Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Réunion du mercredi 13 décembre 2023 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures.

Au cours de sa réunion du 13 décembre 2023, la commission a procédé, à huis clos, à l'examen du projet de rapport.

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Cette dernière réunion de notre commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir est consacrée à l'examen du projet de rapport et au vote sur son adoption. Je rappelle que la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a accepté, à la fin du mois de juin, la constitution de cette commission d'enquête, à la demande du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES et de notre collègue Hubert Wulfranc.

Notre réunion constitutive s'est tenue le 11 juillet dernier, mais nos travaux n'ont réellement débuté qu'en septembre. Entre le 12 septembre et le 14 novembre, soit en l'espace de deux mois, nous avons procédé à cinquante-cinq auditions et tables rondes représentant près de soixante-seize heures de réunion, au cours desquelles nous avons entendu cent sept personnes. Nous avons notamment auditionné tous les ministres chargés des transports depuis 1995 et tous les présidents de la SNCF depuis 1996, ce qui donne à nos travaux, un intérêt historique tout particulier.

Je rappelle également que des délégations de la commission d'enquête ont effectué des déplacements à la gare de triage de Woippy et à Fos-sur-Mer, où elles ont pu s'entretenir avec des cheminots, des cadres de terrain, des clients de Fret SNCF et des élus locaux.

Je tiens à remercier l'ensemble des membres de la commission d'enquête qui se sont investis dans nos travaux ; quelles que soient nos différences, nous sommes tous attachés à la pérennité d'une solution de fret ferroviaire publique, à même d'assurer une mission d'intérêt général à caractère économique. Je salue tout particulièrement le travail conduit par M. le rapporteur, qui a fait montre de qualités humaines exceptionnelles et d'une modestie dans le travail qui lui a permis de devenir, en quelques semaines, un réel expert du sujet – je me permets de le dire puisque j'ai beaucoup travaillé sur les transports ces dernières années ; je tiens à dire tout le plaisir que j'ai eu à travailler avec lui, même si – cela ne surprendra personne – je suis en profond désaccord avec certains points de son rapport.

Je vous propose d'organiser ainsi notre réunion : M. le rapporteur exposera tout d'abord les grandes lignes de son rapport et ses conclusions ; puis, je lancerai le débat par quelques remarques que m'inspire le rapport avant que nous n'entendions les commissaires qui souhaiteront s'exprimer ; à l'issue de cette séquence, M. le rapporteur pourra, s'il le veut bien, apporter les réponses et les précisions qu'il jugera nécessaires ; nous passerons enfin au vote sur l'adoption du projet de rapport.

La procédure s'inscrit dans un cadre précis.

En cas d'adoption, l'article 144-2 du règlement dispose que le rapport « est remis au président de l'Assemblée. Le dépôt de ce rapport est publié au Journal officiel . Sauf décision contraire de l'Assemblée constituée en comité secret dans les conditions prévues à l'article 51, le rapport est imprimé et distribué. Il peut donner lieu à un débat sans vote en séance publique. La demande de constitution de l'Assemblée en comité secret à l'effet de décider, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport, doit être présentée dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du dépôt au Journal officiel . » Pour respecter ce délai et compte tenu du fait que le dépôt sera, le cas échéant, publié au Journal officiel de demain, le rapport ne pourra être rendu public que le mercredi 20 décembre. Dans l'intervalle, aucune communication ne devra être faite des conclusions du rapport et du contenu non public de nos travaux.

En cas de rejet, le projet de rapport n'est pas publié et sa divulgation est passible de sanctions pénales. Le dernier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 dispose que : « Sera punie des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans, sous réserve des délais plus longs prévus à l'article L. 213-2 du code du patrimoine, divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d'une commission d'enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information. »

J'indique d'ores et déjà que je m'abstiendrai lors du scrutin portant sur la publication du rapport, cette position pouvant évoluer selon les discussions que nous aurons avec M. le rapporteur. Les travaux sont suffisamment nourris pour qu'ils soient portés à la connaissance de l'Assemblée nationale et du public ; j'exprimerai, le cas échéant et dans une annexe, mes divergences avec les positions du rapporteur – ceux qui souhaitent apporter une contribution peuvent le faire jusqu'à vendredi 15 décembre, dix-huit heures.

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À mon tour de vous remercier, monsieur le président, pour l'animation efficace de nos travaux et, surtout, pour votre contribution, assise sur votre connaissance fine des questions relatives aux transports, à notre réflexion. Nous avons travaillé dans le respect des uns et des autres et avec sérieux, même si, comme vous l'avez indiqué, nous nous séparons sur les conclusions. Je tiens à remercier l'ensemble des collègues de la commission, dont la plupart, de toutes sensibilités, ont activement participé à nos auditions ainsi que les administrateurs qui nous ont accompagnés.

Je ne vais pas me livrer à un commentaire du rapport qui vous a été distribué. Je me contenterai de mettre en lumière trois points.

Nous nous sommes penchés sur une matière très complexe, largement méconnue voire volontairement ignorée, alors qu'elle se révèle stratégique comme la crise du covid l'a montré. La technicité industrielle du fret ferroviaire est extrêmement spécifique, tout comme son champ lexical – « radio ballast », « fretteux », « ITE », « wagon isolé », etc. La particularité industrielle du fret ferroviaire a été au centre de notre débat portant sur le modèle économique de cette activité.

Le deuxième enjeu a trait à l'empreinte écologique et sociale : la question de la participation du fret ferroviaire à la restauration des équilibres climatiques et de la biodiversité est très étudiée. Autour de ce thème, nous avons échangé sur la fiscalité et sur l'aspect économique du choix du mode de transport des marchandises à l'échelle européenne.

Enfin, la gestion du fret ferroviaire illustre, dans un temps long, les rapports d'un gouvernement d'un État membre, en l'occurrence celui de la France, avec la Commission européenne. Cette observation nous incite à interroger le bien-fondé des principes de l'Union européenne et du rôle de la Commission.

Voilà une présentation assez neutre du rapport ; vous en connaissez l'orientation politique, mais ces trois aspects – matière particulière, enjeu écologique et rapport institutionnel entre le gouvernement français et la Commission européenne – ont servi de fondement à notre réflexion. Chacun livrera, selon sa sensibilité politique, son appréciation des conclusions qui vous sont présentées aujourd'hui après trois mois et demi de travail intense, celles-ci n'ayant bien entendu pas vocation à répondre à l'ensemble des questions relatives au transport de marchandises dans notre pays et en Europe.

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Je me joins évidemment aux félicitations que vous avez adressées aux administrateurs de l'Assemblée nationale.

Nous avons travaillé dans le cadre des interrogations que M. le rapporteur avait soulevées au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES.

La première question visait à déterminer si la libéralisation du fret ferroviaire à partir de 2005 avait eu un effet, négatif ou positif, sur l'évolution de la part modale du fret ferroviaire dans le transport de marchandises dans notre pays. Les facteurs de régression de la part du fret tenaient, d'abord, à la désindustrialisation de notre pays, qui a induit une contraction du volume des marchandises pondéreuses à transporter, à la concurrence avec la route, dont l'iniquité n'a été prise en compte qu'en 2010 par le législateur avec la création de l'écotaxe, et à la qualité du service fourni par l'opérateur public de fret ferroviaire – malgré toute l'affection que je porte à M. le rapporteur et le respect que son travail m'inspire, je regrette que cette question ne soit pas suffisamment mise en avant alors que de nombreuses personnes auditionnées en ont fait état ; soulever ce point ne revient absolument pas à remettre en cause l'attachement des salariés de Fret SNCF à leur travail et à leur mission de service public d'intérêt économique.

La libéralisation du fret ferroviaire n'a pas eu d'effet bénéfique sur l'évolution de la part modale en France, celle-ci s'étant maintenue dans une fourchette comprise entre 9 % et 12 %. Le tonnage transporté a fortement diminué, mais cette baisse a touché tous les modes de transport de marchandises. Ceux qui prônaient la libéralisation pour stimuler la demande de fret ferroviaire seront nécessairement déçus en lisant le rapport, mais ceux qui voyaient dans la libéralisation l'explication de tous les maux du secteur éprouveront la même frustration – on sent d'ailleurs un grand embarras sur ce point à la lecture du rapport.

Le fret a souffert, jusqu'à une date relativement récente, d'un défaut de priorisation au sein du groupe public ferroviaire, lequel n'a pas apporté suffisamment de soin, affecté suffisamment de cadres de bon niveau et développé de stratégie autre que malthusienne. Il a également souffert des lacunes des politiques publiques dans ce domaine pendant des décennies. Le rapport le note, mais il faut le dire avec plus de force : jusqu'en 2021, il n'y avait aucune aide au wagon isolé en France, contrairement à d'autres pays européens ; jusqu'à cette date, l'aide au transport combiné, dite « aide à la pince », et l'aide au péage étaient notoirement plus faibles en France que chez nos voisins.

Jusqu'à 2009 et le premier plan de relance non pas de Fret SNCF mais du fret, conçu par Jean-Louis Borloo, le lien entre la transition écologique et le fret ferroviaire n'occupait pas le cœur des politiques publiques du secteur. Ce plan n'a pas produit beaucoup d'effets, mais il fut la première tentative de déploiement d'une stratégie globale qui ne soit pas une simple tentative de relancer Fret SNCF.

Les réorganisations et les repositionnements stratégiques successifs ainsi que le changement de nom ont été de nature à déstabiliser les salariés et le secteur du fret : les mêmes causes auraient produit les mêmes effets dans n'importe quelle autre entreprise, publique comme privée.

Le deuxième grand thème concerne le tournant de 2021. Je pense avoir présidé les travaux de la commission d'enquête avec impartialité, mais il faut reconnaître – comme l'ont fait l'ensemble des acteurs de l'Alliance fret ferroviaire français du futur (4F) auditionnés – qu'il s'est passé quelque chose d'important cette année-là, même si d'autres chemins auraient pu être empruntés, même s'il y avait des assurances à donner et même si une temporalité plus longue devait être dessinée. Le Gouvernement a choisi, en mai 2023, l'option de la discontinuité pour répondre à l'enquête publique approfondie lancée par la Commission européenne au début de cette année.

Les gouvernements français successifs avaient-ils sous-estimé la menace avant janvier 2023 ? Les documents auxquels vous avez eu accès, monsieur le rapporteur, montrent que l'on peut répondre par la négative à cette question. En effet, des échanges réguliers – parfois plus denses que ce dont les acteurs se souvenaient – se sont tissés entre la Commission européenne et les gouvernements pendant de nombreuses années. Le comblement régulier des déficits de Fret SNCF à partir de 2006 était bien de nature à constituer une aide d'État ; en outre, le statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) pouvait apparaître comme une structure d'aide d'État ; enfin, aucune aide d'État n'a été notifiée par les gouvernements français jusqu'à une date relativement récente. Les États membres ayant conduit des politiques de soutien à leurs opérateurs publics de fret ferroviaire comparables ont systématiquement notifié leurs aides ; dans le cas français, le directeur de la concurrence a constaté l'absence de notification. Il y a lieu de s'interroger sur l'effet produit par un tel choix : le regard particulièrement sévère posé par la Commission européenne sur la situation de Fret SNCF peut en partie s'expliquer par cette orientation.

Je ne m'étendrai pas sur les arguments que vous faites valoir, monsieur le rapporteur, pour défendre le soutien apporté à Fret SNCF pendant de nombreuses années. Ils reprennent pour partie, avec un ton nécessairement différent, ceux que le Gouvernement a produits. Nos travaux l'ont montré et vous l'écrivez dans le rapport, le Gouvernement a défendu de manière répétée, dès 2018, l'opérateur public de fret ferroviaire. Le covid a suspendu les échanges entre 2020 et 2021 : il est donc difficile de défendre la thèse d'un bras de fer entre le Gouvernement et la Commission durant cette période.

Un point n'a pas été complètement éclairci par nos travaux, malgré la ténacité de notre rapporteur : nous ne savons pas vraiment quel rôle a joué, dans la transformation du groupe public ferroviaire en société anonyme (SA), et donc de Fret SNCF en société par actions simplifiée (SAS), la volonté de répondre au reproche relatif au statut d'EPIC au regard de sa conformité au droit européen.

La décision prise en mai 2023 par le Gouvernement est-elle la bonne ? C'est une question d'appréciation du risque. Lorsque la Commission européenne a entamé une procédure, au mois de janvier, les chargeurs, et singulièrement les chargeurs captifs, ceux qui font rouler beaucoup de wagons isolés, pour lesquels Fret SNCF reste l'opérateur de référence même s'il n'est plus seul, se sont inquiétés. L'incertitude des clients de Fret SNCF a été exprimée avec force et il faut l'entendre. Je me souviens notamment de notre échange avec ArcelorMittal.

Le rapport détaille les contours du plan de discontinuité : création de deux entreprises distinctes, cession de vingt-trois flux, interdiction faite à la SNCF de candidater pendant dix ans sur ces marchés... C'est un crève-cœur pour l'entreprise publique, le ministre délégué aux transports l'a dit. Ce plan est toutefois moins brutal que d'autres subis par le passé, en ce qui concerne tant les cessions de volume d'activité que le chiffre d'affaires.

Le marché du fret ferroviaire va être profondément ébranlé. Toutes les solutions ne sont pas trouvées ; la part de sous-traitance sera sans doute importante pendant les premiers mois, voire les premières années. Mais nous avons aussi établi que beaucoup des flux cédés sont captifs : on ne transporte pas du jour au lendemain des substances chimiques, des matières dangereuses, des bobines chaudes ou des céréales sur la route quand on les transportait par le rail. Nous sommes dans une situation difficile, voire inextricable, mais il est nécessaire d'organiser ces cessions et ces sous-traitances dans les meilleures conditions possible au cours des mois qui viennent.

Encore une fois, chacun ici a la liberté de se prononcer comme il l'entend. Ce qui nous sépare, c'est l'évaluation du risque réel qui pesait sur Fret SNCF. Personne ne dit que le Gouvernement n'a pas fait preuve d'une volonté signalée de préserver un opérateur public de fret ferroviaire.

Nous pouvons nous retrouver sur l'interrogation concernant l'évolution du droit européen, encore très marqué par le respect du droit de la concurrence et pas encore suffisamment par l'attention à la transition écologique, préoccupation majeure de nos générations.

L'une de vos recommandations, monsieur le rapporteur, est de modifier le plan de discontinuité : vous espérez que des pressions de la France pourraient permettre de ramener de dix à cinq ans le délai après lequel Fret SNCF pourra reprendre des flux.

Vous revenez aussi sur les limites, à l'avenir, du soutien public au secteur du fret ferroviaire : il pourra être de l'ordre de 30 % de l'activité constatée ; au-delà, nous risquerions une nouvelle procédure de la Commission européenne.

Vous insistez sur la nécessité de rétablir une concurrence plus juste avec la route. J'ai peur que vous ne vous berciez d'illusions sur les effets d'une écoredevance sur le report modal – écoredevance à laquelle je suis par ailleurs favorable, et pas seulement à une échelle régionale.

Vous insistez – peut-être pas assez à mon goût – sur le caractère exceptionnel de l'investissement de 930 millions annoncé dans les lettres de mission envoyées aux préfets de région. Ce sera la première fois que tous les contrats de plan État-régions (CPER) comprendront un volet consacré au fret ferroviaire. Vous vous réjouissez que les collectivités territoriales s'emparent de ce sujet, ce qui n'était pas le cas pendant longtemps : là encore, vous pourriez à mon sens insister davantage.

Vous vous interrogez sur la nécessité de mobiliser d'autres marchés, d'autres crédits. Ainsi, les certificats d'économie d'énergie (C2E) sont très mobilisés sur des enjeux énergétiques, peu sur des enjeux de transport. Ils pourraient pourtant être utiles, notamment pour l'équipement et le matériel. Ce sont des entreprises ferroviaires qui nous l'ont dit.

Je terminerai sur un sujet moins consensuel : celui de la concurrence intramodale. Les salaires chez Fret SNCF sont significativement différents de ceux versés par les autres opérateurs de fret ferroviaire, ce qui l'affaiblit par rapport à ses concurrents.

Je redis tout le plaisir que j'ai eu à travailler avec vous, monsieur le rapporteur, et tout ce que vous m'avez appris.

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Merci pour ce beau rapport. Le fret ferroviaire est en déclin depuis un demi-siècle, c'est-à-dire depuis les années 1970 et la fermeture des industries lourdes, mais il a aussi subi des politiques souvent erratiques : nous partageons le diagnostic du rapporteur, qui souligne à juste titre que les discussions avec la Commission européenne, qui place la libre concurrence au cœur de son action, sont souvent difficiles.

L'activité de fret ferroviaire a pu devenir la caricature d'un service public abandonné sans orientation politique, privé d'aides, avec des wagons égarés et des retards fréquents. Les industriels ont alors privilégié la route. Le fret ferroviaire a été ouvert à la concurrence alors que la SNCF n'y était pas prête. Les défauts de Fret SNCF ont contribué au succès de plusieurs de ses concurrents.

Le rapport analyse la façon dont l'application par la Commission européenne du principe de concurrence libre et non faussée s'est accompagnée d'un aveuglement environnemental : la concurrence entre rail et route est déséquilibrée.

Des facteurs de tous ordres ont abîmé la performance de Fret SNCF. Le climat social a été difficile. L'intermodalité entre le rail et la mer, entre le rail et les fleuves, est trop faible ; le réseau ferré est peu adapté aux conteneurs maritimes. L'aide à la pince est aléatoire, les aides au wagon isolé inexistantes, le ferroutage balbutiant.

Je ne reviens pas sur le bras de fer – un peu mou – entre la France et la Commission européenne. Il nous faut une véritable vision stratégique : la part du fret ferroviaire dans notre trafic de marchandises est trop faible : 11 %, contre 13 % en Italie, 19 % en Allemagne, 22 % en Pologne. Le Gouvernement s'est engagé à faire passer la part du fret ferroviaire à 18 %, mais je ne suis pas certain que cet objectif puisse être atteint dans les conditions actuelles.

Je partage l'essentiel des recommandations, en particulier la dernière : l'État doit formaliser une politique de coordination des transports terrestres de marchandises et élaborer un schéma national des transports logistiques.

Nous soutiendrons aussi l'idée d'un moratoire sur le plan de discontinuité, afin de réviser le processus de démantèlement de Fret SNCF, eu égard à la responsabilité environnementale du Gouvernement.

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Le terme de « démantèlement » est l'un de mes points de désaccord majeurs avec le rapport. Nos travaux montrent au contraire, je crois, que le Gouvernement a défendu l'existence d'un opérateur public de fret ferroviaire. La densité des échanges avec la Commission avant 2023 en a surpris certains ici. C'est pour préserver une solution publique que le plan de discontinuité a été élaboré : personne n'a pu apporter la preuve du contraire.

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Je m'associe aux remerciements adressés au rapporteur et au président. J'ai beaucoup apprécié le climat apaisé, la qualité du travail de la commission et la diversité des personnes auditionnées. Moi-même ancien cheminot, j'ai beaucoup appris. J'ai aussi pris du plaisir à entendre mes anciens patrons de la SNCF venir dire que la concurrence n'était finalement pas un remède miracle, comme ils l'ont longtemps prétendu.

Nous soutiendrons la proposition de moratoire sur la discontinuité formulée par le rapporteur.

Ce rapport met en évidence l'envie qui existe chez les chargeurs de notre pays d'utiliser le fret ferroviaire. La question écologique est désormais mieux prise en considération. Nos travaux ont montré la responsabilité de la SNCF dans l'impréparation de Fret SNCF lors de l'ouverture à la concurrence : rappelons que Fret SNCF était passé de 12 000 à 5 000 cheminots et que les plans de restructuration, qui consistaient essentiellement à diminuer les moyens, se sont succédé. L'ancien patron de la SNCF, M. Guillaume Pepy a reconnu que l'achat de Geodis était un échec.

Nos travaux ont aussi permis de constater que le développement du fret ferroviaire doit s'inscrire dans un schéma global qui embrasse aussi les marchés d'intérêt national, les ports, l'aménagement du territoire, la stratégie économique… Nous considérons, nous, qu'il est dès lors indispensable de disposer d'un acteur entièrement public, libéré des logiques de la concurrence et des marchés, et que cette stratégie globale doit être pilotée au niveau national.

Le fret ferroviaire doit être une priorité : c'est un moyen de redynamiser les territoires, de faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre et de relancer une dynamique économique. La discontinuité met au contraire en difficulté l'opérateur public. Vous avez parlé de flux captifs, monsieur le président ; nous nourrissons tout de même de grandes inquiétudes à ce sujet. Par ailleurs, en enlevant vingt-trois flux parmi les plus rentables et 500 cheminots à l'opérateur et en l'empêchant de candidater sur ces marchés pendant dix ans, on fait partir le nouvel opérateur avec un boulet au pied, alors qu'il était déjà très fragile. Nous regrettons que le Gouvernement ne se soit pas opposé plus fermement à la Commission, d'autant que nous n'avons aucune garantie sur le fait que la procédure proposée par M. Beaune écarte toute demande de remboursement. Le risque d'une liquidation totale de Fret SNCF existe, et ce serait catastrophique.

Nous voterons pour l'adoption du rapport.

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Je souligne à mon tour l'intérêt du rapport, comme de l'ensemble des travaux de la commission d'enquête. Il dégage des pistes pour améliorer la part du rail dans le transport de nos marchandises. Nous nous retrouvons dans nombre des recommandations que vous formulez, notamment celle d'un État stratège en matière de transports terrestres de marchandises, dans le respect d'une vision gaulliste que défend le groupe Les Républicains, et celle qui demande l'inscription dans une loi de programmation des investissements prévus dans les CPER pour le développement du fret ferroviaire. D'autres nous paraissent plus contestables, notamment celles relatives au transport routier. Ainsi, vous proposez d'interdire le transport routier de nuit. Or les opérateurs nous l'ont tous dit : les modes de transport sont complémentaires. L'incitation nous paraît préférable à l'interdiction.

Quant au plan de discontinuité, le rapport rend bien compte de l'idéologie de la Commission européenne et de ses méthodes. Vous allez jusqu'à parler de « détournement de pouvoir », un terme fort, qui doit nous inquiéter. Je partage aussi le constat d'une absence de proportionnalité entre le manquement d'une part – une simple absence de notification –, la sanction et ses conséquences d'autre part. Je regrette enfin, comme vous, qu'un recours ne soit pas suspensif : cela paraît aberrant quand l'Union européenne se veut un espace de droit et de justice.

Je nourris des doutes sur la faisabilité du moratoire que vous proposez. Mais la discontinuité est en effet une décision lourde : il est indispensable d'explorer toutes les voies qui permettraient de préserver l'opérateur public, et plus généralement le fret ferroviaire.

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Je félicite à mon tour le rapporteur, qui a mis ce sujet à l'ordre du jour. Nous voulons tous réussir la transition écologique, et pour cela il nous faut nous intéresser aux modes de transport que nous utilisons. Le Gouvernement affiche un objectif de 18 % pour le fret ferroviaire, conformément à la loi « climat et résilience » : nous en sommes très loin, et les investissements dans les infrastructures comme dans les matériels ne seront pas suffisants, on le sait déjà. Ce rapport fera date : il établit l'ampleur des efforts qui doivent être consentis.

Ce rapport montre que le fret a été le parent pauvre de la SNCF comme de l'État, qui a abandonné des lignes et préféré développer la très grande vitesse. Il nous éclaire de manière remarquable sur des décennies de libéralisation du fret. Je souscris aux propos du président Valence : on ne peut que regretter que le prisme de la concurrence prime sur celui de la transition écologique dans les décisions de la Commission européenne – je résume à grands traits, monsieur le président !

Pour passer de 10 % à 18 %, un opérateur public fort n'est-il pas indispensable ? Non seulement il laisserait de la place à d'autres, mais il soutiendrait la demande. Le risque du plan de discontinuité, c'est d'affaiblir l'opérateur public et d'empêcher finalement l'ensemble du secteur du fret ferroviaire de se développer. Croire que les opérateurs privés remplaceront l'opérateur public est un non-sens et, sans opérateur public, des services comme le wagon isolé seront en grande difficulté.

En réalité, il y a toujours eu des aides au wagon isolé, mais elles passaient par un remboursement de l'EPIC de tête à l'EPIC chargé du fret. Elles n'étaient pas notifiées comme telles, mais c'est bien de cela qu'il s'agissait. Il est dommage que la Commission européenne n'accepte pas les réponses du Gouvernement.

Nous avons fini par comprendre que, depuis 2018, le Gouvernement a échangé avec la Commission sur l'idée d'une discontinuité. On peut s'en étonner : au cours des auditions, certaines des personnalités les plus importantes et les plus influentes de notre pays nous ont dit qu'il y avait eu très peu de rapports entre le Gouvernement et la Commission ; or il s'avère que ces discussions ont bien lieu. Il y a dès 2018 un problème de transparence vis-à-vis de la représentation nationale, des cheminots et des chargeurs. Il est dommage d'en arriver là. Le Gouvernement aurait été plus fort avec le soutien de la représentation nationale, et aurait pu amortir les effets du plan de discontinuité sur les cheminots et sur Fret SNCF.

Le groupe GDR souscrit évidemment aux recommandations du rapporteur, que je félicite à nouveau, juste avant son prochain départ de l'Assemblée nationale. Ce rapport relancera la dynamique autour d'une réforme de l'organisation des transports dans notre pays.

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Avant 2021, l'État français n'apportait aucune aide au wagon isolé à l'entreprise ferroviaire, qui devait se débrouiller seule. C'est un fait établi. La Commission européenne considérait certes qu'il y avait des aides d'État, mais je m'étonne que vous adoptiez son point de vue...

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Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je vous remercie tous les deux pour la qualité de nos échanges lors des auditions.

Je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit car je souscris entièrement à l'analyse de M. le président.

La libéralisation du fret a-t-elle eu des effets négatifs ? Le rapport fait de ce phénomène un point névralgique, un problème, la cause du manque de développement du fret, ce qui me semble un peu réducteur. L'Allemagne et l'Italie ont connu une évolution différente.

Vous évoquez également, monsieur le rapporteur, le « démantèlement » d'un opérateur public. Ce terme, extrêmement fort, me semble parfois décalé par rapport aux auditions auxquelles j'ai assisté.

Cette commission d'enquête aura eu le mérite de mettre en lumière l'importance du développement du fret ferroviaire dans le cadre d'une politique publique coordonnée. Les attentes du terrain sont fortes. J'ai récemment échangé avec Axéréal, une entreprise de mon territoire, qui déplore l'annulation régulière de sillons.

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Les données européennes publiées dans le rapport montrent qu'en Allemagne, la part de la route dans le transport de marchandises a augmenté ces quinze dernières années. La part du chemin de fer ne s'est pas trop dégradée : elle a diminué à certains moments, augmenté à d'autres, mais elle est restée élevée. C'est en réalité le transport fluvial qui a perdu du terrain. Si l'on analyse l'évolution des parts modales à l'échelle européenne depuis 2005 ou 2006, on s'aperçoit que la situation de la France n'est pas très différente de celle de ses voisins : malgré de légères évolutions, la part modale du fret ferroviaire stagne plus ou moins.

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Permettez-moi d'exprimer ma satisfaction devant le travail réalisé par cette commission d'enquête et de souligner le lien fort que nous avons tissé avec un parlementaire qui a marqué l'histoire de notre assemblée. Cela fait six ans que nous travaillons avec Hubert Wulfranc. Lors de l'examen de la loi d'orientation des mobilités, nous avons mené ensemble le combat pour faire comprendre au Gouvernement la nécessité d'élaborer une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. Vous restez, monsieur le rapporteur, constant dans votre engagement, que ce soit à l'Assemblée nationale ou sur le terrain, bien au-delà de votre circonscription – j'en ai été témoin lors de votre visite à Fos-sur-Mer.

Ce rapport n'est pas une fin en soi. Nous avons la responsabilité d'assurer ce que j'appelle souvent le « service après-vote ». La question de la libéralisation a été très bien résumée par le président Valence : cette évolution n'a été ni néfaste ni bénéfique au fret ferroviaire. Je rejoins les interventions de mes collègues s'agissant de l'approche européenne du sujet.

La majorité présente le plan de discontinuité comme une solution, certains parlant de « moins mauvaise solution », d'autres de « mauvaise solution ». M. le rapporteur relevait lors de notre déplacement à Fos-sur-Mer que le terme commun à ces deux expressions est l'adjectif « mauvais ». Nous avons aujourd'hui le devoir de convaincre du bien-fondé de cette solution.

Pour ce faire, nous devons traiter deux sujets essentiels : le volet social, qui me paraît prioritaire, et le sujet du report modal. Le rapport, au-delà de la question de la libéralisation, propose un certain nombre de mesures tout à fait intéressantes. Je n'arriverai malheureusement pas à vous convaincre, monsieur le rapporteur, de rester quelques mois supplémentaires avec nous pour défendre ces propositions dans le cadre de ce qui pourrait être une stratégie nationale revisitée pour le développement du fret ferroviaire. Le rapport met en avant certaines marges de manœuvre intéressantes, s'agissant notamment des C2E, ou encore du potentiel exceptionnel que représente le fret ferroviaire pour l'industrie du déchet.

J'aimerais appeler votre attention sur la question du financement. Lors de la discussion de la loi « climat et résilience », dont j'étais rapporteur pour le volet transports, j'ai assumé de remettre sur la table le sujet de la création d'une contribution spécifique au transport routier. Dans le cadre du débat parlementaire, nous avons décidé de laisser cette responsabilité aux régions, considérant que si ces dernières prenaient le risque politique d'instaurer une telle contribution, il serait logique que le produit de la redevance leur revienne. Il était hors de question que l'État récupère les recettes de cette redevance par le biais de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France), comme vous le proposez. Je tiens à ce principe, dont nous étions convenus à l'époque, et je continuerai de le défendre. Notre responsabilité est d'inviter les régions à suivre l'exemple du Grand Est, qui s'est engagé dans cette dynamique.

Voilà ce que je voulais vous dire, avec beaucoup d'humilité. J'espère vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur, d'annoncer mardi prochain votre décision non de quitter l'Assemblée nationale, mais d'y rester quelques mois supplémentaires pour assurer le service après-vote de votre rapport !

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Je salue à mon tour la qualité du travail de cette commission d'enquête. J'ai été assez assidue pour apprécier le respect qui a prévalu lors de nos travaux, y compris entre députés ne partageant pas forcément les mêmes opinions.

Ce travail apporte un certain nombre de clarifications. La technicité ferroviaire est bien expliquée dans le rapport. Nous sommes tous favorables au fret ferroviaire, non seulement du fait de son empreinte écologique, mais aussi parce que nous soutenons les cheminots et les « fretteux » – pour reprendre un terme utilisé lors de nos travaux –, dont nous ne voulons pas que le savoir-faire se perde.

Nous regrettons tous la dissymétrie constatée entre le chemin de fer et la route. Si M. le président a relevé tout à l'heure que la part modale du fret ferroviaire était finalement assez stable – autour de 10,6 % ou 11 % –, on constate une tendance lourde et continue à la baisse du tonnage transporté. Cette évolution s'explique par des facteurs endogènes, tels qu'un défaut de priorisation par rapport à l'activité voyageurs, et exogènes, comme la désindustrialisation. Nous pouvons cependant tous saluer la politique significative de soutien à ce mode de transport menée depuis quelques années, dans le cadre de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, qui se traduit par des aides financières à hauteur de 330 millions d'euros. Je voulais souligner ces faits, qui sont mentionnés dans le rapport.

Au vu des auditions auxquelles j'ai assisté, le risque financier est réel et nous pouvons tous convenir que l'exécutif a cherché à le réduire le plus possible en faisant le choix de la discontinuité. J'entends les contestations mais, s'agissant des autres options possibles, je reste sur ma faim – c'est le principal problème que me pose ce rapport. On peut critiquer ce qui a été décidé, mais à condition de formuler d'autres propositions. Ne rien faire n'est pas une solution.

J'en viens à des remarques plus ciblées sur ce rapport, dont je redis la qualité. Je déplore qu'il comporte autant de termes négatifs, comme celui de « démantèlement », qui revient tout le temps. Je me suis amusée à chercher des synonymes, et j'ai trouvé « démolition », « destruction », « abolition », « désorganisation », « déconstruction », « extinction », « disparition » – je vous épargnerai « dissolution ». Tous ces synonymes sont très négatifs : je ne peux donc pas cautionner un emploi aussi systématique de ce terme dans le rapport.

En outre, certaines relations de cause à effet me semblent abusives. Vous écrivez ainsi que « le droit européen de la concurrence a exigé une libéralisation progressive du secteur ferroviaire, qui aboutit aujourd'hui au projet de démantèlement de Fret SNCF » : vous refaites a posteriori un enchaînement qui n'est pas démontré. Vous prétendez également que « les aides d'État sont un prétexte utilisé par la Commission européenne pour réaliser un objectif de longue date : le démantèlement de l'opérateur public ». On est quasiment dans le complotisme : je ne peux absolument pas m'associer à une telle affirmation. C'est dommage ; les titres des parties sont un peu excessifs par rapport à leur contenu.

À l'instar de M. le président, je regrette l'absence de focus sur la qualité de service. J'ai bien sûr ma propre grille de lecture, que je garde de l'époque où je faisais des achats, y compris dans le secteur de la logistique. Quand on est chargeur, on n'a pas de présupposés idéologiques : ce qu'on cherche, c'est la confiance, la ponctualité, la fiabilité, la qualité de service, l'absence d'annulation des transports. Je n'ai pas lu grand-chose là-dessus, excepté une mention lorsqu'est évoquée l'éventualité d'une modulation des péages en fonction de la qualité de service.

Je regrette également que vous consacriez tant de pages à l'écotaxe et que vous insistiez autant sur cette proposition assortie de modalités pas très satisfaisantes.

Je déplore en outre que vous parliez autant des investissements relatifs aux infrastructures. Il est aussi possible d'investir pour améliorer la qualité de service que je viens d'évoquer.

La structure des coûts du fret ferroviaire, qui diffère de celle d'autres modes de transport, aurait pu faire l'objet de développements plus importants. Cela nous aurait peut-être amenés à aborder la question des différences de coût du travail évoquée par M. le président.

En dépit de toutes les qualités que je reconnais à ce rapport, je ferai comme M. le président : je m'abstiendrai.

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On peut effectivement considérer que le terme « démantèlement » ne traduit pas exactement la volonté du Gouvernement de préserver ou de recréer une solution de fret ferroviaire public – c'est pourtant bien ce qui va arriver.

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M. le président de la commission du développement durable a dit tout à l'heure que ce rapport n'était pas une fin en soi. Effectivement, il ne l'est ni par son diagnostic idéologiquement orienté – il vient d'être commenté par des parlementaires d'autres sensibilités avec d'autres clés de compréhension –, ni par les préconisations qu'il comporte et qui continueront d'être débattues. L'élaboration d'un plan de cohérence des transports terrestres, qui s'avère particulièrement nécessaire, mériterait notamment d'être précisée. Sans revenir à l'aménagement du territoire mis en œuvre par la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), chère à mon cœur, dans les années 1970 et 1980, en dehors de tout contexte de concurrence, cette préconisation, à laquelle a réagi un collègue tout à l'heure, pourrait sans doute retenir l'attention.

Je souscris aux propos du président Zulesi : ce rapport est mis à votre disposition pour que vous l'utilisiez. Un travail est entamé, comme nous avons encore pu le voir ce matin lors de l'audition par la commission du développement durable du candidat à la présidence du conseil d'administration d'AFIT France. Sont posées la question du vote d'une loi de programmation pluriannuelle, ainsi que celle des recettes, qu'il conviendrait de consolider afin de favoriser sur le long terme les modes de transport les plus vertueux du point de vue écologique. Je le répète, ce rapport comporte des propositions qui ne sont pas cloisonnées mais sur lesquelles tout un chacun pourra travailler, en fonction de sa sensibilité.

Je ne peux nier qu'en déposant ce rapport, j'honore une commande politiquement orientée qui consiste à décrire, en observant notamment la trajectoire de l'Union européenne, une volonté ancienne, jamais démentie et sans cesse réaffirmée, de mettre à genoux les opérateurs historiques des industries de réseaux – les « opérateurs protégés », pour reprendre l'expression utilisée dans l'accord conclu en 2005 entre la France et l'Union européenne, lequel a autorisé une première et unique aide d'État qui, depuis, a fait couler beaucoup d'encre. Cette affirmation n'est en rien complotiste. On m'en a pourtant fait le reproche : au début de nos travaux, un administrateur des services de l'Assemblée nationale a voulu me dissuader de bâtir un rapport sur cette idée ! Au fur et à mesure, pourtant, nous avons décortiqué cette trajectoire et avons pu vérifier, tranquillement, que cette idée correspondait souvent à la stricte réalité des faits. On ne s'inscrit même plus dans la concurrence libre et non faussée : la concurrence intermodale avec la route a détruit le fret ferroviaire. Il n'en demeure pas moins que l'objectif ultime de la Commission européenne est bien de banaliser l'opérateur public de fret ferroviaire, considéré comme une entreprise privée, ce qu'il n'est pas encore.

Ce rapport est donc à vous. Faites-en bon usage !

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Avant de passer au vote, je vous indique que Mme Christine Arrighi, contrainte de quitter notre réunion, m'a fait savoir que le groupe Écologiste-NUPES était favorable à l'adoption du rapport.

La commission adopte le rapport.

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Mes chers collègues, je vous invite à respecter la confidentialité de ce rapport jusqu'au 20 décembre, ce qui permettra à M. le rapporteur de présenter lui-même ses conclusions devant la presse.

Je vous remercie de votre implication dans nos travaux, qui font honneur au Parlement.

La réunion s'achève à dix-huit heures vingt.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Christine Arrighi, Mme Sophie Blanc, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, Mme Mireille Clapot, M. Hendrik Davi, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Sylvie Ferrer, M. Victor Habert-Dassault, M. Pascal Lecamp, M. Gérard Leseul, M. Matthieu Marchio, M. Thomas Portes, M. Nicolas Ray, M. Nicolas Sansu, M. Vincent Thiébaut, M. David Valence, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi