Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 11h00

La réunion

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La commission procède à l'examen, ouvert à la presse, et au vote sur le projet de loi n° 2628.

Présidence M. Jean-Louis Bourlanges, président.

La séance est ouverte à 11 h 00.

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L'accord soumis à notre ratification, qui concerne les espaces maritimes distants de plus de 200 milles des côtes, est plus connu sous son acronyme anglo-saxon « BBNJ ».

Signe de l'importance de ce texte, le Gouvernement, en la personne de M. Hervé Berville, qui a la charge des enjeux relatifs à la mer et à la biodiversité, a décidé de nous faire l'honneur et l'amitié de participer à nos débats. Pour insolite qu'elle puisse paraître, cette démarche est de droit. De la part de tout autre que lui, on pourrait y voir une forme de pression exercée sur l'Assemblée nationale mais, à nos yeux, ce n'est qu'un retour à la case départ dans cette commission qu'il a honorée de sa présence et de ses travaux, en soutenant notamment la loi la plus fondamentale sur l'aide au développement qu'elle ait portée au cours des sept dernières années.

L'accord dont il nous est demandé d'autoriser la ratification s'inscrit pleinement dans le cadre du volet maritime de la diplomatie environnementale de notre pays. L'organisation du One Ocean Summit à Brest en février 2022 témoigne de l'engagement résolu et constant de la France en faveur de la protection du milieu océanique, qui est un enjeu clé de ce début de millénaire. Il est donc capital que nous confirmions la parole donnée par notre pays en signant le BBNJ.

Nombreux sont ceux qui considèrent qu'il aurait fallu aller plus loin, s'agissant notamment de la régulation de la pêche. Qu'ils se souviennent que le consensus se paie toujours à un prix assez élevé en termes de perte de substance. C'est regrettable mais nécessaire.

La ratification de l'accord doit en outre intervenir rapidement. Pour qu'il entre en vigueur, soixante États doivent l'avoir ratifié. La France espère que tel sera le cas avant la conférence des Nations Unies sur l'océan qui se tiendra à Nice, en juin 2025. Un certain nombre de personnes, et le Gouvernement en tout cas, pensent que la France doit montrer l'exemple et entraîner dans son sillage autant d'États que possible. Si le Sénat se prononce avant l'été, moins de dix mois se seront écoulés entre la signature de l'accord et sa ratification, ce qui constituerait un délai positivement inhabituel. Il est vrai que nous avons souvent protesté, dans cette commission, à propos de l'incroyable liberté avec le temps que l'on prend entre la signature des traités et leur examen pour ratification.

J'observe que le Gouvernement n'a pas sollicité l'examen du projet de loi en procédure simplifiée dans notre hémicycle. Je m'en réjouis : cela démontre l'importance que nous accordons collectivement à l'accord BBNJ, qui se présente fondamentalement comme une avancée en faveur de nos océans, même si des voix s'élèveront sans doute pour la juger timide. La responsabilité ne saurait en être imputée au Gouvernement, qui fait ce qu'il peut.

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Hervé Berville, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité

J'ai toujours plaisir à revenir à l'Assemblée nationale, en particulier à la commission des affaires étrangères. Outre que la probabilité que j'aie le plaisir d'y siéger à nouveau est élevée, je crois pouvoir dire que cette commission est utile en ce qu'elle fait le lien entre les grands sujets internationaux et nos concitoyens. Si les premiers semblent éloignés des seconds, ils ont en réalité des impacts sur leur quotidien : nos débats sur l'accord BBNJ le démontreront s'agissant des littoraux. Bien entendu, ma présence ne vise pas à exercer une quelconque pression sur le Parlement ; elle démontre, au contraire, le respect particulier que je lui porte.

Mesdames, messieurs les députés, vous êtes les premiers parlementaires de l'Union européenne saisis de la ratification de ce texte, qui est une avancée majeure pour lutter collectivement contre la triple crise environnementale – du climat, de la biodiversité et des pollutions – et qui s'inscrit dans l'ambition que nourrit le Gouvernement, notamment depuis 2017, de réduire nos émissions à gaz à effet de serre (GES) et de mettre en œuvre la planification écologique. Si nous avons tout fait pour étudier ce texte dans des délais records, c'est parce qu'il est essentiel dans notre stratégie environnementale aux échelons international, européen et national.

L'accord comporte principalement trois volets : la protection des espaces en haute mer, situés à plus de 300 kilomètres des côtes, par la création d'aires marines protégées ; l'obligation de réaliser des études d'impact environnemental de toute activité humaine en haute mer ; un accès aux ressources marines génétiques ainsi que le partage juste et équitable des avantages économiques induits, notamment au profit des pays en développement. Ce texte est un tournant majeur pour la protection de l'environnement, une avancée décisive pour l'océan et sa biodiversité, ainsi qu'une victoire du multilatéralisme dans laquelle la France et l'Europe ont joué un rôle décisif.

J'ai eu l'occasion de me rendre à New York à trois reprises, pour y porter la voix de la France et de l'Union européenne et tenter de parvenir le plus rapidement à une version définitive du texte, qui était en négociation depuis vingt ans.

Le contexte géopolitique tendu qui prévaut depuis le début de la décennie, en raison notamment de la guerre en Ukraine, des conséquences de la crise du Covid-19 et de la compétition stratégique sino-américaine, en faisait douter plus d'un de la possibilité d'une issue favorable à court terme. Nous y sommes pourtant parvenus l'an dernier, obtenant même une innovation capitale : pour la première fois dans l'histoire des négociations internationales, les décisions seront prises à la majorité qualifiée et non par consensus. Concrètement, un État ne pourra pas bloquer seul une décision.

L'intéressant, c'est que les négociations ne se sont pas déroulées selon le clivage traditionnel entre pays du Nord et pays du Sud, pays développés et pays en voie de développement, en dépit de la tentative de certains États de les y enfermer. Grâce à la coalition de la haute ambition pour le traité sur la biodiversité en haute mer bâtie par la France depuis l'inauguration par le président de la République du One Ocean Summit, nous avons réuni de nombreux pays dits du Sud très favorables à la conclusion de l'accord, alors même que certains pays du Nord se montraient très réticents. La France, soutenue par l'Allemagne à partir de 2022, a pesé de tout son poids pour rallier de nombreux pays du G77 et ne pas se laisser enfermer dans une lecture Nord-Sud du texte. Cela a permis de bâtir un consensus, notamment avec les pays émergents, et de parvenir à la conclusion de l'accord. À force de conviction, nous sommes même parvenus à embarquer sur le navire les États-Unis et la Chine, d'abord réticents.

Ce texte est un tournant majeur pour la protection de la biodiversité et du climat ainsi que pour la lutte contre la pollution. Il nous donne les outils pour protéger 50 % de la surface du globe, la haute mer représentant 70 % de la surface des océans, et les 2,2 millions d'espèces qui peuplent les océans – nous en connaissons 1,4 million sur la terre ferme. Il permet de lutter contre le changement climatique dans la mesure où l'océan est un extraordinaire puits de carbone. Il permet aussi de lutter contre les pollutions : nous pourrons désormais réguler le Far-West sans règles qu'était la haute mer en sanctionnant ceux qui se rendent responsables des pollutions chimiques, industrielles et plastiques, puisque l'accord BBNJ a une portée juridique contraignante.

La première avancée fondamentale qu'il offre, qui a fait l'objet de longues batailles diplomatiques, est la production d'études d'impact préalablement à toute activité en haute mer. Pour chaque activité relevant de leur contrôle, les États parties à l'accord auront l'obligation d'en effectuer. Concrètement, toute entreprise souhaitant opérer dans les eaux internationales sera soumise à l'obligation de faire réaliser une étude d'impact par l'État dont elle relève, visant à prévenir toute forme de pollution ou de dommage aux écosystèmes marins et à permettre l'application du principe du pollueur-payeur.

La deuxième avancée est la possibilité de créer des aires marines protégées en haute mer. Elles sont essentielles pour deux raisons : elles favorisent la coopération entre États ; elles permettent, sur la base de l'état écologique de certaines zones, de se donner des règles permettant de lutter contre la dégradation des écosystèmes et de préserver ces espaces.

Grâce à la création d'aires marines protégées dans des zones entières des eaux internationales, nous tiendrons compte, pour la première fois, de critères tels que la santé des écosystèmes, les routes migratoires des cétacés et la préservation des ressources halieutiques, ce qui nous permettra d'arrêter des politiques ambitieuses en la matière. Si nous procédons ainsi, c'est parce que les scientifiques nous disent très clairement que les aires marines protégées font partie des outils les plus efficaces à notre disposition pour permettre à l'océan et à ses écosystèmes de se régénérer, d'être plus résilients et de jouer leur rôle de régulateur du climat.

La troisième avancée est l'accès aux ressources marines génétiques. Dans l'océan, notamment dans les abysses, se trouvent des molécules utilisées par la recherche pour mettre au point notamment des cures du cancer du cerveau, des traitements de la maladie d'Alzheimer et des vaccins à ARN messager (ARNm). Or moins de 20 % des fonds marins et 3 % des grands fonds marins ont été explorés. L'enjeu de l'exploration et de l'accès à ces espaces est donc central, notamment pour les prochaines découvertes médicales et pharmaceutiques, pour le progrès humain et pour la souveraineté.

Avec ce volet sur les ressources génétiques marines, nous refusons l'approche « premier arrivé, premier servi ». Les fruits financiers issus de la découverte des ressources génétiques devront être partagés, notamment avec les pays en développement, dans la mesure où l'océan, en tant que bien commun de l'humanité, ne doit pas être régi par la loi du plus fort.

Le texte en est à l'étape de la ratification. En France, nous en sommes à l'avant-garde. Cinq États l'ont d'ores et déjà ratifié : les Palaos, le Chili, le Belize, les Seychelles et Monaco. Le Parlement européen a récemment approuvé sa ratification à une très large majorité, ouvrant la voie aux pays de l'Union européenne. Pour que l'accord entre en vigueur, il doit avoir été ratifié par soixante États.

Compte tenu de l'urgence écologique, sa ratification est un sprint ; elle est aussi un marathon, dans la mesure où la mise en œuvre de ces mesures ambitieuses pour la protection des océans prendra du temps. L'objectif est d'en assurer l'entrée en vigueur à la prochaine conférence des Nations Unies sur l'océan (UNOC).

La France a pris de l'avance, non seulement en étant parmi les premiers États à entreprendre la ratification de l'accord BBNJ, mais aussi en travaillant avec plusieurs pays à l'ouverture, dès l'an prochain, d'aires marines protégées en haute mer, auxquelles elle consacre un financement de 80 millions d'euros, et en allouant 41,5 millions d'euros, dans le cadre de France 2030, à un vaste programme de collecte, de séquençage et de partage des ressources génétiques dans les eaux françaises. Dès avant la ratification du texte, nous nourrissons donc une forte ambition en la matière.

Nous vivons un moment, que je n'hésiterai pas à qualifier d'un mot dont j'ai pour habitude de me défier, « historique ». Le dernier texte d'une telle portée dont le Parlement a été saisi était le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015. Votre responsabilité est majeure. Vous pouvez être le premier Parlement d'Europe à ratifier l'accord BBNJ. Ce texte est essentiel pour protéger les océans et la biodiversité et pour garantir une politique environnementale efficace et universelle protégeant toutes les surfaces maritimes.

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L'océan occupe 70 % de la planète. Particulièrement important pour la France, deuxième puissance maritime économique mondiale, il est une énorme source de richesse : on y trouve notamment le plancton, au commencement de la chaîne alimentaire.

Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d'État, de vous être investi très rapidement dans la défense de cet accord sur la haute mer. BBNJ est l'acronyme de Biodiversity Beyond National Jurisdiction ; cet accord traite donc de la biodiversité dans les eaux internationales, qui n'appartiennent à personne, au-delà de notre zone économique exclusive (ZEE), laquelle s'arrête à 200 milles nautiques – soit environ 360 kilomètres – de nos côtes. La haute mer commence donc bien plus loin que nos eaux territoriales, dont la largeur est limitée à 12 milles, mais elle n'est pas si loin !

Il m'appartient ainsi de vous présenter aujourd'hui cet accord se rapportant à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, un texte dont il vous est demandé d'autoriser la ratification. Il s'agit là d'un moment diplomatique très important, et même historique.

Historique, d'abord, parce qu'il acte la réussite de négociations longues et difficiles, récompensant la ténacité de toutes les parties et le maintien d'un niveau élevé d'ambition. Dès le début des années 2000, alors que l'érosion massive de la biodiversité marine était déjà dénoncée, l'Assemblée générale des Nations Unies a commencé à s'interroger sur la nécessité de compléter la convention de Montego Bay sur le droit de la mer, qui encadre le transport maritime et l'utilisation professionnelle des océans. Les premières signatures de l'accord sont intervenues plus de vingt ans après, le 20 septembre 2023 ; on en compte quatre-vingt-neuf aujourd'hui. C'est dire que le débat a été soutenu ! De toute évidence, il n'a pas été vain. L'aboutissement de cet accord prouve une fois de plus que le multilatéralisme, mis à mal sur bien des sujets, fonctionne encore, heureusement, dans le domaine environnemental.

Permettez-moi de souligner combien l'investissement de la France et de l'Union européenne a été décisif pour trouver une issue positive à ces négociations. Je tiens d'ailleurs à saluer le professionnalisme et l'engagement sans faille de nos équipes de négociateurs, sans qui rien n'aurait été possible. À trois reprises, monsieur le secrétaire d'État, vous vous êtes déplacé en personne à New York pour soutenir la conclusion de cet accord. L'Assemblée nationale s'est aussi mobilisée en adoptant à l'unanimité, le 25 novembre 2021, la résolution pour la conservation et l'utilisation durable de l'océan que j'avais défendue avec notre collègue Maina Sage. Je sais que cette impulsion politique a grandement contribué au succès final des négociations, et je m'en félicite. Je veux enfin saluer l'engagement de la communauté maritime française, de ses acteurs économiques, scientifiques et environnementaux qui œuvrent au quotidien en faveur de la protection de l'océan. Il était essentiel que la France, grande puissance maritime qui accueillera la prochaine conférence des Nations Unies sur l'océan, à Nice, en juin 2025, montre l'exemple.

Historique, cet accord l'est également par son contenu. Il complète en effet la convention de Montego Bay en prévoyant une protection effective de la biodiversité de la haute mer et des grands fonds marins. Les avancées technologiques et scientifiques des vingt dernières années ont montré que ces espaces n'étaient pas vides mais qu'ils abritaient au contraire des écosystèmes riches, uniques et fragiles. Si la haute mer représente 99 % de l'espace maritime habitable, elle est aussi directement affectée et parfois menacée par les activités économiques qui s'y développent. Je pense à la pêche illégale, à la surpêche, à l'exploration et peut-être bientôt à l'exploitation des ressources des grands fonds marins, au transport maritime, ou encore aux pollutions plastiques, pour ne citer, hélas, que quelques exemples. Il devenait donc urgent de réglementer ces activités.

L'accord BBNJ devrait permettre de prendre pleinement en compte ces nouvelles menaces, là où la convention de Montego Bay se limitait surtout à la lutte contre les pollutions aux hydrocarbures. Il devrait également mettre fin à l'extrême fragmentation du cadre juridique applicable à la haute mer et aux grands fonds marins, soumis à des instruments juridiques négociés en dehors de la convention de Montego Bay, aux niveaux régional et sectoriel. Sa force tient cependant au fait qu'il n'obère pas l'action de ces instruments juridiques mais compose avec ces derniers. L'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) reste compétente pour l'encadrement de l'exploration et de l'exploitation des grands fonds marins. L'Organisation maritime internationale (OMI) reste chargée de la sécurité et de la sûreté du transport maritime, de même que les organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) continueront de réglementer les activités de pêche. L'accord BBNJ organise la coopération entre ces différentes instances et crée de nouveaux outils là où cela est nécessaire. L'effort conjugué de ces différentes organisations permettra, nous l'espérons, une meilleure protection des océans.

Sur le fond, que prévoit précisément cet accord ?

Il organise le partage juste et équitable des avantages monétaires et non monétaires – principalement le transfert de savoirs et de compétences – qui découlent de l'utilisation des ressources génétiques marines.

Il ouvre la possibilité de créer des outils de gestion par zone, y compris des aires marines protégées (AMP) en haute mer. Celles-ci existaient certes, mais uniquement dans le cadre d'accords régionaux n'engageant de facto que les États parties. Désormais, des aires marines reconnues par l'ensemble de la communauté internationale pourront voir le jour, à la demande des États parties à l'accord BBNJ. Il s'agit là d'une avancée majeure. Quelques projets sont d'ailleurs déjà envisagés : le dôme thermal, dans l'océan Pacifique tropical oriental, ou encore la mer des Sargasses, dans l'Atlantique Nord.

L'accord innove pour éviter de reproduire en haute mer les blocages observés au niveau régional pour la création de nouvelles aires, qui relève d'un consensus entre parties souvent difficile à trouver. Il permet ainsi la mise en place d'un nouvel outil de gestion à la majorité qualifiée. Il s'agit là d'une innovation remarquable et courageuse, qui s'éloigne de la pratique en vigueur dans les institutions onusiennes. En contrepartie, les États disposeront d'un droit d'objection leur permettant de ne pas être liés par une décision prévoyant la création d'un outil de gestion par zone qu'ils n'ont pas souhaité, à la condition cependant qu'ils le justifient. On peut espérer que la pression des pairs et le souci de faire bonne figure au niveau international dissuaderont les États les moins ambitieux de recourir trop souvent à ce mécanisme d' opt-out.

Il reviendra aux États de définir, lors des futures conférences des parties (COP), le processus de création de ces AMP. Tout reste à construire, à partir de l'accord que nous nous apprêtons à ratifier. Les COP devront aussi préciser comment les États imaginent contrôler le respect de ces aires éloignées de tout. Assurément, le contrôle satellitaire jouera un rôle prépondérant, de même que l'intelligence artificielle. Je veux ici faire le lien avec l'audition le 15 mai, par notre commission, de M. Charles Thibout et Mme Asma Mhalla, qui préconisaient de trouver une niche dans laquelle nous pourrions exceller et devenir incontournables au lieu d'être à la traîne des Américains. La France dispose déjà d'une telle niche en matière de contrôle satellitaire : il nous arrive même de poser des balises sur des albatros, dans les mers du Sud, pour repérer les zones de pêche illicite.

En haute mer comme dans les zones économiques exclusives, je souhaite la création d'aires marines sous protection stricte ou intégrale, excluant par principe toute activité extractive. La communauté scientifique internationale nous dit que seul ce niveau de protection est à même de protéger ou restaurer les écosystèmes marins. Il ne s'agit pas de mettre sous cloche la haute mer, encore moins nos eaux côtières, mais de garantir un niveau de protection optimale des zones les plus fragiles. La France s'est fixée l'objectif d'avoir au moins 10 % de ces aires protégées. Nous y parviendrons assez facilement car les eaux internationales qui nous entourent, notamment au large des Kerguelen, sont susceptibles de constituer des AMP étendues. Peut-être aussi devrons-nous chercher à en avoir un peu plus le long de la bande côtière hexagonale. Les quelques exemples existants, en France comme à l'étranger, montrent que les premiers à bénéficier de ces zones sont les pêcheurs, parce qu'elles favorisent une abondance nouvelle de la ressource.

L'accord impose, en outre, aux États parties de réaliser une étude d'impact environnemental chaque fois qu'une activité engagée sous leur juridiction, ayant un impact en haute mer ou menée directement en haute mer, peut entraîner une modification importante et néfaste du milieu marin. Le grand intérêt de cette disposition tient au fait qu'elle prend en compte l'impact cumulé et écosystémique des activités humaines.

Enfin, l'accord BBNJ prévoit le transfert de technologies marines, notamment des États développés vers les pays en développement, dans le but d'accroître et de mieux partager les connaissances sur la conservation et l'utilisation durable des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que ce sujet vous tient particulièrement à cœur.

Il importe désormais que cet accord ambitieux soit ratifié le plus rapidement possible pour assurer son entrée en vigueur prochaine. Évitons de reproduire le scénario de la convention de Montego Bay, qui n'a pu être appliquée qu'après de longues années. Les Palaos, le Chili, les Seychelles, le Belize et Monaco ont déjà ouvert la voie. Faisons en sorte d'avoir ratifié cet accord avant la réunion de l'UNOC ! Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, notre objectif est que soixante pays aient déposé leur instrument de ratification avant cette échéance.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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C'est avec émotion et solennité que je vous invite à voter la ratification de ce texte de la plus haute importance. Cet accord, qui marque un tournant décisif dans la protection de l'océan, est historique.

Historique, d'abord, parce qu'après plus de vingt ans de négociations, il témoigne de la victoire du multilatéralisme en matière de protection de l'environnement.

Historique, ensuite, parce qu'il déroge au principe décisionnel du consensus et prévoit que les décisions seront prises à la majorité qualifiée, ce qui empêche un seul pays de bloquer une décision nécessaire.

Historique, enfin, parce qu'une fois en vigueur, il sera juridiquement contraignant, ce qui n'est pas rien.

Il ne s'agit pas d'un simple accord sur la biodiversité marine. En ratifiant ce traité, en renforçant les mécanismes de protection de l'océan, la France contribuera concrètement à la lutte contre le changement climatique car, en absorbant près de 30 % du CO2, l'océan est un puits à carbone essentiel à la régulation du climat. Les États signataires de l'accord qui ne possèdent aucune façade maritime ont eux-mêmes compris que la protection de l'océan et la lutte contre le changement climatique étaient indissociables.

J'étais présente aux côtés du secrétaire d'État lors de son déplacement à New York, en septembre 2023, pour soutenir la signature de l'accord. J'ai pu constater l'engouement des États – notamment des États latino-américains – en faveur de ce texte, qui a recueilli plus de quatre-vingts signatures en quelques jours.

Il y a un enjeu à la ratification rapide de cet accord. Soixante ratifications sont nécessaires pour permettre son entrée en vigueur, que la France souhaite pouvoir annoncer à la réunion de l'UNOC, à Nice, en juin 2025. Ce serait un signal fort, cohérent avec le rôle que notre pays a joué pendant les négociations. Le président de la République a annoncé que 2024 serait l'année de la mer. En 2024, soyons le premier pays de l'Union européenne à ratifier cet accord ambitieux et nécessaire, que je vous invite à soutenir sans réserve.

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Vous l'avez dit, l'année de la mer va commencer en septembre prochain. Ce sera l'occasion de nombreux événements : les Jeux olympiques, où la France a de vraies chances de médailles, dès le mois d'août, le Vendée Globe, la réunion de l'UNOC… Effectivement, du point de vue diplomatique, notre vote est important.

Des aires marines protégées ont déjà été créées. Il en existe treize dans l'Atlantique. Je sais que vous travaillez à la création d'une réserve dans la dorsale de Salas y Gómez, tandis qu'une aire marine protégée pourrait être constituée dans le dôme thermal. Nous pourrions imaginer relier toutes nos îles, y compris Clipperton, par une zone protégée. Mais beaucoup de travail reste à faire car, après la ratification de l'accord, il faudra encore ouvrir la négociation avec les différentes instances régionales ou professionnelles dont je vous ai parlé tout à l'heure.

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Le texte de l'accord est consultable depuis 2023. Quant au projet de loi de ratification, il est inscrit à l'ordre du jour de notre commission depuis le 23 avril et a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 16 mai. Or, jusqu'à ce matin vers neuf heures trente, aucun document n'était accessible sur le site internet de notre Assemblée. Le rapporteur a évoqué l'étude d'impact, dont il dispose sans doute mais que nous n'avons, pour notre part, pas pu consulter. Dans ces conditions, il est plus difficile d'intervenir !

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre rapport assez imagé qui nous permet de visualiser plus aisément les enjeux de cet accord stratégique, primordial pour nos océans, tout en nous donnant quelques indications sur le contenu de l'étude d'impact produite par le Gouvernement.

Cet accord vise à élaborer un instrument juridiquement contraignant, par lequel nous pourrons faire de ce qui n'appartient à personne un bien commun protégé par le droit. À cette fin, l'article 1er stipule que seuls les États souverains et les unions régionales d'États prennent part à l'accord. Les organismes non étatiques sont simplement consultés : ils ne sont pas des parties prenantes.

Cet accord, qui porte sur un enjeu crucial, appelle quelques réserves. Ainsi, le principe pollueur-payeur, louable par sa définition – seuls les vrais pollueurs des océans seront condamnés financièrement, tandis que les usagers et exploitants respectueux de l'environnement pourront profiter du patrimoine commun que sont l'océan et ses ressources –, n'est évoqué que dans les orientations présentées à l'article 7.

Je vous rejoins tout à fait s'agissant des moyens de surveillance et de contrôle, que vous détaillez à la page 30 de votre rapport. Il est évidemment impensable d'avoir une police des mers qui patrouillerait sur des millions de kilomètres carrés ; elle s'apparenterait à un tigre de papier. Pour la mise en œuvre de la surveillance visée à l'article 35, la coopération technologique évoquée dans la partie V devra se doubler d'une coopération sécuritaire. Vous mentionnez à juste titre l'accord de Kourou signé en mai 2023, relatif à l'acquisition des données et images satellitaires.

Les articles 52 et suivants portent sur le financement. La contribution de la France, qui n'est pas précisée, est estimée par le Gouvernement – nous le savons grâce à vous – entre un demi-million et un million d'euros. Cette somme peut paraître dérisoire au vu de notre patrimoine maritime, de nos routes commerciales et du nombre de personnes que fait vivre la mer. Il s'agit là d'un investissement mesuré, qui nous permettra de protéger un espace qui, faute de n'appartenir à personne, appartient en réalité à tous.

Malgré ses imperfections, cet accord constitue donc une belle avancée, que je salue. Le groupe Rassemblement national votera en faveur de ce texte.

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S'agissant de la mise à disposition des documents nécessaires, je prendrai l'attache des services concernés pour savoir ce qui s'est passé. Vous êtes tout à fait fondé à nous signaler cette anomalie, qui ne doit pas se reproduire.

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Je comprends les observations de Monsieur Guiniot mais mon rapport, quant à lui, était à la disposition de la commission avant ce matin. Il faut en outre souligner la rapidité avec laquelle l'Assemblée nationale ratifiera cet accord ; M. le secrétaire d'État n'y est pas pour rien.

S'agissant du principe pollueur-payeur, vous avez raison, nous allons devoir veiller à son application effective. La France est championne du monde dans ce domaine : dans le cadre de l'action de l'État en mer, depuis la catastrophe de l' Amoco Cadiz, nous avons mis en place un système de contrôle et de sécurité formidable. Dans la Manche, un bateau entre ou sort toutes les trente secondes : imaginez donc la sécurité qu'il convient d'assurer ! Ces moyens de sécurité sont répartis sur toute la planète, à travers des centres de coordination et de sauvetage en mer, dits « MRCC », qui sont des lieux de contrôle et de surveillance.

Comme vous, je crois qu'il faudra essayer de travailler à un contrôle satellitaire. À Étel, dans ma circonscription, se trouve le Centre national de surveillance des pêches maritimes : il s'agit d'un bel outil que nous devons continuer de développer.

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Partons de ce constat : la mer, l'océan mondial est au bord de l'asphyxie à cause de la surpêche et des pollutions multiples – aux substances chimiques, aux pesticides, aux métaux lourds, au plastique –, certaines étant la conséquence d'accidents de transport maritime. Et les deux-tiers de nos concitoyens – la moitié de la population de la France métropolitaine, et davantage encore dans les outre-mer – vivent à moins de 100 kilomètres d'une côte. Or l'océan joue un rôle de régulateur climatique ; de sa bonne santé dépend celle du vivant et de l'humain. Il y a donc une urgence, à laquelle viennent répondre l'Organisation des Nations Unies (ONU) et la diplomatie. Cet accord est salutaire ; il faut que la France le ratifie.

En tant que deuxième puissance maritime mondiale, notre pays a un rôle immense à jouer. Cet accord doit nous permettre d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, notamment dans le Programme de développement durable à l'horizon 2030 et dans le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.

Toutefois, que la France s'engage à ratifier cet accord ne doit pas cacher la responsabilité du Gouvernement dans la dégradation de la qualité des mers. Depuis sept ans, l'Exécutif a tendance à multiplier les grandes déclarations sans se donner les moyens de mettre en œuvre une véritable politique écologique. Ainsi, il s'est engagé à atteindre les objectifs fixés par la COP15 mais ne fait rien pour combattre – et parfois même encourage – la surexploitation des ressources par la surpêche, la chasse et la surproduction de tout et n'importe quoi. Il a, en outre, supprimé des postes dans certains ministères et opérateurs jouant un rôle clé dans la lutte contre le dérèglement climatique – à l'Office français de la biodiversité (OFB), aux agences de l'eau et au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), notamment.

Pour que cet accord s'applique, il faut que soixante États le ratifient. Seuls cinq pays l'ont fait à ce jour, et on ne compte parmi eux aucun des grands pollueurs de la planète, comme les États-Unis et la Chine.

Par notre vote positif, nous entendons saluer l'action de l'ONU pour tenter de répondre à la crise climatique mais nous ne cautionnons aucunement le double discours du Gouvernement, ni son inaction en matière de climat et de préservation de la biodiversité marine.

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Hervé Berville, secrétaire d'État

Vous nous accusez d'inaction climatique mais, si nous avons abouti à un tel accord, c'est parce que le Gouvernement a mené ce combat, en s'appuyant sur nos diplomates, que je remercie infiniment, sur les fonctionnaires qui travaillent sur ce sujet, ainsi que sur les parlementaires, qui ont adopté une résolution en la matière. La France et l'Allemagne ont fait de cette question l'une des priorités de leur action internationale.

Il n'y a pas de double discours : ce que nous prônons au niveau international, nous le faisons au niveau national. Ainsi, dans les Côtes-d'Armor, en lien avec la Ligue de protection des oiseaux, nous avons multiplié par soixante-dix l'étendue de la réserve naturelle des Sept-Îles, une aire marine protégée.

Vous nous reprochez enfin d'avoir supprimé des postes. Or, en matière de climat et de biodiversité, nous avons augmenté les moyens humains de l'OFB, qui bénéficie de créations de postes depuis quatre ans et d'un budget en hausse de plus de 150 millions d'euros.

Pour autant, je remercie votre groupe de voter en faveur de ce texte.

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Le sujet dont nous discutons ce matin paraît à première vue éloigné des réalités de ma circonscription, même si les inondations de ce week-end ont donné ces derniers jours à la Moselle un aspect maritime.

La mise en œuvre de cet accord permettra notamment la protection d'espaces de haute mer par l'établissement d'aires marines protégées et la réalisation d'études d'impact environnemental pour les activités humaines susceptibles de produire des effets néfastes en haute mer. Il apparaît en effet nécessaire de protéger cette haute mer, que l'on peut qualifier aujourd'hui de « Far-West maritime » en l'absence de réglementation la concernant. J'ajoute que la France, grande nation maritime et littorale, dont la zone économique exclusive est la deuxième au monde, a une responsabilité particulière dans la protection des océans. Dès lors, cet accord est utile et nécessaire : le groupe Les Républicains votera donc pour ce texte.

L'une des limites de l'accord BBNJ est qu'il ne s'applique pas à la grande pêche ni aux ressources minérales des fonds marins. Ces questions sont déjà réglementées par des institutions existantes : les ressources minérales des fonds marins sont gérées par l'AIFM tandis que la gestion de la grande pêche est assurée par les ORGP. L'accord BBNJ permettra certes de mettre en œuvre une coopération étroite avec ces organismes mais on peut craindre que la coexistence de mécanismes juridiques différents fragilisera l'action menée par ces institutions distinctes. Dans ce contexte, ne risquons-nous pas de voir, au cours des prochaines années, une accélération de l'exploitation des ressources minérales des fonds marins ?

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La pêche en haute mer ne représente que 4 % du volume total de la pêche, ce qui est très peu. Notre effort le plus important doit donc porter sur nos eaux territoriales et nos ZEE. Nous sommes en train d'y travailler, puisque nous voulons revoir les quotas de pêche et réexaminer certains outils et engins utilisés.

S'agissant de l'exploitation des fonds marins, il me semble que la France a dit, l'année dernière, qu'il n'en était pas question pour le moment. Nous étions à deux doigts de voir cette exploitation commencer à Nauru, une petite île du Pacifique qui n'a plus rien, qui a déjà vendu son guano il y a quelques années et qui s'apprêtait à vendre ses fonds marins à une société canadienne avant que la France appelle à mettre un terme au processus. L'accord BBNJ est une très bonne chose, dans la mesure où il prévoira un lieu où les différentes organisations que vous avez citées pourront négocier et travailler ensemble.

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Je tiens tout d'abord à vous féliciter, monsieur le rapporteur, pour votre engagement, votre rigueur, votre expertise sur les questions maritimes, votre efficacité et votre vélocité – on a vu à quelle vitesse ce texte est arrivé devant nous.

Aux yeux du Mouvement démocrate, cet accord est historique, tant par son contenu que par sa dimension contraignante.

Rappelons que la haute mer représente près de la moitié de la surface du globe. Elle fait partie des eaux internationales qui, à ce jour, sont peu protégées et ne relèvent d'aucune juridiction nationale. Elle abrite des ressources génétiques maritimes ainsi qu'une biodiversité très riche et peu connue à ce jour par les scientifiques. Elle est, surtout, un vecteur majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ces espaces sont soumis à une pression croissante due aux activités humaines, à la pollution – y compris sonore –, à la surexploitation des ressources et à la diminution de la biodiversité.

Concrètement, la mise en œuvre de cet accord permettra la protection d'espaces de haute mer par l'établissement d'aires marines protégées, ainsi que la réalisation d'évaluations de l'impact environnemental des activités humaines.

Se pose la question de la définition de ces aires protégées et donc des critères qui permettront de les établir. Je crois savoir qu'ils ne sont pas les mêmes, pour l'instant, selon les pays, et qu'ils font même débat en France.

Je salue la mobilisation de la France et des autres États membres de l'Union européenne pour une ratification rapide de cet accord, qui devrait intervenir, idéalement, avant la réunion de l'UNOC à Nice en juin 2025. Quel est le rôle du Parlement dans ce processus ? Nous connaissons votre engagement personnel mais je crois que, derrière vous, le Parlement a également entamé une démarche rapide.

Vous l'aurez compris, le groupe Démocrate votera ce texte tout à fait déterminant.

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Les départements de la Moselle et du Haut-Rhin sont aussi affectés par le changement climatique et l'état des océans. Il importe que vous mobilisiez tous vos collègues afin que nous soyons nombreux, le mercredi 29 mai à 15 heures, pour voter en séance publique ce projet de loi de ratification. Nous montrerons ainsi que le Parlement a joué son rôle en relançant le processus au moment opportun, lorsque les diplomates sollicitaient un soutien politique – un soutien que M. le secrétaire d'État a apporté avec une rapidité incroyable.

Le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) évoque quatre catastrophes ou quatre inquiétudes pour les océans : la montée du niveau de la mer ; le réchauffement de la mer ; l'acidification des océans, qui affecte le plancton et dérègle donc la chaîne alimentaire ; l'impact du dérèglement climatique. L'accord BBNJ permettra d'étudier tous ces aspects.

Les critères de constitution des aires marines protégées doivent être les mêmes partout dans le monde. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a proposé une définition. Quant à nous, nous devrons peut-être apporter un peu de clarté dans ce domaine : il me semble en effet que nous avons dix-sept types d'aires protégées le long de nos côtes – je ne vous parle pas ici de la haute mer. Il conviendrait de nous rapprocher un peu des critères de l'UICN.

Ces aires doivent représenter une part importante de nos eaux territoriales – je ne vous demande pas d'aller jusqu'à 10 % –, tant elles sont essentielles à la régénérescence de la production halieutique. Il existe des lieux où ce système fonctionne très bien, comme le long de la chaussée de Sein, à Porquerolles ou même en Croatie. Et je ne parle même pas des fameux rahui polynésiens, qui sont un parfait exemple d'une meilleure gestion de la ressource.

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L'accord BBNJ a été adopté à l'unanimité en juin 2023 et signé par quatre-vingt-huit États depuis le 20 septembre. Malgré des négociations parfois très tendues, il a été qualifié d'historique, dans un contexte de remise en cause du multilatéralisme dû à la guerre en Ukraine et à la rivalité sino-américaine. On peut d'ailleurs noter qu'il s'inscrit dans un contexte dynamique et positif, marqué notamment par l'accord trouvé fin décembre 2022 à la COP15 de Montréal, qui a fixé un objectif de 30 % d'écosystèmes terrestres et marins protégés d'ici à 2030.

La France a joué un rôle moteur, avec la Commission européenne, dans le cadre de la coalition de la haute ambition pour le traité sur la biodiversité en haute mer. Cinquante-deux États ont rejoint cette initiative, qui constitue un vecteur d'influence privilégié et un catalyseur en vue d'accélérer les procédures de ratification de l'accord. Nous avons bien noté que la France souhaitait pouvoir annoncer, lors de la prochaine conférence des Nations Unies sur l'océan, à Nice, en juin 2025, le dépassement du seuil des soixante ratifications indispensables à l'entrée en vigueur de l'accord, qui doit être atteint au plus tard en février 2025.

Il convient de saluer et de soutenir cet accord international, qui constitue indéniablement une avancée dans la protection de la biodiversité marine. Soyons cependant attentifs à sa traduction en droit interne et dans les politiques publiques nationales. Les modalités de sa mise en œuvre sont au moins aussi importantes pour son succès que les dispositions de l'accord lui-même. En effet, comme le souligne une étude récente du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) publiée le 9 mai 2024, un tiers seulement des plus grandes aires marines protégées sont efficaces pour protéger la biodiversité, ce qui représente 2,6 % de la surface totale des océans. Les scientifiques ont également relevé que, dans un autre tiers de ces aires marines protégées, des activités industrielles hautement destructrices telles que la pêche à grande échelle étaient autorisées.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Socialistes et apparentés soutiendront ce projet de loi de ratification.

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Je remercie votre groupe pour son soutien.

L'accord BBNJ permet de rassembler toutes les instances intervenant dans le domaine de la haute mer. Cependant, vous avez raison, la réunion de l'UNOC en juin 2025 sera importante car elle permettra de discuter de la notion d'aire marine protégée, des critères de création de ces zones, ainsi que des activités pouvant y être autorisées, notamment dans les domaines de la pêche et de l'exploitation minière : autant d'éléments qui devront être négociés dans le cadre des COP. Ce sera notre « accord de Paris maritime ». Nous devons y croire, tout faire pour que ce sommet réussisse, en soufflant dans toutes les voiles possibles, et le présenter de cette façon.

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Monsieur le rapporteur, je salue votre engagement constant, déterminé, ainsi que l'énergie que vous déployez sur les questions de préservation de la biodiversité. Monsieur le secrétaire d'État, je salue également votre engagement personnel à soutenir, avec exigence, ambition et responsabilité, ce processus de ratification dans le respect du calendrier.

La France, qui dispose de la deuxième plus grande zone économique exclusive au monde, a joué ces dernières années un rôle majeur en faveur de la protection des océans et des écosystèmes marins. Elle participe, avec vingt-cinq autres pays – dont des États insulaires comme la République des Palaos, les Fidji, les Samoa et les États fédérés de Micronésie –, à une alliance contre l'exploitation minière en eaux profondes. Par une résolution adoptée le 17 janvier 2023, l'Assemblée nationale s'est aussi prononcée en faveur d'un moratoire sur l'exploitation des fonds miniers marins.

Ce projet de loi tend à concrétiser cette ambition en ratifiant un texte majeur pour la préservation des ressources génétiques en haute mer. Cet accord BBNJ permet trois avancées dans le droit de la mer : la protection de l'environnement marin, en donnant aux États la possibilité de créer, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes et un organe scientifique dédié, des outils de gestion par zone et des aires marines protégées ; une meilleure gestion des ressources génétiques marines, en prévoyant un partage juste et équitable des avantages, y compris monétaires, découlant de leur utilisation ; le développement des pays, en organisant le transfert de technologies marines et le renforcement de leurs capacités, et en impliquant au maximum les peuples autochtones.

Ces dispositions seront essentielles pour tenir l'ensemble de nos engagements internationaux en faveur de la protection de la biodiversité marine, notamment ceux que nous avons pris lors de la COP15 sur la biodiversité et l'accord de Kunming-Montréal, lequel fixe un objectif de protection de 30 % des terres et des mers d'ici à 2030.

Vous l'aurez compris, vous pouvez compter sur le soutien indéfectible du groupe Horizons et apparentés sur ce projet de loi. Plus que jamais, voir loin, c'est considérer que la protection de la biodiversité en haute mer est nécessaire à la préservation de la totalité de la biodiversité planétaire.

Lorsque nous aurons créé ces aires en haute mer, comment ferons-nous pour les protéger efficacement, autrement qu'en ayant recours aux albatros ?

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La France pèse lourd dans l'environnement maritime. Elle le doit à ses territoires d'outre-mer, grâce auxquels le soleil ne se couche jamais sur notre territoire ; à sa marine, nationale et marchande – pensons au groupe CMA-CGM – ; à sa recherche, avec l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) ou encore l'Institut français polaire Paul-Émile-Victor. Nous sommes l'un des rares pays encore capables de conduire des missions de recherche océanique. Grâce au BBNJ, les données issues de ces travaux seront ouvertes, ainsi que le font déjà quelques organisations non gouvernementales (ONG) ou fondations comme Tara Océan. C'est un beau geste pour l'humanité.

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Grâce aux députés français, la France, deuxième puissance maritime mondiale, pourrait devenir le sixième pays au monde et le deuxième État européen, après Monaco, à ratifier le BBNJ.

Ce traité, qui vise à combler les lacunes du droit international concernant la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer, est le fruit d'un compromis. S'il pose une base juridique solide pour créer des aires marines protégées, il comporte néanmoins certaines limites. Selon une étude récente, un tiers seulement des cent plus grandes AMP seraient vraiment efficaces, tandis qu'un tiers autoriseraient des activités hautement destructrices, comme la pêche à grande échelle. La France n'a placé que 1,6 % de ses eaux sous un régime de protection haute ou intégrale. Les méthodes de gestion des ressources en haute de mer ne doivent pas favoriser la quantité au détriment de la qualité.

Le rapport que j'ai réalisé pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les enjeux scientifiques du BBNJ recommande que nos territoires d'outre-mer s'impliquent dans la mise en œuvre de cet accord, eu égard à leur situation géographique et à leur rapport étroit à l'océan. Les communautés ultramarines sont à même de participer à la gestion efficace des aires marines protégées. Je me réjouis d'ailleurs que la Polynésie ait participé à l'élaboration du BBNJ dès les sessions de négociations.

L'article 13 de l'accord concerne les peuples autochtones et les communautés locales. La France compte y annexer une déclaration afin de garantir le respect de sa Constitution et du principe selon lequel toutes les populations ultramarines ne peuvent pas être considérées comme des peuples. Pourriez-vous nous en dire plus ? Cette déclaration pourrait-elle compromettre l'application du BBNJ par la France ?

Le groupe GDR-NUPES reconnaît l'importance que revêt ce texte pour la protection des ressources marines, malgré ses imperfections, et vous invite à voter le projet de loi.

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L'accord désigne les peuples autochtones comme des parties prenantes devant être consultées en cas d'étude d'impact. Par ailleurs, tout pays qui souhaitera utiliser des ressources génétiques marines et les connaissances traditionnelles associées devra se conformer à la législation du pays fournisseur.

Dans le texte qu'elle annexera au BBNJ, la France réaffirmera son attachement à la déclaration des Nations Unies de 2017 sur les droits des peuples autochtones, qui figure dans le préambule de l'accord, mais rappellera qu'en vertu des principes à valeur constitutionnelle d'indivisibilité de la République et d'unicité du peuple français, chaque citoyen français dispose, par la Constitution, des mêmes droits et obligations, quelle que soit son origine.

Enfin, nous parlons ici d'aires protégées en haute mer, mais je sais la volonté de M. le secrétaire d'État de progresser s'agissant des aires protégées de bord de côte.

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Nous en venons à présent aux questions posées à titre individuel.

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L'article 13 du BBNJ prévoit que « les parties prennent des mesures législatives, administratives ou de politique générale, […] afin de garantir que les connaissances traditionnelles détenues par les peuples autochtones et les communautés locales et associées aux ressources génétiques marines dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ne soient accessibles qu'avec le consentement préalable, […] desdits peuples autochtones et communautés, ou à leur approbation et à leur participation ». La France compte exprimer des réserves sur cette disposition, puisque la Constitution française n'accorde pas le statut de peuple aux habitants des outre-mer français.

En écho à cette disposition du BBNJ, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) vient d'ouvrir la phase finale des négociations du traité sur la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés. Comment s'articulera-t-il avec le BBNJ ?

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Permettez-moi de botter en touche et d'attendre la semaine prochaine pour vous apporter une réponse précise sur ce sujet complexe.

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Hervé Berville, secrétaire d'État

Vous pointez le sujet essentiel des règles applicables à l'ensemble des aires marines protégées. Certains nous reprochent de tenir un discours ambigu lorsque nous affirmons, d'une part, que des règles identiques doivent s'imposer au niveau international et, d'autre part, que les territoires doivent juger des activités acceptables ou interdites localement. C'est que nous n'oublions pas que la Polynésie, par exemple, fut à l'avant-garde du combat contre l'exploitation minière des fonds marins et qu'elle a inventé une forme d'aire marine protégée, les aires marines éducatives.

Je n'ai pas vocation à remettre en cause les rahuis polynésiens, même s'ils ne se conforment pas strictement à la définition des aires marines protégées de l'UICN. À partir d'un socle commun, les aires marines protégées doivent être appréciées territoire par territoire, au regard des spécificités locales et de l'état écologique. Notre politique de protection des grands fonds et des AMP prend en considération les savoirs traditionnels ; c'est d'ailleurs l'objet de l'expertise que le Gouvernement a confiée à l'IRD en Polynésie, financée à hauteur de 1 million d'euros.

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Comme le rappelle l'avis politique adopté, à mon initiative, par la commission des affaires européennes, la protection des zones maritimes doit reposer sur des analyses scientifiques précises, notamment en ce qui concerne le risque lié à la pêche. Comment ce risque sera-t-il pris en considération ? La question a une incidence sociale et économique pour les territoires littoraux.

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L'avenir des pêcheurs est entre leurs mains. C'est à eux qu'il revient de le tracer, avec les scientifiques et les experts du monde maritime, en assurant la pérennité de la ressource halieutique. Les bonnes pratiques ne manquent pas, telle la pêche à la légine. Il faudra peut-être aussi inventer de nouveaux outils de pêche pour faire face au prix élevé du gazole.

Pour finir, je remercie tous les députés qui ont œuvré à ce projet de loi et qui s'apprêtent à le voter, ainsi que M. le secrétaire d'État pour son engagement sans faille.

Article unique (approbation de la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, adopté au siège des Nations unies le 19 juin 2023 et signé à New York le 20 septembre 2023)

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

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Hervé Berville, secrétaire d'État

À mon tour, j'adresse tous mes remerciements à M. le rapporteur pour le travail qu'il a mené avec fougue et précision, aux députés qui ont pris part à nos travaux, ainsi qu'à Eléonore Caroit, tant j'ai mesuré l'importance et l'efficacité de la diplomatie parlementaire. Je n'oublie pas les services de mon ministère, du Quai d'Orsay et de l'Assemblée nationale pour leur suivi remarquable de ce texte, aboutissement de nombreuses nuits de négociations avec la Russie, la Chine, les États-Unis et d'autres pays qui ne partagent pas toujours nos opinions.

Ce traité sera une pièce centrale de la lutte contre le changement climatique, parallèlement aux combats que nous menons pour la préservation de la biodiversité et contre l'exploitation minière des fonds marins, la pêche illégale et la pollution plastique.

***

Informations relatives à la commission

En clôture de sa réunion, la commission désigne :

- Mme Eléonore Caroit et Mme Marine Hamelet, co-rapporteures pour avis sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens 2024-2026 entre l'Etat et Expertise France.

La séance est levée à 12 heures 20

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Carlos Martens Bilongo, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Philippe Emmanuel, M. Nicolas Forissier, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, Mme Stéphanie Galzy, M. Guillaume Garot, Mme Maud Gatel, Mme Claire Guichard, M. Michel Guiniot, M. David Habib, M. Benjamin Haddad, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, Mme Élise Leboucher, M. Vincent Ledoux, Mme Nathalie Oziol, M. Jimmy Pahun, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Olivier Véran, Mme Laurence Vichnievsky, M. Lionel Vuibert, M. Éric Woerth

Excusés. - Mme Élisabeth Borne, M. Sébastien Chenu, Mme Julie Delpech, M. Olivier Faure, M. Meyer Habib, Mme Marine Le Pen, Mme Yaël Menache, M. Nicolas Metzdorf, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Sabrina Sebaihi, M. Jiovanny William, Mme Estelle Youssouffa

Assistait également à la réunion. - Mme Anne-Cécile Violland