuelles pour « comprendre les mécanismes à l'œuvre, pour changer les règles dans tous les lieux où une domination hiérarchique s'exerce, où une relation d'autorité existe ». Je suis un peu surprise et j'espère que vous pourrez nous éclairer, parce qu'il me semble que l'expertise des associations est déjà là, que les causes des violences sexistes et sexuelles sont déjà connues et les mécanismes identifiés. Aujourd'hui, au-delà des garde-fous, c'est d'égalité réelle dont nous avons besoin, comme vous et la Première ministre Élisabeth Borne l'avez dit. On a besoin d'agir au niveau de la prévention, de la formation et de donner des moyens aux acteurs qui en ont la charge. De quels moyens disposerez-vous, une fois cette mission achevée, alors que l'on sait que 7 millions d'euros seront retirés au programme 137 dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes ? Je ne parle même pas des coupes dans les services de santé et la justice qui, on le sait, sont des piliers dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et la prise en charge des victimes.

Aujourd'hui, dans l'hémicycle, vous avez tenu un propos fort : « Quand les femmes parlent, il faut leur dire que nous les croyons et les écoutons », dont je vous remercie. Mais je crois que les femmes qui ont été victimes de violences, notamment au sein de votre famille politique, auraient voulu entendre ces propos plus tôt et pourraient reprendre les mots de Judith Godrèche adressés au monde du cinéma : « Depuis quelque temps je parle, je parle et je ne vous entends pas. » Je suis heureuse que vous les entendiez aujourd'hui et je nous souhaite d'agir collectivement à leurs côtés.

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Aurore Bergé, ministre déléguée

Vous avez conclu, Madame la députée, par les mots de Judith Godrèche, qui nous a interpellés lors de la cérémonie des Césars – « je parle, je parle et je ne vous entends pas » ; ce sont les mêmes mots qu'auraient pu employer beaucoup de femmes israéliennes après les massacres du 7 octobre. En fait, c'est ce qu'elles m'ont dit lorsque je les ai reçues. Elles ont été des témoins directs des mutilations et des viols qui ont été perpétrés de manière systématique à l'encontre des femmes, le 7 octobre dernier en Israël. L'une d'entre elles m'a fait la remarque : « #MeToo est donc pour tout le monde, sauf pour les Juives ». Je vous assure que ce genre de propos saisit et j'espère qu'il remet les pendules à l'heure pour tout le monde. Je ne retire rien des déclarations que j'ai faites, parce que c'est le silence que ces femmes ont d'abord entendu. Or, personne ne doit demeurer silencieux face à ce type de violence : des viols, des viols post mortem, des viols collectifs. On a retrouvé des armes insérées dans le vagin de femmes. Voilà concrètement ce que ces femmes ont subi. Elles ont interpelé le monde entier et ont eu l'impression qu'il n'avait rien à leur opposer que le silence.

J'ai réagi parce que je suis ministre de l'égalité entre les femmes et les hommes : on ne choisit ni ses victimes ni ses bourreaux, tout simplement. À partir du moment où de l'argent public est engagé, il est légitime et nécessaire que l'État français garantisse que pas un euro d'argent public n'aille à des associations qui, selon les termes utilisés une nouvelle fois par Judith Butler aujourd'hui, auraient présenté le Hamas comme un mouvement de résistance. Elle, qui est souvent citée comme référence des études de genre et du féminisme, se disqualifie, à mon avis, en osant dire que, face aux mutilations, aux viols et aux exactions commises, certaines femmes seraient moins victimes que d'autres, parce qu'elles seraient du mauvais côté. Les associations peuvent me critiquer, et le Gouvernement avec, autant qu'elles le veulent sans risquer de subir de quelconques représailles. Au contraire, je serai la garante de leur liberté démocratique évidente de ton et d'expression, mais je crois que nous devons être aux côtés de toutes les femmes victimes. Je trouve plutôt rassurant, une fois l'examen réalisé, qu'aucune association financée par l'État n'ait tenu de propos problématiques.

Les 125 000 femmes en France ayant été victimes d'excision sont le plus souvent étrangères ou, parce qu'elles vivent en France, se retrouvent condamnées à retourner dans leur pays d'origine pour y subir des mutilations. Ces violences ne sont heureusement pas commises sur notre sol. J'ai réuni récemment des gynécologues spécialistes de la réparation de ces femmes, et des associations qui s'engagent énormément pour cette cause, comme Les Orchidées rouges, que nous finançons et que nous soutenons. Nous prenons en charge financièrement la réparation des femmes qui ont subi ce type de mutilations sexuelles, évidemment gravissimes. Nous menons également des campagnes d'information massives en direction des familles, et nous souhaitons, avec la ministre de l'éducation, pleinement intégrer cette question au programme Vie affective à l'école, afin que partout nos enfants, même les plus jeunes, entendent parler de leurs droits et du respect de l'intégrité de leur corps. Ce sont enfin des formations que nous menons avec l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) pour rappeler systématiquement aux femmes et hommes arrivant dans notre pays nos règles, nos valeurs et que, s'ils ne les respectent pas, le droit et la loi s'opposeront à eux, leur interdisant d'infliger de quelconques mutilations à leurs enfants. Nous agissons de manière très déterminée et la France a toujours été à l'avant-garde du combat contre les mutilations infligées aux femmes.

Concernant la prostitution j'ai annoncé dès ma nomination, reprendre le travail de mes prédécesseurs sous la forme d'une stratégie que nous présenterons au printemps. Elle concernera non seulement les majeurs, mais aussi les mineurs : aujourd'hui, 13 % des femmes sont des mineures. Dans chaque département, se tiennent des réunions entre les instances concernées pour garantir le parcours de sortie de ces femmes de la prostitution, en intervenant au stade du repérage, en leur assurant un accompagnement financier et en veillant à leur reconversion. Anne-Cécile Violland a raison d'insister sur le sujet très spécifique des enfants protégés et issus de l'ASE qui sont souvent des proies pour des prédateurs et le système prostitutionnel.

À propos du sujet de la santé et de l'accès aux soins, j'ai toujours dit que la constitutionnalisation de l'accès à l'IVG n'est pas pour solde de tout compte. Elle n'efface pas les difficultés que rencontrent encore aujourd'hui en France des femmes pour avorter, en particulier dans les zones rurales parce que la démographie médicale est compliquée et que l'on manque de praticiens. Depuis 2017, nous n'avons eu de cesse de faire monter en compétence d'autres professions médicales, notamment les sages-femmes en les autorisant à continuer de pratiquer après le confinement l'IVG médicamenteuse jusqu'à sept semaines. Nous devons revoir le décret du 16 décembre 2023 qui est bien trop restrictif et non conforme à la volonté des parlementaires – je le sais puisque j'ai été députée. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention, s'est engagé, pas plus tard que cet après-midi en répondant à un de vos collègues, à revoir ce décret. Les sages-femmes méritent évidemment notre respect et notre reconnaissance. L'enjeu est d'offrir un parcours sûr et en aucun cas au rabais – ce que garantissent les sages-femmes.

Concernant la double clause de conscience, je considère qu'une seule clause suffit, parce que l'IVG, que beaucoup considèrent comme un acte sortant de l'ordinaire, doit pleinement devenir un acte médical. C'est ma conviction personnelle. La clause de conscience doit continuer de prévaloir et aucun professionnel de santé ne doit être forcé à pratiquer un acte alors qu'il ne le souhaite pas. Par contre, le professionnel de santé qui ne souhaite pas pratiquer l'IVG doit immédiatement réorienter la femme qui s'adresse à lui pour éviter qu'elle se retrouve hors des délais. Ces situations d'entrave existent malheureusement, notamment en ligne. C'est pour cela que je vais recevoir les moteurs de recherche sur Internet, en particulier Google, parce qu'il y a des enjeux majeurs liés au référencement. On doit garantir l'accès à de l'information, non à de la désinformation, aux femmes qui souhaitent exercer ce qui est désormais une liberté fondamentale inscrite dans notre Constitution.

La nouvelle mission sur les violences sexistes et sexuelles que nous souhaitons lancer ne vise pas à parler d'autre chose. Un certain nombre d'alertes émises par des femmes, mais aussi par des hommes qui, avec #MeTooGarçons, lèvent un tabou supplémentaire et dont je veux saluer le courage, émanent de milieux caractérisés par une hiérarchie très marquée qui laisse s'exprimer une domination, parfois même une toute-puissance – celle d'un réalisateur sur un plateau ou d'un entraîneur sportif qui décide de la participation à une compétition ou de changer une vie. Dans tous ces secteurs, des contre-pouvoirs et des régulations doivent exister. L'Assemblée nationale elle-même s'est interrogée : le rapport entre un assistant ou une assistante parlementaire et un parlementaire n'est pas un rapport d'égalité, pour des raisons évidentes. Nous avons malheureusement connu de tels systèmes, à l'Assemblée nationale ou au Sénat, et nous avons essayé de mettre en place des garde-fous, des contre-pouvoirs et des cellules antiharcèlement. Peut-être méritent-ils d'être renforcés, mais ils témoignent de notre propre interrogation sur la manière d'instaurer des règles partout où des situations hiérarchiques peuvent conduire à des abus de pouvoir.

Dès mon entrée au Gouvernement, j'ai milité pour une réforme du congé parental, parce qu'il n'est actuellement pas équitable entre les femmes et les hommes : si 14 % des femmes y ont recours, moins de 1 % des hommes l'utilisent. Notamment parce que le congé était très mal indemnisé : 429 euros mensuels maximum. Quand vous gagnez 2 000 ou 3 000 euros et que vous venez d'avoir un enfant – ce qui est coûteux –, vous ne pouvez pas vous arrêter, sauf à avoir très peu d'écart de revenus ou énormément d'épargne. Il y avait un grand nombre de Français qui auraient aimé s'arrêter, mais qui ne le pouvaient pas et, à l'inverse – levons ce tabou –, des femmes qui auraient aimé s'arrêter pendant une période plus courte, mais qui n'ont pas pu, faute de mode de garde. Il faut à la fois renforcer les modes de garde, pour conserver la liberté de choix des parents, et garantir, si l'on souhaite s'arrêter, de bonnes conditions matérielles et financières, d'où le congé de naissance, de plusieurs mois, qui sera indemnisé non plus à hauteur de 429 euros, mais jusqu'à 1 800 euros. Il pourra être pris par chacun des parents ou les deux, en même temps ou successivement, à temps plein ou à temps partiel – l'idée étant de laisser la plus grande liberté possible. Par le passé, quand certains ont essayé d'adjoindre une logique coercitive, cela n'a pas fonctionné. Le nombre de recours au congé parental a été divisé par deux. Les chiffres sont éloquents : cela n'a pas permis une meilleure répartition des rôles et des tâches, ni même une meilleure égalité entre les femmes et les hommes, cela a même plutôt conduit à l'inverse.

Ma propre conviction n'est pas faite à propos du congé paternité, quant à savoir s'il faut le rendre obligatoire ou non. Il a été élargi et sept jours sont déjà obligatoires. L'avantage est qu'aujourd'hui le taux de recours au congé paternité est très élevé – plus de 70 % – et il continue de progresser, mais vous avez des écarts très importants. Je schématise, les cadres sont nombreux à avoir recours au congé paternité parce qu'il est valorisé socialement ; en revanche la proportion est beaucoup plus faible chez les employés ou les ouvriers. De ce point de vue, cela peut avoir un avantage de le rendre obligatoire, mais j'ai peur que, en utilisant la contrainte et en s'immisçant dans la vie des familles, on n'aboutisse à des effets inverses. Il est compliqué d'obliger celui qui ne veut pas s'arrêter. De la même manière, je veux qu'on laisse aux femmes le plus de liberté possible. Quand j'ai eu le bonheur d'être enceinte tout en étant présidente de groupe, j'ai entendu tout et son contraire : je revenais trop vite ou trop tard, mais je ne prenais jamais la bonne décision. J'aime l'idée qu'on laisse beaucoup de liberté de choix aux parents, père ou mère, et qu'on ne les culpabilise ni quand ils s'arrêtent ni quand ils ne s'arrêtent pas. C'est pour cela que je n'ai pas d'opinion définitive à ce sujet et les propositions de loi que vous déposerez seront l'occasion d'en débattre.

À propos de la mixité des métiers, de l'égalité professionnelle et de la lutte contre les stéréotypes de genre, nous souhaitons continuer à opérer à la racine. Une étude très récente a montré que le décrochage en mathématiques concerne non pas les jeunes filles, mais les petites filles : c'est entre le CP et le CE1 que le décrochage est le plus puissant. Cela veut dire qu'il y a un enjeu autour de la formation de nos enseignants et que l'on continue, parfois à cause de biais que l'on ignore soi-même et que l'on continue de répéter – parce qu'ils sont très ancrés en nous –, de s'adresser différemment à un garçon ou à une fille et d'attendre différents comportements selon le sexe. Résultat : il y a un décrochage très significatif, non pas au collège ou au lycée, mais dès le CP et le CE1. Il faut donc lutter dès le départ contre les stéréotypes et œuvrer pour davantage de mixité, j'y crois beaucoup. Comment arrive-t-on à construire des imaginaires pour nos enfants dans les deux sens ? Autrement dit, il ne faut pas seulement dire à des petites filles qu'elles peuvent devenir ingénieures, mais aussi expliquer à des petits garçons que les métiers dans lesquels les femmes sont surreprésentées, tels que les métiers du lien, du soin ou de l'accompagnement, ne sont pas des métiers par essence féminins. De même qu'il n'existe pas de qualités ou défauts intrinsèquement masculins ou féminins, il n'y a pas de métiers féminins ou masculins, mais des représentations très répandues. Or, ce sont elles qui sont les plus difficiles à changer.

Sur le sujet des métiers scientifiques ou numériques, les entreprises s'engagent, parce qu'elles voient qu'il n'est pas possible de réindustrialiser la France, d'être tête de pont en matière de cybersécurité ou d'intelligence artificielle en se coupant d'un vivier de 50 % de la population. Il s'agit d'un enjeu stratégique pour nos propres entreprises, mais aussi d'égalité entre les femmes et les hommes. Dans l'enquête que mène chaque année Gender Scan sur le sujet et que je vous invite à consulter, on constate que l'argument de l'autocensure a bon dos : souvent on affirme que les femmes ne voudraient pas aller vers ces carrières numériques, scientifiques ou techniques, par autocensure, mais c'est plus complexe en vérité, car 40 % des femmes engagées dans de telles études expliquent l'avoir fait contre l'avis de leurs familles ou de leurs enseignants. Elles ont donc lutté, non contre elles-mêmes, mais contre les représentations que la société se fait des métiers qu'elles ont choisi d'exercer.

Je m'attendais à une question concernant le budget, puisque les parlementaires peuvent aider à changer les choses. Le décret du 21 février 2024 concerne l'ensemble des ministères. C'est normal, notre pays ne peut pas sans cesse faire exception en matière de déficit et de dette. Mais, et je le réaffirme, parce que c'est la grande cause des deux quinquennats du Président de la République et parce que, si vous mettez en place l'aide universelle d'urgence, vous ne refuserez pas d'accueillir une femme sous prétexte que les crédits sont épuisés. Les 12 228 femmes qui ont bénéficié de l'aide universelle d'urgence en sont la preuve, malheureusement. Cela veut dire que cette aide fonctionne, et elle a été bien calibrée. L'aide est délivrée en un peu moins de trois jours en moyenne – cinq jours maximum – et le montant moyen octroyé s'élève à 875 euros, ce qui en fait une aide significative. Puisque vous ne pouvez pas limiter le nombre de bénéficiaires, le 3919, le Planning familial et toutes les associations qui œuvrent en matière d'accès aux soins et luttent contre toutes les formes de violence ne verront en aucun cas leurs budgets amputés – je l'ai répété aux associations que j'ai reçues récemment. On poursuit notre travail entre ministères pour que les choses avancent et que ces budgets absolument nécessaires continuent d'arriver à bonne destination.

À propos de l'évaluation demandée de nos dispositifs en matière de lutte contre les violences, notamment intrafamiliales, je n'ai aucune difficulté à ce que nous fassions notre propre évaluation. Ayant été parlementaire, j'aurais toutefois trouvé mieux que les députés évaluent les dispositifs mis en place par l'État, mais nous pouvons nous évaluer nous-mêmes, voire faire les deux. Peut-être que le sujet pourra être abordé lors du Printemps de l'évaluation ou en semaine de contrôle, mais si vous souhaitez des éléments de bilan, nous nous tenons à la disposition du Parlement et nous pouvons les produire. Certains dispositifs sont récents ou en cours d'expérimentation, tel le pack nouveau départ, défendu par Émilie Chandler, qui est en cours de déploiement dans le Val-d'Oise, avant d'être étendu à quatre autres départements, puis généralisé. C'est une nouvelle méthode qui doit également permettre de mieux calibrer les dispositifs et garantir leur efficacité.

Sur la question plus spécifique des familles monoparentales, une mission sera lancée par le Gouvernement, j'en avais parlé quand j'étais ministre des solidarités et des familles. Parce que leurs situations sont parfois très spécifiques en raison d'un cumul de difficultés, nous avons essayé d'avoir une politique très volontariste à leur égard, qu'il s'agisse des pensions alimentaires ou de l'élargissement du complément de libre choix du mode de garde (CMG) jusqu'aux 12 ans de l'enfant. À propos du point spécifique relatif à France Travail, le ministre du travail de l'époque, Olivier Dussopt, avait eu l'occasion de répondre dans le débat que les cas seraient évalués à l'aune de la situation de chaque public accueilli. Il n'y a pas de principe uniforme puisque les situations sont différentes.

Enfin, au sujet des territoires ruraux, j'aimerais que nous ayons une attention spécifique aux violences qui s'y produisent, parce que 50 % des femmes victimes de violences habitent des territoires ruraux, alors qu'ils n'accueillent que 31 % de la population. Il y a donc une surreprésentation des femmes victimes de violences dans ces territoires. Cela ne signifie pas qu'il faille les stigmatiser, mais il faut admettre qu'il est plus difficile de dénoncer les violences dont on fait l'objet quand tout le monde se connaît, quand on a peur du qu'en-dira-t-on et quand il n'y a pas toujours de référent à qui parler. À ce titre, je souhaite saluer l'action des maires, qui sont très mobilisés, notamment l'Association des maires ruraux de France (AMRF). En lien avec l'AMRF et l'AMF (Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité), nous essayons de garantir que chaque commune dispose d'élus formés à accueillir cette parole et de référents communaux de confiance. Les maires travaillent aussi ensemble, parce qu'il est parfois plus facile de se rendre non pas dans sa propre mairie, mais dans la mairie voisine, par peur de la stigmatisation ou que l'on apprenne la raison de votre visite. Ce sont des choses très concrètes que nous devons mettre en place. Les freins en ruralité que vous avez mentionnés – la mobilité ou l'accès aux soins – s'ajoutent au fait que dans certains territoires, les métiers peuvent être très genrés. Quand il y a une surreprésentation de femmes dans certains métiers, il est plus difficile d'y trouver un levier d'émancipation. Cela rejoint ce que nous avons discuté en matière de mixité, de représentations, d'imaginaires et de luttes contre toutes les formes de stéréotypes.

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L'adoption du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, par la mise en place de la budgétisation intégrant l'égalité femmes-hommes, nous a fait réaliser un grand pas pour la grande cause des deux quinquennats du Président de la République. Gabriel Attal en était le premier soutien et nous nous réjouissons qu'il soit aujourd'hui Premier ministre et qu'il puisse poursuivre son engagement sur ce sujet. Celui-ci a été travaillé au sein de notre délégation par notre collègue Sandrine Josso et moi-même, et a donné lieu à un rapport d'information adopté à l'unanimité de la délégation. Cette avancée est concrétisée dès cette année par l'ajout d'un rapport annuel annexé au PLF afin de recenser l'ensemble des dépenses publiques considérées comme défavorables à l'égalité entre les femmes et les hommes. L'idée étant que chaque euro dépensé doit l'être en faveur de cette égalité.

L'analyse de l'impact des politiques publiques sur les inégalités entre les femmes et les hommes démontre que des biais inconscients sont à l'œuvre dans leur conception et leur exécution, lesquels peuvent perpétuer ou aggraver ces inégalités. À l'heure à laquelle le Gouvernement cherche à réaliser des économies, cette budgétisation est un outil utile pour éclairer le Gouvernement ou le Parlement dans son choix. À ce titre, la mission d'information sur la budgétisation intégrant l'égalité débutée en décembre dernier par l'IGF (Inspection générale des finances), l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et le SDFE (service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes) a pour but de proposer une méthodologie dans un rapport qu'elle doit rendre ce mois-ci. Pouvez-vous, madame la ministre, nous informer de l'état d'avancement des travaux et nous assurer que vous saurez par votre combativité enjoindre à l'ensemble du Gouvernement de respecter l'engagement sur la budgétisation intégrant l'égalité ?

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Je souhaite la bienvenue à Mme la ministre au sein de notre délégation. Nous y dépassons souvent les clivages partisans, dans le but d'être utiles et de répondre avec nos capacités de législateur aux maux d'une société qui doit encore se donner les moyens d'avancer pour réaliser l'égalité complète et sans distinction de sexe, un objectif partagé.

À titre personnel, je me réjouis que le Congrès du Parlement ait raisonnablement voté la modification de l'article 34 de la Constitution. Le pays de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a été au rendez-vous dans le concert des nations.

Ayant été, avec Béatrice Descamps, rapporteur pour la proposition de loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales adoptée à l'unanimité en 2023 et rapporteur de la proposition de loi visant à soutenir les femmes qui souffrent d'endométriose, vous savez que nous pouvons travailler ensemble et de manière transpartisane, sur l'essentiel.

Au sujet du travail que mènent actuellement Mmes Riotton et Garin à propos de la redéfinition pénale du viol, travail que j'approuve, je saluerai la qualité du travail et des auditions menées par nos deux collègues, auxquelles j'ai pu assister.

J'aimerais aussi m'assurer que le financement de l'aide universelle d'urgence, s'adressant à 12 228 bénéficiaires, est bien garanti dans un contexte de coupes budgétaires.

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Ces dernières années ont été marquées par des décisions fortes en matière d'égalité et pourtant, nous n'atteignons toujours pas une parité réelle. Dans la vie politique, malgré les lois qui l'imposent, seuls 20 % des maires sont des femmes, seuls 20 % de départements sont présidés par des femmes et seulement 28 % des régions.

La question de l'autocensure des femmes en politique est encore présente, nous le savons, même si, grâce à des exemples tels que la Première ministre Élisabeth Borne et la présidente de l'Assemblée nationale, la situation évolue positivement.

Les conditions matérielles telles que le manque de disponibilité, résultant d'un partage des tâches domestiques non effectif, constituent toutefois des freins à l'engagement. L'exemple récent de la maire de Poitiers, dont les indemnités d'élu ont été suspendues durant son congé maternité, témoigne de l'inadaptation des conditions d'exercice d'un mandat pour une femme. Au fond, c'est le statut de l'élu qui doit être repensé à l'aune de la féminisation de la vie politique. Alors, de quelle manière pensez-vous que nous devrions avancer pour favoriser l'engagement politique au féminin et la vie des élues ?

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Nous connaissons votre détermination et l'aboutissement historique d'hier en est la preuve. Nous vous remercions de prendre le temps de nous écouter.

Je porterai à votre attention la situation spécifique des victimes françaises de violences conjugales à l'étranger. Pour schématiser, avant 2019, il n'y avait rien puisque le sujet n'était ni pris en considération ni même identifié. Ce n'est qu'à l'occasion du Grenelle des violences conjugales en 2019 que j'ai entrepris un état des lieux. Le constat était le suivant : les violences conjugales ne connaissent pas les frontières ; elles font également des victimes parmi les 2 millions de Françaises vivant à l'étranger. Nombre d'entre elles sont des « conjoints suiveurs », c'est-à-dire qu'elles suivent l'autre dans son projet d'expatriation, avec d'importantes conséquences sur leur dépendance financière, sociale et affective. Ce contexte est un facteur aggravant. Pour les victimes, l'isolement et la détresse sont absolus.

Depuis, il y a eu une prise de conscience salutaire et je note une véritable volonté d'agir de l'administration consulaire. Le secteur associatif s'est emparé du sujet, notamment avec l'outil « Save You », opéré par The Sorority Foundation, qui propose écoute et orientation. Cela me semble être un bon relais, parmi d'autres initiatives, mais la plateforme risque de péricliter prochainement, faute de financement.

La présidente de notre délégation a accepté d'engager une mission sur cette question – je l'en remercie. Celle-ci devrait être programmée prochainement et j'ai bon espoir qu'elle relance la mobilisation de tous les acteurs.

Une autre opportunité s'offre à nous. J'ai multiplié les rendez-vous ces dernières semaines avec les grands groupes privés qui expatrient leurs salariés. La féminisation de leurs agents en mobilité est un enjeu pour eux, ainsi que le bien-être des conjointes qui les suivent. Ces groupes sont prêts à s'engager sur une charte de bonnes pratiques et éventuellement sur des moyens engagés pour accompagner ces femmes. Si vous décidiez de défendre cette cause, madame la ministre, il y a là un alignement de planètes : la conjonction de bonnes volontés est l'occasion d'adresser un message d'entraide aux victimes, ainsi qu'à toutes nos compatriotes à l'étranger, qui se sentent souvent délaissées. Plus qu'une question que je vous pose, madame la ministre, c'est donc un point de vigilance que je vous soumets.

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Parmi les violences faites aux femmes, il est assez peu question des stalkerwares, des logiciels de traque installés à l'insu des victimes. Ces logiciels espions permettent à certains hommes de suivre leur femme, de lire ses messages et de la géolocaliser. Or, il existe désormais des dispositifs capables de détecter leur présence dans les smartphones ou les outils infectés : l'État a développé Veriphone, au sein du tribunal judiciaire de Paris ; Tinycheck a été créé par Félix Aimé ; et La Poste a mis en place un outil expérimental. Disposez-vous d'un état des lieux à ce sujet ? Comment faire davantage connaître ces outils pour déceler ces logiciels malveillants ?

À l'heure du numérique, nous ferons face à des besoins de recrutement très importants en Stem (science, technologie, ingénierie et mathématiques) de la part de la cybersécurité ou de la tech. Comment davantage favoriser les femmes qui ont des compétences et des talents évidents et qui ont toute leur place dans ces domaines ?

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À l'occasion de la semaine européenne de prévention et d'information sur l'endométriose, permettez-moi de vous parler des femmes qui souffrent quotidiennement. Aujourd'hui, elles sont plus de 190 millions de femmes dans le monde ; et pas moins de 1,5 million de femmes en France sont atteintes d'endométriose et souffrent de douleurs incapacitantes. Elle est la première cause d'infertilité chez les femmes. Pourtant, l'endométriose met parfois près de sept ans à être diagnostiquée, prise en charge et reconnue. Ce délai, beaucoup trop long, impose aux patientes un parcours de soins difficile, coûteux et peu adapté à leurs situations.

Je connais votre engagement sur ce sujet et je salue la prise de conscience collective sous l'impulsion du Président de la République dès 2022, avec notamment la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose.

Néanmoins, les femmes qui continuent à rencontrer des difficultés dans l'accès aux soins et à la reconnaissance demeurent trop nombreuses. Au lendemain d'une journée historique qui a vu notre pays envoyer un message fort aux femmes du monde entier, nous devons poursuivre notre rôle de pionnier en nous mobilisant avec les associations et les médecins impliqués dans la prise en charge des victimes de l'endométriose. Quelles sont les pistes du Gouvernement pour approfondir la stratégie nationale en la matière et mieux adapter le suivi des patientes ?

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Je vous remercie, madame la ministre, pour la présentation de votre feuille de route qui est, vous l'avez rappelé, la déclinaison du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027, lequel s'articule autour de quatre axes. Concernant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, vous avez évoqué ce qui a été entrepris depuis 2017 : le Grenelle sur les violences conjugales, les nombreux dispositifs – bracelets antirapprochement, TGD, ordonnances de protection – ou la formation des forces de l'ordre. Pourtant, nous avons encore des progrès à faire ; nous sommes toujours confrontés au fléau des violences conjugales et à de très nombreux féminicides. Il nous faudra procéder à l'évaluation des nombreuses mesures que nous avons prises. Il me semble que les différents acteurs ont pris connaissance et se sont approprié ces différents dispositifs, qui restent hélas encore trop peu connus. L'évaluation devra aussi être l'occasion d'en faire la promotion. À l'occasion du Grenelle sur les violences conjugales, on a vu se créer des synergies permettant de mieux lutter localement contre ces violences lorsqu'on mettait autour d'une même table des forces de l'ordre, des procureurs, des magistrats, des avocats et des associations. Au-delà de la journée du 25 novembre, dédiée à la lutte contre les violences conjugales, il faudrait, sous l'égide des préfets, mettre en place des dispositifs pour évaluer et promouvoir tout ce qui existe en matière de lutte contre les violences conjugales. Qu'en pensez-vous ?

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Au sujet des Maisons des femmes, de leur développement, intégré au plan annoncé par la Première ministre le 8 mars dernier, et de leur modèle économique, on constate que chacune d'entre elles est, dès l'ouverture, « victime de son succès ». Ces maisons ont un réel intérêt pour assurer la dimension sanitaire de la prise en charge des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles. Elles peuvent également y déposer plainte, grâce aux conventions signées avec la justice et l'intérieur. Comment assurer le modèle économique de ces dispositifs nécessaires ?

Il a été question des journées du 8 mars et du 25 novembre, mais il y a également le 25 janvier, journée nationale de lutte contre le sexisme. Le sixième rapport du HCEFH donne l'impression, malgré les nombreuses choses que nous faisons, d'un recul : neuf femmes sur dix se disent encore victimes de sexisme et 75 % des femmes affirment ne pas être traitées à égalité en ligne. Nous l'avons évoqué quand il était question des métiers scientifiques, techniques ou numériques, mais s'attaquer aux racines du sexisme revient à s'attaquer à la fois à la famille, donc à l'éducation – on ne donne pas, instinctivement, la même éducation à une fille et à un garçon –, à l'école et au numérique. Ce triptyque est important, mais n'est-ce pas sur le numérique que nous disposons des moyens d'action les plus immédiats pour atteindre l'égalité femmes-hommes et faire que cette journée du 25 janvier existe le moins longtemps possible ?

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Je me fais la porte-parole d'une question que vous adresse Sandrine Josso – qui se préoccupe de « l'après » des victimes de violences et agressions sexuelles – à propos de la confrontation judiciaire, une étape pénible qui laisse les femmes seules face à leurs traumas au point de provoquer parfois chez elles un état de choc profond et de décupler le stress post-traumatique. Elles sortent de cette épreuve encore plus démunies et isolées d'autant que la société accepte mal, malheureusement, de tels symptômes. À la place, n'y aurait-il pas des mesures plus empathiques afin d'accompagner ces victimes dans une procédure qui doit conduire à la réparation et non à l'augmentation du stress post-traumatique ? Ne serait-ce pas le moment d'aider véritablement les victimes à sortir réparées de ces épreuves dévastatrices et d'éviter d'ajouter de la violence à la violence ?

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Aurore Bergé, ministre déléguée

La budgétisation intégrant l'égalité est essentielle, parce qu'elle permettrait d'objectiver ce qui a été fait dans chacun des ministères – par la police, la justice, l'enseignement supérieur, l'éducation nationale ou la santé… –, et ce qui reste à faire. En vérité, tous mes collègues y gagneraient. Vous avez bien fait de rappeler la mission conjointe de l'IGAS et l'IGF en cours. En effet, l'opération n'est pas si simple à réaliser : que faut-il mesurer ? quels sont les indicateurs justes et pertinents ? La mission dévoilera ses conclusions au printemps et j'invite, j'incite et j'engage l'ensemble des membres du Gouvernement à suivre ses recommandations. Certains départements ministériels ont un peu d'avance, comme le logement, qui a rapidement mis en place avec transparence la manière dont les hébergements d'urgence sont attribués aux femmes. Ce sera un atout pour tout le monde de mieux savoir et connaître. Par exemple, en matière de marchés publics, l'État et ses opérateurs achètent annuellement pour 41,7 milliards d'euros ; ils peuvent donc avoir un rôle d'avant-garde à jouer, vous l'avez rappelé.

Au sujet de l'aide universelle d'urgence, je le réaffirme : pour les 12 228 bénéficiaires, pas un euro ne manquera pour garantir à toutes les femmes qui en ont besoin qu'elles pourront y recourir. Il y a sans doute eu un effet de rattrapage au début – des femmes victimes depuis longtemps ont réclamé cette aide –, mais le volume aujourd'hui est à peu près constant. Nous verrons s'il se maintient dans les prochains mois. Comme vous, je souhaiterais que moins de femmes en aient besoin, mais si cela leur permet effectivement de partir sans éprouver de difficultés supplémentaires liées au manque de moyens, de franchir ce pas essentiel et vital, alors nous poursuivrons.

À propos de la confrontation judiciaire que mentionne Sandrine Josso – à qui j'adresse toute mon amitié et mon soutien –, s'il est nécessaire que le principe du contradictoire prévale, il y a aussi un enjeu d'accompagnement des femmes dans leur parcours. Nous avons discuté avec le garde des Sceaux des moyens à mettre en œuvre pour garantir aux victimes – qui ont eu le courage de porter plainte et de témoigner, alors qu'elles savent que la question du probatoire est toujours délicate dans les affaires de violences sexistes et sexuelles – une meilleure prise en charge face aux aléas qui peuvent survenir lors de l'audition ou une meilleure organisation. Il y a sans doute des manières par lesquelles encore mieux sécuriser leur parcours.

L'ensemble des dispositifs mis en place doit être évalué, je l'ai dit également à Stéphane Viry. Je crois à la vertu de la confrontation positive, qui doit exister, entre les forces de l'ordre, les procureurs et les associations. Je crois également à la vertu des retakes. Ce n'est pas exactement notre culture, mais je crois qu'il est important, lorsqu'un féminicide se produit, d'organiser des retakes afin de savoir s'il y a eu ou non des manquements. Il ne s'agit pas d'inquisition, mais de savoir comment améliorer les capacités d'accueil des femmes, la prise en charge de leur parole, leur accompagnement et la coordination entre les différents services.

Les violences sont multiples, ce ne sont pas seulement des coups, ce sont aussi l'humiliation, l'inspection d'un téléphone portable, la lecture insidieuse des messages – en somme, le contrôle de la vie de la compagne. Aujourd'hui, les logiciels de traque existent, malheureusement, mais ceux qui permettent de les détecter et de garantir que l'on n'est pas fliqué ou contrôlé aussi. J'avais eu l'opportunité de le constater à la maison de protection des familles à Bois-d'Arcy où les gendarmes, en lien avec La Poste, renseignaient les femmes. J'espère que ce travail aura beaucoup plus d'écho et que dans toutes les maisons de protection des familles, dans toutes nos gendarmeries et dans tous nos commissariats, les femmes apprendront l'existence de ces dispositifs. En matière de violences conjugales, on ne pense pas forcément immédiatement à de telles intrusions, mais elles constituent une forme de violence et d'emprise que l'on doit pouvoir éviter.

À propos de l'endométriose, je crois que, malheureusement, si je faisais un sondage auprès des femmes présentes dans cette salle, toutes confirmeraient avoir déjà entendu la phrase : « C'est normal d'avoir mal ». Peut-être l'avons-nous même entendue dans nos propres familles, parce que c'est une phrase qu'on a entendue génération après génération. Non, ce n'est pas normal d'avoir mal et il n'est pas normal non plus que l'errance diagnostique ait pu durer sept ans. Les choses ont heureusement profondément évolué concernant la détection, le repérage, le parcours et l'accompagnement de celles qui souffrent de cette pathologie. Nous aurons l'occasion de nous exprimer à nouveau sur ce sujet à la fin du mois, puisqu'une journée de sensibilisation lui sera dédiée. D'autres annonces interministérielles pourront être faites à ce moment. Je réserve donc ma réponse jusqu'à cette date.

Les Maisons des femmes souffrent d'un manque de coordination : dans certains départements il n'y en a aucune, alors que dans d'autres il y en a plusieurs. Au moment du pilotage, de l'organisation et du maillage territorial, il faut se demander si une collectivité territoriale doit avoir la charge du pilotage. Il ne serait pas tout à fait inutile qu'il existe une coordination entre préfets, ARS (agence régionale de santé) et départements, parce qu'il faut une approche globale pour les femmes en matière de santé et de violences : quand on vient dans une maison des femmes pour un enjeu de santé, on est évidemment accompagnée sur le sujet des violences. La coordination est donc importante.

Certes, le dernier rapport du HCEFH n'est pas réjouissant, mais s'il met en garde contre notre tendance à nous reposer sur l'idée que tout cela relèverait d'un fait générationnel et qu'une nouvelle génération permettrait d'embrasser l'égalité de manière naturelle, il a le mérite de rappeler que l'égalité demeure un combat permanent.

Il faut garantir que tous les dispositifs qui sont mis en place dans l'Hexagone et dans l'outre-mer soient accessibles à toutes les Françaises, y compris celles installées à l'étranger. Il y a donc encore du chemin à parcourir parce qu'il est sûrement encore plus difficile de détecter et repérer les violences subies au-delà des frontières, comme de quitter un conjoint violent lorsque l'on a tout laissé derrière soi pour le suivre. Il y a un gros engagement des entreprises concernant la mobilité professionnelle. Pour en avoir discuté avec elles, elles essaient aujourd'hui de réaliser ce travail de repérage et de détection, qu'elles avaient notamment effectué pendant le confinement, lorsque des femmes affirmaient, non pas être victimes de violences, mais avoir très envie de revenir au sein de l'entreprise. Cela avait déclenché des alertes. Ces femmes doivent être prioritaires en matière de mobilité professionnelle. C'est aussi un engagement que l'État doit prendre.

Je me souviens que la première réunion politique à laquelle j'avais assisté avait pour objet le statut de l'élu – je ne suis certes pas âgée, mais c'était il y a quelque temps déjà. Il y a encore du chemin à parcourir. Personnellement, je ne pense pas que revenir au cumul des mandats aiderait les femmes, je pense même que cela pourrait avoir l'effet inverse – je ne fais que livrer ma conviction personnelle. Il existe beaucoup de freins à l'engagement – associatif, syndical ou politique – qui mériteraient d'être levés. Je le répète, ce n'est pas de l'autocensure, mais nous vivons dans une société qui n'a pas été pensée et structurée pour accueillir des femmes dans des filières dans lesquelles elles n'étaient pas attendues et dans lesquelles elles ont pu être vues, au début, comme des intruses. Aujourd'hui, nous sommes là et nous comptons bien rester. Je laisse le mot de conclusion à Roselyne Bachelot qui disait qu'un jour la parité protégerait les hommes. Peut-être y arriverons-nous.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La délégation vous remercie, Madame la ministre déléguée, pour votre présentation et vos réponses, somme toute, engageantes.

L'audition s'achève à dix-neuf heures

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Céline Calvez, Mme Émilie Chandler, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Christine Engrand, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Amélia Lakrafi, Mme Julie Lechanteux, Mme Sarah Legrain, Mme Delphine Lingemann, Mme Marie-France Lorho, Mme Graziella Melchior, Mme Véronique Riotton, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Jean Terlier, Mme Anne-Cécile Violland, M. Stéphane Viry.

Excusée. - Mme Sandrine Josso.