La réunion

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La séance est ouverte à 21 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission poursuit l'examen des articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 11 quater, délégués au fond par la commission des finances, du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (n° 1301) (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

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Suite de l'examen des articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 11 quater, délégués au fond par la commission des finances, du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (n° 1301) (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis)

Article 2 (art. 60, art. 60-1 à 60-10 [nouveaux], art. 65 B et 67 bis du code des douanes, art. L. 112-24 du code du patrimoine, art L. 251-18, L. 251-18-1, L. 936-6 et L. 951-18 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 80 J du livre des procédures fiscales) (examen délégué) (suite) : Mise en conformité du droit de visite douanière

Suivant l'avis de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CL140 de M. Alexandre Sabatou.

Elle adopte l'amendement de précision CL152 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL64 de M. Yoann Gillet.

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Il s'agit d'autoriser les fouilles intégrales seulement si celles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes pour la surveillance douanière.

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Le rétablissement des fouilles intégrales que propose votre amendement contreviendrait à la jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui risquerait de fragiliser le dispositif. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL31 de Mme Marie-France Lorho, CL94 de M. Timothée Houssin, CL20 de M. Michaël Taverne et CL93 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

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L'article 60-6 du code des douanes ne prévoit rien en cas de refus de se soumettre à un dépistage. Il est nécessaire d'envisager cette hypothèse en reprenant le dispositif prévu à l'article 60 bis en cas de refus d'une personne contre laquelle existent des indices sérieux laissant présumer qu'elle transporte de la drogue dissimulée dans son organisme. Tel est l'objet de l'amendement CL31.

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L'amendement CL94 vise à faire en sorte, pour ce qui est des tests relatifs aux stupéfiants, qu'un consentement écrit de la personne concernée ne soit pas nécessaire. Dans le cadre des contrôles routiers, il est probable que beaucoup de gens refuseraient de souffler dans le ballon si on leur demandait un accord écrit – alors qu'il est déjà possible de ne pas accepter le test. Nous proposons donc de remplacer le consentement écrit par un consentement exprès.

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Je propose également de supprimer l'obligation d'un consentement écrit lors d'un dépistage de substances ou de plantes classées comme stupéfiantes.

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L'amendement CL93 est en quelque sorte de repli. Il vise à garder la trace écrite d'une éventuelle opposition, mais en inversant quelque peu les choses : on ne dira pas à la personne qu'elle ne sera contrôlée que si elle le souhaite ; si elle manifeste la volonté de ne pas être contrôlée, elle ne le sera pas, et il en sera fait mention dans un procès-verbal.

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Ces amendements tendent à passer outre à l'exigence du consentement, selon des modalités diverses, ou au contraire à renforcer cette exigence.

Si l'article 60 bis du code des douanes, non modifié par ce texte, permet de passer outre au refus d'un dépistage par une décision judiciaire, il prévoit tout de même le principe du consentement et surtout il s'applique en cas d'indices sérieux de transport de drogue. En l'espèce, on est dans le cadre d'un simple droit de visite, potentiellement sans soupçon préalable. Le consentement doit donc être exigé, il doit être écrit et il ne peut pas être outrepassé. La situation en question n'a rien à voir avec les infractions routières ou les investigations judiciaires, lors desquelles interviennent des officiers de police judiciaire (OPJ) ou des agents de police judiciaire (APJ).

Si, en revanche, les agents ont des indices sérieux, ils mettront en œuvre l'article 60 bis, mais les situations visées sont différentes, et doivent donc faire l'objet de règles distinctes.

Avis défavorable.

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Je n'ai pas pu défendre l'amendement CL50, du fait de mon retard. Nous souhaitions que le consentement ne soit pas seulement écrit mais aussi éclairé, c'est-à-dire que la personne soit bien en mesure de comprendre de quoi il s'agit – la question de la langue se pose ainsi.

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Une personne manifestement droguée pourrait-elle exprimer un consentement éclairé ? Votre amendement conduirait à des situations problématiques.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL153 et CL154 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL52 de M. Antoine Léaument.

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Le texte impose que les fouilles individuelles soient effectuées à l'abri des regards, sauf impossibilité pratique. Vous voulez supprimer cette dérogation ciblée et limitée, en faisant référence aux examens de dépistage et aux palpations, mais les fouilles, notamment des bagages et des vêtements, sont également concernées.

Il peut arriver, dans certains cas, que l'on ne puisse pas procéder à l'abri des regards, mais la dérogation prévue n'est qu'une soupape limitée, le principe étant bien de pratiquer les fouilles à l'abri des regards. J'ajoute qu'une telle dérogation est déjà prévue pour les palpations par l'article R. 434-16 du code de la sécurité intérieure. En tout état de cause, le respect de la dignité, expressément mentionné, ne souffre d'aucune dérogation.

Pour ces différentes raisons, avis défavorable.

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Nous en avons déjà débattu à plusieurs reprises. Quand on détermine des principes tout en prévoyant des dérogations, les principes ne valent plus rien. En l'espèce, il s'agit que les fouilles soient réalisées à l'abri du public. Si on prévoit que la dignité des personnes l'exige mais qu'on dit dans le même temps que ce n'est pas grave si ce n'est pas possible, et qu'on pratique les fouilles devant tout le monde, alors le principe ne vaut rien. Autant ne pas le prévoir du tout ! Si vous voulez que le Conseil constitutionnel valide la loi, il faut garantir les principes liés au respect des droits humains, même si parler de ces droits saoule apparemment nos collègues du Rassemblement national.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL84 de M. Roger Vicot.

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Cet amendement reprend un principe posé par la Cour de cassation et rappelé par le Conseil constitutionnel dans son commentaire de la décision n° 2022-2010, au sujet du pouvoir général d'audition de la personne concernée par la visite. La Cour a admis que les agents des douanes peuvent, à l'occasion de l'exercice de leur droit de visite, recueillir des déclarations en vue de la reconnaissance des objets découverts, tout en jugeant qu'ils ne disposent pas d'un pouvoir général d'audition de la personne contrôlée. Nous demandons que l'on se conforme à ce principe.

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Demande de retrait. Votre amendement est totalement satisfait par la jurisprudence de la Cour de cassation, comme vous l'avez rappelé, dans ses arrêts du 13 juin 2019 et du 18 mars 2020, ainsi que par l'article 60-9, qui encadre précisément les hypothèses de recueil de déclaration dans le cadre d'une visite, et renvoie, pour le reste, à l'article 67 F, relatif aux auditions libres.

Les agents des douanes ne disposeront pas d'un pouvoir général d'audition ; s'ils veulent auditionner la personne, ils devront passer soit par une audition libre soit par une retenue, hors du cadre du droit de visite.

L'amendement est retiré.

Amendement CL55 de M. Antoine Léaument.

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Alors que nous entendons tant et tant de mots anglais dans notre assemblée, cet amendement va permettre de rendre justice à la force et à finesse de la langue française en remplaçant « ordonner » par « organiser ». Les agents des douanes n'ont pas de pouvoir coercitif, en tout cas pas selon les mêmes modalités qu'un magistrat ou un officier de police judiciaire.

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Le transfert dont il est question ne relève pas de la police judiciaire, et il est déjà possible dans le cadre de la visite d'un navire, les agents des douanes pouvant ordonner son déroutement. En l'espèce, il s'agit simplement de déplacer la marchandise ou le véhicule dans un endroit approprié, par exemple pour chercher des caches.

On dit souvent que s'il y a un flou, il y a un loup. Vous en introduiriez un avec la notion d'organisation du transfert : quelles seraient les modalités et qui pourrait le mettre en œuvre ? Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements CL155, rédactionnel, et CL156, de correction d'erreurs de référence, de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 (art. 62 et 63 du code des douanes) (examen délégué) : Adaptation du droit de visite des navires

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL157 et CL158 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 (art. 67 ter -1 [nouveau] du code des douanes) (examen délégué) : Remise à officier de police ou de douane judiciaire en cas d'infraction flagrante de droit commun

Amendement CL17 de M. Alexandre Sabatou.

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Il s'agit de compléter cet article pour permettre aux agents des douanes de procéder au transfert des personnes interpellées. Il me semble que c'est possible actuellement, mais qu'il y a en la matière un manque dans le présent texte.

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La remise de la personne interpellée à un OPJ ne signifie pas qu'il faut attendre que l'OPJ arrive sur place : en général, c'est la personne qui est conduite à l'OPJ – je vous renvoie à la lettre de l'article 73 du code de procédure pénale, que le présent article du projet de loi vise à assouplir pour les douanes. Votre amendement est satisfait.

L'amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 non modifié.

Article 5 (art. 67 du code des douanes) (examen délégué) : Précision du cadre juridique des contrôles aux frontières

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 non modifié.

Article 8 (Art. 67 bis -5 du code des douanes) (examen délégué) : Sonorisation et captation d'images

Amendement CL85 de M. Roger Vicot.

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La faculté offerte aux agents des douanes d'équiper les lieux et les moyens de transport utilisés dans le cadre de la commission des délits douaniers les plus graves, au moyen de dispositifs techniques de sonorisation et de captation des images à l'intérieur d'un véhicule, d'un container ou d'un entrepôt, complète les procédures spéciales d'enquête douanière déjà prévues dans le code. Afin de respecter les limites posées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions concernant les conditions de recours à ces techniques, l'amendement tend à préciser qu'elles ne peuvent être mises en œuvre que par des agents spécialement habilités et ayant suivi une formation spécifique. Il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser les conditions d'application.

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Avis favorable. L'étude d'impact précise bien qu'il s'agit d'ouvrir la sonorisation et la captation d'images aux agents de la DNRED – direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières – formés et habilités par le ministre chargé des douanes.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL86 de M. Roger Vicot.

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Vous proposez d'inscrire directement dans le présent article le régime applicable aux sonorisations et captations sonores réalisées par les agents de la DNRED.

Le choix qui a été fait est, au contraire, de renvoyer directement aux dispositions du code de procédure pénale, lesquelles ont déjà fait l'objet d'un contrôle de constitutionnalité, afin d'en garantir la proportionnalité. Le Conseil d'État a ainsi relevé dans son avis sur le projet de loi que « le renvoi ainsi opéré par le projet aux règles du code de procédure pénale est de nature à garantir que les restrictions apportées au droit au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile ne revêtent pas un caractère disproportionné. »

Le Sénat a validé ce choix, et mes auditions n'ont pas fait ressortir de difficultés en matière de lisibilité.

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J'ajoute que la DNRED est un service de renseignement. Les exigences qui pèsent sur elle doivent figurer dans le code de procédure pénale.

La commission rejette l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 8 modifié.

Article 8 bis (Art. 706-1-1 du code de procédure pénale) (examen délégué)  : Mise en cohérence avec le code des douanes des dispositions du code de procédure pénale relatives à la criminalité organisée

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL142 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 8 bis modifié.

Article 11 (examen délégué) : Élargissement, à titre expérimental, du dispositif de lecteur automatique de plaques d'immatriculation

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL159 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL96 de M. Timothée Houssin, amendements identiques CL97 de M. Timothée Houssin et CL33 de Mme Gisèle Lelouis, et amendement CL59 de M. Antoine Léaument (discussion commune).

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Notre premier amendement vise à allonger, en la portant à un an, la durée de conservation des données dans le cadre de l'expérimentation prévue par cet article, afin de permettre d'avoir plus de recul sur la durée optimale d'utilisation des données.

L'amendement suivant est de repli : il tend à fixer le délai de conservation à six mois.

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Nous sommes, au contraire, pour une limitation de la durée de conservation des données. Nous n'avons pas forcément de problème avec l'utilisation de l'outil qu'est la lecture automatisée des plaques d'immatriculation (Lapi), dont les douaniers nous disent qu'il peut être utile, mais nous souhaitons que les recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) soient respectées, à savoir que les visages qui apparaîtraient doivent être floutés et que la durée de conservation des données soit limitée.

Cela s'impose d'autant plus qu'il s'agit d'une expérimentation : autant fixer une durée réduite, pour garantir au maximum les droits. Mine de rien, se faire prendre en photo dans ce cadre est intrusif, et cela permet d'avoir des informations assez importantes sur les déplacements des gens, une voiture étant potentiellement rattachable à son propriétaire. J'ai néanmoins entendu les explications qui nous ont été apportées au sujet des Go fast. Nous sommes favorables à une durée de conservation aussi réduite possible, mais permettant quand même d'expérimenter correctement.

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Avis défavorable à ces amendements, dont certains proposent d'allonger la durée de conservation des données, tandis que d'autres tendent à la réduire.

Le délai de conservation est actuellement de quinze jours, sauf en cas de hit – pardonnez-moi cet anglicisme – avec le fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS) et le système d'information Schengen (SIS), ce qui permet alors d'aller jusqu'à un mois. Il s'agit de pouvoir déterminer, grâce à l'expérimentation, avec le principe de laquelle vous êtes tous d'accord, si une durée de conservation plus longue serait utile.

Je rappelle aussi que la Cnil a été saisie par le Gouvernement. Dans un avis du 23 mars 2023, sans remettre en cause les raisons du traitement, elle a proposé d'expérimenter des délais différents de conservation, allant de deux à quatre mois.

Le Sénat a pris acte de l'avis de la Cnil. La rédaction actuelle de l'article vise ainsi à expérimenter des délais de conservation entre deux et quatre mois. Je souhaite conserver cette solution de compromis, qui prend aussi en compte le fait que certains d'entre vous souhaitent allonger le délai et d'autres le réduire, et qui est à la fois solide juridiquement et efficace opérationnellement.

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Le passage de quinze jours à deux mois correspond déjà à une multiplication par quatre de la durée de conservation des données.

Quand on met en place une expérimentation, il faut toujours veiller à garantir au maximum les droits. Or voir son véhicule filmé ou photographié constitue une violation de sa vie privée, même quand on n'a rien à se reprocher – puisque cet argument nous est souvent opposé. C'est pourquoi nous n'y sommes pas favorables.

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Vous avez dit que la Cnil avait, dans son avis, proposé un délai de quatre mois. Elle ne nous l'a pas imposé : nous pourrions très bien aller au-delà sans prendre de véritable risque. Or nous ne nous apprêtons pas à voter une disposition législative permanente, mais à mettre en place une expérimentation. Qui peut le plus peut le moins : quitte à expérimenter, autant prévoir une expérimentation très large qui nous permette de déterminer le délai optimal.

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L'article 11 est, à mon sens, celui qui pose le plus de problèmes. Il doit concilier l'efficacité du dispositif du point de vue des douanes avec l'impératif de protection de la vie privée de nos concitoyens.

Je m'exprime ici à titre personnel, et non au nom du groupe Démocrate. Passer à quatre mois, c'est effectivement multiplier par huit ou par quatre le délai actuel de conservation des données, qui est de quinze jours voire d'un mois en cas de rapprochement positif. Même lorsque les données ne sont pas exploitées, leur conservation pendant quatre mois porte une atteinte significative à la vie privée de nos concitoyens dans la mesure où elle permet une traçabilité assez importante de la circulation du véhicule. La Cnil ne nous propose pas de porter le délai à quatre mois : elle prend acte de la présence de cette mesure dans le texte du Gouvernement et précise qu'il serait bon que l'expérimentation aille crescendo, avec une justification du besoin d'allongement du délai à chaque palier, en vue de bénéficier d'un retour d'expérience.

Je n'ai pas déposé d'amendement, considérant que l'examen de ceux de M. Breton suffirait pour avoir un débat. Même dans le cadre d'une expérimentation, l'article 34 de la Constitution confère à la loi le soin de concilier l'efficacité du dispositif avec la protection de la vie privée. Il pourrait être admissible d'aller jusqu'à quatre mois – peut-être pas jusqu'à six mois, pour ne pas trop sortir du champ du droit commun en vigueur dans les autres pays européens, où le délai ne dépasse pas deux mois – si l'on décidait, en contrepartie, d'anonymiser les images, par exemple par floutage, ou de détruire celles qui ne sont pas exploitées. C'est un équilibre que nous devons réussir à trouver. Je crains que le simple renvoi à un décret et à une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD) ne soit pas suffisant pour atteindre l'objectif que nous assigne l'article 34 de la Constitution, qui doit guider les députés que nous sommes.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL143 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL99 de M. Timothée Houssin.

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Il s'agit d'un amendement d'appel. Alors que les images fournies par les lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation seront utilisées pour détecter d'éventuelles infractions liées à la contrebande, ne pourrions-nous pas aussi, dans le cadre de l'expérimentation, autoriser l'exploitation des photographies des occupants des véhicules, qui constituent également des éléments de preuve ? Imaginons que des délits graves soient constatés : devons-nous vraiment nous interdire de récupérer une information disponible ?

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L'exploitation de la photographie des occupants des véhicules fait l'objet de nombreuses discussions.

En pratique, les clichés sont souvent pris à l'arrière des véhicules, et rarement à l'avant. Lorsque tel est le cas, la qualité des caméras et la réverbération des pare-brise empêchent de toute façon l'identification du conducteur et du passager – du reste, ce n'est pas ce qui est recherché. La mise en œuvre d'une technique de floutage n'est donc pas nécessaire.

Par ailleurs, la rédaction actuelle interdit le recours à la reconnaissance faciale et le traitement de l'image des passagers. C'est ce que relève sans ambiguïté le Conseil d'État. Là encore, il n'apparaît donc pas nécessaire d'introduire une obligation de floutage.

La loi permet néanmoins de recourir au floutage – sans toutefois l'imposer – si cela s'avère utile. À l'issue de l'expérimentation, l'AIPD et l'avis de la Cnil – lequel prendra en compte cette analyse – permettront de juger de l'opportunité d'un dispositif technique.

Avis défavorable.

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Nous avons sur chaque sujet des avis diamétralement opposés. Notre logique consiste à partir de la garantie des droits pour imaginer un dispositif garantissant aussi l'efficacité des moyens d'action. Vous tenez le raisonnement inverse : vous voulez donner à la douane tous les moyens d'agir sans considérer que le respect des droits humains est très important.

L'amendement CL99 illustre le risque de dérive technologisante que j'évoquais précisément au début de mon intervention liminaire. De manière assez surprenante, je suis rejoint dans mes propos par M. Latombe, avec qui je ne suis pourtant pas souvent d'accord. On nous explique que le dispositif Lapi permet de n'identifier que des plaques d'immatriculation, et non des visages du fait de reflets ou d'objectifs de mauvaise qualité. Pour notre part, nous préférons prendre le maximum de précautions : si d'aventure un visage était identifiable, il faudrait qu'il soit flouté – ce sera l'objet de notre amendement CL58. Prenons garde à ce que nous votons loi après loi ! Le Sénat est en train d'autoriser la reconnaissance faciale. Sans l'interdiction de telles pratiques, l'accroissement des possibilités technologiques aboutira à une surveillance généralisée, partout et tout le temps. Les libéraux comptent habituellement parmi les plus attachés à la garantie des libertés individuelles ; je m'inquiète de ce qu'ils sont désormais dans une dérive technologisante qui ne les garantit plus.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL58 de M. Antoine Léaument.

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On nous explique que le dispositif Lapi permet d'identifier les plaques d'immatriculation des véhicules, d'observer leur éventuelle récurrence, et qu'il ne peut être utilisé à d'autres fins. Au-delà de l'impératif de protection de la vie privée, un floutage systématique des visages lèverait toute ambiguïté sur ce point.

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Les alinéas 5 et 15 prohibent l'exploitation de la photographie des occupants des véhicules. Cependant, les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation seront définies par décret en Conseil d'État pris après avis motivé de la Cnil. Cette dernière se prononcera peut-être pour un floutage systématique des visages ou bien pour une limitation de la photographie à la plaque et à la calandre du véhicule. Avis défavorable.

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Je m'exprime à nouveau à titre personnel : mes propos n'engagent pas le groupe Démocrate.

La Cnil estime, dans le considérant 14 de son avis sur le présent projet de loi, que « les parties de photographies montrant les occupants des véhicules, qui ne seront pas exploitées dans le cadre de l'expérimentation, devraient être supprimées ou floutées dès que possible conformément au principe de minimisation des données ». C'est le principe de base du règlement général sur la protection des données (RGPD). Ainsi, la Cnil accepte que ces modalités soient fixées par décret en Conseil d'État, après réalisation d'une AIPD, mais nous, législateurs, devons considérer qu'elles relèvent de la loi, conformément à l'article 34 de la Constitution.

Vous dites que la photographie des visages ne sera pas exploitée et que le décret pourra prévoir leur floutage ou leur suppression. Pour ma part, je préférerais la suppression, qui satisfait entièrement aux exigences du RGPD, car le floutage est toujours réversible. Les photos sont des données personnelles sensibles, comme le montre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s'est prononcé dans le cadre de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur le traitement des clichés pris par les radars chargés du contrôle de la vitesse : le Conseil a considéré qu'il fallait les supprimer dès que la procédure était terminée, que l'amende avait été payée ou que l'infraction avait été constatée et l'avis de contravention envoyé. Même dans le cadre d'une expérimentation, nous devons garantir dans la loi le respect de ces principes, en vertu de l'article 34 de la Constitution, au lieu de renvoyer tout cela à un décret en Conseil d'État.

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Je vais prendre un exemple très concret, qui permettra à chacun de bien comprendre le problème posé pour la vie privée. Imaginez que vous êtes douanier, que vous utilisez le dispositif Lapi pour filmer un véhicule, et que vous voyez dans ce dernier la personne qui partage votre vie en train d'embrasser quelqu'un d'autre. Certains ne supportent peut-être pas cette idée, mais vous voyez bien que le floutage des visages est nécessaire afin de ne pas porter atteinte à la vie privée de votre compagne ou de votre compagnon ! Même sans être un criminel, même sans transporter de drogue dans son véhicule, il suffit d'être un peu volage pour souhaiter que son image soit préservée des regards des douaniers ou, plus largement, des agents du service public. Ce n'est pas pour rien que la protection de la vie privée est garantie par la Constitution.

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Monsieur Latombe, ce principe figure bien dans le projet de loi, plus précisément aux alinéas 5 et 15 de l'article 11.

Vous l'avez dit vous-même, la Cnil a estimé dans le considérant 14 de son avis que « les parties de photographies montrant les occupants des véhicules, qui ne seront pas exploitées dans le cadre de l'expérimentation, devraient être supprimées ou floutées dès que possible conformément au principe de minimisation des données ». Ainsi, à ce stade, même la Cnil n'a pas tranché entre la suppression et le floutage – ce sera l'objet de l'expérimentation.

Pour des raisons techniques, il m'est impossible de vous montrer ici les photos prises par le dispositif Lapi, mais je les tiens à votre disposition : vous pourrez constater qu'il est totalement impossible d'identifier des personnes.

Enfin, si une reconnaissance des personnes était possible et que le décret ne respectait pas toutes les conditions fixées par la loi, qui interdit l'exploitation des photographies, il pourrait être contesté et annulé par la justice administrative.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL144 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendements CL29 de Mme Marie-France Lorho et CL100 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

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Si l'on en croit les résultats de l'étude Breach Level Index de Gemalto, 5,6 millions de données personnelles sont piratées ou perdues chaque année, soit soixante-cinq par seconde. Dans ce contexte particulièrement préoccupant, il ne semble pas raisonnable que l'État puisse déléguer à un tiers une mission aussi sensible que le traitement des données collectées au titre de l'article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure. Les personnels liés à l'État ont le devoir d'agir à son service. L'intérêt que présente le commerce ou la transmission de telles données apparaît moins évident pour un fonctionnaire que pour un tiers prestataire. Il serait donc vertueux que l'État ne s'emploie pas à externaliser les tâches qui relèvent de son champ de compétences.

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Mon amendement CL100 est, en quelque sorte, un amendement de repli de celui de Mme Lorho ; il s'inspire d'un amendement transpartisan adopté par l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Si le traitement des données est confié à un tiers, ce dernier doit être « une entreprise qui répond à l'ensemble des règles de l'article 19.6 du référentiel d'exigences des prestataires de services d'informatique en nuage dit “SecNumCloud” ». Il s'agit de garder une certaine souveraineté sur ces données importantes et d'éviter que ces dernières soient volées ou utilisées par des tiers, notamment par d'autres États.

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L'article 11 prévoit déjà un recours très limité à la sous-traitance. Son alinéa 8 précise bien que « l'État assure la collecte, le traitement et la conservation des données à caractère personnel ainsi recueillies » ; seule la conception du traitement peut être soit assurée par l'État, soit confiée à un tiers. Tant le Conseil d'État que la Cnil ont relevé que la sous-traitance était limitée à la seule conception des outils de traitement ; ils ont considéré qu'il s'agissait là d'une garantie de proportionnalité du dispositif. Enfin, il n'apparaît pas souhaitable d'inscrire des référentiels réglementaires dans un texte législatif, comme le fait l'amendement CL100. Avis défavorable.

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L'amendement CL100 vise simplement à s'assurer qu'aucune règle extraterritoriale autre que les règles européennes ne peut s'imposer à ces traitements. La délégation à un tiers ne concerne certes que la conception, mais il est ici question de la conception des traitements. Or de nombreux opérateurs techniques œuvrant dans ce domaine sont d'origine étrangère – majoritairement américains, pour une partie israéliens. Rappelez-vous le scandale de Tesla il y a quelques semaines : on a appris que l'ensemble des images captées par les caméras des voitures étaient rapatriées aux États-Unis et exploitées à des fins récréatives par le personnel de l'entreprise. Ces données personnelles ne devraient pas quitter le territoire européen.

Le fait d'imposer le respect des règles de l'article 19.6 du référentiel SecNumCloud élaboré par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) – une instance que l'on a portée aux nues, avec raison, lors de l'examen de la loi de programmation militaire et de la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 – n'est pas un problème en soi. Il s'agit certes d'une référence réglementaire, mais la loi renvoie régulièrement à des décrets.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL145 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL56 de M. Antoine Léaument.

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L'alinéa 17 prévoit que le décret en Conseil d'État fixant les modalités de mise en œuvre de l'article 11, pris après avis motivé de la Cnil, n'est pas publié. Pour notre part, nous sommes favorables à sa publication, ainsi qu'à celle de l'avis émis par la Cnil. Les citoyens doivent avoir accès au décret en Conseil d'État afin de se faire leur propre opinion. Nous voulons le maximum de transparence sur cette question qui, comme l'a très bien dit M. Latombe, touche à la vie privée.

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La loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés prévoit bien que les actes réglementaires concernant certains traitements de données sensibles ne sont pas publiés. En l'espèce, en dépit de votre souhait de transparence, la publication du décret ne paraît pas opportune car la connaissance, par les citoyens et les trafiquants, de certaines informations relatives aux axes d'installation des dispositifs ou à leurs modalités de fonctionnement viendrait fragiliser l'expérimentation. Puisque vous avez vous-même rencontré des douaniers, vous savez que ces derniers ne sont pas favorables à cette publication. En revanche, il a été décidé au Sénat que le sens de l'avis de la Cnil serait rendu public. Avis défavorable.

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C'est dommage, je pensais obtenir un avis favorable, non sans m'attendre à l'argument qui nous est opposé.

Prenons l'exemple des radars de contrôle routier, dont on nous dit qu'ils ne sont pas là pour constater des infractions et faire gagner plein d'argent à l'État, mais pour dissuader les automobilistes de commettre des excès de vitesse. Si le décret en Conseil d'État était publié, les axes sur lesquels sont installés des dispositifs Lapi seraient connus, donc évités par les auteurs d'actes illégaux, ce qui permettrait de concentrer l'action des douaniers sur les autres axes.

Si les Lapi sont efficaces, ils détecteront les infractions, que leur emplacement soit rendu public ou non, et nous pourrons utiliser les douaniers ailleurs. Une telle complémentarité entre l'outil technique et l'être humain sera positive pour leur travail. Il y va de la transparence du dispositif comme de son efficacité.

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Monsieur Léaument, notre lune de miel s'arrête là. L'efficacité impose de ne pas rendre public le détail du traitement des données, ce qui consisterait à donner à ceux qui ne veulent pas être appréhendés toutes les recettes pour ne pas l'être.

Les textes prévoient que certains décrets, pris après avis – favorable, favorable avec réserves ou défavorable – de la Cnil, ne sont pas publiés, ce qui en l'espèce est absolument nécessaire : la publication du décret rendrait le dispositif inutilisable par les douanes. Or elles en ont besoin pour préparer des interventions relativement complexes, telles que l'interception des Go fast, qui se préparent à l'avance et supposent de disposer de certains outils, notamment des fréquences radio.

L'amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 modifié.

Article 11 bis (Art. 59 novodecies du code des douanes) (examen délégué) : Échange d'informations entre les douanes et les agents de la police aux frontières en matière de surveillance des frontières

Amendements de suppression CL75 de Mme Sandra Regol et CL60 de M. Antoine Léaument.

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Il s'agit de supprimer l'article 11 bis. Introduit par le Sénat, il ne s'inscrit pas du tout dans l'esprit du texte initial. Sa rédaction me semble peu encadrée. Il est question d'échange d'informations au sein de deux ou trois cadres juridiques qui ne vont pas très loin.

Le présent projet de loi est une loi d'urgence visant à remédier à l'inconstitutionnalité constatée d'une disposition en vigueur. Il serait dommage – c'est pourquoi nous essayons d'être un peu précis et que nous posons un maximum de questions – de retomber dans le même travers.

Par ailleurs, les informations concernées peuvent assez facilement s'avérer être des données sensibles, s'agissant par exemple d'images captées sous divers angles. Or le Sénat a adopté, il y a vingt-quatre heures, la proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public, qui inclut dans son champ d'application la reconnaissance faciale, auparavant interdite par tous les textes que nous avons adoptés ici.

Par conséquent, dans un contexte législatif qui évolue aussi rapidement et aussi mal, en dépit des promesses données – le Gouvernement ne s'est pas opposé à l'adoption de la proposition de loi précitée mais a donné un avis de sagesse –, il nous est difficile d'admettre que l'on puisse capter et échanger des données sensibles sans garde-fous. Nous devons à tout le moins nous assurer du respect des droits et des libertés de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

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La droite sénatoriale tente de contraindre la gestion des flux d'immigration, dont la réalité est éloignée de la submersion migratoire, de l'immigration incontrôlée, de l'immigration de masse et de la décadence de la France que nous assènent nos collègues des groupes Rassemblement national et Les Républicains.

En 2020, 370 000 personnes étaient bénéficiaires de l'aide médicale d'État (AME), soit 0,52 % de la population. D'après les chiffres du ministre Darmanin, qu'il tient du préfet Lallement, on dénombrait de 600 000 à 800 000 personnes étrangères en situation irrégulière sur notre territoire en 2022, soit 0,89 % à 1,19 % de la population. On est très loin de la crise des flux migratoires que nous opposent la droite et l'extrême droite, malencontreusement réunies sur ce point.

Nous nous opposons à la création d'un système de transmission d'informations entre les agents des douanes et les services de police et de gendarmerie chargés de la police aux frontières (PAF) dans le cadre de leur mission de contrôle des personnes aux frontières. Les missions de service public des douanes doivent être resserrées autour de la lutte contre les trafics et la criminalité organisée, de l'accompagnement personnalisé des entreprises évoluant à l'international et du contrôle des marchandises à l'import et à l'export.

Nous dénonçons que l'article 11 bis, issu d'un amendement de la droite sénatoriale, mette l'accent sur la lutte contre les personnes migrantes. Il procède de l'idée xénophobe de submersion migratoire. Le présent projet de loi n'a pas vocation à servir de tract aux groupes Les Républicains et Rassemblement national dans la course à l'échalote à laquelle ils se livrent avec la Macronie sur le thème de l'immigration.

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L'article 11 bis complète le code des douanes en y insérant une disposition prévoyant les modalités d'échange entre les douanes et les agents de la PAF en matière de surveillance des frontières. Il permet aux agents des douanes, de la police nationale et de la gendarmerie nationale chargés de mission de police aux frontières d'échanger, sur demande ou spontanément, tous les renseignements et documents détenus ou recueillis à l'occasion de leurs missions respectives en matière de franchissement des frontières.

La raison d'être de cette disposition tient à ce que l'article 59 bis du code des douanes soumet les agents des douanes au secret professionnel, sous réserve de dispositions dérogatoires qui ne s'appliquent pas à la surveillance des frontières. D'après la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), cela pose des problèmes sur le plan opérationnel. Dès lors, il ne semble pas opportun de supprimer la modification introduite par le Sénat. Avis défavorable.

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. Nous avons deux objections.

D'abord, à chacun son métier. Les agents des douanes ont suffisamment de travail à faire pour assurer la lutte contre le trafic d'êtres humains ainsi que le contrôle et la sécurisation des frontières. Nous redoutons, à entendre les priorités politiques annoncées, que la force de travail que sont les douanes dans la lutte contre les trafics – armes, stupéfiants, êtres humains – ne soit transférée à la PAF, d'autant qu'elles manquent d'ores et déjà de moyens.

Ensuite, notre amendement vise à interroger, de même que nous interrogeons la prohibition des stupéfiants, les politiques sécuritaires, voire militarisées, de protection des frontières et de prise en compte de la migration, menées, par exemple, par l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex). Lors de la dernière séance publique consacrée à l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), le Gouvernement a refusé d'ouvrir le débat sur les missions de Frontex et sur la corruption qui venait d'y être constatée. Tôt ou tard, il faudra l'ouvrir.

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L'article 11 bis est frappé au coin du bon sens. Il autorise les agents des douanes, qui ne sont ni policiers ni gendarmes, à transmettre les informations qu'ils recueillent à la PAF. Il n'y a là rien de choquant. Si les douanes saisissent de la marchandise illégale transportée par un individu faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) non exécutée, il est logique qu'ils en informent la PAF. Il y va de l'intelligence entre les polices.

Au demeurant, l'article 11 bis est très républicain. Vous ne manquez aucune occasion de nous donner des leçons de républicanisme, mais la République, c'est appliquer les lois d'un pays. Si les agents des douanes constatent des infractions dans le cadre du contrôle des marchandises, il faut qu'ils en informent les services de police et de gendarmerie. Nous sommes opposés à la suppression de l'article 11 bis.

La commission rejette les amendements.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 bis non modifié.

Article 11 ter (Art. 28-1-1 du code de procédure pénale) (examen délégué) : Création de la catégorie d'agents de douane judiciaire

Amendement de suppression CL76 de Mme Sandra Regol.

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. Cet article, introduit par le Sénat, modifie assez substantiellement le texte, contrairement à ce que vous avez dit, madame la rapporteure pour avis.

Il vise à créer le statut d'officier de douane judiciaire (ODJ), sur le modèle de celui des OPJ. Cela suppose à tout le moins de disposer d'une étude d'impact détaillant les effets d'une telle mesure sur la gestion des douanes et sur la sécurisation des frontières. Nous n'en avons pas, et pour cause : cet article est issu d'un amendement adopté à la va-vite par a droite sénatoriale, ce qui nous incite à en proposer la suppression.

S'il faut introduire une transformation du champ et de la capacité d'action des agents des douanes, dont chacun ici sait qu'aucun de leurs syndicats ne la demande, peut-être pourrions-nous prendre le temps, ultérieurement, d'enrichir le présent projet de loi dans des conditions correctes, plutôt que de travailler à la va-vite parce que certains ont reçu une condamnation sur le coin de la figure.

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Avis défavorable. Le statut d'ODJ est calqué sur celui, éprouvé, d'agent de police judiciaire. Concrètement, il permettra aux services d'enquête des douanes de gagner en efficacité et en rapidité.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL146 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 ter modifié.

Article 11 quater (Art. L. 242-5 du code de la sécurité intérieure) (examen délégué) : Recours aux drones par les agents des douanes afin de mieux détecter les mouvements transfrontaliers de tabac et mieux surveiller les frontières

Amendements de suppression CL61 de M. Antoine Léaument et CL73 de Mme Sandra Regol.

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. L'article 11 quater prévoit le recours aux drones pour assurer la protection et le non-franchissement des frontières. Ces solutions technologiques ne sont pas très efficaces. Surtout, elles participent d'une dérive que nous avons dénoncée lors de l'examen de la Lopmi et de celui du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, dont chacun a compris qu'il n'avait rien à voir avec les Jeux. Nous dénonçons cette espèce de foi – j'emploie ce mot volontairement – dans les outils technologiques.

Par ailleurs, nous devons dresser le bilan de cette forme de militarisation hypersécuritaire de la protection des frontières. Est-ce que cela marche ou non ? Voilà la question que nous devons nous poser, en conservant une distance froide avec ce que signifie cette évolution. Deux questions se posent, celle du respect des libertés publiques et de la protection des données sensibles que représentent les personnes elles-mêmes, et celle de l'efficacité.

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Il s'agit de supprimer l'article 11 quater, introduit par le Sénat. Nous avons d'ores et déjà voté de nombreuses dispositions sur le recours aux images de vidéosurveillance captées par aéronef ou par drone, fixe ou mobile. Sanctifiées en commission mixte paritaire (CMP), elles ont été bien encadrées par le Conseil constitutionnel, qui a rappelé au législateur qu'il ne fallait pas dépasser certaines limites. Elles viennent de l'être par le Sénat. Chacun comprendra donc que nous soyons un peu tatillons à ce sujet.

La police et la gendarmerie disposent d'ores et déjà de nombreux outils de surveillance, à distance et par imagerie, pour toutes les catégories d'infraction. La commission vient d'adopter un article, auquel nous nous sommes opposés, permettant aux douanes et à la police de partager leurs informations. Nous nous interrogeons donc sur la raison d'être de l'article 11 quater, qui semble redondant. Il ressemble plus à un cadeau offert à des gens qui ont besoin qu'une telle orientation soit inscrite dans la loi qu'à quelque chose d'utile. Or le ministre de la justice a rappelé, me semble-t-il, qu'il ne faut pas alourdir les codes, mais les simplifier.

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Cette disposition est utile. Elle permet notamment de visualiser les opérations de contournement et les manœuvres d'évitement des contrôles douaniers.

L'utilisation des caméras aéroportées est particulièrement encadrée par le législateur, qui a récemment légiféré à deux reprises sur le sujet, dans le cadre de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés puis dans celui de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Par ailleurs, les agents de la PAF et des douanes sont également considérés par le droit européen comme des garde-frontières, dont les missions incluent la surveillance des frontières.

Pour des raisons d'efficacité et parce que l'élargissement des compétences des agents des douanes prévu par l'article 11 quater me semble proportionné et cohérent avec leurs missions, j'émets un avis défavorable à sa suppression. Par ailleurs, j'indique que 1 654 douaniers sont actuellement en poste à des points de passage frontaliers.

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Ces amendements de suppression, même défendus par l'extrême gauche, m'étonnent. Ils ne conservent rien de l'article.

Cela signifie que vous supprimeriez la possibilité d'utiliser des drones pour lutter contre le trafic de tabac, alors même que ne pas y recourir est plutôt une exception. Or le trafic de tabac est à un niveau historiquement haut. Il entraîne pour l'État, s'agissant d'une marchandise dont le prix est essentiellement fait de taxes, une perte de recettes. C'est autant d'argent public qui nous est volé et qui ne finance pas les politiques publiques.

Cela signifie également qu'en matière d'immigration, vous ne partagez même pas les objectifs de lutte contre l'immigration illégale. Vous semblez être opposés par principe à toute utilisation de drones dans la lutte contre l'immigration. Malheureusement, les politiques pro-migratoires menées dans nos pays incitent des personnes à risquer leur vie pour franchir nos frontières, par la mer ou par la montagne. Les drones peuvent leur sauver la vie.

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Nous vivons dans la dystopie la moins fun qu'on puisse imaginer. Nous aurions pu voir dans l'usage des drones un moyen de trouver et d'aider toutes ces personnes qui fuient la guerre et traversent les montagnes ou meurent en Méditerranée.

Le trafic de tabac et de drogue n'est pas détectable par les seuls drones. Depuis le début de l'examen du texte, nous dénonçons le manque de moyens humains. Madame la rapporteure a avancé le chiffre de 1 654 douaniers aux frontières ; il en faudrait bien plus, comme en Allemagne, non seulement pour arrêter les chefs de réseaux, mais aussi pour accompagner les personnes.

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Madame la rapporteure, vous dites que les dispositions de l'article sont bien encadrées. J'ai dû mal m'exprimer. La Lopmi et la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions encadrent le périmètre d'usage des drones. Je viens de vous dire que le Sénat a adopté hier, avec l'accord du Gouvernement, représenté par le ministre qui a défendu les lois censées encadrer l'usage des drones, une proposition de loi prenant le contre-pied de toutes les dispositions que nous avons débattues et adoptées ici.

Il est difficile de considérer qu'une disposition est bien encadrée quand le Gouvernement reprend d'une main ce qu'il a donné de l'autre. Pour l'heure, l'encadrement dont vous parlez est en suspens. La proposition de loi précitée, soutenue par les membres du groupe Les Républicains et par les centristes, fait voler en éclat le cadre légal applicable à l'usage des images captées par drone et suspend les décisions européennes sur le droit à l'image. Votre réponse était peut-être valable il y a vingt-quatre heures ; elle ne l'est plus.

La commission rejette les amendements.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 quater non modifié.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

La séance est levée à 22 heures 15.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Sabrina Agresti-Roubache, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, Mme Élisa Martin, M. Didier Paris, M. Philippe Pradal, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, Mme Sarah Tanzilli, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Davy Rimane, M. Jean Terlier, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - M. Paul Molac, M. Alexandre Sabatou