La réunion

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La commission procède à l'examen, ouvert à la presse, et au vote sur le projet de loi n° 1812.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

La séance est ouverte à 9 h 45

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Notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama, relatif à l'exercice d'activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre. Notre commission a désormais l'habitude de l'examen de ce type d'accords.

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Nous sommes réunis ce matin pour examiner, en procédure d'examen simplifié, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord conclu par la France avec le Panama concernant l'exercice des activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de la France au Panama et du Panama en France.

L'approbation de cet accord, signé le 7 juillet 2022, a été adoptée par le Sénat le 26 octobre dernier. Ce texte poursuit un objectif simple : favoriser l'accès au marché du travail local des membres des familles des agents expatriés, afin de leur permettre de poursuivre leur carrière professionnelle au Panama. Notre commission a déjà examiné des accords similaires, par exemple avec la principauté d'Andorre, le Sri Lanka, le Kosovo ou encore le Sénégal.

L'examen de ce projet de loi m'offre l'occasion de rappeler que la France entretient des relations bilatérales solides et dynamiques avec la République du Panama. Sur le plan économique, le montant des exportations françaises vers le Panama s'élevait en 2022 à près de 354 millions d'euros, en hausse de 10 % depuis 2017. De nombreuses entreprises françaises sont implantées dans le pays, à l'image de Vinci, d'Alstom, de Thales ou de Veolia, et y jouent un rôle important dans le secteur du développement urbain durable, s'agissant par exemple de la maintenance des lignes de métro ou du traitement et de l'assainissement des eaux usées.

À ces relations économiques s'ajoute une coopération institutionnelle, notamment en matière éducative et judiciaire. Une convention de coopération éducative a ainsi été signée en 2019 pour créer un programme de bourses en faveur des étudiants panaméens qui souhaitent poursuivre une formation académique et scientifique en France. Nous entretenons également avec ce pays une coopération judiciaire, comme avec d'autres États d'Amérique latine, lesquels ont une tradition de droit romain très largement inspirée du droit français. Un accord conclu entre l'Institut supérieur de la magistrature du Panama et l'École nationale de la magistrature (ENM) prévoit des échanges et des formations communes entre magistrats français et panaméens. De fait, nous faisons face à des enjeux communs, notamment en matière de coopération policière et judiciaire. La signature, le 11 juillet dernier, de deux conventions d'entraide judiciaire, en matière pénale et d'extradition, illustre le renforcement des liens entre nos deux États.

Enfin, la France et le Panama partagent un engagement sincère en faveur du multilatéralisme, concernant plus particulièrement la défense de l'environnement. Les deux pays sont animés par la volonté de préserver la biodiversité, notamment dans le domaine maritime. Ainsi la France a-t-elle annoncé, lors de la conférence Our Ocean organisée par le Panama en mars 2023, qu'elle rejoignait le corridor marin de conservation du Pacifique tropical. Par ailleurs, l'Office français de la biodiversité (OFB) a signé récemment un protocole d'accord avec le parc national panaméen de Coiba.

J'en viens plus précisément à l'accord soumis à l'examen de notre commission. Ce texte est le fruit d'une démarche lancée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères en 2015 dans le but de faciliter l'accès à l'emploi des conjoints et des membres des familles des diplomates expatriés dans les pays d'accueil. Il est en effet difficile aux conjoints d'exercer une activité professionnelle, compte tenu des freins institutionnels et juridiques qui peuvent exister.

À ce jour, la France a conclu une cinquantaine d'accords bilatéraux en ce sens, dont une vingtaine sous la forme d'un simple échange de notes verbales ou de déclarations d'intention. Dans la mesure où les conjoints de diplomates en poste à l'étranger sont encore majoritairement des femmes, cette stratégie correspond aussi à l'un des engagements majeurs de la diplomatie féministe française : promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes, en levant les freins qui les empêchent de poursuivre une carrière professionnelle, inévitablement rendue plus complexe par l'expatriation.

Cette complexité s'explique par le fait que les employeurs locaux peuvent être réticents à embaucher une personne bénéficiant d'une immunité en tant que conjoint d'un diplomate, notamment en matière pénale, conformément aux règles prévues par les conventions de Vienne de 1961 et 1963.

J'ai auditionné la semaine dernière les services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui m'ont indiqué tirer un bilan très positif des accords bilatéraux conclus depuis 2015, afin de favoriser l'accès à l'emploi des conjoints d'agents d'expatriés. Le Quai d'Orsay constate ainsi que le taux d'emploi de conjoints de diplomates est supérieur dans les États avec lesquels la France a signé un accord.

Il s'agit aussi de rendre attractives, pour nos diplomates, des fonctions qu'ils sont susceptibles d'exercer dans des pays où leurs conjoints pourront accéder au marché du travail et disposer de sources de revenus. En l'occurrence, la vie est très chère au Panama.

L'accord signé avec le Panama le 7 juillet 2022 contient des stipulations largement similaires à celles des accords de même nature déjà conclus par la France. Le Panama a toutefois souhaité exclure du champ d'application du texte l'exercice d'activités non salariées, ce que la France a accepté. C'est l'une des limites de l'accord mais il n'est pas exclu qu'à l'usage il puisse y avoir une ouverture sur ce point.

L'accord précise que l'État d'accueil peut refuser l'autorisation d'exercer une activité professionnelle, s'agissant plus spécifiquement des professions réglementées, ce qui est assez usuel. La durée de l'autorisation délivrée par l'État d'accueil n'est valable que pendant la durée des fonctions de l'agent travaillant au sein de la mission officielle. Enfin, l'accord prévoit que les bénéficiaires de l'autorisation de travail jouissent d'une immunité de juridiction pénale pour les actes commis dans l'exercice de leur emploi.

Les effets concrets de l'accord seront par nature très limités. L'ambassade de France au Panama comprend actuellement treize agents, dont onze sont en couple. Aucun des onze conjoints n'exerce d'activité professionnelle à ce jour. Même s'il ne concerne qu'un faible nombre de personnes, l'accord témoigne des efforts engagés par le Quai d'Orsay pour améliorer les conditions de vie de ses agents expatriés. Ces dispositions soulèvent un vif intérêt de la part des conjoints des diplomates français à Panama. En revanche, aucun conjoint des diplomates panaméens à Paris – qui sont au nombre de sept à l'ambassade – n'a manifesté d'intérêt particulier à ce sujet. Cela peut toutefois évoluer. Nous espérons que ce type d'accord favorisera l'expatriation des familles et, ce faisant, permettra une meilleure intégration des diplomates.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à adopter le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord signé le 7 juillet 2022 avec le Panama.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Le groupe Renaissance soutient cet accord, dans la mesure où il devrait favoriser une meilleure insertion sociale des proches des agents français au Panama. Il s'inscrit dans la démarche de modernisation du cadre d'expatriation des agents engagée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour favoriser leur mobilité géographique. Il a pour objet de permettre, sur la base de la réciprocité, aux membres de la famille des agents officiels – diplomatiques, consulaires, administratifs et techniques – d'exercer, pendant la durée de l'affectation de ces derniers, une activité professionnelle après délivrance de l'autorisation de travail appropriée sur les territoires concernés par l'accord. Les femmes représentant la majorité des conjoints d'agents expatriés, l'accord vise à renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est un axe majeur de la politique étrangère française.

L'ambassade de France au Panama comprend actuellement treize agents, parmi lesquels onze vivent avec leur conjoint. Aucun de ces conjoints n'exerce d'activité professionnelle. L'accord facilite l'accès de ces derniers à l'emploi local, disposition d'autant plus bienvenue que le coût de la vie au Panama est particulièrement élevé.

Madame la rapporteure, les Français du Panama – pays situé dans votre circonscription – vous ont-ils fait part de ce sujet ? L'adoption de l'accord permettra-t-elle, selon vous, d'accroître l'attractivité des postes au Panama ?

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Le coût de la vie au Panama est en effet très élevé. Le balboa, qui est la monnaie locale, n'est quasiment pas utilisé ; l'économie est dollarisée. Le coût de la vie est comparable, voire supérieur à celui constaté dans les sociétés européennes.

Un certain nombre de ressortissants français, diplomates ou expatriés dans les instituts culturels ou au lycée français du Panama, m'ont fait part de leur inquiétude : ils se demandent s'ils pourront subvenir aux besoins de leur famille avec un seul revenu. C'est une question qui revient très régulièrement.

Nos compatriotes doivent faire face, dans ce pays comme dans d'autres, à un certain nombre de dépenses qu'ils n'auraient pas à engager en France. Si le nombre d'agents concernés par l'accord est limité, le signal que nous envoyons, grâce à cet effort diplomatique, favorisera l'intégration et améliorera les conditions de vie de nos concitoyens à l'étranger.

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La France entretient de bonnes relations avec le Panama, qui bénéficie d'institutions démocratiques et solides, ainsi que d'une croissance économique soutenue, fondée sur les services, notamment financiers. Sept ans après le scandale fiscal des Panama Papers, qui a mis en cause des personnalités et des entreprises européennes, le Panama fait encore office de paradis fiscal. La lutte contre la fraude fiscale demeure le parent pauvre de l'action internationale de la France et de l'Union. Cette situation nuit aux contribuables et aux petites entreprises des États membres, qui doivent supporter la pression fiscale.

L'accord dont il est question s'inscrit dans la continuité de notre coopération avec le Panama. Les membres des familles des agents diplomatiques bénéficient de certaines immunités qui peuvent faire obstacle à l'exercice d'une activité salariée. Bien souvent, il s'agit des conjointes, qui se trouvent privées d'emploi lorsqu'elles accompagnent leur époux en mission diplomatique. L'accord lève certaines immunités, afin de rendre leur statut compatible avec l'exercice d'une activité salariée au sein de l'État d'accueil.

Ces instruments ont montré leur efficacité : ils ont significativement augmenté le taux d'emploi des conjointes des agents diplomatiques en exercice dans des États avec lesquels la France a signé des accords. En contrepartie, les membres des familles ne peuvent plus se prévaloir de leur immunité de juridiction civile ou administrative, ni de leur immunité d'exécution pour toute question relative à leur emploi. En revanche, ils continuent de jouir de l'immunité pénale, sauf en cas d'infraction grave – auquel cas le pays peut, aux termes de l'accord, « examiner sérieusement la possibilité de renoncer à l'immunité du membre de la famille […] devant la juridiction pénale de l'État d'accueil ». Sur ce point, pouvez-vous préciser l'apport que représente l'ajout du terme « sérieusement » ?

Cet accord constitue un instrument international classique qui permettra au conjoint d'un agent diplomatique d'accéder plus facilement à l'emploi. En conséquence, le groupe Rassemblement national votera en sa faveur.

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À ma connaissance, de telles questions sont toujours examinées sérieusement. Notre relation avec le Panama repose sur la confiance. Certes, à partir de 2016, la France a considéré que le Panama était un État non coopératif sur le plan fiscal ; le pays a été placé sur les listes du Groupe d'action financière (GAFI). Toutefois, depuis lors, les choses ont évolué.

Des discussions ont lieu de manière continue avec les autorités panaméennes pour que l'on puisse faire sortir le pays de ces listes. Elles nous ont donné des preuves d'une traçabilité accrue et d'un plus grand sérieux dans la lutte contre la fraude fiscale. Notre relation est tout à fait équilibrée. Nous avons conscience de certaines limites mais entretenons un dialogue nourri. L'accord vise surtout à favoriser nos ressortissants sur place.

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Le projet de loi vise à autoriser l'approbation d'un accord entre la France et le Panama sur l'exercice d'activités professionnelles par les membres des familles des agents des missions officielles.

L'autorisation d'une activité professionnelle, valable pendant le temps d'affectation des agents, serait soumise à l'accord du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour les familles des agents français et à celui du ministère des affaires étrangères du Panama pour les familles des agents panaméens. Elle s'appliquerait majoritairement aux conjoints et permettrait de lutter contre les inégalités du travail entre les femmes et les hommes. Elle permettrait l'épanouissement des familles et favoriserait leur intégration dans le pays d'accueil des agents expatriés. L'ambassade de France et l'Alliance française au Panama en comptent respectivement treize et deux. Le Panama dispose quant à lui de dix agents dans son ambassade à Paris.

L'article unique du projet de loi a été adopté en première lecture au Sénat, après engagement de la procédure accélérée. Nous en partageons les vues et souhaitons son adoption rapide.

Cet examen nous offre l'occasion d'éclairer quelques angles morts. Le droit du travail et le système de sécurité sociale sont bien moins protecteurs au Panama qu'en France. Le salaire minimum y est d'environ 300 euros mensuels. Or cet accord ne dit absolument rien de l'ambition d'une harmonisation sociale. En revanche, il est spécifié dans l'étude d'impact que, lorsque le conjoint reçoit une rémunération supérieure à 18 000 euros annuels, le supplément familial ne sera plus versé. Mais il n'est nulle part fait mention d'une éventuelle progressivité de sa diminution en cas de rémunération inférieure à ce seuil.

Enfin, en 2011, le gouvernement de François Fillon a retiré le Panama de la liste française des paradis fiscaux, alors que, aujourd'hui encore, ce pays est légitimement perçu comme tel, ainsi que nous l'a rappelé l'affaire des Panama Papers. L'accord ne dit rien de la lutte contre la fraude fiscale qui, sous toutes ses formes, ampute les finances publiques de 80 à 100 milliards d'euros selon le syndicat Solidaires Finances publiques. Quid d'une imposition universelle pour les particuliers comme pour les entreprises, afin de lutter contre ce fléau ?

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Votre intervention nous rappelle que nous bénéficions en France d'un droit très protecteur et de nombreux avantages. On voudrait exporter nos conditions dans le monde entier mais ce n'est pas possible. Depuis l'étranger, nous nous rendons compte de tout ce que nous avons ici : un service public qui fonctionne très bien, des protections que d'autres citoyens n'ont pas. Nous vivons en effet bien mieux en France que dans beaucoup d'autres pays !

Les conjoints travaillant au Panama seront soumis à la législation panaméenne. Ils bénéficient déjà d'un certain nombre de privilèges et jouissent d'un statut particulier mais ils ne peuvent pas exercer leur activité professionnelle dans un système dérogatoire du droit commun.

En octobre 2023, le Panama a été retiré de la liste grise du GAFI. Évidemment, il lui reste des efforts à faire et il en a conscience. La France continue de travailler main dans la main avec les autorités panaméennes.

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Sous la précédente législature, M. Mattei et M. Coquerel avaient présenté à la commission des finances, dont j'étais alors membre, un excellent rapport sur l'imposition universelle, démontrant que si le principe en était solide, sa mise en œuvre était quasiment impossible à court terme.

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J'y suis, pour ma part, très fermement opposée. Les Français résidant ailleurs qu'en France ont des contraintes spécifiques : ils doivent payer l'école de leurs enfants, leur sécurité privée, leur système de santé ou de retraite. C'est pourquoi il n'est pas souhaitable de leur imposer la même charge fiscale que les Français en France.

Par ailleurs, il est très difficile de prélever cet impôt. L' Internal Revenue Service (IRS), l'administration fiscale des États-Unis, reconnaît ainsi que la charge du prélèvement de l'impôt ne compense pas toujours ce qui est rapporté. C'est une fausse bonne idée, qui revient pourtant très régulièrement dans le programme de La France insoumise.

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Je vous remercie, Madame la rapporteure, pour votre rapport, qui est très instructif. Ce nouvel accord s'inscrit dans une série d'accords adoptés sans difficulté par notre commission et notre Parlement. Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi essentiel et déterminant pour l'avenir de nos relations avec le Panama, en réalité surtout pour le bien-être de nos agents et de leurs familles.

Pour revenir au débat précédent, quand on voit que certains Américains, qui le sont devenus malgré eux, refusent la nationalité à laquelle ils pourraient prétendre pour éviter d'être soumis à l'impôt universel, cela prouve bien que ce ne peut pas être un objectif à atteindre.

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Effectivement, compte tenu du nombre de ses bénéficiaires à l'heure où nous parlons, l'accord peut sembler d'une importance plus modeste que celle qu'il revêt réellement. Mais plus la France signera ce type d'accords, plus les métiers de la diplomatie et l'expatriation dans les services culturels ou dans les lycées français seront attractifs. C'est essentiel pour l'influence de notre pays.

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Je tiens à revenir sur deux confusions qui me gênent un peu. Tout d'abord, les Panama Papers ne parlent pas du Panama. C'est une firme panaméenne qui a été hackée mais l'affaire concernait un Panaméen pour plus d'une centaine de Français. Qu'on ne fasse pas porter au Panama une faute qui n'est pas la sienne.

Ensuite, ce que pratiquent les États-Unis, c'est l'extraterritorialité : une forme de néocolonialisme qui n'a rien à voir avec la notion assez généreuse, quoiqu'utopique, de l'impôt universel. Il y a des Américains accidentels – et non « malgré eux » – qui découvrent parfois à 45 ans qu'ils ne peuvent pas emprunter en France, parce que leur avion est passé au mauvais moment au mauvais endroit. Cela relève d'une attitude très impérialiste.

Madame la rapporteure, nous sommes tous favorables à ces accords, lesquels, on le dit trop peu, concernent aussi des opérateurs, comme Expertise France, dont on parle moins depuis qu'il a été réorganisé et qu'il a moins de problèmes. Je ne crois pas, en revanche, que le lycée du Panama soit concerné, dans la mesure où il est géré localement. Ce type d'accord est très important pour nos opérateurs, qui sont les premiers ponts vers les coopérations économiques et culturelles.

Pouvez-vous nous indiquer combien de Panaméens sont concernés par cet accord ? En tout état de cause, mon groupe soutiendra ce texte, comme les vingt-huit précédents.

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À l'heure actuelle, sept Panaméens de l'ambassade du Panama en France sont concernés. Même si l'impact de l'accord est limité voire nul pour les Panaméens en France aujourd'hui, il n'est pas à exclure que d'autres agents puissent en bénéficier par la suite, d'autant que la France et le Panama tentent de renforcer leur coopération sur les plans éducatif, culturel et académique.

L'affaire des Panama Papers a été très médiatisée et vous faites bien de rappeler qu'elle concernait des individus partout dans le monde. Elle a néanmoins mis en lumière un système panaméen qui permettait ce type de fraude fiscale. Ces dernières années, le pays a accompli de véritables efforts et de nombreux audits ont été menés pour lui permettre de réguler davantage ces pratiques.

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Je remercie Mme la rapporteure pour son rapport éclairant, qui met à profit un accord relativement technique mais pas anodin, pour nous offrir une synthèse de la situation politique et économique au Panama.

Lors de l'audition de l'ambassadeur de France au Niger, M. Sylvain Itté, la semaine dernière, nous avons toutes et tous été touchés par l'investissement et l'abnégation nécessaires à nos diplomates, qui représentent la France à l'étranger. La moindre des choses est de leur permettre de remplir leur mission sereinement, avec leurs proches à leurs côtés, notamment en assurant à ces derniers un accès au marché du travail local. Cela vaut bien entendu aussi pour les familles des diplomates étrangers missionnés en France. Nous voterons donc cet accord nécessaire et positif, en espérant que d'autres suivront, avec d'autres pays.

Plus largement, comment analysez-vous la situation politique au Panama, entre les grandes manifestations de juin 2022 contre la vie chère et celles, plus récentes, contre l'exploitation de la plus grande mine de cuivre d'Amérique centrale ?

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In cauda venenum ! La fin de l'intervention de M. David est la plus redoutable pour notre rapporteure.

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Je vous remercie d'avoir rappelé les conditions de vie et les difficultés de nos agents à travers le monde. Pour la deuxième année consécutive, nous avons collectivement voté une augmentation du budget du Quai d'Orsay, ce qui n'avait pas eu lieu en trente ans. Il est important d'encourager tous les efforts visant à renforcer les moyens financiers et humains dont dispose ce ministère essentiel au rayonnement de la France et à la résolution de crises. On a pu voir ces derniers temps le rôle crucial que jouent nos représentations diplomatiques, lorsqu'un conflit éclate ou s'intensifie.

Vous avez également bien fait de rappeler que la vie n'est pas un long fleuve tranquille au Panama, qui a connu récemment d'importantes manifestations. Le lycée français a été fermé en juin pendant plusieurs jours. Des couvre-feux ont empêché nos concitoyens de se déplacer. Après avoir bénéficié d'une croissance économique à deux chiffres pendant des années, le pays a subi un ralentissement très brutal lors de la crise sanitaire. Sans vouloir faire de parallèles hasardeux avec la situation française, puisque l'Union européenne a tendu des filets de sécurité dont n'ont pas bénéficié les pays latino-américains, il est intéressant de comparer la reprise des pays européens à d'autres, dans un contexte où l'on s'interroge sur l'utilité de l'Union européenne ou sur la pertinence de nos politiques. C'est cette récession qui explique en partie les mouvements de mécontentement.

Les manifestations contre la mine de cuivre n'ont pas les mêmes causes. Un projet d'exploitation par une société étrangère suscitait un débat sur les plans économique et écologique, auquel est venu s'ajouter un conflit entre le président et le vice-président, qui est candidat aux prochaines élections présidentielles. La crise est à la fois écologique, économique et politique.

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Les accords pour faciliter l'accès à l'emploi des familles des diplomates sont essentiels car les fonctions diplomatiques des conjoints ou tuteurs imposent aux membres de ces familles d'exercer un métier loin de leur pays d'origine. Afin de faciliter la mobilité de ses agents, le Quai d'Orsay a actualisé en 2017 sa stratégie pour un ministère du XXIe siècle.

À ce jour, vingt-neuf accords similaires à celui que nous examinons ont été conclus. Ils permettant à davantage de familles de pouvoir s'intégrer pleinement dans les pays où elles sont expatriées. Les stipulations de ces accords sont destinées à sécuriser juridiquement l'accès au travail des membres des familles de diplomates français.

Le coût de la vie au Panama est particulièrement élevé pour les familles des treize agents de l'ambassade. Le marché de l'emploi local offre des opportunités dans les domaines du tourisme, de l'hôtellerie et de l'événementiel. Une trentaine de grandes entreprises françaises sont présentes dans ce pays, dans des secteurs très divers. Grâce à cet accord, les familles des agents français pourront exercer un métier tout en continuant de bénéficier d'une immunité.

Si l'accord ne concerne que l'activité professionnelle des familles des agents diplomatiques sur place, il est important de le replacer dans le contexte plus large des relations entre la France et le Panama. Ce pays est placé sur la liste des États et territoires non coopératifs en matière fiscale et les Panama Papers ont prouvé qu'il reste un paradis fiscal. Parallèlement à l'accord, la France doit bien évidemment continuer le travail diplomatique pour faire pression sur les États inscrits sur la liste noire du GAFI et renforcer la coopération en matière fiscale. Elle doit aussi agir de manière bilatérale avec le Panama pour lutter contre le trafic de drogue, le blanchiment de capitaux et la corruption.

Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.

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En octobre dernier, une délégation panaméenne s'est rendue en France, précisément dans le cadre des efforts de transparence menés par ce pays. Une loi sur la transparence en matière fiscale a été adoptée par le Panama en mars 2022 et les efforts consentis sont réels.

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Cet accord permet aux conjoints des diplomates de travailler mais donne-t-il réellement du boulot aux gens ? Cette question pourrait être étendue aux vingt-huit accords du même type.

Certains emplois sont-ils interdits par le Quai d'Orsay aux membres des familles des diplomates français en poste à l'étranger ? Y a-t-il eu des dérives en la matière ?

Au Panama, le manque d'eau limite l'exploitation du canal. L'évolution climatique fait peser une menace sur ce lien entre deux océans, alors que le canal représente une part importante de l'économie du pays. Des actions sont-elles engagées par le Panama, éventuellement avec le soutien de la communauté internationale, pour préserver cette route maritime ?

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Je vous remercie de ne pas avoir rappelé que le Panama avait été, en d'autres temps, une grande source d'augmentation de la rémunération des parlementaires.

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Vous avez raison : c'est très bien d'avoir l'autorisation de travailler mais encore faut-il pouvoir le faire. Les responsables du ministère que j'ai entendus pour préparer le rapport ne disposaient pas de données précises sur le travail des membres des familles mais le retour d'expérience montre globalement que ces derniers travaillent davantage dans les pays avec lesquels nous avons conclu un accord de ce genre.

En ce qui concerne le Panama, les entreprises françaises qui y sont implantées, assez nombreuses, constituent des employeurs potentiels, de même que le lycée français qui, comme c'est souvent le cas pour les lycées conventionnés, recrute parmi les expatriés pour pourvoir des postes de professeurs. Je profite de votre question pour saluer le travail réalisé par la Fédération internationale des accueils français et francophones d'expatriés (FIAFE) et par les associations qu'elle représente, qui aident à trouver des emplois à travers le monde et au Panama. Pour les personnes qualifiées, il est assez facile d'accéder au marché du travail panaméen, à condition bien entendu de parler espagnol ou au moins anglais.

Le canal de Panama était en effet dans un état déplorable cet été. Je ne sais pas quelles sont les initiatives prises par le Panama sur ce point mais, lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui s'est tenu à Paris en juin dernier, il a été beaucoup question de taxer le commerce maritime, qui est l'une des activités humaines les plus polluantes mais aussi les moins régulées. Cela fait partie des pistes pour faire participer davantage les principaux opérateurs du commerce maritime au financement des investissements nécessaires pour adapter le canal au changement climatique.

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Nous en venons aux questions de Mme Véronique Besse, au titre des non-inscrits.

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Je soutiens évidemment cet accord, qui est une bonne nouvelle pour les familles des agents de notre ambassade et des missions officielles au Panama. Il s'inscrit dans la bonne dynamique qui résulte de la stratégie mise en place par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Dans quel délai cet accord, une fois ratifié, produira-t-il ses effets pour les conjoints des personnels diplomatiques ?

Je suis un peu étonnée que les activités non salariées aient été exclues de l'accord par le Panama. Sait-on pourquoi ?

Sommes-nous assurés d'une réelle réciprocité dans l'application de l'accord du 7 juillet 2022 ? Le processus de ratification a-t-il été engagé par les autorités panaméennes ?

Sait-on à quel point l'absence d'accord a constitué jusqu'à présent un frein à la mobilité, du fait des limites posées à l'emploi des conjoints ?

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Il est difficile de savoir pourquoi un agent ne postule pas à un poste ou le refuse car il n'a pas à motiver sa décision. À ma connaissance, il n'y a pas eu davantage de postes qui soient restés vacants au Panama qu'ailleurs. En revanche, comme dans d'autres pays de la région où le coût de la vie est régulièrement invoqué comme une difficulté, on a pu remarquer que les expatriés étaient plus souvent jeunes et célibataires ou en couple mais sans enfants. On peut légitimement penser qu'il existe un lien avec un coût de la vie très élevé lorsqu'il s'agit de pourvoir aux besoins d'une famille. Il s'agit d'observations empiriques mais elles montrent que cet accord ne pourra pas faire de mal.

La réciprocité est garantie par l'accord et son application sera très rapide, puisqu'elle interviendra dès sa ratification. Dès que les freins existant seront levés, les membres des familles des agents expatriés pourront plus facilement exercer un emploi. En trouver un ne devrait pas poser trop de problèmes, compte tenu de l'état du marché du travail au Panama.

Vous relevez aussi un point essentiel : l'accord autorise seulement le travail salarié. J'ai demandé quelle en était la raison aux représentants du Quai d'Orsay ; ils m'ont indiqué qu'ils n'avaient pas réussi à faire accepter les autres types d'activités professionnelles, quand bien même des accords similaires, conclus avec d'autres pays, les autorisent. Cette restriction est regrettable ; je l'admets volontiers. Elle peut s'expliquer par la législation panaméenne, notamment en ce qui concerne les autoentrepreneurs ou les professions libérales. J'espère que cela pourra évoluer car ce type d'accord peut être modifié par échange de lettres.

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Nous en venons à une autre question de M. Frédéric Petit, à titre individuel.

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Pour rebondir sur la question de M. Lecoq à propos d'éventuels emplois interdits, je pense que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères devra aussi se pencher sur la question de la double nationalité. Par exemple, ma fille ne pourrait pas postuler à un stage à l'ambassade de France à Varsovie car elle est binationale. J'ai pu constater que cette question s'était posée dans de nombreuses représentations diplomatiques françaises et qu'elle n'était pas réglée de manière uniforme, comme c'est souvent le cas dans ce ministère. La binationalité des agents ou de leurs familles n'est pas encore bien prise en compte.

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Je suis assez surprise car la France est précisément l'un des rares pays ou la binationalité ne limite pas les droits, alors que c'est le cas dans de nombreux États. Un binational peut travailler au Quai d'Orsay, voire être député : j'ai moi-même trois nationalités.

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Je suis par exemple de nationalité dominicaine et je ne pourrais pas être employée par l'ambassade de la République dominicaine en France car je suis binationale. En revanche, je pourrais travailler dans la diplomatie française. Il faut examiner précisément les cas auxquels M. Petit a fait allusion.

Article unique (approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif à l'exercice d'activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, signé à Panama le 7 juillet 2022)

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

La séance est levée à 10 h 50

******

Informations relatives à la commission

En ouverture de sa réunion, la commission désigne :

- Mme Maud Gatel, rapporteure sur la proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 (n° 1202) ;

- Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée relatif à la mobilité des professionnels et des stagiaires, signé à Paris le 17 septembre 2015, modifié par le Protocole signé à Séoul le 14 avril 2023 (sous réserve de son dépôt) ;

- M. Hadrien Ghomi, rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, signé à Port-Moresby le 31 octobre 2022 (sous réserve de son dépôt).

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Xavier Batut, Mme Véronique Besse, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, Mme Éléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Alain David, Mme Julie Delpech, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, Mme Stéphanie Galzy, M. Guillaume Garot, Mme Maud Gatel, M. Hadrien Ghomi, Mme Olga Givernet, Mme Claire Guichard, M. David Habib, Mme Marine Hamelet, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Yaël Menache, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Adrien Quatennens, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, Mme Michèle Tabarot, M. Frédéric Zgainski

Excusés. - M. Carlos Martens Bilongo, M. Sébastien Chenu, M. Thibaut François, M. Michel Guiniot, M. Meyer Habib, M. Alexis Jolly, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, Mme Marine Le Pen, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. Laurent Marcangeli, M. Nicolas Metzdorf, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, M. Didier Parakian, Mme Béatrice Piron, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Liliana Tanguy, Mme Laurence Vichnievsky, M. Lionel Vuibert, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann