La réunion

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La commission examine, en lecture définitive, le projet de loi de finances pour 2024 (n° 2009) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général).

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Cette réunion qui va conclure nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 se tient après deux changements successifs de date et d'heure d'examen en séance. Le budget, pourtant l'un des textes les plus importants qui soient adoptés par l'Assemblée nationale, devient une variable d'ajustement du calendrier parlementaire. Ce n'est ni très respectueux, ni très sérieux.

Cette lecture définitive est l'occasion de vous présenter un bilan chiffré de ces trois derniers mois.

Depuis le 27 septembre, date de dépôt du projet de loi de finances pour 2024, notre commission s'est réunie, sans compter la présente réunion, à quarante-trois reprises. Elle a consacré trente et une de ces réunions au PLF pour 2024.

Sur ce texte, en commission, en première lecture, 6 356 amendements ont été déposés, 4 753 examinés et 550 adoptés, contre 3 107 amendements déposés, 2 189 examinés et 205 adoptés l'année dernière. Nous avons consacré à cette première lecture en commission un peu plus de quatre-vingt-dix-huit heures, contre soixante-neuf heures cinquante l'an dernier. Cela confirme le fait que la menace du 49.3 pesant sur la séance publique reporte les débats vers la commission des finances.

Nous avons consacré sept heures trente, contre six heures dix l'an dernier, à la nouvelle lecture en commission, au cours de laquelle 657 amendements ont été déposés, 528 examinés et 232 adoptés – contre 358 déposés, 293 examinés et 183 adoptés l'an dernier.

En séance publique, l'examen du PLF en première lecture a duré cinquante-trois heures trente-cinq, contre quatre-vingt-douze heures trente-huit l'an dernier. Cette année en effet, le 49.3 a été déclenché sur la première partie de façon très précoce. Cela n'a permis d'examiner que 522 des 9 845 amendements déposés sur l'ensemble du texte, et aucun sur la première partie. On peut relever que le nombre d'amendements a crû significativement par rapport à l'année passée, où 6 971 amendements avaient été déposés en première lecture en séance, et 1 214 examinés.

En séance publique, en nouvelle lecture, je n'ai pas besoin de vous rappeler qu'aucun des 744 amendements déposés n'a été examiné.

Avec 17 602 amendements déposés au total, en commission ou en séance, le PLF est cette année très au-dessus de la moyenne des PLF de la précédente législature, qui s'établissait déjà à près de 9 800 amendements, et également très au-dessus du record de l'année dernière, qui était de 11 142 amendements. Je n'en tire pour le moment aucune conclusion, mais il me paraît important de vous donner ces chiffres.

J'en viens à la lecture définitive d'aujourd'hui. Mme la Première ministre a fait savoir à Mme la présidente de l'Assemblée nationale que le Gouvernement, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution, demande à notre Assemblée de bien vouloir statuer définitivement.

À ce stade de la discussion, conformément à l'article 45 de la Constitution, il n'est possible de modifier le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale qu'en reprenant, le cas échéant, un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture.

Cet après-midi, le Sénat a voté la motion présentée par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances et tendant à opposer la question préalable au texte considéré comme adopté en nouvelle lecture par notre Assemblée.

La seule question qui nous est donc posée est celle de savoir si nous approuvons l'adoption en lecture définitive du texte considéré comme adopté en nouvelle lecture par notre Assemblée.

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Moi non plus, monsieur le président, je ne suis pas très heureux de cet agenda bousculé. Toutefois, une des raisons principales de ces changements est que certains responsables de la NUPES ont souhaité que le texte soit inscrit aussi vite que possible à l'ordre du jour de la séance publique, afin qu'une éventuelle motion de censure ne soit pas débattue trop tard dans la semaine.

Il est vrai que le nombre d'amendements a été particulièrement important : presque sept fois plus qu'il y a sept ans. Déposer des amendements est évidemment un droit fondamental de chacun d'entre nous, mais ce grand nombre ne contribue pas à la clarté de nos débats, et les priorités de chacun n'étaient pas toujours bien lisibles. Je ne jette la pierre à personne et je nous invite collectivement à améliorer nos façons de procéder pour l'année prochaine.

Le travail parlementaire a tout de même fait évoluer le texte, puisque 358 amendements ont été repris en première partie et 130 en seconde partie. Il faut le voter, parce qu'il correspond à un exercice de responsabilité à trois égards : il permet de soutenir le pouvoir d'achat et de réarmer nos services publics, notamment les ministères régaliens ; il érige l'urgence climatique en priorité, avec un renforcement record des budgets de la transition écologique, qui atteindront 40 milliards l'année prochaine ; enfin, il nous permet de réduire notre déficit et de maîtriser nos dépenses publiques, ce qui est une obligation, cette année comme les suivantes.

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En nouvelle lecture, monsieur le rapporteur général, vous m'avez demandé de retirer mon amendement relatif aux harkis, au motif que le Gouvernement en avait déposé un similaire au Sénat et que le mien était satisfait. Depuis, j'ai analysé cet amendement du Gouvernement : il fait certes progresser la loi pour les veuves de harkis, mais il maintient les disparités entre les harkis et les conjoints de harkis – et tout cela pour 5 petits millions d'euros.

Mon amendement était nécessaire et je voulais vous le dire.

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Dix-sept mille six cent deux amendements, c'est inimaginable ! Nous devons réfléchir, individuellement et collectivement, à un mode de fonctionnement plus adapté. On peut contester l'usage du 49.3, mais il est évident que sinon, on y était encore à Pâques ! Or le budget doit être adopté avant la fin de l'année.

Nous devons être plus sérieux lorsque nous déposons des amendements. Cette inflation nous contraint et contraint le Gouvernement. Par ailleurs, certains amendements ont été repris, il faut le souligner.

C'est après un travail difficile et très intéressant des services, de nos collaborateurs et de la commission que nous sortons enfin de ce tunnel budgétaire.

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Nous reviendrons sur cette question dans le cadre du bureau de la commission. Je considère que l'on ne peut pas revenir sur l'exercice du droit constitutionnel d'amendement, qui est individuel. En revanche, on peut faire des propositions relatives à l'organisation des débats : avec le rapporteur général, nous avons décidé d'y travailler. Le nombre d'amendements qui ont été examinés en commission est certes étroitement lié au 49.3, qui est la première cause du problème, mais le volume d'amendements déposés en séance aurait de toute façon empêché, si nous avions débattu, de respecter le calendrier. Nous devons donc aussi réfléchir aux modalités de la discussion normale du projet de loi de finances.

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La succession des 49.3 et la modification continuelle des dates et des horaires conduit à nous priver de notre droit d'expression et à transformer l'examen du budget en un acte mineur. C'est pourtant la principale expression politique et économique de la politique gouvernementale.

Sur les questions sociales et écologiques, vous privilégiez la politique du saupoudrage. Vous refusez de supprimer des niches fiscales onéreuses et injustifiées. Ainsi, nous avions proposé de mettre fin à la taxe au tonnage, qui a coûté 4,2 milliards d'euros sur les années 2021 et 2022.

En même temps, vous créez des dépenses fiscales tout en vous faisant les chantres de la rigueur budgétaire. Le Gouvernement affirme s'engager en faveur du logement social et de la transition écologique. Pourtant, il ponctionne les fonds de l'épargne réglementée, qui finance les logements sociaux et la transition écologique, au profit de l'industrie de la défense. Ces mesures résultent de deux amendements déposés en commission des finances, lors de l'examen du PLF, par deux députés de la majorité relative. Bien que l'un n'ait pas été soutenu et que l'autre ait été rejeté, le Gouvernement les a retenus dans le texte considéré comme adopté par application de l'article 49.3. Nous avons découvert ces cavaliers budgétaires a posteriori. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que nous déposions des motions de censure ! La coconstruction, dont vous ne cessez de parler, est inexistante.

Vraiment, il est regrettable que nous disposions de si peu de temps pour nos explications de vote. Tout cela commence à bien faire.

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Je vous ai laissé deux minutes, conformément à nos règles habituelles en commission.

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Mes chers collègues, à quoi servons-nous ? On nous dit, préalablement à la discussion en commission, que le 49.3 sera systématiquement utilisé pour faire passer la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. C'est l'un des facteurs qui conduit à cette explosion du nombre d'amendements, voire à une certaine « irresponsabilité » dans les votes – puisqu'ils ne reviennent qu'à exprimer de vagues souhaits : le Gouvernement fait son shopping ensuite. Ce n'est plus un système parlementaire, ni même démocratique.

Tous les groupes pourraient se mettre d'accord sur un nombre plafond d'amendements, par exemple 1 000 ou 1 200, qui permettrait de respecter les délais constitutionnels de vote. Sinon, on ne sait pas où l'on va. Voilà trente ans que je suis membre de cette commission : je n'ai jamais connu une telle situation. Même la minorité présidentielle est contaminée par cette dérive ! Autrefois, la majorité était censée se taire et soutenir le gouvernement. Là, nous avons voté des amendements du Modem, à une très forte majorité, qui ont ensuite été balayés. C'est un véritable problème de fonctionnement.

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Ce n'est en tout cas pas un problème de fonctionnement de la commission. Et je m'opposerai à ce qu'on limite le nombre d'amendements par groupe car le droit d'amender est individuel.

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Le problème ne vient pas de notre commission ni de son président mais des choix politiques de cette majorité relative qui, par des annonces de recours au 49.3 de plus en plus précoces, empêche toute forme de débat. Cette année, nous n'avons même pas eu l'occasion de débattre du moindre amendement en séance, ce qui est inédit et n'annonce rien de bon. Le grand nombre d'amendements déposés est une réponse à l'impasse démocratique dans laquelle vous nous avez conduits – vous allez bientôt recourir à votre vingt-troisième 49.3 ! Il ne nous reste que la commission pour débattre du fond.

Madame Dalloz, je vous rappelle que votre groupe est le champion du nombre d'amendements puisqu'il en a déposé 1 546. C'est très loin d'être proportionnel au poids des groupes.

Nous sommes fortement opposés à ce PLF, qui n'offre aucune réponse aux crises sociales, démocratiques et écologiques, mais plutôt des fuites en avant très graves de la part du Gouvernement. Vous nous reprochez d'être très réticents à nous engager dans la coconstruction, mais on voit ce que ça donne lorsque vous vous en servez, comme en ce moment, pour bâtir des lois réactionnaires et xénophobes.

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La succession des 49.3 dans le cadre de l'examen du PLF pour 2024 – dont il est à craindre qu'ils se reproduisent l'année prochaine – s'explique par le fait que la minorité présidentielle ne souhaite pas le débat. L'examen en commission est le seul moment où la discussion peut se tenir, ce qui explique que l'on y passe des heures. L'année dernière, nous avions pu débattre de la première partie dans l'hémicycle ; il n'en a rien été cette année. De même, nous avons examiné beaucoup moins de missions en deuxième partie. Je n'ose imaginer ce que sera la suite du quinquennat. J'espère que la minorité présidentielle et le Gouvernement reprendront leurs esprits et rendront possible la discussion budgétaire même en cas d'emploi du 49.3 : ce serait la moindre des choses. Si nous ne nous engageons pas dans cette voie, nous connaîtrons des tensions de plus en plus fortes.

La commission rejette le projet de loi de finances pour 2024 dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 19 décembre 2023 à 16 heures 30

Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Manuel Bompard, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Christine Decodts, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, Mme Marina Ferrari, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Emmanuel Lacresse, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Denis Masséglia, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi, Mme Mathilde Paris, Mme Christine Pires Beaune, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Michel Sala, M. Nicolas Sansu, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - M. David Amiel, M. Karim Ben Cheikh, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic, M. Jean-Paul Mattei

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann