Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • soins palliatifs

La réunion

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La réunion commence à seize heures trente-cinq.

La commission spéciale auditionne, lors d'une table ronde, Mme Marina Carrère d'Encausse, médecin échographiste, le Dr Jean-Marie Gomas, fondateur du mouvement des soins palliatifs en France, Mme Marie de Hennezel, psychologue clinicienne, Mme Martine Lombard, professeure émérite de droit public à l'Université Paris-Panthéon-Assas, le Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique, coordinateur de la commission chargée de réfléchir sur les modalités d'assistance au décès pour les personnes en fin de vie (2012), et Mme Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé.

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Chers collègues, cette table ronde marque la fin d'un travail individuel et collectif sur le projet de loi déposé le 10 avril dernier à l'Assemblée nationale et qui porte sur l'accompagnement des malades et la fin de vie.

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Marina Carrère d'Encausse, médecin échographiste

Je ne suis ni juriste, ni philosophe, ni éthicien ; je ne fais pas de politique. Je suis médecin, journaliste, femme, citoyenne, mère de famille, et fille de mes parents. Je défends ce sujet, je porte ce combat pour les malades que j'ai connus en tant que médecin, journaliste et ancienne compagne. J'ai mesuré l'importance des lois Leonetti et Claeys-Leonetti, mais aussi la nécessité de les faire évoluer.

Je suis fière de vivre dans un pays où la Convention citoyenne a existé, où ce modèle de démocratie a pu aboutir et être respecté. 75 % de ses membres se sont prononcés en faveur d'une aide à mourir, considérant que le cadre légal en vigueur était insuffisant, ce qui correspond au souhait des Français si l'on en croit les sondages réalisés. Ces derniers sont souvent contestés, un peu à raison, répondre par l'affirmative à la question « Voulez-vous une fin de vie digne ? » étant assez naturel. La majorité des Français qui répondent à ces sondages n'ont pas forcément tous les tenants et aboutissants de cette question si complexe, au contraire des membres de la commission citoyenne.

Je souhaite que cette loi soit votée, mais je souhaite aussi que cela heurte le moins possible. J'aimerais que l'on pense avant tout aux malades et à leur dignité. Je voudrais que les termes « droit », « choix » et « liberté » restent pour ceux qui souhaitent être aidés dans leur fin de vie, mais aussi pour les autres malades et pour les soignants. Le mot « obligation » ne doit pas exister.

J'aimerais voir évoluer quelques points du texte. Concernant les soins palliatifs, j'approuve profondément la stratégie décennale des « soins d'accompagnement », notamment ce dernier mot. La volonté semble être là, mais ces soins sont dotés de moyens insuffisants. Ils doivent être accessibles à tous ceux qui en ont besoin. 81 % des Français souhaitent mourir chez eux, mais à peine un quart y parvient. Nous devons entendre cette volonté.

L'accès à la sédation profonde et continue est également une nécessité. Celle-ci doit être mieux connue des malades et bien appliquée par les médecins. Les réticences à l'appliquer ne sont pas acceptables. Au nom de quoi un malade en fin de vie, à qui il reste au mieux quelques jours à vivre et qui demande cette sédation, devrait-il « tenir encore un peu » ?

Des soins suffisants et une sédation bien utilisée devraient résoudre le cas de plus de 95 % des patients en fin de vie, ainsi que celui des patients qui n'entrent pas dans le cadre de la loi Claeys-Leonetti, dont le pronostic vital n'est pas engagé à court terme, même s'ils sont atteints d'une maladie grave et incurable, qu'ils présentent des souffrances physiques et/ou psychologiques réfractaires, et qu'ils sont en capacité de manifester leur volonté de façon libre et éclairée.

Les exemples de Vincent Humbert d'Anne Bert illustrent bien cette spécificité. C'est pour de tels patients que les mots « court ou moyen terme » figurant à l'article 7 doivent être modifiés. Chaque malade est unique, et chaque maladie est unique pour chaque malade.

L'implication des professionnels de santé – infirmiers, aides-soignants, psychologues – dans l'accompagnement de l'aide à mourir est importante. Les soignants non-médecins connaissent souvent autant voire mieux les patients que leurs médecins. Leur présence en différents points de ce texte est une grande avancée.

Je crains que des médecins réticents à l'aide à mourir ne freinent voire bloquent le processus. La demande du patient doit être primordiale. Il serait donc souhaitable que la décision ne soit pas prise à l'unanimité mais à la majorité, et que le patient, en cas de refus, puisse formuler une nouvelle demande auprès d'un autre médecin.

S'agissant de l'administration de la substance létale, je ne comprends pas pourquoi refuser à un patient qui le souhaite que le médecin qui l'accepte puisse faire ce geste, même si le patient peut encore le faire. Pourquoi refuser l'aide du soignant aux malades qui ne souhaitent pas faire ce geste difficile, même à celui qui veut mourir ? Il faut entendre les patients, ainsi que les médecins qui souhaitent assurer ce geste.

Les médecins qui considèrent l'aide à mourir comme contraire à leur déontologie doivent également être écoutés, entendus et respectés. Cette aide à mourir ne pourra jamais être imposée à aucun médecin.

J'espère que dans les débats domineront les mots « respect », « écoute », « droit », « liberté », « dignité », ainsi que la volonté de les défendre.

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Dr Jean-Marie Gomas, fondateur du mouvement des soins palliatifs en France

Je souhaite exprimer mon inquiétude de clinicien devant ce projet de loi. Celui-ci est confus, car il refuse de nommer l'euthanasie et le suicide assisté, alors qu'il porte exactement sur cela. L'expression « aide à mourir » est une tromperie vis-à-vis des citoyens et des patients.

Le titre Ier du projet de loi semble inutile, puisque la loi existe déjà. Le terme « accompagnement » vient se substituer à celui de « soins palliatifs » en reprenant la définition qui en est faite depuis 1999. Ce changement de mot poursuit deux objectifs : d'une part, faire valoir le titre II ; d'autre part, introduire la possibilité de la mort programmée dès le début de la maladie dans le projet personnalisé d'accompagnement.

Les critères envisagés dans ce projet de loi sont inapplicables et, pour certains, incontrôlables, comme le pronostic à moyen terme et la souffrance physique ou psychologique. Sous couvert d'une loi de fraternité, l'on ouvre une éligibilité à la mort programmée.

Arrêter son traitement permettrait d'être éligible à la mort programmée, puisque cela peut entraîner une situation insupportable. Soigner, ce n'est pas faciliter la mort programmée. La priorité est de permettre un accès aux soins palliatifs aux centaines de malades qui décèdent tous les jours sans y avoir accès.

Les délais de la procédure sont irréalistes et inadaptés. Ils ne tiennent pas compte de l'état dramatique du système de soins. L'urgence euthanasique n'existe pas. Si vous êtes en détresse terminale, la sédation profonde peut vous donner le calme.

Ce projet de loi est une triple incitation au suicide. La première est l'annonce de la mort programmée dès le début. La deuxième est la participation d'un soignant à chaque étape de la procédure. La troisième réside dans la « date de péremption » du processus. Cette accumulation de facteurs de pression n'existe dans aucun des pays ayant légiféré sur la question. Comment articuler cela avec la prévention du suicide ?

Aucun pays au monde n'a osé émettre l'idée qu'un proche pourrait être la main qui administre la mort. C'est bien mal connaître les familles, les abus de faiblesse et les dissensions que d'imaginer qu'un membre de la famille pourrait aider le malade à s'administrer une mort programmée.

Ma première requête est d'appeler un chat un chat et d'utiliser les bons mots.

D'autre part, il convient de protéger les patients et les soignants, et d'éviter qu'un membre de la famille puisse participer au geste mortifère. Il ne faudrait pas que le pays des droits de l'homme devienne celui de la mort donnée à l'homme.

Enfin, si l'on veut plus d'autodétermination, il faut clarifier le projet de loi et limiter le rôle des soignants. Aucun pays n'a réussi à contrôler la dépénalisation de l'euthanasie. Les critères s'élargissent inéluctablement et l'intention première du législateur disparaît.

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Marie de Hennezel, psychologue clinicienne

Aider à mourir, c'est s'engager à ce que la personne en fin de vie ne souffre pas, puisse effectuer son travail du trépas, c'est-à-dire se préparer à mourir, rester vivante jusqu'au moment où le désir de mourir l'emporte sur la faim de vie, et puisse mourir doucement, apaisée. À aucun moment, cette aide à mourir n'a nécessité un geste létal, ni un suicide assisté.

Mon équipe et moi avons affronté tout ce que notre société jeuniste rejette : la mort d'autrui, la dégradation physique, la vulnérabilité extrême, le sentiment d'échec et d'impuissance. Nous avons découvert une humanité à laquelle nous ne nous attendions pas. J'ai rendu compte de cette expérience dans mon livre La Mort intime, préfacé par un président de gauche qui avait à cœur le respect de la dignité de la personne et d'une fraternité excluant tout geste radical.

Je sais ce qu'aider à mourir veut dire, et m'attriste de comprendre que le soin d'accompagnement englobera l'assistance au suicide et l'euthanasie.

Si les pouvoirs publics avaient pris la mesure de l'enjeu, nous n'en serions pas là et nous n'aurions pas à voter une loi qui n'a rien de fraternel ni de rassembleur, et qui inquiète les personnes les plus fragiles et les personnes très âgées.

Ce projet de loi séduit une frange de « jeunes vieux » encore autonomes et en bonne santé. Plus l'on vieillit, plus l'on entre dans l'âge cassant, et plus l'on s'inquiète d'une loi qui fera de l'acte de donner la mort un soin ultime. Les personnes qui entrent dans un âge avancé souhaitent mourir dignement, sans avoir recours à un geste radical. Pourquoi ne pas exiger que la loi actuelle soit mieux connue du public et appliquée par les médecins ? Pourquoi ne pas couvrir le territoire français de structures de soins palliatifs avant d'envisager d'aller plus loin ?

Mme la ministre Catherine Vautrin s'est engagée à combler le retard dans l'accès aux soins palliatifs avant que l'aide à mourir ne soit votée. N'y a-t-il pas là une contradiction avec le fait que l'aide à mourir sera votée en 2025 ?

Cette loi par défaut va créer des inégalités. Les vieux qui en ont les moyens, qui ont des familles ou des amis solidaires, des relations médicales, pourront espérer vieillir et mourir dignement ; mais quel sera le choix de ceux qui sont pauvres, esseulés, maltraités ?

Les concepteurs de ce projet de loi ont-ils réfléchi aux conséquences de cette assistance au suicide pour celui qui sera convoqué pour l'assumer ? Ont-ils anticipé les pressions qui seront exercées sur la personne âgée dès qu'elle émettra la moindre plainte par un entourage lassé ou des héritiers pressés ?

Je vous demande instamment que la loi ne soit pas votée avant que le territoire français soit entièrement couvert en termes de ressources palliatives, et que ceux qui seraient sensibles à mon propos déposent un amendement prévoyant un délit d'incitation au suicide assisté, qui compléterait l'interdit d'abus de faiblesse déjà prévu par la loi.

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Martine Lombard, professeure émérite de droit public à l'Université Paris-Panthéon-Assas

La question de l'applicabilité concrète des lois m'a toujours paru essentielle. Lorsqu'une loi crée un droit, mais que celui-ci se révèle inapplicable, inaccessible ou inégalement accessible, le risque est de saper la confiance des Français en la loi, voire en la démocratie. Sur la question de la fin de vie, trop de lois ont déçu les promesses qu'elles apportaient.

L'enjeu est d'adopter une loi concrètement applicable, qui dépénalisera ce qui est interdit. Cette dépénalisation doit dépendre de « conditions », terme utilisé par les juristes auquel d'autres préfèrent celui de « verrous ».

Le mot « euthanasie » revêt deux sens très différents. Il peut désigner un assassinat, mais aussi l'aide apportée à un malade souhaitant mourir. L'expression « aide à mourir » présente l'avantage d'éviter la dualité polysémique du mot « euthanasie ».

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pose cinq conditions. La première condition exclut les mineurs.

La deuxième porte sur le fait d'être français ou résident régulier français. J'espère que la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ne vont pas s'en inspirer.

La condition essentielle est qu'il doit y avoir une demande, formulée librement et en connaissance de cause par le malade. Cela veut dire notamment que le médecin doit informer le malade de ce que pourraient lui apporter les soins palliatifs.

Une autre condition est que le malade subisse des souffrances réfractaires ou insupportables, dont certains continuent à nier l'existence même, alors que le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et l'Académie des sciences ont reconnu leur existence.

La dernière condition est que le malade soit atteint d'une maladie grave et incurable. La CEDH n'a nullement ajouté une condition de pronostic vital engagé à court ou moyen terme.

Une solution consisterait à définir ce « moyen terme » au cas par cas, mais je crains que cela consiste à revenir à la situation actuelle dans laquelle il vaut mieux avoir un bon réseau parmi les médecins pour trouver un espoir concret d'échapper aux souffrances. Une approche plus objective consiste à confier à la Haute Autorité de santé (HAS) de dire ce qu'est le moyen terme, mais pourquoi lui reviendrait-il de définir ce que sera la portée concrète de la loi ?

Cette condition s'inspire du modèle de l'Oregon, que seules l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont imité. Si le Parlement devait faire ce choix, la France s'écarterait radicalement des valeurs européennes.

D'autres sujets pourraient être évoqués, comme les modalités de l'aide à mourir, les directives anticipées, ou l'anomalie consistant à donner compétence au juge administratif pour connaître dans tous les cas des recours contre les décisions des médecins qui estimeraient que le malade n'est pas assez malade pour bénéficier d'une aide à mourir.

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Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique, coordinateur de la commission chargée de réfléchir sur les modalités d'assistance au décès pour les personnes en fin de vie (2012)

Je suis frappé de voir, depuis un quart de siècle, la responsabilité de la médecine dans l'incapacité de porter attention à la fin de vie. Les soins palliatifs ont toujours été considérés comme accessoires. Ce n'est pas en quelques mois que l'on pourrait restaurer une véritable politique de soins palliatifs.

La loi ne répond qu'à la volonté de 2 à 3 % des personnes, et n'apporte aucune protection aux autres en dehors des promesses intenables. Ce projet est un copier-coller d'une association militante de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), dont les propos sont en décalage total avec la qualité des réflexions antérieures.

L'affaire Vincent Lambert n'a rien à voir avec la fin de vie, puisqu'elle repose sur des conflits familiaux.

Les personnes que j'ai pu voir mourir après une sédation ont eu une morte très douce, qui rassurait l'entourage, ce qui est un progrès considérable. En Belgique, la bureaucratie de l'aide à mourir aboutit à des euthanasies clandestines.

Pour l'entourage, la mort par euthanasie est d'une violence extraordinairement forte. Demander à un médecin d'être présent constitue une première, et me paraît contradictoire avec ce qu'est la médecine.

