Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la france

Réunion du jeudi 28 mars 2024 à 11h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à onze heures.

La commission procède à l'audition de M. Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair (ANVOL), et de M. Yann Brice, directeur adjoint.

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Nous poursuivons nos auditions ce matin avec des représentants des filières agricoles françaises, en recevant M. Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair (ANVOL), et M. Yann Brice, directeur adjoint. La filière volaille française est soumise à une très forte concurrence mondiale et à des dépendances anciennes à différentes importations de productions agricoles, comme le soja.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(MM. Huttepain et Brice prêtent serment.)

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui pour évoquer le sujet fondamental de la souveraineté alimentaire. Cependant, je crains que nous n'ayons déjà perdu cette souveraineté en ce qui concerne la volaille. Il est beaucoup question d'énergie en ces temps d'inflation, mais je tiens à rappeler que l'alimentation est elle aussi une affaire d'énergie, l'énergie du corps. Il est essentiel que les décideurs politiques agissent rapidement dans ce domaine.

La volaille a été mise à l'honneur ces dernières années, ne serait-ce que pendant le débat télévisé de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle, mais aussi plus récemment, lors du Salon de l'agriculture. Or aujourd'hui, la France importe un poulet consommé sur deux. Cette perte de compétitivité s'est effectuée de manière régulière : en l'an 2000, nous importions 25 % de notre consommation, contre seulement 10 % en 1990.

La consommation continue pourtant à augmenter, pour différentes raisons. La volaille est peu grasse donc prisée en matière de diététique et elle n'est pas non plus frappée par des interdits religieux, contrairement à la viande de porc ou d'autres viandes. La volaille standard représente aujourd'hui 85 % de la consommation française, contre 80 % en 2018. De facto, toutes les productions qui sont montées en gamme ne se sont pas vues récompensées par des consommations plus élevées.

Quelles sont les raisons de cette perte de souveraineté ? La première concerne le manque de compétitivité de la France. Aujourd'hui, il faut plus de quatre à cinq ans pour monter un bâtiment d'élevage, quelle que soit la viande concernée. Ensuite, les taxes que nous subissons sont supérieures d'environ 11 % à celles de nos voisins. Le coût horaire de la main-d'œuvre est également plus élevé en France, notamment par rapport à la Pologne. : 26,50 euros de l'heure en France contre 9 euros en Pologne. La France produit douze à quatorze millions de poulets par semaine quand trente millions le sont en Pologne sur la même période, alors que ce chiffre n'était que de huit millions en 2000. Les contraintes administratives pèsent également : pour pouvoir monter une exploitation aujourd'hui, il faut surmonter un véritable parcours du combattant, qu'il s'agisse des directives européennes, des arrêtés de biosécurité ou des enquêtes publiques françaises.

En 2023, le prix moyen du filet de poulet brésilien est de 3,10 euros lorsqu'il arrive dans nos ports, contre 3,30 euros pour le filet ukrainien, entre 3,50 euros et 5,50 euros pour le filet européen et 5,80 euros pour le filet français. Avec la montée en gamme, le prix de détail au kilogramme peut atteindre 20 à 30 euros. Les Français dépensent en moyenne entre 9 et 11 euros par personne pour se nourrir chaque jour. En tant qu'élus, vous êtes peut-être responsables de restauration scolaire et universitaire et savez bien que l'on ne peut pas nourrir la France que de produits bio.

Le manque de compétitivité est également lié aux élevages. Les élevages français favorisent le bien-être animal, avec des animaux élevés en plein air et des élevages bénéficiant de lumière naturelle. La surface d'un élevage moyen est de 2 000 à 2 500 mètres carrés. En Pologne ou en Ukraine, il existe de véritables bâtiments industriels, des « usines à poulets » qui élèvent 1 800 000 poulets par lots. Multipliés par sept lots, on atteint un chiffre supérieur à 11 millions sur une ferme par semaine, soit l'équivalent de l'ensemble de la production française.

La deuxième raison de la perte de compétitivité tient au fait que la volaille est en quelque sorte la variable d'ajustement, la monnaie d'échange de l'Europe dans ses négociations. Nous en avons assez de voir qu'à l'issue de chaque négociation d'accord, le commissaire européen au commerce accepte la hausse des quotas de cuisses ou de filets de poulet. L'Europe offre chaque année des quotas d'importation à droits réduits. Elle importe aujourd'hui du Mercosur 50 000 tonnes de porcs, 350 000 tonnes de bovins et 500 000 tonnes de volailles à droits réduits et négocie actuellement 35 000 tonnes supplémentaires de porcs, 80 000 tonnes supplémentaires de bovins et 180 000 à tonnes supplémentaires de volailles. Avec le Chili, nous négocions la mise à disposition de terres rares contre une augmentation des quotas de volailles, 18 000 tonnes supplémentaires venant s'ajouter aux 22 000 tonnes existantes. Dans le même ordre d'idées, l'Ukraine disposait d'un quota historique de 90 000 tonnes et il est question de 120 000 tonnes supplémentaires, soit 210 000 tonnes au total.

Une autre raison de notre faiblesse a trait à la non-acceptabilité sociétale. Le modèle français repose sur un modèle familial, à l'opposé des fermes usines précédemment mentionnées. Malheureusement, notre filière fait l'objet de campagnes négatives de la part de célébrités et d'influenceurs militants, dont la presse se fait l'écho. Par exemple, MM. Nagui et Hugo Clément ont posé pour des photographies avec des volailles mortes dans les mains.

Un agriculteur veut développer une ferme dans la Drôme, à hauteur d'un million de poulets par an, sur sept bancs correspondant à autant de rotations et environ 4 000 mètres carrés. Ce faisant, il est accusé de vouloir monter une usine géante par une partie de la presse. De même, les ONG vilipendent les méthodes de production et d'abattage des sociétés Duc ou LDC et viennent envahir les élevages. Sous prétexte d'être des lanceurs d'alerte, leurs militants se permettent d'entrer sans autorisation, de placer des caméras et ainsi de commettre des actes inacceptables. Les éleveurs en ressortent traumatisés. La promotion du véganisme et de la fin de l'élevage représente un véritable danger pour la santé humaine, aux dires des médecins.

Certes, au sein de la profession, certains ne sont pas irréprochables. Mais l'immense majorité des salariés, des éleveurs, des abattoirs, des entreprises réalisent un bon travail et vivent très mal la situation actuelle. À ma connaissance, les volailles importées ne font pas l'objet de telles critiques, alors même qu'il y aurait beaucoup à dire sur les conditions de production ! Il sera donc nécessaire que les élus de la République se penchent, à leur niveau, sur l' agri-bashing.

Sachez par ailleurs que la France est le leader du bien-être animal (BEA), lequel porte notamment sur la répartition de la production ou la diminution des antibiotiques. En dix ans, l'ensemble de la profession a réduit de 80 % ses consommations d'antibiotiques, quand dans certains pays chaque lot de volailles subit trois traitements. Je rappelle que nous sommes très attachés à la clause miroir, qui ne correspond pas à la clause équivalente. Les clauses miroirs correspondent à des normes de production identiques pour chaque partie aux traités.

Face à l'ensemble de ces problèmes, nous souhaitons apporter des propositions. Le Gouvernement s'est déjà penché sur la réduction des possibilités et des temps de recours, ainsi que sur leur compétence géographique. Aujourd'hui, une association marseillaise peut très bien porter plainte contre un projet d'élevage de volailles dans la région brestoise. Nous voulons également mettre fin aux surrèglementations européennes et maintenir la diversité française. Je rappelle que nous sommes le seul pays à proposer à la fois de la dinde, de la pintade, du canard, de la caille et du pigeon. Si la tendance actuelle se poursuit, cette variété de production n'existera plus dans cinq ans.

Nous sommes également favorables à une plus grande transparence auprès du consommateur concernant l'étiquetage de l'origine. À titre d'exemple, les Ukrainiens exportent des filets de poulets vers des usines qu'ils possèdent sur le territoire européen, aux Pays-Bas, où ils sont ensuite levés sur des chaînes de production locales, leur permettant d'apposer un étiquetage néerlandais. Cette situation doit s'arrêter. De même, il faut cesser la nomenclature « origine UE » ou « origine hors UE », pour préciser le véritable pays d'origine.

Nous demandons également un moratoire sur les accords de libre-échange (ALE), ainsi que l'établissement de clauses miroirs et le renforcement des contrôles sur les accords existants. J'ai eu l'occasion de discuter avec des commissaires européens à l'agriculture et avec les ministres de l'agriculture successifs. Tout le monde me rétorque que nous n'avons pas les moyens d'agir. Je suis pro-européen, mais je déplore que nous ne nous donnions pas les moyens d'effectuer des contrôles de qualité. Lors d'un contrôle effectué dans le port de Rotterdam il y a quatre ans, 20 % à 25 % des filets de poulet brésiliens contrôlés étaient affectés par des salmonelles.

Enfin, nous avons besoin du soutien des décideurs politiques et du Gouvernement. En résumé, la filière se mobilise pour lutter contre les nouveaux contingents d'importation, renforcer l'information et les contrôles afin que l'étiquetage soit mis en œuvre, inclure des causes miroir, faciliter le dialogue avec la société, limiter les possibilités de recours devant les tribunaux administratifs et accompagner les investissements en fonction des débouchés réels. La montée en gamme un peu forcée d'un certain nombre d'éleveurs en label et en bio se retourne contre eux aujourd'hui, car leurs prix sont trop élevés.

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Vous indiquez qu'un million de tonnes de volailles sont concernées par les accords de libre-échange passés par l'Union européenne (UE). Je précise que la position du Président de la République sur l'accord du Mercosur est claire ; elle vient encore d'être rappelée il y a quelques heures.

D'après les données que j'ai pu consulter, les exportations de l'UE en matière de volailles s'établissent environ à 2,3 millions de tonnes. Cela signifie bien que l'UE exporte davantage qu'elle n'importe et donc qu'elle a plutôt bien négocié ses accords de libre-échange.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Selon mes chiffres, il ne s'agit pas de 2,3 millions, mais de 1 million de tonnes. En outre, nous exportons surtout des sous-produits comme les croupions de poulet ou de dinde, que nous ne consommons pas et qui sont exportés vers l'Afrique, ce qui suscite par ailleurs l'inquiétude de certaines ONG. De la même manière, nous exportons des pattes de poulet vers la Chine. Par conséquent, les flux sortants et entrants ne sont pas de même valeur.

Ensuite, nous ne nous opposons pas aux importations en tant que telles. En revanche, nous refusons que la volaille soit systématiquement la variable d'ajustement des accords de l'UE : l'Europe importe surtout des filets de poulet, bien plus que des porcs ou des bovins. Cette importation n'est pas le fait de la grande distribution, elle est surtout absorbée par l'élaboration de produits transformés.

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En matière de production, je m'efforce de raisonner sur les deux niveaux, national et européen. Selon le rapport de FranceAgriMer sur la souveraineté alimentaire publié récemment, la production de volailles a augmenté de 12 % en France entre la période 2009-2011 et la période 2019-2021. La consommation de volaille a explosé, mais la production nationale n'a pas augmenté au même rythme.

Le même rapport indique que le taux d'auto-approvisionnement de l'Union européenne en matière de volaille est de 112 %. Entre les lignes, cela signifie que l'agriculture française s'est renforcée dans certaines filières, comme les céréales, mais qu'il n'en a pas été de même dans d'autres productions. De quels pays proviennent les importations françaises de volailles ? S'agit-il essentiellement du reste du marché européen ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Vos questions nous placent au cœur des enjeux de fond : devons-nous assurer la souveraineté alimentaire de la France ou la souveraineté alimentaire de l'Europe ? S'il s'agit de l'Europe, cessons de produire en France et disons à nos éleveurs d'aller en Roumanie ou en Pologne. Il s'agit d'une véritable question politique.

Ensuite, nous revenons au même problème : à partir du moment où des poulets venant d'ailleurs sont légèrement transformés dans un pays de l'Union, ils portent l'estampille de ce pays. En Europe, les principaux « producteurs » sont les Pays-Bas et la Belgique. Pensez que la France produit douze à quatorze millions de poulets par semaine. Les Pays-Bas n'en produisent que huit millions et pourtant ils sont exportateurs nets ; ils exportent plus qu'ils ne produisent. C'est la raison pour laquelle nous avons alerté le commissaire européen sur ce problème. Votre question est pertinente, mais je ne peux pas y répondre complètement.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

La Pologne, ainsi que la Slovénie, en forte progression. La Roumanie progresse également, mais sa production est plutôt destinée à la Grèce.

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Je suis conscient que la filière volaille française rencontre des difficultés. Nous continuons à exporter, même si nos ratios sont plutôt négatifs et nos exportations diminuent. Vers quels pays exportons-nous principalement ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Nous avions une spécificité française, qui a défrayé la chronique, dont les principaux représentants étaient les groupes Doux et Tilly Sabco, spécialisés dans le « poulet export », un petit poulet essentiellement à destination du Moyen-Orient, où la France était leader devant le Brésil et les États-Unis il y a une vingtaine d'années. Aujourd'hui, le principal exportateur de volaille entière est le groupe France Poultry. Lorsque le groupe Doux a déposé le bilan, il a été repris par des capitaux saoudiens – le groupe Almunajem, coté en bourse. Désormais, ce groupe exporte principalement le petit poulet. Après avoir connu des vicissitudes l'année dernière, il exporte à nouveau vers l'Arabie Saoudite.

Nous exportons aussi des filets de canard vers le Japon, mais il s'agit d'un petit marché. Bien plus grave, le marché britannique vient de se fermer pour des motifs de vaccination, alors qu'ils nous avaient promis le contraire. Le Gouvernement avait d'ailleurs produit un bon travail de valorisation de la politique sanitaire de la France pour expliquer notre position. Il y a quelques années, les Chinois exportaient 10 000 tonnes de canard, mais ce chiffre est aujourd'hui passé à 25 000 tonnes. En effet, leurs ventes domestiques sont mauvaises et ils se tournent vers l'Europe, malgré les taxes à l'entrée auxquelles ils sont soumis. Ils souhaitent s'implanter sur le continent et y prendre des parts de marché.

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Si je comprends bien, l'Arabie Saoudite est un marché clef.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Oui, l'Arabie Saoudite est un pays important pour les volumes de volailles nobles ; il s'agit du premier importateur parmi les pays tiers.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

En Europe, nous exportons environ 25 % de notre production de canard vers l'Allemagne et 10 % vers l'Angleterre, mais pour cette dernière les exportations sont arrêtées pour le moment.

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Pouvez-vous nous donner le détail des exportations, entre les sous-produits ou les produits nobles ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Selon moi, les produits nobles sont le filet, les cuisses et hauts de cuisses et les pilons. Les ailes sont devenues également un produit noble, puisque l'on mange énormément de « wings » désormais, sous l'influence américaine.

Je ne dispose pas des chiffres dans le détail, mais nous vous les fournirons. Il faut retenir que nous exportons surtout des poulets entiers vers les pays tiers, dont les sous-produits sont les « croupions de dinde », les « pilons de dinde », la viande séparée mécaniquement, c'est-à-dire le grattage des « petites viandes » sur les carcasses, qui sont utilisées par des pays pour fabriquer des saucisses à bas coût. Nous exportons par exemple vers l'Afrique, à 1,50 euro le kilogramme, des « knacks » de volaille dont les taux de calcium sont élevés. Les pattes sont plutôt destinées à l'Asie, notamment la Chine.

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Je réitère notre demande de disposer de tels chiffres, qui sont importants pour cerner les enjeux. La première colonne du tableau du rapport de FranceAgriMer concerne le taux d'auto-approvisionnement et indique que la production représente environ 80 % de la consommation. À ce titre, il serait intéressant de connaître la part des sous-produits, c'est-à-dire la part de production qui n'est pas adaptée à la consommation française.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Nous fournirons les tableaux dont nous disposons.

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S'agissant de la concurrence étrangère. Vous nous avez indiqué qu'il existait déjà un quota de 90 000 tonnes avec l'Ukraine avant le début de la guerre. Connaissez-vous les raisons de ce quota ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Cet accord est intervenu pour aider l'Ukraine après l'invasion de la Crimée en 2014. Aujourd'hui, nous acceptons un passage à 140 000 ou 150 000 tonnes, mais ne sommes pas favorables à un élargissement jusqu'à 220 000 tonnes. Nos collègues polonais, hongrois et roumains y sont encore plus opposés.

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Vous avez fait état d'une prise de conscience sur les traités de libre-échange. Cependant, je constate que le traité de libre-échange avec le Chili a été approuvé récemment, même si les quantités concernées ne sont pas immenses. Pouvez-vous nous fournir plus de détails à ce sujet ? Les importations interviennent-elles uniquement dans le cadre des traités de libre-échange ou ont-elles lieu également en dehors de ces traités, selon les règles normales de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ? Quelles sont les protections douanières actuellement en place ? Sont-elles efficaces ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Les négociations pour le traité avec le Mercosur remontent à une dizaine d'années.

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Les discussions ont été entamées il y a vingt-quatre ans.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Elles ont commencé à l'époque où Mme Merkel était chancelière. Elle avait négocié l'implantation d'usines de production automobile contre l'augmentation des importations de volaille. La part des importations en dehors des taux réduits est assez faible et les taux réduits sont discutés chaque fois par Bruxelles. Sur le plan géopolitique, nous avons été confrontés à des problèmes avec l'arrêt des accords de l'OMC. Désormais, les accords sont passés de zone à zone, avec le Canada ou l'Amérique du Sud par exemple Il n'existe plus de vue globale telle que celle qui régnait à la fin des années 2000. Je rappelle que le dernier round de négociation de l'OMC est intervenu en 2008. Ensuite, le cadre de l'Accord économique et commercial global (AECG) ou CETA nous concerne peu dans la mesure où les Canadiens ne sont pas particulièrement performants dans la production de volailles.

La position de l'interprofession de la volaille vis-à-vis des accords de libre-échange est qu'il est nécessaire de fixer des limites. À titre d'exemple, on nous indique aujourd'hui qu'il faut aider l'Ukraine face à l'agression russe. Je suis prêt à recevoir 250 000 poulets ukrainiens de la part de M. Zelensky, mais à l'unique condition que nous diminuions par ailleurs d'autres quotas entrants, par exemple avec le Brésil. Malheureusement, à l'heure actuelle, les quotas tendent à s'accumuler.

Monsieur le président, vous avez posé la question essentielle il y a quelques minutes : à quoi correspond la souveraineté alimentaire française ? Avant toute autre chose, il importe de répondre à cette question. Nous avons besoin que les représentants de la nation se positionnent sur ce sujet, pour nous éclairer et nous donner de la visibilité. La crise agricole et avicole actuelle repose en grande partie sur un sentiment de lassitude de la part des éleveurs. Dans les années 1960 et 1970, on nous a demandé d'accroître la production, avant de faire marche arrière par la suite. Ensuite, il nous a été reproché de mal produire, puis on nous a demandé de monter en gamme. Désormais, nous sommes confrontés à un problème de fond, car nous ne pouvons pas nous adapter à ces changements successifs.

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La souveraineté alimentaire fait effectivement l'objet de discours, mais nous avons pu constater lors de nos premières auditions qu'il était difficile de la définir avec précision. S'agit-il de maîtriser les importations, d'être en mesure de produire par nous-mêmes ? La question du périmètre importe également : cette souveraineté doit-elle s'envisager au niveau national ou au niveau européen ?

Vous soulignez qu'il s'agit d'un problème politique, qui appelle donc une réponse de notre part. Cependant, la filière française est-elle prête à accepter que la notion de souveraineté demeure vague ? Vous avez indiqué à plusieurs reprises que le poulet était devenu un outil politique, une monnaie d'échange lors des négociations. Votre interprofession est-elle prête à accepter que nous déléguions la production de volailles à la Pologne, la Bulgarie ou d'autres pays au nom de l'Europe ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Tout d'abord, je ne vous enjoins pas de répondre à cette question. Simplement, j'ai précisé qu'il s'agit d'un problème d'ordre politique, d'administration. Que voulons-nous ? Je ne suis pas favorable à notre effacement derrière les Roumains, Polonais ou Bulgares, précisément pour des raisons de souveraineté alimentaire. Je sais pertinemment que nous ne reviendrons pas à une production 100 % française. En revanche, je serais favorable à l'établissement d'un plan pour passer de 50 % à 60 % ou 70 %.

Nous souhaitons que les hommes politiques nous aident, à travers des décisions courageuses, pour assumer certains choix. Par exemple, vous, citoyens, acceptez-vous d'avoir un poulailler près de chez vous ? Tout le monde est prêt à accepter un poulailler de petite taille, mais il n'en est pas de même s'il s'agit d'un élevage de 40 000 volailles. Pourtant, ce modèle de 40 000 poulets n'est pas aussi compétitif que les usines de 1,8 million de poulets existant en Pologne ou en Ukraine.

Je suis conscient que les hommes politiques et les députés subissent des pressions médiatiques sur ces sujets de consommation de viande d'élevage. Si l'ensemble de la société estime qu'elle ne veut plus de poulets en France, nous changerons notre fusil d'épaule. Mais je n'en prendrai pas la responsabilité. Je crois à la production française, mais il faut nous donner des moyens de pouvoir lutter à armes égales. Je ne suis pas opposé à l'existence de recours contre des poulaillers. En revanche, il ne me semble pas normal que les décisions des conseils municipaux et des préfets soient attaquées, à partir du moment où leur démarche administrative est correcte. Il ne s'agit pas de restreindre le droit à agir, mais de le cadrer.

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Vous avez établi une distinction entre les clauses équivalentes et des clauses miroirs. Pourriez-vous brièvement nous expliquer la différence ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Le volume de production au mètre carré en Europe est aujourd'hui de 38 kilos, avec une dérogation à 42 kilos pour la production de poulets respectant les normes en matière de bien-être animal. Sous la pression générale, nous sommes en train d'installer la lumière naturelle dans l'ensemble de nos poulaillers. De même, comme je vous l'ai indiqué, nous avons réduit de 80 % la consommation d'antibiotiques et certains antibiotiques sont par ailleurs interdits en Europe. Par exemple, la flavomycine est interdite dans l'Union européenne, mais elle est utilisée par l'ensemble du continent sud-américain ou par les Ukrainiens, en grandes quantités.

Dès lors, il est faux d'affirmer que les conditions sont « équivalentes ». Il en va de même pour la quantité de soja fournie aux animaux. En outre, les exploitations ont pour obligation sanitaire de tracer le soja qu'elles utilisent, ce qui n'est pas le cas de leurs concurrents. Nous demandons donc des clauses miroirs, c'est-à-dire identiques à celles auxquelles nous sommes soumis en Europe.

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J'imagine que vous êtes consultés par la Commission européenne, dans le cadre des négociations qu'elle mène. Avez-vous le sentiment d'une prise de conscience ou d'une inquiétude concernant ces modes de production qui ne respectent pas les standards que nous nous imposons ? Sommes-nous conscients des risques sanitaires qui pourraient être engendrés ? S'agit-il même d'un sujet de préoccupation ? N'est-il question que de tonnages, dans un contexte géopolitique spécifique, au détriment des règles de concurrence loyale mais aussi de la santé des consommateurs européens ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Nos interlocuteurs nous disent qu'ils sont conscients du problème, mais lorsque nous insistons sur les questions de traçabilité et de vérification, nous n'obtenons pas de réponse satisfaisante. Cela illustre le décalage entre la perception de la Commission européenne et les réalités du terrain.

Je conçois que l'Europe puisse passer un accord avec le Chili pour obtenir des terres rares en échange d'un accroissement des quotas d'importation. Mais ces accords intègrent-ils l'obligation d'élevage en lumière naturelle ? En réalité, celle-ci ne sera effective que dans deux ou trois ans. Qu'en est-il de l'utilisation des antibiotiques, de la densité au mètre carré ? Je n'ai rien contre les commissaires et les fonctionnaires européens ; je connais des personnes remarquables à la DG (direction générale) Agriculture. Ils nous disent de manière officieuse, en off, qu'ils doivent s'effacer devant leurs homologues de la DG Commerce.

Je respecte les orientations politiques de chacun, mais j'observe qu'un ancien commissaire européen à l'agriculture opérait des choix politiques plutôt écologistes. Actuellement, depuis le mouvement de protestation des agriculteurs et les manifestations, nous sentons effectivement que nous sommes plus considérés.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Il s'agit du commissaire polonais. Les Polonais étaient d'ailleurs particulièrement en colère contre lui. Son discours était vraiment en dehors de la réalité, estimant par exemple que les Brésiliens produisaient exactement de la même manière que nous et minimisant le problème des salmonelles, qu'il considérait comme un simple accident.

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Je ne comprends pas très bien. Il avait des tendances « écolo » mais ne voyait pas d'inconvénient à importer des productions qui ne respectaient pas les mêmes normes que les nôtres ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Ma perception peut être jugée subjective, mais je persiste. Il y a quatre ou cinq ans, nous nous sommes rendus à Bruxelles pour discuter fermement. Mais les fonctionnaires de la DG Agriculture, que nous connaissons bien, nous disaient que les enjeux dépassent nos revendications, que nous sommes des pions sur un échiquier.

Je ne suis pas homme à critiquer l'Europe et à rejeter la faute sur elle en permanence. Mais quels sont les grands axes politiques que nous, Européens, voulons poursuivre ? Les Suisses ont opéré un choix qui est respectable : leurs élevages sont en plein air, et ils sont de taille extrêmement réduite. En contrepartie, ils importent 60 % à 70 % de leur consommation. De notre côté, voulons-nous vraiment d'un tel modèle ?

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Je souhaite aborder la question du marché unique. Nos conditions de production sont à peu près similaires à celles de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne et les différences s'équilibrent entre elles au sein du marché unique. En réalité, le problème provient de l'élargissement de ce marché unique à des pays dont les conditions sociales et peut-être environnementales ne sont pas semblables aux nôtres. Comment faire pour conserver une production de volailles françaises au sein du marché unique, compte tenu de ces distorsions ? Par ailleurs, pouvez-vous évoquer la surréglementation française, qui s'est surajoutée aux normes européennes et qui aggrave les distorsions de concurrence ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Nous sommes globalement très satisfaits des directions départementales de la protection des populations (DDPP) ; les services vétérinaires exercent bien leur métier. Ils constituent aujourd'hui une chance pour nous, car ils renforcent notre crédibilité vis-à-vis du reste de l'Europe.

En revanche, je peux vous citer quelques exemples particuliers. En l'espèce, une direction départementale de la protection des populations a effectué un contrôle du bien-être animal dans un département dont je ne citerai pas le nom. Une jeune stagiaire de la DDPP a visité l'élevage et constaté que le bâtiment d'élevage des poulets avait été repaillé avec de la paille fraîche. Elle a ensuite creusé sous la litière pour en conclure que le repaillage était récent et lié à sa visite. Il ne s'agit que d'un détail, mais il illustre bien l'attitude jacobine concernant l'application des réglementations. De la même manière, on nous reproche d'épandre sur telle ou telle zone. Cette préoccupation est louable pour la protection des rivières. Mais l'administration française craint tellement de se faire attaquer par une association qu'elle en vient à faire du zèle. Il est aujourd'hui plus que nécessaire de procéder à des simplifications administratives.

Simultanément, nous devons être honnêtes avec nous-mêmes. L'interprofession de la volaille estime ainsi que nous devons cesser l'utilisation de multiples cahiers des charges. Les cahiers des charges se multiplient : à celui de Carrefour viennent s'ajouter ceux de Leclerc, d'Auchan, d'Intermarché... Or quatre cahiers des charges distincts engendrent ensuite quatre contrôles différents. Ne serait-il pas plus simple d'avoir un seul cahier des charges ? J'ai d'ailleurs transmis ce message à Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Il faut savoir évoluer. À l'heure actuelle, le syndicat national des labels français dispose de son propre cahier des charges, tout comme le syndicat national des produits bio. Or l'application des règlements bio en France est aujourd'hui différente de celles de nos homologues belges, polonais ou européens en général. En effet, nous surtransposons quand nos concurrents ont standardisé le bio. Sachons raison garder !

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N'hésitez pas, à l'issue de cette audition dont le temps est nécessairement contraint, à nous envoyer des contributions écrites, notamment vos propositions en matière de compétitivité. J'en reviens à ma question concernant le marché unique. Comment est-il possible de conserver une compétitivité face aux pays dont le niveau de salaire est différent, notamment en Europe de l'Est ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Je ne vous cache pas qu'il est très compliqué d'y répondre et que nous n'avons pas trouvé de solutions à ce jour. Comme je l'ai indiqué précédemment, la Pologne produisait huit millions de poulets par semaine en 2000, elle en produit aujourd'hui trente millions. Dans ce même pays, une ferme peut se monter en seulement six mois ou un an, alors que trois à quatre ans sont nécessaires en France. J'ajoute que ces pays utilisent abondamment les subventions. En Hongrie, tout investissement en faveur de la production agricole ou de la construction d'abattoirs est aujourd'hui subventionné à hauteur de 40 %. Les Hongrois témoignent clairement d'une volonté politique, celle de devenir le « frigo » de l'Europe.

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Vous avez également évoqué la nécessité de proposer un étiquetage plus précis que celui actuellement en vigueur, qui se borne à distinguer « origine UE » et « origine hors UE ». J'imagine que les freins sont plutôt à Bruxelles, n'est-ce pas ?

Vous indiquez aussi que l'étiquetage n'est mis en œuvre que dans 15 % des restaurants. Il existe donc bien un problème d'application de la loi et de contrôle. Avez-vous eu l'occasion d'en parler avec Bercy ? Quelles réponses avez-vous obtenues ? Vous a-t-on donné les chiffres relatifs au nombre de contrôles et aux sanctions prononcées ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Non. Nous avons discuté avec Mme Olivia Grégoire, qui a découvert le problème à l'occasion de la crise agricole.

Je souhaite vous faire part d'une anecdote. Un de nos collègues de l'interprofession s'occupe de la passation de marchés de restauration pour une collectivité agricole. À ce titre, il rencontre des fournisseurs comme Sodexo. Lorsqu'il lui est demandé si la viande est d'origine française, la facture augmente d'emblée de 15 %. Dans le cas d'espèce, son conseil d'administration, qui compte pourtant sept ou huit agriculteurs, a refusé la hausse.

Cet exemple illustre la schizophrénie des citoyens-consommateurs. Les mêmes citoyens qui sont favorables à des achats français sont les mêmes consommateurs qui s'attachent aux modalités des prix, y compris au sein des collectivités. Une cantine ou un restaurant universitaire tablent sur des repas à 1,50 ou 2 euros. Mme Olivia Grégoire est consciente du problème, mais comment pouvons-nous agir ? De mon côté, j'estime qu'il est nécessaire d'être transparents vis-à-vis des Français, en leur indiquant que le repas composé de produits originaires de France coûte 4,50 euros, que la collectivité peut apporter une subvention de 2 ou 2,50 euros et que le reste à charge doit être réglé par le consommateur.

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Vous avez également insisté sur le phénomène de spécialisation, notamment la montée en gamme qui est peu compatible avec la souveraineté alimentaire, laquelle suppose que l'on produise pour tous les consommateurs. En outre, en période d'inflation, le haut de gamme n'est pas adapté pour les consommateurs.

Je voulais enfin vous interroger sur les interventions des associations militantes. Avez-vous envisagé d'intenter des actions en diffamation ? Je sais que de telles actions ont déjà eu lieu dans le Bordelais et qu'elles ont été couronnées de succès.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Oui. Un de nos adhérents, le groupe LDC, qui possède la marque Le Gaulois, a été victime d'une attaque de la part de l'association L214, qui a collé des autocollants dans les supermarchés pour dénoncer les modifications génétiques de la volaille. Une action a été introduite en référé à Strasbourg, que le groupe LDC a gagnée en première instance. Le président de l'association s'est cependant vanté en disant n'avoir jamais perdu en appel. L'avenir nous dira s'il a toujours raison.

Je ne suis pas opposé aux lanceurs d'alerte, ni à ceux qui souhaitent adopter une consommation végane. En revanche, nous vivons mal les détournements. Nous savons par exemple qu'un certain nombre de ces associations sont financées par une partie des entreprises et des milliardaires de la Silicon Valley. Elles prétendent agir pour le bien-être animal, mais elles ciblent en réalité la suppression de la consommation de viande. Elles utilisent des moyens illégaux pour pénétrer la nuit dans les élevages, caméra au poing. De telles actions suscitent un sentiment d'injustice. Greenpeace a commis des actions « coup de poing » chez LDC, Lactalis, Leclerc, en démontant notamment les panonceaux et en médiatisant ses interventions sur les réseaux sociaux.

Je suis favorable à l'établissement d'une réglementation particulière pour de telles associations afin de faire la lumière sur leur financement. Il n'est pas question de les interdire, mais de nous assurer qu'elles aussi fassent l'objet d'une traçabilité.

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Je souhaite revenir à mon tour sur les questions d'étiquetage, qui concernent les pays de transformation et non les pays d'origine des produits. Quelle action menez-vous auprès de l'Union européenne afin de faire évoluer ce sujet ?

Je m'interroge sur les phénomènes de surtransposition. Vous avez surtout évoqué les cas de surrèglementation et de contrôles tatillons de la part de l'administration française. Pouvez-vous nous donner des exemples de la surtransposition française d'une norme européenne ?

Vous avez souligné que dans la restauration collective, le poulet français était bien plus onéreux que celui qui est généralement utilisé. Malgré tout, je note l'existence de quotas de consommation de produits locaux et de produits bio dans les cantines des établissements gérés par les collectivités territoriales, par exemple les lycées par les régions, les collèges par les départements, ou les EHPAD. Ces produits, plus onéreux, sont donc financés par les collectivités locales. N'est-il pas envisageable d'agir de la même manière pour le poulet ?

Enfin, la filière volaille ne concerne pas que le poulet, mais également le canard, qui est particulièrement produit dans le Sud-Ouest. Notre région a ainsi subi très violemment la crise aviaire, qui selon certains a contribué à modifier le comportement des consommateurs. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Comment reconquérir ce marché ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

En matière d'évolution de l'étiquetage, l'Europe apporte peu de réponses. La France expérimente depuis deux ans un dispositif, dont nous avons demandé le renouvellement. Mais à l'heure actuelle, l'Europe interdit d'indiquer la provenance par pays, seule est inscrite la mention « UE ». La situation doit évoluer et il semble que d'autres pays se joignent à la France en ce sens.

Ensuite, il faut demander aux industriels de mentionner de manière plus précise l'origine des produits. Mme Grégoire est en train de mettre en place un dispositif, mais il nous semble encore trop compliqué. Selon nous, il suffit d'indiquer les principaux ingrédients de viande, les principaux ingrédients de légumes. Quoi qu'il en soit, l'étiquetage constitue un enjeu de taille, car il offre aux consommateurs le choix d'acheter un produit en toute connaissance de cause.

S'agissant de la surtransposition, l'exemple des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), qui ont suscité de nombreux débats bien connus à Bruxelles, est assez parlant. Auparavant, les autorisations sous simple déclaration concernaient les élevages dont la production était inférieure à 45 000 poulets ou 20 000 dindes. Désormais, les seuils seront abaissés, obligeant un nombre plus élevé d'éleveurs à se soumettre à des nouvelles enquêtes, qui seront lourdes et pas toujours favorables. Par ailleurs, la France doit se doter d'une réglementation globalement agricole – parce qu'elle relève de la souveraineté, de l'aménagement du territoire –, distincte de la réglementation industrielle.

Il faudrait également qu'un responsable de collectivité obtienne de son fournisseur l'origine des produits. Je pense par ailleurs aux cas de produits élevés en France, abattus en Belgique avant de revenir en France pour y être vendus. Il faut que cette traçabilité soit également présentée aux consommateurs,

Enfin, la grippe aviaire a constitué une grande catastrophe pour la filière canard du Sud-Ouest, mais aussi celle du canard de chair, que je représente, principalement en Vendée et dans l'ouest de la France. Nous avons mis en place la vaccination et avons fait preuve d'une grande prudence pour assurer la diplomatie sanitaire. Je pense également qu'une forme de standardisation des foies gras est survenue, contrepartie de méthodes de production efficaces. Quoi qu'il en soit, nous devons demeurer vigilants en matière de grippe sanitaire.

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Quelle est la part de la volaille française dans la restauration collective, notamment publique, en France ? Quelle est la part des volailles sous signe de qualité – bio, label rouge ou autre – dans la restauration collective ?

Votre production est peu présente en restauration collective, alors même qu'elle pourrait s'inscrire en partie dans la commande publique. Certaines collectivités locales prouvent d'ailleurs qu'il est possible d'inscrire des enjeux de localisme dans le cahier des charges des commandes publiques. Si vous estimez que la part de la volaille française n'est pas assez élevée en restauration collective, quelles sont vos recommandations ?

Ensuite, le label « Origine France garantie » existe bien. Il fait même fait l'objet d'une certification, avec un cahier des charges précisant que « le lieu où le produit prend ses caractéristiques essentielles doit être situé en France » et que « 50 % du prix de revient unitaire est acquis en France ». De quelle manière la filière s'organise-t-elle pour valoriser cet atout sur le marché français de la grande distribution ou de la restauration collective ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

En matière de restauration collective, il faut distinguer la restauration commerciale de la restauration collective, publique ou privée. Les grandes chaînes de la restauration commerciale (Kentucky Fried Chicken, Burger King, McDonald's) se fournissent en grande partie en France pour la volaille, dont ils ont compris l'atout commercial.

S'agissant de la restauration collective publique, nous ne disposons pas de chiffres précis, dans la mesure où les collectivités ne déclarent pas l'origine des viandes qu'elles utilisent. Nous raisonnons donc par déduction, mais nos estimations sont certainement moins précises. Nous estimons ainsi que les importations sont d'abord destinées à l'élaboration de produits transformés, comme les jambons ou les knacks de volaille. L'interprofession doit également prendre sa part en faisant pression sur des fédérations.

Nous obtenons les chiffres de la restauration collective grâce aux « marchands d'alimentation », auprès des collectivités grâce à nos contacts commerciaux. L'évaluation du reste de l'approvisionnement est plus complexe, car celui-ci fait aussi appel à des petits circuits de distribution. Selon mes estimations, les collectivités s'approvisionnent pour 30 % en produits français et pour 70 % en volaille étrangère.

Il y a vingt-quatre ans, la production nationale de labels représentait 2,2 millions à 2,4 millions de volailles par semaine, contre seulement 1,5 million en 2024. Dans le même temps, les poulets bio sont passés de 100 000 à 300 000 unités par semaine, avant de diminuer vers 200 000. Les collectivités utilisent très peu les produits Label rouge, à l'exception des cuisses. Je rappelle qu'en 2023, le prix moyen du filet de poulet brésilien est de 3,10 euros lorsqu'il arrive en Europe, contre 3,30 euros pour le filet ukrainien, 3,50 euros à 5,50 euros pour le filet européen – Italie, Espagne –, 5,80 euros pour le filet français et 20 euros pour un Label rouge.

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La restauration collective publique inclut-elle bien les collectivités et l'État ?

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J'ai procédé à quelques vérifications. Selon les chiffres de la DG Agriculture, les exportations de volailles de l'Union européenne s'établissent environ à 1,9 million de tonnes en 2023, selon une tendance baissière bien établie. Les importations représentent quant à elles 894 000 tonnes cette même année. Je ne nie pas les difficultés, mais la balance commerciale est clairement positive, ce qui laisse à penser que la DG Commerce a plutôt bien négocié les accords. En valeur, les exportations de volaille de l'Union européenne s'établissent à 4,7 millions d'euros en 2023 et sont en revanche en croissance sur les dernières années ; à comparer aux 2,1 millions d'importations. L'Union européenne apparaît ici également comme largement bénéficiaire.

Par ailleurs, j'ai profité des dernières minutes pour vérifier le pedigree politique du commissaire européen à l'agriculture, qui s'avère être membre du parti Droit et justice (PiS), parti au pouvoir en Pologne encore récemment et dont le programme me semble être assez éloigné de celui des écologistes. Aujourd'hui, le parti Droit et justice siège au Parlement européen avec une partie de l'extrême droite européenne : le parti de Mme Meloni et celui de M. Zemmour, par exemple.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Monsieur le président, je pense que la somme de 1,9 million de tonnes que vous mentionnez doit être diminuée des 732 000 tonnes qui sont exportées vers le Royaume-Uni.

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Yann Brice, directeur adjoint de l'ANVOL

De la même manière, il faut retrancher aux 4,7 millions d'euros d'exportations les 2,5 millions d'euros vers le Royaume-Uni, qui sont principalement des filets. Les effets récents du Brexit ne sont pas toujours visibles dans les statistiques.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Je propose de vous adresser tout le tableau comparatif, selon l'intégration ou non du Royaume-Uni.

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Le comparatif que vous nous avez transmis porte-t-il sur les prix de vente ou les prix de revient par kilogramme ? Disposez-vous d'éléments de comparaison entre les prix de vente et de prix revient du bio français et du bio européen ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Les données que nous vous avons remises portent sur des prix de vente. Je ne dispose malheureusement pas des chiffres concernant la viande bio. À une époque, les œufs bio européens, notamment italiens, étaient 20 % à 30 % moins chers que les œufs bio français. Désormais, les produits bio sont en grande partie produits en Belgique et j'ignore les derniers chiffres les concernant. Les Polonais commencent aussi à en produire de manière importante.

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Pourriez-vous nous communiquer ces chiffres ? Les données figurant dans la présentation que vous nous avez transmise comparent un produit bio français Label rouge avec un Label rouge non bio, faisant apparaître une différence de prix assez impressionnante, d'un facteur quatre. Il serait intéressant de pouvoir comparer ces chiffres « signe officiel de qualité » avec ceux d'autres pays d'Europe. Je rappelle en effet que le Label rouge est un label français.

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À partir des documents que vous nous avez transmis, nous comprenons que la loi Egalim oblige la restauration collective à acheter des produits « signe de qualité ». Mais nous constatons qu'ils demeurent plus chers que les volailles françaises, lesquelles doivent faire l'objet de toute notre attention. Les produits bio sont trop chers pour les collectivités. Au vu des écarts de prix, nous comprenons mieux à quel point il est difficile de pouvoir appliquer la loi. Pourquoi la loi Egalim n'introduit-elle pas simplement une obligation de production française qui ne coûterait pas beaucoup plus cher que la volaille importée ? Une telle mesure serait quand même intéressante pour la filière.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Je ne peux qu'y souscrire. Lorsque la part de 25 % minimum de produits bio a été introduite, nous n'avions pas les moyens d'y faire face. Par ailleurs, nous avons été contrariés : nous aurions souhaité que les produits Label rouge soient également concernés par ces 25 %. Je rappelle que nous sommes le seul pays au monde à produire ce Label rouge, qui dispose d'une vraie spécificité en volaille, sur le plan historique, aussi bien pour les œufs que pour les poulets.

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Selon vous, le règlement concernant l'information sur les denrées alimentaires, dit règlement « INCO » sur l'étiquetage des denrées alimentaires commercialisées dans l'Union européenne n'évoluera pas. Ai-je bien compris ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Une réflexion est en cours à ce sujet, d'après ce qu'il nous a été rapporté.

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Je m'interroge également au sujet des produits transformés. Un article de la loi Egalim 2 sur les ingrédients principaux « Origine France » n'a jamais été mis en application car il est contraire au règlement INCO. Dès lors, comment Mme Grégoire parviendra-t-elle à ses fins ?

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

J'ignore comment elle compte agir. Mais votre question initiale était différente : vous m'aviez demandé si Mme la ministre me semblait à l'écoute. J'ai par ailleurs oublié de vous rappeler que la volaille est la seule production animale sous contractualisation. Quand un producteur met en place un lot de poulets, il sait à quel prix il lui sera racheté et tient compte des intrants – le prix du poussin et de l'aliment – pour calculer sa marge brute. La contractualisation, décriée dans les années 1990 et 2000, est aujourd'hui prônée en raison de sa différenciation. Le Président de la République a évoqué des prix minimums mais, compte tenu des fluctuations des matières premières, il vaut mieux raisonner en marges minimum garanties par agriculteur.

Nous ne pourrons jamais établir des prix planchers, mais il est possible en revanche de mettre en place une contractualisation, laquelle oblige forcément à s'extraire des références de marché. Il s'agit là d'un véritable problème de fond. Lorsque les prix du cochon ne cessaient de baisser, j'avais eu l'occasion de dire à M. Stéphane Le Foll, le ministre de l'agriculture de l'époque, qu'il fallait fermer le cadran. En effet, le prix du cadran ne reflétait pas réellement l'état de l'offre et de la demande. Le prix du cochon est déterminé le jeudi en France, après celui de l'Allemagne, qui fait aujourd'hui référence. Les marchés n'ont cessé de se développer et de s'internationaliser, mais les prix de référence sont fixés dans certains pays, comme la Belgique et les Pays-Bas pour la volaille. De fait, la souveraineté alimentaire doit tenir compte des réalités de marché.

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Je réitère ma demande d'information sur les prix de vente et les prix de revient, afin que nous puissions déterminer si la valeur de la volaille française augmente.

Permettez-moi par ailleurs de formuler une remarque sur la loi Egalim : celle-ci n'interdit pas de combiner le label bio et le Label rouge. Elle mentionne simplement 50 % de produits durables sous signe de qualité, dont 20 % de bio.

Enfin, le prix de revient d'un plateau-repas à la cantine s'établit à 12 ou 13 euros charges comprises, quand le prix du repas est près de 30 % supérieur. Il demeure ainsi un peu de marge pour favoriser des produits locaux de qualité, sous signe de qualité, des produits français dont les cahiers des charges sont maintenant assez élaborés. Enfin, j'observe que la commande publique européenne permet également de vendre du poulet français dans les cantines belges ou allemandes.

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Gilles Huttepain, vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair

Rassurez-vous, je suis pro-européen. Nous sommes favorables à la loi Egalim 2, notamment ses volets concernant la distribution. Je rappelle que le modèle français n'est pas totalement défavorable : la grande distribution nous a également permis de développer des produits comme le Label rouge et elle nous a incités à innover.

En conclusion, je tiens à vous remercier à nouveau de nous avoir reçus. Vos questions témoignent de la prise de conscience des enjeux de notre filière. Le problème sera-t-il simple à régler ? Nous ne le pensons pas. De notre côté, nous ne demandons ni aides ni subventions ; nous demandons simplement une simplification des réglementations. Par exemple, notre interprofession a su nouer une discussion avec la distribution grâce à la contractualisation. Aujourd'hui, l'Autorité de la concurrence nous a autorisés à parler des prix de revient futurs en contractualisation, ce qui nous permet d'anticiper dans le cadre de notre dialogue avec la distribution.

Je ne nie pas les difficultés. Mais je veux rappeler que les spécificités des abattoirs de porcs, de bovins, de volailles en font des entreprises différentes des autres. En effet, nous procédons à du « désassemblage ». Par conséquent, nous sommes confrontés en permanence à la problématique des équilibres matières, qui me semble difficile à réglementer. En revanche, vous pouvez nous aider dans différents domaines : l'origine France, la traçabilité, l'acceptabilité sociétale. Nous devons contribuer à rapprocher le citoyen qui veut acheter de bons produits français et le consommateur qui veut aussi acheter des produits premier prix.

Enfin, nous ne sommes pas opposés aux importations, mais nous sommes favorables à l'arrêt de l'augmentation des importations. Si un accord doit être conclu avec l'Ukraine, il faut alors réajuster celui qui nous lie avec d'autres pays. Je conçois que la France poursuive des intérêts supérieurs, mais je souhaiterais en connaître les raisons et savoir comment nous allons y faire face. Pour terminer, je tiens à vous dire que le temps agricole et agroalimentaire est un temps long, bien plus long que le temps médiatique.

La séance s'achève à douze heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Vincent Bru, M. Grégoire de Fournas, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Serge Muller, M. Charles Sitzenstuhl