Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 8h30

Résumé de la réunion

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  • intercommunalité
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La réunion

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La réunion débute à 8 heures 35

Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. L'actualité concernant les territoires n'a jamais été aussi forte : la proposition de loi sur les communes nouvelles dont nous avons parlé hier ; la réforme de la fiscalité locale qui sera intégrée dans le projet de loi de finances pour 2020 ; le projet de loi engagement et proximité dont nous allons discuter ce matin ; un grand texte sur une nouvelle étape de la décentralisation qui sera présenté l'année prochaine.

Le projet de loi « engagement et proximité » est très attendu. Au cours du grand débat national, le Président de la République et vous-mêmes avez rencontré de très nombreux élus. Le texte à venir doit notamment répondre aux attentes exprimées lors de cette consultation. La Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation se saisira pour avis de ce texte et nous contribuerons, je l'espère, à lui permettre d'atteindre son objectif.

L'exercice du jour est un peu particulier puisque ce projet de loi ne sera présenté en conseil des ministres que le 17 juillet. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être venu nous voir si tôt. Nous allons ainsi pouvoir discuter des grandes orientations du texte plutôt que de tel ou tel article ou point précis.

Monsieur le ministre, je vous propose de prendre la parole pour un propos liminaire. Nous passerons ensuite aux questions.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Bonjour à toutes et à tous. Je suis heureux de vous retrouver ce matin pour ce qui est, en effet, un exercice original : le texte est en cours d'examen par le Conseil d'État, c'est-à-dire qu'il n'a pas été présenté au conseil des ministres et donc, si l'on est respectueux des institutions, qu'il n'existe pas encore.

Cette rencontre matinale témoigne de ma volonté de faire en sorte que vous puissiez vous exprimer en amont du processus parlementaire pour enrichir le texte autrement que par des amendements. Prenant en compte le non-cumul des mandats, je souhaite discuter de ce texte et de ses grands équilibres avec les députés, les sénateurs et les associations d'élus.

Sur le fond, je pense que nous avons deux grands défis à relever. Ce « nous » englobe tous ceux qui sont passionnés par les équilibres territoriaux et le fonctionnement de la démocratie locale dans la République. En trente ans, le mouvement législatif a organisé, petit à petit, la démocratie locale. En le regardant de près, on voit que ce mouvement s'est toujours effectué de manière plus ou moins consensuelle : les lois de décentralisation initiées par Gaston Defferre en 1982 et Jean-Pierre Raffarin en 2003 ; la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale de Jean-Pierre Chevènement en 1999. La volonté de construire une démocratie locale dans une République plus décentralisée est manifeste depuis de nombreuses années. Le législateur est systématiquement parti de la commune sans nier, loin s'en faut, le rôle du département, en faisant plutôt évoluer les régions. Les grandes nouveautés ont en effet été la transformation du statut des régions d'établissements publics à collectivités territoriales et l'évolution de la place des intercommunalités.

Sur fond de baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), deux lois ont accéléré le processus et créé, aux yeux des maires, quelques déséquilibres. À cet égard, le grand débat national, soit quatre-vingt-seize heures de discussion entre le Président de la République et les maires, peut être considéré comme un sondage grandeur nature, sans compter nos expériences respectives dans nos territoires d'élection. Pour ma part, j'ai présidé le conseil départemental de l'Eure jusqu'à mon entrée au Gouvernement, après avoir été maire. Il est évident que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) ont créé des irritations et des incompréhensions chez les élus, et ce, qu'ils soient ruraux ou urbains et quelle que soit leur tendance politique ou leur origine géographique.

Notre premier défi consiste à corriger les déséquilibres sans pour autant envisager un grand soir qui créerait une profonde instabilité, nous y reviendrons à propos des questions intercommunales. Les élus attendent des mesures d'assouplissement mais ils ne veulent pas une nouvelle loi NOTRe et le redécoupage aux ciseaux de la carte intercommunale. Cette première mission du texte – corriger sans tout bousculer – n'est pas si évidente à remplir qu'il y paraît.

Notre deuxième défi, plus global, est de remédier à la crise de l'engagement dans la société française. Pour avoir présidé un service départemental d'incendie et de secours (SDIS), je peux dire qu'il est plus difficile aujourd'hui de recruter des sapeurs-pompiers volontaires qu'il y a vingt ans. Il est devenu plus compliqué de trouver des réservistes pour la gendarmerie et les armées, mais aussi des dirigeants pour les clubs sportifs ou les associations culturelles ou caritatives. De même, il n'est plus aussi évident de trouver des élus locaux, des hommes et des femmes qui s'engagent sur une liste municipale dans un village ou dans une ville pour six, douze ou dix-huit ans.

Si cette crise de l'engagement est globale, nous devons la regarder sous un prisme particulier : notre attachement collectif à la démocratie représentative, que l'on peut, il me semble, réaffirmer ici dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. La récente crise que nous avons connue montre que cette démocratie représentative peut être remise en cause. À quelques mois des élections municipales, nous pouvons craindre que des listes soient incomplètes dans des centaines – peut-être des milliers – de communes. Dans certaines communes, il pourrait même n'y avoir aucun candidat pour être maire. Cette perspective doit nous conduire à nous rassembler de manière consensuelle et à nous poser les bonnes questions.

Un chemin de crête se dessine aussi dans ce domaine. De même qu'ils veulent des réponses à leurs irritations sans demander un grand soir en matière de libertés locales, les élus veulent un cadre plus clair des conditions d'exercice de leur engagement sans pour autant demander de quelconques privilèges ou la reconstitution d'une caste bourgeoise notabiliaire sur le modèle de la IIIe République. Ils l'ont largement dit. La recherche de ce chemin de crête est délicate et elle réclame du bon sens et du pragmatisme ; il ne faut surtout pas tomber dans les clivages politiques traditionnels.

Quelles réponses peuvent-elles être apportées par le Gouvernement mais aussi par les membres du Parlement qui ont des sensibilités politiques différentes ? Outre le projet de loi « engagement et proximité », il faut envisager une clarification de la fiscalité locale dont certains d'entre vous sont des experts ou, à tout le moins, de bons connaisseurs. Cette clarification n'est pas à l'ordre du jour de ce matin mais elle s'inscrit dans le calendrier et devra tenir compte du contribuable.

Il faut réfléchir aussi à un nouvel acte de la décentralisation. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, rendez-vous est pris pour l'année 2020, soit un an avant les élections départementales et régionales. À l'occasion, nous devrons nous interroger sur le rôle de l'État. La décentralisation invite à réfléchir sur la subsidiarité et l'action publique mais aussi à définir ce que nous attendons de l'État pour les années à venir.

Le projet de loi « engagement et proximité », que je vais présenter en conseil des ministres dans quelques jours, viendra en discussion au Sénat à la fin du mois de septembre ou au début du mois d'octobre prochains, avant d'arriver devant vous.

Il comporte deux piliers. Le premier d'entre eux vise à garantir un cadre renouvelé de l'exercice du mandat d'élu local : maire, maire adjoint, conseiller municipal, bien sûr, mais aussi conseiller départemental ou régional, même s'ils ne sont pas tout à fait logés à la même enseigne pour des raisons liées à la taille de leur collectivité ou leur régime indemnitaire.

C'est la première fois qu'un gouvernement propose un texte global contenant de très nombreuses mesures pour les élus locaux. Il y a eu beaucoup d'avancées au cours des dernières années et certains d'entre vous peuvent en être les heureux responsables. Mais nous avançons souvent par à-coups : une disposition de loi de finances, une proposition de loi venant de l'Assemblée et une autre du Sénat. Les réformes ont déjà porté leurs fruits, notamment dans le domaine de la formation des élus. Il serait malhonnête de ne pas reconnaître que beaucoup a été fait au cours des dernières années et une certaine sénatrice, Jacqueline Gourault, n'y est d'ailleurs pas pour rien.

Je vais lister quelques-uns des éléments concernant l'exercice du mandat et nous pourrons ensuite revenir plus en détail sur les aspects qui vous intéressent. Je reviendrai vers vous le moment venu pour faire une présentation plus académique et plus traditionnelle de ce projet de loi.

Premier élément : la formation. L'exercice du mandat est de plus en plus difficile ; la vie d'élu local se judiciarise et demande une ingénierie technique, financière et juridique de plus en plus complexe. Il faut donc délivrer une formation digne de ce nom aux élus locaux. L'entreprise forme ses salariés initialement et tout au long de la vie. Il serait pour le moins curieux que nos élus soient les derniers à être concernés par le sujet de la formation. Les élus des collectivités les plus importantes accèdent facilement aux formations importantes, mais pour l'adjoint au maire d'une commune de 500 habitants, le droit à la formation s'il existe sur le papier doit être transformé en droit réel.

Nous proposerons des dispositions qui tendent à aligner par le haut. Tel qu'institué par les réformes de Mme Pénicaud, le compte personnel de formation (CPF) ne concerne pas les élus locaux. Il faut qu'ils puissent accéder au CPF qui leur permettra de mutualiser des crédits de formation obtenus en tant que salarié ou agent de la fonction publique et ceux qu'ils peuvent acquérir dans leur fonction élective. La formation initiale doit devenir plus systématique et bénéficier d'un système de financement clarifié. Comment dégoûter un nouvel élu ? En le jetant dans le grand bain sans lui avoir donné les clés de lecture et de compréhension de ce qui peut se passer.

Deuxième élément : le système de protection, notamment juridique. En tant qu'agent de l'État ou patron de sa collectivité territoriale, le maire peut s'exposer à une mise en cause de sa responsabilité personnelle, civile ou pénale. Le maire est parfois plus exposé qu'un président d'association qui endosse lui aussi des risques en incarnant une personne morale.

Pour prendre un exemple que je connais, le maire de Vernon, une ville de 26 000 habitants, n'aura jamais de difficulté particulière pour recourir à un cabinet d'avocats. En tout cas, je n'en ai jamais eu. Imaginez maintenant le maire d'une commune de 400 habitants qui doit demander une délibération de son conseil municipal pour obtenir une protection fonctionnelle et une protection juridique, ce qui signifie que la commune devra engager les frais d'assurance a priori ou des frais de justice a posteriori. La démarche n'est pas si évidente et spontanée que l'on pourrait le penser.

Je souhaite que l'on traite au moins correctement la première question, c'est-à-dire celle des assurances de protection juridique. Pour les communes de moins de 1 000 habitants, il serait logique que ces assurances soient obligatoires et prises en charge par l'État au titre de la solidarité vis-à-vis des communes rurales. Il en va de même pour la protection fonctionnelle. Actuellement, un maire mis en cause doit aller devant son conseil municipal pour demander la protection fonctionnelle par voie de délibération. Ce faisant, il médiatise et rend publique la mise en cause dont il fait l'objet, qui n'en est qu'au stade de l'enquête préliminaire. Je souhaite que l'on renverse le mécanisme, que la protection fonctionnelle soit réputée de plein droit et que le conseil municipal doive délibérer pour la refuser au maire. Cela n'a l'air de rien mais cela change tout pour quiconque ayant vécu ce genre de situation.

Au-delà des mesures de protection, nous devons également avancer sans tabou ni démagogie, mais avec tranquillité, sur les conditions matérielles de l'exercice du mandat d'élu. Nous proposons deux pistes sur lesquelles j'aimerais votre avis.

Notre vie privée fait que nous ne sommes pas tous égaux pour exercer un même engagement électif. Quand vous avez un jeune enfant ou une personne en situation de dépendance ou de handicap à la maison, le fait de participer à un conseil municipal ou à une commission municipale peut représenter un effort et un sacrifice personnel particulier. Nous proposerons de créer un droit universel de frais de garde, pris en charge par l'État, pour les plus petites communes. Les jeunes parents pourront se voir rembourser leurs frais de garde par l'État quand ils iront au conseil municipal. Cette mesure ne me semble pas démagogique et permettrait de faciliter le rajeunissement et la féminisation des élus. Elle permettrait aussi de prêter attention aux plus fragiles, à ceux qui ont à charge une personne en situation de handicap ou de dépendance avancée.

Il faudra aussi, sans tabou, se poser des questions sur les indemnités. Ce n'est pas simple car il faut, en France, toujours aborder avec précaution le duo argent et politique. Pour ma part, je vous le dis comme je le pense, je ne sais pas expliquer à un maire d'une commune de 480 habitants que sa rémunération maximale sera deux fois moins élevée que celle d'un homologue d'une commune de 505 habitants. Leur vie quotidienne est-elle si différente ? Je n'ai pas l'intention de toucher aux plus grandes communes mais il faut au moins réfléchir aux seuils de population qui déterminent les rémunérations des maires des communes rurales. Il n'y aura pas dans le texte initial de mesures sur les indemnités car je veux continuer à consulter pendant l'été et une partie du mois de septembre, afin de vous faire une proposition plus aboutie par la voie d'un amendement gouvernemental que je vous communiquerai, bien évidemment, très en amont. Nous devons construire ce système indemnitaire avec sérieux et tranquillité si nous ne voulons pas laisser ce sujet à la vindicte des populistes, des démagogues et de ceux qui donnent dans l'élu bashing.

La question du rapport au droit du travail est importante mais comme l'enfer est pavé de bonnes intentions, une mesure d'incitation peut vite devenir normative. Mettez-vous à la place du commerçant, du patron de PME. Les salariés ne sont pas tous égaux. Dans votre région, madame Pires Beaune, vous avez Michelin, une entreprise qui a toujours favorisé l'engagement de ses salariés dans la vie locale. Ces incitations s'inscrivent dans l'histoire et la culture de cette entreprise mais il devrait être possible de sensibiliser l'ensemble des grands groupes sur ce sujet. Nous allons y travailler à la rentrée.

Deuxième grand pilier : redonner des libertés dans la manière de vivre les compétences au sein des collectivités territoriales et, plus particulièrement, au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Cela pourrait d'ailleurs être le préambule à notre mouvement de décentralisation. Décentraliser ne consiste pas nécessairement à donner aux collectivités territoriales certaines compétences de l'État ; cela consiste parfois à introduire de la souplesse à l'échelon territorial ou à remettre bon ordre dans les compétences déjà décentralisées.

Si les élus départementaux et régionaux sont très favorables à un mouvement de décentralisation, peu de maires se sont exprimés pendant le grand débat national pour réclamer davantage de compétences décentralisées. Le maire s'interroge davantage sur son pouvoir de police en tant qu'agent de l'État ou sur sa relation à l'intercommunalité. Il réclame rarement d'obtenir plus de compétences de l'État. C'est toutefois moins vrai en ce qui concerne les élus des métropoles, des grandes communes, des départements et des régions auxquels nous devrons également répondre.

Je milite pour que nous accordions des libertés locales nouvelles. Nous ne ferons pas l'impasse sur les questions liées à l'intercommunalité, selon le triptyque désormais bien connu : compétences, gouvernance, périmètre. Nous devons encore avancer sur un chemin de crête, mais je pense que nous pouvons le faire sans risque et sans danger si nous savons écouter avec attention ce que les maires nous ont dit.

Les maires ne demandent pas de grand soir non plus en matière de gouvernance, mais ils éprouvent parfois un sentiment de dépossession dans la relation qu'ils entretiennent avec l'intercommunalité. Les élus, qui siègent de manière bénévole au conseil municipal, ne peuvent pas comprendre que des décisions importantes soient prises au conseil communautaire, qui se tient à vingt ou vingt-cinq kilomètres d'eux, sans qu'ils aient été consultés ni même informés avant ou après la prise de décision.

Nous devons faire un travail qui n'a rien de révolutionnaire mais qui est important et fait appel au bon sens. La qualité du fonctionnement des intercommunalités n'est pas nécessairement liée à la taille : les intercommunalités XXL peuvent fonctionner bien ou mal et il en va de même pour les petites. En fait, elle dépend plutôt des pratiques humaines. Je vous propose donc de nous inspirer de ces bonnes pratiques : les conseils des maires ; la possibilité donnée aux adjoints au maire de siéger dans les commissions communautaires, selon des règles à définir au sein de chaque assemblée communautaire ; la communication des délibérations du conseil communautaire à tous les conseils municipaux des communes membres de l'EPCI.

À l'ère du numérique et à un moment où nous accélérons le rythme de déploiement du très haut débit sur le territoire, il paraît curieux de ne pas diffuser les délibérations d'un conseil communautaire à tous les membres de l'EPCI. D'ailleurs, certains font cet effort de transparence depuis des années et s'étonnent d'avoir à l'inscrire dans la loi. Si l'on en juge par les quatre-vingt-seize heures du grand débat national, cette inscription apparaît pourtant nécessaire : des centaines d'élus ont interrogé le Président de la République sur ce sujet du fonctionnement communautaire pendant plusieurs heures.

J'en viens au périmètre. Nous devons agir avec beaucoup de prudence en la matière parce qu'une modification du périmètre entraîne celle de nombreux indicateurs comme le potentiel financier ou le coefficient d'intégration fiscale (CIF). Je tiens à souligner que les variations des dotations de l'État ne sont pas le fait du législateur. À part la péréquation avec l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR), vous n'avez rien changé. Le Gouvernement vous a proposé de ne rien changer.

D'ailleurs, je suis toujours étonné que des parlementaires ne se défendent pas sur le terrain quand d'aucuns expliquent que la dotation de l'État a diminué, que c'est scandaleux, que c'est la faute du Gouvernement. Non, ce n'est pas la faute du Gouvernement. Ce dernier propose des critères, avec un avis du Comité des finances locales (CFL). Le Parlement souverain vote, en général à l'unanimité, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». S'il y a des variations, c'est tout simplement parce que la carte des territoires évolue et non pas parce que vous avez changé les règles. Défendez-vous et montrons que les effets de bord liés à la carte intercommunale modifient la répartition d'une partie des dotations de l'État.

Certaines mesures peuvent être prises. La loi NOTRe prévoit de revoir tous les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) en 2022. Par mesure de sagesse, je vous propose de supprimer cette obligation, considérant que, si nous devons régler des problèmes, il vaut mieux le faire de manière plus consensuelle après les élections municipales. Relancer le cycle des SDCI, en prévoyant de s'appuyer sur les pouvoirs spéciaux des préfets en 2022, ne me semble pas être un bon signal envoyé aux élus locaux de ce pays.

En revanche, je pense qu'il est temps de rendre obligatoires certaines études d'impact. Le départ d'une commune d'une intercommunalité n'est pas sans conséquences financières. Si une commune veut partir, elle doit donc financer une étude d'impact pour informer les autres communes de ce qui va se passer. Quand une intercommunalité veut modifier son périmètre, elle doit financer une étude d'impact. Quand l'État veut modifier le périmètre, il doit financer une étude d'impact pour expliquer à tous les élus du territoire quels seront les effets concrets sur les dotations de l'État ou sur la fiscalité.

Nous prévoyons aussi quelques mesures de bon sens. Il existe une procédure dérogatoire pour permettre à une commune de quitter une communauté de communes. Pour des raisons historiques, cette procédure dérogatoire n'existe pas dans les comités d'agglomération. Je vous propose de l'introduire. En revanche, le niveau d'intégration des communautés urbaines et des métropoles nous impose de ne pas toucher aux règles existantes.

Nous devons inventer un système de divorce à l'amiable pour les très grandes intercommunalités. Il faut permettre une scission par la voie la plus consensuelle qui soit, sans intervention particulière de l'État, si ce n'est de mettre à disposition des outils pour le faire. Quand une grosse intercommunalité de 120 000 habitants ne fonctionne pas et ne fonctionnera jamais parce qu'il y a un problème de bassin de vie, il faut lui permettre de se scinder en deux intercommunalités de 60 000 habitants. En faisant cela, nous n'abîmons pas les territoires en question et la démocratie locale, dès lors que les élus locaux sont à l'origine de la décision.

Le texte traite de plusieurs sujets liés aux libertés locales, notamment le renforcement du pouvoir de police du maire. Il est insupportable de prendre des arrêtés qui ne sont pas suivis d'effet, estiment la plupart des maires qui sont, par ailleurs, soumis à la pression sociale. Pourquoi ne faites-vous rien alors que cette route est dangereuse parce qu'untel n'a pas élagué sa haie ? l'interroge-t-on. L'édile a souvent pris un arrêté mais il est privé d'outil de coercition – notamment sous forme d'amendes administratives – pour le faire respecter. Il en va de même pour les établissements recevant du public (ERP) ou pour les occupations illégales du domaine public. Votre collègue Jean-Michel Fauvergue a rendu un rapport, très consensuel me semble-t-il, qui contient des propositions sur les pouvoirs de police. Nous nous en sommes largement inspirés ainsi que des propositions du Sénat.

Au-delà de la question des pouvoirs de police du maire, il nous faudra réfléchir aux effets de seuil. Sur ce point, je considère que le travail en commission et en séance publique doit nous permettre d'améliorer les choses. Outre les indemnités, cet effet de seuil concerne le financement de certains projets. Prenons l'exemple, dont la presse s'est fait l'écho, d'une commune rurale qui a à sa charge un bâtiment remarquable du patrimoine qui n'a pas été intégralement classé par les services du ministère de la culture. C'est d'ailleurs souvent le cas : il peut s'agir d'une église, dont seuls les vitraux ou la cloche, par exemple, sont classés. Actuellement, si ce bâtiment menace ruine, on impose à la commune de contribuer, en tant que maître d'ouvrage, à hauteur d'au moins 20 % aux travaux, et ce au mépris de l'éventuelle imminence du péril qui menace le bâtiment. Si celui-ci est intégralement classé, il est possible de déroger à la règle ; si tel n'est pas le cas, aucune dérogation n'est possible. Je vous propose donc d'étendre le droit de dérogation du préfet en la matière. La question a été soulevée dans le cadre du Loto du patrimoine de Stéphane Bern. Il est en effet arrivé qu'en cumulant l'argent du Loto du patrimoine, la DETR (Dotation d'équipement des territoires ruraux), la DSIL (Dotation de soutien à l'investissement local) ainsi que des subventions du département et de la région, un maire parvienne à réunir 80 % du financement mais que sa commune de 400 ou 500 habitants n'étant pas en mesure de financer les 20 % lui incombant, les travaux n'ont pu être effectués. La mesure que je vous propose est donc pleine de bon sens, et je souhaite que nous trouvions d'autres mesures de simplification de ce type.

Nous allons également imaginer un rescrit normatif, afin de protéger la possibilité, pour les élus locaux, d'interroger les services de l'État. Par ailleurs, nous prendrons un certain nombre de dispositions importantes de divers ordres. Je cite toujours, à titre d'exemple, les récentes inondations survenues dans l'Aude pour illustrer les hypocrisies sur lesquelles nous fermons les yeux. L'an dernier, le conseil départemental et le préfet de l'Aude ont été confrontés à des inondations importantes. Des commerces ont été dévastés. Il fallait donc verser en urgence des aides à la trésorerie à des boulangeries, des boucheries… Le conseil départemental était prêt à verser ces aides, mais il ne le pouvait pas car, aux termes de la loi NOTRe, il s'agit d'une aide économique. Or, on l'a laissé faire, car l'urgence était telle que le bon sens commandait de demander au préfet de fermer les yeux sur le contrôle de légalité. Toutefois, je n'aime pas beaucoup cette hypocrisie. C'est pourquoi je vous proposerai de rétablir temporairement – sur décision préfectorale, cela va sans dire – la clause de compétence générale des conseils départementaux en cas de catastrophe naturelle. Là encore, il s'agit d'une mesure de bon sens, qui ne remet pas en cause l'équilibre des compétences des différentes collectivités et qui permettra de remédier à des problèmes de proximité.

Il y aurait encore beaucoup à dire. Je pourrais ainsi évoquer les communes nouvelles – un texte consacré à cette question sera bientôt soumis à l'Assemblée –, la médiation territoriale ou les questions métropolitaines. Plusieurs sujets sont sur la table. En tout cas, je crois vous avoir présenté un large panorama des mesures que pourrait contenir ce texte qui n'existe pas encore.

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Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir réussi ce bel exercice qui consiste à parler d'un projet loi sans en parler.

Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

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Monsieur le ministre, merci pour votre présentation, qui s'inscrit dans un format un peu particulier puisque nous anticipons la présentation d'un projet de loi. Je crois que cette méthode mérite d'être étendue, car une telle anticipation fait souvent défaut.

Le projet de loi « Engagement et proximité » que vous nous présenterez va véritablement répondre au grand enjeu de la proximité, qui a été tant évoqué lors du Grand débat. Pour ma part, j'ai non seulement organisé des débats citoyens mais aussi réuni les maires de ma circonscription afin d'identifier les problèmes particuliers qu'ils rencontrent dans l'exercice quotidien de leurs compétences. Il ressort de ces échanges que leurs principales préoccupations sont la souplesse de fonctionnement, les services de proximité et l'accompagnement de l'État.

Si nous voulons avoir des débats sains et apaisés lors de la discussion de ce texte, il me semble qu'un préalable est nécessaire : nous devons travailler dans un climat de confiance avec les élus locaux. Or, ces dernières semaines, j'ai constaté qu'une tendance se dessinait dans leurs propos. Certes, disent-ils, la proximité a été évoquée lors du Grand débat mais, sur le terrain, nous constatons des signaux contraires. Prenons l'exemple de la réorganisation des Directions départementales des finances publiques (DDFIP). On parle de proximité, mais les services de l'État s'éloignent du terrain ; les effectifs des services des finances publiques et de la comptabilité publique seront probablement réduits. La différence entre ce qui est annoncé et ce qui se passe réellement sur le terrain suscite un sentiment d'incompréhension. Il me semble donc nécessaire d'envoyer, au niveau national, un signal fort et d'expliquer le texte de manière un peu plus précise, même si ces travaux se font en concertation avec les élus locaux.

Je souhaiterais évoquer deux autres points, toujours dans le but de créer ce climat de confiance qui me semble un préalable nécessaire à l'examen du texte. Le premier a trait au discours du Président sur la déconcentration et la présence de fonctionnaires d'État dans les territoires. Là encore, nous constatons, dans les préfectures et les sous-préfectures avec lesquelles nous travaillons, une réduction des effectifs, alors que nous avons réellement besoin de l'accompagnement et de l'ingénierie des services de l'État. Nous devons absolument veiller à ce que les élus ne se sentent pas dupés.

Le second point concerne les Maisons de service au public (MSAP) et les maisons « France service ». On nous parle de services de proximité, mais qu'en est-il de leur financement ? Je sais, pour discuter avec un certain nombre de responsables de MSAP, qu'ils attendent les financements de l'État.

En somme, il faut que le discours se traduise réellement par des actes sur le terrain. C'est à cette condition que nous gagnerons la confiance des élus locaux et que nous pourrons travailler sur les deux points majeurs de ce projet de loi que sont le statut des élus et l'organisation des intercommunalités.

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Monsieur le ministre, j'ai le privilège de vous entendre pour la deuxième fois en une semaine vous exprimer sur ce texte. Merci également pour cette présentation. Je veux dire d'emblée que le groupe Les Républicains porte un regard positif sur votre volonté d'apporter un certain nombre de correctifs au fonctionnement de la démocratie locale, que ce soit sous l'aspect de l'engagement des élus eux-mêmes, de leur statut et de leurs conditions d'exercice ou sous celui des compétences. Nous souhaitons donc nous engager dans ces travaux de manière positive et constructive.

Ma question porte sur le statut des élus. J'estime qu'il existe, en la matière, deux angles morts et je souhaiterais savoir si le texte apportera des améliorations dans ces domaines. Le premier est le retour à la vie civile après l'exercice du mandat. C'est un sujet que nous avons souvent évoqué mais, selon moi, insuffisamment, traité. Or, comme je sens, au vu notamment des mesures que vous avez annoncées sur la garde des enfants, que vous avez l'intention de faciliter l'engagement de citoyens plutôt jeunes, donc en âge d'exercer une activité professionnelle, cette question est fondamentale. Un mandat, par définition, est temporaire ; il y a donc un « après ». Le fait de s'engager dans la vie démocratique à un âge où l'on a une carrière à construire exige que l'on sache dans quelles conditions on va retourner à la vie active. À cet égard, la situation actuelle n'est pas satisfaisante ; elle crée, du reste, une forme d'inégalité entre certaines catégories professionnelles et d'autres. Des améliorations sont donc à apporter.

Le deuxième aspect de ma question, encore plus difficile à aborder, concerne le cumul des mandats. Un certain nombre de dispositions ont été adoptées par le passé, qui commencent à produire leurs effets. Or, ceux-ci ne sont pas tous positifs. Manifestement, l'interdiction quasi totale du cumul des mandats crée, en effet, un certain nombre de bizarreries. Est-il prévu d'y revenir ? Je pense en particulier, mais j'aborde là un sujet relativement tabou, à la bizarrerie absolue suivante. Actuellement, on ne peut pas être à la fois parlementaire et adjoint indemnisé d'une mairie rurale – alors que le parlementaire issu du territoire est extrêmement utile – mais l'on peut parfaitement être à la fois parlementaire et conseiller départemental ou régional, alors que la rémunération de ces derniers est infiniment supérieure à celle de l'adjoint d'une mairie rurale.

Ma seconde question porte sur le volet consacré aux compétences et à l'organisation. Si nous souhaitons une décentralisation, la déconcentration est également nécessaire. Les services de l'État doivent, en effet, accompagner les dynamiques des territoires et avoir les moyens de le faire. Or, à cet égard, nous sommes actuellement dans une situation de souffrance ; Anne Blanc a évoqué la question des DDFIP, mais l'on pourrait parler également de l'éducation nationale. Enfin, je tiens à dire que les rapports entre les élus, d'une part, et l'administration et les agences de l'État, d'autre part, sont problématiques. Ce texte doit être l'occasion d'apporter une clarification : Agences régionales de santé (ARS), Directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), Agences de l'eau notamment doivent être à l'écoute des initiatives des territoires et de leurs élus.

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Monsieur le ministre, je veux tout d'abord vous remercier pour ce texte et la présentation que vous en avez faite. Nous avons déjà commencé à l'étudier et les remontées sont très positives de la part des maires, notamment des maires de communes rurales, qui sont très affectés par des disparités qu'ils ne peuvent plus supporter.

En revanche, beaucoup d'élus qui font partie de communautés urbaines souhaiteraient que certaines des mesures prévues pour les communautés de communes « XXL » puissent également s'appliquer aux communautés urbaines. Je pense en particulier à la délégation de la compétence « eau et assainissement », qui a été beaucoup évoquée par les élus. En effet, lorsque quelque chose fonctionne, pourquoi le casser ? Je pense également aux avis sur le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI). Peut-être faut-il revoir le mécanisme, notamment la question de la majorité qualifiée, mais nous en rediscuterons lorsque nous examinerons le texte.

En ce qui concerne la simplification de l'exercice quotidien des compétences de la commune, il est envisagé de pouvoir déléguer certaines d'entre elles à d'autres collectivités. Les élus veulent savoir exactement quelles sont les compétences concernées : s'agit-il de compétences obligatoires ou non ?

Enfin, s'agissant des nouveaux droits, tous les maires saluent les avancées proposées dans le projet de loi mais ils demandent des précisions sur leur financement – je pense notamment aux frais de garde. Par ailleurs, le seuil prévu dans l'avant-projet pour la revalorisation des indemnités leur paraît trop bas. Enfin, tous insistent, et je ne m'y attendais pas, sur la nécessaire révision de la formation des maires pour leur fonction d'officier de police judiciaire, car la formation actuelle ne correspond à rien. Si l'on renforce le pouvoir de police des maires, il faut également renforcer leur formation dans ce domaine.

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Monsieur le ministre, j'accueille favorablement les premiers éléments du texte qui nous ont été communiqués. Je pense en particulier au statut de l'élu, qui était l'Arlésienne, même si je considère que ce texte souffre de certains manques. Ainsi, les personnes travaillant dans le privé doivent également pouvoir s'engager dans la vie publique et l'exercice de mandats locaux. C'est une fonctionnaire qui le dit. Pour ma part, à la fin de mon mandat, je retrouverai un poste. Il faut que les entreprises, petites et grandes, permettent à leurs salariés de s'engager, de sorte que la nécessaire mixité soit assurée au sein des assemblées. C'est une question importante, tout comme celle du retour à la vie civile, qui a été évoquée par Arnaud Viala.

Par ailleurs, je souscris au propos liminaire d'Anne Blanc. De fait, ce texte est bienvenu, mais il est à l'opposé de ce qui se passe dans nos territoires. On a évoqué les trésoreries, mais on pourrait citer également les services de police. J'ai, dans ma circonscription, un commissariat dont l'Effectif départemental de fonctionnement annuel (EDFA) est de 50 agents ; aujourd'hui, il en manque quatre et trois départs sont prévus, si bien qu'il pourrait en manquer sept à la fin de l'année. Oui, il faut remettre des fonctionnaires de l'État dans les territoires, et c'est urgent ! Le texte va dans le bon sens et je souscris aux engagements qui ont été pris, mais ils ne correspondent pas à la réalité vécue dans nos territoires. Il serait dommage que le ressenti soit négatif, alors qu'il s'agit d'un bon texte.

Quant aux mesures relatives aux indemnités des élus, j'y suis favorable. Cependant, puisque j'ai fait voter, sous la législature précédente, un amendement visant à fiscaliser totalement l'indemnité parlementaire, je suis également favorable à une fiscalisation totale des indemnités des élus locaux. Prévoyons des indemnités correctes, mais il n'y a pas de raison de créer des niches fiscales ou d'en maintenir, au moment où l'on veut les supprimer.

S'agissant de l'eau et de l'assainissement, le système d'assouplissement me paraît un peu compliqué. Le bon dispositif, c'est celui de la compétence optionnelle. Je l'ai toujours défendu, et je continuerai à le défendre, car il est beaucoup plus simple et il est attendu dans nos territoires.

Dernier point en lien avec le texte sur les communes nouvelles, je crains qu'un seuil de 1 000 habitants ne freine la création de communes nouvelles comptant entre 1 000 et 2 000, voire 3 000 habitants.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

C'est une véritable question.

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Ce serait dommage, car l'objectif initial des communes nouvelles est de permettre le regroupement de petites communes.

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Dans le volet concernant les élus locaux, il manque quelque chose de très important. Il faut en effet remédier au déséquilibre entre les salariés du public et ceux du privé dans l'accès aux fonctions d'élu local. On ne peut pas continuer ainsi. J'ajoute, et c'est une question dont on ne parle pratiquement jamais, qu'il faut également se pencher sur le déséquilibre entre les salariés, qu'ils soient du public ou du privé, et les indépendants, qui représentent tout de même 10 % de la population active française.

Par ailleurs, notre collègue Viala a tout à fait raison de souligner le problème considérable du reclassement des élus qui quittent leurs fonctions. De nombreuses idées ont été émises à ce sujet. On a évoqué notamment un dispositif équivalent à celui des emplois réservés. Ne peut-on pas intégrer ces élus dans la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale, sous réserve d'une validation des acquis de l'expérience ? L'absence de mesures de ce type explique que de moins en moins de cadres et de cadres supérieurs acceptent d'occuper ces mandats.

Sur les libertés locales, vous êtes tout de même très timide. À ce propos, je tiens à vous féliciter pour cette nouvelle invention qu'est la compétence obligatoire délégable. Voilà une grande percée conceptuelle, comme on disait autrefois. Soyez simple : la compétence est optionnelle, point ! N'assumez pas l'erreur qu'ont commise vos prédécesseurs en déposant nuitamment ce fameux amendement. Faites confiance aux élus locaux – vous l'avez été longtemps. Nous ne sommes peut-être pas très intelligents, mais nous avons du bon sens.

Quant aux deux autres volets, qui comportent des mesures relatives aux pouvoirs de police du maire et à la simplification et à la fluidification du quotidien, pourquoi pas ?

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Monsieur de Courson, je ne partage pas votre opinion sur cette invention conceptuelle. Au sein d'une grande intercommunalité, avec la délégation, la différenciation est possible ; avec la compétence optionnelle, elle ne l'est pas. Prenons une intercommunalité de 100 000 habitants : soit elle exerce la compétence « eau », soit elle ne l'exerce pas. En tout état de cause, cette décision s'appliquera de manière unilatérale sur l'ensemble du territoire de l'EPCI en question. La délégation permet davantage de souplesse.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Délégation, à la majorité simple, sur tout ou partie du territoire. Admettons qu'une commune membre d'une intercommunalité ait une régie des eaux qui fonctionne bien depuis 150 ans. On peut très bien considérer que l'EPCI reste propriétaire, comme la loi le prévoit aujourd'hui, pour de bonnes raisons, du reste : les interconnexions des réseaux d'eau sont un véritable problème. J'ai animé, en tant que secrétaire d'État à l'écologie, la première partie des Assises de l'eau et je peux vous dire que la manière dont le service public de l'eau est géré dans un grand pays comme le nôtre n'est pas toujours glorieuse. Il n'y a jamais eu autant de fuites, les nappes phréatiques ne s'arrêtent pas aux limites communales – et mettons de côté la dimension écologique.

Toujours est-il que je crois beaucoup à la délégation, même s'il faut sans doute que nous appréhendions un peu mieux, ensemble, ce dispositif nouveau. Il peut arriver, disais-je, que, dans une grande intercommunalité, un bloc de communes – une ancienne communauté de communes, au hasard – soit ravi que l'eau et l'assainissement relèvent du niveau intercommunal mais qu'un autre groupe de communes ait créé un syndicat qui fonctionne bien depuis plus de 50 ans ou qu'une commune ait une régie qui fonctionne bien depuis 100 ans. Dans cette hypothèse, la délégation permet une organisation à la carte. L'EPCI demeure titulaire de cette compétence, dont il assume le cahier des charges – la quantité, la qualité, le prix de l'eau –, mais il peut la confier à un tiers, sur son territoire, pour l'exercer.

Nous pouvons en débattre, mais j'entends ce que disent notamment les élus de la montagne. Dans un certain nombre de massifs, le développement des intercommunalités a créé des difficultés. De fait, la gestion de l'eau est différente dans une petite station située sur un col et dans la grande commune de la vallée. Un outil comme celui que je propose permet une certaine différenciation. Il s'agit d'un objet nouveau et intéressant. Peut-être faut-il l'enrichir, être attentif à l'écriture de la disposition ; je serai très ouvert. Certes, on peut également faire de la politique et relancer le grand débat sur la compétence « eau et assainissement », mais j'ai souhaité précisément vous proposer un dispositif nouveau qui tienne compte du fait que les intercommunalités sont devenues très grandes alors que les questions d'eau relèvent parfois d'une micro-organisation et d'un micro-management.

Par ailleurs, vous êtes nombreux à avoir évoqué l'absence de disposition concernant la situation des salariés du privé. Je constate également ce manque, mais l'enjeu est de trouver la proposition qui convient. Car, ne nous racontons pas d'histoires, en la matière, soit on recourt à la norme, à la contrainte, soit on recourt à l'incitation, mais cela peut rapidement coûter très cher et aboutir à la création de régimes spéciaux en tous genres – régimes exorbitants du droit du travail, régimes spéciaux de retraite… –, ce qui n'est pas dans l'air du temps. Au reste, si j'ai bien entendu les élus, ce n'est pas non plus ce qu'ils réclament, notamment à quelques mois des élections municipales.

Cependant, le texte comporte une proposition que je n'ai pas évoquée et qui concerne le congé pour campagne électorale. Voilà déjà un domaine dans lequel nous pouvons agir. Pour le reste, je suis favorable à ce que nous avancions sur la question des salariés, mais si l'on veut que ceux-ci aient les mêmes droits qu'un agent de la fonction publique, on ouvre un chantier qui n'est pas si anodin. Je réponds là à Mme Pires Beaune et à M. de Courson. En tout état de cause, nous serons au moins tenus de faire appel aux bonnes pratiques des grands groupes. Il me paraît difficile d'expliquer, dans vos circonscriptions, à une PME de 11 salariés qu'on va modifier le droit du travail parce que tel salarié est adjoint au maire. S'il existe un consensus dans l'hémicycle pour avancer dans ce domaine, on peut y réfléchir, mais quelque chose me dit que ce sera compliqué. Une fois de plus, au-delà de nos intuitions, vous écrivez la loi et vous contrôlez son application. Lorsqu'avec vos assistants parlementaires, vous êtes devant votre clavier pour rédiger un amendement, il faut que vous vous posiez les bonnes questions.

M. Viala a évoqué des angles morts. Sur ce point, nous pouvons nous rejoindre. Il y a les mesures que comporte déjà le projet de loi et les points sur lesquels nous pouvons aller plus loin. Tout d'abord, j'en ai parlé tout à l'heure, je crois beaucoup au compte personnel de formation. Cumuler des points sur ce compte, c'est s'ouvrir des droits à la formation pour une requalification ultérieure. Nous pourrons explorer cette première piste, qui me paraît importante.

De même, je crois beaucoup à la VAE. Actuellement, elle existe davantage dans l'esprit que dans les faits – c'est, du reste, un domaine dans lequel votre délégation pourrait réaliser une évaluation. Il est tout de même curieux qu'un élu qui a été, pendant douze ans, adjoint au maire chargé de la commande publique, des ressources humaines ou des finances, ne se voit pas reconnaître quelques équivalences de compétences universitaires. Pourquoi ne pas conclure avec les universités ou les Instituts d'études politiques des partenariats afin que les élus obtiennent des crédits d'European credit transfer scale (ECTS) et qu'ils puissent valoriser ainsi leur expérience par un diplôme universitaire ? C'est une proposition que nous mettons sur la table et à laquelle il faut réfléchir.

Il y a d'autres points sur lesquels nous pouvons avancer. Je pense notamment à l'ouverture de certains concours de la fonction publique. Bien entendu, il faudrait en négocier les modalités avec les partenaires sociaux et veiller à ce que le dispositif soit constitutionnel. On peut déjà accéder à l'ENA par le troisième concours. Mais on peut également penser à la fonction publique territoriale : un ancien adjoint au maire pourrait devenir agent d'une autre collectivité territoriale. Ce sont des hypothèses qui méritent d'être étudiées. Nous avons du temps, d'ici à l'examen du projet de loi. Dans ce domaine, monsieur Viala, nous suivons, comme toujours, un chemin de crête : il s'agit d'offrir une faculté sans octroyer de privilèges. Nous devons créer notre « en même temps », si j'ose dire.

J'ai évoqué les bonnes pratiques que pourraient adopter un certain nombre de grands groupes. Jean-Dominique Senard, lorsqu'il était président de Michelin, avait signé une charte qui, sous cet aspect, octroyait aux salariés peu ou prou les mêmes droits que ceux dont bénéficient les fonctionnaires. En clair, cela se traduit de deux manières. Premièrement, si un salarié doit s'absenter de son poste de travail pour assister à une réunion importante à la mairie, on lui permet d'assister à cette réunion. Cela demande une sacrée organisation ; toutes les entreprises ne peuvent donc pas se le permettre, mais c'est intéressant. Deuxièmement, lorsque le mandat d'élu local d'un salarié cesse, celui-ci n'est pas pénalisé et on fait en sorte de lui trouver une place pour qu'il n'ait pas à payer le fait d'avoir été élu local. Ce sont les bonnes pratiques de Michelin, mais il convient peut-être d'y réfléchir de manière plus globale.

Je poursuis avec les questions relatives à l'organisation du territoire de la République. Oui, l'État doit se transformer en même temps que nous imaginons ce projet de loi sur les libertés locales. Je n'ai jamais su expliquer pourquoi, à Vernon, il y avait un bâtiment à un bout de la ville s'occupant des collectivités territoriales et accueillant les usagers pour payer l'eau, le transport ou la garderie et que, dans le même temps, s'il avait une question sur l'impôt sur le revenu, il fallait prendre sa voiture pour se rendre au centre des impôts situé à l'autre bout de la ville.

Repartir du contribuable pour imaginer ce que Gérald Darmanin appelle des « points de contact » va dans le bon sens. Sur cette réforme, je note que le ressenti n'est pas le même en fonction des départements parce que la manière de se concerter ou d'expliquer la réforme n'est pas la même partout. J'aborderai ce sujet avec Gérald Darmanin, auquel je ferai part de vos commentaires.

L'élu local a changé. Le maire qui bâtissait son budget primitif avec le trésorier public, ce dernier assis à côté de lui au conseil municipal, c'était il y a longtemps : cela a changé parce que l'intercommunalité a changé la donne. Je ne veux pas m'acharner contre la loi NOTRe, dont vous savez que j'étais un farouche opposant, mais si l'on avait davantage pensé les implantations de l'État parallèlement à la loi NOTRe, nous n'en serions pas là aujourd'hui.

Contrairement à ce que certains racontent, il n'y a pas eu de recentralisation dans notre pays : il y a eu un déshabillage de l'État départemental au profit de l'État régional, et non de l'État central. Pour ma part, je n'ai pas plus d'agents au ministère de la cohésion des territoires qu'il n'y en avait il y a quinze ans, ce n'est pas vrai ! Il y a moins de personnes au commissariat général à l'Égalité des territoires (CGET) aujourd'hui qu'il n'y en avait il y a quinze ans dans les structures correspondantes. En revanche, il y a plus d'agents à la préfecture de région à Rouen et moins dans les sous-préfectures de Bernay et des Andelys qu'il y a quinze ans. Toute réflexion sur l'État doit intégrer ce postulat.

Pour ma part, je suis un militant des sous-préfectures. Le Premier ministre a annoncé que nous n'en fermerions aucune pendant le quinquennat : c'est une bonne nouvelle. Maintenant, il faut redonner du sens à ces implantations territoriales. Je crois au canton, je crois à l'arrondissement, je crois au découpage ancien de la République parce que cela veut dire quelque chose pour nos concitoyens. Ces unités leur parleront toujours plus que le périmètre d'une intercommunalité défini en commission départementale de coopération intercommunale. Cela varie d'un endroit à l'autre mais, pour moi qui sillonne le pays, et après avoir pris le temps d'en discuter avec le Président de la République et avec les maires, je pense qu'il faut se montrer humble devant l'histoire de l'organisation de la République française.

Concernant le cumul des mandats, il n'est pas prévu à ce stade de revenir sur cette législation. Je n'ignore pas qu'il y aura un débat dans l'hémicycle. Vous pointez du doigt un problème : le cumul d'un mandat parlementaire avec celui de conseiller départemental ou régional est autorisé, alors que le cumul n'est pas possible avec la fonction d'adjoint au maire. Le législateur, sous le quinquennat précédent, a en effet raisonné sur le cumul avec une délégation de fonction : le caractère indemnisé ou non du mandat en question n'a pas été pris en compte. Cela va même plus loin : on ne peut pas cumuler le mandat de député avec la fonction de conseiller municipal délégué mais on peut le cumuler sans aucune difficulté avec la fonction de président de groupe au conseil départemental ou au conseil régional. Cela a été voulu ainsi au moment de l'écriture de la loi : je vous invite à interroger les parlementaires de l'époque pour savoir comment ils avaient imaginé les choses.

S'agissant de l'intercommunalité, nous pouvons étudier quelques avancées pour les communautés urbaines. Le système de délégation peut fonctionner, à la différence du système des compétences, que l'on ne peut retoucher sans mettre un peu de pagaille. Il serait sans doute bon que la délégation aux collectivités territoriales travaille avec France urbaine pour parvenir à élaborer des propositions sur ce sujet.

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Tout d'abord, une remarque : en Bretagne, les cantons ne sont plus une réalité sociologique ni démographique. Nous sommes passés aux EPCI depuis plusieurs années et cela marche plutôt bien. Mais chaque région a ses particularités.

Bientôt viendra le temps des discussions et des amendements mais, d'ores et déjà, il faut faire attention à ne pas laisser trop de liberté aux élus dans la fixation de leurs indemnités. Nous sommes tous d'accord pour relever les seuils des indemnités des maires des petites communes mais il ne faut pas leur en laisser le choix, sinon ils culpabiliseront et la presse en fera ses choux gras. Si, dans un même secteur géographique, deux maires peuvent fixer des indemnités de montants différents, le risque est qu'ils ne décident rien.

Même remarque pour le remboursement des frais de garde d'enfant : le seuil de 1 000 habitants me semble bas. L'État prend les frais en charge en dessous de ce seuil et les collectivités au-dessus. Mais si on leur en laisse le choix, elles ne le feront pas, pour des raisons de culpabilisation forte, parce qu'il faudra prendre une délibération en conseil municipal : cela risque d'être très difficile.

Enfin, il n'y a rien sur la relation commune -EPCI, mais peut-être est-ce encore à travailler ? Je sais bien que l'on ne peut pas changer la représentativité des petites communes parce qu'il faut respecter la répartition de la population mais nous pouvons améliorer le travail dans les commissions. Il faut faire en sorte que les conseillers municipaux viennent travailler dans les conseils des EPCI.

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Merci, monsieur le ministre, pour votre exposé sur cet avant-projet de loi : il est le bienvenu pour l'ensemble de nos collègues élus locaux de cette nation, dont nous avons été ou sommes encore pour certains. Il est capital et urgent d'améliorer le quotidien de ces élus. Vous avez parlé de sentiment de dépossession et d'impuissance : c'est effectivement ce que nous font remonter chaque jour nos collègues élus locaux et maires.

La tentation, quand on élabore un texte sur l'engagement des élus locaux, c'est de percevoir l'Île-de-France comme la région des riches élus ne connaissant aucun problème, qui n'ont donc pas voix au chapitre dans ce genre de texte, leurs amendements étant perçus comme superfétatoires et ne correspondant pas à des réalités locales. Je voudrais donc m'assurer que vous prendrez bien en compte la situation de tous les maires de France, y compris des maires des métropoles ou des grandes régions urbaines, qui n'ont pas moins de difficultés à faire respecter leur autorité et à dialoguer avec des échelons administratifs qui se superposent. La métropole du Grand Paris (MGP) offre ainsi un bel exemple du millefeuille territorial qui perdure dans notre pays.

Les caractéristiques urbaines doivent être prises en compte. À l'heure de pointe, lorsque vous faites Vernon-Bernay en une heure, nous faisons dans le même délai les vingt kilomètres séparant Juvisy d'Ivry-sur-Seine. Les notions de distance et de temps, non seulement pour les élus locaux, qui ont à se déplacer pour leur mandat, mais aussi pour les habitants des bassins de vie, ne sont absolument pas représentées dans les intercommunalités que sont les établissements publics territoriaux (EPT) dans la MGP. Je voudrais donc m'assurer que vous prendrez bien en compte la situation particulière des élus franciliens et, au-delà, des élus qui, dans les métropoles de France, se sentent dépossédés de certains pouvoirs quand ils sont maires.

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Vous évoquez la proximité et la crise de l'engagement chez les élus, ainsi que votre volonté de renforcer l'engagement citoyen. Or, les relations avec la haute administration et avec les agences de l'État sont telles que les élus locaux se posent bon nombre de questions. L'exemple majeur concerne l'eau et l'assainissement, qui font partie des « irritants » de la loi NOTRe. Au stade législatif, nous avons décidé que le transfert de compétences aux communautés de communes ne se ferait pas avant 2026. Dans le même temps, des agences de l'eau ont écrit à certaines communes qu'elles ne les financeraient plus parce que les compétences n'avaient pas été transférées : ce n'est pas acceptable. D'un point de vue juridique, cela pose un problème d'équité : alors que le législateur permet aux communes de ne transférer les compétences qu'à partir de 2026, une agence de l'eau écrit clairement qu'elles ne recevront plus de subventions ou alors qu'elles passeront en fin de parcours, s'il reste quelques miettes. Notre rôle est de légiférer mais ce rôle doit être accepté, défini et clairement mis sur la table.

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La situation est complètement différente selon que l'on se situe en milieu urbain, suburbain ou rural. En écoutant mon collègue d'Occitanie, je m'aperçois qu'il y a peut-être un problème d'information. Pour ma part, j'ai rencontré récemment la direction générale des finances publiques, qui nous a informés très précisément : pour le moment, nous n'avons qu'à nous en louer. Les maires de Haute-Garonne sont très attentifs et plutôt ouverts. Néanmoins, les situations sont complètement différentes.

Concernant les maisons France service, dont l'installation est évoquée – certaines précisions nous seraient toutefois utiles –, nous risquons d'avoir, dans le même périmètre, des maisons France service, des maisons départementales des solidarités – ce sera le cas en Haute-Garonne –, que l'État finance, d'ailleurs, et des maisons de la région. Il faudrait donc coordonner tout cela et même déterminer qui devrait coordonner, car nous ne le savons pas. Cela pose un vrai problème de cohérence.

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Les cantons sont vraiment obsolètes dans bon nombre de territoires : soyons donc attentifs et jouons la différenciation des territoires. Ma question porte sur la prévention des inondations sur le fleuve Loire. Nous vous avions alerté sur ce sujet lors de la venue du Président de la République dans le Maine-et-Loire. Il faut revoir tant le périmètre servant de base à la taxe GEMAPI que la responsabilité engendrée par la loi. C'est l'un des « irritants » de la loi NOTRe, en tout cas pour le bassin de la Loire. Il faut absolument en tenir compte.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Je le dis avec affection à mes collègues et amis du Finistère et du Maine-et-Loire, le mouvement des communes nouvelles, l'histoire que vous avez avec l'intercommunalité et même le phénomène régional en Bretagne ne peuvent pas constituer un référentiel pour l'ensemble du pays. C'est une culture locale relevant de la différenciation, dont vous savez que nous prenons le chemin. Les communes nouvelles sont concentrées dans le Maine-et-Loire, dans la Manche et dans l'Eure – il y a ainsi pratiquement 100 communes de moins dans mon département –, même s'il peut y avoir une commune nouvelle ici ou là. Quand vous êtes législateur, il faut certes différencier mais il faut bien aussi trouver des unités de référence pour l'ensemble du pays. Parce que vous êtes députés et qu'il faut bien créer des standards, vous êtes obligés de revenir à un redécoupage plus historique du pays.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Si ! La réforme constitutionnelle n'est pas passée et, pour l'instant, vous ne pouvez pas voter ces dispositions car elles seraient inconstitutionnelles. Je souhaite que le Sénat lève les blocages concernant la différenciation, nous permettant ainsi de l'inscrire dans la Constitution. Vous pourrez alors organiser les compétences entre les collectivités territoriales différemment. C'est une réalité, quatre-vingt-seize heures de grand débat à l'appui. En tant que ministre et organisateur du grand débat, je peux vous parler des conversations que nous avons eues avec les maires de Bretagne à Saint-Brieuc et avec les maires de Maine-et-Loire à Angers : c'était une réflexion sur la liberté que je n'ai pas retrouvée dans d'autres territoires, où se manifestait plutôt le goût de l'égalité. C'est donc un point très important et je serai le garant d'un texte qui trouve à s'appliquer partout.

Sur les indemnités, vous avez raison, Monsieur le député Le Gac. Le problème, c'est qu'il existe déjà un précédent : une proposition de loi du Sénat avait accordé aux élus la faculté de décider. Puis les élus ont dit : « Je ne fais pas cela pour l'argent : le principe de gratuité est écrit dans la loi et j'y crois beaucoup » ; ou encore : « Je n'ai pas envie qu'on m'oblige à fixer les indemnités au niveau maximal, de toute façon je n'ai pas les moyens de payer. » Une contre-proposition de loi avait ensuite défait ce que la première avait fait. Nous sommes donc obligés de nous en tenir à une forme de liberté dans ce domaine.

De plus, il faut que chacun assume : vous, monsieur le député, on sait ce que vous gagnez, ce que vous êtes et ce que vous faites en allant sur le site internet de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, et c'est très bien ; il en va de même pour moi, d'ailleurs. Je suis là pour défendre les élus locaux mais il est normal et sain qu'une délibération fixe les indemnités, car chacun doit assumer. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Nous proposons d'ouvrir les commissions communautaires aux adjoints. Il faut voir comment organiser cela de façon fluide mais, une fois de plus, les pratiques intercommunales sont très différentes.

Nous prenons bien en compte l'Île-de-France. La réflexion que nous menons sur les pouvoirs de police du maire, sur son statut d'agent de l'État et d'officier de police judiciaire, ne concerne pas que la ruralité : elle doit aussi intégrer les problématiques des zones urbaines, comme les ERP ou les occupations illégales du domaine public – vous connaissez bien ces sujets, Monsieur le député, puisque vous avez été maire de Juvisy. La question des frais de garde pour les familles peut également être très urbaine. Nous travaillons à des propositions pour que les conseils municipaux ressemblent à ce que sont devenues nos villes, qu'elles soient en petite, en moyenne ou en grande couronne.

Sur la question de la Métropole du Grand Paris (MGP), je souhaite consulter très rapidement l'ensemble des parties prenantes. Le grand débat nous a retardés, c'est très clair. Je note aussi qu'il n'y a pas beaucoup de consensus chez les grands élus d'Île-de-France : sur toutes ces questions, MM. Bédier et Devedjian ne disent pas tout à fait pareil que Mme Pécresse, qui ne dit pas tout à fait pareil que M. Ollier, qui ne dit pas tout à fait pareil que Mme Hidalgo. Le provincial que je suis essaiera tant bien que mal de comprendre ce qui se passe dans cette belle métropole !

Concernant les agences de l'eau, vous avez raison, monsieur le député Gaillard : il faut regarder les conditions liées au transfert. Sur la question plus globale du fonctionnement des agences, nous devons en reparler avec Emmanuelle Wargon.

Madame Iborra, la situation est en effet très différente selon les territoires. France service est piloté par Jacqueline Gourault : ce n'est pas trop l'objet de l'audition de ce matin, raison pour laquelle je n'en ai pas parlé.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Il y aura une cohérence mais le projet de loi ne peut pas traiter de tout, sinon nous ferions la décentralisation en même temps ! Vous avez raison mais on ne peut pas accorder une liberté locale puis prendre des mesures qui interdiront à telle ou telle collectivité locale d'installer des points de proximité.

Madame la députée Dupont, vous avez mille fois raison concernant la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI). Nous avons un beau défi devant nous sur ces questions et nous allons les examiner avec mon cabinet. La GEMAPI a déclenché les passions, il y a quelques années, sur le mode « Ah non, pas ça ! ». Malheureusement quelques drames sont passés par là. Désormais, chacun a conscience qu'il ne s'agit pas d'un transfert de compétences aux collectivités locales mais d'une prise de compétences. Il s'agit en effet d'une politique nouvelle, portant sur des actions ou des programmes de travaux qui n'existaient pas – peu de personnes le disent mais c'est une réalité. Cette belle compétence participe du modèle de sécurité civile dans lequel nous devons nous projeter. Il n'y a rien dans le projet de loi sur ce sujet mais je vous propose d'y travailler de bon coeur dans le cadre de la différenciation.

La réunion s'est achevée à 9 heures 55.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Stéphane Baudu, Mme Anne Blanc, M. Jean-René Cazeneuve, M. Charles de Courson, Mme Stella Dupont, M. Olivier Gaillard, Mme Catherine Kamowski, M. Didier Le Gac, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, Mme Monica Michel, M. Bruno Millienne, Mme Christine Pires Beaune, M. Arnaud Viala.

Excusés. – M. Jean-Paul Mattei.

Assistaient également à la réunion. – Mme Monique Iborra, M. Robin Reda.