Les médecins, aujourd'hui, ne sont pas assez nombreux. Il existe une contradiction entre une loi permettant l'aide à mourir et l'incapacité à répondre réellement à des souffrances intolérables.

Une loi doit anticiper l'avenir. Depuis vingt-deux ans, la loi belge a été modifiée une dizaine de fois en allant toujours vers un élargissement. L'ADMD a bien compris que la loi introduisant l'aide à mourir serait un premier pas, qui serait rapidement élargi par d'autres lois. Le problème le plus important est d'anticiper les conséquences d'une loi sur les personnes les plus vulnérables que sont les personnes âgées et les personnes atteintes d'un handicap.

Jamais dans cette loi nous ne parlons de protection. Nous ne parlons que de droit et de liberté, mais la liberté n'a de sens que si elle protège ceux qui ne voudraient pas l'utiliser.

Rédiger une loi sur l'aide à mourir est un des moments les plus difficiles d'une législature. Ses rédacteurs affrontent sans cesse l'universalisation de situations individuelles. Les conséquences d'une telle loi risquent de mettre en péril les avancées des lois précédentes, en mettant la médecine au défi de l'appliquer.

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Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé

Je suis depuis longtemps favorable à l'adoption d'une loi pour une aide active à mourir, mais je ne suis pas une militante de cette cause. Il s'agit d'entendre l'aspiration de nos concitoyens à rester maîtres de leur vie jusqu'au bout, alors même que ce droit ou cette liberté ne retranche rien à personne. Il s'agit d'ouvrir un droit ou une liberté, mais pas d'imposer une obligation. Cette démarche a une vertu apaisante.

J'ai vu l'évolution de notre société, et l'évolution des aspirations. Une majorité de Français considère que la société n'a pas à lui dire comment vivre et comment mourir, mais qu'elle doit l'aider à le faire du mieux possible. En ce sens, l'aide à mourir est bien l'expression d'une fraternité et d'une solidarité. Je n'oppose pas les soins palliatifs et le droit à bénéficier d'une aide à mourir.

Ce projet de loi ouvre bien un nouveau droit ou une nouvelle liberté. C'est pour cela qu'il marque une avancée réelle. Si ce n'était pas le cas, il ne serait pas utile de légiférer. Les termes « aide à mourir » renvoient à une assistance au suicide, qui peut aller jusqu'à une forme d'euthanasie. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté dans le lien entre la volonté exprimée par la personne et le processus qui s'enclenche. Je ne préconise pas de revenir sur les termes, mais je souhaite que le débat parlementaire permette d'éclairer la portée effective des mots employés. Il faut que les Français sachent ce qui leur sera possible de demander ou non.

Si la loi ouvre un nouveau droit, elle doit poser le cadre de référence dans lequel il s'exercera, et elle doit garantir que seule la volonté du malade est entendue. Je regrette la disparition des directives anticipées, parce qu'elles permettent une pédagogie de la réflexion pour le malade. Je suis sensible à un point qui a été soulevé, selon lequel un patient ne pourrait plus bénéficier d'une aide à mourir parce qu'il n'est plus en mesure d'exprimer à nouveau sa volonté du fait de l'évolution de sa maladie. Les directives anticipées pourraient être un moyen de contourner cette difficulté.

En revanche, il ne faut pas attendre de la loi qu'elle règle « comme du papier à musique » l'ensemble des questions concrètes et des questions éthiques. Elle fixe un cadre principiel, mais la singularité de chaque cas doit renvoyer à ce que le Conseil d'État appelle la sagesse pratique. Celle-ci se construit dans le dialogue du malade avec son environnement, son entourage, le médecin. Ce dialogue singulier doit permettre d'apprécier les situations au cas par cas. J'avoue ma perplexité devant la précision qui est introduite et qui veut que seuls pourraient bénéficier de l'aide à mourir ceux dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme.

Je reste personnellement très marquée par l'affaire Vincent Lambert, dont personne n'est sorti indemne. Je ne crois pas du tout que la loi que vous allez voter lui sera applicable, mais à chaque fois que l'on écrit quelque chose dans la loi, il faut se demander si l'on pourra éviter une judiciarisation inutile.

Ce projet de loi constitue une avancée notable. Il vous appartient d'en faire une grande loi.

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Comment expliquez-vous, madame la ministre, le très faible nombre de sédations profondes et continues jusqu'au décès ? Elles sont très peu pratiquées alors qu'elles avaient été présentées comme une alternative.

Quelle est votre position, mesdames et messieurs, sur le pronostic vital engagé à court ou moyen terme ?

Monsieur Sicard, êtes-vous en désaccord avec la position du CCNE, selon laquelle il y a une voie éthique pour une application de l'aide à mourir ?

Madame Touraine nous invite à faire preuve de « sagesse pratique ». Cette belle expression ne peut qu'inspirer les travaux des législateurs.

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Le titre Ier semble un peu léger. Il doit être assorti d'une annexe, qui est le plan décennal de développement des soins palliatifs, lequel a été établi autour de six valeurs fondamentales, de cinq objectifs principaux et quatre objectifs spécifiques. Ce plan prévoit également la constitution d'une nouvelle spécialité médicale, la médecine des soins palliatifs.

Quelle appréciation portez-vous sur ce plan de développement ? Comment envisagez-vous les moyens nécessaires ?

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Pensez-vous, madame Touraine, que si des directives anticipées étaient opposables à l'époque, le conflit de famille qui a éclaté dans le cadre de l'affaire Vincent Lambert aurait pu être évité ?

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J'aimerais avoir vos avis sur la question des majeurs protégés.

Avez-vous connaissance, dans la législation étrangère, d'une loi qui rendrait possible l'administration d'une substance létale par un proche ou un bénévole ?

Enfin, je voudrais vous interroger sur la collégialité des médecins et de l'équipe soignante.

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Il me semble que l'âgisme consiste précisément à mettre les personnes âgées dans cette loi. Être une personne âgée n'est pas une maladie incurable qui engage le pronostic vital.

Monsieur Sicard, vous avez parlé de la détresse des médecins face à l'aide à mourir. Que ferons-nous de la détresse du patient, de son entourage et des soignants face à l'absence de réponse au patient qui désire partir ?

Vous avez parlé de loi d'économie. Je ne peux qu'être en désaccord. Combien de demandes iront-elles jusqu'au bout ? Ce n'est pas parce qu'une demande est formulée que le patient est obligé d'aller jusqu'au bout.

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Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé

La question du « moyen terme » est un obstacle, y compris pour ceux qui voudraient s'assurer de la pleine volonté des personnes. Cette précision n'a pas lieu d'être.

Même avant la loi Leonetti, il y avait des médecins qui pratiquaient la sédation profonde et continue, à la toute fin, pour éviter une souffrance et une angoisse inutiles. L'autre cas de figure repose sur la demande du patient. Lors des débats, les opposants à la loi Claeys-Leonetti ont fait naître une ambiguïté en évoquant la possibilité de laisser les patients mourir de faim ou de soif. Cette ambiguïté ne se retrouve pas dans la loi, mais elle a joué.

L'affaire Lambert m'a marquée. J'ai eu à prendre des décisions de protection des soignants et de l'hôpital. S'il y avait eu des directives anticipées clairement rédigées, il n'y aurait pas eu d'affaire. Ces directives me paraissent nécessaires pour des cas qui ne relèvent pas de l'aide active à mourir.

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Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique, coordinateur de la commission chargée de réfléchir sur les modalités d'assistance au décès pour les personnes en fin de vie (2012)

Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit sur les directives anticipées. À partir du moment où une personne est dans un état d'inconscience jugé définitif, je ne vois pas en quoi les directives anticipées peuvent être dangereuses, dans la mesure où la personne a exprimé le désir que l'on ne maintienne pas la réanimation.

Les Britanniques ont été les premiers à réfléchir en profondeur à l'existence des soins palliatifs, qui font partie du système médical britannique. En France, ils sont marginaux, personne ne les connaît. Je ne vois pas en quoi une loi pourrait résoudre l'absence de formation, de professeurs, de services.

J'ai aidé à mourir. Je suis extrêmement sensible à la détresse des malades. Mais il risque d'y avoir un désaccord au sein de la médecine, et je pense qu'il faut trouver une loi qui permette aux médecins de se retrouver dans une aide à mourir qui tienne compte du patient. La conviction du médecin ne m'intéresse pas.

Dans les services qui traitent des patients atteints de la maladie de Charcot, les demandes d'euthanasie sont exceptionnelles. En faire un modèle d'euthanasie est excessif. Au moment où l'angoisse de mourir apparaît, le sentiment de liberté est étouffé par des conditions viscérales, organiques. Cette liberté est évidente quand on est en parfaite santé ; elle devient problématique au moment où l'on va mourir. J'ai aidé à mourir de nombreux malades par la sédation. Cette vision d'une médecine qui serait indifférente existe, mais elle mériterait d'être davantage enseignée à l'université.

Par ailleurs, je respecte tout à fait la position du CCNE, qui a réuni une majorité de membres, même si ce n'était pas la mienne.

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Martine Lombard, professeure émérite de droit public à l'Université Paris-Panthéon-Assas

La question sur le pronostic vital engagé à moyen terme est à rapprocher de celle sur la collégialité. Je pense qu'il faut supprimer la condition sur le pronostic vital engagé à court ou moyen terme, mais qu'il faut prévoir des conditions renforcées d'appréciation lorsqu'il apparaît que le malade pourrait vivre encore quelques années. Dans ces cas-là, il faudrait un avis conforme de deux ou trois médecins. Le rôle des médecins devrait être de constater que les conditions d'éligibilité sont remplies. Je ne suis pas favorable à une décision collégiale, mais à une succession d'avis allant dans le même sens.

Je voudrais que les directives anticipées soient inscrites dans le dossier médical, mais il serait bon de saisir l'occasion de ce projet de loi pour résoudre un problème. Les directives anticipées sont prétendument opposables, mais elles peuvent être écartées si elles sont manifestement inappropriées. Si le malade a rédigé ses directives à 20 ans et qu'il en a aujourd'hui 70, il peut avoir changé d'avis entre-temps. Le médecin qui décide d'écarter les directives anticipées doit d'abord consulter la personne de confiance, et, s'il n'y en a pas, un proche ou l'aide-soignant qui s'occupe du patient. Je voudrais proposer un amendement en ce sens.

S'il y avait eu des directives anticipées dans le cadre de l'affaire Lambert, le contentieux n'aurait pas duré onze ans. Nous avons besoin des directives anticipées, mais je propose des solutions très nuancées. Le patient se trouve pris dans un « corner » : il faut qu'il soit très gravement malade, mais s'il est trop malade pour communiquer, il ne peut plus obtenir une aide à mourir.

Certains voudraient être aidés à mourir dès lors qu'ils sont atteints de la maladie d'Alzheimer et qu'ils ne reconnaissent pas leurs enfants. Personnellement, je ne suis pas d'accord. Si un malade a changé de personnalité, celle-ci doit se respecter, et je ne vois pas comment imposer une solution à une personne qui ne la veut plus.

Le Conseil d'État a fait beaucoup de recommandations sur les majeurs protégés. Elles ont été minutieusement suivies dans la rédaction du projet de loi, et nous arrivons à un résultat équilibré. La loi permet qu'un majeur protégé puisse demander à bénéficier d'une aide à mourir. Le médecin doit en informer la personne responsable de la protection juridique, qui peut réagir, saisir le juge des tutelles et demander une analyse psychiatrique. Si l'expertise fait apparaître que le patient n'a plus son discernement, c'est un nouvel événement qui conduit le médecin à changer d'avis et à ne pas admettre l'aide à mourir.

Enfin, je ne connais pas de loi qui prévoie l'administration d'un produit létal par un proche.

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Marie de Hennezel, psychologue clinicienne

Les personnes âgées sont très réticentes à écrire leurs directives anticipées, et préfèrent les conversations anticipées. Elles craignent d'être prisonnières d'un papier.

En dix ans, nous avons accompagné une trentaine de personnes atteintes de la maladie de Charcot. Seulement deux d'entre elles ont demandé au médecin de les sédater. Les vingt-huit autres étaient rassurées par le fait que le médecin s'engage formellement à ne pas les laisser souffrir.

Je vois difficilement comment la promesse de rendre les soins palliatifs largement accessibles serait compatible avec le vote de la loi sur l'aide à mourir l'année prochaine.

Bien sûr, la vieillesse n'est pas une maladie, même si les dépenses de santé d'une personne sont les plus importantes au cours des six derniers mois de sa vie. Ce que j'ai exprimé tout à l'heure, c'est la peur de ces personnes. Cette crainte doit être prise en compte. Les personnes âgées pressentent qu'elles vont se dégrader très vite et elles se demandent ce qui se passera quand l'assistance au suicide sera rendue possible par la loi.

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Dr Jean-Marie Gomas, fondateur du mouvement des soins palliatifs en France

J'ai vu beaucoup de promesses non tenues et d'engagements impossibles. Je suis ravi de ces projets, mais j'attends de voir. Certains ne me semblent pas très logiques. Je me méfie de tout ce qui vient impacter le « tout curatif » du système. Les professionnels ne sont pas suffisamment formés aux soins palliatifs. Il y a des années que nous attendons que cela change. Les infirmières de pratique avancée sont un formidable progrès ; encore faut-il qu'on les soutienne vraiment.

Dans les dernières recommandations sur les soins palliatifs de la HAS en 2018 et 2020, qui sont de remarquables documents, il y a des incohérences avec le travail de la sécurité sociale. J'ai besoin de preuves et d'actions réelles de la stratégie décennale. Nous sommes bien sûr ravis si les choses progressent.

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Marina Carrère d'Encausse, médecin échographiste

Si j'ai cité la maladie de Charcot, c'est parce que les patients qui en sont atteints représentent une part importante des personnes qui vont en Belgique ou en Suisse pour demander de l'aide, ce qui nécessite des moyens financiers, familiaux, amicaux. Bien sûr, nombre d'autres maladies sont concernées.

Concernant les directives anticipées, je suis sensible à cette nuance très complexe qui existe entre un patient atteint d'une maladie évolutive et qui ne pourra plus s'exprimer, et un patient qui souffre de la maladie d'Alzheimer. Il ne faudrait pas que les patients demandent une mort plus précoce parce qu'ils peuvent encore s'exprimer, ce qui est certes difficile à écrire.

S'agissant de la notion de court ou moyen terme, je pense qu'il ne faut pas mentionner de chiffre précis, mais évaluer les situations au cas par cas, ce qui évitera aux médecins de devoir faire des arrangements avec la réalité et avec l'espérance de vie de leurs patients.

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Avez-vous, madame Carrère d'Encausse, des données scientifiques robustes qui montreraient que des personnes éligibles à la sédation profonde n'y ont pas eu accès, et que des sédations profondes dureraient plusieurs jours ?

Dans l'Oregon, le patient va chercher le produit à la pharmacie et le prend s'il le veut. 40 % des patients ne le prennent finalement pas. Le projet de loi prévoit un rendez-vous fixe. Considérez-vous, madame de Hennezel, que ce rendez-vous est de nature à obliger ces 40 % à prendre le produit ?

Monsieur Gomas, vous avez soulevé le risque de pression familiale. Un contrôle du juge ne serait-il pas une garantie de liberté supplémentaire ?

Enfin, le docteur Pradat, de la Pitié-Salpêtrière, me signale qu'en dix ans, il dénombre six cents nouveaux patients atteints de la maladie de Charcot, quinze demandes persistantes d'euthanasie et trois déplacements en Belgique.

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Le département du Nord est largement doté en termes de centres de soins palliatifs. Cela n'empêche pas certains concitoyens du Nord de se rendre en Belgique. Que répondez-vous, madame de Hennezel, aux personnes désespérées qui demandent de l'aide ?

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La loi prévoit la mise en œuvre d'un plan personnalisé d'accompagnement et la création de maisons d'accompagnement. Ces innovations sont-elles bienvenues ?

Pensez-vous que le projet de loi garantisse le choix des personnes en fin de vie, y compris celui de la demande d'aide à mourir, alors que les directives anticipées y sont très peu sollicitées ?

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Quelles sont selon vous, monsieur Gomas, les conséquences de la législation belge ou luxembourgeoise sur la fin de vie des personnes ? Quelle est la qualité des soins palliatifs et de l'accès aux soins palliatifs dans ces pays ? Quel est le positionnement des soignants en Belgique vis-à-vis de l'euthanasie ?

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Les exemples de la Belgique et des Pays-Bas ne devraient-ils pas nous pousser à légiférer de manière extrêmement prudente ?

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Si nous supprimons la notion de court ou moyen terme, cela signifie que la demande d'une personne qui remplit les cinq critères est accordée dès que sa maladie est diagnostiquée. Le patient peut demander à mourir dès qu'il ne supporte plus ses souffrances : madame Lombard, cette démarche vous paraît-elle sensée ?

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La loi Claeys-Leonetti couvre-t-elle toutes les situations ? Que faudrait-il faire pour l'améliorer ?

Madame Touraine, devons-nous demander que les directives anticipées soient inscrites obligatoirement dans le dossier médical ? Que dites-vous sur la protection des soignants ?

Comment améliorer la collégialité de la décision par rapport à ce qui est écrit dans le texte actuel ?

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La souffrance n'est pas du tout réfractaire chez les personnes en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Comment pensez-vous, madame de Hennezel, qu'ils puissent demander l'aide à mourir ?

Madame Touraine, considérez-vous que le fait qu'une personne ait demandé à mourir, avant de perdre ses facultés, constitue une directive anticipée ?

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Nous considérons que le patient doit être au cœur du dispositif, et qu'il est le seul à pouvoir déterminer le terme de la soutenabilité de la douleur. Cela appelle-t-il des remarques parmi ceux d'entre vous qui ne sont pas d'accord ?

Verriez-vous un inconvénient à ce que l'on recoure aux directives assistées dans le cas où le patient ne peut s'exprimer ?

Ne pas intégrer les maladies neurodégénératives ne reviendrait-il pas à faire une loi a minima ?

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Pourrait-on considérer que le pronostic vital à moyen terme est engagé dans le cas d'une personne très âgée porteuse d'une ou plusieurs pathologies chroniques ?

Pensez-vous opportun que le médecin doive, pour prendre sa décision, recueillir l'avis du proche aidant qui devra accomplir le geste fatal ?

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Tout en gardant les quatre autres critères, ne pourrait-on pas imaginer que les directives anticipées devraient avoir été écrites suffisamment récemment ? Un tiers de confiance spécifiquement dédié à cette décision de l'aide à mourir ne permettrait-il pas d'améliorer le dispositif ?

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Nous pouvons craindre l'ouverture de la loi à de nouvelles catégories d'âge ou à des personnes dont le pronostic vital n'est pas engagé. Pouvez-vous nous proposer des garanties solides pour éviter que cette brèche ne s'agrandisse voire ne dérive ?

Ne devons-nous pas nous limiter à une dépénalisation de l'aide à mourir pour les médecins ?

Ma seconde proposition serait de mettre en œuvre un meilleur encadrement pour ne pas laisser les médecins prendre seuls cette décision, qui pourrait être actée par un juge ayant recueilli l'avis du collège des soignants.

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Pensez-vous, madame Carrère d'Encausse, que l'exercice de la clause de conscience soit adossé à une obligation pour le médecin réticent de trouver son pair susceptible de le remplacer ?

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Marie de Hennezel, psychologue clinicienne

Je pense en effet que le rendez-vous fixe peut être très contraignant.

J'ai été la psychologue de la première unité de soins palliatifs. En dix ans, je n'ai jamais vu une personne aux prises avec des souffrances réfractaires. Les médecins étaient compétents et s'engageaient. Les soins palliatifs reposent sur l'engagement à ne pas laisser souffrir. Ils incluent la pratique de la sédation. Les équipes sont compétentes pour le faire. Ce qui me semble aberrant, c'est que des équipes hospitalières mettent en place des sédations tout en assurant une hydratation artificielle du patient.

Une personne qui se trouve dans un Ehpad n'est pas nécessairement aux prises avec une souffrance réfractaire, mais la souffrance est-elle uniquement physique ou psychologique ? Certaines personnes sont si angoissées que cette angoisse est une souffrance intolérable. Cela ne fait-il pas partie des critères ?

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Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique, coordinateur de la commission chargée de réfléchir sur les modalités d'assistance au décès pour les personnes en fin de vie (2012)

Nous sommes le pays d'Europe qui compte le plus petit nombre de directives anticipées. Celles-ci ont pour but de décider si l'on maintient les soins ou si on les arrête lorsque la personne concernée est définitivement sans connaissance. Je ne vois pas comment une personne dans un coma définitif pourrait changer d'état d'esprit. Respecter les directives anticipées dans ce cas devrait être une évidence.

Concernant la maladie de Charcot, nous avons envie de répondre aux 6 % qui ont été évoqués. Cette réponse ne met-elle pas en danger les 94 % de patients atteints de cette maladie et qui se diraient : « Il y a une loi, peut-être est-ce la meilleure solution » ?

La vraie question consiste à maintenir la liberté de ceux qui iraient en Suisse ou en Belgique tout en protégeant les personnes les plus vulnérables. Si cette loi existe, il faut qu'un ou deux de ses articles visent à cette protection.

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Martine Lombard, professeure émérite de droit public à l'Université Paris-Panthéon-Assas

Il m'a été demandé si la demande d'une personne remplissant les cinq conditions pourrait être prise en compte de façon sensée. À mon sens, oui.

Je voudrais faire un jour une compilation de toutes les fake news qui circulent sur les pays étrangers. Theo Boer n'est pas un médecin, mais un docteur en théologie qui enseigne dans une université. Il a déclaré récemment que si les Pays-Bas avaient atteint dès 2001 le degré de qualité des soins palliatifs actuels, ils n'auraient peut-être pas eu l'idée d'adopter cette loi sur la fin de vie.

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Marina Carrère d'Encausse, médecin échographiste

Je ne crois pas avoir évoqué le nombre de sédations profondes effectuées ni la durée existant entre le geste réalisé et la mort du patient. J'ai indiqué qu'elle était peu pratiquée en France car très mal connue des patients, et donc peu demandée, et pas toujours acceptée par les médecins.

Je ne dis pas qu'il faille retirer le terme de pronostic vital engagé, mais il convient de ne pas inscrire un nombre précis de mois, car cela serait très compliqué à gérer.

De nombreux médecins sont demandeurs d'une double clause de conscience. Tout médecin a le droit de refuser une aide à mourir, mais il a l'obligation d'orienter le patient vers un autre praticien qui accepterait de pratiquer cette aide.

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Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé

En ce qui concerne la collégialité de la décision, l'existence d'un dialogue entre les professionnels me paraît évidemment souhaitable.

Lors de l'affaire Lambert, j'ai exercé ma responsabilité de ministre, en apportant la protection fonctionnelle et politique. J'ai garanti à l'hôpital et aux soignants qu'ils seraient protégés politiquement et juridiquement.

Il ne faudrait pas que les directives anticipées deviennent le cœur du débat autour de ce projet de loi. Dès lors que la volonté a été exprimée, le fait que la personne ne soit plus en mesure de l'exprimer à nouveau vaut pour directive anticipée. L'essentiel est qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur la volonté de la personne. J'aime bien l'expression de « discussion anticipée ».

Je trouve le débat statistique un peu troublant et heurtant. On ne légifère pas toujours pour la majorité, mais parfois pour protéger les plus vulnérables. Sinon, nous n'aurions pas légiféré sur les personnes en situation de handicap. Vous n'allez pas légiférer pour imposer quoi que ce soit. Nous n'enlevons rien à personne ; nous apportons une liberté ou un droit. Si les soins palliatifs permettent à certains patients d'aller jusqu'au bout, c'est magnifique, mais il y a des personnes qui souhaitent – parce que c'est leur conception de la dignité et de leur vie – mettre fin à leur vie dans des conditions qui répondent à leur exigence philosophique. Même si vous légiférez pour quelques pourcents de Français, cette loi peut être une grande et belle loi.

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. Je vous remercie pour vos propos liminaires et pour les réponses apportées aux questions des députés.

La réunion s'achève à dix-neuf heures.

Présences en réunion

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bentz, Mme Chantal Bouloux, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Laurence Cristol, Mme Geneviève Darrieussecq, Mme Christine Decodts, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Annie Genevard, M. François Gernigon, M. Joël Giraud, M. Jérôme Guedj, Mme Marine Hamelet, M. Patrick Hetzel, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, M. Gilles Le Gendre, Mme Brigitte Liso, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Didier Martin, M. Thomas Ménagé, M. Yannick Neuder, M. Julien Odoul, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, M. Jean-Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. David Valence, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, Mme Anne-Cécile Violland

Excusées. – Mme Lise Magnier, Mme Christine Pires Beaune