Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 24 mai 2023 à 13h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • agriculteurs
  • biodiversité
  • filiation
  • présidence
  • pêcheurs
  • restauration
  • écosystème

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 24 mai 2023

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission, puis de Mme Marietta Karamanli, Vice-présidente de la Commission

La séance est ouverte à 13 heures 30.

I. Réunion plénière de la COSAC de Stockholm (14-16 mai 2023) : communication de M. Pieyre Alexandre ANGLADE, Président

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La semaine dernière, je me suis rendu à la réunion plénière de la COSAC à Stockholm, avec une délégation de l'Assemblée nationale composée d'Henri Alfandari et Pierre-Henri Dumont. Alors que nous approchons du terme de la présidence suédoise du Conseil de l'Union européenne, nous avons eu plusieurs séances de débat, avec deux débats plus marquants que d'autres.

En premier lieu, l'ensemble des États membres a réitéré un soutien large et sans faille à l'Ukraine face à l'agression de la Fédération de Russie. Depuis le début de cette guerre, notre stratégie est extrêmement claire et a été partagée par la quasi-totalité des membres qui étaient présents à Stockholm : soutenir l'Ukraine dans sa contre-offensive et de l'accompagner jusqu'à la victoire et la paix. La présidente de la commission des Affaires européennes de la Rada, Ivana Klympusch, nous a appelé à ne pas s'habituer à cette situation, à ne pas être fatigués par ce conflit qui dure, et qui va encore durer. Elle a trouvé à Stockholm des parlementaires déterminés à aller au bout de leur soutien à l'Ukraine, et à maintenir une pression forte sur la Fédération de Russie par des sanctions. Il y a notamment eu une volonté hongroise de retirer le mot « sanction » du rapport final, et nous avons fait le choix de le maintenir.

Il y a également eu un message fort qui a été envoyé aux institutions européennes sur les menaces sécuritaires qui pèsent de manière permanente dans la région de la mer Noire. Nous avons affirmé notre solidarité avec la République de Moldavie, qui accueillera la deuxième édition de la communauté politique européenne (CPE) dont la réunion initiale avait eu lieu à Prague à l'automne dernier.

La présidence suédoise a symboliquement repris, dans le texte final de la COSAC, l'amendement français condamnant la déportation d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie, qui avait été adoptée en commission des affaires européennes.

Le deuxième débat important de cette réunion portait sur la transition écologique, avec une unité des parlementaires présents face à la nécessité de poursuivre l'action résolue des Européens sur le sujet. À la suite de la présidence française, qui avait été très active sur le sujet, la présidence suédoise a permis l'adoption par l'Union des négociations du paquet « Fit for 55 ». Plusieurs textes importants ont été adoptés, notamment sur le mécanisme européen d'ajustement carbone aux frontières, qui a été cité dans nos débats comme un instrument indispensable pour préserver la compétitivité de nos entreprises, mais aussi pour inciter les pays tiers à adopter des normes environnementales et climatiques plus ambitieuses.

L'ensemble des délégations présentes s'est aussi félicité de l'avancée des négociations sur ces textes. Il reste évidemment des points de divergence sur la place des énergies bas-carbone, du nucléaire, du gaz. Chaque délégation a pu défendre sa position. J'ai souhaité le faire au nom de la délégation française en réaffirmant la place prépondérante que doit occuper le nucléaire dans le mix énergétique et dans la décarbonation de notre continent. La contribution finale de la COSAC, tout en restant ferme sur les objectifs de décarbonation, reconnaît une flexibilité à chacun, en prévoyant expressément le respect du mix énergétique de chaque État membre.

Au global, le message envoyé est très clair : les parlementaires nationaux se tiennent aux côtés des institutions européennes, pour parvenir aux objectifs climatiques qui sont les nôtres et les plus élevés au monde.

La prochaine COSAC se tiendra à Madrid au début du mois de juillet, car la présidence espagnole va prendre la suite de la présidence suédoise, avec un programme extrêmement condensé car les élections générales s'y tiendront à la fin de l'année 2023. La dernière conférence interparlementaire de la présidence espagnole se tiendra au mois de septembre 2023. Il en sera de même pour la Belgique au début de l'année 2024, qui aura des élections législatives fédérales en juin de cette même année.

Comme a pu le faire la France au moment de sa présidence, les États qui nous succèdent et qui assurent la présidence du Conseil font face à leurs obligations européennes, tout en prenant compte de leurs échéances nationales. La France avait pu être critiquée pour ce choix, mais cela ne l'a pas empêchée de mener à bien sa présidence, et d'autres pays européens en période électorale, les Espagnols socialistes, les Belges libéraux, font aussi le choix d'assurer leur présidence en période électorale.

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La session plénière de l'assemblée parlementaire franco-allemande s'est tenue à Strasbourg, dans l'hémicycle du Parlement européen, sous la présidence de la présidente du Bundestag et de la présidente de l'Assemblée nationale.

D'avis unanimes, ce fut une très bonne réunion. Les députés membres de l'APFA commencent à se connaître, et les interventions deviennent de plus en plus spontanées. Le fait que cette réunion ait pu se tenir à Strasbourg permet de renforcer le rôle de Strasbourg comme siège du Parlement européen et comme capitale européenne. Ce fut également l'occasion de rappeler que des groupes de travail œuvrent depuis le mois de janvier sur l'avenir de l'Europe et la souveraineté énergétique. Sous peu, un troisième groupe de travail va se réunir sur la transposition des directives européennes dans les droits allemands et français.

Nous avons adopté des délibérations et résolutions importantes. Tout d'abord, nous avons adopté une délibération qui nous a permis d'instaurer un groupe de travail « affaires étrangères et défense ». Nous avons ensuite adopté une résolution pour renforcer l'apprentissage de la langue du partenaire. Cette résolution, portée par la France, a été adoptée à l'unanimité et nous souhaitons à présent la soumettre à l'Assemblée nationale.

Les ministres en charge l'économie, M. Bruno Le Maire et M. Robert Habeck, ont également été auditionnés. De nombreuses convergences sur le renforcement de la souveraineté industrielle de l'Europe, le financement de la transition écologique ou la réponse européenne à l'IRA ont pu être observées. Il y a également eu des évolutions sur le nucléaire du côté allemand, car M. Habeck, tout en affirmant les positions de l'Allemagne, s'est montré conciliant face à M. Le Maire qui était clair sur le sujet.

Enfin, à l'occasion d'un débat sur les Balkans occidentaux, les Allemands, à l'exception de l‘AFD, ont affirmé leur souhait d'accélérer le processus d'adhésion, mais également de commencer à travailler sur la réforme institutionnelle de l'Union européenne.

La prochaine session aura lieu le 4 décembre 2023 à Beaune, avec l'audition des ministres de l'éducation français et allemand, notamment sur la question de la langue du partenaire.

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Une des priorités de la présidence suédoise était les valeurs démocratiques et l'État de droit. Dans quelle mesure ces thématiques ont été abordées lors de la COSAC ? Il n'y a pas de définition de cette notion d'État de droit dans les traités. Dans ces conditions, comment peut-on, au sein de la COSAC et des parlements nationaux des 27 États membres, mieux définir nos valeurs et assurer un meilleur suivi de l'État de droit ?

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Beaucoup d'enjeux actuels tels que la défense, la fiscalité ou la transformation écologique de l'Union européenne, ont fait l'objet d'un début de réponse sur le fond, bien que l'approche soit encore fragmentée. Je fais référence en particulier aux avancées dans le domaine de la défense et de la diplomatie, telles que les sanctions imposées à la Fédération de Russie ou l'aide militaire apportée à l'Ukraine. Je pense également au nouveau calendrier de négociation d'adhésion des États des Balkans et au projet de communauté politique européenne.

En revanche, il faut poursuivre en étant plus explicite. Je fais référence aux choix effectués par l'Allemagne et la France en matière de défense. Il est important que nous puissions en débattre dans nos Parlements et nos commissions. Lorsque le sujet de la défense est abordé, il y a un manque de clarté et de profondeur, alors que ces sujets engagent l'Union européenne. Il est crucial de discuter des convergences et de la manière dont nous abordons ces questions, non seulement entre l'Allemagne et la France, mais également au sein de l'Union européenne.

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Il y a eu des progrès concernant la notion de « clarté » dans les débats, notamment en ce qui concerne la capacité de l'Allemagne à adopter une approche différente dans le mix énergétique, tout en restant solidaire. Un autre exemple démontre que les divergences n'empêchent pas les avancées concrètes : la création, votée à l'unanimité, du groupe de travail de l'APFA sur la défense et la diplomatie, qui était un point de désaccord lors des réunions précédentes. Dès lors que les divergences sont exprimées, celles-ci peuvent amener à des avancées.

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Lors de la réunion plénière de la COSAC de Prague, Jean-François Rapin, Président de la commission des affaires européennes du Sénat, et moi-même avons défendu l'idée d'un groupe de travail permanent sur l'État de droit. Ce mécanisme avait été porté par la Présidente Sabine Thillaye pendant la présidence française du Conseil de l'Union. Nous avons été battus sur ce sujet, puisque la troïka présidentielle de la COSAC – composée du Parlement européen, du parlement suédois et du parlement tchèque – n'en voulait pas. Nous avons insisté et demandé un vote, ce qui est rare au sein de la COSAC. La majorité des deux tiers requise par le règlement de la COSAC n'a toutefois pas été réunie pour permettre l'adoption de notre amendement. Il convient de poursuivre ce combat sous la présidence espagnole, qui pourrait être plus allante sur le sujet. L'idée est d'obtenir que, d'une manière ou d'une autre, les institutions européennes soient appelées à se positionner sur les conclusions des groupes de travail relatifs au rôle des parlements nationaux et à l'État de droit et que ce dernier sujet fasse l'objet d'un suivi permanent au sein de la COSAC.

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Les valeurs démocratiques et la question de l'État de droit sont pourtant l'une des priorités de la présidence suédoise. Comment la présidence suédoise s'en saisit-elle concrètement ?

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La présidence suédoise n'a pas fourni d'explications claires. Il s'agit plutôt d'une opposition de principe à l'instauration d'un mécanisme permanent de suivi de l'État de droit par les parlements nationaux.

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Pour préciser les propos de Frédéric Petit, j'ajouterais que la création du groupe de travail « Politique étrangère et de sécurité » par l'Assemblée parlementaire franco-allemande n'a pas été adoptée à l'unanimité. Il s'agit toutefois d'une grande avancée, ce groupe de travail étant encore inenvisageable pour les Allemands en novembre dernier. Les membres français ont également intégré des éléments impensables il y a encore quelques mois, tels que le développement commun de la base industrielle et technologique de défense au niveau européen.

Les commissions de la Défense de l'Assemblée nationale et du Bundestag doivent, par ailleurs, se réunir au mois de juin. Il s'agit d'une nouveauté. Un déplacement franco-allemand est également prévu le 1er juin à Évreux avec Sébastien Lecornu, ministre des Armées.

Présidence de Mme Marietta Karamanli, Vice-présidente de la Commission

II. Restauration de la nature : communication de Mmes Félicie GÉRARD et Danièle OBONO sur la proposition de règlement et projet d'avis politique

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La proposition de règlement relative à la restauration de la nature, présenté par la Commission européenne il y a un an maintenant, est en cours de négociations au Conseil et au Parlement européen. Les co-législateurs devraient chacun adopter leur position au début de l'été. Le constat de perte de biodiversité est alarmant au niveau mondial, mais aussi dans l'Union européenne : 81 % des habitats naturels d'intérêt communautaire sont dans en mauvais état, tandis que 39 % d'espèces d'oiseaux communs sont dans une situation de conservation défavorable en 2020.

Malgré des efforts importants, la stratégie européenne pour la biodiversité à l'horizon 2020 n'a pas atteint son objectif principal d'enrayer la dynamique de perte des services écosystémiques. En manquant nos objectifs collectifs en matière environnementale, nous empêchons la nature de rendre ses services à la société et entamons ainsi notre capacité à lutter contre le réchauffement climatique. La restauration biodiversité doit permettre de renforcer la résilience des écosystèmes naturels au changement climatique, en améliorant leur fonctionnement naturel et leur capacité à stocker le carbone.

Les enjeux sont particulièrement élevés, et une évolution significative a eu lieu au niveau mondial. La COP 15 à Montréal en décembre 2022 a en effet abouti à un accord historique, avec 23 objectifs à atteindre d'ici 2030 pour la conservation et la protection de notre patrimoine naturel. La loi européenne sur la restauration de la nature sera donc essentielle pour permettre aux États membres de l'Union d'atteindre l'objectif de restauration auquel ils se sont engagés.

Le projet de la Commission est donc clair et ambitieux. Il ne s'agit plus seulement d'enrayer la perte de biodiversité, mais d'aller plus loin en restaurant les écosystèmes dégradés. Chaque État membre sera libre de déterminer les écosystèmes à restaurer et de choisir les mesures adéquates à mettre en œuvre. Ces mesures devront néanmoins couvrir au moins 20 % des zones terrestres et marines de l'Union d'ici à 2030, et concerner tous les écosystèmes qui doivent être restaurés d'ici à 2050. Les États devront consigner les mesures et zones choisies dans un plan national de restauration, élaboré en lien avec les services de la Commission européenne et susceptible de révisions.

L'avis politique que nous vous présentons vise en premier lieu à soutenir cette proposition de règlement. Peu de voix s'élèvent aujourd'hui pour aller à l'encontre d'une protection croissante de la biodiversité, mais la question fondamentale de ce texte est de savoir où placer le curseur. Il convient d'adopter un texte ambitieux défendant les objectifs fixés par la COP 15, mais également de limiter les externalités négatives pour nos économies et d'éviter de faire peser tout risque sur la sécurité alimentaire.

Les agriculteurs ne sont pas opposés au changement et peuvent accepter une nouvelle régulation sur la façon de produire, afin d'évoluer vers une agriculture durable. Face à l'accumulation de textes et d'obligations qui s'imposent à eux, ils doivent aujourd'hui être des éleveurs, des techniciens, des directeurs de ressources humaines et des chefs d'entreprise.

Pour tenir compte de l'ensemble de ces enjeux, nous avons donc trouvé un point d'équilibre dans l'avis politique : ne pas affaiblir le dispositif envisagé dans la proposition de règlement, mais prévoir un accompagnement suffisant pour nos agriculteurs et nos pêcheurs qui sont également concernés. Cet accompagnement doit s'organiser à la fois au niveau européen et au niveau national, avec un soutien humain, technique, mais aussi financier.

Pour atteindre nos objectifs en matière de biodiversité, nous devons avoir tout le monde à bord, en particulier les agriculteurs et pêcheurs au contact direct de la nature. Ce lien de confiance est essentiel car ils connaissent particulièrement les enjeux liés à la préservation de leurs écosystèmes et les mesures à mettre en place pour les protéger. Par conséquent, il est de notre devoir de les accompagner et la question du financement des mesures de restauration de la biodiversité devra être l'enjeu majeur des négociations à Bruxelles.

La Commission n'a à l'heure actuelle prévu aucun financement spécifiquement dédié à ce texte. Le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 consacre déjà 7,5 % du budget européen à la biodiversité à partir de 2024, puis 10 % à partir de 2026, pour un montant total d'environ 100 milliards d'euros. Ce budget doit évidemment être mobilisé, de même que le budget dédié à la politique agricole commune.

Quelques États, parmi lesquels la France et l'Espagne, défendent au Conseil de l'Union européenne la question du financement dédié, en dépit d'un contexte budgétaire contraint. Notre avis politique soutient cette démarche, et considère qu'il s'agit là d'un point d'équilibre entre la nécessaire édiction de normes pour la protection de la biodiversité, et le soutien à nos agriculteurs et pêcheurs.

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Je partage l'avis présenté par la collègue Félicie Gérard, en soutien à cette proposition de règlement européen sur la restauration de la nature. Nous avons conduit une quinzaine d'auditions de tous types d'acteurs : ministères français, ONG, associations d'agriculteurs, institutions européennes. La très grande majorité s'est accordée sur l'importance majeure de ce texte.

Notre écosystème global est en état d'urgence écologique. Les bouleversements climatiques, conséquences des trop nombreuses émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines, ont atteint un niveau tel qu'ils menacent la survie des espèces, dont la nôtre. La dégradation de la qualité des sols et leur artificialisation, ainsi que la pollution par les pesticides et les rejets industriels, participent de la disparition d'habitats naturels tout en fragilisant l'agriculture. Ces phénomènes provoquent une régression massive de la biodiversité et une sixième extinction des espèces à un rythme jamais constaté depuis la disparition des dinosaures. Un million d'espèces animales et végétales, soit 1 sur 8, sont menacées d'extinction à court terme. Nous devons prendre ce problème à bras-le-corps.

La proposition de règlement européen va dans le bon sens. Ses objectifs sont ambitieux mais nécessaires. Pour les atteindre, il faut y mettre les moyens financiers et humains. C'est un point essentiel de notre avis : l'aide indispensable à apporter aux agriculteurs, paysans, pêcheurs, pour leur permettre d'être partie prenante de ce changement. Ce soutien doit se déployer de manière à ce que l'accent ne soit pas mis uniquement sur les grandes structures agricoles intensives au détriment des petites exploitations. C'est un des grands défauts de la PAC, dont une partie du financement dépend du nombre d'hectares exploités, favorisant de fait les grands propriétaires et ne permettant pas de soutenir suffisamment le modèle pourtant très vertueux de la paysannerie. On retrouve ce modèle, dans les pays de la Méditerranée, alors qu'il a quasiment disparu au nord de l'Europe. Cela nous a été indiqué lors de nos auditions.

Nous plaidons donc en faveur d'une aide, à la fois nationale et européenne, qui ne cible pas exclusivement les grandes exploitations intensives, et qui, toutefois, doit les accompagner vers un modèle durable. Nous souhaitons un dispositif de soutien, notamment envers les petites structures orientées vers l'agriculture biologique, le circuit-court, le pastoralisme et la pêche artisanale. Cette aide devrait être fondée sur les actifs, c'est-à-dire celles et ceux qui produisent, et ne doit pas seulement dépendre du nombre d'hectares.

Il nous semble également important de répondre à une inquiétude entendue lors des auditions, en précisant que la restauration de la nature ne va pas à l'encontre de l'objectif de sécurité alimentaire. Les deux objectifs vont de pair, plusieurs exemples le démontrent. Si nous parvenons à inverser le déclin des populations de pollinisateurs d'ici à 2030, nous faciliterons la reproduction des végétaux et favoriserons de ce fait les récoltes. De même, interdire la pêche dans certains espaces permet aux espèces de se reproduire plus largement et de grandir. Les pêcheurs l'ont bien compris puisqu'ils s'interdisent eux-mêmes certaines techniques et demandent de renforcer la législation à ce sujet.

C'est pourquoi nous soutenons les objectifs de cette proposition de règlement et demandons à les rehausser. Nous appelons à ce que la couverture, par des mesures de restaurations, de 20 % des zones de l'Union d'ici à 2030 s'applique séparément aux zones terrestres et aux zones maritimes – sans compensation possible de l'un vers l'autre.

Cet avis politique attire l'attention sur l'importance de l'équité entre États. L'effort de protection et de restauration de la nature doit être partagé entre tous les États membres de l'Union européenne et doit être collectif pour être efficace. Il n'est pas question que certains États remplissent leurs obligations, tandis que d'autres limitent leurs efforts. Nous avons par exemple une inquiétude liée au critère de définition des zones en mauvais état de conservation : plus les zones dégradées sont étendues sur le territoire national, plus l'effort de restauration de l'État membre sera important.

Or, les méthodologies et données utilisées par la Commission dans son analyse d'impact ont conduit à une surévaluation de l'effort à fournir par la France pour restaurer ses surfaces agricoles et forestières, par rapport à d'autres États. La Commission estime que les besoins de restauration des écosystèmes terrestres, côtiers et d'eau douce représentent entre 13,4 % et 17 % de la superficie nationale de la France, contre 1,5 % à 2,4 % en Allemagne. Un tel écart est difficilement compréhensible. Concernant les prairies, le « rapportage » Natura 2000, repris dans l'étude d'impact du règlement, indique que 43 % des prairies de l'Union en état dégradé sont situées en France. Ce résultat, qui pose également question, demanderait un effort de restauration disproportionné par rapport aux autres États membres. Enfin, il n'est pas encore définitivement établi si les régions dites ultrapériphériques, les Outre-mer, seront incluses dans le périmètre des obligations du règlement. Si c'était le cas, la France serait le seul pays concerné, alors même que ces écosystèmes des régions d'Outre-mer sont très différents de ceux de l'Hexagone et du continent européen. Ils nécessitent un effort de recherche approfondi car leur état est en grande partie inconnu.

Je terminerai mon propos en vous indiquant la raison pour laquelle nous avons choisi de présenter cet avis commun et vous proposons de l'adopter. Le texte de règlement est encore loin de faire l'unanimité au niveau européen. Au Conseil de l'Union, seul un noyau de pays soutient l'adoption du texte ambitieux, tels que la France, l'Espagne, l'Allemagne, la Slovaquie et le Luxembourg. Les autres États sont encore inquiets de devoir remplir un certain nombre d'obligations jugées trop importantes et cherchent de ce fait des moyens de vider de sa substance contraignante la proposition. Au Parlement, le parti de droite PPE recherche une majorité de compromis pour rejeter le règlement.

Nous sommes donc dans une dynamique de négociation inédite, dans laquelle la proposition initiale de la Commission apparaît encore trop contraignante à certaines parties, alors même que tout le monde s'accorde sur le niveau de la crise de biodiversité qui nous menace chaque jour un peu plus.

L'adoption de cet avis permettra donc de donner du poids à la position tenue par la France alors que les négociations arrivent à leur terme au sein de chacune des institutions. Nous appelons collectivement à ce que l'Union européenne soit à la hauteur du défi civilisationnel que représente la restauration de la nature, et que nous soyons en capacité de remplir les engagements internationaux que nous venons de souscrire lors de la COP15.

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Le travail que vous avez réalisé porte sur un sujet important et essentiel pour l'Europe. Comme vous l'avez rappelé, la France a adopté effectivement cette stratégie nationale de biodiversité 2030 en décembre dernier. Cela montre bien que l'on se trouve parmi les pays les plus actifs pour la protection des écosystèmes. Dans votre avis politique qui nous a été proposé, vous envisagez donc de maintenir le cap pour la protection de la biodiversité, d'aller plus loin tout en accompagnant nos agriculteurs et nos pêcheurs vers une transition. Nous le saluons.

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Le 19 décembre dernier à Montréal, le cadre mondial pour la biodiversité a défini au terme de la COP 15 un cap clair fixant des objectifs précis et quantifiés afin d'assurer une relation pérenne de nos sociétés avec la nature. Le constat de l'effondrement de la biodiversité est sans appel. Un million d'espèces sont menacées d'extinction, 75 % de la surface terrestre est altérée de manière significative et 85 % des zones humides ont disparu. Pourtant, des écosystèmes sains et fonctionnels sont indispensables afin d'atténuer les effets du changement climatique et garantir la résilience de nos espèces.

Face à ce constat, la France par la voie notamment du Président de la République, a affirmé à maintes reprises sa volonté de prendre des engagements forts, tant au niveau national qu'européen, afin de préserver notre biodiversité et d'assurer un avenir durable pour les générations à venir. Cette bataille pour le climat que nous menons aujourd'hui est de manière indissociable une bataille pour la biodiversité.

L'adoption effective au niveau européen des textes qui composent le Pacte vert est l'illustration du volontarisme des instances et des membres de l'Union européenne. La proposition de règlement dont il est question aujourd'hui au travers de cet avis politique, témoigne également de cet engagement et représente une opportunité majeure afin d'agir concrètement en faveur de la préservation de nos écosystèmes. En outre, l'avis politique de nos deux référentes, trace des perspectives pertinentes en vue de conjuguer restauration de la nature et préservation de notre monde agricole.

Au nom du groupe Renaissance, nous soutenons résolument cet avis politique et saluons à travers lui, le volontarisme européen en vue d'éviter l'effondrement des écosystèmes et atténuer les conséquences les plus néfastes du changement climatique et de la perte de biodiversité. Je tiens à saluer le travail effectué par nos deux coréférentes pour cette présentation.

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Dans un contexte de mondialisation et de libre-échange dérégulé que nous avons toujours dénoncé au Rassemblement national, nos industries et agriculteurs doivent faire face à une concurrence déloyale qui provoque leur ruine. Les différences de salaires, de protection sociale, de normes sanitaires et souvent l'absence de formes écologiques dans les pays avec lesquels nous avions des accords commerciaux, les affaiblissent toujours plus.

S'il est souhaitable de protéger voire de restaurer la nature, il faut le faire dans le cadre d'une politique générale et cohérente incluant tous les aspects sociaux, économiques et territoriaux. C'est cette prise de conscience que nous saluons, qui conduit l'Europe à demander l'application de mesures « miroir ». De plus, le gouvernement français a demandé l'arrêt des réglementations européennes en matière environnementale, comme le programme de restauration de la nature. Finalement, vous reconnaissez implicitement la nécessité d'un protectionnisme pour notre économie. C'est aussi la raison pour laquelle la commission de l'agriculture et du développement rural (AGRI) du Parlement européen a soutenu hier à une large majorité, des amendements de rejet concernant cette proposition législative. Cette large coalition incluant des députés Renaissance et du Rassemblement national a conduit à un vote qui doit interpeller la Commission européenne qui a fait la sourde d'oreille à l'ensemble de nos préoccupations selon les mots-mêmes de la commission AGRI.

En effet, certains objectifs de ce projet sont hors-sols et nous les dénonçons comme tels. Nous présentons donc des amendements en ce sens et attendons que la majorité ici présente les soutiennent en cohérence avec ses collègues du Parlement européen.

L'objectif de libérer 25 000 km de rivière de toutes barrières artificielles mérite d'être reformulé car il menace les bâtiments historiques qui font partie de notre patrimoine culturel et paysager. L'objectif de planter 3 milliards d'arbres supplémentaires se heurte au fait que la gestion des forêts est une prérogative des États membres et non de l'Union européenne.

En outre, ce projet prévoit la restauration de 10 % de la surface des terres agricoles de l'Union. Cet objectif menace directement les impératifs de sécurité alimentaire français et européens et inquiète le gouvernement comme nous l'a affirmé ce matin M. le Ministre Olivier Becht en commission des Affaires étrangères qui a déclaré suivre de très près ce sujet.

Nous devons protéger voire même restaurer notre environnement, notre patrimoine culturel qui a été dégradé, pollué et altéré. Cependant ces objectifs louables doivent s'inscrire dans une politique générale qui ne doit pas nuire à la France et doit appartenir à une réalité française. L'appauvrissement général provoqué par un projet irréaliste et inadapté nous priverait des moyens qui nous permettent de protéger notre pays.

Si nos amendements ne sont pas adoptés, nous ne voyons pas comment nous pourrons soutenir cet avis politique.

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Au nom du groupe Les Républicains, nous soutenons cet avis politique puisqu'il faut bien évidemment nous battre pour la défense de nos écosystèmes et des habitats naturels. Il faut cependant être extrêmement vigilant. À titre personnel, le Président de la République a lancé il y a quelques jours l'implantation d'une gigafactory de panneaux photovoltaïques dans ma circonscription, ce qui est une excellente nouvelle pour l'emploi. Néanmoins dans le cadre de différentes discussions dans l'importation de ce projet, les porteurs de projets n'ont eu de cesse de nous rappeler qu'ils ne possèdent pas les mêmes contraintes au niveau européen que dans les autres zones mondiales notamment en Chine ou Amérique du Sud. Il faut donc toujours être vigilant car nous évoluons dans un environnement international globalisé. Il ne faudrait pas que des contraintes administratives et trop techniques viennent entraver malheureusement l'implantation de nouvelles usines sur notre continent.

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Parmi les sept objectifs proposés par ce règlement figure la restauration des habitats marins tels que les prairies sous-marines ou les sédiments. Il s'agit là d'un enjeu majeur, d'autant plus que les prairies sous-marines jouent un rôle fondamental dans les vitesses d'écoulement – ce qui augmente la sédimentation et limite l'érosion côtière.

Dans nos territoires ultramarins particulièrement touchés par ce phénomène de l'érosion côtière, ce rôle est principalement joué par les récifs coralliens. Au total, sur l'ensemble des outre-mer les surfaces récifo-lagunaires couvrent 55 000 km2 ce qui place la France parmi les pays membres de l'Union européenne ayant le plus de récifs. Aussi je voulais savoir si la protection et la restauration des récifs coralliens et des écosystèmes associés, a fait l'objet d'une réflexion à part entière notamment par la voix de la France.

Dans la présentation que vous nous avez faite, et en particulier à l'alinéa 23, il est prévu un accompagnement suffisant pour les agriculteurs et les pêcheurs, accompagnement financier, technique et humain. J'aurais aimé que vous puissiez nous en dire un peu plus. Il se trouve que j'ai quatre ports de pêche dans ma circonscription et l'activité pêche est en ce moment dans une forme de bouleversement. J'aimerai donc savoir ce qu'il est entendu par « accompagnement suffisant ». Également à l'alinéa 26, il est question d'un financement européen complémentaire en vue d'atteindre les objectifs de restauration de la nature, là aussi si vous pouvez entrer dans le détail et nous expliciter ces éléments.

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Je vais répondre à ma collègue Yaël Menache qui évoquait le vote de la commission AGRI. Cette commission est saisie pour avis alors que la commission saisie sur le fond est la commission environnement. Les trois éléments qui revenaient lors de nos auditions sont : le calendrier, les indicateurs qui doivent être justes pour chaque pays et l'accompagnement qui doit être à la hauteur de ce que l'on demande à nos agriculteurs et pêcheurs.

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Sur les votes des commissions au Parlement européen, ce sont des éléments dont il faut tenir compte bien entendu. Je pense que les débats ont mis en avant des points qui ont été évoqués au cours de nos auditions. Tous les acteurs et actrices au niveau français comme européen ont conscience des alertes envoyées et le signal pour avis de la commission AGRI est entendu. Le travail des négociations et des discussions va porter sur la manière d'équilibrer ces alertes et exigences.

Nous pointons dans notre texte la nécessité de maintenir un équilibre et de tenir compte de la situation des agriculteurs, agricultrices et pêcheurs qui sont les premiers concernés. Nous avons auditionné aussi bien la FNSEA que la Confédération Paysanne. Il y avait de nombreux points communs entre eux sur la nécessité de préserver leurs sources de revenus avec la conscience de l'exigence écologique. Ce sont d'abord elles et eux qui ont conscience de la dégradation de leur territoire ainsi que de leurs outils de travail, qui demandent un accompagnement plus poussé et également la possibilité d'avoir plus de moyens. Les agriculteurs et pêcheurs ont des difficultés à pouvoir articuler les exigences contradictoires qui leur sont adressées.

C'est effectivement un souci dont je crois que tout le monde a conscience et qui doit permettre dans le cadre des discussions du Parlement et celui du trilogue de rassurer sur un certain nombre de points par des réponses précises. Rappelons aussi que la traduction de ce règlement reposera sur les États : ce sera au niveau national que nous devrons élaborer des plans de mise en œuvre qui soient au plus près des réalités du contexte français. C'est pour cela que nous insistons, dans cet avis politique, sur la nécessité d'avoir une méthodologie adaptée. Il faut que notre pays ait les moyens nécessaires et que les objectifs ne soient pas hors d'atteinte, ce qui multiplierait les difficultés et ne permettrait pas d'approcher cette exigence.

Pour répondre à Stéphane Buchou, les écosystèmes coralliens sont compris dans les 20 % d'aires marines protégées. Nous avons pointé à plusieurs reprises la question des outre-mer car c'est un sujet sur lequel la réflexion nécessite d'être approfondie. En effet ces territoires bénéficient d'une importante richesse en matière de biodiversité qui est une des plus importantes au monde. Nous avons une responsabilité de préservation et de restauration : c'est donc l'un des chantiers qu'il faudra affiner et préciser dans les plans au niveau national.

Il faut rappeler qu'en matière d'accompagnement financier et humain, plus de 100 milliards d'euros sont prévus dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Cependant nous demandons plus, car les budgets de la PAC sont déjà réservés et fléchés sur les problématiques propres. Si nous voulons être à la hauteur des ambitions il va falloir dégager des ressources complémentaires. Dans les détails, ce sera aux parties négociantes d'avoir des discussions avec aussi bien les chercheurs que les agriculteurs et l'ensemble des acteurs.

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Pour répondre à la question de Stéphane Buchou, un accompagnement financier avec un budget dédié n'est pas, à ce stade, prévu par le texte. Toutefois, c'est ce que nous demandons car nous prenons en compte tant les agriculteurs que les pêcheurs qui doivent être accompagnés pas uniquement financièrement mais également administrativement et humainement. En effet, les pêcheurs et agriculteurs qui possèdent une exploitation personnelle ne sont pas nécessairement structurés pour demander ces aides.

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Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par moyens financiers, technique et humain ? Avez-vous fait des propositions en ce sens ? Lors des auditions des représentants agricoles, avez-vous auditionné les organisations représentatives des pêcheurs qu'il s'agisse du Comité national des pêches ou les différents comités régionaux ?

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Nous demandons des financements nationaux et européens. Nous avons essentiellement auditionné des organisations agricoles mais pas les organisations de pêcheurs.

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Au regard du temps imparti pour présenter un avis politique susceptible de peser dans la discussion, nous n'avons pas pu auditionner les organisations de pêcheurs. Toutefois, la question de la pêche a été prise en compte dès le début de nos travaux avec les organisations environnementales, en particulier sur la question de l'accompagnement. Une discussion nationale va avoir lieu pour connaître la position précise des agriculteurs et des pêcheurs. Cette méthode est plus satisfaisante qu'une décision imposée par Bruxelles. Il faut être attentif à l'accès tant pour les agriculteurs que les pêcheurs aux subventions cela ne doit pas devenir une difficulté administrative supplémentaire. Trop souvent, même si tous les facteurs sont favorables à l'obtention de l'aide, le travail que cela implique rend son accès difficile ou tardif : c'est pourquoi l'aspect facilitation administrative doit véritablement être étudié.

Concernant l'aspect technique ou scientifique relatif à la question des sols – à titre d'exemple, nous avons cité l'édification des haies – un dialogue constant et permanent doit avoir lieu entre les différents acteurs, agriculteurs, experts pour repenser le dispositif en fonction de leurs besoins notamment en termes de production. Il n'est pas utile d'ériger des kilomètres de haies même si cela participe à la sauvegarde de la biodiversité en l'absence de besoins avérés. Lors de l'édiction des plans nationaux il faudra être attentif à cette dimension particulière qui est loin d'être un détail : les administrations devront ainsi y porter une attention particulière.

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Avant d'imposer de nouvelles réglementations à nos agriculteurs ou à nos pêcheurs, il faut établir un état des lieux précis. Vous avez évoqué le milieu sous-marin : il s'agit certainement du milieu que nous connaissons le moins bien. Pour pouvoir imposer une régulation, il faut donc une cartographie précise avec des indicateurs justes pour chaque pays. Nous insistons sur ce point.

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Je souhaite évoquer la question de l'agropastoralisme avec la présence sur les territoires de montagnes de prédateurs, bel exemple d'équilibre pour le respect de la biodiversité que l'agropastoralisme au regard tant de la Convention de Berne que de la Directive Habitat. Ce sujet a-t-il été abordé lors de vos auditions ? Si oui, quelles pistes de réflexion concernant un renforcement de l'accompagnement des éleveurs de montagne ont été évoquées ?

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Ce sujet a été abordé lors de nos auditions, dans cette salle-même ! Une paysanne nous a expliqué que l'agropastoralisme était justement un bon exemple pour expliquer que le maintien d'une activité permet la préservation de la biodiversité. Toutefois, la particularité des terrains sur lesquels elle s'exerce peut laisser penser, au niveau européen, à tort, qu'il s'agit d'une activité minoritaire, peu intéressante alors que sa valeur ajoutée est extrêmement élevée. Nous insistons sur la question du maintien de ce type d'activité dans notre avis comme plus généralement du maintien des activités économiques, évoqué par notre collègue. L'idée n'est pas de maintenir sous cloche certains territoires comme pour les aires protégées mais à l'inverse de trouver une articulation entre la restauration de la faune, la flore ou des habitats dégradés et le maintien d'activités économiques, y compris, comme vous l'évoquiez, à propos des installations industrielles agro-alimentaire ou de développement d'énergies renouvelables. Il faut penser cette articulation en bonne intelligence. L'accent a clairement été mis sur le fait qu'il ne s'agissait pas de mettre ces espaces sous cloches et d'en faire disparaître l'activité humaine, économique ou agricole mais de repenser harmonieusement cette articulation.

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En France, nous avons la chance d'avoir des exploitations agricoles de différentes tailles. Il ne s'agit pas de favoriser un type d'exploitation au détriment des autres : il faut pouvoir accompagner les plus exploitations les plus fragiles mais également les grosses exploitations industrielles, chacune à leur niveau.

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Nous allons maintenant examiner le projet d'avis ainsi que les amendements déposés sur le texte.

Amendement n° 1 de Yaël Menache.

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Restaurer 20 % des zones maritimes et terrestres séparément et sans compensation possible est une proposition irréaliste dans les circonstances actuelles car elle pèserait beaucoup trop tant financièrement que sur la production agricole. Il importe de rappeler – comme je l'ai fait précédemment – que la commission AGRI du Parlement européen a donné un avis défavorable sur ce texte. En effet, ce texte irréaliste mettrait en danger notre agriculture et notre souveraineté alimentaire. Le Président de la République a lui-même évoqué la nécessité de préserver notre souveraineté alimentaire ! Nous ne pouvons être qu'en désaccord sur ce texte : cet amendement, de bon sens, vise à supprimer l'alinéa n° 20.

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Le texte précise dans son article 1er l'objectif de restauration de 20 % des zones maritimes et terrestres sans compensation possible. Cet objectif inclus dans la proposition initiale de la Commission européenne n'a pas évolué au fil des négociations. La France le soutient devant le Conseil de l'Union européenne. C'est également l'engagement de l'Union européenne dans le cadre de la COP 15. Aussi n'est-il pas souhaitable de défendre une position différente des engagements internationaux de l'Union européenne que la France. Je sais que nous ne sommes pas d'accord sur ce point. Avis défavorable.

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Permettez-moi d'ajouter un point sur lequel nous avons particulièrement insisté dans cet avis politique et dans notre communication. Opposer restauration de la nature et souveraineté alimentaire est un faux débat car le processus de restauration de la biodiversité qu'il s'agisse de la question des pollinisateurs ou de la protection des aires marines permet justement de multiplier cette biodiversité qui, pour filer une métaphore agricole, va être une source, un aliment, un engrais pour le développement de la production agricole. Au contraire sécurité alimentaire et restauration de la nature vont donc bien ensemble : cet élément était très présent dans les auditions que nous avons menées, les acteurs et actrices s'accordent pour dire que chaque acteur a sa place et qu'il faut coordonner biodiversité et activité économique.

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Mon groupe politique votera pour cet avis politique. Je présenterai mon point de vue sur ces trois amendements avant de revenir plus précisément sur le premier. Comme vous l'avez très précisément évoqué, nous nous trouvons au début d'une démarche politique d'accompagnement.Ces amendements rentrent trop dans le détail, non pas de l'avis politique que nous examinons, mais du texte d'origine, qui ne concerne pas le travail de notre commission. Je pense que nous mélangeons les choses.

Il y a une forme d'illogisme dans la présentation de votre amendement : soit on s'oppose aux 20 %, soit on souhaite séparer les objectifs pour que cela soit davantage que 20 %. Une telle séparation elle me semble positive, car il faut distinguer entre un objectif marin et un objectif terrestre. Par exemple la France possède des territoires très particuliers qui vont nécessiter une adaptation locale précise et pointue. Se pose également la question de savoir si c'est le plateau continental ou la mer profonde qui est concerné. Si l'on fusionne les indicateurs, cela risque d'aboutir à un résultat étonnant du type « je bétonne 25 hectares que je compense parce que j'ai rajouté des poissons quelque part, sans que l'on sache exactement où, sans que cela ne soit vérifiable en l'absence d'une cartographie précise ». Je m'oppose donc à votre amendement.

L'amendement n° 1 est rejeté.

Amendement n° 2 de Thibaut François.

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Nous proposons un ajout après l'alinéa 20 : « souhaite que le projet de planter 3 milliards pour 2030 soit retiré étant donné que l'augmentation naturelle des forets est près de 9,6 milliards d'arbres en 2030 ». Planter 3 milliards d'arbres pour 2030 semble incohérent si l'on considère que la forêt européenne s'étend d'un hectare toutes les quatre secondes et donc augmente de 1,6 milliard par an ce qui fait 9,6 milliards d'arbres jusqu'à 2030 en Europe. À cela, s'ajoute le fait que le continent européen l'un des plus boisés au monde, ce qui rend discutable la pertinence de cet objectif. De plus, cela a été évoqué par Yaël Menache, la gestion des forêts est une prérogative des États membres et non de l'Union européenne : il faut que cela demeure ainsi.

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L'objectif de planter 3 milliards d'arbres pour 2030 n'est pas dans la proposition de règlement mais dans la stratégie de la Commission européenne pour la biodiversité 2030. Un tel objectif n' a donc pas de valeur contraignante. L'avis politique se concentre sur la proposition de règlement : l'amendement proposé est donc hors du cadre étudié. L'avis est défavorable.

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Planter des arbres est un acte économique, sociétal qui ne concerne pas uniquement la forêt.

L'amendement n° 2 est rejeté.

Amendement n° 3 de Pierrick Berteloot.

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Après l'alinéa 20, nous proposons d'ajouter l'alinéa suivant : « souhaite que le projet de libération de 25 000 kilomètres de rivières s'effectue dans le respect de tout le patrimoine historique entourant ces rivières, notamment de tous les moulins ». En effet cette libération des rivières de toute barrière naturelle pourrait remettre en cause tout notre patrimoine de moulins, dont certains sont classés et protégés, ce qui constituerait un appauvrissement certain de notre patrimoine national et de nos connaissances. Cet appauvrissement pourra aussi avoir un impact sur notre attractivité touristique et donc à terme de nos finances, d'autant que souvent ce patrimoine ne constitue pas de dommage écologique.

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La proposition de règlement indique effectivement dans son article 7 un objectif de rétablissement de 25 000 kilomètres de cours d'eau à courant libre sur le territoire de l'Union d'ici 2030. Cependant, les États membres doivent faire un inventaire des barrières artificielles existantes et sont libres de déterminer celles devant être supprimées. La France a notamment porté une attention particulière à la question des barrages hydroélectriques et le Conseil a ajouté à cet article la nécessité de prendre en compte l'impact socio-économique des installations : la question des moulins est donc déjà prise en compte dans la proposition de règlement.

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Il ne faut pas que, par souci de libérer les cours d'eau, on crée des sortes d'autoroutes qui ne servent à rien. Les retenues et les moulins sont devenus au fil des siècles des écosystèmes qu'il ne faut pas détruire. La responsabilité d'une éventuelle « mise sous cloche » d'écosystèmes doit être de la responsabilité de l'échelon national ou local. Je voterai donc contre cet amendement.

L'amendement n° 3 est rejeté.

Amendement n° 4 de Yaël Menache.

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Cet amendement demande que la réquisition des 10 % des terres agricoles soit abandonnée car cela va à l'encontre du projet du gouvernement français, à savoir la souveraineté nationale alimentaire et de production. D'ailleurs les parlementaires Renew ont aussi voté contre une telle disposition. Je trouverais donc assez impensable que mes collègues de la minorité présidentielle votent contre. La commission AGRI a été saisie pour avis, mais cela ne veut pas dire que l'avis ne compte pas. Il doit être écouté et entendu.

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Je n'ai jamais dit que l'avis rendu par la commission AGRI n'était pas important. J'ai juste dit que cette commission était saisie pour avis. Cet objectif des 10 % des terres agricoles dédiées à la restauration de la nature n'est pas inclus dans le texte : ce point aurait été une ligne rouge pour la France au Conseil et pour de nombreux groupes politiques au Parlement européen. L'article 9 se limite à fixer un objectif de tendance à la hausse de plusieurs indicateurs comme les particularités topographies à haute diversité. L'amendement réclame la suppression d'une disposition qui n'est pas explicitement prévue par le texte. L'avis est donc défavorable.

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Pour appuyer notre avis défavorable, rappelons que notre avis politique ne vise pas à réécrire la proposition de règlement mais de mettre en avant les points sur lesquels nous nous sommes mis d'accord et que la France a eu raison de défendre au niveau européen.

Rappelons également que la proposition de règlement fait débat dans les commissions saisies pour avis et les groupes politiques au Parlement européen : au sein de Renew, tous n'ont pas voté pour supprimer cette disposition.

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Si je résume votre position, vous n'êtes pas hostile par principe à notre amendement puisque vous estimez que l'inclusion de cet objectif de réquisition dans la proposition de règlement aurait été une « ligne rouge »

L'amendement n° 4 est rejeté.

Le projet d'avis politique ainsi modifié est adopté.

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L'avis politique sera adressé à la Commission européenne et au Parlement européen et sera mis en ligne sur la base IPEX d'échange entre les Parlements nationaux.

III. Compétence, loi applicable, reconnaissance des décisions et acceptation des actes authentiques en matière de filiation ainsi que création d'un certificat européen de filiation : communication de M. Jean Pierre PONT sur la proposition de règlement

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Je suis heureux d'intervenir aujourd'hui devant vous sur un sujet rarement évoqué et pourtant au cœur des avancées de la construction européenne apportées concrètement aux citoyens de l'Union pour garantir la pleine jouissance de leurs droits et faciliter leurs démarches administratives. Je vous présente, en effet, une proposition de règlement concernant la filiation publiée par la Commission européenne le 7 décembre dernier dans le domaine de la coopération judiciaire civile.

Cette proposition de règlement relative à la compétence, à la loi applicable, à la reconnaissance des décisions et à l'acceptation des actes authentiques en matière de filiation touche à la vie quotidienne des citoyens de l'Union européenne. Elle préconise également la création d'un certificat européen de filiation.

Pour simplifier, cette proposition vise à harmoniser au sein de l'Union européenne les règles de droit international privé relatives à la filiation afin de permettre, dès lors qu'une filiation a été établie dans un État membre de l'Union, sa reconnaissance automatique dans tous les États membres sans avoir, pour les citoyens, à effectuer de démarche particulière. Cela peut sembler anodin, mais pour mieux comprendre la portée et les enjeux de cette proposition de règlement, il est nécessaire de rappeler l'état actuel du droit en la matière.

La filiation, lien juridique unissant un enfant à ses parents ou à l'un d'entre eux, relève de la compétence exclusive des États membres tout comme l'ensemble du droit matériel de la famille. Chaque État membre est ainsi souverain pour définir les règles de fond relatives à la définition de la famille ou à l'établissement de la filiation. À titre d'exemple, en France, le mode le plus courant d'établissement de la filiation entre une mère et son enfant s'effectue par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance dès l'accouchement.

En revanche, l'établissement de la filiation pour le père s'effectue via une présomption de paternité dont bénéficie l'enfant conçu ou né pendant le mariage.

Pour régler les conflits éventuels pouvant surgir entre différents ordres juridiques dans des situations transnationales – c'est-à-dire dans les situations où des lois de différents États sont potentiellement applicables – chaque État membre peut déterminer ses propres règles pour définir la loi applicable et la juridiction compétente ainsi que le mode de reconnaissance des actes juridiques étrangers.

Les divergences entre États membres se situent à deux niveaux, d'une part, sur les règles de fond de la filiation, d'autre part, sur les règles de droit international privé fixant la loi applicable et les juridictions compétentes.

Ces divergences sont aussi susceptibles de créer d'importantes difficultés juridiques pour les citoyens européens dont la filiation a été établie dans un État membre mais qui ont des attaches ou souhaitent s'installer dans un autre État membre.

En effet, le droit de l'Union, selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, impose d'ores et déjà aux États membres de reconnaître la filiation d'un enfant telle qu'établie dans un autre État membre en vertu des acquis que l'enfant tire du droit de l'Union et notamment du droit à la liberté de circulation.

En revanche, cela n'est pas le cas en ce qui concerne la jouissance des droits prévus par les législations nationales, comme les droits de succession ou encore les obligations alimentaires.

Examinons l'hypothèse d'un couple de femmes ayant recours à une procréation médicale assistée dans un pays A mais dont l'une est de nationalité d'un État membre B, ne reconnaissant pas son lien de filiation établi dans le pays A en raison de divergence sur le recours à la PMA par des couples de même sexe. Dans ce cas la filiation de l'enfant ne serait pas reconnue dans cet État B et cet enfant serait privé de tous les droits découlant de cette filiation. Il ne pourrait – par exemple – pas hériter des biens possédés par sa mère dans ce pays, puisqu'il n'y serait pas reconnu comme son fils.

L'ampleur du problème est évidente. La Commission européenne estime à 1 235 000 le nombre de couples avec enfants en situation transfrontière dans l'Union européenne et estime à 103 000 le nombre de parents mobiles et leurs enfants concernés – ou ayant une forte probabilité de l'être – par des problèmes de non reconnaissance de leur lien de filiation dans un autre État membre.

Ce nombre est amené à augmenter dans le contexte de la mobilité croissante des citoyens de l'Union entre États membres.

De surcroît, ces obstacles à la reconnaissance du lien de filiation dans un autre État membre sont davantage susceptibles de toucher les familles homoparentales en raison des divergences de législations relatives au mariage entre partenaires de même sexe et à l'adoption homoparentale.

Il faut souligner que les couples hétérosexuels sont également susceptibles de faire face à des difficultés, notamment pour les enfants nés hors mariage compte tenu des divergences de règles relatives à la présomption de paternité ou aux partenariats civils.

En conséquence, la présentation de la proposition de règlement - s'appuyant sur la compétence de l'Union issue de l'article 81 du TFUE pour adopter des mesures législatives de coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière - a été motivée par deux impératifs :

– d'une part, la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant, de son droit à l'identité, à la vie privée et familiale et à la non-discrimination.

– d'autre part, la stratégie de l'Union européenne en faveur de l'égalité de traitement à l'égard des personnes LGBT.

Ce règlement, s'il était adopté, permettrait aussi d'améliorer sensiblement la sécurité juridique des citoyens de l'UE et de réduire la charge des procédures judiciaires pour les familles et les États membres.

Ces objectifs sont résumés en 2020 par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans son discours sur l'état de l'Union en une formule claire et simple « si vous êtes parents dans un pays, vous êtes parents dans tous les pays ».

Toutefois – si le règlement n'a nullement pour objet de procéder à une harmonisation du droit matériel de la famille des États membres - la circulation des décisions de filiations nationales alors permises par leur reconnaissance automatique entre États membres – conduirait nécessairement à amoindrir la portée des modèles familiaux nationaux et des restrictions d'ordre public parfois existantes.

Ce règlement nécessite ainsi de préserver un équilibre entre :

– d'une part, le respect de la compétence des États membres

– d'autre part, - pour les citoyens de l'Union européenne - la liberté de circulation, la recherche d'une sécurité juridique et le respect de leurs droits, qui ne sauraient légitimement varier d'un État à l'autre au sein de l'espace de liberté de sécurité et de justice constitué par l'Union européenne.

Un point particulier de vigilance me semble devoir être pris en compte : il s'agit de l'inclusion dans le règlement des filiations issues de la gestation pour autrui, la GPA. En l'état actuel du texte, la reconnaissance de la filiation s'établira quelle que soit la manière dont l'enfant a été conçu ou est né. Aucune clause particulière n'est prévue pour exclure les filiations issues de la GPA.

Cette inclusion éventuelle de la GPA constitue pour la France et pour d'autres États membres, une ligne rouge.

Comme vous le savez, la GPA est interdite en France et constitue une infraction pénale. Elle est en effet incompatible avec la conception française de la dignité humaine et de notre modèle de bioéthique comme le rappellent les articles 16 et 16-7 du Code civil français.

Cette interdiction, sur le sol français, fait également obstacle – pour les GPA réalisées à l'étranger – à toute reconnaissance automatique du lien de filiation entre l'enfant et le parent d'intention.

En conséquence, aucune transcription automatique d'un acte de naissance étranger ne peut être accordée au parent non biologique, celui-ci étant tenu d'avoir recours à une procédure d'adoption de l'enfant. Cette pratique est conforme à la Convention Européenne des Droits de l'Homme telle que jugée par la CEDH dans plusieurs décisions et rappelée dans son avis consultatif du 10 avril 2019. Ainsi, aux termes de la jurisprudence de la CEDH, l'interdiction de la gestation pour autrui relève de la marge d'appréciation de chaque État.

Le droit au respect de la vie privée de l'enfant ne requiert pas que la reconnaissance du lien de filiation entre l'enfant et le parent d'intention s'établisse par la transcription sur les registres de l'état civil de l'acte de naissance légalement établi à l'étranger. Mais peut s'effectuer par une autre voie, telle l'adoption.

Les services du ministère de la Justice, entendus dans le cadre de cette communication, ont souligné l'importance de préserver cette procédure d'adoption.

L'adoption permet de maintenir le contrôle d'un juge afin de :

– premièrement, s'assurer de la réalité du lien entre l'enfant et le parent d'intention

– deuxièmement, veiller que l'établissement de ce lien s'effectue bien à la lumière de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Ce contrôle permet également de vérifier le non détournement des règles internationales.

En effet, la Convention de la Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale prévoit pour toute adoption le consentement des parents biologiques.

Dans le cas d'une GPA, il est primordial de vérifier que la mère porteuse a bien consenti à donner « SON » enfant, contrôle permettant également de prévenir le trafic d'enfants.

J'ajouterai deux arguments supplémentaires militant pour exclure les filiations issues de la GPA de cette proposition de règlement.

En premier lieu, la solution d'équilibre que je viens d'exposer consistant à exclure toute transcription automatique des actes d'état civil étranger a été réaffirmée par le législateur français dans la loi bioéthique du 2 août 2021. Il est donc de notre devoir de confirmer la volonté exprimée par la représentation nationale.

En second lieu, cette exclusion apparaît d'autant plus légitime qu'il n'existe aucun consensus au sein de l'Union européenne sur le recours à la gestation pour autrui. Les États membres, autorisant explicitement une telle pratique sont extrêmement minoritaires puisqu'ils seraient au nombre de trois. Si la GPA est tolérée – sans cadre légal dans trois autres États membres – elle demeure illégale dans la totalité des autres pays de l'Union.

Mes chers collègues, cette communication d'aujourd'hui intervient à un stade précoce du processus de discussion – les travaux sur cette proposition de règlement venant seulement de débuter. Ils en sont pour le moment au stade des négociations techniques entre représentants des États membres.

La proposition de règlement est ainsi susceptible d'évoluer considérablement avant d'être soumise au vote du Conseil - vote requérant en outre l'unanimité des États.

La France, soutenue par de nombreux États membres, travaille activement pour trouver le meilleur équilibre possible entre la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant et la garantie des droits de toutes les familles à travers l'Union, sans négliger le respect des lignes rouges fixées par le législateur à propos de la GPA.

Je souhaite voir notre commission suivre avec attention l'évolution sur cette importante proposition de règlement : un texte, source de nombreux progrès pour les citoyens européens, un texte, renforçant encore les acquis concrets de l'Europe dans les domaines de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, un texte à l'honneur de la démocratie et de l'Union européenne.

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Ce texte, qui a pour objet la reconnaissance mutuelle des décisions de filiation, traite d'un sujet à la fois sensible et important. Ceci d'autant que, comme vous l'avez rappelé, on compte plus de 1,2 million de couples avec enfants en situation transfrontière dans l'Union européenne.

Je donne à présent la parole aux orateurs de groupe.

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Ce texte est une véritable synthèse – disons-le franchement – de « galimatias » aux fins de s'emparer juridiquement d'une prérogative évidemment nationale.

Cette proposition de règlement, constituée de quelque 72 articles, a suscité les réserves – entre autres – du Sénat tchèque, des parlements italiens et espagnols. Le Sénat français a également émis un avis en subsidiarité juridiquement circonstancié. Le commissaire européen Didier Reynders a lui-même confessé que le texte était fragile dans ses arguments.

Sur le fond, ce texte est un coup de boutoir majeur dans la structure démographique de chaque État. Le terme « filiation », figurant dans le titre même de la proposition, aurait d'ailleurs dû être remplacé par celui de « parentalité », que l'on retrouve sous le vocable de parenthood dans la version anglaise. Ce titre place d'emblée les désirs – certes légitimes, mais là n'est pas le débat – d'une minorité de parents avant les intérêts des enfants.

L'enfant est chosifié. Au mieux, il est vu comme une personne pouvant se déplacer librement dans l'Union européenne, grâce à un certificat de parentalité, selon la logique de circulation dans un marché européen que l'on peine ici à identifier. Au pire, il serait considéré comme un bien pouvant être rattaché à un marché, et nous serions ici au comble de l'inacceptable.

Plus largement, l'Union européenne prétend, par un règlement, résoudre des débats de fond éthiques, philosophiques et religieux, qui agitent les États depuis 50 ans, sur des points très délicats tels que la GPA. Cette logique est, in fine, la négation même de l'âme de chaque État nation.

Nous sommes aux antipodes des prérogatives européennes. La démarche est d'autant plus perverse que, sur ces sujets, l'unanimité au Conseil n'est pas pour demain et, nous l'espérons, ne sera jamais atteinte.

Est-ce le bon moment, alors que l'Union européenne n'a pas su empêcher une guerre à ses portes – la troisième depuis la fondation de l'Union européenne –, et alors que tous les voyants économiques sont au rouge, de porter l'estocade avec ce sujet sociétal absolument fondamental ? À cette question, nous répondons naturellement par la négative.

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Je compte parmi les 1 235 000 couples avec enfant en situation transfrontière dans l'Union européenne. Chère collègue, je considère que ce texte m'aurait dispensé bien des démarches administratives fastidieuses. La reconnaissance du droit de la famille est un sujet important, à la fois intime et très prégnant dans ma circonscription. J'y ai recensé quelque 500 cas douloureux, qui constituent des sujets d'état civil complexes et aberrants, autant de cas concrets qui n'ont rien à voir avec les sujets de société que vous évoquiez.

Mes chers collègues, le problème du droit familial européen est essentiellement une question d'application du droit, bien plutôt que de législation. J'en ai acquis la conviction, étant confronté à ce type de situations depuis 6 ans.

Par exemple, la notion de « bien-être » de l'enfant ne trouve pas de traduction équivalente en droit allemand. L'harmonisation du droit familial est un champ immense dans l'Union européenne et, en particulier, entre la France et l'Allemagne.

La commission des Affaires européennes pourrait s'intéresser à l'application du droit, en établissant des contacts avec des magistrats dans le respect de la séparation des pouvoirs. L'application homogène des décisions de justice et la bonne articulation des décisions des différentes instances – on peut citer le rôle prépondérant de l'Office allemand pour la protection de la jeunesse (Jugendamt) en Allemagne – sont des enjeux centraux.

Je crois que l'harmonisation serait beaucoup plus rapide si nous la menions grâce à l'échange de bonnes pratiques et au travers de formations communes, plutôt que par des législations imposées par le haut, quel que soit leur degré de finesse.

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D'après les personnes que nous avons auditionnées, nous ne serions qu'au tiers environ de la procédure d'examen du texte. La communication de ce jour, qui arrive à un stade précoce, procède donc avant tout d'une logique d'information.

À mon sens les maîtres mots doivent être l'intérêt supérieur et le bien-être des enfants. Comme le dit l'adage, on peut choisir ses amis, mais on ne choisit pas ses parents. Il importe dès lors que les enfants européens aient les mêmes droits. C'est pourquoi notre commission devra assurer un suivi régulier de ce texte.

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Nous ne sommes en effet qu'au début des discussions sur ce texte. Au demeurant, l'unanimité sera requise au Conseil pour l'adoption de cette proposition.

Notre rapporteur, Jean-Pierre Pont, pourra poursuivre ses travaux sur le sujet et reviendra devant nous ultérieurement afin de dresser un état d'avancement des discussions. Le cas échéant, une proposition de résolution européenne ou un projet d'avis politique pourra être présenté sur ce sujet au sein de notre commission.

IV. Nomination de rapporteurs d'information

La Commission a nommé sur proposition de Mme la Vice-présidente Marietta Karamanli :

– M. Charles Sitzenstuhl (RE), rapporteur d'information portant observations sur le projet de loi relatif à l'industrie verte ;

– Mme Marietta Karamanli (SOC), rapporteure d'information portant observations sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler européen.

La séance est levée à 15 heures 10.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Pierrick Berteloot, Mme Pascale Boyer, M. Stéphane Buchou, Mme Annick Cousin, M. Thibaut François, Mme Félicie Gérard, Mme Marietta Karamanli, Mme Brigitte Klinkert, Mme Nicole Le Peih, M. Denis Masséglia, Mme Joëlle Mélin, Mme Yaël Menache, Mme Danièle Obono, M. Frédéric Petit, M. Jean-Pierre Pont, M. Vincent Seitlinger, Mme Sabine Thillaye

Excusés. – Mme Constance Le Grip, Mme Lysiane Métayer, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Michèle Tabarot