Séance en hémicycle du 26 janvier 2016 à 15h00

Résumé de la séance

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  • immigration
  • migratoire
  • rétention
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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait été marqué par le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Celui de François Hollande risque d’être entaché par une décision encore plus grave.

En toute opacité, dans un silence gêné, le conseil des ministres a entériné un projet de loi autorisant la ratification du protocole de Paris sur l’OTAN. Derrière sa présentation technique, ce projet de loi a une teneur éminemment politique. C’est la porte ouverte à l’installation de quartiers généraux militaires américains en France, ce que notre pays avait refusé en 1966.

Il s’agit d’une rupture totale avec la doctrine gaullienne d’indépendance nationale qui, de François Mitterrand à Jacques Chirac, avait toujours fait l’objet d’un consensus national. C’est le signe décisif de l’alignement atlantiste de votre gouvernement.

Plus de vingt ans après la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, quel objectif poursuit l’OTAN, si ce n’est la suprématie de la puissance américaine ? Celle-ci porte une responsabilité écrasante dans la déstabilisation du Moyen-Orient, par ses ingérences militaires qui ont enfanté Daech.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Du Kosovo à l’Irak, en passant par la Libye, l’OTAN s’est constamment exonérée du droit international et des résolutions de l’ONU. Nous ne sommes pas à l’abri demain de nouvelles aventures dans lesquelles notre pays se trouverait engagé.

Dans un monde multipolaire, les peuples attendent tout autre chose de la France : une parole libre et indépendante en faveur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Monsieur le Premier ministre, cette intégration totale dans l’OTAN est un contresens qui affaiblira la paix et la voix de la France. Je vous demande de renoncer à ce projet.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, ce sujet ne peut en aucun cas prêter à la polémique si nous regardons précisément les faits.

La décision de réintégrer le commandement intégré de l’OTAN a été prise en 2009 par l’ancien Président de la République, M. Sarkozy. Je laisse de côté les débats qui avaient eu lieu à l’époque.

Une fois prise, cette décision emportait notamment comme conséquence que la France accueillait à nouveau du personnel de l’OTAN dans ses quartiers généraux militaires, de même que des personnels français et des officiers généraux français exercent des fonctions dans les enceintes d’autres pays de l’OTAN. C’est ainsi qu’un général français exerce le commandement suprême de la Transformation à Norfolk, aux États-Unis, qui est un des plus importants de l’OTAN.

En 2009, la logique aurait donc voulu que la décision de réintégration s’accompagne de la ratification du protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux, signé à Paris le 28 août 1952, qu’on appelle le protocole de Paris. Ce texte définit le cadre juridique du stationnement des quartiers généraux de l’OTAN et de leurs personnels au sein de l’Alliance atlantique.

La France l’avait, de manière logique, dénoncé en 1967, lorsque nous avions quitté le commandement intégré, mais en 2009 les conséquences de la décision de réintégration auraient dû être tirées.

C’est donc par souci de cohérence et de simplification que nous avons décidé de revenir dans ce protocole…

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

… dont l’autorisation sera soumise au Parlement dans les prochains mois – le 17 mars au Sénat.

Dès lors que nous sommes appelés à accueillir des militaires de l’Alliance au sein de nos quartiers généraux, il n’y a que des avantages à être à nouveau partie de ce protocole. Il ne s’agit pas de se préparer à accueillir à nouveau une structure de commandement de l’OTAN sur le territoire national.

Voilà les faits. Nous ne faisons que tirer les conséquences d’orientations déjà prises et sur lesquelles il n’aurait pas été opportun de revenir car cela aurait remis en cause la constance des positions de la France, dont la politique étrangère et la politique de défense sont indépendantes mais qui est dans des alliances.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le Premier ministre, Gambetta et le 4 septembre, Zola et « J’accuse », Joseph Kessel et « Le Chant des partisans » : certains de ceux qui ont fait la France et son histoire étaient d’ascendance étrangère, sinon binationaux.

Vendredi, l’Assemblée examinera le projet de révision de la Constitution. Selon ce texte, les condamnés pour crimes de terrorisme pourront être déchus de la nationalité française s’ils sont binationaux, généralement par filiation, ayant au moins un parent étranger. En revanche, ceux qui sont exclusivement Français, les Français dits parfois « de souche », seront exonérés de cette sanction.

En elle-même, cette déchéance peut se concevoir. Ceux qui tirent sur leurs compatriotes au fusil d’assaut, ceux qui renient leur pays s’excluent à l’évidence de la communauté nationale.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais l’on conçoit mal que cette déchéance concerne uniquement les binationaux car la République, c’est le principe d’égalité devant la loi sans distinction d’origine.

Applaudissements sur divers bancs.

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Monsieur le Premier ministre, face à une situation aussi difficile, je pense qu’il serait donc utile de ne pas établir une distinction entre deux catégories de Français, comme semble y tendre la rédaction actuelle du texte – laquelle peut sans doute évoluer.

Pour éviter une telle disparité, mieux vaudrait une autre solution : la dégradation civique, renommée « interdiction des droits civiques, civils et de famille » par le nouveau code pénal.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les auteurs de crimes terroristes encourent cette peine complémentaire, qui peut s’ajouter à la réclusion criminelle. Ceux-ci ne seraient pas déchus de leur nationalité mais privés de leur citoyenneté pour l’essentiel, ce qui, symboliquement, au plan de la réprobation publique, serait une sanction analogue...

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Merci, monsieur le député.

La parole est à M. le Premier ministre.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président Schwartzenberg, la France et les Français vivent une situation particulière qui nous oblige.

Les attaques terroristes que nous avons connues en 2015, les attentats déjoués – le ministre de l’intérieur en fait état régulièrement –, la vidéo postée ce week-end encore par l’État islamique, Daech, témoignent de la menace qui pèse sur nos compatriotes, sur notre pays et de nombreux autres. Voilà ce que nous devons avoir à l’esprit, comme tel est d’ailleurs votre cas !

En convoquant le Conseil des ministres dans la nuit du vendredi 13 novembre, en déclarant immédiatement l’état d’urgence, en rétablissant le contrôle aux frontières, en s’exprimant clairement devant les représentants de la nation à Versailles, le 16 novembre, le Président de la République a non seulement pris la mesure de la situation mais a voulu créer les conditions d’une union forte – celle de tous les Français, à travers la représentation nationale – face au terrorisme.

De nombreuses mesures ont été décidées, que je ne rappellerai pas, afin de soutenir nos forces de sécurité.

Des projets sont prévus, qui ont été préparés de longue date, et ont été engagés – je pense au projet de loi relatif à la procédure pénale et à la lutte contre la criminalité dont je ne doute pas un seul instant qu’il fera l’objet de convergences constructives avec la proposition de loi préparée par le président de la commission des lois du Sénat avec l’ancien garde des sceaux, M. Mercier. Là encore, je ne doute pas que nous puissions avancer ensemble.

Lutter contre le terrorisme, c’est aussi, bien sûr, agir sur le plan de la prévention en donnant plus de moyens aux services de renseignement et en maintenant un niveau d’alerte particulièrement élevé.

La révision constitutionnelle proposée par le chef de l’État devant le Congrès fait partie des réponses que nous devons apporter.

Elle ne comporte pas un article unique ni une seule mesure. Par son article 1er, nous concevons comme une garantie l’inscription dans la Constitution de l’état d’urgence – que nous vous proposerons par ailleurs de proroger pour trois mois supplémentaires.

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Que cela soit dans la Constitution ne change rigoureusement rien !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Aujourd’hui, les motifs permettant le déclenchement de l’état d’urgence ou la nécessité de l’autorisation du Parlement pour toute prorogation au-delà de douze jours relèvent de la simple loi. Désormais, ces deux garanties essentielles seront protégées par la Constitution.

Vous évoquez la question de l’article 2 relatif à la déchéance de la nationalité – nous en débattrons – et nous avez fait part à l’instant de votre réflexion, à travers des rappels historiques heureux et nécessaires, tout comme vous l’avez également fait lors des rencontres organisées à l’Elysée vendredi dernier avec les principaux responsables politiques du pays et les groupes représentés au Parlement – je remercie d’ailleurs chacun pour sa contribution à ce débat.

Je sais que vous avez vous-même beaucoup travaillé sur cette question et que votre analyse est toujours d’une extrême finesse.

Comme vous le savez, je me rendrai demain devant la commission des lois de l’Assemblée nationale à l’invitation du président Urvoas – vous êtes vous-même membre de cette commission, monsieur le président Schwarzenberg.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

C’est en effet à vous, parlementaires, représentants de la nation, qu’il revient de décider in fine car tel est le rôle du Parlement. Je sais que chacun sur ces bancs mesure pleinement cette responsabilité – en l’occurrence celle que confère le constituant.

Le Président de la République et le Gouvernement n’ont aucunement l’intention de viser telle ou telle catégorie de citoyens – je suis d’ailleurs à l’écoute de tous ceux qui peuvent se sentir concernés.

Je rappelle, monsieur le président Schwarzenberg, que nous ne visons au fond qu’une seule catégorie de citoyens, une seule : les terroristes dont les crimes, d’une certaine manière, déchirent le lien qu’ils ont pu établir avec la nation.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Après la phase de consultation qui a eu lieu, je formulerai demain des propositions afin – c’est la mission que le Président de la République m’a donnée – de permettre le rassemblement le plus large.

Un tel rassemblement doit se faire avec le souci de respecter pleinement l’engagement que le Président de la République a pris devant les Français lors du Congrès et de faire en sorte que l’écriture de l’article 2, comme celle de l’article 1er, rassemblent le plus largement.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Face au pays, chacun doit prendre ses responsabilités. Moi, monsieur Schwarzenberg, je les prendrai pleinement demain.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le Premier ministre, ce samedi, à Calais, des faits d’une exceptionnelle gravité se sont déroulés.

Le port a été de nouveau pris d’assaut, l’activité économique une nouvelle fois bloquée. Des personnes et des biens ont été menacés, la statue du général de Gaulle souillée, l’autorité républicaine défiée et bafouée.

Face à ces événements, qui ne sont malheureusement pas les premiers, le sentiment des Calaisiens et des Français, c’est que la situation échappe désormais à tout contrôle. Dans le camp de la Lande, qui est devenu le plus grand bidonville d’Europe, c’est désormais le chaos et la loi des passeurs qui règnent. Face à cette situation insoutenable, les Calaisiens ont jusqu’à présent gardé leur sang-froid. Je salue ici leur réaction digne et exemplaire. Dimanche, aux côtés de Natacha Bouchart, maire de Calais, ils ont de nouveau manifesté pour dire qu’ils aiment leur ville, qu’elle est belle, mais qu’ils n’en peuvent plus que chaque semaine son image soit dégradée, que chaque semaine les entreprises et l’emploi soient déstabilisés et l’insécurité aggravée.

Député du Pas-de-Calais, je veux me faire cet après-midi le porte-parole des Calaisiens, des habitants de la Côte d’Opale et de tous ceux qui demandent au Gouvernement de ne plus minimiser l’ampleur du phénomène.

Monsieur le Premier ministre, faudra-t-il attendre qu’un drame survienne pour qu’enfin le Président de la République se rende sur place ?

Monsieur le Premier ministre, qu’attendez-vous pour prendre des mesures exceptionnelles qui permettront de rétablir la loi de la République et de mettre fin à cette situation de non-droit ?

Monsieur le Premier ministre, que proposez-vous pour expulser les clandestins, pour sanctionner les No Borders, complices de ces violences, et pour traiter dignement les vrais demandeurs d’asile ?

Monsieur le Premier ministre, il est plus que temps que vous réagissiez car, comme l’a dit hier notre nouveau président de région, Xavier Bertrand, Calais, c’est la France et la France ne peut plus accepter cette situation.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Vous avez raison, monsieur le député, de citer le président de la région, Xavier Bertrand. J’étais avec lui ce matin à Lille où nous avons fait une conférence de presse commune. Le ton avec lequel il est intervenu contraste absolument avec les aspects polémiques de votre question

Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Plus on est proche d’un territoire et de ses problèmes, plus on est éloigné de la polémique !

Je répondrai donc très précisément à chacune de vos interrogations.

Vous nous demandez d’abord ce que nous faisons (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains ) pour éloigner ceux qui sont en situation irrégulière et ne relèvent pas de l’asile.

Exclamations sur les mêmes bancs.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Vous oubliez simplement de préciser qu’en 2015, ce sont 1 768 migrants en situation irrégulière qui ont été expulsés de Calais.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et combien sont entrés dans le même temps ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Le dire, cela aurait été une bonne manière de rendre hommage aux policiers de la police de l’air et des frontières ainsi qu’aux forces de l’ordre, qui font un travail remarquable et que vous n’avez pas même salués dans votre question,

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

ce qui est vraiment très regrettable !

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Vous nous demandez ensuite ce que nous faisons pour démanteler les filières d’immigration irrégulière. L’an dernier, nous avons démantelé 25 % de plus de filières de migrants irréguliers à Calais, ce qui représente près de 700 passeurs dont la situation a fait l’objet d’un traitement judiciaire.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Pourquoi ne le dites-vous pas ? Tout simplement parce que vous cherchez la polémique, non à faire preuve de bonne foi ni à apaiser les tensions en la matière !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Vous dites que la situation s’est détériorée sur la Lande, mais pourquoi ne dites-vous pas qu’avec la maire de Calais, le député Yann Capet et le concours de l’Union européenne, nous y avons mis en place des dispositifs humanitaires en mobilisant près de 20 millions d’euros ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Ceux qui peuvent être accueillis à Calais bénéficient quant à eux de 1 500 places. Ce n’était pas le cas avant : vous auriez pu en faire état si vous étiez à la recherche de la vérité plutôt que de la polémique !

En fait, la situation à Calais appelle à faire preuve de fermeté. Samedi et dimanche, trente-cinq personnes ont été interpellées, six ont été mises en examen. Le droit est passé …

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La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs jours, les agriculteurs se font entendre, particulièrement en Bretagne. Ils ne voient pas le bénéfice des mesures structurelles de la loi d’avenir pour l’agriculture ; ils ne voient pas le bénéfice des mesures du plan de soutien que le Gouvernement a mis en place. Bien que des sommes importantes aient été mobilisées par l’État – aides à l’investissement, report de charges, avances des aides PAC – en bout de chaîne, l’éleveur perçoit une somme qui n’est pas à la hauteur des pertes engendrées par les prix bas et les coûts de production élevés.

La complexité des dossiers est aussi évoquée. Les agriculteurs sont désespérés de subir un système dont ils n’ont pas la maîtrise : éleveurs de porcs, de bovins, producteurs de lait manifestent leur impuissance, ne sachant comment gérer leur situation personnelle. Ils veulent simplement vivre de leur travail, avec un prix qui leur permette de rembourser leurs investissements, leurs coûts de production et leurs charges sociales. Les mauvaises années se succèdent. Les jeunes qui viennent de s’installer n’ont aucune visibilité et sont désabusés.

Les agriculteurs réclament une régulation des volumes en Europe ; ils réclament l’harmonisation des charges sociales et fiscales ou, à défaut, une baisse sensible de celles-ci en France ; ils réclament l’étiquetage de l’origine des produits frais et transformés, pour que le consommateur puisse choisir. Comment trouver une solution à ce problème, sans attendre la décision européenne, qui tarde trop à venir ?

Les agriculteurs réclament l’organisation d’une association de producteurs de porcs pour regrouper l’offre et revaloriser le prix. Les opérateurs doivent s’associer et mettre en place un fonds privé de soutien à la filière pour faire face aux aléas du marché. Ils veulent la transparence sur la répartition des marges sur l’ensemble de la filière : donnons-nous les moyens de le faire. Un ajustement du plan de soutien n’est pas suffisant : il faut des mesures d’ampleur pour retrouver de la compétitivité sur les marchés. Comment la dette globale des agriculteurs peut-elle être renégociée auprès des banques ?

Redonnons du souffle à nos producteurs, car c’est toute l’économie d’une région qui s’écroule avec eux. Les nombreux sous-traitants de l’agriculture, les artisans, les commerçants ressentent les effets de cette crise sans précédent sur l’emploi, particulièrement en Centre-Bretagne. Tous attendent des réponses concrètes.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Madame la députée, vous avez évoqué la situation de l’élevage, et en particulier celle de l’élevage porcin. Je voudrais rappeler que cette crise ne date pas de ce début d’année et que des décisions ont été prises au printemps de l’année dernière. Nous avons notamment tenté, par des médiations, de relever les prix. Je voudrais vous rappeler aussi, madame la députée, que ces médiations ont été remises en cause non pas par mon ministère, mais par les acteurs économiques eux-mêmes.

La perte subie par les éleveurs de porc, les producteurs de lait et, dans une moindre mesure, par les producteurs de viande bovine, du fait de la baisse des prix et d’une situation de marché où l’offre est excédentaire, est colossale – j’en ai parfaitement conscience. Le Gouvernement s’est mobilisé en proposant un plan de soutien, auquel il vient d’apporter des compléments, afin de trouver des solutions.

Vous pouvez considérer, madame la députée, que les moyens mobilisés – 700 millions sur trois ans, auxquels nous allons ajouter 290 millions d’euros, et 500 millions d’aides de trésorerie – ne suffiront pas à compenser la chute des prix. Mais il faudrait aussi que chacun prenne ses responsabilités. L’État prend les siennes, et il agit. Il faut sûrement aller plus vite, comme vous l’avez dit, mais il faut aussi construire des solutions durables. Cela passe notamment par l’organisation de groupements de producteurs, et je me félicite, à cet égard, que cinq d’entre eux aient enfin accepté de se regrouper pour peser sur l’offre. Cela passe également par la contractualisation, ainsi que par l’utilisation des outils fiscaux à notre disposition.

J’aimerais, pour finir, vous répondre précisément sur la question de l’étiquetage. Puisqu’on me demande un décret, j’annonce, devant la représentation nationale, que je ferai ce décret, et qu’il sera transmis au Conseil d’État, en même temps qu’on le notifiera à la Commission européenne.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Mais je suis convaincu que « Viandes de France » reste la meilleure des réponses, car cette démarche intègre une dimension majeure pour la France : né, élevé, abattu et transformé en France.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe Les Républicains.

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Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous n’avez pas été à la hauteur.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Dimanche, sur Canal + l’émission « Le Supplément » voulait montrer, à travers une organisation non gouvernementale musulmane, un autre visage de l’islam. À quoi avons-nous assisté ?

Nous avons vu un homme qui refuse de saluer une ministre de la République, parce que c’est une femme. « Je ne serre pas la main aux femmes », affirme sur le plateau Idriss Sihamedi.

Nous avons vu un responsable associatif, soi-disant humanitaire, qui refuse de condamner une organisation terroriste, en l’occurrence, l’État islamique.

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Nous avons vu une ministre de la République passive, qui réagit a minima devant des propos purement scandaleux.

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Madame, le député que je suis fait en ce moment l’objet d’une plainte de la part de SOS Racisme, parce qu’en tant que maire, en septembre dernier, j’ai appelé l’attention de l’opinion sur le risque d’infiltration de terroristes islamistes parmi les réfugiés, alors qu’il a été démontré, depuis le 13 novembre, que c’est une réalité.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Madame, en ce moment, un procureur de la République me poursuit, pour soi-disant provocation à la discrimination raciale ou religieuse. Certains incitent à la haine sur un plateau de télévision en votre présence sans que vous réagissiez, pendant que moi, préférant protéger mes compatriotes et demandant à l’État des garanties sur les migrants qui déferlent sur notre pays et qu’on me propose d’accueillir dans ma ville, je dois accepter d’être montré du doigt, poursuivi par la justice de mon pays.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Madame, vous avez été ministre des droits des femmes ; vous avez porté en 2013 la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes ; vous êtes aujourd’hui ministre de l’éducation nationale, et vous n’avez pas eu le courage de vous lever, de donner tout simplement l’exemple. Madame, par votre silence, vous avez laissé faire. Par votre complaisance, vous n’avez pas été à la hauteur.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, le combat contre le terrorisme et la radicalisation nécessite l’unité nationale et se passe des polémiques artificielles.

Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

De quoi parlons-nous ? D’une émission de télévision qui, ce week-end, a reçu un président d’association venu défendre l’un des siens, retenu en captivité au Bangladesh. Cet homme a tenu sur le plateau des propos qui ont abasourdi tout le monde. J’ai évidemment condamné ces propos et j’ai refusé de servir la soupe à ce monsieur en lui offrant une tribune supplémentaire.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, la règle à laquelle je me tiens est simple : on ne débat pas avec les ennemis de la République, on les combat.

« Justement ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mon combat est total : il exclut tout dialogue artificiel et toute mise en scène. Mon action se situe au sein de mon ministère, où tout est entrepris pour démonétiser ces discours et pour défendre la laïcité.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

C’est le sens de toutes les mesures qui ont été mises en oeuvre pour former les enseignants, pour développer l’éducation civique et morale, pour faire en sorte que l’on rétablisse des règles claires sur la laïcité.

Faut-il vous rappeler, monsieur le député, que tout ce travail n’a pas été mis en oeuvre par la précédente majorité ?

Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

C’est pourquoi je n’accepterai aucune leçon de civisme, aucune leçon d’anti-islamisme, de la part de ceux qui n’ont pas fait ce travail.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Je le répète très calmement devant vous : je condamne évidemment les propos qui ont été tenus par ce président d’association sur ce plateau de télévision, et je regrette qu’on lui ait offert une tribune. L’école est totalement engagée pour transmettre les valeurs que nous défendons. Nous n’avons qu’un ennemi, de part et d’autre de cette assemblée, et je vous invite à ne pas abîmer ce travail par des polémiques dérisoires.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. Jean-Jacques Cottel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question concerne le rapport Badinter sur les principes essentiels du code du travail.

Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la nécessité de simplifier et de clarifier notre code du travail est une évidence partagée. Après le plan d’urgence pour l’emploi et les nombreuses mesures pour favoriser l’activité, la recherche et le dialogue social, le Gouvernement démontre à travers ce nouveau chantier sa volonté d’agir sur tous les leviers contre le chômage !

Le rapport Badinter constitue en cela une étape importante dans la refonte du code du travail afin de le rendre plus lisible et plus efficace pour la vie des entreprises comme des salariés et de dynamiser l’emploi dans nos territoires. Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause les principes fondamentaux sur lesquels doit s’établir la législation du travail afin « d’assurer aux salariés, à tous ceux qui participent à la création de richesse dans l’entreprise, le respect de leurs droits fondamentaux et notamment de leur dignité. »

Bien au contraire, ce sont ainsi soixante et un principes essentiels, déjà bien ancrés dans notre culture sociale, qui constitueront le socle du futur code ! C’est la réaffirmation de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la laïcité, du droit à la formation professionnelle et des libertés syndicales. Ce sont les principes du dialogue social, du repos hebdomadaire, des congés payés, de l’encadrement du travail de nuit et d’un salaire assurant de bonnes conditions de vie. Ce sont les principes selon lesquels le contrat de travail est à durée indéterminée, la durée légale du travail demeure fixée par la loi et les heures supplémentaires compensées.

Madame la ministre, qu’envisagez-vous pour donner suite à ce rapport et, question importante pour nous tous, quelles mesures proposez-vous en direction des TPE et des PME, viviers d’emplois dans nos territoires ?

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, vous avez raison de le mentionner, ces soixante et un principes, énumérés dans le rapport de la mission conduite par Robert Badinter, qui a été remis hier au Premier ministre et à moi-même, constitueront l’ordre public en matière de droit du travail, avec toutes les normes auxquelles il ne sera pas possible de déroger. Ces principes, les plus importants du droit du travail, doivent être complétés, bien sûr, par tout un ensemble de dispositions législatives pour leur donner de la chair.

Mais il faut garantir aux salariés les droits fondamentaux, qui seront déclinés et enrichis dans la loi pour préciser, dans un second temps, le cadre dans lequel la négociation collective, les accords d’entreprise et les accords de branche peuvent prendre plus de place. C’est l’ambition que je porte dans le projet de loi que je présenterai au conseil des ministres le 9 mars prochain. Nous allons réécrire les 125 pages du code du travail relatives au temps de travail, aux congés, autant de sujets très concrets pour les salariés et les employeurs.

Pour définir les adaptations nécessaires, il faut partir des besoins du terrain, c’est-à-dire de ceux rencontrés par les salariés et les employeurs. C’est pourquoi je travaille au renforcement de l’accord d’entreprise et à la place de la branche, qui est un sas indispensable, notamment pour les TPE et les PME, parce qu’elle permet une concurrence beaucoup plus loyale.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Concrètement ?

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

En engageant cette réforme du code du travail, ce sont bien la compétitivité de notre économie et la création d’emplois que nous visons. La réforme que je proposerai est ambitieuse

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

nous parlerons de l’avenir du travail, de l’irruption du numérique, de la médecine du travail et, enfin, du compte personnel d’activité, essentiel pour rendre plus fluides dans notre pays les transitions professionnelles.

Telle est l’ambition de ce projet de loi. J’espère que j’aurai tout votre soutien pour vous le présenter.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, je souhaiterais que vous-même et votre gouvernement soyez parfaitement conscients de l’extrême gravité de la crise agricole que nous traversons aujourd’hui. Cette crise concerne l’ensemble des filières d’élevage, en particulier le lait et le porc. Les éleveurs travaillent sans compter et ils vendent à perte.

J’étais vendredi à leurs côtés en Bretagne, comme d’autres, lors de leur rassemblement. J’ai pu constater le grand nombre des personnes présentes et la jeunesse des éleveurs présents. Leurs visages étaient graves ! Ils comprennent que ce qui est menacé, c’est leur projet professionnel, voire leur projet de vie. Il faut agir et agir vite ! Il faut agir pour que les éleveurs français soient à armes égales face à leurs concurrents. Or, aujourd’hui, trop de charges financières et de contraintes administratives pèsent sur eux et ce ne sont pas quelques subventions qui les atténueront.

Il faut rétablir nos relations commerciales avec la Russie.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis un an nous perdons un grand client en raison d’une décision politique dont les éleveurs sont les victimes.

Il faut exiger davantage d’étiquetage sur l’origine des produits, de façon à ce que le consommateur sache d’où vient celui qu’il achète. C’est vrai, nous avons progressé pour la viande fraîche mais rien n’a été fait pour les produits transformés, la charcuterie et les plats préparés. Or c’est là l’essentiel. Je sais qu’il faut bousculer quelques règles européennes et quelques intérêts privés mais l’enjeu, c’est la survie de l’élevage aujourd’hui. C’est l’urgence, monsieur le Premier ministre

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C’est pourquoi je vous demande des décisions rapides, claires et définitives. L’enjeu, c’est la survie de l’élevage, en Bretagne en particulier et en France en général.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Ce n’est pas le Premier ministre qui répond ?

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, je réponds mais vous savez que le Premier ministre a été présent chaque fois que nécessaire, en particulier lors des deux plans d’urgence que nous avons présentés, en juillet et en septembre. Et, au-delà des 700 millions d’euros que j’ai évoqués, les arbitrages sur les 300 millions supplémentaires ont été rendus hier à Matignon.

Vous évoquez la profondeur de la crise. J’en ai parfaitement conscience. Depuis un an, monsieur Le Fur, chaque fois que cela a été nécessaire, en Bretagne et ailleurs, j’ai essayé de mobiliser l’ensemble des moyens de l’État et l’ensemble des acteurs, pour que chacun prenne bien la mesure de la situation. Les négociations commerciales sont en cours aujourd’hui entre les industriels et la grande distribution. Le message est très simple : chacun doit prendre sa part de responsabilité. L’État a pris et continuera de prendre la sienne.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faudrait inscrire dans la Constitution l’état d’urgence agricole !

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Quant à l’étiquetage, sujet que vous avez évoqué, je vous rappellerai qu’après la crise des lasagnes à la viande de cheval, j’avais négocié l’indication de l’origine des viandes dans les produits transformés. Or je suis arrivé à la conclusion que les pays européens n’ont pas la même agriculture que la nôtre. Ceux qui étaient prêts à un étiquetage mentionnant l’origine considéraient que, pour l’élevage, c’était le pays d’abattage qui fixait l’origine de la viande. Je considère quant à moi que la France est un pays de naisseurs, d’engraisseurs, d’éleveurs et d’abattage, et on doit donc défendre la mention « né, élevé, abattu et transformé en France » : c’est l’objectif de Viandes de France.

Comme la question de l’étiquetage est au coeur d’un débat et que certains laissent penser qu’avec l’étiquetage tout serait réglé, j’ai décidé de rédiger le décret sur le sujet et de le transmettre à la Commission européenne. J’emmènerai avec moi les parlementaires et les professionnels agricoles pour négocier.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, ma question sera simple : que compte faire le Gouvernement sur les 35 heures et, plus largement, sur le droit du travail,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…à l’heure où les entreprises, entendant tout et son contraire, ne savent plus vers qui se tourner ?

Lundi dernier, la ministre du travail, Mme Myriam El Khomri, s’est dite opposée à une suppression du plancher de 10 % de majoration des heures supplémentaires.

Vendredi, lors de son déplacement à Davos, le ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, s’est déclaré « favorable à ce que les négociations avec les partenaires sociaux conduisent à majorer beaucoup moins, voire pas du tout, les heures supplémentaires », ce qui reviendrait de facto à mettre un terme aux 35 heures en tant que durée hebdomadaire légale.

Hier, recevant le rapport de la commission Badinter, vous avez indiqué de façon sibylline que la dérogation à la durée légale n’était « plus une transgression ».

Monsieur le Premier ministre, le 16 septembre 2014, lors de votre discours de politique générale, vous avez cité Mendès France : « Gouverner, c’est dire la vérité. » Quelle est donc la vérité qui vous permettrait aujourd’hui de gouverner ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, je serai très claire.

« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Le Gouvernement n’entend pas remettre en cause les 35 heures.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Cela n’est pas négociable, et nous l’assumons.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S’il vous plaît, mes chers collègues, écoutez la réponse !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Vous le savez : les Français travaillent en moyenne 39 heures par semaine. Le seuil des 35 heures est le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Le projet de loi que je vous présenterai permettra de renvoyer la négociation du taux de majoration à l’accord d’entreprise ou, à défaut, à l’accord de branche.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Ainsi, l’organisation du temps de travail pourra être négociée à l’échelle de l’entreprise, dans le cadre d’accords majoritaires.

Vous voulez moins de partenaires sociaux dans les entreprises. Je tiens à rappeler ici que le projet de loi est solidement ancré sur des principes : fondé sur le rapport de Robert Badinter, qui sera bien sûr étoffé par des dispositions législatives, il permettra cependant de mettre en place des adaptations, au plus près des entreprises, par la négociation et non par le contournement des organisations syndicales.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Puisque vous m’avez interrogée sur le seuil de majoration des heures supplémentaires, je vous le dis très clairement : le taux de majoration des heures supplémentaires ne pourra être en deçà du plancher actuel de 10 %. Voilà ce sur quoi nous travaillons en réalité.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Mais je reste persuadée que, si nous voulons revivifier le dialogue social, nous devons être capables d’en changer les règles, c’est-à-dire de mettre en oeuvre des accords majoritaires ou des accords à 30 % qui seraient étoffés d’un référendum d’entreprise.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Voilà la philosophie qui guide notre travail : renforcer les acteurs, et non contourner les organisations syndicales.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Bernard Debré, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, dans quel pays vivons-nous ?

Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans quel pays des centaines de chauffeurs de taxi peuvent-ils entraver la circulation de la capitale, des grandes villes et des aéroports ? Dans quel pays ce même groupe peut-il, sous le nez des passants, des caméras et des forces de l’ordre, envahir le périphérique, y brûler des pneus et jeter des projectiles sur les CRS ?

Ce matin, les habitants du quartier de la porte Maillot et tous les Français ont assisté, médusés, à des scènes d’émeutes urbaines en plein coeur de Paris, en plein état d’urgence ! Les CRS et les pompiers sont intervenus au milieu de la circulation, au péril de leur sécurité. Je tiens à saluer leur courage et leur professionnalisme.

Mais ce n’est pas la première fois, sous votre responsabilité, que les forces de l’ordre sont dépassées et malmenées.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis 2012, les scènes de guérilla urbaine se sont multipliées : au Trocadéro, à Sivens, avec un mort,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…à Nantes, à la porte Maillot – déjà le 25 juin –, sur l’autoroute A1, à Moirans, et encore ce samedi à Calais. Pourquoi n’avez-vous pas anticipé ces débordements, qui étaient annoncés ? Quel maillon a failli dans la chaîne de commandement ? Quelle est la responsabilité du préfet de police ? Quelle est la responsabilité du ministre de l’intérieur ?

Dans six mois, la France va accueillir l’Euro 2016. Vous rendez-vous compte de l’image délétère que donnent de notre pays ces débordements non maîtrisés ?

Monsieur le Premier ministre, des sanctions sévères doivent être prises contre les auteurs de ces actes. Paris doit retrouver la sérénité. Nous sommes en état d’urgence – vous avez même dit que vous souhaitiez le prolonger. Mais comment justifier…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le député.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, je veux à mon tour vous poser une question, qui sera une manière de répondre à votre propre interrogation.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Répondez à la question !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

En 2005, il y a eu trois semaines d’émeutes urbaines en France et trois semaines d’un état d’urgence qui était dicté non par le terrorisme, mais par votre incapacité à maintenir l’ordre, après un mot malheureux du ministre de l’intérieur de l’époque. Étions-nous dans un pays capable de faire régner l’État de droit ? Je vous pose la question.

Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Vous êtes singulièrement oublieux de ces moments, vous qui donnez des leçons alors que pendant cinq ans, vous avez mis à mal les forces de l’ordre en supprimant 13 000 emplois, en diminuant leurs crédits de 17 %,

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

et que vous avez réservé le même sort à la magistrature, à ceux qui sont là pour faire respecter le droit.

Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Alors, quand on a de tels diplômes, on se dispense de donner des leçons d’État de droit et de sécurité !

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Maintenant, laissez-moi vous répondre sur le fond.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, l’état d’urgence n’est pas l’interdiction de manifester en tout point du territoire national, sinon ce serait un état arbitraire qui remettrait en cause les libertés publiques.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Une interdiction de la manifestation de ce matin aurait été annulée par le juge administratif, ce qui aurait affaibli l’État de droit, et c’est parce que nous n’avons pas voulu l’affaiblir que nous n’avons pas pris les décisions hasardeuses que vous avez prises vous-mêmes.

Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Que ce soit à Moirans, à Roye ou à Ajaccio, partout des interpellations ont eu lieu. Partout le droit passera, parce que l’État de droit, ce n’est pas l’état d’agitation !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Razzy Hammadi, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et porte sur un sujet qui fait l’actualité, et dont il vient d’être question : la mobilisation des taxis.

Mais, avant de vous poser ma question, permettez-moi de dire, dans la sérénité, la responsabilité et l’unité, que tous ici, nous condamnons tous actes de violence, lesquels remettent précisément en cause le droit de manifester dans la sérénité. Or, je le rappelle, manifester est un droit fondamental, une liberté fondamentale.

Comme vous le savez, notre assemblée a voté en 2014 à une grande majorité la loi relative aux taxis et aux VTC portée par notre collègue Thomas Thévenoud

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette loi est le résultat d’une longue concertation menée par notre collègue. Elle a d’ailleurs donné lieu à un rassemblement allant au-delà des clivages partisans et a été adoptée à une très grande majorité.

Grâce à cette loi et à la mobilisation de ce Gouvernement, lequel, disons-le, a dû assumer une part des conséquences de ce que vous aviez décidé sous la précédente majorité….

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Parce que maintenant, tout va bien pour les taxis !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

… la modernisation de la profession de taxi est en train de devenir une réalité effective : fin du paiement de la course d’approche pour le consommateur, obligation pour les taxis d’accepter le paiement par carte bancaire et mise en place d’un forfait entre la capitale et les grands aéroports à compter du 1er mars prochain.

Cette loi nous a aussi permis de définir un cadre légal pour les VTC afin que cette activité puisse être exercée en toute sécurité. Aujourd’hui, à midi, vous avez, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, reçu les syndicats de taxis.

Vous avez évoqué la réunion d’une table ronde d’ici à quinze jours.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez décidé de désigner une personnalité qualifiée.

Tout le monde a le droit de travailler. Dans ma circonscription, beaucoup de jeunes, comme d’ailleurs partout en France, travaillent dans le secteur des VTC, des taxis. Ils veulent gagner leur vie, mais ils veulent gagner leur vie dans un cadre clair, juste et légitime.

« C’est fini ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le député.

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Debut de section - Permalien
Martine Pinville, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Monsieur le député, ce matin, sous l’autorité du Premier ministre, avec le secrétaire d’État Alain Vidalies, avec le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, nous avons rencontré les fédérations représentatives des taxis et avons condamné sans réserve les violences qui ont eu lieu.

Le Premier ministre a rappelé l’objectif du Gouvernement de maintenir l’équilibre et le total respect de la mise en oeuvre de la loi du 1er octobre 2014, ce que vous évoquiez. Le Gouvernement s’est déclaré prêt à ouvrir avec les organisations professionnelles représentatives des taxis une concertation sur l’équilibre économique du secteur du transport individuel de personnes et les éventuelles évolutions de la réglementation qui pourraient en découler.

Debut de section - Permalien
Martine Pinville, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

À cet effet, avec Emmanuel Macron, avec Alain Vidalies et en présence du ministre de l’intérieur, nous engagerons cette concertation dans le courant du mois de février, donc, très prochainement…

Debut de section - Permalien
Martine Pinville, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

…avec l’objectif d’aboutir rapidement, car c’est nécessaire.

« Point à la ligne ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Martine Pinville, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Pour dégager des propositions concrètes, une personnalité qualifiée sera nommée dans les prochains jours.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous voulons entendre le ministre en charge du dossier !

Debut de section - Permalien
Martine Pinville, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Enfin, et pour tenir compte des difficultés rencontrées dans le secteur, les situations individuelles de certains chauffeurs pourront faire l’objet d’un accompagnement spécifique par les services de l’État. Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement reste pleinement mobilisé pour assurer au secteur des perspectives d’avenir pour les chauffeurs et la meilleure qualité de service pour les clients.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, c’est avec gravité que je m’adresse à vous aujourd’hui sur un sujet qui a à voir avec la conception du progrès écologique de notre pays.

La justice a confirmé hier des expulsions sur la zone prévue pour la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Onze familles et quatre agriculteurs devraient ainsi quitter les lieux au plus tard le 26 mars. Le temps m’oblige à passer rapidement sur le drame humain que constitue pour les personnes concernées l’arrachement à une terre qu’elles cultivent parfois depuis cinq générations et qui représente tout pour elles.

Aucune préoccupation d’intérêt général ne légitime plus la construction d’un aéroport dont le projet date de 1963. Chacun le sait aujourd’hui, ce projet symbolise pour nos compatriotes l’entêtement aveugle et vain à promouvoir de grands projets inutiles.

Chacun sent bien que ce qui se joue dépasse le simple cadre de Notre-Dame-des-Landes. Ce projet d’aéroport est désormais la preuve du retard démocratique français, de l’obstination technocratique et de la négation de l’écologie.

Quelques semaines après la COP21, c’est une ardente obligation que d’ouvrir un chemin nouveau pour notre pays. Il existe un projet alternatif et moins coûteux. La rénovation et la modernisation de l’aéroport Nantes-Atlantique sont une solution – une étude indépendante peut le montrer.

Pourquoi dès lors, monsieur le Premier ministre, ne pas renoncer à ce projet ? Le Président de la République, François Hollande, déclarait en direct à la radio, le 5 janvier 2015, que tant que les recours n’étaient pas épuisés, le projet ne pouvait être lancé.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À ce jour, plus de dix-sept recours courent toujours, y compris au niveau européen. Ils portent notamment sur les lois relatives à l’eau et à la biodiversité.

Ma question est donc simple. Pouvez nous confirmer ici, monsieur le Premier ministre, que vous ne trahirez pas la parole du Président de la République ?

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Madame la présidente, en tant que présidente d’un groupe et puisque vous m’interpellez, il est normal que je vous réponde.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous ne répondez qu’aux présidents de groupe ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il lui répond parce qu’elle appartient à la majorité !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Le tribunal administratif de Nantes, ainsi que vous venez de le dire, a rejeté en juillet dernier l’ensemble des recours déposés contre les arrêtés préfectoraux autorisant le lancement des travaux du futur aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Cette décision a confirmé que le projet était parfaitement conforme au droit et que les procédures encadrant la réalisation des projets d’infrastructures avaient été respectées. C’est dans ce cadre que le tribunal de grande instance de Nantes vient d’autoriser l’expulsion des derniers occupants du site.

Vous le savez, il ne m’appartient pas de commenter une décision de justice. Et s’il y a quelque chose qu’il ne faut pas trahir, madame la présidente, c’est le respect de la justice.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

On ne peut en permanence en appeler au droit et, dès qu’une décision de justice est prise, la contester.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

La réalisation du projet, déclaré d’utilité publique en 2008, a donc repris son cours normal. Par ailleurs, et vous le savez, les marchés pour les travaux de débroussaillage de la future voie de desserte de Notre-Dame-des-Landes ont été attribués en fin d’année.

Madame Duflot, les collectivités locales ont unanimement salué cette nouvelle étape, attendue, logique et utile pour l’ouest de la France – je reprends leurs propres termes.

« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je le rappelle, ce projet est soutenu par l’ensemble des collectivités locales.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

De qui s’agit-il, madame Duflot ? Du président du conseil départemental, du président du conseil régional, qui a la même position que son prédécesseur, de la maire de Nantes, de plusieurs parlementaires, de l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault – je rappelle que vous étiez membre de son gouvernement.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Ont-ils tort, madame Duflot ? Connaissent-ils moins bien que vous la réalité du terrain et les attentes de l’économie dans ce secteur ?

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Madame Duflot, je le dis avec la plus grande sérénité, vous avez, à juste titre, évoqué ce que peut représenter pour des agriculteurs, en l’espèce peu nombreux, l’arrachement à une terre. Mais j’aurais également aimé entendre dans votre question des mots à l’égard de ces citoyens qui vivent un enfer, qui vivent sous la menace permanente d’un certain nombre d’individus… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants )…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

… que je ne confonds pas avec les écologistes sincères qui s’opposent à ce projet.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Mais dans un État de droit, les décisions doivent être respectées. Il s’agit de citoyens comme les autres. Certes, des pétitions circulent. Mais, oui, ce projet est nécessaire au Grand ouest pour des raisons économiques. Il doit se poursuivre dans le respect des procédures, du cadre défini par l’Union européenne, mais il doit avancer.

Il y aura du reste un rendez-vous, à l’automne prochain. C’est à ce moment-là que toutes les décisions devront être prises en vue d’une avancée décisive. Au-delà et nous le savons tous, cela ne serait pas possible.

Pour moi, respecter la parole du Président de la République est conforme à l’idée que je me fais de l’État de droit et des attentes des citoyens. Avançons sur ce projet : c’est cela aussi, respecter la parole.

Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, j’associe à ma question mon collègue Arnaud Robinet et mes autres collègues du groupe Les Républicains.

Le tiers payant généralisé, votre dispositif symbolique, contesté avec force par l’ensemble des professionnels de santé et combattu par votre opposition durant les longs débats parlementaires, vient d’être en partie censuré par le Conseil constitutionnel, au motif que le dispositif est mal encadré et que le législateur a méconnu l’étendue de ses compétences.

C’est un revers politique, un véritable camouflet, humiliant pour toute votre administration.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Cela prouve que le groupe Les Républicains avait raison de déposer ce recours et cela nous renforce aujourd’hui dans l’engagement d’abroger votre loi dès l’alternance de 2017.

Mêmes mouvements.

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Ne nous dites pas, comme d’habitude, que cela est insignifiant et que vous restez convaincue d’avoir raison contre les conséquences pratiques de cette mesure pour les médecins libéraux, que vous jugez comme des adversaires. Vous avez surtout méconnu l’organisation et le fonctionnement de notre système de financement – celui des régimes obligatoires et celui des complémentaires, qui transforme le tiers payant généralisé en une mission impossible.

Madame la ministre, ce dispositif, qui devait devenir obligatoire pour les médecins généralistes, a du plomb dans l’aile. Le tiers payant généralisé doit être facultatif. Laisserez-vous le libre choix aux professionnels de santé ? Ils ne vous demandent pas l’aumône ; ils veulent simplement être reconnus.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Monsieur le député, le Conseil constitutionnel a validé la totalité des mesures phares de la loi de modernisation de notre système de santé. Il a validé, par exemple, le rétablissement du service hospitalier, contre vos souhaits (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), l’instauration du paquet de cigarettes neutre, l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque (« Ce n’est pas la question ! » sur les bancs du groupe Les Républicains), la création de l’action de groupe en matière de santé, la suppression du délai de réflexion pour l’interruption volontaire de grossesse, la mise en place du droit à l’oubli.

Le Conseil constitutionnel a validé le principe du tiers payant qui se mettra en place cette année, comme prévu, à partir du 1er juillet prochain.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Ce sont 15 millions de Français qui, progressivement, pourront en bénéficier – ceux qui sont pris en charge à 100 % par l’assurance-maladie, notamment les femmes enceintes et les personnes atteintes de maladies graves.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Pour les autres patients, à partir de 2017,…

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

…le Conseil constitutionnel a dit que le tiers payant pouvait s’appliquer de façon obligatoire à l’ensemble des médecins pour la partie remboursée par l’assurance maladie obligatoire, et qu’il appartiendrait aux médecins de se déterminer pour la partie remboursée par les complémentaires. Nous allons donc proposer un système très simple.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Je tiens en effet à dire ma confiance : …

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

…dès lors que les médecins devront pratiquer le tiers payant pour la partie remboursée par l’assurance-maladie, ils souhaiteront évidemment disposer d’un système aussi simple que possible pour pouvoir pratiquer le tiers payant sur l’intégralité des honoraires de leurs consultations. Tel est l’objectif poursuivi par le Gouvernement.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. Ibrahim Aboubacar, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le Premier ministre, la Cour des comptes a rendu, le 13 janvier dernier, un rapport thématique intitulé : « La départementalisation de Mayotte : une réforme mal préparée, des actions prioritaires à conduire ». C’est un constat sévère, mais lucide, en forme de bilan d’étape d’un processus lancé en 1997 par les Réflexions sur l’avenir institutionnel de Mayotte, publiées au Journal officiel de la République française, et conclu par les lois du 7 décembre 2010 relatives au département de Mayotte, après que l’avis de la population a été recueilli à deux reprises, en l’an 2000 et en 2009.

En effet, malgré les réformes menées pendant quinze ans, de nombreux rapports et documents intermédiaires font apparaître, d’une part, que les chantiers fondamentaux préalables de l’état civil, du foncier, de la réforme fiscale et de la formation des agents publics – pour ne citer que ceux-là –, nécessaires à la réussite de ce processus, n’ont pas été conduits à terme et, d’autre part, que son pilotage a été insuffisant. Ce constat, nous avons été les premiers à le faire, dès 2012, lorsque j’ai appelé de mes voeux, ici même, l’élaboration d’un document stratégique, Mayotte 2025, répondant à cette exigence de pilotage.

Conclu par le Premier ministre et les élus de Mayotte le 13 juin 2015 à Mamoudzou, il apparaît aujourd’hui, aux yeux de la Cour, comme un outil précieux de reprise en main de la situation, à condition que des décisions fondamentales de recadrage, de redressement et de programmation qu’il serait long de citer ici soient prises sans délai par l’État et les collectivités locales.

Le moment est crucial et les risques de voir ce jeune département dériver de façon incontrôlée vers un chemin périlleux sont énormes. Pouvez-vous donc nous indiquer, monsieur le Premier ministre, les suites que le Gouvernement entend réserver à ce rapport ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Monsieur le député, vous avez raison de souligner que le rapport de la Cour des comptes a énuméré les nombreuses difficultés que nous pouvons rencontrer pour permettre à Mayotte de devenir un département à égalité avec tous les autres, mais il est vrai aussi que, depuis que ce rapport est connu, nous avons lu dans la presse des affirmations déraisonnables et exagérées, provenant notamment d’un ancien député qui, en critiquant singulièrement ce que nous sommes en train de faire, a oublié que la départementalisation de Mayotte avait été préparée entre 2008 et 2012 et que, par conséquent, certaines critiques étaient tout à fait inadaptées et malvenues. Chacun, sur tous les bancs, devrait considérer les choses avec beaucoup d’humilité.

Aujourd’hui, nous avons mis noir sur blanc notre projet pour les dix ans à venir, afin de répondre aux défis considérables qu’il faut relever pour que Mayotte puisse devenir un département à égalité avec les autres. Nous avons énormément de travail. De nombreux investissements doivent être réalisés, ne serait-ce que pour les écoles. En 2015, nous avons rénové, sur deux ans, 350 salles de classe et nous en avons construit un très grand nombre. Les besoins sont considérables. Nous avons doublé le revenu de solidarité active – RSA –, ce qui lui permet d’être porté à la moitié de ce qu’il est ailleurs.

Nous avons encore beaucoup à faire, mais je suis confiante. Je sais que les élus sont au travail et que l’administration a fait de Mayotte une priorité. Le contrat de plan État-région assure ainsi aux Mahorais une indemnité par habitant dont le montant représente cinq fois celui qui est attribué ailleurs.

Nous sommes à la tâche. Nous travaillons et Mayotte va se moderniser. Je suis confiante.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Alain Leboeuf, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.

Monsieur le ministre, notre agriculture traverse une crise profonde, quels que soient les secteurs d’activité, cela a été souligné par Marc Le Fur tout à l’heure. La situation est tendue, un grand nombre d’exploitations ne disposent plus du tout de trésorerie et n’ont plus aucune marge.

Parmi toutes ces filières, je souhaite m’attarder plus précisément cet après-midi sur la filière avicole, touchée de plein fouet par le virus H5N1, sans parler des gesticulations autour de l’épisode Pamela Anderson, qui exaspèrent encore un peu plus nos éleveurs au moment où ils n’en ont vraiment pas besoin.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Exactement !

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Pour éradiquer le virus, vous avez défini une stratégie, sans doute à juste titre, qui impose de mettre en place à compter du 18 janvier des vides sanitaires dans tout le Sud-ouest. Dix-huit départements sont touchés.

Les accouveurs sont le premier maillon de la chaîne avicole. Ce sont donc les premiers affectés par cette mesure. Le préjudice est énorme, de 30 à 35 millions d’euros, puisqu’ils doivent continuer d’entretenir les animaux reproducteurs alors qu’il leur sera impossible d’écouler leur production pendant au moins six mois. Ils doivent néanmoins nourrir ce cheptel pour réapprovisionner les éleveurs dès la reprise de l’activité.

La filière a chiffré les pertes financières globales à 300 millions d’euros. En plus des accouveurs, elles concerneront tous les emplois directs de la filière – éleveurs, abattoirs, entreprises de transformation – mais aussi les emplois indirects – entreprises de transport, de production d’aliments, ou encore restaurateurs.

Les professionnels de la filière attendent de votre part un geste fort dans cette crise, totalement indépendante des cours. Pouvez-vous aujourd’hui annoncer que des aides ont été fléchées afin de venir au secours de toute une filière gravement menacée ? Quel montant avez-vous prévu d’attribuer notamment à la filière de l’accouvage ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, vous avez évoqué globalement la crise des filières d’élevage et posé une question sur ce que vit la filière avicole et palmipède, à cause d’un virus, je le rappelle. Le H5N1, voire, avec des mutations, le H5N9, est en effet un virus. Les décisions que j’ai prises ont une seule motivation : éviter que toute la filière ne pâtisse de la pérennisation de ce virus, qui remet en cause le statut de pays indemne de la France. Des mesures à la hauteur de l’enjeu économique et social sont donc nécessaires.

Vous m’avez demandé si nous avions mis en place un plan pour venir en aide à toute cette filière après les décisions qui ont été prises. Ce matin, pendant deux heures, avec des représentants de l’ensemble de la filière et le président du CIFOG, nous avons eu des discussions afin de peaufiner les mesures sanitaires qui seront mises en oeuvre et les mesures financières prévues pour aider les éleveurs, en particulier les accouveurs.

J’ai choisi cette mesure de vide sanitaire pour éviter les foyers de contamination et les abattages massifs d’animaux. Je pense que c’est préférable pour l’ensemble de la filière, en termes d’image comme en termes d’efficacité.

La mesure sera mise en oeuvre avec les premiers touchés, c’est-à-dire ceux qui ont été affectés dès la fin de l’année dernière, et les accouveurs, qui sont le premier maillon de la chaîne puisque ce sont eux qui fourniront les poussins et les canetons pour permettre une reprise de la production.

C’est une aide de 130 millions qui a été mise sur la table ce matin par le Gouvernement, avec une priorité, les accouveurs et les éleveurs. S’y ajouteront d’autres aides pour les entreprises, parce que c’est une filière dans sa globalité qui est touchée par cette crise d’influenza aviaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le ministre des affaires étrangères, quel pays a exécuté près de mille personnes en 2015 et dix-neuf, dont plusieurs mineurs, depuis le début de janvier ? La République islamique d’Iran.

Quel pays exécute en public ses homosexuels, lapide des femmes adultères, censure la presse, emprisonne des journalistes par dizaines et opprime les minorités religieuses ? L’Iran.

Quel pays applique la charia dans sa version la plus rétrograde, en légiférant par exemple en 2013 pour qu’un père puisse épouser sa fille adoptive dès l’âge de treize ans ? L’Iran.

Quel pays tient à bout de bras le régime sanguinaire de Damas, encourage et profite de la montée de Daech ? Quel pays est la source de l’instabilité de tout le Moyen-Orient et attise partout les tensions entre sunnites et chiites ? Encore l’Iran.

Quel pays a fomenté l’attentat terroriste de la rue de Rennes en 1986, qui a fait sept morts, et l’attentat du Drakkar, qui a fait cinquante-huit morts français ? Quel pays est, depuis trente ans, la matrice du djihad mondial ? La République islamique d’Iran.

Quel pays a cherché à berner la communauté internationale pendant des années pour développer une bombe atomique islamiste ? Encore l’Iran.

Quel pays organise des concours de caricatures sur la Shoah, érige le négationnisme en politique d’État et appelle ouvertement à la destruction de l’État juif ? Hasard terrible : la visite de Rohani demain en France, 27 janvier, coïncide exactement avec la journée de la mémoire de l’Holocauste.

Monsieur le ministre, voilà qui nous recevrons demain à Paris.

Chacun peut comprendre qu’on ne parle pas qu’avec ses amis, que l’Iran est un acteur incontournable, que les enjeux économiques sont importants, mais pouvez-vous au moins vous engager devant la représentation nationale à ce que le début de la normalisation des relations avec l’Iran soit subordonné à des garanties en matière de droits de l’homme et à un respect strict des engagements en matière nucléaire ?

La France a une responsabilité morale et historique. Nous le devons au très grand peuple qu’est le peuple iranien.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

D’abord un mot sur l’accord nucléaire, monsieur le député, puisque cela a évidemment changé beaucoup de choses.

C’est un dossier que vous avez suivi de très près. Comme vous le savez, il fallait arriver à un accord pour que le risque de bombe atomique soit écarté, et il fallait en même temps que cet accord soit robuste. Vous le savez pour avoir suivi les négociations, la position de la France a été déterminante, et ce sera encore plus clair lorsque l’Histoire aura fait son oeuvre. Nous voulions un accord, il fallait donc être constructif, mais un accord robuste, il fallait donc être ferme. C’est la position que nous avons tenue, qui est reconnue par chacun.

Évidemment, à partir de ce moment-là, un certain nombre de relations sont devenues plus ouvertes, et c’est dans ce cadre que nous recevons le Président iranien demain et après-demain, comme nos amis italiens et d’autres l’ont reçu ou vont le recevoir.

Nous allons discuter politique bien sûr, de ce qui se passe là-bas, de ce qui se passe ici, de ce qui se passe dans la région. Nous allons discuter feuille de route, économie aussi et, bien sûr, nous discuterons sur le fond.

Comme vous l’avez souligné dans votre question, forte, nous avons des divergences fondamentales avec ce pays comme avec d’autres, par exemple sur la peine capitale. Je tiens à réaffirmer ici que la France est opposée en toutes circonstances et en tous lieux aux exécutions capitales. Cela vaut pour l’Iran, cela vaut pour d’autres pays dans la région ou ailleurs.

Applaudissements sur divers bancs.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Nous ne faisons aucune concession, nous parlons de tout, et nous serons extrêmement attentifs – nous verrons par la suite ce qu’il en sera ou non – au fait que l’Iran change d’attitude sur le plan régional par rapport à des conflits que vous connaissez, la Syrie ou le Liban.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. David Habib.

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L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi pour une République numérique (nos 3318, 3399, 3387, 3389, 3391).

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Dans les explications de vote, la parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, mes chers collègues, je comptais saluer également M. le président de la commission des lois ainsi que les rapporteurs au fond et pour avis, mais, puisque ils n’ont pas encore rejoint l’hémicycle, je prendrai, avant de le faire, le temps d’expliquer de quelle manière votera le groupe écologiste.

Le projet de loi pour une République numérique, que nous allons adopter aujourd’hui, a fait l’objet d’un long travail préparatoire auquel de nombreux acteurs du numérique ont été associés. La consultation publique lancée par le Conseil national du numérique a, d’abord, duré six mois, le temps de tenir, sur l’ensemble du territoire, des réunions publiques. Elle a débouché sur l’élaboration d’un rapport.

Une fois la rédaction du projet de loi achevée, le texte en a été, grâce à une plateforme en ligne, porté à la connaissance du public. De nombreux changements lui ont encore, à ce stade, été apportés : cinq articles l’ont, notamment, complété.

Comme l’avait fait Mme Axelle Lemaire en commission, je forme le voeu que cette méthode originale suscite l’inspiration et devienne une référence dans la fabrication de la loi.

Je veux aussi – et je me félicite naturellement de son arrivée dans l’hémicycle – saluer le travail attentif et exigeant du rapporteur, qui a contribué à faire entendre la voix du Parlement, parfois contre l’avis même du Gouvernement.

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Je me félicite également de la disponibilité de Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Monsieur le rapporteur, vous aviez, en total accord avec elle, l’objectif d’offrir un socle juridique – dans un sens d’ouverture, de libre circulation et de rediffusion – aux données publiques, et, dans un environnement qui conforte la confiance des utilisateurs, au traitement de la donnée, qui se trouve au coeur de cette nouvelle économie.

Le texte renforce la circulation des données et du savoir : il oeuvre également en faveur de la loyauté des plateformes. La publicité des avis du Conseil d’État sur les projets de loi et d’ordonnances sera désormais la règle, de même que ceux de la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, sur les projets de loi ou de décrets, ou, encore, ceux de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, sur les propositions de loi.

Bref, le texte fait franchir un grand pas à la transparence ainsi qu’à l’information de nos concitoyens, notamment, grâce aux amendements écologistes et à ceux déposés par les autres groupes.

Il renforce d’ailleurs les prérogatives de la CADA : elle disposera désormais de pouvoirs de sanction renforcés, visant à réprimer la réutilisation frauduleuse de données publiques, le non respect des licences et la dénaturation des informations mises en ligne.

Le montant des amendes passera à un million d’euros maximum pour un premier manquement et à deux millions d’euros au-delà. En effet, le nouveau cadre juridique soumet les services publics industriels et commerciaux au régime du droit commun de réutilisation des données publiques, s’agissant, notamment, des données issues de leurs activités soumises à la concurrence.

Dans une logique dite de name and shame, la CADA pourra également, grâce à un amendement de notre collègue Lionel Tardy, être amenée à pointer du doigt, via son site internet, les administrations ayant décidé de ne pas suivre ses avis.

L’autorité administrative indépendante devra inscrire sur une liste mise en ligne sur son site le nom des administrations ayant confirmé une décision de refus de communication ou de publication, la référence du document administratif en question, ainsi que le motif de ce refus.

Après des débats animés, notamment en commission, le texte consacre la liberté de panorama, à des fins non lucratives, des personnes privées, ainsi que la protection des lanceurs d’alerte en matière de sécurité informatique. Il ouvre en outre la possibilité de fouilles de textes.

En favorisant la publicité et la circulation des données ainsi que la publication des archives et des recherches, le texte va devenir un levier en faveur de la diffusion des travaux de recherche et de la production scientifique.

Le texte renforce également, notamment grâce au droit à l’oubli pour les mineurs, la libre disposition des données personnelles. Il donne, en outre, le feu vert à ce que l’on appelle la mort numérique et rend possibles – mais sans réparations, et je le regrette – les actions de groupe.

Je me félicite, enfin, que notre assemblée ait, de manière unanime – si ma mémoire est bonne – décidé, sur une proposition du groupe écologiste, sous-amendée par le rapporteur, de sanctionner clairement la vengeance par la pornographie. Celle-ci constitue en effet une véritable agression qui, pour l’essentiel, est une violence de genre. Or, jusqu’à présent, les tribunaux traitaient ce type d’agression de manière très aléatoire.

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Cependant, tout n’est pas réglé : je pense notamment aux biens communs numériques. Notre collègue Christian Paul avait raison d’affirmer que « la bataille des communs, la gauche – et j’ajouterai, les écologistes – la mène depuis des décennies, dans beaucoup de domaines ».

Comme l’a justement rappelé notre collègue Isabelle Attard, le vol, c’est parfois la privatisation du domaine public : il y a là un choix de civilisation. Les lobbies, vous le savez, et nous l’avons dit, ont joué, comme certains ministères, de leur puissante influence pour nous empêcher d’avancer. À l’avenir, nous aurons d’autres rendez-vous pour avancer, pour renforcer et pour construire les biens communs numériques.

Madame la secrétaire d’État, le projet de loi pour une République numérique marque, sur les points que je viens de citer, une véritable avancée. Pour cette raison, le groupe écologiste le votera avec satisfaction.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après de longs mois de gestation et de participation des citoyens, voici l’ultime étape du premier examen à l’Assemblée nationale du projet de loi pour une République numérique.

Le numérique contribue directement à l’expression de la démocratie. Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je tiens d’abord à saluer la bonne tenue des débats et de nos échanges.

En commission comme en séance, notre secrétaire d’État chargée du numérique et nos rapporteurs ont démontré leurs connaissances et témoigné d’un travail de qualité ainsi que d’un état d’esprit ouvert qui ont été appréciés.

Sur ce projet de loi, je retiendrai d’abord, s’agissant de son élaboration, la méthode participative expérimentée. Après les propositions des citoyens et celles formulées par la commission de réflexion et de propositions ad hoc sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, ainsi que les travaux de certains collègues associant Parlement et citoyens, nous avons fait le point.

Les radicaux sont partisans de l’écoute du peuple. Nous devons favoriser la démocratie participative, mais, également, conserver la légitimité de la démocratie représentative et parlementaire. Le Parlement est, lors de l’écriture de la loi, le seul acteur légitime pour faire les choix définitifs.

S’agissant du titre I, en dépit de quelques reculs, nous saluons l’ouverture qui va s’opérer : elle favorisera l’innovation et le développement de services inédits. D’autres avancées sont plus timides : les logiciels libres seront encouragés, mais sans que leur développement soit érigé en priorité, et les biens communs numériques, comme la liberté de panorama, ont progressé.

Concernant le titre II, la CNIL voit ses pouvoirs renforcés. La vérification des avis en ligne, la portabilité des données et la transparence des conditions d’utilisation des plateformes, avec la mention des liens capitalistiques, sont des progrès notables.

Enfin, pour des raisons de calendrier, le titre III concernant l’accès au numérique a été examiné, à vive allure, dans la nuit. Nous le regrettons, car nous pensons que ce titre III aurait dû figurer en tête de ce projet de loi et constituer son titre Ier.

Oui, les infrastructures et l’accès à internet conditionnent tout le reste du projet de loi. Une République numérique qui délaisse de nombreux citoyens dans les zones rurales et de montagne ne respecte pas ses principes fondateurs.

Cuivre, 2G, 3G, 4G, montée en débit, fibre optique : à chaque déploiement de réseaux numériques, ce sont toujours les habitants de nos campagnes qui sont sacrifiés. Nous devons être plus fermes et plus exigeants avec les opérateurs. Comment accepter que les intercommunalités rurales soient contraintes de financer les investissements pour le déploiement du très haut débit alors que celui-ci est gratuit pour les villes ?

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Des amendements ont été adoptés – je pense au Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA – et des annonces faites par le Président de la République sur la 2G, soit quelques dizaines de millions d’euros : ce n’est pas à la hauteur de la République.

Dans le Lot, les Hautes-Pyrénées, les Hautes-Alpes, dans l’Aisne, comme dans tant d’autres départements ruraux, qui sont représentés de chaque côté de l’hémicycle, le problème, pour les intercommunalités rurales, n’est pas le pilotage de l’opération mais la facture. Cette injustice et cette discrimination mettent à mal l’égalité territoriale.

Madame la secrétaire d’État, je vous sais attentive aux difficultés du monde rural. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans l’Aisne, pour la première tranche, ce sont 150 millions d’euros qui sont engagés. Certes l’État a, depuis 2012, versé 38,5 millions, la région 6,7 millions d’euros et le département 22,5 millions d’euros. Mais il reste, dans un contexte de baisse des dotations, près de 50 millions d’euros à la charge de la ruralité !

Au-delà du texte, il faut impérativement revoir la copie s’agissant des investissements pour la couverture numérique. Notre ruralité, le vote extrémiste, comme notre volonté commune d’égalité, que nous avons chevillée au corps, nous y obligent. Cette inégalité contribue à la reléguer un peu plus : la fracture numérique devient une fracture politique.

Permettre à la ruralité d’accéder au très haut débit rapidement, c’est lui redonner espoir dans la République. La secrétaire d’État chargée du numérique a démontré son intelligence : nous comptons sur elle et sur vous, madame la secrétaire d’État, pour répondre à ces attentes. En ce sens, le titre du projet de loi est maladroit : tant qu’une partie du territoire de la République sera oublié, nous serons loin d’une République numérique.

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En définitive, malgré la nécessité d’améliorer la couverture numérique, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutiennent les progrès contenus dans le projet de loi et voteront en sa faveur. Mais, Madame la secrétaire d’État, n’oublions jamais la morale de Jean de La Fontaine.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés des groupes RRDP

Ah !

Sourires.

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Dans sa fable Le Renard et le Bouc, il affirmait : « En toute chose il faut considérer la fin. » Et la finalité, c’est la République.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le raz-de-marée numérique a bouleversé nos vies.

Il a transformé nos rapports sociaux, notre façon de travailler, d’échanger, d’apprendre ou de consommer. Le numérique bouscule le politique, comme il bouscule le salariat, l’entrepreneuriat et les services publics.

Il est désormais incontournable. Il est même amené à prendre part à l’ensemble des activités humaines : c’est dire les enjeux auxquels nous devons faire face et les transformations qui nous attendent.

Dès lors, comment faire en sorte que ce numérique soit mis au service d’un projet émancipateur et transformateur, vecteur de progrès économique, social et environnemental, au profit de tous nos concitoyens ?

Son développement est une formidable opportunité, mais le politique ne peut aujourd’hui faire fi des questions fondamentales posées par cette poussée irrésistible : comment garantir la vie privée de nos concitoyens sur la Toile ? Comment assurer le respect des données personnelles, véritable or noir numérique exploité à des fins commerciales et financières par des mastodontes, les GAFAM – Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft ? Comment parvenir à ce que ces géants, au poids démesuré, cessent d’exploiter les failles juridiques et fiscales de notre pays pour échapper à leurs obligations ? Comment garantir notre souveraineté numérique tout en permettant une meilleure protection des Français et en développant des outils nationaux en réponse à une mondialisation incontrôlée dans laquelle des serveurs contenant des milliards de données sur nos concitoyens sont situés à l’étranger et peuvent être exploités par d’autres ? Comment placer au coeur du numérique l’humain d’abord, face à une marchandisation toujours plus poussée et nocive ? Enfin, comment garantir l’accès au numérique à tous nos concitoyens, sans fracture, pour que le fil qui lie notre peuple soit réel ?

À l’issue d’un débat de qualité, respectueux de la représentation nationale, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, ce projet de loi pour une République numérique contient des avancées incontestables. Il sacralise l’ouverture des données publiques de nos administrations par l’open data, ce qui favorisera la transparence et pourrait générer le développement de nouvelles activités au service des citoyens. Il renforce l’accès libre aux publications scientifiques financées majoritairement par des fonds publics, faisant ainsi du numérique un véritable vecteur de diffusion des savoirs et des connaissances. En matière de protection de la vie privée, des avancées sont consacrées, notamment sur l’effacement des données des mineurs, sur la mort numérique ou encore sur le secret des correspondances. Enfin, l’accès de tous au numérique sort renforcé : le maintien de la connexion internet des personnes les plus démunies permettra de ne pas couper le fil, tout comme la disposition qui reprend la proposition de loi du groupe GDR, adoptée en mai dernier, sur l’entretien et sur le renouvellement du réseau des lignes téléphoniques.

Certes, la représentation nationale aurait pu et dû aller plus loin sur des thèmes qui ont mobilisé notre groupe : je pense entre autres à la promotion des logiciels libres dans l’administration. Le texte marque à cet égard une avancée, mais notre Assemblée aurait pu faire un pas en avant historique en consacrant ce mode de fonctionnement collaboratif. Nous regrettons aussi la disparition d’une disposition pourtant plébiscitée par nos concitoyens lors de la consultation préalable au projet de loi, à savoir la reconnaissance des biens communs informationnels face à l’appropriation et à l’exploitation marchandes. Enfin, en matière d’ouverture des données, notre Assemblée aurait dû prévoir que la création de valeur exclusive et privée au moyen d’une donnée publique soit payante en définissant un système juste, efficace et durable pour tous. Les enjeux restent immenses dans un univers numérique en perpétuelle transformation ! Aussi, la fiscalité et la souveraineté numériques appellent-elles une action rapide et prochaine.

En tout état de cause, les avancées de ce texte méritent d’être reconnues et la démarche citoyenne saluée. En effet, la méthode employée dans l’élaboration du projet de loi, qui a permis l’expression citoyenne, a été une véritable innovation, renforçant la transparence et la traçabilité dans la construction de la règle de droit. Voilà une méthode qui redonne un peu d’air à notre démocratie, bien mal en point aujourd’hui, une méthode que nous devons généraliser à l’ensemble des projets et propositions de loi. À nous aussi de nous emparer des outils du numérique pour construire une République bien dans son époque. Pour toutes ces raisons, tous les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont bien évidemment ceux du Front de gauche, voteront ce projet de loi pour une République numérique.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe socialiste, radical et citoyen.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une grande force d’innovation a été à l’origine de ce texte, tant par le sujet traité que par ses ambitions et sa genèse. J’ajouterai à l’innovation le concours de la maturité : c’est en effet un travail de titan qui a été accompli par cette Assemblée puisque nous avons discuté en commission pas moins de 700 amendements et qu’au cours des séances, on a pu apprécier la richesse des débats qui nous ont animés, la pertinence des propositions avancées dans le cadre d’un dialogue constructif, chacun répondant, expliquant, argumentant face à des interlocuteurs tout aussi intéressés et documentés.

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Je tiens ici à saluer particulièrement l’expertise et l’ouverture de Mme la secrétaire d’État Axelle Lemaire, qui a bien évidemment facilité ces échanges. Nos débats nous ont ainsi amenés à enrichir le texte à travers un processus de concertation.

Le projet de loi comporte des avancées remarquables sur une multitude de sujets : la loyauté des plateformes et l’ouverture des données publiques en open data, autant de perspectives nouvelles destinées à dynamiser mais aussi à sécuriser les secteurs d’activité liés à l’économie numérique ; l’accès aux documents et aux données issues de la recherche publique, une avancée majeure pour le domaine académique français, la circulation du savoir ne pouvant être que féconde ; la possibilité de mener une action collective devant la justice pour la protection des données personnelles ; enfin, le maintien de la connexion à internet pour les personnes en difficultés via le Fonds de solidarité pour le logement abondé par les opérateurs enrichit les dispositifs de protection des droits du citoyen. Je pense aussi aux mesures pour les personnes en situation de handicap. Ces quelques exemples nous montrent l’étendue des champs d’intervention visés par ce texte.

Je souhaite également saluer très fortement le travail du rapporteur saisi au fond, Luc Belot, ainsi que celui des rapporteurs pour avis des trois autres commissions qui se sont saisies de ce projet de loi car leurs interventions nous ont beaucoup éclairés.

Chers collègues, le groupe socialiste vous enjoint à ne pas manquer cette opportunité d’adapter notre société aux usages du numérique et ces mêmes usages à nos valeurs, et à construire ensemble la République numérique de demain.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais, en préambule, saluer la qualité et la richesse des débats que nous avons eus la semaine dernière, un dialogue volontiers constructif. Je tiens aussi à saluer publiquement – sa modestie n’en souffrira pas puisqu’elle n’est pas parmi nous aujourd’hui – la présence, voire la prestance, de la secrétaire d’État Axelle Lemaire la semaine dernière.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Merci pour elle.

Nous avons largement débattu de sujets vraiment intéressants, et de façon constructive. Le texte a avancé sur la circulation des données du savoir et l’ouverture des données publiques, sur des droits nouveaux pour les consommateurs voire, mais pas suffisamment, pour les citoyens, avec la portabilité des données des fournisseurs, le droit à l’oubli pour les mineurs et le sort des données après la mort ; bref, ces avancées forment un ensemble cohérent, mais malheureusement très insuffisant.

En effet, de larges pans du numérique ont été mis de côté, volontairement ou involontairement oubliés. Je note au passage que le calendrier de mise en oeuvre du texte arrive ou trop tôt ou trop tard, en tout cas en télescopage avec un règlement européen en cours de finalisation. Parfois, nous avons utilisé cet argument pour botter en touche, mais parfois aussi pour accepter un certain nombre d’éléments lors de la discussion des articles – plus de 800 amendements déposés, je le rappelle au passage. Je déplore également que l’étude d’impact ait été aussi indigente, parfois indigeste, et surtout l’impression d’un village gaulois qui résiste : nous ne savons plus très bien ce qu’il en est de certaines des positions françaises. Quid aussi de certaines contradictions, des lacunes ici ou là ?

Un mot aussi sur la couverture numérique du territoire : nous aurions apprécié que le texte aille beaucoup plus de l’avant. Nous craignons, car le texte ne lève pas l’ambiguïté sur ce point, qu’une vraie fracture ne continue à se développer entre le numérique des villes et le numérique des champs. On nous fait l’aumône de 30 millions pour l’établissement de la 2G sur l’ensemble du territoire… Mais la 2G n’est pas internet, ni le développement de la fibre optique, ni la couverture universelle assurée du territoire.

Et puis, je l’ai dit, ce projet de loi n’est pas non plus complet : rien ou si peu sur l’éducation, sur la formation, sur la citoyenneté, sur la propriété intellectuelle.

En conclusion, il s’agit d’un texte dont le titre ne tient pas ses promesses, loin s’en faut. Il ne marquera pas l’an I de la République numérique. Mais comme il est vrai qu’il contient un certain nombre d’avancées, dont des droits nouveaux pour les consommateurs et pour nos concitoyens, et puisqu’il est à parfaire, le groupe Les Républicains optera pour une abstention vigilante au stade de la première lecture

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, au nom du groupe UDI, j’aimerais tout d’abord saluer le choix de la méthode collaborative qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi. S’il peut paraître technique sur certains points, ce texte traite d’un sujet essentiel pour l’avenir de notre économie et plus généralement pour l’avenir de toute notre société. Le numérique représente en effet un des enjeux les plus importants de notre siècle, un enjeu économique, sur lequel je ne m’étendrai pas, mais aussi un enjeu sociétal et démocratique : consulter les citoyens, les informer, les faire réagir. Notre démocratie va ainsi peut-être enfin se revivifier. Nous espérons donc qu’à l’avenir la plupart des textes législatifs soient soumis à cette méthode, à l’instar du projet de loi « Égalité et citoyenneté » dont la consultation publique par internet va être confirmée.

Pour revenir à notre texte annoncé depuis le début du quinquennat, il devait permettre l’avènement d’une grande République numérique. Nous craignons, madame la secrétaire d’État, d’en être encore un peu loin malgré les mesures de bon sens qu’il contient. Nous en sommes loin pour la bonne et simple raison que notre territoire n’est toujours pas intégralement couvert par le haut débit. Dans certaines zones rurales, il est même difficile, voire impossible, d’avoir accès aux services de téléphonie. Ce constat est difficilement acceptable en 2016 ! Il faut se rendre à l’évidence : à la cassure territoriale s’ajoute désormais une fracture numérique de plus en plus importante qui ne fait que creuser le fossé déjà existant entre la France des métropoles et la France de la ruralité.

Si les mesures de votre texte sont globalement intéressantes, elles n’auront aucun impact direct sur certains de nos concitoyens, ceux qui n’ont toujours pas un accès permanent aux services numériques.

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Ce levier fondamental pour notre économie aurait dû être activé par la loi dite « Macron 2 », dont nous ne pourrons malheureusement pas débattre puisque son abandon a récemment été annoncé par le Gouvernement.

Madame la secrétaire d’État, ce projet de loi pour une République numérique devait pourtant être une base pour développer une stratégie numérique d’ampleur, dont on peine malheureusement à voir les contours et les perspectives. Cependant, nous votons aujourd’hui sur un texte et non sur l’ensemble de la politique du Gouvernement en matière numérique, sujet sur lequel le groupe UDI attend des résultats rapides et concrets, notamment par la mise en place d’un plan très haut débit.

Concernant les dispositions contenues dans ce texte, nous en approuvons, bien sûr, l’esprit général.

Tout d’abord, la partie sur la circulation des données et du savoir a évolué de manière très positive au fil des discussions, nous permettant de bâtir une politique de l’open data ambitieuse et volontariste. Ainsi, nous ne pouvons que nous féliciter de l’ouverture de l’accès aux données publiques, qui représente un enjeu de gouvernance inestimable. En mars 2014, j’avais d’ailleurs lancé une consultation pour moderniser la loi de 1978 relative à l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques. Le Gouvernement a tenu compte de la plupart des observations qui s’en étaient suivies. Si nous nous réjouissons de ces avancées, nous regrettons néanmoins que les pouvoirs de sanction de la CADA n’aient pas été davantage étendus. Les administrations doivent jouer le jeu de l’open data. Mais le feront-elles réellement s’il n’existe aucune sanction ?… Nous en doutons. Alors que les pouvoirs de la CNIL et de l’ARCEP ont connu d’importants changements, nous aurions souhaité une même évolution pour ceux de la CADA.

Nous continuons, par ailleurs, à militer pour un rapprochement de la CNIL et de la CADA, légèrement amorcé, mais de façon trop timide, à l’article 14. Cela permettrait de gagner en efficacité mais aussi en visibilité.

Les députés du groupe UDI saluent également les mesures que vous avez prises, madame la secrétaire d’État, sur le principe de neutralité, la loyauté des plateformes, le droit à l’oubli ou encore la question de la mort numérique. Ces sujets, essentiels, participent directement à l’encadrement des usages de l’internet.

Lors des débats, plusieurs des amendements adoptés ont retenu notre attention, notamment l’avertissement donné aux responsables des traitements lorsque des failles sont constatées dans leurs systèmes.

S’agissant de la protection des consommateurs, le groupe UDI continuera à lutter pour sanctionner plus sévèrement les sites pratiquant l’IP tracking à des fins commerciales. Nous aurions souhaité des avancées dans ce dossier.

Enfin, j’aimerais revenir sur certaines dispositions qui ne suscitent pas notre adhésion. Je pense notamment au maintien de la connexion à l’internet, en cas d’impayés, qui risque de coûter extrêmement cher à nos collectivités, ainsi qu’à la mesure prise pour encadrer les locations d’appartement destinées au tourisme. La disposition adoptée est loin de régler le problème, et me semble particulièrement hâtive.

Le groupe UDI aurait également souhaité qu’un volet plus large soit consacré à la formation aux outils numériques, au développement du télétravail, mais aussi à la démocratisation d’internet dans les hôpitaux ou les établissements médico-sociaux.

Ce texte est évidemment perfectible, mais il reste nécessaire si nous voulons, à terme, faire du numérique un socle de notre économie. Pour cette raison, le groupe UDI votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Il est procédé au scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 544 Nombre de suffrages exprimés: 357 Majorité absolue: 179 Pour l’adoption: 356 contre: 1 (Le projet de loi est adopté.)

Debut de section - Permalien
Martine Pinville, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Monsieur le président, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, Axelle Lemaire regrette de n’avoir pas pu être présente parmi vous aujourd’hui. Elle m’a chargée de féliciter tous les parlementaires qui ont participé très activement aux travaux concernant ce projet de loi. Elle tient à saluer la qualité des échanges qui ont eu lieu ainsi que les améliorations que tous ont apportées à ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.

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La conférence des présidents réunie ce matin a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine de contrôle du 15 février :

Questions sur la politique en matière d’enseignement supérieur ;

Questions sur la politique en faveur de l’emploi ;

Questions sur la politique en matière d’infrastructures de transports ;

Questions sur l’économie collaborative ;

Débat sur l’action de la douane dans la lutte contre les fraudes et trafics.

Il n’y a pas d’opposition ?

Il en est ainsi décidé.

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L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif aux droits des étrangers en France (nos 3423, 3128).

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous voici réunis à l’occasion de la nouvelle lecture du projet de loi relatif au droit des étrangers. Vous en avez longuement débattu en juillet dernier, lors de la première lecture. Aussi, j’irai à l’essentiel.

Nous abordons aujourd’hui l’ultime étape de notre réforme de la législation appliquée aux étrangers en France, que nous avions entamée l’an dernier avec la réforme de l’asile. La loi du 29 juillet 2015, adoptée à une large majorité, nous a d’abord permis de moderniser nos procédures et de nous placer en situation de faire face à la grave crise migratoire à laquelle est confrontée l’Union européenne depuis plus d’un an. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à Sandrine Mazetier, qui en était la rapporteure et qui, je le sais, continue de suivre avec la plus grande attention les questions qui nous occupent aujourd’hui.

Comme nous avons encore pu le constater au cours des derniers mois, les questions qui touchent à l’immigration, quelque forme que prenne cette dernière, ne manquent jamais de provoquer des polémiques stériles, aux ressorts très souvent électoralistes, qui empêchent de régler sereinement les problèmes qui doivent l’être.

Aux discours à l’emporte-pièce, souvent outranciers, que l’on entend trop souvent dès lors qu’il est question des étrangers présents sur notre sol, le Gouvernement souhaite opposer une position équilibrée qu’il défend depuis maintenant trois ans, avec un souci de cohérence, de rigueur intellectuelle et de responsabilité.

C’est le sens de la responsabilité qui nous a conduits à entreprendre un effort sans précédent visant à garantir la création de 18 500 places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, d’ici à la fin du quinquennat.

À cet effort vient s’ajouter celui qu’a consenti le ministère du logement pour permettre aux femmes et aux hommes qui se sont vu reconnaître le statut de réfugié d’accéder à un logement autonome.

C’est le souci de la cohérence et le sens des responsabilités qui nous ont poussés à mobiliser l’Union européenne pour que celle-ci se dote enfin d’une politique responsable en la matière, qui soit à la fois garante de nos principes et qui rende l’asile soutenable au plan européen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

À cet égard, j’ai rappelé à l’occasion du conseil « Justice et affaires intérieures » informel qui s’est déroulé hier à Amsterdam la détermination de la France à renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne et à veiller à la mise en place des hotspots, sans lesquels nous ne pourrons mettre en oeuvre la politique de relocalisation en faveur de laquelle nous nous sommes engagés.

S’agissant du premier point, la France prône la création d’une agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes. La Commission européenne a remis une proposition en décembre, que nous saluons. Tant que des contrôles efficaces aux frontières extérieures de l’Union européenne n’auront pas été mis en place, nous maintiendrons les contrôles à nos frontières intérieures. Ce n’est que grâce à de telles propositions que l’Europe se mobilisera ; je suis parfaitement déterminé à les assumer.

Concernant la relocalisation et les hotspots, je me rendrai le 4 février prochain en Grèce avec mon homologue allemand, afin de veiller à ce que la mise en place des dispositifs prévus soit conforme à nos attentes.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Des décisions ont été prises en juillet dernier ; il est plus que temps qu’elles soient appliquées. Les hotspots doivent devenir des lieux de passage obligatoires pour tous les migrants qui arrivent sur les côtes italiennes et grecques ; ceux-ci doivent y demeurer le temps que l’on effectue les nécessaires contrôles de sécurité et que l’on détermine leur statut : la relocalisation ou le retour.

La France s’est pleinement engagée pour que la politique européenne de relocalisation, via les hotspots, fonctionne au mieux. Nous avons ainsi proposé du personnel auprès de Frontex – 60 personnes – et auprès du Bureau européen d’appui à l’asile – 18 personnes – afin de soutenir les autorités italiennes et grecques. Entre novembre 2015 et janvier 2016, nous avons en outre proposé 900 places pour accueillir des migrants relocalisés sur notre sol, ce qui représente à ce jour le plus grand nombre de places ouvertes par un État membre. Les premières personnes relocalisées depuis l’Italie sont arrivées en France en novembre dernier ; à l’heure où je vous parle, 43 personnes sont en train d’arriver depuis la Grèce ; une cinquantaine d’autres devraient arriver en fin de semaine prochaine de Grèce et d’Italie. La France tient donc ses engagements européens et assume ses responsabilités ; elle est le premier pays d’Europe pour ce qui est de l’accueil des réfugiés relocalisés. Soyez certains que je veille avec la même détermination à ce que les engagements pris par les autorités européennes soient tenus.

Une politique d’immigration efficace et responsable consiste à accueillir sur notre sol les étrangers qui peuvent et doivent l’être, et cela dans les meilleures conditions ; mais elle consiste aussi à reconduire à la frontière, avec humanité mais sans faiblesse, celles et ceux qui se trouvent en situation irrégulière : il s’agit là d’une nécessité si l’on veut garantir la soutenabilité de notre politique migratoire.

Vous savez que sur ce sujet, je tiens à votre disposition les chiffres nécessaires à la compréhension de la situation. L’un d’eux, celui qui mesure le nombre des éloignements forcés, nous permet de saisir l’action des forces de l’ordre suivant la vigueur des consignes données par le Gouvernement en place. Les éloignements forcés étaient de 13 908 en 2009, 12 034 en 2010, 12 547 en 2011, 13 386 en 2012, 14 076 en 2013, 15 161 en 2014 et 15 485 en 2015, ce qui représente une augmentation de 11 % entre 2012 et 2015.

D’autre part, le détail des statistiques nous montre que ce sont les éloignements hors Union européenne qui connaissent l’évolution la plus spectaculaire, avec une hausse de plus de 10 % en 2015, après un point très bas atteint en 2011. Le nombre de filières démantelées est lui aussi toujours plus élevé. Entre janvier et août derniers, nous avons ainsi démantelé plus de filières que ne l’a fait durant toute l’année 2010 ou l’année 2011 le Gouvernement issu de la majorité précédente. Et si je prends la peine de faire ces précisions, c’est que je connais les sempiternelles polémiques entretenues sur le sujet. Je les trouve dérisoires. Aux polémiques, aux approximations, je veux répondre par la rigueur des chiffres.

C’est la même rigueur qui a présidé à l’élaboration par le Gouvernement de la réforme du droit des étrangers qui est à nouveau soumise à votre examen après que la commission mixte paritaire a échoué.

Ce texte permet d’atteindre trois objectifs.

Le premier est de mieux intégrer, grâce au renforcement du parcours d’intégration, qui s’accompagnera d’un rehaussement du niveau d’exigence de maîtrise de la langue française pour que les étrangers atteignent un niveau A2, certes inférieur à celui requis pour une naturalisation, mais suffisant pour la vie courante. Mieux intégrer, c’est aussi mettre un terme au véritable parcours du combattant administratif auquel sont soumis aujourd’hui les étrangers. Les chiffres sont clairs : 2,5 millions d’étrangers extracommunautaires, 5 millions de passages en préfecture, alors qu’1,8 million de ces étrangers sont titulaires d’une carte de séjour valable dix ans. Cela signifie que nous soumettons des centaines de milliers d’étrangers à près d’une dizaine de passages en préfecture par an, ce qui, à l’évidence, ne crée pas les conditions d’une intégration réussie. Aussi tous les étrangers auront-ils désormais accès à un titre de séjour pluriannuel après leur première année de séjour ; ce titre leur permettra d’éviter des allers-retours inutiles et pénalisants en préfecture.

Je reviendrai tout à l’heure sur certains amendements présentés par l’opposition, qui reprennent ceux qui avaient été adoptés par le Sénat contre l’avis du Gouvernement. Néanmoins, je soulignerai dès à présent qu’au-delà des critiques, des postures et, bien souvent, des outrances, si d’aucuns proposent de réduire la portée du titre de séjour pluriannuel, nul ne songe à le remettre en cause.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

C’est donc que la cause s’avère entendue, ce dont je ne peux que me réjouir.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Deuxième objectif : attirer les talents, attirer l’immigration de la connaissance et du savoir. Après l’abrogation en 2012 de la circulaire Guéant, nous souhaitons introduire aujourd’hui dans notre législation deux innovations.

D’abord, la création d’un titre unique, le « passeport talents », destiné à tous les étrangers dont nous souhaitons qu’ils viennent en France. Ce titre, valable quatre ans, renouvelable, délivré à une personne et à sa famille, regroupe et élargit certaines catégories de titres existants.

Ensuite, la simplification du passage du statut d’étudiant au statut de salarié, pour que les meilleurs étudiants puissent concrétiser dans leur vie professionnelle les espoirs que la France a placés en eux en leur permettant de venir étudier chez nous.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce seront autant de chômeurs supplémentaires !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Avec le titre de séjour pluriannuel et le « passeport talents », nous entendons renforcer notre législation en matière de droit au séjour et l’adapter aux réalités de la mondialisation. Nous pourrons ainsi mieux tenir compte des mobilités liées à la connaissance, au savoir et à la culture. Nous intégrerons mieux les étrangers présents sur notre sol. Enfin, nous lutterons plus efficacement contre la fraude. Tels sont à mes yeux les objectifs d’une politique d’accueil des étrangers conforme à l’esprit de la République.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Troisième objectif : lutter contre l’immigration irrégulière. Sur ce point, je ferai toujours preuve de la plus grande fermeté. Un étranger en situation irrégulière doit être reconduit à la frontière et les filières criminelles de l’immigration clandestine, démantelées. Il y va du respect de l’État de droit. En la matière, la main de l’État ne doit jamais trembler, car c’est la condition de l’acceptabilité et de la soutenabilité de toute politique migratoire.

À cet effet, nous remédierons à trois faiblesses de notre système d’éloignement.

D’abord, nous avons mal transposé dans le droit français certains aspects de la directive « Retour ». Par conséquent, ce n’est que de façon exceptionnelle que les étrangers à qui nous appliquons une mesure d’éloignement font l’objet de l’interdiction de retour prévue par les textes européens. Or celle-ci permettrait aux préfectures d’accroître l’efficacité de leur action.

Par ailleurs, notre politique d’éloignement repose trop exclusivement sur la rétention. En conformité avec les directives européennes, nous faisons le choix de privilégier les mesures les moins coercitives, notamment pour les familles avec enfants. Le projet de loi prévoit donc de renforcer l’assignation à résidence pour en faire une alternative efficace à la rétention. Pour ce faire, il clarifie les conditions de l’action des forces de l’ordre dans le cadre d’une assignation à résidence et leur apporte le cadre juridique nécessaire. Ce dispositif existait, dans la version initiale du texte, pour les étrangers assignés à résidence qui s’étaient vu notifier une obligation de quitter le territoire français – une OQTF. Vous avez décidé de l’étendre à d’autres assignés en attente d’une procédure d’éloignement, à juste titre, car c’est la condition de la consolidation de cette procédure, qui permet un traitement humain des étrangers en situation irrégulière. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement visant à étendre ce dispositif aux personnes qui font l’objet d’une procédure Dublin.

Le Gouvernement déposera un second amendement en vue de l’étendre aussi aux personnes frappées d’une expulsion administrative ou judiciaire pour un motif d’ordre public, ou bien aux personnes qui braveraient l’interdiction administrative du territoire qui leur aurait été signifiée. De telles mesures concernent avant tout les prêcheurs de haine et les personnes liées aux activités des filières terroristes. Il nous paraît précieux de prévoir à leur sujet les conditions d’une expulsion dans les meilleurs délais.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

J’espère que le Parlement nous soutiendra dans cette démarche.

Enfin, je veux parler d’un sujet particulièrement complexe en raison de sa grande technicité : le contentieux de la rétention de l’éloignement, qui était absent du projet de loi initial. Sous l’impulsion de votre rapporteur, à qui je veux rendre hommage pour sa maîtrise du texte et pour le travail qu’il a réalisé avec le soutien de la députée Marie-Anne Chapdelaine, vous avez proposé une solution, à mes yeux pertinente et équilibrée, qui permet de clarifier les compétences respectives du juge administratif et du juge judiciaire.

Jusqu’à présent, le juge des libertés et de la détention et le juge administratif se prononçaient tous deux sur la rétention : l’un, le juge judiciaire, sur la proportionnalité de la mesure ; l’autre, le juge administratif, sur sa légalité. C’est à juste titre que vous avez estimé que ces deux notions étaient si proches l’une de l’autre qu’elles se confondaient très largement. Si le texte est adopté dans la version rétablie par la commission des lois, le juge des libertés et de la détention aura à connaître de la rétention. Quoi de plus normal qu’un juge judiciaire, gardien des libertés, statue sur la légalité et la proportionnalité d’une mesure privative de liberté ? Le juge administratif conservera bien sûr toute sa place ; il statuera, quant à lui, sur la légalité de la mesure administrative d’éloignement. Cette clarification était indispensable ; elle apportera de l’efficacité.

Ensuite, vous avez réintroduit l’intervention précoce du juge judiciaire. En matière de privation de liberté, celle-ci est en effet la première des garanties. Le juge des libertés et de la détention se prononcera donc sur la rétention après 48 heures, comme c’était le cas avant que la loi de 2011 ne fasse passer ce délai à cinq jours. Je m’étonne que l’opposition veuille revenir sur cette réforme, et par là même que l’on se puisse se satisfaire d’une organisation dont le seul but est de permettre la mise en place d’un éloignement sans que l’étranger puisse voir un juge, c’est-à-dire sans que le droit passe.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Cela n’est conforme ni à l’idée que nous devons nous faire de la République, ni au sérieux avec lequel les services dont j’ai la responsabilité appliquent le droit.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Sur cette question, le Gouvernement proposera un amendement de coordination afin que les dispositifs prévus par le texte n’entrent pas en contradiction avec ceux qui ont été votés dans le cadre de la loi de réforme de l’asile.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Mesdames et messieurs les députés, je voudrais par ailleurs ajouter quelques mots sur un sujet que j’ai vu émerger au travers d’amendements adoptés par le Sénat, qui ont certes été supprimés par la commission des lois, mais que certains se proposent de rétablir : les quotas.

Une telle mesure n’a jusqu’à présent été mise en oeuvre par aucun gouvernement, de quelque majorité qu’il se réclame, tout simplement parce qu’elle est anticonstitutionnelle.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Sauf erreur de ma part, le Canada n’a pas la même Constitution que nous, monsieur le député.

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Mais c’est un pays tout aussi démocratique !

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Et on a le droit d’innover, y compris en modifiant la Constitution !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

En effet, l’immigration familiale est garantie par des principes figurant à la fois dans notre constitution – je pense au droit à mener une vie familiale normale ou à la liberté du mariage –, dans les conventions internationales – article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme – et dans les directives européennes – dispositions relatives au regroupement familial.

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Ce n’est pas sans condition, il faut relire les textes !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Une politique de quotas viendrait donc contredire à la fois nos principes républicains et nos engagements internationaux, mais surtout nos principes constitutionnels.

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Il y a près de 1,5 million de migrants en Europe aujourd’hui !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Que signifie, par exemple, une politique de quotas pour les conjoints de Français ? Cela veut-il dire qu’à partir d’un certain seuil, un Français qui serait marié avec une Américaine n’aurait plus droit au séjour en France avec son épouse ? Concernant les mobilités étudiantes, le Gouvernement ne partage pas l’idée selon laquelle il faudrait accueillir un quota limitatif d’étudiants chaque année. Se fermer aux mobilités étudiantes, comme cela a déjà été tenté en 2011, c’est priver la France de futurs talents, c’est nuire au rayonnement et à l’influence internationale de notre pays.

Enfin, en matière d’immigration professionnelle, la législation encadre déjà l’emploi de nouveaux immigrés au travers des autorisations de travail. Les États qui mettent en place des quotas, comme le Canada, ont des flux migratoires deux à trois fois plus élevés que les nôtres en raison d’une immigration professionnelle particulièrement importante, ce qui n’est bien entendu pas la situation de la France.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Ce que je vous dis là n’a d’ailleurs absolument rien de nouveau. Et vous le savez parfaitement puisque, en janvier 2008, le ministre en charge de l’immigration avait installé une commission présidée par M. Pierre Mazeaud qui, lui, pense bien, sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration. Chargée de mener une réflexion sur la définition des quotas d’immigration, elle concluait, en juillet de la même année, que des quotas migratoires « seraient irréalisables ou sans intérêt » et qu’« une politique de quota migratoire global ou par grand type d’immigrations [n’était] pratiquée nulle part en Europe ».

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Formuler des propositions irréalisables ne renforce en rien la parole publique. Je souhaite que chacun en prenne conscience et que ces amendements, qui sont sans issue en termes juridiques, soient retirés.

Enfin, j’en viens à un ultime amendement déposé par le Gouvernement qui entend faciliter l’accès au service civique des étrangers. C’est une belle idée à laquelle vous teniez, madame la députée Marie-Anne Chapdelaine. J’ai compris que l’amendement avait été jugé irrecevable en commission. C’est avec plaisir que nous le reprenons à notre compte à l’occasion de la séance.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Mesdames, messieurs les députés, avec ce projet de loi, nous réformons en profondeur le droit des étrangers, afin de définir une politique d’immigration efficace, car c’est notre souhait, une politique qui fasse honneur à la France, qui soit conforme aux principes et aux ambitions de la République. Avec cette politique, nous voulons aussi faire preuve de la nécessaire fermeté à l’encontre des passeurs et de ceux qui sont en situation irrégulière. Ce sera donc non pas une politique exclusivement déclaratoire au point d’être parfois outrancière, mais une politique qui donne des résultats dans la maîtrise et dans le respect du droit.

L’examen du texte en nouvelle lecture est déterminant, et je souhaite qu’il se déroule dans un cadre apaisé et rigoureux. Je vous remercie de votre contribution à ce débat.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, le Gouvernement a appelé de ses voeux une réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Nous avons adopté ce projet de loi en première lecture au cours du mois de juillet dernier. Le texte nous revient aujourd’hui d’une lecture au Sénat qui, en octobre dernier, a permis l’adoption conforme de 14 articles, et conduit à la suppression de 13 articles et à l’introduction de 17 nouvelles dispositions. Le Sénat a ainsi modifié à la fois la substance et l’équilibre du projet de loi.

Il convient de constater d’abord que les sénateurs ont apporté au texte des améliorations formelles ainsi que plusieurs avancées de fond dont la commission a souhaité qu’elles soient préservées, moyennant parfois de légères modifications. Tel a été le cas des dispositions relatives à l’information des étrangers assignés à résidence, de l’accès des associations dans les zones d’attente ou encore de la répression à l’encontre de la fraude documentaire. Le renforcement des droits de la personne dans la procédure de communication trouve également son origine dans l’action du rapporteur de la commission des lois du Sénat. Pour le reste, la commission des lois de notre assemblée a, dans son ensemble, rétabli le texte que nous avions adopté en juillet dernier.

En premier lieu, votre commission a supprimé des dispositifs insérés par le Sénat que nous avions déjà rejetés en première lecture, et que je vous inviterai du reste à rejeter à nouveau aujourd’hui à l’occasion de l’examen des amendements. Il s’agit notamment de l’instauration de quotas en matière d’admission des ressortissants étrangers au séjour, de l’obligation pour les intéressés de faire la preuve de leur capacité d’intégration avant leur entrée sur le territoire français et du remplacement de l’aide médicale d’État par une aide médicale d’urgence.

La commission est revenue ensuite sur certaines mesures destinées à durcir les conditions d’entrée et de séjour de certains étrangers, souvent de manière très excessive, et dont l’utilité n’est d’ailleurs pas démontrée. Ainsi, la commission a supprimé l’article qui portait à deux ans, au lieu de 18 mois actuellement, la durée de résidence minimale en France nécessaire pour un ressortissant étranger avant qu’il ne puisse déposer une demande de regroupement familial. A été également supprimée la disposition adoptée par le Sénat conditionnant la validité d’une attestation d’hébergement à son autorisation par le maire de la commune concernée. L’incrimination pénale créée par le Sénat à l’encontre des organismes qui ne défèrent pas aux demandes de communication de l’administration en matière de contrôle des demandes de titre de séjour a également été supprimée. Il en est de même pour la disposition prévoyant le dépôt d’une caution propre à éviter un placement en rétention administrative.

Enfin, la commission des lois a rétabli des mesures que notre assemblée avait adoptées en première lecture et qui ont été supprimées par nos collègues sénateurs. Ces derniers ont ainsi voté la suppression des délivrances de plein droit que nous avions initiées en première lecture. La commission des lois les a réintroduites. Il s’agit de la délivrance du visa de long séjour au conjoint de Français, de celle de la carte de résident pour les parents d’un enfant français, les conjoints de Français et les personnes ayant été admises au titre du regroupement familial dès lors qu’elles en remplissent les conditions, de l’autorisation provisoire de séjour aux parents d’enfants malades, du renouvellement de la carte de séjour temporaire aux étrangers victimes de violences conjugales, et des détenteurs d’une carte de retraité pour l’obtention d’une carte de résident.

Nous sommes également revenus sur des dispositions introduites par la seconde chambre modifiant substantiellement l’esprit et les intentions du texte initial du Gouvernement. Nous avons ainsi réintroduit dans le projet de loi la notion d’absence d’accès effectif aux soins dans le pays d’origine pour la délivrance du titre de séjour à un étranger malade. De même, la commission a rétabli le régime de la carte de séjour pluriannuelle générale tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale, alors que le Sénat en avait réduit substantiellement la portée. Il s’agit là de la mesure la plus emblématique, et sans doute la plus importante de ce projet de loi ; elle permet aux étrangers ayant vocation à rester sur le sol français pour une période plus ou moins longue – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – de se projeter sereinement dans l’avenir et dans une démarche d’intégration.

En ce qui concerne les mesures préparant l’éloignement effectif de l’étranger faisant l’objet d’une OQTF, nous sommes là aussi revenus à l’équilibre trouvé lors de la première lecture en rétablissant la priorisation de l’assignation à résidence sur la rétention administrative. La commission a rétabli par ailleurs la disposition limitant la durée de la rétention ordonnée par l’autorité administrative à 48 heures, tout en confiant le contrôle de sa validité au juge des libertés et de la détention. Elle a procédé de même pour le nouveau séquençage de la rétention administrative et l’encadrement de la rétention des personnes accompagnées de mineurs. En outre, la commission a étendu à l’ensemble des dispositifs d’assignation à résidence d’un étranger en instance d’éloignement la possibilité de faire intervenir la force publique à fin d’escorte devant les autorités consulaires concernées.

Enfin, nos collègues sénateurs, pour parapher l’esprit avec lequel ils ont abordé ce texte, lui ont accolé la dénomination de « projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration ». Nous avons donc rétabli le titre initial, moins réducteur.

La France est un grand pays et elle est un pays d’immigration. Finalement, l’un ne va pas sans l’autre. L’histoire, le dynamisme, la situation géographique, la culture de notre pays, ses valeurs participent de son attractivité.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La présence d’étrangers sur notre territoire contribue à son ouverture au monde, à son rayonnement, à la diffusion et à l’enseignement du français au-delà de nos frontières, ainsi qu’au brassage culturel qui, de tout temps, nous a enrichis. L’entrée et le séjour des étrangers est un sujet complexe, trop souvent étrillé dans le but d’en tirer un profit politique maximal ; je le regrette. Nous devons, sur ce sujet plus que sur tout autre, faire preuve de précision et de rigueur intellectuelle. Nous ne devons pas laisser penser que la France est totalement dépassée par l’entrée d’étrangers sur son sol…

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…quand le nombre de nouveaux titres de séjour stagne à 200 000 depuis des années. Nous ne devons pas laisser penser que nous pouvons empêcher l’entrée et le séjour d’étrangers dont la vocation est de vivre en France, ce qui est heureux. Nous ne pouvons pas, par exemple, refuser aux Français d’épouser des personnes étrangères ou à des étrangers de donner naissance à des enfants français. Ne tombons donc pas dans une caricature qui serait préjudiciable à tous, ne tombons pas dans la méfiance vis-à-vis de toute entrée d’étrangers dans notre pays et à la défiance vis-à-vis des services de l’État dans leur application du droit. Ne tombons pas dans les arguties laissant penser que le respect des droits fondamentaux des étrangers signifie renoncer à réguler les flux migratoires.

Ce texte, monsieur le ministre, est un beau texte. Alors que la France et l’Europe font face à des défis migratoires sans précédents – vous l’avez rappelé –, nous nous dotons avec ce projet de loi, quelques mois après l’adoption de la loi réformant l’asile, d’instruments efficaces pour respecter les droits des étrangers et faire respecter le droit des étrangers.

La France est une nation ouverte qui doit accueillir avec bienveillance les étrangers qui ont vocation à vivre pour une période plus ou moins longue sur son sol. Cela n’est pas incompatible, bien au contraire, avec le respect d’un État de droit qui entend faire respecter ses lois. Respect des droits, respect de la loi : sur ces deux exigences nécessaires à l’équilibre d’une bonne politique d’immigration, d’une politique durable et solide, ce projet de loi remplit parfaitement son office.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

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Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, voilà déjà 18 mois, en juillet 2014, le Premier ministre nous a saisis de ce projet de loi pour, au fond, faciliter la délivrance des cartes de séjour et compliquer les procédures d’éloignement, ce qui constitue à nos yeux un double contresens.

Pendant un an, le texte est tombé dans les oubliettes. Il a fallu attendre l’été dernier pour que nous en débattions. Il nous revient aujourd’hui dans un état très proche de celui dans lequel la majorité des députés l’avait laissé. Excusez-moi de l’exprimer aussi directement, mais ces 18 derniers mois de surplace sont évidemment, hélas, 18 mois de perdus pour la France.

Pendant que le processus législatif tourne en rond, les désordres du monde ne font que s’aggraver. Pourrions-nous au moins, monsieur le ministre, nous mettre d’accord sur ce constat ? L’Europe et la France connaissent aujourd’hui, hélas, un véritable chaos migratoire. Rien n’est géré, rien n’est piloté, rien n’est maîtrisé. L’impuissance publique règne à tous les étages ; à Calais, à Cologne, à Athènes comme à Bruxelles. En 2015, l’Europe a enregistré passivement 1,83 million de franchissements illégaux de ses frontières extérieures. Ce chiffre représente plus de six fois celui de 2014. Le contrôle aux frontières extérieures est hélas une fiction puisque, dans les trois quarts des cas, il n’y a aucune prise d’empreintes, aucune vérification d’identité, aucun criblage dans aucun fichier de police d’aucune sorte.

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Rien n’indique que ces chiffres vertigineux soient sur le point de décroître. Bien au contraire : au coeur de l’hiver, ce sont encore 108 000 entrées clandestines qui ont été détectées en Grèce, soit 40 fois plus que l’année précédente à la même période. Tout laisse penser que, dès le retour du printemps, ces flux vont encore s’accélérer. Tandis que la Méditerranée continue à pleurer des larmes de sang, l’Europe des bureaux, l’Europe des communiqués, l’Europe des comités, l’Europe des bégaiements européistes désespère les Européens, car elle contemple passivement sa propre impuissance, incapable d’exprimer une volonté et de mettre en oeuvre une action publique digne de ce nom, incapable de concevoir et de conduire une vraie politique, incapable de relever le défi continental des flux migratoires, incapable de juguler l’immigration clandestine et d’éviter de graves troubles à l’ordre public.

Ce qui s’est passé il y a quelques semaines à Cologne, où près de 600 femmes ont été victimes d’agressions sexuelles, ne doit ni être passé sous silence, ni se répéter, demain, dans une ville ou un village de France. Ce qui s’est passé, et se passe, chaque jour à Calais, où des clandestins insultent la France et défient ouvertement ses lois et ceux qui ont pour charge de les appliquer, est tout aussi inacceptable.

Personne ne soutiendra que tous les immigrés clandestins se sont rendus ou se rendront coupables de tels actes ; mais personne ne peut sérieusement prétendre que, parmi les centaines de milliers de clandestins entrés sans aucun contrôle en Europe, ne se sont pas glissés des criminels, des agresseurs et des voleurs. La diffusion de milliers de faux passeports fabriqués par Daech aggrave encore la menace. Il est temps que chacun, sur tous les bancs, regarde la réalité en face, sans naïveté et sans pousser des cris d’orfraie.

La vérité, la triste vérité, c’est que le système Schengen est mort. Vous pouvez, monsieur le ministre – et vous le faites avec sérieux, dans le cadre contraint qui est le vôtre –, chercher à en modifier à la marge tel ou tel article ; mais c’est bien le principe juridique et le périmètre géographique de ce système qui se révèlent complètement inadaptés au monde dans lequel nous vivons.

La libre circulation en Europe n’a de sens que si le contrôle aux frontières extérieures existe vraiment. Puisque ce contrôle est aujourd’hui une fiction, la libre circulation ne peut plus être la règle. Tant que la frontière extérieure ne sera pas imperméable, tant qu’une même politique de réduction drastique de l’immigration et de lutte contre les détournements de l’asile ne sera pas adoptée au sein d’un périmètre cohérent d’États européens volontaires et responsables, il sera nécessaire que la France rétablisse durablement – je n’ai pas dit : « définitivement » – de vrais contrôles aux frontières intérieures.

Ces contrôles nationaux seront absolument indispensables tant que le système européen n’aura pas réussi à augmenter enfin son niveau de protection des frontières extérieures, en militarisant et en judiciarisant l’action contre les trafiquants et les passeurs, en se dotant de capacités technologiques nouvelles – notamment de fichiers de police interconnectés, sérieusement alimentés, modernes et fiables –, en organisant des retours groupés de clandestins vers leurs pays d’origine et en installant, enfin, de vrais centres de rétention dans les pays de transit avant toute traversée de la Méditerranée.

Tout cela a été dit depuis des années, et répété depuis des mois. Il est plus que temps d’agir si l’on ne veut pas assister passivement au pire, c’est-à-dire à une dislocation européenne doublée d’une explosion des troubles sur le sol national.

Cette refondation européenne doit s’accompagner, monsieur le ministre, d’une vraie rupture avec un certain nombre de choix politiques nationaux qui sont ceux de votre Gouvernement et de votre majorité, et qui ne font qu’aggraver les désordres. Il est urgent, à nos yeux, de reprendre le contrôle des délivrances de visas et de titres de séjour, qui ne cessent de dériver ces dernières années, comme le montrent les chiffres publiés par votre ministère voici quelques jours.

Le nombre total de visas délivrés par les ambassades et les consulats a en effet augmenté, entre 2012 et 2015, de 39 % : c’est un fait. Sur la même période, le nombre de visas d’immigration permettant une installation durable en France, c’est-à-dire les visas de long séjour, a augmenté de 14 % : c’est un autre fait.

Le nombre de cartes de séjour délivrées par les préfets, autrement dit le nombre d’installations légales en France, a augmenté de plus de 10 % – c’est encore un fait –, et ce sans aucun rapport avec les besoins du marché du travail, dont on connaît l’état, et les capacités d’intégration de la France, limitées par les contraintes qui pèsent sur les finances publiques.

Parallèlement, le nombre de clandestins, c’est-à-dire d’étrangers qui se maintiennent en situation illégale en France, est nourri par le flux des déboutés du droit d’asile. Vous avez, il est vrai, éloigné quelque 6 000 ressortissants de pays tiers, de façon contrainte : je ne conteste pas vos chiffres. Mais le flux des clandestins est nourri et il augmente. Alors que le nombre de demandes d’asile a augmenté de 22 % de 2014 à 2015, pour atteindre 79 000 demandes, le taux d’admission au statut de réfugié s’établit à 31 %. En d’autres termes, près de 70 % des demandes sont vouées au rejet ; de sorte que 50 000 à 55 000 déboutés sont venus grossir, en 2015, les rangs des clandestins…

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…dont 90 %, nous dit la Cour des comptes, ne sont pas effectivement reconduits dans leur pays d’origine.

Pendant que l’immigration augmente, l’intégration recule. Il faut relire, à cet égard, l’étude publiée par l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, l’été dernier : 43 % des immigrés d’âge actif sont, hélas pour eux et pour nous, sans emploi en France, soit près d’un sur deux. Voilà la vérité !

Le chaos migratoire produit du désespoir et, je le dis avec mes collègues Pierre Lellouche, Éric Ciotti et Marie-Louise Fort, votre projet de loi ne pourra y remédier car vous faites, article après article, le contraire d’une politique d’immigration active et conforme à l’intérêt national.

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Vous allez, d’abord, augmenter encore l’immigration vers la France en multipliant les facilités d’obtention des diverses cartes de séjour, comme si l’urgence était d’accélérer l’entrée en France de nouveaux flux d’immigrés.

Vous allez ensuite, peut-être contre votre volonté, compliquer les retours des clandestins vers leurs pays d’origine en rendant plus difficile, à cause de procédures alambiquées, le placement dans les centres de rétention administrative, lesquels permettent l’éloignement effectif des étrangers en situation illégale.

Enfin et surtout, vous refusez d’aborder les vrais sujets, vous interdisant ainsi de rompre avec le chaos migratoire. Nous persistons à vous proposer une tout autre politique, conforme à l’intérêt de la France. La procédure parlementaire, en nouvelle lecture, ne nous permettra pas de défendre tous nos amendements pour définir et mettre en oeuvre cette nouvelle politique.

Toutefois, cinq ruptures nous semblent absolument nécessaires. Une rupture opérationnelle, d’abord. Nous vous appelons solennellement, monsieur le ministre, à démanteler cette zone de non-droit qui, à Calais, constitue une violation permanente de nos lois. Sur le territoire de la République française, il ne peut pas y avoir de jungle, car il n’y a pas de place pour la loi de la jungle : il n’y a de place que pour les règles de droit.

Nous sommes conscients du travail très difficile effectué, sur place, par les fonctionnaires de la police nationale et par ceux qui leur donnent des instructions, et nous leur en sommes très reconnaissants. De fait, nous nous sommes rendus sur place pour dialoguer avec les fonctionnaires de la police aux frontières et les agents des préfectures, et nous sommes, je le répète, pleinement conscients de la grande difficulté de leur tâche sur le terrain. Mais la chaîne de commandement politique, c’est-à-dire le Gouvernement, a le devoir de préparer la mise en oeuvre d’un effort opérationnel d’une nouvelle ampleur.

Tous les individus qui ont commis des actes de délinquance doivent être immédiatement expulsés hors du territoire national pour trouble à l’ordre public. Tous les demandeurs d’asile doivent être assignés à résidence dans des centres d’accueil de demandeurs d’asile – CADA –, et non envoyés dans des territoires ruraux, comme il y a quelques semaines à Saint-Bris-le-Vineux, dans mon département de l’Yonne : décision vaine que celle de transférer ainsi, contre leur gré, 50 personnes qui, à peine installées, sont aussitôt reparties vers d’autres horizons – sans doute ceux du Calaisis. Bref, tous les demandeurs d’asile doivent être assignés à résidence, et tous les étrangers en situation illégale, placés dans des centres de rétention, dont c’est l’objet défini par la loi, jusqu’à leur reconduite hors de France.

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Bien que ces vérités paraissent relever de l’évidence, elles sont des plus contrastées avec la réalité de cette jungle inacceptable qu’est devenu Calais, où l’État, monsieur le ministre, doit cesser de reculer.

La deuxième rupture est celle qui consistera à définir de vrais plafonds d’immigration, c’est-à-dire des contingents limitatifs. Pierre Mazeaud, objectez-vous, y est hostile. En effet, il l’a dit en 2008. Mais Pierre Mazeaud n’est pas le législateur de 2016 et, même si nous lui devons le respect, il nous est permis de considérer que, dans la France de 2016, des paramètres juridiques devront évoluer, peut-être dans la loi ordinaire et sans doute, demain, dans la Constitution, afin d’organiser la régulation des flux migratoires, dans le respect du droit des personnes, mais aussi, monsieur le ministre, dans le respect du droit de l’État français à choisir qui il souhaite accueillir, et qui refuser, sur son territoire. C’est pourquoi nous souhaitons des contingents limitatifs pour les différentes catégories de séjour, notamment celle du regroupement familial.

La troisième rupture sera de conditionner l’autorisation d’immigrer en France à la capacité d’intégration dans la société française. Avant la délivrance d’un visa de long séjour, l’étranger devra justifier d’une connaissance suffisante de la langue française, d’une capacité à travailler et de son adhésion aux valeurs de la République.

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La quatrième rupture consistera à restreindre les conditions dans lesquelles les étrangers en France accèdent aux prestations sociales : c’est, là aussi, un désaccord très fort entre l’actuelle majorité et l’opposition républicaine. Un étranger qui exerce le même travail et verse les mêmes cotisations salariales qu’un Français doit bien sûr avoir accès à la même assurance sociale, mais un étranger qui vient d’arriver n’a pas à bénéficier de prestations sociales financées par l’impôt de personnes résidentes en France de longue date. C’est pourquoi, selon nous, l’accès aux allocations familiales et au logement social devra être conditionné à une résidence légale en France d’au moins cinq ans.

La cinquième rupture sera l’organisation du retour des clandestins dans leurs pays d’origine grâce à la pleine utilisation des centres de rétention administrative et à l’augmentation de la durée maximale de cette rétention, que nous souhaitons porter à 180 jours.

En Allemagne, faut-il le rappeler, cette durée est de 18 mois, contre 45 jours en France : je m’en suis entretenu hier, à Berlin, avec nos collègues de la CDU. Faisons converger nos législations !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Voulez-vous vraiment que nous appliquions la même politique migratoire qu’en Allemagne ?

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Utilisons pleinement, dans le respect du droit, les centres de rétention afin de négocier, avec les pays d’origine, des laissez-passer consulaires facilitant les éloignements.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m’attends pas à convaincre la majorité des députés qui composent l’Assemblée nationale élue en 2012. Année après année, mois après mois, nous constatons, chiffres à l’appui, que le Parti socialiste reste prisonnier, sur ces questions, d’une gauche faussement généreuse, qui persiste à penser, contre tout bon sens, que l’augmentation incontrôlée de l’immigration n’est pas un problème dans la France de 2016.

En plaidant ce soir, une nouvelle fois, pour une vraie politique de diminution de l’immigration, je ne puis que vous inviter, au nom du groupe Les Républicains, à rejeter votre projet de loi, lequel nous paraît directement contraire à l’intérêt de la France et des Français.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je m’efforcerai de répondre avec précision aux préoccupations exprimées par M. Larrivé, non sans me demander pour quelle étrange raison aucune des mesures qu’il vient d’énumérer n’a été mise en oeuvre au lendemain des printemps arabes, alors qu’une crise migratoire annonçait déjà celle que nous connaissons.

Je m’appuierai sur des exemples concrets. En 2010 et 2011, le nombre d’arrivées migratoires a fortement augmenté à Lampedusa ; à telle enseigne que mon anté-prédecesseur, Claude Guéant, avait décidé, après s’être rendu sur place, de bloquer les trains en provenance d’Italie : à ses yeux, les règles européennes pouvaient être suspendues unilatéralement par la France, tant ces flux étaient préoccupants.

Ont suivi, entre 2011 et l’élection présidentielle, quelques mois utiles – puisque, comme vous l’avez dit, chaque mois est utile lorsqu’il s’agit de faire face aux urgences. Quelles initiatives européennes ont alors été prises ? Le Président de la République, déjà en campagne, a couru de tribune en tribune pour défendre la cause d’un Schengen 2, sans que nous puissions en saisir le contenu.

Malgré la longueur de votre exposé, vous vous êtes bien gardé d’expliciter l’ordre juridique et politique qu’il faudrait substituer à Schengen si, comme vous le proposez, on le remet en cause. Bref, vous entendez remettre en cause Schengen, mais on ne sait ce que vous proposez à la place. C’est pour le moins gênant car, dans une situation de désordre – ou de « chaos », pour vous citer –, supprimer ce qui existe sans préciser ce qui doit lui succéder, cela s’appelle ajouter du désordre au désordre – ou du chaos au chaos.

Je ne me souviens pas qu’à l’époque où vos amis étaient en situation de responsabilité, il y ait eu, concernant la réforme de Schengen, la moindre proposition concrète qui aurait permis d’améliorer l’ordre des choses.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Or, cette proposition, nous l’avons faite ! Je suis allé devant les institutions de l’Union européenne, non pas avec des déclarations à l’emporte-pièce ou des outrances…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je n’ai tellement pas été suivi, monsieur Lellouche, que la Commission européenne a proposé le 15 décembre une nouvelle rédaction de l’article 7-2 du code Schengen, modifiant réellement l’ordre des choses, puisqu’il permet de mettre en place un véritable contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne, et surtout de faire en sorte que ce contrôle soit systématique et coordonné.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Par ailleurs, Frontex a décidé de se réorganiser.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur Lellouche, documentez-vous, vous direz moins de bêtises !

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Monsieur Lellouche, vous allez pouvoir vous exprimer dans un instant, laissez le ministre parler !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Nous avons revu le dispositif Frontex, lequel est désormais composé de deux agences : l’une de gardes-frontières et l’autre de gardes-côtes. Son budget a été augmenté de 300 millions d’euros. Ce n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’une proposition française.

En plus d’oeuvrer à la réforme de l’article 7-2, de la modification de Frontex et de la mise en place d’une véritable task-force pour lutter contre les faux documents, que nous avons demandée et qui a fait l’objet d’une réponse positive pas plus tard qu’hier, nous avons également mobilisé notre énergie pour que l’on puisse, dans un contexte où les choses continueraient de se dégrader, accepter des contrôles aux frontières pour des raisons sécuritaires, comme nous le faisons depuis le 13 novembre. Vous avez oublié de rappeler que nous avons rétabli les contrôles aux frontières.

Vous avez eu du temps pour faire en sorte que l’Union européenne change le cours de choses, mais rien ne s’est passé. Quant à nous, nous menons des actions extrêmement précises dont vous ne faites jamais état dans vos discours, parce qu’il est tout à fait gênant d’y faire référence dès lors que l’on veut rendre compte de ce qu’est l’état de la situation. Il est plus facile de convoquer des outrances que des faits, en faisant preuve de rigueur intellectuelle. Je regrette que vous soyez toujours dans cette même démarche.

S’agissant de Calais, je vais reprendre une à une vos affirmations. Même si je pourrais faire de même sur les autres sujets, je m’en abstiendrai, car cela nous mènerait très loin. Vous dites des choses qui sont, pardonnez-moi, monsieur Larrivé, absolument consternantes et très orthogonales par rapport à ce que nous disions ce matin avec le président de région, Xavier Bertrand, ou avec Natacha Bouchart et Yann Capet, sur place. Je prendrai des exemples très concrets. Vous dites, par exemple, qu’il faut éloigner de Calais ceux qui sont en situation irrégulière. Pourquoi ne dites-vous pas qu’en 2015 nous avons éloigné 1 768 personnes en situation irrégulière sur 3 000 ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce sont beaucoup d’Albanais que vous avez reconduits vers l’Italie ! Mais combien y a-t-il eu de vrais éloignements ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Deuxièmement, vous expliquez qu’il faut assigner à résidence les demandeurs d’asile à Calais. J’aimerais que vous disiez, parce que ce serait honnête, qu’après le leur avoir proposé nous avons mis en CADA 2 000 personnes en 2015 ; que nous ne pouvons assigner à résidence, comme vous le suggérez, des demandeurs d’asile que dès lors qu’ils le sont réellement ; et que, s’ils ont demandé l’asile, il n’y a pas besoin de les assigner à résidence, puisque nous les mettons en CADA et qu’ils poursuivent leur parcours d’intégration.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Votre proposition est diantrement absurde et absolument malhonnête ! Elle oublie de préciser que 2 000 personnes, qui étaient dans le camp de Calais, ont été accueillies en CADA comme demandeurs d’asile. Proposer d’assigner à résidence des demandeurs d’asile est tout à fait absurde : soit ils ne sont pas demandeurs d’asile, auquel cas on ne peut pas les assigner à résidence, soit ils sont demandeurs d’asile et, dans ce cas-là, ils sont en CADA et n’ont pas besoin d’être assignés. Ce sont des propositions qui relèvent de la tartufferie à l’état pur…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S’il existait, vous auriez un doctorat ès tartufferie !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

…et qui ignorent totalement la réalité de ce que nous faisons à Calais !

Troisièmement, vous proposez, comme M. Ciotti, de démanteler immédiatement le camp de Calais. Permettez-moi de vous poser des questions très concrètes. Environ 90 % de ceux qui sont à Calais, soit 3 500 personnes au minimum, relèvent de l’asile en France.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur Ciotti, ce sont mes services qui s’en occupent, qui font la comptabilité, pas ceux qui viennent faire des visites politico-touristiques devant les caméras…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

…une fois de temps en temps, en jetant un oeil sur les difficultés et la misère, qui vont trois minutes sur place, pour que les chaînes d’information en continu puissent en faire une dépêche et qui, par la suite, font des commentaires hasardeux au siège de partis politiques, manipulés, très souvent d’ailleurs, par certains responsables, dont c’est le but et l’obsession de créer de la division, surtout sur ces sujets… J’ai des noms !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

J’en ai un notamment, mais je ne veux faire de peine à personne, d’autant que si je n’en donnais qu’un, je risquerais d’en oublier d’autres également dans le coup. Il n’y a aucune raison d’incriminer quelqu’un en particulier.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Mais chacun a bien compris de qui je parle. M. Larrivé et M. Ciotti ont d’ailleurs une ligne directe avec l’intéressé. Ils voient parfaitement quel est le sujet…

Vous dites qu’il faut démanteler la jungle, alors que ces gens relèvent de l’asile et ne sont pas expulsables. Où mettez-vous ces personnes ?

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans des centres de rétention ! Pas dans des zones de non-droit !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Mais l’état du droit français ne permet pas de mettre comme cela des personnes dans des centres de rétention ! Je vous repose ma question : où les mettez-vous ? Vous ne le savez pas ! Quand nous proposons de placer, grâce à des maraudes, ces personnes dans des centres d’où elles pourront rejoindre des CADA, vous faites des communiqués pour dire qu’il est absolument scandaleux de proposer cela… Quand nous essayons de vider Calais de ses migrants, vous vous insurgez que nous essayions de le faire. Quand nous ne le faisons pas, vous demandez que nous le fassions. Je vous pose une question très concrète : que faut-il faire pour vous être agréable, messieurs Larrivé et Ciotti ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Tous ces exemples qui motivaient votre déclaration, monsieur Larrivé, toutes vos déclarations, montrent bien que vous êtes dans l’instrumentalisation politique d’un sujet grave

« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

en convoquant toutes les outrances et toutes les démagogies, sans vous préoccuper de savoir le mal que cela fait au pays, dans un contexte où des courants d’extrême-droite suscitent la division, en faisant appel sur ces sujets aux plus bas instincts.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je ne dis pas que vous êtes leurs complices, mais simplement que vous êtes irresponsables, lorsque vous agissez ainsi sur de tels sujets.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

J’accepterais volontiers d’accéder à tous vos arguments, si je trouvais dans l’un d’eux quelque chose qui ressemble au début d’une solution, mais je n’y vois que des impasses. Je vous demande simplement, compte tenu de la gravité de la situation migratoire en Europe, du drame des destins humains qui y sont pris, de ce que sont les valeurs de la République, de ce qu’est l’exigence de vérité que nous devons aux Français, de l’extrême difficulté du sujet que vous avez toujours été incapables de gérer en situation de responsabilité, de faire preuve d’un peu plus de rigueur, de vérité et de dignité !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux explications de vote. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Les sujets traités par ce texte sont suffisamment importants pour attendre du principal groupe d’opposition qu’il fasse des propositions sérieuses.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Or, ce que je viens d’entendre n’est vraiment pas sérieux, monsieur Larrivé ! Vous venez de nous proposer de ne pas débattre de ce texte dont les dispositions ont été présentées en juillet 2014 en Conseil des ministres. Vous ne cessez de faire de l’immigration le thème central, obsessionnel et compulsif du débat public pour mieux masquer l’échec de la politique que vous avez menée de 2007 à 2012, et même avant, lorsque M. Sarkozy était ministre de l’intérieur. Les chiffres sont têtus, et M. le ministre vous les a rappelés.

Pour nous socialistes, il est au contraire temps d’agir !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est temps de mieux accueillir et de mieux intégrer ceux qui ont vocation à vivre dans notre pays : tel est le sens du « passeport talent » et du titre pluriannuel de séjour qui met fin à un parcours du combattant. C’est une mesure extrêmement attendue des deux côtés du guichet, par les étrangers comme par les fonctionnaires. Le « passeport talent »…

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Ce n’est pas un passeport, c’est un titre !

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…va enfin permettre d’attirer des intellectuels, des chercheurs, des scientifiques et des étudiants, que la circulaire Guéant avait durablement éloignés de nos laboratoires de recherche et de nos entreprises. Il est temps de concentrer l’activité de l’administration sur ce qui mérite et justifie d’être contrôlé, de mettre en oeuvre des procédures claires, efficaces et respectueuses de la dignité des personnes en matière d’éloignement.

Ce texte traite concrètement de sujets très sérieux, qui touchent non seulement les étrangers, mais aussi des millions de nos concitoyens qui sont les parents, les enfants ou les conjoints d’étrangers. Il assume tous les aspects de la politique migratoire sans la réduire à des slogans, à des quotas ou à des chiffres pipeautés par ailleurs. Il permet à la France de renouer avec sa vocation, celle d’une grande nation qui parle au monde et qui assume son rang comme sa stratégie d’influence. C’est pourquoi nous voterons bien entendu contre la motion de rejet.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe Les Républicains.

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Je tiens tout d’abord à préciser au ministre, même s’il est sans doute au courant, que cet après-midi même, sur le camp de Grande-Synthe, la police a dû intervenir après un échange de coups de feu. Il y a eu des blessés par balles et arme blanche. La situation est en train de s’envenimer et de s’aggraver dans toute la région du Calaisis.

Sur le fond, monsieur le ministre, vous avez répondu à un exposé extrêmement complet et brillant de notre collègue Larrivé par des invectives, en traitant l’opposition d’irresponsable.

« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je ne peux pas l’admettre ! Le chaos qui définit aujourd’hui très exactement la situation migratoire de l’Europe n’est, hélas, pas nouveau. Depuis les printemps arabes de 2011 et votre arrivée au pouvoir de 2012, la situation n’a cessé de se dégrader.

L’an dernier, il y a eu près de 2 millions d’entrées illégales sur le sol européen. Il est impossible de répondre à ce flux migratoire en espérant que la convention de Schengen réglera tout et en promettant de créer des hotspots sans les créer. Vous ne cessez de nous parler de Frontex, mais nous n’avons pas vu l’ombre d’un début de commencement de garde-frontières sur les frontières extérieures de l’Union. Nous avons eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises en commission : la politique de l’Europe est un échec.

Dans ces circonstances, les États européens se ferment les uns après les autres. Aujourd’hui même à Copenhague, tandis que nous examinons ce texte en nouvelle lecture, on vote une loi qui durcit les conditions d’accès des migrants, alors que le Danemark est le pays le plus tolérant du continent ! Rappelez-vous ce qui s’est passé au Danemark pendant la Seconde guerre mondiale. La tradition de tolérance en Scandinavie et au Danemark est remarquable. Il l’est donc d’autant plus de constater aujourd’hui que 70 % des Danois soutiennent une loi extrêmement restrictive, que beaucoup de nos voisins ont d’ailleurs reprise.

Que fait la France pendant ce temps-là ? Elle se dote d’une politique d’asile et de droit des étrangers sans équivalente en termes de générosité. Vous ouvrez tous azimuts, vous donnez des cartes pluriannuelles, vous permettez les regroupements familiaux ! Vous êtes en train de créer les conditions d’un appel d’air. Le jour où l’Allemagne fermera ses frontières, car elle ne manquera pas de le faire, comme les autres pays, les 2 millions de migrants supplémentaires iront au mieux-disant migratoire. Je vous mets solennellement en garde, monsieur le ministre. Ce texte crée les conditions d’un désastre politique !

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand j’écoutais mon collègue Larrivé, je ne parvenais pas à croire ce que j’entendais. Il nous disait, pour mieux dénoncer l’incapacité de l’État français à faire régner l’ordre, en faisant référence à Calais, que nous devions affronter un chaos. Immédiatement après, il reconnaissait que ce chaos n’était pas né d’hier. De fait, nous le devons aux révolutions arabes, dont nous nous étions félicités, et à la dislocation de l’État syrien. C’est un chaos qui existait quand Nicolas Sarkozy était au ministère de l’intérieur et quand vous étiez, monsieur Larrivé, en responsabilité dans ce ministère de l’identité nationale.

Vous n’avez pas réglé d’un coup de baguette magique cette situation, parce qu’elle n’est pas simple et qu’il ne suffit pas d’invoquer les expulsions, les murs ou les fermetures de frontières. Cette question n’est pas simplement sécuritaire, contrairement à ce que vous prétendez, mais elle touche aux fondements mêmes d’une Europe qui n’a ni politique étrangère commune, ni politique de coopération concertée, d’une Europe qui laisse des États voisins en très grande difficulté prendre en charge plusieurs millions de réfugiés. Plus de 4 millions de réfugiés sont aujourd’hui en Turquie, en Jordanie ou au Liban.

La Turquie reçoit à peu près deux millions de réfugiés.

Ce que vous nous proposez en réalité, c’est de nous laver les mains de la crise humanitaire sans précédent qui se déroule à nos frontières.

Par ailleurs, vous chargez l’Europe de tous les maux. Mais l’Europe n’est pas une instance sortie de nulle part, ce n’est pas un pur concept : dans certains de ces pays ce sont des amis à vous qui gouvernent, et j’imagine qu’en parlant des « européistes béats » vous faisiez référence à cette partenaire des Républicains qu’est Angela Merkel, à la tête de l’Allemagne depuis plus de dix ans.

Je conclurai en disant que, contrairement à ce que dit M. le ministre, M. Larrivé a indiqué quelques pistes. Celles-ci sont claires : expulser toujours davantage, mettre en place des quotas et assumer explicitement une politique de discrimination en bonne et due forme. Ce ne sont pas les mesures que nous prônons ; c’est pourquoi nous ne voterons pas cette motion.

La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.

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J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Éric Ciotti.

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Le 2 septembre 2002, à la tribune du quatrième Sommet de la Terre à Johannesburg, le Président Jacques Chirac appelait le monde à se mobiliser face à l’urgence climatique avec cette formule restée dans les mémoires tant elle est pertinente : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».

C’est un sentiment analogue que suscite aujourd’hui, monsieur le ministre, la politique migratoire tellement ce projet de loi et votre attitude sont marqués du sceau, au mieux d’une incroyable naïveté, au pire d’une idéologie dangereuse.

Ce débat est en tout point surréaliste. Il traduit en fait un aveuglement coupable. Vous allez sans doute faire adopter par votre majorité, contre l’avis du Sénat, un texte qui va accroître les difficultés, qui va rendre plus difficiles les expulsions, qui va ouvrir plus largement nos frontières.

Monsieur le ministre, avez-vous conscience de la gravité de la situation à laquelle notre pays et l’Europe sont confrontés ?

« Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Oui, la maison brûle et vous regardez ailleurs en refusant d’agir.

Alors que 1 083 000 migrants sont arrivés en Europe en 2015 et que 2 millions sont annoncés pour 2016, alors que près de 3 800 d’entre eux ont péri en tentant une traversée désespérée, payée en moyenne 7 000 euros à des passeurs qui ont accumulé, en 2015, 8 milliards d’euros de recettes, alors que la France a reçu 77 000 demandes d’asile, soit une augmentation de plus de 22 % en 2015, alors que les deux tiers de ces demandes d’asile seront, vous le savez, rejetées, comme elles l’ont été dans le passé, et que parmi ces déboutés du droit d’asile, seuls 5 % seront éloignés, vous nous proposez de laisser empirer cette situation d’une extrême gravité en adoptant des mesures inadaptées.

Monsieur le ministre, voyons-nous la même réalité ? Ce que je vois, pour ma part, ce sont des Calaisiens apeurés, excédés, prêts à prendre les armes face aux agressions dont ils sont victimes, images que tous les journaux de vingt heures ont diffusées hier soir.

Voilà la réalité à Calais, monsieur le ministre, ne vous en déplaise – et l’outrance de votre réaction face à la motion défendue brillamment par Guillaume Larrivé montre combien ce sujet vous énerve, énervement que nous avions déjà perçu, hier soir, dans un cadre qui appelle pourtant à l’apaisement puisqu’il s’agissait du Paradis latin, où nous assistions ensemble aux voeux d’un syndicat de police. Si vous êtes tendu, c’est parce que vous êtes marqué par l’absence de résultats et la faillite de votre politique.

La réalité c’est qu’aujourd’hui, à Calais, il n’y a plus ni État de droit ni État d’urgence.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La réalité que je vois, c’est celle de policiers et de gendarmes, auxquels je veux rendre hommage pour leur courage et leur abnégation, harcelés chaque nuit depuis des mois par des migrants otages des maffias et des passeurs.

La réalité que je vois, c’est celle d’une « jungle » – quel mot épouvantable ! – qui se développe sur le territoire de la République, au XXIème siècle, poussant ses ramifications à Grande-Synthe, à Dunkerque ou à Paris, accueillant toujours plus de misère et de violence dans un cadre profondément antinomique avec tous nos principes humanitaires.

La réalité que je vois et que voient les Français, c’est celle de la statue du général de Gaulle souillée des mots « Nique la France », comme un symbole de la perte de l’autorité républicaine sur ce territoire et de la faillite de votre politique migratoire.

Sur ce dossier comme sur d’autres, vous auriez dû écouter nos mises en garde ; vous devriez écouter aujourd’hui nos propositions. Vous les avez préalablement rejetées tout à l’heure, en considérant que tous les amendements votés par le Sénat et tous ceux que nous allons défendre ce soir étaient inopportuns. Vous vous trompez, monsieur le ministre.

N’attendez pas qu’il soit trop tard. Nous vous proposons aujourd’hui de revoir complètement ce texte et c’est pour cela que nous demandons son renvoi en commission.

Monsieur le ministre, le passé devrait vous éclairer. Vous vous êtes tellement trompés. Je ne m’adresse pas à vous personnellement : ce « vous » est collectif. Il englobe naturellement le gouvernement dans lequel vous figurez. Il englobe ce Président de la République qui a tellement menti aux Français.

Après les attentats qui ont meurtri notre pays tout au long de l’année 2015, vous avez enfin daigné écouter l’opposition. Vous avez changé d’avis, monsieur le ministre, et c’est tout à votre honneur, sur l’urgence à renforcer le contrôle des frontières et la sécurité du territoire. Vous avez changé d’avis sur l’urgence à adapter le cadre légal d’usage de leurs armes par les policiers et les gendarmes et à renforcer leurs prérogatives.

Vous avez même changé d’avis sur la déchéance de nationalité. Tout à l’heure, quand j’entendais une certaine arrogance pointer dans votre réponse, me revenait à l’esprit ce que vous me répondiez le 16 septembre 2014, ici même, lorsque nous défendions un amendement sur la déchéance de nationalité. Vous nous disiez avec la même certitude qui confine à l’arrogance : « Il n’est pas nécessaire d’ajouter des dispositions législatives à celles qui existent, sauf à vouloir instrumentaliser ce sujet à des fins politiques, mais il est trop sérieux pour cela ».

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aujourd’hui, vous y venez. Alors oui, nous vous le disons aujourd’hui solennellement, comme nous l’avons toujours dit : changez d’avis, quand il en est encore temps, sur la politique migratoire.

Oui, monsieur le ministre, il est urgent que la France décide enfin qui elle veut accueillir et qui elle ne veut pas, qui elle ne peut pas accueillir. La France aujourd’hui doit se doter des outils qui lui permettent de choisir qui a le droit d’entrer et de séjourner sur son territoire. Il y va non seulement de sa souveraineté, de sa capacité même à garantir la cohésion sociale, mais aussi de sa sécurité dans un contexte de menace terroriste sans précédent.

Vous m’objecterez sans doute que le problème est européen : certes. Vous ajouterez que nous n’y pouvons rien, et les propos que vous venez d’avoir accréditent cette forme d’impuissance.

Je l’affirme ici : nous avons plus que jamais l’obligation d’affirmer notre souveraineté, pour protéger les Français et pour maîtriser une immigration aujourd’hui incontrôlée.

Vous auriez pu, monsieur le ministre, dans ce contexte saisir la main tendue par le Sénat. Les sénateurs avaient considérablement enrichi ce texte. Les mesures introduites par le Sénat en première lecture allaient toutes dans ce sens.

C’était le cas de celle relative à la définition de quotas d’étrangers admis à s’installer en France. Ce débat n’est pas un débat ridicule. Vous avez tout à l’heure souhaité le caricaturer. Vous avez tort : il est essentiel. Et là aussi, j’en prends le pari devant vous, comme nous l’avons fait sur la déchéance ou sur d’autres sujets, vous serez obligé d’y venir, si tant est que vous soyez encore là, puisque votre bail s’approche de son terme. Vous refusez ce débat : c’est une faute.

Le Sénat avait également introduit une mesure relative aux garanties d’intégration préalable, disposant qu’une connaissance suffisante de la langue française, l’adhésion aux valeurs essentielles de la société française et l’autonomie financière étaient nécessaires pour obtenir un visa de long séjour. Les commissaires de la majorité ont naturellement balayé ces dispositions et je suis persuadé que vous allez poursuivre dans cette voie qui est une impasse.

Le Sénat avait également, fort opportunément, souhaité qu’une nouvelle aide médicale d’urgence se substitue à une AME devenue aujourd’hui non seulement impossible à maîtriser budgétairement, mais aussi, et vous le savez, source de fraudes massives.

Le Sénat avait enfin supprimé l’extension de l’acquisition de la nationalité française aux personnes dont un frère ou une soeur avait obtenu la nationalité française par application du droit du sol.

Une fois de plus, la majorité a rétabli un texte idéologique qui facilitera le maintien des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire.

Le résultat, c’est que ce projet de loi passe totalement à côté des véritables enjeux.

D’abord, le texte ne s’attaque pas à la question centrale de l’expulsion des étrangers dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public. Face à la multiplication des attaques contre les symboles de la République, contre la nation française, contre les intérêts du pays, l’autorité républicaine ne doit plus reculer.

Les actes inqualifiables commis à Cologne sonnent comme un signal d’alarme et d’alerte face à l’angélisme de Mme Merkel et de M. Hollande.

Le 16 novembre dernier, le Président de la République déclarait devant le Congrès que nous devions pouvoir expulser plus rapidement les étrangers qui représentent une menace particulièrement grave pour la sécurité de la nation. Il avait raison. Nous nous rallions volontiers à ces propos, mais nous regrettons qu’à ce jour cette promesse n’ait reçu aucune traduction concrète.

Le projet de loi aujourd’hui soumis à notre examen était pourtant l’occasion de mettre les actes en conformité avec les paroles. Comment accepter que des étrangers dont le comportement trouble l’ordre public, comme à Calais ce week-end – nous avons vu ces images insupportables, inacceptables et que les Français n’acceptent pas – puissent demeurer sur notre territoire ?

Contre de tels agissements, il faut une réponse ferme, déterminée. Il faut des expulsions immédiates ! Vous n’êtes pas allés dans ce sens.

L’article L.521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA – prévoit pourtant la possibilité d’expulser les étrangers dont le comportement trouble l’ordre public, mais sa rédaction est trop restrictive. Surtout, cette mesure est insuffisamment appliquée.

Je défendrai, avec mes collègues du groupe Les Républicains, un amendement qui proposera une réponse adaptée, avec une double finalité : élargir le champ des expulsions ; prévoir explicitement que toute mesure d’expulsion emporte immédiatement et de plein droit le rejet de toute demande de titre en cours d’instruction, y compris la demande d’asile. Car comment accepter que quelqu’un qui demande la protection de la France se livre dans ce pays à des comportements contraires à l’ordre public ? Ces personnes n’ont pas leur place sur le territoire national !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Ensuite, monsieur le ministre, le texte manque d’ambition sur cette question centrale qu’est la lutte contre l’immigration clandestine.

Nous le répétons avec force : il est indispensable que les personnes n’ayant pas de titre de séjour quittent effectivement le territoire national. Il y va du respect dû aux décisions administratives et juridictionnelles ; il y va surtout de la crédibilité de l’autorité de l’État.

Selon votre propre bilan en date du 15 janvier dernier, la réalité est pourtant bien différente. En fait, la France expulse aujourd’hui de moins en moins de clandestins. Pour environ 100 000 personnes en situation irrégulière identifiées, appréhendées, à peine 20 % – ce sont vos chiffres, monsieur le ministre, ne les contestez pas – sont effectivement renvoyées dans leur pays d’origine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Loin de remédier à cette situation catastrophique, le projet de loi dont nous discutons aggravera les dysfonctionnements existants en faisant de l’assignation à résidence la mesure de droit commun…

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… de contrainte avant éloignement.

Elle limitera les placements en rétention ce qui, là encore, est non seulement une erreur, mais une faute puisque les risques de fuites en cas d’assignation à résidence sont bien évidemment beaucoup plus forts.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Enfin, Guillaume Larrivé l’a dit, ce projet de loi aura pour conséquence d’ouvrir les vannes de l’immigration légale et de lancer un véritable appel d’air avec la création du titre de séjour pluriannuel et du « passeport talents ». Il élargira les conditions d’accès aux soins des étrangers malades alors que l’AME coûte déjà 1 milliard d’euros par an aux contribuables.

Pour conclure, nous pouvons souligner très lucidement que toutes ces mesures vont à rebours de l’intérêt du pays en faisant supporter aux Français le prix d’une immigration que le Gouvernement refuse de contrôler.

Pour reprendre le début de mon intervention, monsieur le ministre : avez-vous vraiment pris la mesure des menaces qui planent sur notre pays ? Voyez-vous que notre maison brûle ? Voyez-vous la crise qui frappe notre continent ? Vos propos, dans les médias, auraient pu nous le laisser croire, pourtant vos actes disent tout le contraire. Ils ne sont pas à la hauteur des risques et des enjeux que nous connaissons tous.

Pour cette raison, le groupe des Républicains demande que ce texte soit renvoyé en commission des lois.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je tiens tout d’abord à rassurer le député Ciotti : je ne suis absolument pas tendu, mais j’éprouve en revanche une incommensurable consternation, deux sentiments qui ne produisent pas les mêmes effets sur le métabolisme.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

La tension se traduit généralement par des mouvements saccadés, auxquels je suis assez étranger, et la consternation est un exercice beaucoup plus intérieur, donc beaucoup moins perceptible.

Pour vous prouver que je suis davantage dans la consternation que dans la tension, je m’en tiendrai aux faits.

D’abord, monsieur Ciotti, vous expliquez à la tribune de cette assemblée sans aucune arrogance, avec une grande élégance et une sympathie totale, que vous avez parfaitement atteint les objectifs que vous vous étiez fixés à une époque où la politique migratoire était extrêmement ferme dans notre pays – ce que chacun aura remarqué.

Je vais donc vous donner des éléments objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela fait quatre ans que vous êtes là ! Il ne vous reste plus qu’une année !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Si vous ne voulez pas que je réponde, monsieur Ciotti, je m’assois.

Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Calmez-vous ! Vous avez l’air très énervé, d’un coup, mais si vous ne voulez pas que je réponde, si cela vous est si désagréable, je m’assois, cela ne me gêne en rien.

Je vais donc vous donner les chiffres concernant les demandes d’asile.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Au fond, vous êtes toujours assis !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Assis ou debout, en ce qui me concerne, j’ai de toute façon la même taille

Rires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

C’est d’ailleurs un avantage qui me rapproche de M. Ciotti.

En 2009, le nombre de demandes d’asile s’élevait à 47 686 ; en 2012, il était de 61 468.

À l’époque où vous étiez extrêmement énergiques, tout à fait fermes, absolument déterminés à maîtriser les flux migratoires,…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

… dans un contexte où ceux-ci n’avaient d’ailleurs absolument rien à voir avec la situation actuelle, vous êtes parvenus à passer de 47 686 demandes d’asile à 61 468. Belle efficacité !

En outre, vous évoquez les expulsions. Là encore, les choses sont extrêmement intéressantes.

En 2015, nous avons procédé à 46 expulsions d’étrangers appelant ou provoquant à la haine. Pouvez-vous m’indiquer le nombre auquel vous êtes parvenus à l’époque où vous étiez volontaristes, énergiques, dynamiques ? Le pouvez-vous ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Mais vous étiez dans la majorité.

Je vous le donne ce nombre : 11. Quand vous étiez aux responsabilités, vous avez expulsé 11 personnes, contre 46 aujourd’hui.

Je pourrai aussi vous demander combien de mosquées vous avez fermé : zéro !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Si, parce qu’à l’époque des imams incitaient déjà à la haine et vous n’avez rien fait.

Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Quand ? Soyez un peu honnête ! Je vous rappelle aussi quelques faits historiques ! Quand Daech est-il né ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Vous êtes toujours extrêmement prompts à appeler les autres à atteindre certains objectifs sauf que lorsque l’on vous place face aux résultats que vous avez vous-mêmes obtenus, une espèce de vocifération nerveuse se fait jour qui vous autorise d’ailleurs à donner des leçons de calme à ceux qui sont généralement d’une placidité incommensurable !

Si vous en êtes d’accord, je vais vous donner d’autres chiffres extrêmement intéressants : ceux des reconduites forcées.

À l’époque où vous, avec M. Lellouche, dans le calme, la maîtrise et la sérénité, parveniez à expulser magistralement tous ceux qui devaient l’être car en situation irrégulière, les chiffres étaient les suivants : en 2011, vous affichiez 32 000 éloignements mais si l’on regarde les choses de près – comme j’ai d’ailleurs eu l’occasion de le faire remarquer à Guillaume Larrivé, lequel a fini par en convenir – il faut retrancher de ce nombre les 14 000 retours aidés de ressortissants roumains et bulgares auxquels vous donniez une petite prime et qui passaient Noël en Roumanie et en Bulgarie après l’avoir perçue avant de revenir.

On peut également tenir compte de ce que l’on appelle les Obligations de quitter le territoire français – OQTF – flash. Lorsque des étrangers en situation irrégulière repartaient d’eux-mêmes, vous les dénombriez sous cette nomenclature afin de bonifier significativement le nombre de personnes reconduites.

Eh bien, monsieur Ciotti, je vais vous donner des chiffres extrêmement précis,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous les connaissons, les chiffres : 130 morts le 13 novembre !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

… issus des tableaux que vous contestiez tout à l’heure : 13 908 reconduites forcées en 2009 ; 12 034 en 2010 – à l’époque où vous étiez très volontaristes –, 12 547 en 2011, 14 076 en 2013, 15 161 en 2014, 15 485 en 2015.

Lorsque vous assurez que le nombre de reconduites forcées est moindre aujourd’hui, cela porte un nom : cela s’appelle un gros bobard !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je ne vais pas aller plus loin dans la démonstration.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je pourrais, là encore, reprendre très calmement tous les éléments les uns après les autres sous les vociférations de l’opposition et je referai la même démonstration que celle que j’ai faite tout à l’heure.

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Qui est chargé de la sécurité des Français ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Le problème auquel nous sommes confrontés appelle plus de précision, plus de rigueur, moins d’arrogance, moins d’effets de tribune. Il appelle moins la convocation des instincts et plus la convocation de la raison. C’est de cela que la République a besoin et comme la République a besoin que l’on convoque la raison, elle n’a pas besoin de vous !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Après l’intervention de M. le ministre, je n’ai plus beaucoup d’arguments à donner, mais je vais vous dire pourquoi j’inviterai l’Assemblée à rejeter cette motion de renvoi en commission.

Tout d’abord, je n’ai pas entendu d’arguments réellement convaincants de nature à justifier que la commission refasse un travail qu’elle a déjà accompli deux fois.

En première lecture, des amendements du groupe les Républicains ont ainsi été rejetés par la majorité avec des arguments semblables. La semaine dernière, MM. Larrivé et Ciotti ont soutenu ces mêmes amendements, avec les mêmes arguments, en commission. Ils seront sans doute encore rejetés en séance, mais après de nouveaux débats. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas vu de nouveaux éléments aujourd’hui.

M. Larrivé a rappelé avec raison le calendrier de ce texte adopté le 23 juillet 2014 et discuté dans notre assemblée un an plus tard, ce qui vous a fait dire qu’il était tombé aux oubliettes, alors que ce n’est pas vrai. En ce qui me concerne, j’ai utilisé cette année pleine pour procéder à des auditions et travailler ce texte de manière très approfondie. Vous étiez conviés à le faire également les uns et les autres, mais je n’ai pas vu beaucoup de collègues républicains de la commission des lois m’accompagner dans les centres de rétention administrative ou participer aux auditions que nous avons menées. Voilà qui constitue une raison supplémentaire pour rejeter la demande de renvoi en commission.

Enfin, j’ai entendu beaucoup d’amalgames. Certes, on ne peut pas vous reprocher d’évoquer l’actualité urgente liée aux problèmes des migrations, mais il ne faut pas faire d’amalgame entre les procédures de demandes d’asile et celles qui sont au coeur de ce texte et qui concernent les étrangers ayant vocation à rester dans notre pays plus de trois mois pour obtenir un titre de séjour, bien évidemment au-delà des demandeurs d’asile.

Qui cela concerne-t-il donc ? Je l’ai dit dans mon intervention tout à l’heure : les parents d’enfants français, les conjoints d’enfants français, les salariés qui bénéficient d’un transfert intragroupe, les personnes qui bénéficient d’un « passeport talents » – lequel constitue un titre de séjour, vous avez raison –, les étudiants, les étrangers malades.

Faire l’amalgame avec la situation de Calais ou avec la pression migratoire consécutive à des problèmes géopolitiques auxquels la France et l’Europe sont confrontées comme jamais elles ne l’avaient été me semble relever de l’abus.

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Je trouve certains propos particulièrement douteux, par exemple lorsque j’entends Eric Ciotti faire l’amalgame entre l’urgence climatique et les problématiques d’accueil des étrangers dans notre pays en parlant, avec son vocabulaire catastrophiste, de menaces ou de maison qui brûle.

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Lorsqu’il y a 3 800 morts en Méditerranée, ce n’est pas une urgence ?

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Amalgame douteux également lorsqu’il parle de la statue du général de Gaulle à Calais, qui a en effet été taguée, mais pas par des migrants.

Amalgame douteux aussi, monsieur Larrivé, lorsque vous agitez devant nous les faits criminels extrêmement graves qui se sont produits à Cologne et que vous les imaginez se reproduisant en France.

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Et alors ? Qu’est-ce qu’il y a de honteux à le dire ?

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De même, enfin, lorsque vous agitez l’idée selon laquelle des terroristes – des criminels, avez-vous dit – seraient cachés au milieu des étrangers.

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Tous ces amalgames que vous instillez dans vos discours sont comme un un poison qui se diffuserait dans le coeur de notre vivre ensemble, auquel nous sommes tant attachés.

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Dans la bouche d’Éric Ciotti, je n’ai pas entendu d’arguments mais j’ai entendu des regrets. La commission est en effet revenue sur des dispositions votées au Sénat et, puisque vous souhaitez rétablir le texte de la Haute assemblée par voie d’amendements, je propose de rejeter votre motion de renvoi en commission pour que nous puissions engager dès à présent la discussion de ce texte dans l’hémicycle.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Marc Le Fur remplace M. David Habib au fauteuil de la présidence.

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Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à Mme Laurence Dumont.

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Pourquoi une telle motion de renvoi en commission ? Cela fait dix-huit mois que l’on travaille sur ce texte !

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Loin de vos excès, je vais me concentrer en quelques mots sur l’essentiel mais, à l’instar du rapporteur, je souhaite revenir sur la question des amalgames. Mélanger la politique d’asile et la politique d’immigration, c’est peu glorieux.

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La politique d’asile ne fait pas partie de la politique d’immigration, monsieur Ciotti.

Le deuxième amalgame peu glorieux, c’est lorsque vous évoquez l’appel d’air ou l’ouverture des vannes. On voit où sont vos sources ! C’est un peu nauséabond et ce n’est pas glorieux non plus.

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Je reviens à l’essentiel de ce texte. Oui, il poursuit un objectif de simplification du droit au séjour ainsi que des procédures applicables et un objectif d’amélioration de leur efficacité.

Ce texte permettra de maîtriser l’immigration grâce à la meilleure intégration des étrangers en considération des droits et des devoirs des migrants, grâce au rétablissement du droit au séjour des étrangers malades, grâce à la lutte efficace conte l’immigration irrégulière dans le respect des droits fondamentaux.

Oui, ce texte rompt avec la politique antérieure de stigmatisation des étrangers et de leur maintien dans une précarité juridique et économique. Il s’inscrit dans une réflexion sereine fondée sur des bases objectives quant aux problématiques liées à l’immigration.

À ce titre, il fonde une nouvelle vision de l’immigration et de l’intégration des étrangers dans notre pays, avec les titres de séjour pluriannuels, les mesures relatives aux étudiants, ou encore aux étrangers âgés ou malades, et nous en sommes fiers. Loin de la naïveté, de l’idéologie, de l’aveuglement que vous nous prêtez de façon excessive et déplacée, monsieur Ciotti, ce projet de loi démontre notre sens des responsabilités et de l’humanité lorsque les conditions l’exigent.

Le Sénat a transformé ce texte en profondeur pour lui donner des airs de déjà-vu et le rapprocher de textes votés sous d’autres majorités, lesquels n’ont absolument pas donné de résultats, ni en matière de lutte contre l’immigration illégale, ni en matière d’intégration, bien au contraire.

Les débats ont eu lieu. Il importe à présent d’avancer, en entamant enfin la discussion de ce texte, puis en le votant, afin que ces mesures prennent effet au plus tôt. C’est pourquoi le groupe socialiste, républicain et citoyen votera contre cette motion de renvoi en commission.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Mes chers collègues, lorsque nous vous écoutons, nous nous demandons si nous sommes dans le même espace temps que vous.

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Le ministre de l’intérieur semble avoir bizarrement oublié que nous sommes en 2016. Tout son propos a consisté à commenter les années 2002, 2003, 2004, jusqu’à 2007. Ce pourrait être un sujet de colloque, et nous pourrions, quant à nous, évoquer Lionel Jospin, François Mitterrand, Guy Mollet, ou qui sais-je encore ! Tout cela n’a aucun sens : nous sommes en 2016 et, en 2016, certaines réalités s’imposent.

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Vous refusez de les voir, mais il se trouve que 1,8 million de migrants clandestins ont franchi illégalement les frontières extérieures de l’Europe en 2015. Il se trouve, hélas, que des milliers de personnes sont mortes en traversant la Méditerranée. Il se trouve aussi, même si cela déplaît aux orateurs socialistes, que les questions du droit de l’immigration, d’une part, et celles du droit de l’asile, d’autre part, sont liées. Car nous parlons des mêmes personnes, des mêmes familles, des mêmes migrants, des mêmes individus qui cherchent à rejoindre l’Europe.

Face à cela, il y a deux options. Il y a la vôtre, qui consiste à s’enfermer éternellement dans les bons sentiments, dans cette fausse générosité absurde, qui entretient les malheurs du monde et les malheurs des Français, en refusant de regarder la réalité, en refusant de traiter les questions telles qu’elles se posent.

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Et puis il y a la nôtre, respectueuse des principes, bien sûr, mais plus pragmatique, et plus pratique. Nous persistons à penser qu’il faut rompre totalement avec les non-choix qui sont les vôtres, et nous tenterons de le faire en présentant de nombreux amendements très sérieux.

Permettez-moi de dire un dernier mot, monsieur le président, au sujet des questions européennes. Nous sommes un certain nombre, hier, à être allés rencontrer à Berlin nos homologues du Bundestag. Que nous dit-on, à Berlin ? On nous dit que la chancelière Merkel est très seule ; qu’elle est très seule, parce que jamais le Président français, au Conseil européen, ne prend d’initiative pour sortir l’Europe du chaos migratoire. La chancelière Merkel est très seule, parce que jamais le Président français n’envisage de prendre à son tour, comme il en a la responsabilité historique, des initiatives pour sortir notre continent de ce chaos migratoire.

La seule expression publique du président Hollande à l’endroit des Français sur ces questions eut lieu à l’occasion de l’affaire Leonarda. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Le seul moment où le Président Hollande a parlé aux Français, c’est à l’occasion de cette affaire pitoyable. Tout cela est bien triste pour la France et pour les Français.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Je sais bien qu’on utilise souvent, dans cet hémicycle, les motions de procédure comme des tribunes. Vous le faites régulièrement, chers collègues de l’opposition, notamment sur les questions liées à l’immigration. Et l’on a droit, à chaque fois, au duo bien rodé de M. Ciotti et de M. Larrivé. Même quand c’est dans l’outrance, je crois que c’est de bonne guerre.

Cela dit, comme vient de le rappeler Laurence Dumont, cela fait longtemps que nous menons un travail de fond sur ce texte. Les désaccords ont été identifiés, tout comme les avancées. Préconisée par le rapport de Matthias Fekl, la création de la carte pluriannuelle marque évidemment un progrès, qui a été salué par une grande partie de la majorité. Si je peux être d’accord avec Laurence Dumont, lorsqu’elle souligne le changement de tonalité entre la politique menée par l’ancienne majorité, que vous représentez, et celle que mène ce gouvernement, je déplore néanmoins des manques importants dans ce texte, notamment sur la rétention des mineurs ou le droit au séjour des parents d’un enfant malade. Je ne suis donc pas totalement d’accord avec le Gouvernement, mais je souhaite justement que nous en venions enfin à l’examen approfondi de ce texte en séance.

Pour conclure, je voudrais seulement rappeler à notre collègue Guillaume Larrivé que, parmi le million d’entrées illégales, comme il les nomme, constatées aux frontières de l’Union européenne, on compte une grande majorité de personnes fuyant la Syrie. Or, depuis 2013, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – HCR – reconnaît aux Syriens qui quittent leur pays du fait de la guerre civile et de la dislocation de l’État, sur lesquelles je n’ai pas besoin d’insister, un statut quasi automatique de réfugié. Il est donc impossible, au regard des conventions qui nous lient sur la scène internationale, de considérer ces réfugiés comme des immigrants illégaux qu’il faudrait expulser en masse.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

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La parole est à M. Pierre Lellouche, pour un rappel au règlement.

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Sur la base de l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, je voudrais m’adresser au ministre de l’intérieur. Mais je vois qu’il est parti…

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…ce que je regrette. Au terme de ce qu’il a appelé des démonstrations et de ce que, pour ma part, je préférerais appeler des séances d’enfumage,

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

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il a conclu sa réponse à la motion de M. Guillaume Larrivé en traitant l’opposition d’irresponsable.

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Cela n’a rien à voir avec un rappel au règlement !

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Plus tard, dans sa réponse à la motion de M. Éric Ciotti, il a terminé sa démonstration en déclarant : « La République n’a pas besoin de vous. »

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Puisque le ministre n’est pas là, je vais m’adresser aux collègues de la majorité et au président de la commission des lois : je suis profondément choqué par ce genre de discours.

La situation migratoire que connaissent la France et l’Europe est grave : des incidents ont lieu chaque jour, des personnes sont blessées. Alors que vous pesiez 6 millions de voix le 6 décembre, quand le Front national en obtenait 8 millions, notamment à cause de l’échec des politiques migratoires et des politiques d’intégration, vous ne pouvez pas dire à l’opposition : « La République n’a pas besoin de vous. »

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Je suis consterné par ce genre de discours. Arrêtez de vous montrer supérieurs, arrêtez le terrorisme intellectuel et regardez la vérité en face ! La vérité, c’est qu’il est rentré presque 2 millions de personnes clandestinement en Europe.

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Merci, mon cher collègue. Nous avons bien entendu votre propos.

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Monsieur le président, cela n’avait rien à voir avec l’organisation du débat !

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, monsieur le président de la commission, ce projet de loi relatif au droit des étrangers est le résultat d’un engagement du Président de la République. Il ambitionne de sécuriser le parcours des migrants arrivant sur le territoire français, d’une part, et de lutter contre l’immigration illégale, d’autre part. Le respect de l’un conditionne l’efficacité de l’autre. En cela, nous marquons notre détermination à traiter sans fard une question qu’un trop grand nombre se plaît à aborder en trempant sa plume – ou sa langue – dans la démagogie et le populisme.

Le projet de loi poursuit un objectif général de simplification du droit du séjour et des procédures applicables, dont il vise également à améliorer l’efficacité. J’en rappellerai, en quelques mots, les grandes dispositions.

En matière d’accueil, le texte met en place un nouveau parcours personnalisé d’intégration républicaine comprenant une formation civique et linguistique renforcée. La bonne réalisation de ce contrat entre l’étranger et l’État pourra aboutir à la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans, après un titre de séjour d’un an.

En matière d’attractivité, le séjour des étudiants étrangers en France sera simplifié et sécurisé. Ces derniers pourront bénéficier d’une carte de séjour temporaire « salarié » ou « entrepreneur-profession libérale », ou d’une carte de séjour pluriannuelle dans le cadre du dispositif « passeport talents ».

En matière d’effectivité de la lutte contre l’immigration irrégulière – celle-ci étant réaffirmée – l’assignation à résidence sera désormais la règle et le placement en centre de rétention, l’exception.

Enfin, dans une démarche de transparence, les journalistes pourront désormais avoir accès aux zones d’attente, ainsi qu’aux lieux de rétention administrative.

L’ensemble de ces mesures précise et structure le statut des étrangers. Cette nécessaire structuration est la condition impérative du respect par chacun de notre État de droit, dès lors que chacun se sent investi par ses valeurs.

Lors de son examen au Sénat, nos collègues ont profondément modifié l’esprit de ce texte, sans que la commission paritaire ne parvienne ensuite à un accord. Il me tient à coeur – comme à la raison – de revenir à l’esprit de notre engagement. La ligne que nous définissons depuis l’origine de ce projet de loi est claire est sans ambiguïté, et il importe que nous en gardions la force.

En commission des lois, la semaine dernière, la majorité s’est principalement attachée à rétablir le projet de loi dans sa version initiale, mais quelques améliorations ont également pu être apportées au texte. Nous avons par exemple inscrit dans la loi que les établissements d’établissement supérieur sont en partie responsables du suivi sanitaire des étudiants étrangers, ainsi que de l’accompagnement de l’étranger dans ses démarches, dans une langue qu’il comprend.

Alors que nos travaux sur ce projet de loi toucheront bientôt à leur fin, je tiens à remercier le ministre de l’intérieur et ses collaborateurs pour la qualité des échanges qui furent les nôtres pendant la préparation et l’examen du texte. Je tiens également à saluer notre rapporteur, Erwan Binet, pour l’excellence de son travail.

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Savoir-faire et savoir-être auront présidé à nos débats, souvent complexes, parfois tendus, mais toujours cordiaux et fraternels, comme le veut l’esprit de cette loi.

La loi qui sortira de nos travaux sera équilibrée, dictée non pas par des postures, mais par la clairvoyance et la volonté politique de concilier maîtrise de l’immigration et amélioration du parcours des étrangers arrivant de manière régulière en France. Ce projet de loi est riche de sens, parce qu’il met en balance fermeté et humanité, exigence et solidarité, ou encore sécurisation et simplification. Ce projet de loi est nécessaire, car il importe de redonner tout son sens au statut des étrangers, d’en éloigner les fantasmes, d’en conforter les droits et obligations, et de refuser les facilités qui tournent le dos à notre histoire, et plus encore à notre avenir.

L’indispensable Philippe Gelluck, avec le talent qui lui est reconnu, nous invite à sourire et à réfléchir en faisant dire à son célèbre chat : « Les étrangers qui habitent tout près de la frontière sont un peu moins étrangers que les autres. » Pour une fois, ce n’est pas à un canard, c’est à ce chat que nous allons tordre le cou grâce à cette loi qui donne les mêmes obligations et les mêmes droits à tous les étrangers.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste, républicain et citoyen votera ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis sa première présentation en juillet dernier, ce projet de loi relatif au droit des étrangers en France a subi de nombreuses modifications pour nous revenir, finalement, dans une version proche de sa rédaction initiale.

En première lecture, nos collègues sénateurs ont largement remanié le texte, jusque dans son titre, puisqu’il n’était plus question de droits des étrangers, mais d’un projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration, ce qui correspondait parfaitement à l’esprit des modifications qu’ils avaient introduites.

Cette évolution sémantique en dit long sur la différence d’approche du gouvernement socialiste et de l’opposition, incarnée par le groupe Les Républicains. L’occasion m’est donc donnée de saluer la coproduction législative des élus de la chambre haute.

Alors que la France venait d’être frappée comme jamais par d’odieux actes terroristes, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, sans aucune explication. La commission mixte paritaire n’a évidemment rien donné, et la majorité socialiste a finalement rétabli, via la commission des lois la semaine dernière, l’essentiel des dispositions initiales et de son idéologie. En d’autres temps, certains ne se seraient pas privés de traiter de godillots mes collègues de la majorité.

Le projet de loi a ainsi repris sa dénomination initiale : projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Quid de leurs devoirs envers la France, qui les accueille ? N’aurait-il pas été souhaitable de les préciser ? En modifiant très largement le texte gouvernemental, nos collègues du Sénat avaient pour objectif de contenir l’immigration régulière par l’instauration de quotas décidés par le Parlement, ou encore de lutter contre l’immigration irrégulière et de faciliter les expulsions. Mais aujourd’hui, malgré un contexte explosif en France et en Europe, il est apparu au Gouvernement et à la majorité qu’il n’était pas indispensable de se donner les moyens de maîtriser l’immigration dans notre pays.

En effet, nous connaissons depuis plusieurs mois – et ce n’est que le début – des phénomènes migratoires particulièrement inquiétants. Hier, c’était les réfugiés qui débarquaient par milliers sur des bateaux de fortune. Beaucoup d’autres reprendront la mer sitôt les beaux jours revenus. Aujourd’hui, c’est l’exacerbation des tensions à Calais entre riverains, clandestins, et pseudo-humanitaires anarchistes, qui fait la une des journaux, avec pour symbole la statue du Général de Gaulle souillée.

Mes chers collègues, faut-il rappeler que, selon la Commission européenne, 147 000 migrants sont arrivés dans l’Union européenne au cours du premier semestre 2015 et 890 000 autres au cours du second ? On nous en annonce plus de 2 millions en 2016. Malgré ces chiffres inquiétants, qui ne feront malheureusement que progresser, force est de constater que, lorsqu’on s’attaque à ce sujet, qui est l’un des défis majeurs qui attendent la France et l’Europe au XXIème siècle, on est d’emblée suspecté de racisme ou d’extrémisme et toute discussion devient quasiment impossible.

Il s’agit pourtant de l’une des préoccupations premières des Français. Mais qu’importe, laissons les trafiquants d’êtres humains prospérer tranquillement, l’important est d’être bien-pensant. Certains de nos voisins ont toutefois compris la gravité de la situation. Ainsi, Martin Schulz, le président allemand du Parlement européen, reconnaît que la menace terroriste et la crise continue des réfugiés soumettent l’Union à rude épreuve en matière de solidité et de stabilité. Il a admis de plus : « Personne ne sait ce à quoi nous devrons faire face au cours de ces prochaines années. »

Pragmatiques, la Suisse, la Norvège, le Danemark, l’Allemagne et l’Autriche ont temporairement remis en place les contrôles aux frontières, dans le but premier de limiter l’afflux de réfugiés. La France a également rétabli des contrôles, mais fait figure d’exception en fermant ses frontières pour des raisons de sécurité – c’est normal – alors que les autres pays l’ont fait à cause des flux migratoires. Dans sa nouvelle ancienne version, le projet de loi facilite la délivrance de titres de séjours, complique les expulsions et interdit tout contrôle parlementaire de la politique migratoire, alors que le contexte nous impose tout le contraire.

Il est également nécessaire de cesser toute mesure créant un appel d’air. L’attractivité sociale de notre pays n’est plus à démontrer, sauf pour nos compatriotes, notamment les retraités, qui, à défaut de bénéficier d’une aide médicale d’État dont ce gouvernement masque tant bien que mal l’explosion du coût à plus de 1 milliard d’euros par an, doivent payer des mutuelles toujours plus chères et faire face à la fin de l’universalité des allocations familiales.

Mes chers collègues, quand de nombreux pays européens introduisent des mesures pour tenter de restreindre et de contrôler l’immigration irrégulière, en France on soigne gratis et on tance les pays qui osent s’attaquer au problème. Hier c’était la Suisse ou la Hongrie, aujourd’hui c’est le Danemark qui se retrouve dans la ligne de mire des bien-pensants. On laisse, par nos politiques irresponsables, les migrants payer des fortunes colossales à des trafiquants pour embarquer sur des coquilles de noix, mais on refuse qu’ils contribuent à leur accueil. Quelle hypocrisie ! Quel que soit le patrimoine des migrants, est-ce à la collectivité et à elle seule de supporter totalement cette nouvelle charge ? Ne pourrait-il pas y avoir une participation, même modeste ? Alors que la France connaît les heures les plus sombres de sa courbe du chômage et de sa fiscalité, c’est généreux mais inquiétant.

Mers chers collègues de la majorité, les Français n’attendent pas que les bons sentiments président leur destinée nationale, ils expriment des doutes et des craintes. En les laissant aller aux extrêmes, vous jouez à un jeu particulièrement périlleux. Alors rejoignez-nous et votez avec le groupe Les Républicains contre ce projet de loi naïf et dangereux.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi par nos deux assemblées a fait ressortir incontestablement deux conceptions fort différentes de notre politique d’immigration, jusqu’à changer l’intitulé même du texte, puisque le Sénat l’avait renommé projet de loi relatif à la « maîtrise de l’immigration ». La distinction sémantique n’est pas négligeable.

L’instauration, par le Sénat, d’un quota triennal d’étrangers autorisés à s’installer en France en est l’une des mesures les plus symboliques. C’est donc sans surprise que la commission mixte paritaire s’est trouvée dans l’incapacité d’élaborer un texte commun. À l’exception de quelques ajouts par le Sénat sur les étrangers placés en zone d’attente ou sur la répression de la fraude documentaire, nous examinons aujourd’hui un texte quasiment identique à celui qui a été adopté en juillet dernier par l’Assemblée nationale.

Nous vous le concédons, ce texte a le mérite de reposer avant tout sur la volonté de considérer l’immigration organisée comme une chance et non comme une contrainte à refuser. Sans nier les difficultés – elles sont grandes – qui entourent toute politique d’immigration, nous devons être pleinement conscients de la richesse que celle-ci peut représenter si, et seulement si, elle est menée de pair avec une politique d’intégration fondée sur l’apprentissage de la langue, l’éducation, donc l’appropriation des valeurs de la République, et les formations menant à l’emploi.

J’ai entendu plusieurs fois évoquer l’Allemagne. Je tiens à rappeler que ce pays a deux caractéristiques différentes essentielles à observer. La première, c’est que l’immigration n’y a rien à voir, en termes de chiffres, avec celle que nous connaissons : 1,080 million migrants sont entrés en Allemagne, dont 70 % de réfugiés. C’est dix fois plus que le flux que nous avons à gérer. Dans le même temps, toutefois, l’Allemagne, État fédéral, a su, dans un pacte passé avec tous les Länder, dégager des critères communs pour l’accueil des migrants, reposant sur le nombre d’habitants et la richesse de chaque Land. Ce consensus date d’août 2015. On ne peut pas dire que le système français, en dépit de, à moins que ce ne soit en raison de sa centralisation, ait eu la même efficacité. C’est ainsi que 24 000 personnes ont été recrutées afin d’assurer l’apprentissage prioritaire de la langue allemande pour 340 000 jeunes. Où en sommes-nous ? Je ne suis pas certain, après avoir entendu certains propos, que comparaison soit toujours raison.

Le projet de loi prévoit de rénover le contrat d’accueil et d’intégration, dispositif qui permet, depuis 2006, d’engager les étrangers ayant obtenu pour la première fois un titre de séjour dans un parcours et de s’assurer de leur volonté d’intégration. Ce contrat a été décrit comme un dispositif coûteux qui offre des formations parfois inadaptées au profil des migrants. Là encore, la comparaison avec l’Allemagne ne vaut pas : celle-ci consacre à cette politique 24 milliards, dont 8 milliards pour le seul État fédéral, le reste étant à la charge des Länder. Nous ne sommes pas dans un tel ordre de grandeur.

Nous souscrivons volontiers à votre désir de mettre en oeuvre une logique personnalisée, mais une simple information, dans le pays d’origine, sur la vie en France et les droits et devoirs qui y sont liés, est loin, bien loin, de garantir à elle seule la réussite de l’intégration des candidats à l’immigration. Dans cet esprit, le groupe UDI-UC avait permis, au Sénat, de poser le principe selon lequel l’étranger qui souhaite s’installer durablement sur le territoire français doit, avant son entrée en France, apporter la preuve de sa capacité et de sa volonté d’intégration à la société française. Cette proposition n’a, hélas, pas été retenue.

En outre, alors que l’article 2 modifie les conditions de connaissance de la langue française pour la délivrance de la carte de résident, l’exigence d’un niveau suffisant ne figure plus dans le texte actuel. Je crains que nous n’ayons ainsi affaibli l’objectif initial.

La principale innovation du texte est la carte de séjour pluriannuelle. Cette mesure n’est pas anodine puisqu’elle met un terme au principe général, retenu par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de l’annualité des cartes de séjour. Un grand nombre de ressortissants étrangers sont contraints d’effectuer des visites nombreuses et répétitives en préfecture. Si cette réforme permettra, assurément, d’améliorer l’adéquation entre la durée de validité des titres de séjour et la durée de présence de l’étranger sur le territoire, en revanche nous craignons l’aspect quasi automatique de délivrance que prévoit cet article. Les conditions de délivrance du titre de séjour pluriannuel n’ont pas, à notre sens, été suffisamment encadrées. Au contraire, le dispositif a été assoupli par notre assemblée qui permet notamment la délivrance de plein droit du visa de long séjour au conjoint de Français.

Un autre objectif affiché du texte est de « contribuer à l’attractivité de la France ». Bien évidemment, dans un contexte de mondialisation, nous devons nous attacher à attirer les meilleurs talents, étudiants et autres artistes prometteurs, qui sont de vrais atouts pour un pays. La France est, avec l’Allemagne – là, la comparaison vaut –, le pays non anglophone le plus attractif pour les étudiants internationaux. Nous avons besoin de consolider cette place. Mais, là encore, la navette parlementaire n’a pas permis d’encadrer davantage les dispositions en question. S’agissant, par exemple, du « passeport talents », la rédaction du texte nous semble demeurer assez floue.

En outre, certaines dispositions pourraient même avoir pour effet néfaste de favoriser la fraude. Nous pensons notamment à l’élargissement de l’accès à la procédure de séjour pour les étrangers malades et à l’autorisation de séjour de plein droit pour le parent d’enfant malade. Nous passons ainsi d’une appréciation in abstracto à une appréciation in concreto : la délivrance du titre de séjour étranger malade dépendra de l’accès effectif aux soins dans le pays d’origine et non plus de la seule absence de soins dans celui-ci.

Enfin, vous souhaitez privilégier l’assignation à résidence et faire du placement en rétention une exception. Il ne s’agit en rien d’une mesure permettant d’améliorer la lutte contre l’immigration irrégulière puisqu’elle vous oblige à créer une procédure de suivi par la force publique, dont les moyens et l’efficacité réelle restent à démontrer.

Notre constat est donc le même qu’en première lecture : ambitieux sur le plan de l’intégration – même si la question des moyens demeure –, de la clarification des procédures et de la simplification des parcours, ce projet de loi l’est beaucoup moins sur le plan de la maîtrise des flux et de la lutte contre l’immigration irrégulière. Or la politique migratoire implique aussi une application rigoureuse des objectifs de lutte contre l’immigration clandestine et de maîtrise des flux. Ce projet de loi ne répond pas suffisamment à cette exigence.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera, comme en première lecture, contre ce projet de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le 23 juillet dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un texte dont le titre était : « Projet de loi relatif au droit des étrangers en France ». Le Sénat a changé cet intitulé, le transformant en : « Projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration ». Pour parler franchement, le lexique sénatorial ne me paraît pas totalement inapproprié au regard du contenu des dispositions du texte, même dans sa version rétablie.

Le Sénat a considérablement durci le projet de loi, il est vrai, avec notamment l’adoption d’un amendement prévoyant des quotas déterminés par le Parlement pour chaque catégorie de séjour. Il a également limité l’octroi du nouveau titre de séjour pluriannuel aux titulaires d’un CDI, aux entrepreneurs ou aux personnes exerçant une profession libérale et aux étudiants inscrits en master. La droite sénatoriale a souhaité réduire les conditions d’accès de l’aide médicale d’État, via un forfait de trente euros pour en bénéficier. Nous le savons, c’est une de ses obsessions. Il a également restreint les conditions du regroupement familial et a conditionné le droit au séjour pour raisons médicales à l’absence totale de traitement dans le pays d’origine.

Dans ce cadre, l’échec de la commission mixte paritaire en novembre 2015 ne fut nullement une surprise. Ce fut même une bonne nouvelle. Le 20 janvier dernier, de nombreux amendements ont été adoptés en commission des lois, essentiellement pour rétablir le texte dans sa version votée en première lecture par notre assemblée. Toutefois, celle-ci nécessite encore quelques autres améliorations, même si – je le sais pour avoir réussi à me faufiler à la fin de la réunion qui s’est tenue au titre de l’article 88 –, le rapporteur n’a pas émis d’avis favorable sur d’autres amendements que ceux du Gouvernement. Peut-être le débat parlementaire permettra-t-il de le faire fléchir.

Certes, le projet de loi initial allonge les durées de validité de la carte de séjour avec le principe de titre de séjour pluriannuel de quatre ans succédant au titre de séjour temporaire d’un an et avant la délivrance de la carte de résident de dix ans : une bonne mesure, issue du rapport Fekl, nécessaire pour lutter contre la précarité des titres – nous l’avons suffisamment souligné pour ne pas la saluer. En revanche, le texte instaure un principe de surveillance permanente avec, de surcroît, la levée inédite du secret professionnel pour plusieurs organismes et leur personnel.

En effet, les dispositions des articles 8 et 25 du projet de loi obligent une longue liste d’administrations ou d’entreprises publiques et privées à fournir toute information que les agents de la préfecture jugeront utile pour le contrôle « de la sincérité et de l’exactitude des déclarations souscrites ou au contrôle de l’authenticité des pièces » des personnes titulaires d’une carte de séjour, sous peine d’une amende de 7 500 euros.

Pourtant, dans son avis du 20 mai 2015 sur le texte, la Commission nationale consultative des droits de l’homme dénonce « une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale garanti à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ». Pour le Défenseur des droits, c’est même « la disposition la plus contestable du texte », d’autant plus que la loi prévoit déjà le retrait du titre lorsque les conditions ne sont plus remplies, conformément à l’article L. 311-8 du CESEDA.

De plus, comme nous l’avons dit en commission, l’étude d’impact ne précise nullement les modalités de ce contrôle aléatoire. À mon sens, cette disposition consiste à nourrir un soupçon permanent qui alimente un climat détestable.

Autre point important : l’interdiction automatique de retour sur le territoire français. Le Conseil constitutionnel avait estimé dès 1993 que, « sans égard à la gravité du comportement ayant motivé » l’arrêté de reconduite à la frontière, « le prononcé de ladite interdiction du territoire par l’autorité administrative ne répond pas aux exigences de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ». C’est pourquoi l’interdiction du territoire ne peut être systématique.

En outre, mes chers collègues, qui peut nier que l’article 15, qui prévoit une interdiction de circulation sur le territoire français prononcée à l’encontre de ressortissants européens pour abus de droit ou menace portée par l’étranger à l’encontre d’un intérêt fondamental, cible tout particulièrement les populations roms, singulièrement stigmatisées ?

Mes chers collègues, je regrette également que ce texte n’interdise pas la rétention pour les mineurs. Malgré les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a condamné ces rétentions en les qualifiant de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, malgré l’avis du Défenseur des droits, qui a indiqué qu’en limitant le placement des enfants en rétention, le texte « consacre au contraire dans la loi des pratiques condamnables au regard des articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme », cette mesure demeure. En 2014, plus de 5 600 enfants ont été enfermés, dont 110 en métropole et plus de 5 580 à Mayotte. C’est inacceptable.

S’agissant des étrangers malades, il est regrettable que l’examen de la situation du malade soit transféré des agences régionales de santé à l’Office français de l’immigration et de l’intégration – l’OFII – qui, vous le savez, est un organisme placé sous tutelle du ministère de l’intérieur. Sur ce même point, il convient également de consacrer l’autorisation provisoire de séjour au profit des deux parents d’un enfant gravement malade. C’est une question d’humanité, comme l’a dit une collègue socialiste lors de l’examen du texte en commission des lois.

Mes chers collègues, ce projet de loi augmente les cas de décisions préfectorales portant obligation de quitter le territoire français, tout en restreignant considérablement les délais de recours, notamment pour les personnes détenues. Ces dernières auront quarante-huit heures pour saisir le tribunal administratif, qui devra statuer dans les soixante-douze heures par juge unique. Eu égard aux multiples difficultés rencontrées par un détenu étranger, croyez-vous réellement que l’on puisse parler sérieusement d’un recours effectif ? Pour ma part, je pense que ce dispositif est tout à fait contraire à notre Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme. De même, compte tenu des pouvoirs restreints du juge des libertés et de la détention à l’égard des personnes placées en zone d’attente, nous pouvons affirmer que sa saisine n’est que de pure forme.

Mes chers collègues, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe n’a pas manqué de réagir à nouveau à ce texte. Il a notamment appelé notre assemblée à prohiber, sans exception, les privations de liberté des mineurs isolés maintenus en zone d’attente et des mineurs accompagnant leurs parents retenus en centre de rétention administrative – ce n’est pas la première fois qu’il fait cette remarque ! Il a également souhaité le rétablissement de la présentation au juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures, des personnes placées en centre de rétention administrative. Il a demandé à la France d’exécuter pleinement l’arrêt Souza Ribeiro contre France, rendu en 2012 par la Cour européenne des droits de l’homme, en conférant un effet suspensif de plein droit à l’ensemble des recours contre les obligations de quitter le territoire français, en métropole comme en outre-mer. Enfin, il a encouragé notre pays à conserver le dispositif d’aide médicale d’État, sans réduire l’étendue de la prise en charge ni conditionner son bénéfice au paiement d’un droit d’entrée. Pour ma part, comme je l’ai dit en commission, j’adhère à ces recommandations, qui ne sont pas sans importance.

Mes chers collègues, comme nous l’avons vu tout à l’heure dans l’échange un peu musclé entre M. Ciotti et le ministre de l’intérieur, la gauche se trouve trop souvent accusée à tort de laxisme en matière d’immigration. Pourtant, elle ne fait preuve d’aucune souplesse, d’aucun angélisme sur cette question. Le Gouvernement indique d’ailleurs, chiffres à l’appui, qu’il « fait mieux » que l’ancienne majorité en matière d’expulsions. Il rappelle souvent la nécessité de lutter contre les filières de passeurs, les réseaux mafieux et les bandes criminelles organisées. Mais je crois, pour ma part, qu’il convient de ne pas criminaliser la solidarité citoyenne. Notre assemblée doit évidemment organiser une immigration légale, car les demandeurs de regroupement familial, par exemple, ont le droit fondamental de mener une vie familiale normale.

La peur de l’autre et l’obsession du contrôle ne doivent pas nous guider. Tel sera notre état d’esprit au cours de ce débat. En fonction des amendements qui seront acceptés par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État, nous verrons s’il convient de changer le vote que nous avions décidé en première lecture – nous nous étions alors abstenus. Cher président de la commission des lois, le suspense est total !

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour l’examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif au droit des étrangers en France, qui a pour objectif de compléter la législation relative au séjour des étrangers en France ainsi que le droit de l’éloignement des personnes entrées irrégulièrement sur le territoire national.

Nous ne pouvons que déplorer l’absence d’accord trouvé en commission mixte paritaire sur un sujet d’une telle importance. En effet, nos collègues sénateurs ont fait preuve d’un certain dogmatisme et n’ont pas échappé aux amalgames lors de l’examen du texte. À ce propos, je tiens à saluer dès maintenant la suppression, à l’initiative du rapporteur, des articles introduits par le Sénat visant à instaurer des quotas d’étrangers admis à s’installer en France. Il était prévu que ces quotas, concernant notamment l’immigration professionnelle, familiale et étudiante, soient déterminés par un vote du Parlement, après la remise d’un rapport du Gouvernement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration des étrangers en France. Profondément contraire à notre tradition nationale d’accueil et aux valeurs humanistes de la République, l’instauration de quotas d’étrangers admis à s’installer est inacceptable, alors même que le texte vise à encadrer plus précisément les règles d’accueil et d’éloignement.

Nos collègues sénateurs de l’opposition ont affirmé que ce texte introduisait un certain laxisme dans la politique d’accueil des étrangers. Or il n’en est rien. Le projet de loi s’inscrit dans la continuité de la législation existante, celle de 2006, 2007 et 2011. Le but affiché par ce texte est clair : rendre plus efficientes ces dispositions régissant les droits et le statut des étrangers régulièrement admis sur le territoire français, mais aussi rendre efficaces les mesures mises en place pour permettre l’éloignement des étrangers entrés illégalement sur le territoire.

L’objectif de ce projet de loi n’est donc pas nouveau. En réalité, il est double : d’une part, améliorer notre système d’accueil et d’intégration des arrivants ; d’autre part, renforcer la lutte contre la fraude et l’immigration irrégulière. Les dispositions de ce texte garantissent donc un bon équilibre entre l’accueil et la sécurité. En effet, le sujet de l’immigration est souvent source de tension, les étrangers arrivant en France faisant l’objet d’une stigmatisation latente.

S’agissant de la lutte contre l’immigration irrégulière et le démantèlement de réseaux frauduleux, le projet de loi vise à renforcer le régime des mesures d’éloignement.

Il entend limiter le recours à la rétention administrative, méthode la plus communément utilisée en France pour la préparation de l’éloignement contraint, pour lui préférer l’assignation à résidence. C’est une intention louable, puisque l’assignation est exclusive de toute contrainte physique, alors même qu’elle constitue un dispositif de surveillance.

Le placement en rétention est principalement motivé par la difficulté d’assurer effectivement la préparation de l’éloignement du territoire dans le cadre de l’assignation à résidence si la personne ne collabore pas pleinement. Le présent texte précise que le placement en rétention est conditionné par l’insuffisance des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque d’une soustraction à l’obligation de quitter le territoire français.

Nos collègues sénateurs ont souhaité, d’une part, porter à cinq ans les interdictions de retour sur le territoire français, prorogeables en cas de menace à l’ordre public, et d’autre part, ramener à sept jours le délai de départ volontaire des étrangers après une obligation de quitter le territoire français. Ces mesures ne peuvent nous satisfaire et apparaissent beaucoup trop restrictives quant au but recherché, à savoir la mise en place d’une politique d’accueil des étrangers plus efficace et mieux régulée.

Sans minorer l’impact des récents événements, tous les amalgames doivent être écartés, et les modifications ou restrictions apportées à notre législation d’accueil des étrangers en France doivent être mesurées. En effet, nous ne pouvons oublier que la France a été la première à bénéficier de cette immigration, la main-d’oeuvre étrangère ayant permis à notre pays de s’industrialiser et de se reconstruire après les ravages des guerres mondiales.

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En matière culturelle également, l’immigration est un véritable atout pour notre pays.

Aussi, le projet de loi vise à remédier aux deux difficultés majeures du dispositif actuel : un mauvais accueil des immigrants, et un parcours administratif trop long et trop complexe.

D’abord, il est question de substituer au contrat d’accueil et d’intégration un parcours d’intégration républicaine, mieux individualisé. Ce parcours propose un meilleur suivi de l’étranger au cours de ses premières années de présence sur le territoire, ce qui apparaît indispensable. L’étranger doit en effet, dès le début de son séjour et avec l’aide de l’État, déployer les efforts nécessaires pour s’installer durablement.

Ce parcours personnalisé met notamment l’accent sur deux points. D’une part, il encourage l’apprentissage de la langue en accompagnant les migrants vers le niveau A1, qui doit être atteint dans un délai d’un an de présence sur le territoire, et vers le niveau A2 au bout de cinq ans de résidence. Ces niveaux correspondent à des normes européennes et ne présentent pas, a priori, de difficultés notables. D’autre part, il prévoit une formation sur les droits et devoirs dans la République et une orientation des immigrants vers les services de droit commun. Cet aiguillage permet un meilleur accès aux outils nécessaires pour la recherche d’un emploi, afin que les étrangers puissent subvenir à leurs besoins matériels et s’intégrer plus aisément dans la société.

Le projet de loi propose également la création d’un nouveau titre de séjour, la carte de séjour pluriannuelle. Cette dernière sera délivrée à tous les immigrants ayant obtenu un premier titre de séjour d’un an et ayant fait preuve d’une bonne assiduité aux formations proposées dans le cadre du dispositif d’accueil. Cette carte a, en théorie, une durée maximale de quatre ans et s’accompagne d’un contrôle tout au long de sa durée de validité. Cette innovation est une bonne chose : le caractère pluriannuel de la carte simplifie le parcours administratif auquel est confronté l’étranger qui souhaite obtenir un titre de séjour. C’est pourquoi nous ne pouvions accepter la rédaction très restrictive proposée par nos collègues sénateurs à l’article 11, lequel détermine les conditions devant être réunies pour bénéficier de la carte de séjour pluriannuelle.

Qui plus est, le dispositif de la carte pluriannuelle a pour objectif de désengorger les préfectures et les tribunaux administratifs, le nombre de dossiers traités par ces services étant important. Chaque année sont enregistrés 5 millions de passages en préfecture pour 2,5 millions d’étrangers extracommunautaires. Il s’agit donc de faciliter le travail des agents et de réduire le contentieux subséquent.

Par ailleurs, nous approuvons la volonté d’assouplir la législation et d’autoriser un étranger malade n’ayant pas accès à un traitement approprié dans son pays d’origine, pour des raisons financières, de salubrité ou d’accessibilité, à être soigné en France. La décision de délivrer la carte de séjour sera désormais prise après avis d’un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et non plus sur le fondement d’un avis du médecin de l’agence régionale de santé. Ainsi, nous ne pouvions approuver la rédaction trop limitative du texte issu du Sénat, qui prévoyait de conditionner l’accueil des étrangers à l’inexistence d’un traitement approprié dans le pays d’origine du demandeur.

Vous l’aurez compris : le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera le texte que nous examinons aujourd’hui, dans sa rédaction issue du travail de la commission des lois de l’Assemblée nationale, comme il avait voté le texte en première lecture.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans ce débat, les députés du Front de gauche souhaitent d’abord réaffirmer leur attachement à une politique ambitieuse et généreuse à l’égard des étrangers, une politique fondée sur le respect des libertés et droits fondamentaux. C’est pourquoi, après plus de dix ans de durcissement continu de la législation, nous regrettons que ce projet de loi ne marque pas une rupture plus nette avec les réformes précédentes, même s’il comporte un certain nombre d’avancées, comme nous l’avons souligné en première lecture.

Ainsi, l’accueil des étrangers est davantage sécurisé, avec la création de la carte de séjour pluriannuelle et les dispositions permettant un accès facilité au séjour, à la nationalité, à la carte de résident et au regroupement familial.

En termes d’accès aux soins, nous avions également relevé des dispositions de sécurisation. Je pense en particulier à la définition de critères plus favorables d’accès au séjour pour raisons médicales et à la délivrance de plein droit de l’autorisation provisoire de séjour et de travail aux parents d’enfants malades.

Constitue également une avancée la mise en conformité de notre législation avec la directive « retour », qui prévoit que la rétention ne devrait être utilisée qu’en dernier recours, en faisant de l’assignation à résidence le principe et de la rétention l’exception.

Il en va de même de l’intervention du juge des libertés et de la détention dans un délai de quarante-huit heures en cas de contestation de la décision de placement en rétention, au lieu des cinq jours institués par la loi du 16 juin 2011. Il s’agit là d’une évolution significative du texte.

Le Sénat est revenu sur ces avancées, puisqu’il a aggravé la précarité des personnes en situation régulière, renforcé les dispositifs de contrôle et facilité l’éloignement par l’institution de délais toujours plus rapides et un droit de recours purement théorique. C’est pourquoi nous nous réjouissons que la commission des lois de notre assemblée ait rétabli, pour l’essentiel, le texte adopté en première lecture. Mais toutes ces dispositions sur lesquelles nous portons une appréciation favorable sont pour le moins nuancées par des mesures plus restrictives.

D’abord, en dépit de l’instauration du principe de pluriannualité du titre de séjour, subsiste une multitude de régimes spécifiques moins favorables, ce qui rend le dispositif très complexe. Surtout, l’instauration d’un contrôle inédit des conditions d’attribution du titre pluriannuel par la préfecture et la possibilité du retrait du titre de séjour à tout moment constitue une source d’insécurité.

De plus, le projet de loi n’organise ni l’automaticité de la délivrance d’une carte de résident de dix ans ni celle du renouvellement du titre pluriannuel de quatre ans. En pratique, l’administration pourra donc délivrer un nouveau titre d’un an à l’issue des quatre années de séjour régulier, ce qui sera de nature, là aussi, à précariser la situation des intéressés. Comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH –, nous considérons que seul un titre de séjour pérenne et sécurisé permettrait aux étrangers d’accomplir, dans de bonnes conditions, les actes usuels de la vie courante, préalables nécessaires à une intégration réussie. C’est pourquoi, pour notre part, nous restons favorables au principe de la délivrance d’une carte de résident de plein droit d’une durée de dix ans pour les étrangers ayant vocation à vivre en France et ayant déjà acquis le droit d’y séjourner.

S’agissant des étrangers malades, les dispositions du projet de loi ne nous paraissent pas suffisamment protectrices. En particulier, le transfert à l’OFII de l’évaluation médicale avant la décision de délivrance de la carte constitue un recul important pour le droit à la santé. J’y reviendrai lors de la discussion des articles.

S’agissant du placement en rétention administrative, le régime proposé est peu satisfaisant. Comme le souligne le Défenseur des droits, si l’assignation à résidence est érigée en principe, celui-ci « souffre de trop nombreuses dérogations et peut conduire à ce que l’assignation à résidence soit en réalité une mesure supplémentaire de contrainte et non alternative à la rétention ».

En outre, la problématique des mineurs en rétention et en zone d’attente demeure inchangée : aucune interdiction formelle de placement en rétention ou en zone d’attente n’est prévue. Je reviendrai également sur ce point lors de la discussion des amendements.

En définitive, vous l’aurez compris, si nous saluons plusieurs avancées du projet de loi, nous regrettons que la réforme proposée demeure à bien des égards complexe, peu lisible et insuffisamment protectrice. C’est pourquoi, comme en première lecture, les députés du Front de gauche s’abstiendront sur ce texte.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Un projet de loi attendu, qui vient compléter les avancées de la loi réformant le droit d’asile, adoptée définitivement en juillet dernier.

Un projet de loi attendu, d’abord par celles et ceux qui vivent, étudient ou travaillent en France, mais dont le projet de vie peut être contrarié par une législation complexe et des démarches administratives décourageantes. Un projet de loi attendu, aussi, par ceux qui croient en une France ouverte, accueillante et généreuse.

Ce projet poursuit trois objectifs essentiels que je salue. D’abord, il apporte une plus grande sécurité au parcours d’intégration des migrants. Ensuite, il renforce l’attractivité de la France, en créant une nouvelle carte de séjour dédiée pour les « talents » internationaux ainsi que leurs proches et en simplifiant le parcours et l’insertion des étudiants étrangers. Enfin, il conforte un équilibre plus harmonieux entre la nécessaire efficacité des contrôles et des mesures d’éloignement et l’indispensable respect des libertés fondamentales.

Aujourd’hui, malgré la réécriture provocatrice du Sénat, nous débattons d’un texte issu de la commission des lois qui correspond, à quelques exceptions près, au texte adopté en première lecture dans cet hémicycle.

Vous me permettrez de me concentrer exclusivement sur les mesures qui ont fait l’objet d’un avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation au nom de laquelle j’ai eu l’honneur de présenter un rapport pour avis, et de faire ainsi un point précis de l’avancée de nos travaux : la rénovation du contrat d’intégration, l’accueil et le séjour des étudiants étrangers, le nouveau « passeport talents », l’accès aux centres de rétention et aux zones d’attente pour les journalistes.

Permettez-moi de vous rappeler les deux principales préoccupations qui ont guidé nos travaux. La première visait à lever les freins les plus concrets rencontrés par les étrangers en France, en réduisant, chaque fois que cela était possible, les imprécisions, les complexités et la marge d’interprétation laissées à l’administration.

La seconde tendait à remédier aux déficits d’attractivité les plus évidents qui affaiblissent notre pays dans un monde où la circulation des femmes et des hommes s’est prodigieusement accélérée. Pour cela, nous avons proposé une nouvelle rédaction de certains articles. Il s’agissait dans un premier temps de protéger le parcours d’accueil et d’intégration de tout risque d’arbitraire administratif et de veiller à ne pas l’enfermer dans une vision trop scolaire, voire punitive, qui pourrait contredire son objet.

Sur ce sujet, nous n’avons malheureusement pas réussi à nous faire assez entendre. Des termes imprécis demeurent, susceptibles de donner lieu à des interprétations variables. C’est le cas par exemple du qualificatif « sérieux » pour la participation aux formations, qui a été maintenu dans le texte alors qu’il n’a aucune portée juridique.

S’agissant de l’accueil des étudiants étrangers, le projet de loi initial faisait déjà l’essentiel du chemin sur l’indispensable sécurité juridique des étudiants durant leur parcours de formation, en étendant à tous le bénéfice d’une carte ajustée à la durée de leur cycle d’études.

Mais nous souhaitions aller au bout de la logique en reconnaissant aussi à ces étudiants un droit à l’erreur. La carte de séjour des étudiants devrait pouvoir être prolongée d’une année supplémentaire par cycle d’études. Nous ne sommes pas parvenus à ce que la possibilité de redoubler soit acceptée de façon systématique. Néanmoins, la notion du « redoublement par cycle d’études » figure désormais dans le texte, ce qui permettra de prolonger le titre de séjour plus facilement dans ces circonstances.

Dans un même esprit, l’une des conditions pour attirer les étudiants étrangers est de permettre aux jeunes diplômés d’acquérir une première expérience professionnelle sur notre territoire. Notre commission souhaitait élargir le bénéfice de l’autorisation provisoire de séjour – APS –, qui offre la possibilité de rechercher et de trouver une première expérience professionnelle à tous les niveaux d’études, et pas uniquement au niveau master. Là encore, notre commission n’a pas été totalement suivie. Mais nous progressons avec la décision de fixer par décret une liste de diplômes permettant de bénéficier de cette APS. Reste à établir cette liste !

De même, il nous semblait que l’exigence légitime d’une rémunération supérieure à un seuil, aujourd’hui fixé par décret à 1,5 fois le SMIC, devait être mieux modulée. J’ai, au nom de la commission, proposé qu’il le soit en fonction des secteurs professionnels d’embauche et des territoires en me fondant sur le constat simple, partagé par tous, que le premier salaire est loin d’être le même par exemple dans la finance à Paris et dans la recherche publique d’une université de région.

Là encore, après discussion, nous étions parvenus à un compromis : seul le domaine professionnel donnait la possibilité de moduler le seuil de rémunération. La disparité des territoires n’était plus prise en compte pour ne pas rendre le dispositif trop complexe. La commission des lois n’ayant pas repris les termes de cet accord, j’ai déposé avec le groupe socialiste, républicain et citoyen, un amendement à cet effet. Si je suis bien consciente des difficultés d’un tel ajout, je ne souhaite pas que par l’artifice de quelques mots, le Gouvernement s’exonère de la nécessaire prise en compte de cette réalité concrète.

Pour ce qui concerne l’important défi de l’attractivité, il faut souligner la grande cohérence de la nouvelle carte « passeport talents ». Le débat a permis d’apporter une clarification, défendue par la commission, permettant de ne pas nous priver des talents jouissant d’une renommée nationale.

Enfin, la commission se réjouit de la possibilité donnée aux journalistes d’accéder aux centres de rétention et aux zones d’attente. Même si le texte e ne reprend pas toutes les propositions issues du travail de la commission, je suis convaincue qu’il représente un progrès considérable pour l’accueil et l’intégration des étrangers dans notre pays. Je le voterai donc.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons en nouvelle lecture a été profondément remanié par le Sénat qui en a même modifié le titre en le renommant « projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration ». Je m’étais réjoui de cette réorientation tant le droit des étrangers en France me semble devoir être pensé en fonction de notre capacité à maîtriser l’immigration et de la possibilité qu’a chaque étranger de pouvoir demander un jour la nationalité française.

Si l’on considère, comme moi, que nous nous enrichissons de nos différences, nous devons veiller à les préserver, c’est-à-dire à affirmer nos identités respectives, à préférer, pour parler simplement, être soi et que l’autre soit différent de soi. Dans cette optique, l’étranger est bienvenu dans une France à l’identité ouverte et non, comme le prétendent certains, repliée sur elle-même. Cet étranger que nous respectons, nous pourrions n’avoir d’autre exigence à son égard, s’il voulait rester étranger, que de respecter les lois de la République et de s’en faire un devoir. Il ne pourrait pas en être de même en revanche s’il souhaitait devenir Français. Car il ne suffit pas pour être Français de remplir quelques formalités administratives et de se faire délivrer une carte d’identité.

Être Français, c’est d’abord aimer la France. Être Français, c’est parler le français, cette langue admirable, et, idéalement, l’écrire. La France, disait Napoléon, c’est le français quand il est bien écrit. Être Français, c’est connaître et assumer l’entièreté de notre histoire. Être Français enfin, c’est vivre comme les Français, c’est en partager les valeurs et en respecter les moeurs. À Rome, disait-on, vis comme les Romains, ce que recommandait aussi un hadith du Prophète : « Quand tu vis dans une tribu depuis plus de quatorze jours, adoptes-en les usages ». Être Français pour tout dire, c’est éprouver un sentiment d’appartenance à la nation française sans que celui-ci soit antagoniste ou exclusif d’autres sentiments d’appartenance, mais au contraire les englobe.

Vous l’avez compris, je préférerais l’assimilation à l’intégration. Si les critères économiques et sociaux que privilégie l’intégration sont importants, sinon nécessaires, ils ne sont pas pour autant suffisants.

La crise de la société française n’est pas qu’économique et sociale. Elle est aussi, et peut-être d’abord, une crise d’identité provoquée, entre autres, par la mondialisation et le désengagement de l’État qui, royal, fut le géniteur de la France et, républicain, le protecteur des Français.

Face à une crise aussi profonde et aussi complexe, plutôt que de s’abandonner aux chimères d’une société multiculturelle ou de se soumettre à la pression des communautarismes, il convient, me semble-t-il, de renforcer la cohésion nationale. Cela signifie que l’intérêt national doit nous conduire à élaborer et mettre en oeuvre une politique d’immigration choisie qui sélectionnera les candidats en fonction de l’adéquation de leurs compétences à celles dont nous avons besoin et de leur aptitude à assimiler notre langue, nos valeurs et nos moeurs.

Si nous voulons éviter de surcroît les réactions xénophobes ou racistes, mieux vaudrait n’accueillir d’immigrés qu’en fonction de quotas et selon un rythme compatible avec notre capacité d’assimilation. Encore faudrait-il pour cela que l’Europe parvienne enfin à se doter d’une politique d’immigration et se préoccupe vraiment d’assurer le contrôle effectif de ses frontières extérieures.

Madame la secrétaire d’État, le texte qui nous est de nouveau présenté aurait mérité un vrai débat sur notre politique d’immigration. La crise migratoire, l’augmentation continue du nombre des chômeurs, les difficultés budgétaires et l’échec des mesures d’éloignement vous y invitaient et, d’une certaine manière, vous en donnaient l’occasion.

Telle n’est pas, à l’évidence, l’ambition des dispositions qui nous sont à nouveau soumises. Elles ne s’appuient sur aucune donnée chiffrée, ne répondent à aucun besoin défini et pis, érigent un principe d’attribution automatique, « de plein droit », du titre de séjour là où le contrôle, la condition, l’exigence, devraient être la règle.

Vous comprendrez donc que, lors de cette nouvelle lecture, nous vous demandions d’amender ce texte pour le porter à la hauteur des enjeux d’une véritable politique d’immigration. Pour ce qui nous concerne au groupe Les Républicains, c’est ce que nous ne manquerons pas de faire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, à l’occasion de cette nouvelle lecture d’un projet de loi d’importance, notre débat doit être un débat de clarté. Il doit permettre de sortir des faux-semblants et des postures partisanes qui n’ont que trop tenté d’instrumentaliser, ces dernières années, un sujet qui doit relever du domaine de la raison, et non de celui de la passion. Pour emprunter les mots de Georg Simmel, que j’avais évoqué en première lecture, « c’est la prestation même de l’esprit, peut-on dire, que d’unifier le multiple dans les éléments du monde extérieur ». Rendons alors hommage à l’esprit en affrontant, au sens intellectuel, la complexité et la diversité du monde.

Je suis élue d’un territoire dont nombre de citoyens sont venus d’horizons lointains. Je sais la richesse – au sens large – que nous en avons retirée et que nous en retirons toujours. Je connais les apports de l’immigration à notre pays. Ces apports positifs ne peuvent se réaliser pleinement que dans un cadre législatif et réglementaire clair. Il faut que la règle soit connue, comprise et acceptée par chacun. Pour cela, il faut aussi qu’elle soit juste et équilibrée, comme l’a précisé encore tout à l’heure M. le ministre – c’est une nécessité –, et que cette règle respecte nos valeurs et s’inscrive dans un mouvement de progrès, tout en tenant compte du principe de réalité.

C’est dans cet esprit que nous avons mené un travail de qualité lors de la première lecture du projet de loi. C’est un texte marchant sur ses deux jambes que nous avons adopté le 23 juillet : d’un côté, sécurisation et meilleur accompagnement de l’immigration légale ; de l’autre, renforcement des outils de lutte contre l’immigration illégale. Il y a un aspect éminemment vertueux à favoriser ceux qui respectent nos règles – donc notre droit – tout en durcissant notre position à l’égard de ceux qui ne s’y plient pas.

Je tiens particulièrement à saluer le travail réalisé en première lecture par le rapporteur, notre collègue Erwann Binet, ainsi que par le groupe socialiste, républicain et citoyen à l’initiative de Marie-Anne Chapdelaine. Ce travail nous avait notamment permis d’intégrer plusieurs recommandations formulées ces dernières années dans le cadre de travaux parlementaires, comme celles de la mission d’information sur les immigrés âgés, dans le cadre de laquelle nous avions travaillé sur plusieurs propositions remises en juillet 2013 avec Alexis Bachelay, rapporteur de cette mission. Plusieurs de ces propositions avaient été reprises, notamment la proposition no 11, tendant à faciliter l’obtention de la carte de résident permanent pour les étrangers présents en France depuis plusieurs décennies. Nous avions été plusieurs à défendre cette avancée. Pour de nombreuses familles dont les enfants sont Français, cette disposition représente en effet une véritable sécurisation du parcours de vie et sera de nature à consolider le lien qu’elles entretiennent avec la République en leur évitant l’angoisse de la démarche administrative qui peut remettre en cause une vie familiale jusqu’alors paisible à cause d’un mauvais tampon ou d’un dossier perdu par l’administration – car nous en sommes parfois encore là !

Je salue à ce propos le travail réalisé la semaine dernière par la commission des lois, qui a permis de réintégrer, à l’initiative du groupe socialiste, que j’en remercie, une version améliorée de l’article 13 quater qui, sans rien chambouler pour nos administrations, change beaucoup de choses pour nombre de nos concitoyens. On pourrait citer de nombreux exemples.

Force est de constater que le Sénat n’a pas inscrit ses travaux dans le même esprit d’équilibre que celui qui avait prévalu dans notre assemblée. Il a rendu un travail beaucoup plus bancal, à tel point qu’à son arrivée pour la nouvelle lecture à l’Assemblé nationale, le texte était devenu porteur d’une position de défiance a priori vis-à-vis de l’étranger, quel qu’il soit et quel que soit son parcours. Les dispositions relatives au séjour et à l’éloignement l’indiquaient déjà suffisamment, mais il a fallu que le Sénat aille jusqu’à supprimer des voies d’accès à la nationalité française, comme celle introduite à l’initiative du Gouvernement pour les étrangers entrés très jeunes en France et dont au moins un frère ou une soeur est devenu Français par la résidence ou la naissance. C’est un exemple parmi d’autres de la marque que la majorité sénatoriale a souhaité imprimer au projet de loi.

L’immigration a moins été traitée comme un sujet de politique publique que comme un punching-ball utile à la propagande électorale, comme en témoignait l’article 1er A, heureusement supprimé en commission, au détriment d’objectifs d’intérêt général tels que l’attractivité, y compris économique, du pays – je pense en particulier à l’article 11, dont plusieurs dispositions ont, là encore, été heureusement rétablies par la commission des lois à l’initiative du rapporteur.

Oui, il importe à l’intérêt national que nous puissions nous réserver la possibilité de faire bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle « passeport talents » l’étranger dont la renommée nationale ou internationale est établie et qui vient exercer ses compétences ou une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif. Cette disposition bienvenue est nécessaire à notre rayonnement international.

Vous l’aurez compris, je joindrai bien évidemment ma voix à celles de la majorité qui votera ce texte, rééquilibré par nos travaux conformément à l’esprit de la première lecture.

Plus largement, je souhaite que les différents acteurs publics ayant, à un moment à un autre, un rôle à jouer dans la politique migratoire française, soient capables de donner la priorité à l’intérêt public, au-delà des intérêts partisans.

L’État a certes un rôle primordial à jouer de ce point de vue, mais les collectivités territoriales aussi participent des moyens et des conditions de la politique migratoire par les dispositifs, généraux ou spécifiques, qu’elles peuvent mettre en oeuvre. Le triste exemple donné en la matière la semaine dernière par le conseil régional d’Île-de-France ne participe pas d’une politique publique plaçant l’intérêt général au-dessus des intérêts partisans et de la communication politique.

Gardant à l’esprit la nécessité qui s’impose à chacun de se montrer responsable dans les propos et dans les mesures adoptées, je vous appelle donc, à l’issue de nos travaux en séance, à voter ce texte relatif aux droits des étrangers en France, et je vous en remercie.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Charles de La Verpillière, dernier orateur inscrit.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, votre projet de loi relatif aux droits des étrangers est néfaste, car il ne tient aucun compte de la crise migratoire exceptionnelle qui secoue l’Europe en général et la France en particulier. C’est même l’inverse : obéissant aux extrémistes de votre majorité de gauche, votre loi va ouvrir les vannes de l’immigration en France, au moment où il faudrait les fermer.

En 2015, le nombre de migrants et de demandeurs d’asile arrivés par la mer et par la terre aux frontières de l’Union européenne a dépassé le million. Cet afflux a rendu tout contrôle impossible. Certains des terroristes du 13 novembre en ont profité pour venir à Paris commettre leurs crimes. Les incidents graves se multiplient en Allemagne et, chez nous, à Calais. Les États d’Europe centrale ferment leurs frontières les uns après les autres. Enfin, ne l’oublions pas, deux millions de personnes déplacées en provenance d’Irak et de Syrie campent en Turquie en attendant de venir en Europe.

Dans ce contexte dramatique, qui menace la sécurité des Français et la cohésion de notre société, votre loi n’apporte aucune solution et va même aggraver le péril.

Premièrement, vous créez une nouvelle carte de séjour pluriannuelle, qui permettra aux étrangers de se maintenir en France à l’expiration de leur visa ou de leur carte de séjour temporaire.

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Deuxièmement, vous refusez de restreindre l’accès des étrangers en situation irrégulière à l’aide médicale d’État. Troisièmement, vous paralysez l’exécution des décisions d’expulsion. En particulier, au lieu de placer en rétention les étrangers en situation irrégulière, vous privilégiez l’assignation à résidence, dont chacun connaît l’inefficacité.

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Je pourrais multiplier les exemples.

Madame la secrétaire d’État, c’est le contraire qu’il faudrait faire : il faut limiter très fortement les possibilités d’immigration en France et donner à notre administration, aux forces de sécurité et à la justice tous les moyens légaux pour ramener l’ordre et faire respecter la législation française sur les étrangers.

C’est pourquoi, dans un esprit constructif, le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale présentera des amendements, dont la plupart ont déjà été défendus au Sénat par nos collègues. D’une façon générale, nous proposons de supprimer les cas d’attribution automatique des titres de séjour. L’autorité administrative doit conserver le pouvoir d’examiner chaque situation au cas par cas et, s’il y a lieu, de refuser la délivrance du titre de séjour.

Nous préconisons également d’exiger que la délivrance d’un titre de séjour soit conditionnée à une connaissance suffisante de la langue française et au respect des principes républicains, notamment la laïcité et l’égalité entre les hommes et les femmes.

Le Parlement français doit aussi pouvoir fixer chaque année des quotas, c’est-à-dire le nombre des étrangers qui pourront être accueillis en France. Dans le même esprit, nous proposons de durcir les conditions du regroupement familial.

Une mention spéciale doit être faite de l’aide médicale d’État aux étrangers en situation irrégulière. Sous le précédent quinquennat, nous l’avions sévèrement encadrée par la loi du 29 décembre 2010 que, revenue au pouvoir, la gauche s’est empressée d’abroger. Le résultat ne s’est pas fait attendre : près de 300 000 étrangers en bénéficient gratuitement, pour un coût de 1 milliard d’euros. Nous proposons que cette aide soit limitée aux soins urgents.

Enfin, nous combattrons les articles qui privilégient l’assignation à résidence plutôt que le placement en rétention pour les étrangers en situation irrégulière. Nous savons tous, en effet, qu’ils en profitent – ou qu’ils en profiteront si votre projet de loi est adopté – pour retourner dans la clandestinité. De même, il nous paraît indispensable que les demandeurs d’asile qui n’obtiennent pas le statut de réfugié – les « déboutés du droit d’asile » – soient très rapidement éloignés du territoire français, alors que, selon la Cour des comptes, 90 % d’entre eux réussissent pour l’instant à s’y maintenir en passant dans la clandestinité.

Madame la secrétaire d’État, rarement il y aura eu un tel décalage entre un projet de loi – ce projet de loi du Gouvernement – et le chaos qui règne sur le terrain. En l’état, votre texte est inacceptable. Il n’est pas trop tard pour nous écouter et revenir à la raison.

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La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif aux droits des étrangers en France.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly