La réunion

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La séance est ouverte à 15 heures 05

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La commission auditionne M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice.

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Monsieur le garde des sceaux, nous avons le plaisir de vous accueillir, pour la première fois sous cette législature, afin que vous nous présentiez votre feuille de route.

Celle-ci est particulièrement chargée, car le début de la législature va correspondre à la mise en œuvre des préconisations des états généraux de la justice (EGJ), qui vont être au cœur du travail de votre ministère au cours des prochaines années. Le comité des EGJ a travaillé intensément entre octobre 2021 et avril 2022 ; il a rendu un rapport particulièrement complet. Celui-ci est public : je vous invite tous à le consulter.

Sur cette base, vous avez, bien naturellement, organisé une large concertation avant de prendre position sur les suites à donner aux préconisations des EGJ ainsi que sur le calendrier correspondant.

Votre feuille de route ne se résume pas pour autant aux EGJ : le suivi des réformes engagées est également primordial. La commission des lois a d'ailleurs créé une mission d'information sur l'évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs. Cette mission a été confiée à nos collègues Jean Terlier et Cécile Untermaier.

Vous présenterez encore une fois à notre commission un budget exceptionnel, en hausse de 8 % pour la troisième année consécutive. En pesant mes mots, je peux dire que c'est du jamais vu, mais une telle revalorisation soulève plusieurs questions.

D'abord, pouvez-vous dresser un bilan des affectations des nouveaux crédits budgétaires votés ces dernières années et de leur incidence sur les juridictions et votre administration ? Quels services en ont bénéficié, et avec quels effets ? Quelles en sont les traductions en matière d'écoulement des stocks d'affaires qui se sont constitués à la suite des grèves des avocats et des interruptions liées au covid-19 ?

Les EGJ proposaient la mise en œuvre d'un référentiel de moyens indexé sur la charge de travail des juridictions. Cette mesure étant réglementaire, pouvez-vous nous indiquer si vous envisagez de la mettre en œuvre et, si oui, dans quel délai ?

Je souhaite aussi revenir sur des faits intervenus durant l'été. Beaucoup a été dit et écrit sur nos prisons – beaucoup de choses étranges, déformant la réalité ou relevant de la spéculation. Pour que ces contre-vérités n'intoxiquent pas l'Assemblée nationale, j'ai souhaité diffuser auprès de mes collègues l'excellent rapport de la commission d'enquête Benassaya-Abadie sur les prétendus dysfonctionnements de l'administration pénitentiaire. En tant que députés de la commission des lois, nous exercerons aussi notre droit de visite en prison, individuellement et collectivement, notamment lors d'un déplacement à Fresnes le 14 octobre. Nous auditionnerons ensuite la contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

Pouvez-vous présenter à notre commission l'état d'avancement du plan de construction de 15 000 places de prison ? Je voudrais que vous l'éclairiez sur les mesures de réinsertion mises en œuvre par la direction de l'administration pénitentiaire et les services pénitentiaires d'insertion et de probation, sur leur travail avec les élus locaux, les entreprises et les associations œuvrant pour préparer la sortie des détenus et, ce faisant, lutter contre la récidive.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis particulièrement heureux de revenir devant vous alors que s'ouvrira dans quelques jours la première session ordinaire de la nouvelle législature.

Je souhaite d'abord vous féliciter toutes et tous, de manière républicaine, pour vos élections respectives. À tous égards, les enjeux auxquels nous sommes confrontés sont immenses : le pays connaît une situation inédite depuis un demi-siècle, sur le plan géopolitique comme sur le plan économique. Ce contexte nous impose de travailler différemment et de faire en sorte que les réformes indispensables soient menées à bien dans le plus large consensus.

C'est ce que nous avons fait dans le domaine de la justice, sous l'impulsion du Président de la République, et à la demande des deux plus hauts magistrats du pays, en engageant les EGJ, qui furent un exercice démocratique inédit. Nous parlons ici de près d'un million de contributions citoyennes et de plusieurs dizaines de réunions avec nos concitoyens, organisées partout sur le territoire pour discuter de la justice que nous appelons de nos vœux.

Alors que le rapport issu des EGJ, de très grande qualité, a été rendu au Président de la République par le président Sauvé au mois de juillet, je conclus la dernière phase de concertation avec tous les acteurs du monde judiciaire. Pour conduire la concertation, je me suis fondé sur les conclusions du rapport et sur ses annexes. Je présenterai, dans les semaines qui viennent, un plan d'action détaillé pour réformer et améliorer le service public de la justice, avec un impératif : rendre l'institution judiciaire plus rapide, plus efficace et plus proche de nos concitoyens.

Ce plan d'action, que je viendrai vous présenter le moment venu, mobilisera tous les leviers dont nous disposons. L'objectif est d'aller vite. C'est pourquoi nous utiliserons la voie réglementaire chaque fois que ce sera possible, et ce dans les plus brefs délais. Je pense notamment à la matière civile ou à l'organisation du ministère. Il faut toutefois être lucide. Sous la précédente législature, les gouvernements successifs et la majorité parlementaire l'ont été : ils savaient que la justice manquait de moyens.

Oui, nous avons augmenté son budget de plus de 40 % en cinq ans.

Oui, nous avons recruté plus de 700 magistrats et 850 greffiers, là où les précédentes majorités n'en avaient recruté que quelques dizaines, quand elles n'en supprimaient pas.

Oui, nous avons recruté plus de 2 000 juristes assistants, renforts de greffe, assistants de justice, autrement qualifiés de « sucres rapides », dont la mission est d'épauler les magistrats et greffiers, qui s'engagent au quotidien dans leur mission, à savoir assurer le bon fonctionnement du ministère de la justice partout sur le territoire.

Je le dirai et le répéterai inlassablement à ceux qui veulent faire croire que plus est égal à moins, car on ne résout pas vingt ou trente ans d'abandon politique, humain et budgétaire d'un claquement de doigts.

Oui, le Gouvernement est particulièrement lucide sur ce constat. C'est pourquoi nous allons poursuivre l'effort.

Ce matin, j'ai présenté à la presse et à l'ensemble des organisations syndicales un projet de budget pour 2023 en hausse, pour la troisième année consécutive, de plus de 8 %. Cela fait deux ans que je viens devant votre commission pour insister sur le caractère historique de ces hausses ; je ne dérogerai pas à la règle cette année. C'est un triplé historique qui, peu à peu, nous laisse entrevoir l'horizon d'une justice de qualité, que tous les acteurs du monde judiciaire, surtout les justiciables, appellent de leurs vœux.

Si je ne peux décliner ce jour mon plan d'action devant vous, l'ultime phase de concertation n'étant pas terminée, je peux d'ores et déjà vous annoncer qu'une des premières recommandations du rapport Sauvé, et non des moindres, sera suivie – j'y ai mis tout mon poids. Nous embaucherons au moins 1 500 magistrats et 1 500 greffiers durant le quinquennat. Il s'agit du plus grand plan d'embauche de toute l'histoire des services judiciaires. Les ambitions fixées par le Président de la République et la Première ministre l'imposaient ; c'est désormais acté, avec l'appui précieux de mes collègues Bruno Le Maire et Gabriel Attal, qui ont compris que, dans un contexte de contrainte économique, la justice devait demeurer une priorité. Il y a là plus qu'un symbole : c'est la preuve indiscutable de la place primordiale qu'occupe la justice au sein de l'État et aux yeux de la majorité.

L'audition budgétaire devant la commission se tiendra le 25 octobre. Je ne détaillerai donc pas davantage la question des crédits pour l'année 2023. Je répondrai cependant à toutes les questions que vous voudrez bien me poser à ce propos.

Après les volets réglementaire, budgétaire et organisationnel, les arbitrages issus des concertations en cours prendront corps dans une ambitieuse loi de programmation pour la justice couvrant la période 2022-2027. Fidèle à ma démarche de coconstruction, je consulterai étroitement le Parlement en amont des débats, et il prendra toute la place qui lui revient au moment de l'examen du texte.

Ces débats nous permettront de nous accorder sur l'ampleur des réformes que nous devrons entreprendre, qu'elles soient programmatiques, ordinaires, organiques ou même constitutionnelles. La loi de programmation permettra d'inscrire dans le marbre les recrutements massifs de magistrats et de greffiers, ainsi que de personnels pénitentiaires ; elle aura également vocation à transposer dans la loi, avec concision, les principales propositions qui auront déjà fait consensus.

Pour répondre à votre question, monsieur le président, la loi de programmation devrait être présentée devant le Parlement début 2023. Vous l'avez compris, ma priorité est de poursuivre le renforcement sans précédent de la justice, déjà à l'œuvre depuis plusieurs années.

Je tiens également à décliner devant vous, comme je l'ai fait à destination des procureurs à travers ma dernière circulaire de politique pénale générale, les priorités de politique pénale.

Ma priorité est claire : nous devons restaurer le droit de nos concitoyens à vivre dans la tranquillité. J'ai ainsi rappelé ma volonté de conduire une justice pénale plus protectrice face à des attaques inacceptables et à la délinquance du quotidien. Pour ce faire, j'ai demandé deux choses aux parquets : fermeté dans la réponse pénale et célérité des poursuites. À cela s'ajoutent l'intangible individualisation des peines et leur exécution rapide, sans oublier un accompagnement renforcé des victimes.

Ces objectifs clairs doivent se retrouver dans le traitement pénal de toutes les infractions du quotidien que sont par exemple les rodéos – les condamnations au titre de ce délit ont été multipliées par quinze depuis 2018 –, les agressions intolérables – qu'elles soient racistes, antisémites ou homophobes –, les atteintes aux élus et aux forces de l'ordre, qui constituent des attaques contre la République, ou encore les squats, insupportables tant ils nourrissent le sentiment d'impunité – j'entends renforcer l'arsenal juridique pour lutter contre le phénomène ; je sais que certains sont très engagés sur cette question, notamment Philippe Gosselin.

Je tiens également à affirmer devant vous ma détermination à poursuivre la mise en œuvre de la justice de proximité, en développant une justice partenariale avec tous les acteurs locaux, y compris les forces de sécurité intérieure (FSI) et les élus, dans le cadre notamment des groupes locaux de traitement de la délinquance. Il s'agit là d'adapter au mieux la réponse pénale à la réalité du terrain, car tous sont à bord de la même barque républicaine.

J'ai aussi eu à cœur de réaffirmer la persistance de la lutte contre le terrorisme, en ne sous-estimant pas les signaux faibles qui constituent les symptômes d'une radicalisation à l'œuvre tels que l'apologie du terrorisme ou de la haine en ligne, qui disposent désormais de leur propre parquet. J'ai donc demandé aux procureurs de se saisir pleinement des nouveaux outils offerts par la loi confortant le respect des principes de la République.

Enfin, la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre souligne avec force l'importance qu'il y a à agir contre la destruction de l'environnement et de la biodiversité. J'ai demandé aux parquets de se saisir de ces nouveaux outils que sont les pôles judiciaires régionaux de l'environnement et les conventions judiciaires d'intérêt public environnemental, mais aussi de requérir les sanctions les plus sévères à l'encontre des auteurs d'incendies prémédités et volontaires qui détruisent les forêts, comme nous ne le savons que trop à la sortie d'un été qui a ravagé les paysages et la biodiversité.

Je m'attarderai, pour conclure la présentation de ma feuille de route en matière pénale, sur deux de mes principales priorités.

Je pense d'abord à la lutte contre les violences faites aux femmes. C'est l'affaire de tous : magistrats, forces de l'ordre, mais aussi collègues de bureau, voisins, etc. Nous avons tous un rôle à jouer pour signaler les cas de violence. Trop souvent, la justice n'est pas prévenue à temps. La libération de la parole doit se poursuivre. Depuis le Grenelle, j'ai tenu à ce que la justice se mobilise comme jamais pour lutter contre le fléau que constituent les violences faites aux femmes.

Sous notre impulsion et grâce à l'engagement des magistrats, des forces de l'ordre et des associations, nous avons mis en place des dispositifs efficaces, avec le déploiement de 4 318 téléphones grave danger – il n'y en avait que 300 en 2019 ; 860 bracelets antirapprochement actuellement actifs et 5 921 demandes d'ordonnance de protection adressées aux juridictions en 2021, contre 3 131 en 2017.

Je salue le travail de vos collègues Guillaume Vuilletet et Aurélien Pradié sur la question. Nous devons poursuivre nos efforts sans relâche. Chaque féminicide est un féminicide de trop ; chaque violence, quelle qu'elle soit, est une violence de trop.

Toutefois, je tiens à rappeler devant cette commission qui a tant œuvré pour construire notre État de droit que l'enceinte judiciaire est le seul lieu, en démocratie, où se rend la justice. Elle ne doit pas être rendue dans des cénacles politiques ou dans des comités de déontologie ad hoc. Tous ces monstres en dehors du cadre légal sont d'ailleurs en train de dévorer ceux-là mêmes qui les ont créés dans la violation de nos principes juridiques les plus fondamentaux. Je le dis clairement : cela doit impérativement cesser.

Parce que la justice doit poursuivre sa transformation, j'ai annoncé la prolongation pour trois ans des 105 chargés de mission de catégorie A affectés dans les juridictions et spécifiquement chargés de lutter contre les violences conjugales.

Pour mieux accueillir la parole des femmes et traiter les violences insupportables qu'elles subissent, la Première ministre vient d'annoncer une mission parlementaire chargée d'évaluer ces dispositifs afin de garantir une action judiciaire spécialisée dans tous les territoires de la République.

Je veux ensuite vous parler d'une autre de mes priorités absolues : la lutte contre les violences faites aux mineurs. L'objectif est de repérer le plus tôt possible les situations de danger et d'agir avec la plus grande efficacité, dans l'intérêt supérieur de nos enfants.

Protéger les enfants, c'est aussi renforcer, comme nous le faisons, leur accompagnement quand ils sont victimes, en améliorant leur prise en charge tout au long du processus pénal, en liaison avec les unités d'accueil pédiatriques enfance en danger et les associations d'aide aux victimes.

Je vous confirme mon intention de permettre désormais le retrait de principe de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violences sexuelles sur son enfant. Le juge ne pourra pas y déroger, sauf motivation spéciale.

Enfin, aucune politique pénale ne pourra prospérer sans la simplification de la procédure pénale, réclamée par tous les acteurs du monde judiciaire. Le Président de la République s'y est engagé. J'aurai donc vocation à vous proposer une méthode consensuelle et une feuille de route claire pour que nous menions ensemble ce chantier législatif colossal. Cette réforme fait l'objet d'un large consensus, tant au sein des forces de l'ordre que dans les rangs des magistrats et des avocats, comme en témoignent les conclusions du Beauvau de la sécurité, mené par mon collègue Gérald Darmanin, ainsi que celles des EGJ.

Comme vous le savez, une politique pénale ne peut exister sans une politique pénitentiaire volontariste. La prison poursuit trois objectifs : sanctionner les délinquants, protéger la société des individus dangereux et réinsérer les condamnés afin qu'ils ne récidivent pas. Pour punir le délinquant et protéger nos concitoyens, il est indispensable que nous disposions de suffisamment de places de prison. Il y va également de la qualité des conditions de travail du personnel pénitentiaire, que l'on oublie trop souvent alors qu'il s'agit de la troisième force de sécurité intérieure. Son travail est remarquable ; il s'accomplit au quotidien dans un contexte parfois très difficile. Je veux ici lui rendre un hommage particulièrement appuyé.

Il y va également, bien sûr, de la dignité des conditions de détention. Depuis la fin du mois d'août, un certain nombre d'entre vous ont eu une prise de conscience et se sont déplacés en nombre dans les établissements pénitentiaires. Je salue cet exercice démocratique indispensable. Vous avez pu constater par vous-mêmes que, contrairement aux affirmations de certaines chaînes d'information en continu, la prison n'est pas le Club Med. C'est d'ailleurs tout le problème des images de la prison de Fresnes qui ont été diffusées : elles laissaient accroire aux honnêtes gens que la prison était un parc d'attractions. Ces images laissaient courir l'idée, parmi notre jeunesse, qu'aller en prison, en définitive, n'était pas bien grave – LOL. Si, aller en prison est grave. La prison doit dissuader, mais pas par l'insalubrité ou l'indignité des conditions de détention. Je rends hommage, à cet égard, au travail de votre collègue Caroline Abadie.

Pourtant, la France a été condamnée à de nombreuses reprises. Une réponse pénale assurée, de bonnes conditions de travail pour les agents pénitentiaires et des conditions de détention dignes sont absolument nécessaires. Pour toutes ces raisons, nous avons lancé le plus grand plan immobilier pénitentiaire depuis quarante ans. Les chantiers sortent de terre partout en France ; ils poussent comme des champignons – si vous me permettez l'expression. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en visiter plusieurs cet été, dans certaines de vos circonscriptions. Nous atteindrons les 15 000 places supplémentaires d'ici à la fin 2027, conformément aux engagements du Président de la République.

Il n'est pas possible de concevoir la prison sans un volet consacré à la réinsertion. Celui-ci est absolument indissociable du volet répressif. Les événements de Fresnes nous ont permis de préciser, par la circulaire du 21 septembre 2022 le cadre applicable à ces activités. L'objectif est de renforcer leur contrôle tout en préservant une certaine souplesse au niveau local, afin de ne pas brider les initiatives des chefs d'établissement, qui sont pertinentes dans l'écrasante majorité des cas.

Le programme immobilier se caractérise par la création de 2 000 places au sein de structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Les sorties sèches suscitent davantage de récidives que les sorties accompagnées. Les SAS accueillent des personnes condamnées à des peines de moins de deux ans ou en fin de peine.

Nous menons également une expérimentation avec certains établissements tournés vers le travail : c'est le projet dit « innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi » (INSERRE).

Une autre des priorités de mon action est de ramener le travail en détention. Qu'il me soit permis de relever que le contrat du détenu travailleur a bénéficié d'une couverture médiatique moins importante que le karting à Fresnes.

Depuis le début des années 2000, l'offre de travail en détention a été divisée par deux. Ma mobilisation sur le sujet porte ses fruits malgré deux années de crise sanitaire. En 2021, une hausse de 3 points du travail pénitentiaire a été enregistrée par rapport à 2018 ; 31 % de la population détenue aura travaillé en détention. L'offre de travail en production a augmenté ces dernières années, puisque près de quatre-vingt-dix nouvelles entreprises se sont implantées dans les établissements entre 2019 et 2022.

Je l'ai souvent dit : le sens du travail et celui de l'effort ne sont pas des sens interdits en prison. Ainsi, en janvier 2023, entrera en vigueur la suppression des remises de peine automatiques. Elles seront conditionnées à l'effort, là encore pour mettre l'accent sur la réinsertion.

Alors que l'objectif poursuivi est de redonner du sens à la peine, certaines d'entre elles sont déjà pleines de sens. Je pense en particulier au travail d'intérêt général (TIG), qui est au cœur de la justice de proximité, avec un mot d'ordre : « tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies et tu indemnises ». Avec la création de l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle (ATIGIP) – je tiens à rendre hommage à ma prédécesseure ainsi qu'à Didier Paris –, nous avons substantiellement renforcé l'offre de TIG et leur accessibilité à tous les acteurs judiciaires – notamment les avocats et magistrats – via la plateforme TIG 360. Je prendrai, d'ici à la fin de l'année, une circulaire pour prolonger ce mouvement afin que les juridictions se saisissent chaque fois que possible de cet outil pénal formidable.

Si le travail d'accompagnement est important pour le délinquant adulte, il est primordial chez les mineurs, qui sont des adultes et des citoyens en devenir. Ma priorité en la matière est de réduire drastiquement les délais de jugement des mineurs délinquants. La délinquance des mineurs était insuffisamment traitée, et ce alors même que sa violence s'accroissait. Il était donc indispensable d'accélérer et de renforcer la réponse judiciaire. C'est chose faite grâce au code de la justice pénale des mineurs, résultat de notre œuvre commune. Alors que nous fêterons dans quelques jours la première année de son entrée en vigueur, je puis déjà vous indiquer que les délais ont été massivement réduits, passant parfois du double au simple.

Afin de développer tous les outils permettant de remettre les mineurs délinquants dans le droit chemin, j'aurai à cœur de mettre en œuvre l'engagement du Président de la République de créer un partenariat adapté entre le ministère des armées et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ce partenariat se fonde non pas sur de vieilles lunes, mais sur une expérimentation concrète, menée l'année passée, avec un taux de réussite proche de 80 %, soit huit jeunes sur dix tirés d'affaire.

Selon cette même logique, nous poursuivrons le grand plan de construction de centres éducatifs fermés (CEF), outils efficaces à mes yeux pour éviter la récidive des mineurs délinquants et les remettre dans le droit chemin. Nous comptons vingt-deux CEF construits ou en construction. La lutte contre la délinquance des mineurs mérite que l'on se dote de tous les moyens et outils indispensables.

Je m'attacherai par ailleurs à poursuivre le rapprochement entre la justice civile et nos concitoyens. Nous l'oublions souvent, mais, le plus fréquemment, le seul contact qu'un citoyen a avec la justice au cours de sa vie est avec la justice civile : procédure de divorce, litige avec un propriétaire ou un locataire, demande de mise sous tutelle, ou même un différend entre deux commerçants – bref, la vie quotidienne.

Or, que nous disent les usagers à travers les conclusions des EGJ ? Deux choses en apparence contradictoires : que la justice est trop lente, mais qu'en même temps elle n'a pas le temps de les écouter. C'est pour répondre à cette double injonction que je souhaite, dans le cadre de mon futur plan d'action, donner à la justice civile la place de choix qu'elle mérite.

D'abord, je lancerai à l'échelle nationale une politique ambitieuse de l'amiable. Une décision de justice coconstruite est une décision mieux acceptée. Dans ce cadre, le juge doit pouvoir proposer et inciter les parties à recourir à un médiateur ou à un conciliateur. L'offre de ces modes amiables de traitement doit également s'étoffer et s'adapter à la nature du litige comme à la personnalité des parties. Je vous annonce que l'obtention d'un accord, même partiel, dans un cadre amiable sera valorisée, y compris financièrement pour les avocats qui interviendront au titre de l'aide juridictionnelle.

En parallèle, il faut simplifier le parcours juridictionnel du justiciable, qui ressemble à un parcours du combattant. Beaucoup a déjà été fait, notamment avec la création du service d'accueil unique du justiciable et des 2 000 points justice. Je veux aller plus loin en facilitant la saisine du juge, en organisant la juridiction en pôles facilement identifiables et, pourquoi pas, en mettant à portée de smartphone les outils pour accompagner le justiciable dans ses démarches. La justice ne doit plus rester en marge de la transition numérique du service public.

Enfin, nous devons poursuivre sans relâche nos efforts de résorption des stocks. En matière civile, ces derniers ont diminué de 28 % au niveau national. C'est absolument considérable. La poursuite de cet effort permis par les recrutements dans la justice de proximité et l'engagement des magistrats et des greffiers passera non seulement par un plan d'embauches massif, mais également par la mise en place d'une équipe pérenne autour du magistrat.

Bien sûr, dans un contexte économique qui s'assombrit, je n'oublie pas la justice économique, qui est un de nos joyaux. Je souhaite m'inspirer des conclusions du rapport Sauvé pour la renforcer, notamment par l'expérimentation d'un tribunal des affaires économiques. Il faudra également favoriser la création d'une filière de juges civilistes compétents en matière économique et encourager les échanges entre magistrats et juges consulaires. Renforcée dans ses missions, davantage ouverte sur le monde judiciaire et économique, notre justice consulaire sera aux avant-postes pour promouvoir le droit français et assurer son rayonnement au-delà des frontières.

Je souhaite, pour conclure, aborder l'un des sujets, si ce n'est le sujet majeur, intéressant l'avenir du ministère de la justice, à savoir celui de sa transformation numérique. Si de nombreux chantiers ont été menés à bien en la matière depuis cinq ans, il reste cependant beaucoup à faire. Tous les agents du ministère en ayant besoin ont été dotés d'un ordinateur portable.

Au-delà de la stratégie numérique à long terme, un travail important sur la capacité des réseaux permettra en fin d'année une augmentation très nette du débit. Celle-ci facilitera la capacité des juridictions à traiter les contentieux et limitera le risque de crash des réseaux.

De même, à la suite des EGJ, je vous annonce qu'une centaine de contractuels spécifiquement formés seront déployés dans les juridictions afin d'assister les tribunaux au quotidien en matière de numérique et d'informatique. Chaque juridiction disposera à terme d'un technicien ou d'un référent informatique présent à demeure sur site.

Tels sont les grands axes de ce que vous me permettrez d'appeler la « saison deux ». Je me tiens bien évidemment à votre disposition pour répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.

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Il est clair que la situation de la justice en France, pour le moins mauvaise, est très certainement le résultat de décennies de politiques publiques défaillantes, comme le relève le rapport Sauvé. Ce rapport, demandé par le Président de la République, visait à réhabiliter le service public et à restaurer le pacte civique entre la nation et la justice. C'est dans cet esprit que vous avez donné un mandat de liberté à la commission Sauvé, comme le reconnaissent les rapporteurs eux-mêmes. Votre directeur de cabinet, M. Combrexelle, a été extrêmement actif dans cette opération.

Les propositions sont nombreuses ; vous en avez évoqué une bonne partie. Vous en avez tiré les conséquences dans de nombreux cas, notamment en ce qui concerne la clarification du rôle de la justice par rapport aux autres institutions, problème fondamental mais jamais bien traité. Je pense également au renforcement de la première instance et au retour à la collégialité, ainsi qu'au rôle des cours d'appel, qui sont complètement débordées. Par ailleurs, la gestion des ressources humaines est fondamentale ; elle concerne le travail autour du juge, mais pas uniquement. Vous avez également évoqué une totale refonte de la stratégie numérique et la réorganisation du pilotage déconcentré du ministère.

Le chantier est gigantesque, sans même parler des difficultés sectorielles que vous avez mentionnées – dans le domaine civil, économique et commercial. Vous entamez le dernier cycle de concertation dans un esprit qui me semble meilleur que celui qui avait précédé : les syndicats de magistrats reviennent autour de la table ; c'est une excellente chose, qui prouve que la démarche porte ses fruits. J'ai pris connaissance avec satisfaction des propos très positifs du président du Conseil national des barreaux.

Vous avez vous-même évoqué les évolutions budgétaires colossales. Cette année, par exemple, l'École nationale de la magistrature accueillera 380 auditeurs de justice, contre 85 l'année où j'y étais intégré.

Je souhaitais connaître votre feuille de route et les suites que vous entendiez donner aux EGJ. Vous avez donc répondu par avance à mes questions. Nous serons à vos côtés pour conduire les nombreux chantiers que vous avez évoqués.

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Alors que vous vous êtes exprimé pendant trente minutes, vous n'avez pas eu le moindre mot pour les victimes. C'est dire la place que vous leur accordez dans le procès pénal.

Il y a le feu à la maison justice. Les membres du comité des EGJ ont unanimement partagé – fait assez rare pour être souligné – le constat d'une crise majeure de l'institution judiciaire. Ils ont mis en évidence « l'état de délabrement avancé dans lequel l'institution judiciaire se trouve aujourd'hui ». Certains en arrivent même à évoquer une « clochardisation » de la justice. C'est dire l'état de décrépitude dans lequel elle se trouve. Elle ne parvient plus à tenir son rôle pourtant si nécessaire à la cohésion de la société. La situation s'explique certes par un manque criant de moyens humains, mais aussi par un manque de moyens matériels et budgétaires.

La France compte 15 magistrats pour 100 000 habitants, soit moitié moins que la moyenne européenne. À cette pénurie d'effectifs s'ajoutent une pénurie de matériel, un outil informatique totalement obsolète, des audiences nocturnes et des milliers de dossiers en souffrance dans les tribunaux – ce que vous avez appelé les « stocks ». Bref, les acteurs du secteur judiciaire sont découragés, épuisés et submergés.

Conséquence de ce qui précède, la collégialité, qui est tout de même le gage d'une justice de qualité, a depuis longtemps, pour ne pas dire très longtemps, laissé la place à des audiences à juge unique, ce qui est totalement inacceptable dans la plupart des dossiers.

En matière pénale, les audiences de comparution immédiate ne permettent pas de rendre une justice de qualité : tout est traité très rapidement, sans que les magistrats et les avocats aient le temps de bien prendre connaissance des dossiers.

Tout cela contribue à multiplier le prononcé de courtes peines d'emprisonnement, voire de mesures alternatives à la prison, d'autant que, dans le même temps, il n'y a pas assez de places en prison. Cette situation amène les juges d'application des peines (JAP) à se conduire en gestionnaires de stock de places de prison, ce qui est proprement inadmissible : ce sont des magistrats. Cette situation inqualifiable suscite une incompréhension grandissante parmi les justiciables et un découragement abyssal des professionnels de justice, accru par les vagues de réformes en tout genre qui se sont succédé, notamment en matière procédurale, alors même que le résultat n'est pas au rendez-vous – tant s'en faut.

Allez-vous laisser les justiciables et l'ensemble des acteurs du monde judiciaire dans cette situation de désespérance totale ? Allez-vous laisser la justice s'éloigner un peu plus chaque jour du justiciable, ou bien allez-vous enfin vous saisir de cette crise majeure ?

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Il n'y a qu'à lire quelques titres et intertitres du rapport du comité des EGJ pour constater l'état de délabrement de l'institution judiciaire. En voici quelques morceaux choisis : « Une justice au bord de la rupture », « La justice ne parvient plus à protéger les plus fragiles », « Des acteurs en souffrance », « Un sous-investissement chronique ». Tout cela est pour le moins éloquent. Face à ce constat, vous nous parlez du budget pour 2023, dont vous êtes très fier. Pourtant je vous le dis : ne vous en gargarisez pas.

D'ailleurs, vous le savez tellement bien que vous venez nous annoncer, primeur conférée à la commission, une loi de programmation. Parlons-en, puisque c'est le sujet du jour. À quoi pouvons-nous la comparer ? Pour ma part, je la comparerai à celle du ministère de l'intérieur, qui s'établit à 15 milliards d'euros. Combien avez-vous obtenu ?

Sur le fond, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) propose d'éliminer des juges pour la gestion de centaines de nouveaux délits par la création d'amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Êtes-vous pour une telle solution, qui revient à éliminer les juges, le contact humain, le contradictoire et à rendre les peines automatiques ? Êtes-vous favorable à cette défiance vis-à-vis du juge ?

J'entends vos propos selon lesquels il convient d'éviter la justice privée. Je vois bien qu'incidemment vous essayez de surfer sur la polémique du jour en pointant du doigt les partis qui ont mis en place des cellules de veille sur les violences sexistes et sexuelles. Faites attention, ne vous mêlez pas de ce qui ne vous regarde pas. (Exclamations.) Ce qui vous regarde, c'est le bon fonctionnement de la justice. Si les femmes craignent d'entrer dans les commissariats, si elles ont si peu confiance dans la capacité du système judiciaire à les protéger, il y a une raison ; et c'est cela qui vous concerne.

Du reste, pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le garde des sceaux, mais vous n'êtes pas contre la justice privée, dans la mesure où vous ne vous opposez pas à l'arbitrage. L'arbitrage commercial est une justice privée contre laquelle vous n'avez jamais rien dit. Vous n'avez rien non plus contre la déontologie. Votre ancienne profession et la mienne sont régies par une déontologie sans que cela ne pose problème à personne. Faites donc ce que vous avez à faire.

Un sénateur a annoncé récemment qu'un projet de loi relatif à la justice du quotidien serait en cours d'élaboration. Peut-on en savoir davantage ou doit-on systématiquement apprendre vos projets par la presse ?

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Je rappelle que, selon la règle que nous avons édictée la semaine dernière, lorsque vous vous adressez d'une manière virulente au ministre, celui-ci peut vous répondre de la même manière sans que cela puisse vous émouvoir.

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Vous nous avez décrit un monde merveilleux où tout serait parfait. Je crois, hélas, que nos concitoyens, tout comme les magistrats, vivent au quotidien une situation très différente. Vous nous avez annoncé une hausse des moyens, mais celle-ci est très largement en retard sur l'augmentation de la violence qui frappe malheureusement la société.

S'agissant de la violence des mineurs, il y a deux ans, lors de votre première audition devant la commission des lois, vous avez évoqué la possibilité de reprendre une de mes propositions – le compte rendu en fait foi – qui concernait l'encadrement de type militaire des mineurs délinquants. Une loi existe en la matière, celle relative au service citoyen pour les mineurs délinquants. Qu'en est-il de son application et des moyens débloqués par votre lointain prédécesseur en la matière ?

Vous avez dit, et c'est étonnant, que les projets de prison poussent comme des champignons. Je crains qu'il ne s'agisse de champignons hallucinogènes car, pour le moment, sur le terrain, peu de choses sont perceptibles. Qu'en est-il, à ce propos, de l'évolution du projet de nouvelle prison dans le département des Alpes-Maritimes, bloqué depuis des années ? Le préfet m'a dit que vous disposiez d'une solution. Je serais curieux de la connaître car, à ce stade, la maison d'arrêt de Nice est dans un état de vétusté avancé, sans caméras, avec des conditions de sécurité indignes d'un établissement pénitentiaire.

Les AFD relèveront de la LOPMI mais, en tant que garde des sceaux, vous avez nécessairement un avis sur le sujet. Selon l'avis du Conseil d'État du 7 septembre 2022, reprenant celui du 12 mars, ces amendes vont supprimer 3 400 délits, qui ne pourront plus être poursuivis. Je n'ai rien contre l'amende forfaitaire délictuelle, qui peut être un facteur d'accélération de la justice, mais j'aimerais connaître votre position.

Le ministre de l'intérieur, qui se soucie beaucoup de la justice – et il a raison, tant il s'agit d'un des points bloquants pour l'amélioration des conditions de sécurité –, a évoqué la possibilité de revenir à la double peine pour les condamnés d'origine étrangère. Quelle est votre position sur cette proposition ?

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Le groupe Démocrate est résolument engagé en faveur de tout ce qui permettra de numériser l'État au profit de nos concitoyens, tant pour simplifier les démarches que pour limiter les coûts inutiles. C'est la feuille de route du ministre chargé de la transition numérique et des télécommunications, Jean-Noël Barrot, et du gouvernement pris dans son ensemble. Mes questions seront donc consacrées à ce sujet.

Je voudrais, en préambule, évoquer un cas précis : celui du site d'information financière Pappers. Ce site privé propose, en accès libre et gratuit, les éléments financiers d'information sur les entreprises. Or, alors que certaines entreprises souhaitent la plus grande confidentialité sur ces éléments, Pappers reconstitue les comptes déposés confidentiellement au registre national du commerce et des sociétés (RNCS). Le ministère de la justice entend-il se saisir de la question du respect des textes par les opérateurs privés qui s'alimentent auprès du RNCS, ouvert en open data, par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Les usages du numérique font désormais partie de la vie quotidienne de nos concitoyens et nous voyons bien que le secteur privé s'emploie à les faciliter. En matière de justice, les usages sont attendus et pris en charge par le secteur privé – comme en témoigne l'exemple que je donnais précédemment –, notamment du fait d'une faible numérisation de la justice et de l'abandon depuis plusieurs années, et encore récemment, de plusieurs projets. La place du ministère, en ce domaine, est universellement perçue comme assez faible – et c'est un euphémisme. Dans d'autres pays, se développent des logiciels d'aide à la décision en matière judiciaire, c'est-à-dire des logiciels de justice prédictive. Concrètement, quelle est la feuille de route numérique du ministère de la justice pour les prochains mois et au profit de nos concitoyens ?

Enfin, et c'est mon inquiétude depuis de longs mois, comment allez-vous fonctionner à partir du 1er janvier prochain, pour que les procureurs puissent continuer à effectuer les réquisitions de fadettes et de métadonnées de connexion dans les enquêtes qu'ils conduisent ? La censure constitutionnelle et les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) relatives à ce sujet n'ont pour l'instant fait l'objet d'aucune réponse législative.

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Les EGJ, qui se sont déroulés entre la fin 2021 et avril 2022, ont dressé un constat accablant de la défaillance du service public de la justice. Nous devons d'ailleurs nous interroger sur la situation d'autres services publics. Les plus fragiles se sont depuis longtemps éloignés de l'institution judiciaire ; ils règlent comme ils le peuvent leurs litiges civils. Ce malaise est aussi celui de l'ensemble des professionnels, auxquels nous devons rendre hommage.

La question majeure est donc celle de l'accès à la justice dans la France du xxie siècle. Les délais doivent être compatibles avec la vie que nous menons. Cela vaut pour le premier ressort, mais aussi pour l'appel. En matière de prud'hommes, notamment, les délais de traitement sont tout à fait incroyables et alarmants.

Vous avez exprimé, et nous vous en remercions, la volonté de sortir la justice de l'ornière dans laquelle elle se trouve. Il y a là une véritable urgence, de la gravité et de l'inquiétude. Vous avez utilisé le terme de coconstruction, mais comment envisagez-vous procéder avec le Parlement s'agissant d'une réforme de long terme ? En effet, nous ne ferons rien de tangible en un an. Le rapport du comité présidé par Jean-Marc Sauvé, à travers ses 217 pages, a rappelé la nécessité d'une réforme systémique.

Année après année, nous avons examiné et voté des lois, sans résultats probants. Comment allez-vous garantir l'efficacité des mesures que vous prenez et des avancées que nous devons absolument réaliser dans le cadre de cette réforme et du plan de programmation que vous avez annoncé ?

J'ajouterai que, s'il est bon et important d'investir régulièrement, il faut aussi une vision et un pilotage. Sur ce point, nous n'avons pas de garantie. J'aimerais savoir, à cet égard, comment vous concevez ces réformes.

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Mon groupe est absolument en ligne avec les priorités déclinées dans la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre. Je pense en particulier à la manière dont vous incitez les parquets à prendre attache avec les élus – maires et présidents de conseils départementaux, en premier lieu – et à renforcer les échanges avec eux.

La question des victimes de squats me tient particulièrement à cœur. Or un arrêt de la Cour de cassation du 15 septembre m'interroge. La Cour y développe l'idée selon laquelle il est indispensable d'entretenir un local, même s'il est occupé par une personne sans droit ni titre, car la responsabilité du propriétaire est engagée en cas d'accident. Une personne dont le local est squatté devrait donc indemniser son squatter blessé en cas de défaut d'entretien du local. Je souhaite vivement que l'on puisse discuter de ce thème dans le cadre d'une loi au cours de cette législature : le droit de propriété ne doit pas être supplanté par tous les autres droits subjectifs.

Depuis le 30 mars 2021, l'outil baptisé « Mon suivi justice » permet d'envoyer une convocation aux personnes sous main de justice par SMS et programme automatiquement un rappel quarante-huit heures avant la convocation. Quel est le bilan de cette expérimentation numérique visant à lutter contre la non-présentation aux rendez-vous ? Comptez-vous élargir les modalités de son utilisation, notamment à la période préalable au jugement ?

Depuis le 1er juillet 2022, il est possible de changer son nom de famille par simple déclaration à l'état civil. Cette réforme toute récente fait-elle l'objet d'une évaluation et d'un bilan ? Disposez-vous de retours, notamment sur le nombre de personnes s'étant saisies de cette possibilité ?

Enfin, dans le droit fil de la question d'actualité posée par notre collègue Laurence Vichnievsky le 26 juillet et de l'intervention de M. Latombe à l'instant, je souhaiterais connaître les évolutions législatives que vous envisagez d'introduire pour faire face à la situation créée par plusieurs arrêts de la Cour de cassation en date du 22 juillet 2022 relatifs à la conservation des données de connexion et à leur accès dans le cadre des procédures pénales.

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La justice est « au bord de la rupture ». Ce sont les termes du comité des EGJ, présidé par Jean-Marc Sauvé, dont le rapport accablant a été rendu le 8 juillet.

Le personnel n'a plus les moyens de rendre une justice de qualité. Les cadences sont infernales et la perte de sens évidente. Nous en sommes à faire ce qu'il convient d'appeler de l'abattage. Cela n'est pas rendre la justice. La situation s'explique par le manque de magistrats et de greffiers. La justice française est sous-financée. J'ai entendu vos annonces, mais la comparaison avec nos voisins européens reste cruelle. Le justiciable est la victime collatérale de ce manque de moyens. Le recours à la justice est un parcours du combattant. Les délais de jugement sont désespérément longs et ce sont les plus faibles qui en souffrent les premiers.

Quant aux prisons – Mme Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, vous le rappelle dans une récente tribune –, le véritable scandale réside non pas dans les activités récréatives, mais bien dans la surpopulation carcérale et l'insalubrité : 700 personnes dorment chaque nuit sur des matelas à même le sol, côtoyant parfois les rats, les punaises ou les cafards. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour ces traitements inhumains et dégradants. Cela doit cesser.

La confiance de nos concitoyens dans l'institution judiciaire est un enjeu fondamental. Je le dis avec d'autant plus de gravité qu'il faut aujourd'hui défendre le droit et l'État de droit face à la montée du populisme. La crise n'est pas une fatalité, les solutions sont sur la table. Je salue l'annonce du recrutement de magistrats et de greffiers, tout en restant dans l'attente de leur traduction sur le terrain, mais qu'en est-il des moyens matériels ? Vous n'en avez que peu parlé.

Allez-vous, par ailleurs, revaloriser le statut et la formation des greffiers ? Allez-vous renforcer les services d'insertion et de probation ? Comptez-vous réduire les courtes peines ? Allez-vous développer les peines alternatives et revaloriser le milieu ouvert ? Au-delà du plan immobilier que vous annoncez, que comptez-vous faire pour mettre fin à la surpopulation carcérale ?

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Ma première question concerne les moyens alloués à la justice, en particulier dans les territoires d'outre-mer. Vous annoncez une hausse des budgets ; c'est un bon début, mais, malheureusement, cette hausse est faible au regard des besoins des territoires, notamment outre-mer. Le ministère dont vous avez la charge est complètement exsangue. Vous avez reconnu vous-même que les besoins financiers et humains étaient énormes. À cet égard, ce que vous avez annoncé est insuffisant.

À La Réunion, où je suis non seulement élue mais aussi avocate, nous comptons un magistrat du parquet pour 3 000 dossiers. La charge de travail de ces fonctionnaires est huit fois supérieure à celle de leurs collègues qui exercent sur le territoire hexagonal. Ce manque de moyens se combine avec une hausse très importante des violences intrafamiliales : 20 % de plus entre 2019 et 2021.

La situation carcérale n'est malheureusement pas en reste. Dans la presse locale de ce matin, la population a découvert un détenu qui fait le buzz en se filmant en direct de sa cellule ou dans la cour de l'établissement. Nous manquons par ailleurs cruellement de places en milieu pénitentiaire, tant et si bien que, par exemple, les majeurs atteints du covid-19 sont placés dans les mêmes quartiers que les mineurs.

Pour les avocats, la dotation annuelle au titre de l'aide juridictionnelle était épuisée dès le mois de juin. Je dispose malheureusement d'exemples accablants du même type en grand nombre, y compris dans le domaine de la justice civile, où les moyens manquent également cruellement. Les professionnels du monde judiciaire n'attendent pas un énième décret Magendie. Nous ne vous demandons pas de créer des caducités et des irrecevabilités ou nullités à la pelle pour éviter d'avoir à rendre la justice, modifiant ainsi artificiellement les résultats. Nous attendons des solutions immédiates et concrètes. Quelles mesures comptez-vous prendre ?

Ma seconde question concerne un sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui concerne spécifiquement La Réunion, ainsi peut-être que d'autres départements d'outre-mer. Le département compte 100 000 personnes illettrées et ne maîtrisant pas la langue française –elles parlent exclusivement la langue créole. Or la cour d'appel ne dispose d'aucun expert en langue créole. Ces justiciables doivent donc faire face à des magistrats qui parlent uniquement le français et dont ils ne peuvent pas se faire comprendre. Serait-il possible de recruter des experts en langue créole ?

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Chacun partage ce constat : la justice ne répond pas aux attentes de nos concitoyens. Les causes sont multiples et partagées. Elles correspondent d'abord à un manque de moyens, mais également à un défaut d'organisation. Vous venez de présenter votre volonté d'action et vos grandes orientations. Je dois dire que je les partage et les soutiens. Nous avons tous, quel que soit notre rôle – vous au Gouvernement, nous au Parlement –, le devoir de faire en sorte que les cinq années qui viennent soient utiles pour améliorer le fonctionnement de la justice.

Je me permettrai de me concentrer sur la justice pénale, qui, malheureusement, illustre les dysfonctionnements de notre pays. La justice pénale ne peut être efficace que si elle est un maillon de la chaîne pénale qui donne toute son efficacité au travail d'enquête des forces de l'ordre. Par ailleurs, elle ne peut être efficace qu'en prononçant des sanctions rapidement et à la condition que celles-ci soient rapidement exécutées.

Je suggérerai donc deux priorités. La première est de faire preuve de sobriété législative : nous disposons de l'essentiel des dispositions pénales nécessaires. La seconde est de concentrer les moyens de sorte que nos concitoyens constatent que les décisions de justice sont appliquées.

Vous avez eu des mots très forts lors du dixième anniversaire de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Nous sommes encore loin de ce que nous pouvons faire en la matière, même si les chiffres de l'année dernière sont au plus haut en matière de saisies et de confiscations des biens. Il est important que, quel que soit le secteur, un exemple de parcours réussi, avec le train de vie que cela suppose, ne puisse être fondé sur le trafic et la délinquance. Oui, il faut que les voitures et tous les autres signes ostentatoires de richesse liés aux trafics soient saisis. Oui, il faut que les personnes condamnées à des peines de prison et leurs proches ne retrouvent pas à leur sortie le produit de la violation des lois, y compris les gains patrimoniaux qu'ils ont engrangés.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Monsieur Paris, on ne réforme pas la justice sans avoir préalablement recueilli son consentement. La justice est une vieille dame craignant les modifications qui peuvent intervenir ; elle l'a déjà démontré par le passé. La création du juge des libertés et de la détention (JLD) a fait, en son temps, l'objet de discussions et de critiques virulentes. Qui aujourd'hui oserait contester le JLD ? Je me suis fixé pour méthode de ne pas intervenir dans le Comité des EGJ pour le laisser travailler en toute liberté. Je n'ai pas davantage apposé ma patte dans les différents ateliers créés. Je ne voulais pas que l'on dise qu'au fond tout cela n'était qu'une forme de mystification permettant à la volonté du ministre de s'exprimer au fil de la temporalité assez longue durant laquelle les EGJ ont travaillé.

Une fois le rapport Sauvé et ses annexes rendus, j'ai organisé une très large concertation. Ainsi, nous avons mis en place une nouvelle gouvernance. J'aurais pu décider avec mon cabinet et imposer mes choix, fût-ce sous le strict contrôle du Parlement. Mais nous nous sommes dit que nous ne pourrions modifier les choses qu'en recueillant au préalable un large consensus.

J'ai pris beaucoup de temps et procédé en deux étapes. J'ai rencontré les syndicats qui le souhaitaient – pas tous la première fois, puis davantage la deuxième. J'ai rencontré les forces de sécurité intérieure, ainsi que des compatriotes qui avaient fait valoir un certain nombre de propositions sur la plateforme, mais aussi des magistrats, des avocats, des greffiers et des directeurs de greffe – bref, tout le monde. De ces concertations, qui ne sont pas encore tout à fait terminées – n'allons pas trop vite ; il reste une semaine de travail –, des éléments se dégagent.

Parmi les lignes de force, apparaît l'impérieuse nécessité de simplifier la procédure pénale. Nous parlions tout à l'heure d'inflation législative ; je veux, pour ma part, procéder à une déflation. Pour ce faire, il faut tout de même passer par un texte, que nous envisageons de présenter dans deux ans. Le Parlement sera bien évidemment associé à son élaboration, madame Untermaier.

En matière civile, le réglementaire occupe une place importante, mais je tiens à associer les parlementaires. Certaines lignes de force se dégagent, même si les arbitrages n'ont pas encore été rendus. Parmi elles, il y a la médiation, ainsi que l'importance de l'équipe entourant le magistrat – approche tout à fait nouvelle et qui permet de remédier à certains des problèmes soulevés par les jeunes dans la « tribune des 3 000 », à savoir la solitude du magistrat et le sens de sa mission. Il faut également aller plus vite. Le fait de placer un juriste assistant auprès d'un magistrat permet de diviser par deux le temps nécessaire à la rédaction d'une décision. D'aucuns ne veulent pas l'entendre, mais je le répète : nous enregistrons un déstockage massif au niveau national en matière familiale, au sein du pôle social, dans le contentieux de la protection et en matière pénale. Ces progrès s'expliquent par l'apport de ce que nous avons appelé les « sucres rapides ».

En ce qui concerne les suites des états généraux, les discussions sont en cours nous avons identifié plusieurs pistes. Je relève, par exemple, que le rapport de Mme Lottin, dont vous avez dû prendre connaissance, suggère deux possibilités pour créer une équipe autour du magistrat. Que choisirons-nous ? Je propose les deux options aux conférences, aux magistrats et aux greffiers, ils apportent une réponse et je prends tous ces éléments en considération. Nous voulons proposer un plan d'action consensuel. C'est en ce sens que nous procédons à un changement de gouvernance : je ne veux pas que la démarche parte du haut pour ensuite irriguer les différents services, je souhaite une démarche de coconstruction.

Madame Bordes, vous n'avez pas été attentive car, contrairement à ce que vous avez affirmé, j'ai prononcé trois fois le mot « victime ». Ce n'est pas grave ; vous avez cru devoir tenir ces propos, je ne vous en veux pas. J'ai probablement été trop long et peut-être vous ai-je perdue, alors que votre attention me semblait acquise.

En matière d'embauches et de moyens, je voudrais relever que vous proposiez de porter à 9 000 le nombre de magistrats, alors que nous avions déjà largement dépassé ce chiffre. Vous proposiez par ailleurs une peine de réclusion criminelle à perpétuité qui existait déjà. Telles étaient les deux propositions phares qui figuraient dans votre livre blanc – vous en aviez vous-même choisi la couleur. C'est dire le sérieux de vos propositions !

Un tweet de l'Union syndicale des magistrats (USM) évoquait ce matin même un « triplé historique ». Le terme de « clochardisation » a pour sa part été utilisé par un ministre socialiste – comme quoi les emprunts peuvent être utiles –, à une époque où nous étions loin d'avoir obtenu les budgets qui sont les nôtres. Il est toujours possible de critiquer. Quant à moi, la démarche que je propose, qui vaut pour moi mais aussi pour toute action publique, consiste à voir d'où on vient, où on se trouve et où on va. Je le reconnais, il reste des choses à faire. J'annonce un plan d'embauches massif et j'ai évoqué le budget pour 2023. Mais il faut quand même se souvenir que nous avons déjà embauché 700 magistrats, 850 greffiers, 2 000 personnels supplémentaires. Personne avant nous ne l'avait fait.

L'USM, qui a assisté ce matin à la présentation, a donc parlé de « triplé historique ». Les mots ont un sens. Vous pouvez toujours dire que vous feriez mieux, que vous feriez plus. « Y'a qu'à, faut qu'on, faudrait » – j'entends bien, mais les victimes sont bien au cœur de la politique que je mène. D'ailleurs, dans mon discours – peut-être, à ce moment-là, vous ai-je encore perdue –, j'ai décliné ce que nous avions fait pour concrétiser les promesses du Grenelle des violences conjugales. Personne ne peut sérieusement dire que nous n'avons rien fait – je pense notamment aux bracelets antirapprochement et aux téléphones grave danger. Si vous saviez le nombre d'infractions et de violences qui ont été évitées ! Nous avons multiplié les ordonnances d'éloignement, œuvré pour l'hébergement des victimes ainsi que des auteurs – car ces derniers doivent eux aussi être hébergés pendant la période critique au cours de laquelle ils considèrent que « leur » femme est dans « leur » maison. Bref, nous trouvons des solutions. Votre question tenait davantage de la critique, assez peu constructive du reste, mais je pense y avoir répondu.

Monsieur Ciotti, au fond, à chaque fois que nous avons une bonne idée, c'est que c'est la vôtre. Cela peut arriver, mais votre vision de l'armée et de la jeunesse n'est pas la mienne. L'expérimentation que nous conduisons consiste à envoyer en stage auprès de militaires de jeunes délinquants en centre éducatif fermé. Autrement dit, il s'agit de jeunes ayant donné dans la délinquance « de haut niveau ». Nous serons d'accord pour dire que des stages de ce type peuvent leur apporter le sens de la solidarité, du dépassement de soi et de la discipline. On se lève le matin, on est cadré et encadré d'une manière à la fois ferme et bienveillante. Toutefois, certains de ces jeunes ne sauraient le supporter. Ce n'est donc pas la peine de les envoyer suivre ces stages. Si tel n'était pas le cas, nous disposerions là d'une solution magique : il suffirait de mettre tous les gamins dans des bus et de les envoyer dans une caserne. Je laisse ce projet à d'autres… Bien entendu, ce n'est pas ainsi que les choses se passent : il faut au préalable l'expertise de la PJJ. Toujours est-il que l'expérience a fonctionné. Le Président de la République a promis, dans sa campagne, d'intensifier l'expérimentation et de la transformer en dispositif pérenne. J'y travaille avec Sébastien Lecornu. Toutefois, le projet est assez éloigné de ce que vous préconisiez.

Le Conseil d'État a soulevé certaines réserves quant à l'extension des AFD. Nous tiendrons compte de son avis, cela va de soi. Nous procéderons dans le respect de l'État de droit.

S'agissant de la construction de prisons, je dirais, si j'osais une familiarité – mais j'ai trop de respect pour l'homme et le parlementaire que vous êtes –, que vous êtes « gonflé ». Tout de même, n'est-ce pas vous qui vous êtes opposé à la construction de la prison de Saint-Laurent-du-Var ?

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Vous aviez aussi la possibilité de me faire des propositions.

Je sais quels ont été mes interlocuteurs. La semaine dernière encore, je travaillais avec Christian Estrosi pour trouver un terrain.

Je vais vous donner un autre exemple. Vous avez dit sur un plateau de télévision, à la suite d'un événement terrible – je pense à la vieille dame rouée de coups et dont l'agression a été filmée –, qu'il fallait absolument construire des CEF. Pourquoi ne me proposez-vous pas de terrains à cette fin ?

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Nous l'avons fait : nous en avons proposé à vos prédécesseurs, notamment Mme Taubira.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je sais que je suis Mme Taubira en pire, mais tout de même…

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Cela relève de votre responsabilité ! Il ne faut pas exagérer !

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Certes, il ne faut pas exagérer, mais vous n'allez pas vous en tirer comme ça : vous ne m'avez jamais fait le début du commencement d'une proposition. Jouer le sécuritaire, c'est bien, mais c'est un peu comme les frites McCain : ce sont ceux qui en parlent le plus qui en mangent le moins. J'attends toujours que vous me soumettiez une proposition.

J'ai dit de manière claire et nette que j'étais prêt pour un CEF et pour un établissement pénitentiaire. Demandez à votre ami M. Lisnard de me trouver un terrain à Cannes pour construire un CEF.

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Vous tombez dans la démagogie ! Ce n'est ni à un maire ni à un président de région de construire un CEF !

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Ce n'est pas de la démagogie, monsieur Ciotti. Ce que vous dites n'est pas juste : les terrains sur lesquels nous construisons des établissements pénitentiaires n'appartiennent pas au ministère de la justice. Chacun ici le sait pertinemment. Depuis que je suis ministre, la tâche qui m'a pris le plus de temps est celle qui consiste à convaincre les gens, dans chaque circonscription, dans chaque commune, de la nécessité de construire des établissements. La prison, c'est toujours pour la circonscription ou la commune d'à côté.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

J'y viens !

Seuls ceux qui ont bien compris cette nécessité et qui n'ont pas adopté une posture de critique nihiliste acceptent de mettre des terrains à ma disposition et me demandent d'envoyer des agents pour les expertiser.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Vous n'avez rien fait du tout.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je ne vous permets pas de dire cela.

À Grasse, il n'y avait pas besoin d'un tel établissement. Ce qu'il fallait, c'était un établissement pénitentiaire proche de Nice, pour une raison simple : il y a un tribunal de grande instance (TGI) et une prison à Nice. En raison de critères établis notamment par l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), Grasse ne convenait pas. Je vous l'ai dit à de nombreuses reprises. « Y'a qu'à, faut qu'on », c'est un peu facile.

Vous avez parlé de « champignons hallucinogènes ». Ces propos sont drôles, vous ferez le buzz et vous aurez une dépêche AFP, mais ce que vous dites n'est pas exact. En 2022, quatre établissements ont été livrés : en Nouvelle-Calédonie, à Caen, à Montpellier et au Mans-Coulaines. En 2023, dix établissements pénitentiaires seront livrés pour environ 2 000 places. Cet été, j'ai mis un casque et je me suis rendu sur les chantiers. Je pousse au mouvement car je veux que les établissements sortent de terre. Sept structures d'accompagnement vers la sortie sont programmées pour 2023, dont celles d'Avignon, de Valence, de Meaux et d'Osny, ainsi que trois centres pénitentiaires, dont Caen et Troyes-Lavau. Une prison expérimentale de type INSERRE est programmée. Au total, 615 millions d'euros sont affectés à l'immobilier en propriété de l'administration pénitentiaire.

Nous allons nous réconcilier : accompagnez-moi lors de ma prochaine visite en prison. Vous verrez que je n'ai pas absorbé de champignons hallucinogènes, que les établissements sortent bien de terre, qu'ils seront prêts dans les temps et que nous serons au rendez-vous des promesses présidentielles.

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En ce qui concerne Nice, vous n'avez pas été très bon !

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je vais exproprier votre permanence pour y construire un établissement pénitentiaire, monsieur Ciotti. Enfin, ce n'est pas sérieux ! Le ministère de la justice n'est pas propriétaire des terrains.

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Vous pouvez recourir à la déclaration d'utilité publique. Prenez donc vos responsabilités !

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Vous ne m'avez rien proposé : que tout le monde le sache.

Je continue à chercher un terrain avec Christian Estrosi. Il n'y a rien de plus complexe. Vous vous êtes défaussé et aujourd'hui vous faites comme un certain nombre d'autres : vous versez dans la critique nihiliste, sans rien apporter.

Madame Garrido, les EGJ et le rapport Sauvé ont effectivement relevé le manque de moyens. Il faut cependant relever que ce rapport, pour une question de temporalité, n'a pas pu prendre en compte l'apport des embauches de contractuels. Il s'arrête à un moment où, chronologiquement, les jeunes gens en question n'étaient pas arrivés dans les juridictions. Le rapport Sauvé ne mentionne donc pas le déstockage massif dont j'ai parlé.

Vous avez évoqué, par ailleurs, la justice privée. J'ai la faiblesse de penser que cette justice me concerne un tout petit peu. Or certaines pratiques me chagrinent. Certains principes doivent impérativement être respectés, tels que le contradictoire, la présomption d'innocence et la prise en compte de la parole des victimes. En ce qui concerne ce dernier aspect, la formation des forces de sécurité intérieure a été améliorée, et les magistrats suivent une formation continue à l'École nationale de la magistrature.

En 2017, il n'y avait pas de connexion wifi dans les tribunaux et le personnel ne disposait pas d'ordinateurs ultraportables. Quant aux chiffres correspondant aux magistrats et aux greffiers que nous avons embauchés, je ne les répéterai pas. L'augmentation budgétaire de 8 % trois années de suite est un fait historique et proprement inédit.

Il est impératif que la justice dispose des moyens nécessaires pour mieux fonctionner, mais ce n'est pas suffisant. Certaines réformes structurelles sont nécessaires. Au civil, par exemple, le rattrapage auquel nous procédons n'aura de sens que si nous réduisons également les délais et rendons la justice plus proche. La proximité, ce n'est pas rien. Cela suppose de rouvrir certains tribunaux, ou encore d'augmenter le nombre de points justice où ceux de nos compatriotes qui sont les plus démunis et défavorisés vont chercher conseil – ce sont des lieux où les premiers conseils sont donnés de façon confidentielle et gratuite. Nous allons poursuivre cette démarche de justice de proximité en lui apportant davantage de moyens.

Les syndicats de magistrats et du personnel pénitentiaire ont salué des avancées qualifiées d'historiques. On peut tricher avec les mots, dire que blanc est noir et que noir est blanc, mais avec les chiffres, ce n'est pas possible. Si l'on est objectif, et je sais que vous l'êtes, on est contraint de reconnaître que la justice n'a jamais été aussi bien dotée budgétairement que ces dernières années. C'est vrai non seulement depuis que je suis garde des sceaux, mais aussi, plus largement, depuis qu'Emmanuel Macron a été élu Président de la République : les crédits ont augmenté de 40 % au total.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Elle est indispensable car elle va rendre la tendance pérenne. Il y aura 10 000 embauches au total – 1 500 magistrats, autant de greffiers et d'autres personnels –, mais il faut préciser les choses année par année. Par exemple, s'agissant du personnel pénitentiaire, tout dépendra de la livraison des nouveaux établissements. Il n'est pas possible de prévoir dans le budget pour 2023 tout ce qui sera fait d'ici à 2027, mais les engagements sont pris. Nous aurons un échange très approfondi sur les questions budgétaires. J'ai l'immodestie de penser, madame la députée Garrido, que je vais pleinement vous rassurer. Votre sourire me permet déjà de me dire que je ne me trompe pas complètement.

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Quid des amendes forfaitaires délictuelles ?

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Les AFD ont montré leur efficacité. Les parquets les utilisent largement. Les procureurs et les forces de sécurité intérieure demandent la déjudiciarisation de certains délits. Même s'il faut composer avec les limites posées par le Conseil d'État et faire preuve de pragmatisme, les AFD doivent être utilisées chaque fois que c'est possible.

Au titre des simplifications de la procédure pénale, nous envisageons – mais les arbitrages ne sont pas encore rendus – de faire en sorte qu'un certain nombre d'actes constitutifs d'infractions ne le soient plus. Je pense notamment aux injures, ou encore à la dualité qui prévaut en certaines matières. La demande émane des EGJ. Est-il normal qu'en matière routière il y ait à la fois une sanction administrative et une sanction judiciaire ? Ne pourrait-on pas simplifier les choses ? Il est permis d'y réfléchir, sans aucun dogmatisme, car le but est de déjudiciariser, c'est-à-dire de gagner du temps de magistrat, pour une justice plus rapide et plus qualitative, car, comme je le disais, les justiciables se plaignent parfois de ne pas assez voir leur juge. Il faut trouver de nouveaux équilibres.

Vous verrez, lorsque je présenterai les suites données aux états généraux, qu'un certain nombre des solutions esquissées sont excellentes. J'ai tenu à placer toutes les parties prenantes autour de la table pour dégager quelque chose de consensuel, pour éviter que l'on dise que les décisions correspondent à la volonté du garde des sceaux, afin qu'il n'y ait pas d'oppositions politiciennes stériles. Or tout le monde est allé dans le même sens. Lorsque je participe aux conférences de chefs de cour ou de juridiction, en présence des greffiers ou des avocats, nous essayons de coconstruire quelque chose. En matière civile, par exemple, nous avons partagé le constat qu'il fallait modifier le décret Magendie pour rendre les choses plus fluides et moins complexes. Le justiciable s'entend dire, pour l'heure, que son affaire est renvoyée à six ou sept mois, ce qu'il ne peut pas comprendre.

Il y a peu de place, dans certains sujets, pour la petite « poloche ». Nous devons nous unir pour fluidifier les choses et les rendre plus simples et proches des justiciables. C'est un joli but commun. J'ai l'habitude de la coconstruction. Le code de la justice pénale des mineurs en est un exemple : il a été voté au Sénat par une majorité qui n'est pas celle à laquelle j'appartiens. J'ai soutenu avec enthousiasme la proposition de loi de Mme Billon. Le texte relatif aux conditions indignes de détention est le fait du président François-Noël Buffet.

Je ne désespère pas de vous convaincre. Un certain nombre de mesures – les unes petites mais pragmatiques, les autres de grande plus importance – vont dans le bon sens. La justice a besoin de se moderniser. Je la veux plus fluide, plus efficace et plus protectrice. Tel est mon but, et je pense qu'il peut nous être commun.

Monsieur Latombe, s'agissant du numérique, nous entendons « mettre le paquet ». Nous avons en effet conscience qu'il reste beaucoup à faire. La Cour des comptes, qui n'a pas été tendre avec nous, a noté quelques progrès, tout en considérant qu'il fallait continuer à avancer.

J'ai désigné un secrétaire général adjoint, ancien procureur à Amiens et qui était très impliqué dans le numérique, en particulier la procédure pénale numérique (PPN). Il se consacre exclusivement à l'évolution du numérique. Nous allons renforcer les réseaux et désigner un référent numérique dans chaque juridiction. De l'argent sera également débloqué, car la simplification, la fluidité et la rapidité de la justice passent par le numérique.

En 2023, les projets prioritaires du ministère sont la poursuite de la PPN, de Portalis, de l'application de stockage, de traitement et de restitution des antécédents judiciaires (ASTREA) – qui permet la modernisation du casier judiciaire national – et ATIGIP 360, plateforme qui permet aux avocats de prendre connaissance des TIG disponibles et d'en proposer eux-mêmes.

Le TIG est une peine déjà ancienne, qui a fait ses preuves, mais il faut veiller à lui donner du sens. En dépit des efforts très importants que nous avons faits pour relancer le TIG, on constate qu'il est de moins en moins prononcé. Dans ma circulaire de politique pénale générale, je demande donc qu'on accorde davantage d'attention au TIG, car c'est une peine qui fonctionne. Pour certains jeunes, il s'agit de la première expérience de travail.

Vous avez pris connaissance des arrêts rendus par la Cour de cassation au sujet des données de connexion. Nous travaillons de très près sur cette question, parce que les forces de sécurité intérieure et les magistrats ont besoin de ces données. Plus de 60 % des procédures en matière pénale connaissent un épilogue grâce à elles. Il n'est donc pas question que nous abandonnions ces données. Jusqu'à présent, tout a été préservé, notamment grâce au travail tout en finesse du Conseil d'État. De nouveaux arrêts de la Cour de cassation sont intervenus ; nous les prenons en considération et nous travaillons sur la question. Je surveille cela comme le lait sur le feu. Si vous avez des idées à faire valoir, elles sont les bienvenues. Je le répète : ma porte est toujours ouverte pour construire – pas pour la critique nihiliste, qui est lassante.

J'ai grand plaisir à vous retrouver, madame Untermaier. Nous avons beaucoup travaillé ensemble, ce qui prouve qu'un certain nombre de sujets dépassent les clivages politiques. La coconstruction avec le Parlement est essentielle à mes yeux ; je pense l'avoir démontré. Nous allons travailler en étroite concertation avec le Parlement et même vous présenter tous nos projets de textes réglementaires, car il est extrêmement important que vous connaissiez nos objectifs. Tout ne provient pas du ministère. Je fais valoir certaines idées, mais d'autres sont inspirées des propositions recueillies auprès des uns et des autres. Certains d'entre vous ont d'ailleurs souligné avec beaucoup d'objectivité qu'il s'agissait d'une nouvelle manière de travailler et de recueillir l'assentiment. Lorsque j'aurai à présenter des textes législatifs, ce sera un atout de dire que tout le monde est d'accord avec les mesures proposées, qu'il s'agisse des magistrats et des greffiers ou des forces de sécurité intérieure. Tel était mon objectif avec les états généraux de la justice et je pense y être parvenu. Nous avons beaucoup travaillé et le Parlement sera associé de très près à la traduction de leurs propositions, car ils constituent notre bien commun.

Madame K/Bidi, la question de l'interprétariat se pose non seulement à La Réunion, mais aussi dans d'autres territoires – Mayotte, par exemple, est confronté à des problèmes particuliers sur le plan linguistique. Certes, l'enjeu n'est pas pris en compte en tant que tel, mais il est traité à travers l'augmentation des frais de justice, qui est notable et doit permettre aux chefs de juridiction territorialement compétents de régler ces difficultés majeures. Il ne saurait y avoir deux catégories de justiciables : ceux qui ont accès à la justice et ceux qui en sont écartés pour les raisons que vous avez évoquées.

Notre politique numérique n'oublie pas l'outre-mer : la PPN est opérationnelle à La Réunion et en Guadeloupe.

En ce qui concerne l'immobilier, une nouvelle cité judiciaire est en cours de construction à Mayotte. J'irai dans deux jours inaugurer un nouveau tribunal à Saint-Laurent-du-Maroni, ainsi qu'une nouvelle prison prochainement à Koné. Nous voulons aussi créer une task force pendant cinq à six mois pour augmenter le nombre de magistrats à Mayotte et en Guyane. Ces deux départements ont des problèmes d'attractivité et je considère qu'ils devraient constituer des tremplins pour la carrière des magistrats et des greffiers qui vont y travailler. Ces mesures feront l'objet d'une déclinaison plus précise et je propose de vous recevoir à la Chancellerie pour exposer très précisément notre programme en ce qui concerne l'outre-mer.

Monsieur Pradal, des mesures ont été prises pour faire baisser le nombre des rendez-vous non honorés par les personnes placées sous main de justice lorsqu'elles reçoivent une convocation des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). Le bilan de ces mesures est bon, puisque, dans les endroits où elles ont été mises en œuvre, on constate une baisse d'environ 40 % des rendez-vous non honorés. Cela démontre l'efficacité et la pertinence de l'outil, mais il est encore trop tôt pour disposer d'un bilan d'ensemble. L'envoi de SMS est réalisé dans six départements – les Hauts-de-Seine, l'Eure-et-Loir, Paris, le Maine-et-Loire, le Rhône et le Gers. Au 15 septembre, 19 000 SMS de rappel ont été envoyés à plus de 11 500 personnes. Le site www.justice.fr fournit en outre à tous un maximum d'informations sur les condamnations, les peines et le déroulement des procédures d'aménagement. Des compléments d'information sont en train d'y être intégrés, avec par exemple l'indication par territoire de l'adresse précise du SPIP et de ses horaires d'ouverture.

Vous connaissez les annonces que j'ai faites s'agissant de la revalorisation des traitements des magistrats de l'ordre judiciaire, monsieur Iordanoff. Le montant est important, avec environ 1 000 euros brut mensuels. Ces magistrats n'avaient pas été revalorisés depuis 1996. La mesure que je propose n'est donc que justice. Ils sont moins payés que les magistrats de l'ordre administratif et, comme on souhaite que certains de ces derniers rejoignent l'ordre judiciaire à la faveur des nouvelles embauches, il fallait résoudre la question de l'attractivité.

Quant aux greffiers, j'ai effectué des annonces les concernant ce matin. Nous avons mis en œuvre une importante revalorisation indemnitaire pour les greffiers, qui se poursuivra en 2023. Cela représente 6 millions d'euros en 2021, 22 millions d'euros en 2022 et 10 millions en 2023. Nous souhaitons aller encore plus loin car les greffiers ne disposent pas de la possibilité d'accéder à la catégorie A au cours de leur carrière. Dans le cadre des réflexions sur le fonctionnement des juridictions et sur la nécessité de recentrer le magistrat sur son cœur de métier, nous réfléchissons à la création d'un corps d'agents de catégorie A pour l'assister – il s'agit de créer une équipe autour du magistrat. Cette idée consensuelle fait son chemin. Les greffiers qui le souhaitent et qui en ont les compétences pourront accéder à ce corps. Pour ceux qui resteraient greffiers, nous envisageons de faire évoluer leur statut afin de rendre plus attractif ce métier exigeant.

J'aurai l'honneur de détailler très précisément les mesures prises par le Gouvernement à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances. Il était extrêmement important que personne ne soit oublié lors des arbitrages : ni les magistrats, ni les greffiers, ni les agents administratifs, ni le personnel pénitentiaire.

Je partage votre avis en ce qui concerne la sobriété législative, monsieur Warsmann. Tout sera fait pour réduire la production normative. Cela étant, comme je l'ai fait observer à un magistrat qui s'étonnait, lors d'une discussion à la Chancellerie, que nous préparions un nouveau texte, il faudra bien en passer par la loi pour simplifier la procédure pénale. C'est paradoxalement une forme d'inflation des textes, mais avec pour objet la déflation législative. L'évolution des dispositions réglementaires ira également dans le sens d'une simplification.

Quant à l'INSERRE dont la construction est prévue à Donchéry, je vous confirme qu'elle aura bien lieu. Quand le bâtiment aura vu le jour, vous en avertirez M. Ciotti.

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Vous avez rappelé votre attachement aux efforts menés en matière de réinsertion. Il faut continuer à mettre davantage de détenus au travail. Nos travaux ont commencé à porter leurs fruits, avec notamment la création du statut du travailleur détenu et de l'ATIGIP. Toutefois, je m'inquiète au sujet de la formation professionnelle en prison, qui constitue le deuxième pilier de la réinsertion. Cette compétence a été transférée aux régions en 2014. Depuis lors, on a noté une chute dramatique du nombre de formations : elle concernait 40 % des détenus avant la réforme et l'on remonte difficilement à 13 %. Le besoin est pourtant avéré, puisque 75 % des détenus n'ont pas le niveau CAP.

Le rapport de la commission d'enquête visant à identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, publié en janvier, avait proposé de conclure des conventions avec les régions pour retrouver le niveau de formation qui existait avant 2014. Envisagez-vous de mettre en œuvre cette proposition ?

Pourriez-vous faire un point sur l'évolution des effectifs de l'administration pénitentiaire, puisque la capacité de formation de l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) a été augmentée ?

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Peu avant l'été, dans les Bouches-du-Rhône, un prisonnier a été libéré. Depuis, il est suspecté d'avoir commis plusieurs tentatives d'homicide, ainsi que d'autres faits graves, à Tarascon, à Beaucaire, à Nîmes dans le quartier du Mas de Mingue, à Bagnols-sur-Cèze et à Avignon. Dès les premiers faits commis dans la commune de Tarascon, le maire de Beaucaire a alerté par écrit la préfecture du Gard ainsi que les services de police et de justice au sujet de cet individu. À chaque fait commis dont il a eu connaissance, il a répété ses alertes, notamment par des courriels datés du 24 juillet et des 10, 25 et 30 août.

L'individu en question est toujours en liberté. Le maire a été contraint il y a quelques jours de célébrer sous protection policière le mariage d'un couple, car l'individu précité avait tiré à trois reprises sur le domicile du marié avec une kalachnikov. Il avait aussi envoyé à la mariée des photos d'armes lourdes via le réseau social Snapchat. Une quinzaine de policiers étaient présents sur la place de la mairie et dans l'enceinte de l'hôtel de ville – quatre policiers nationaux se trouvant même dans la salle des mariages pour protéger les personnes.

Combien de tentatives d'homicide faudra-t-il encore pour donner l'ordre de mettre hors d'état de nuire cet individu, qui constitue indéniablement une menace ? Si une de ses tentatives réussit, quelle sera la responsabilité des services du ministère de la justice et de la préfecture, alertés par écrit à de multiples reprises par un élu local ? Que faut-il faire, en France, pour être arrêté ? Les Français attendent que la justice soit ferme, et non qu'un garde des sceaux se fasse applaudir par des détenus. Il est temps d'agir.

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La réinsertion est l'une des trois missions confiées à l'administration pénitentiaire. On compte 170 000 personnes suivies en milieu ouvert, ce qui représente l'essentiel des personnes placées sous main de justice.

Je dois dire que vous avez déconné cet été en donnant suite à une polémique douteuse sur l'affaire du karting à Fresnes, avant de vous rattraper et de venir nous parler – à la marge – de réinsertion.

Avec des collègues de la commission des lois, nous sommes en déplacement. Je suis à la ferme de Moyembrie, en Picardie. Cet établissement accueille des détenus qui bénéficient d'un aménagement de peine en placement à l'extérieur. On parle souvent des TIG ou des bracelets électroniques, mais jamais du placement à l'extérieur. Il s'agit pourtant sans doute de l'une des mesures les plus adaptées à des détenus au profil difficile, parfois récidivistes, qui sortent de prison. Le budget consacré au placement à l'extérieur a baissé au début de la précédente législature, puis il est resté fixé à seulement 8 millions d'euros. Parmi vos arbitrages budgétaires mirifiques, ne pourriez-vous pas doubler son budget, afin que le prix de journée versé aux associations qui animent ces structures de placement passe de 35 euros à 50 euros par jour – comparé à un coût d'incarcération de 120 euros ? Ce serait à mon avis très raisonnable, car il s'agit de dispositifs qui fonctionnent.

La valorisation de la filière de l'insertion passe aussi par celle du statut des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation (DPIP). Ils ont manifesté la semaine dernière pour réclamer le même niveau de rémunération que leurs collègues directeurs des services pénitentiaires (DSP), et nous les avons soutenus. Je suis certain que vous pouvez faire cet effort.

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Le rappel à la loi, qui depuis des années symbolisait le laxisme judiciaire, a été supprimé progressivement par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Dès la fin de 2021, il ne s'appliquait plus aux délits commis contre les personnes dépositaires de l'autorité publique. Depuis le mois de juin, il ne s'applique plus aux délits de violences. Surtout, à partir de janvier 2023, le rappel à la loi est transformé en avertissement pénal probatoire.

Je ne vous cache pas que ce nouveau dispositif me laisse un peu perplexe, tant il ressemble au précédent. Il risque de ne pas être une réponse suffisamment dissuasive pour les délinquants. Lors du débat parlementaire de 2021, vous aviez formé le vœu que la représentation nationale soit associée à une réflexion sur les peines alternatives au rappel à la loi. Qu'en est-il ? Seriez-vous favorable à la création d'une mission pour travailler sur le sujet ?

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Le 5 septembre, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté a visité le centre pénitentiaire de Saint-Étienne-La-Talaudière. Je m'y suis moi-même rendu hier. Permettez-moi de faire part de ce que j'ai vu et entendu, ainsi que de mon malaise devant l'état de cet établissement, construit en 1968 à proximité d'un quartier résidentiel. Il cumule tous les handicaps : insalubrité, insécurité des riverains et pénibilité du travail pour les surveillants. Cet état alarmant avait conduit certains de vos prédécesseurs – Michel Mercier et Jean-Jacques Urvoas – à s'engager en faveur de la construction d'un nouvel établissement. Malgré l'évaluation qui a conclu en 2018 à l'importante vétusté de la prison, le projet de nouvelle maison d'arrêt a été enterré.

Ce fut une erreur, car trois ans plus tard et après des travaux coûteux et insuffisants, nous nous trouvons dans une impasse. On a paré au plus pressé en tentant de sécuriser le périmètre de la prison en bordure du lotissement voisin, et en lançant une première phase de travaux d'installation de douches dans les cellules. Mais, au rythme où vont les choses, la réhabilitation ne sera pas achevée avant une dizaine d'années. Encore faudra-t-il qu'une nouvelle tranche de très gros travaux soit lancée. D'ailleurs, cela ne réglera rien, car c'est la conception même des locaux qui est en cause. Les riverains doivent encore faire face régulièrement à des intrusions et les cellules réaménagées sont devenues très exiguës.

Face à l'échec de cette réhabilitation, pourriez-vous réexaminer la situation de la prison de Saint-Étienne-La-Talaudière et la demande, plus que jamais justifiée, de construction d'un nouvel établissement ? Je sais que beaucoup d'établissements sont en difficulté, mais je tenais à faire ce témoignage au regard des objectifs que vous avez affichés – et que je partage.

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L'accueil des gens du voyage relève de la responsabilité des communes, particulièrement de celles de plus de 5 000 habitants. En Alsace, l'ensemble du territoire est concerné. Dans ma circonscription, trois communes – Altkirch, Huningue et Saint-Louis – disposent d'aires d'accueil. Les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage avaient pour objectif initial de concrétiser l'obligation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière d'aménagement d'aires d'accueil, en contrepartie de la possibilité d'activer le dispositif de mise en demeure et d'évacuation en cas d'installation illicite.

Au mois de juillet, une centaine de caravanes se sont rassemblées dans la région de Saint-Louis sur un site non prévu à cet effet. Ce non-respect des règles de vie en société –malheureusement encore trop fréquent – crée des tensions importantes au sein de la population. Cela rend difficile la vie en communauté entre les habitants des territoires concernés et les gens du voyage, qui se mettent dans l'illégalité en portant atteinte au droit de propriété. Face au risque de trouble à l'ordre public, les élus locaux sont dépourvus de moyens de lutter. La loi du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites permet certes de sanctionner d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende l'occupation de terrain sans titre, mais c'est insuffisant.

Nous vivons une période de tensions sociales et de repli. C'est pourquoi je crains que ces installations illicites, qui s'ajoutent aux autres difficultés que rencontrent quotidiennement les Français – comme les rodéos urbains, entre autres incivilités – finissent par susciter une catastrophe.

Que comptez-vous faire pour accompagner non seulement les élus, mais aussi nos concitoyens qui doivent faire face à ce problème ? Avez-vous les moyens d'évaluer la mise en œuvre de la loi de 2018 ? Une telle évaluation permettrait de mieux appréhender son application réelle et de travailler à son amélioration, pour une meilleure efficacité sur le terrain.

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Vous êtes à la fois un ministre entrant et un ministre sortant – ce qui permet de ne pas se fier à vos seules déclarations, mais de considérer aussi votre bilan. Si l'on peut prendre du plaisir à écouter l'homme de verbe, il existe néanmoins un passif important.

Avant votre nomination, la France avait été condamnée en 2020 par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour l'état indigne de ses prisons. Signe de votre volontarisme de façade, vous aviez été acclamé à la prison de Fresnes. Votre nomination apparaissait comme l'espoir de conditions de vie dignes dans le milieu carcéral. Mais en juillet 2022, à l'issue de votre premier passage au ministère, le premier président de la Cour de cassation a rappelé que les motifs de l'arrêt de la CEDH restaient éminemment d'actualité.

Le résultat est sans appel. De nombreux députés de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale ont visité des prisons ces dernières semaines. Ils constatent les conditions d'insalubrité indignes dans lesquelles la France laisse vivre les détenus. Votre inaction résulte d'une timidité budgétaire et de la frilosité du Président de la République face aux offensives de l'extrême droite. J'en veux pour preuve vos propos au moment de l'affaire dite « Kohlantess » – je ne sais pas d'ailleurs s'il convient de parler d'affaire.

Quel Éric Dupond-Moretti avons-nous devant nous ? Est-ce l'avocat soucieux des droits de ses clients, ou bien le ministre qui a repris les thèmes et les termes de l'extrême droite quand il s'est agi d'évoquer la situation à Fresnes ? Est-ce le ministre qui parle de lutte contre les violences sexistes et sexuelles ou le citoyen qui déclarait que certaines femmes regrettaient de ne pas se faire siffler dans la rue ? Est-ce l'homme de verbe qui proclamait de belles valeurs à Lille, ou celui qui ne bronche pas, place Vendôme, quand son collègue ministre de l'intérieur évoque la double peine ?

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Lors des débats sur le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, une députée de la majorité présidentielle avait estimé que l'adaptation aux territoires d'outre-mer du plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA) créerait une rupture d'égalité. Celle-ci ne serait ainsi admise que dans un sens, c'est-à-dire lorsque l'Hexagone s'estime victime d'un traitement différencié qui ne lui serait pas favorable. Car je n'ai entendu personne s'offusquer des difficultés d'accès au droit et à la justice, qui sont largement répandues outre-mer et régulièrement dénoncées. Elles sont susceptibles de créer une rupture d'égalité dans l'accès des justiciables ultramarins à un droit fondamental.

C'est par exemple le cas en Guyane, territoire enclavé où la population a très difficilement accès au droit et à la justice. Pour améliorer la situation, le Gouvernement investit. Je rappelle que la construction d'une cité judiciaire supplémentaire figure dans l'accord de Guyane du 21 avril 2017. Cinq ans plus tard, toujours pas de nouvelles.

Si les projets ont du mal à se concrétiser, les expérimentations vont bon train. Récemment, le parquet de Guyane a décidé de ne plus poursuivre les personnes qui détiennent jusqu'à 1,499 kilogramme de cocaïne pure. Je suis certain que si une telle décision avait été prise par le parquet de Paris, cela aurait créé un scandale national. Néanmoins, le procureur de la République et le procureur général en Guyane ne se sont pas arrêtés en si bon chemin : ils se sont gargarisés en estimant que plus d'une tonne de drogue avait été empêchée d'arriver dans l'Hexagone. Mais je tiens à préciser que si les personnes en question ne sont pas poursuivies, elles conservent aussi la drogue, qui n'est pas saisie. L'outre-mer est-il le lieu d'une expérimentation du recul des droits ?

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La Corse a été le théâtre de grandes manifestations au printemps : un torrent d'indignation a suivi l'assassinat d'Yvan Colonna à Arles le 2 mars. Un processus de dialogue sans tabou s'est ensuite ouvert avec le Gouvernement afin de parvenir à une solution politique globale sur tous les sujets – économiques, sociaux et institutionnels. Il s'agissait aussi de tourner la page de décennies d'incompréhensions et de conflits, avec une volonté de paix durable en Corse.

Le groupe LIOT a déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire à la maison centrale d'Arles. La présidente de notre assemblée vous a interrogé à ce sujet par courrier. Quel avis comptez-vous formuler sur cette demande de commission d'enquête ?

J'en viens à la question des prisonniers condamnés pour l'assassinat du préfet Claude Érignac – je sais que vous vous êtes déporté de ces dossiers, en tant qu'ancien avocat d'Yvan Colonna. En Corse, nous sommes inquiets des délais d'audiencement trop longs s'agissant de l'aménagement de peine demandé par Alain Ferrandi, ainsi qu'en raison des appels systématiques du parquet national antiterroriste opposés aux décisions de première instance favorables à Pierre Alessandri et à Alain Ferrandi. Je sais que vous ne pouvez pas vous prononcer sur le fond, mais pourriez-vous faire part à la Première ministre de cette inquiétude de la société corse face à ce qui est perçu comme une logique de persécution ? Quel est votre avis, sur le plan de la méthode et celui du droit, concernant ces délais d'audiencement anormalement longs ?

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Ma question porte sur la suppression du rappel à la loi. Comme l'a indiqué notre collègue Éric Pauget, la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire a prévu un dispositif alternatif avec l'avertissement pénal probatoire. Adopté il y a plus d'un an, ce dispositif flou est en cours d'expérimentation.

Que pensez-vous de la proposition figurant dans le rapport annexé au projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur qui consiste à placer des délégués du procureur dans les commissariats et les gendarmeries pour apporter une réponse pénale rapide et crédible aux incivilités du quotidien, tout en rapprochant le travail des magistrats et des forces de sécurité intérieure ?

Par-delà la proposition d'une mission d'évaluation de la suppression du rappel à la loi, comptez-vous généraliser l'expérimentation ? Si oui, dans quels délais et selon quelles modalités ? Comptez-vous aller dans le sens du rapport annexé au projet de LOPMI ?

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Le bâtonnier Frédéric Champagne, président de la conférence régionale des barreaux d'Île-de-France, a publié le 3 juin un communiqué soulignant les délais intolérables pour obtenir une décision du juge aux affaires familiales (JAF). Il cite par exemple des délais compris entre douze et quinze mois au tribunal de Nanterre pour parvenir à un jugement de divorce à compter de la clôture du dossier, c'est-à-dire parfois des années après la saisine du juge, ce qui est contraire aux prescriptions de l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) imposant que les causes des justiciables soient entendues dans un délai raisonnable. Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour diminuer ces délais ? Comptez-vous recruter davantage de JAF ?

En matière pénale, peut-on espérer que vous reveniez sur le refus d'instaurer des peines planchers ? Cette position de principe n'est plus adaptée à la montée de la délinquance et à l'aggravation des violences contre les personnes. Le système des peines planchers s'appliquait pourtant lorsque vous avez commencé vos études de droit. Pour personnaliser la peine, le juge pouvait s'abstraire du minimum ou du maximum prévu par la loi, à condition de motiver spécialement sa décision. Un tel système permettrait une sanction pénale plus claire et plus dissuasive qu'elle ne l'est aujourd'hui. Est-il juste pour les mis en cause et efficace pour la société qu'un même fait soit condamné de manière très différente selon qu'il est jugé à Bobigny ou à Versailles ? La fonction dissuasive de la peine, qu'il ne faut pas oublier, passe par une information claire adressée à des délinquants qui espèrent toujours n'être pas ou peu condamnés. Étant moi aussi avocate, je connais un peu le sujet.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Cela ne vous donne pas raison pour autant !

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Au sein du groupe LFI-NUPES, nous sommes défavorables à l'inflation pénale et carcérale. Une telle approche permet d'augmenter le nombre de prisonniers et de réprimer toujours plus durement, mais est sans effet sur la délinquance.

Avant la fin de l'année, le comité des ministres du Conseil de l'Europe examinera les mesures prises par la France pour résorber la surpopulation carcérale et rénover ses établissements pénitentiaires, afin de tirer les conséquences des condamnations par la CEDH concernant les conditions de détention.

La mise en cause de la France est alimentée par l'actualité en la matière et vous allez devoir fournir des réponses très concrètes. À Toulouse, la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) et l'ordre des avocats ont entamé pour la deuxième fois une procédure concernant le centre pénitentiaire. Celui de Grenoble-Varces a été construit en 1972 ; il a été agrandi mais n'a jamais été rénové, alors que le taux de surpopulation y atteint 164 %. À Bordeaux, le tribunal administratif a enjoint à l'administration pénitentiaire de mettre fin aux conditions de détention indignes à la maison d'arrêt de Gradignan. Je ne poursuis pas cette énumération : vous avez compris le sens de ma question, qui fait écho à d'autres sur le même sujet.

Que comptez-vous faire pour y répondre et mettre fin aux situations pour lesquelles la France a été condamnée ?

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Nous avons été récemment alertés par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) sur la situation extrêmement difficile de nombreux maires de petites communes. Beaucoup d'entre eux se sentent démunis face à des incivilités qu'ils n'arrivent pas à faire cesser et abandonnés par les services de l'État. Le code général des collectivités territoriales dispose certes que le maire est chargé d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. À ce titre, il doit prévenir et sanctionner certaines incivilités ainsi qu'un ensemble de nuisances pouvant susciter un trouble anormal à la tranquillité publique.

Force est pourtant de constater que ces prérogatives sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites communes. Les maires n'ont pas les moyens techniques, humains et financiers de remplir pleinement leurs missions en la matière. Outre un soutien administratif indispensable – peut-être à travers une procédure d'accompagnement fiable et automatique par les services compétents –, ils ont besoin d'être aidés par le parquet et la gendarmerie lorsque les mesures qu'ils ont prises ne sont pas respectées.

Comment envisagez-vous de répondre à cette attente légitime des maires des petites communes ? Le projet de loi de finances pour 2023 permettra-t-il de leur apporter un soutien opérationnel ?

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La protection de la propriété industrielle est un enjeu majeur pour le développement de l'innovation, pour la croissance et pour la valorisation des entreprises. Or la France va accueillir à Paris la division centrale du tribunal de première instance de la juridiction unifiée du brevet (JUB). La création de cette juridiction et du brevet unitaire européen est le résultat de décennies de négociations. Elle bénéficiera aux entreprises innovantes. L'entrée en vigueur prochaine de l'accord relatif à la JUB est donc historique. Accueillir cette juridiction est une grande responsabilité pour la France. C'est aussi l'occasion de devenir l'un des principaux hubs internationaux en matière de propriété intellectuelle. Nous devons saisir cet enjeu d'attractivité et de développement.

La France est-elle prête à accueillir la JUB dans de bonnes conditions ? Votre ministère est-il engagé, avec d'autres administrations, dans la promotion de la place de Paris en matière de propriété intellectuelle auprès de l'ensemble des acteurs internationaux ? L'installation de la JUB renforcera l'excellence de notre écosystème et pourra produire plusieurs milliards d'euros de retombées si la mobilisation est efficace.

Enfin, une décision a-t-elle été prise en ce qui concerne la future localisation de la division de la JUB, qui devait s'installer à Londres, avant le Brexit ? Nous préférerions que Paris soit choisi, par souci de lisibilité et de simplicité.

La protection de la propriété industrielle est cruciale dans un contexte de course à l'innovation et mérite donc d'être soutenue avec force par les politiques publiques, afin d'épauler les entreprises.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Madame Abadie, je vous remercie chaleureusement pour votre investissement dans les questions pénitentiaires. Je pense pouvoir vous dire que nous avons une vision commune des choses.

Le contrat d'emploi pénitentiaire est en vigueur depuis le 1er mai. À ce stade, 10 000 contrats ont été signés et ce n'est qu'un début. J'ai réuni beaucoup de grands patrons pour leur dire à quel point il était important d'investir dans le travail pénitentiaire. C'est intéressant non seulement pour l'employeur mais aussi pour la société, car ceux qui travaillent ou qui se forment sortent de prison avec les clés d'une réinsertion possible.

Les régions se sont vu confier le financement et l'organisation de la formation professionnelle. Une convention a été signée en mars entre les présidents des régions de France et le ministère de la justice, permettant à 11 400 personnes d'accéder à une formation. Je souhaite que le maximum de détenus puissent se former. Des formations sont proposées dans différents domaines d'activité – cuisine, maçonnerie, peinture, menuiserie. À Muret, par exemple, on travaille dans de l'aéronautique de très haut niveau et de très grande technicité ; les détenus qui, quand ils ont terminé leur peine, sortent de là trouvent immédiatement du travail.

Par ailleurs, j'ai supprimé, parce que je trouvais que c'était un non-sens, les réductions de peine automatiques, souhaitant qu'elles soient conditionnées à l'effort, afin d'inciter davantage au travail et à la formation. L'effort doit être mesuré à l'aune de la personnalité de chacun : cela peut être se lever le matin, se désintoxiquer, apprendre à lire et à écrire ou encore travailler – d'où l'importance d'amener du travail et de la formation. Le nombre de personnes détenues ayant accès à une formation ou à un travail est trop faible : il faut impérativement l'augmenter. De plus, avec leur salaire, les détenus ont la charge d'indemniser les victimes. Tout cela est donc vertueux à plus d'un titre.

Monsieur Gillet, vous avez besoin d'un petit rappel de droit. La justice de ce pays, ce ne sont pas vos fantasmes sécuritaires. Le garde des sceaux ne peut pas donner d'ordres, parce que la Constitution prévoit la séparation des pouvoirs. Vous voudriez que, s'agissant d'une affaire précise, le garde des sceaux intervienne : curieuse conception de la justice ! Le jour où le garde des sceaux, comme vous l'appelez de vos vœux, interviendra dans une affaire en cours, alors la justice ne sera plus indépendante, faisant basculer l'État dans une forme de totalitarisme. Les magistrats hongrois se plaignent d'être sous la coupe du pouvoir politique ; les avocats polonais aussi.

L'indépendance s'accompagne parfois de décisions qui sont incompréhensibles pour le citoyen. On peut toujours se focaliser sur telle ou telle décision et donner dans la « fait-diversification », comme le fait une chaîne d'information continue que vous aimez beaucoup, en ne regardant les affaires que sous l'angle des infractions qui ont été commises. Si un jour, par malheur – selon moi –, vous arriviez au pouvoir, il n'y aurait plus de délinquance, vous régleriez tout, car vous avez la matraque magique. Pour ma part, je préfère une justice indépendante qui se trompe de temps en temps à une justice dans laquelle le garde des sceaux pourrait intervenir.

Pendant la campagne, vous aviez affirmé qu'il fallait mettre au pas le Conseil constitutionnel. M. Zemmour, votre ancien ami, était sur la même ligne. Mme Le Pen avait quant à elle proposé, avant que vous ne soyez élu à l'Assemblée nationale, dans un des rares amendements qu'elle avait déposés – il faut dire qu'elle n'était jamais là –,…

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Madame, vous allez me laisser répondre.

Mme Le Pen, disais-je, avait proposé que les journalistes qui divulguent les procès-verbaux d'une information ou d'une enquête en cours soient condamnés à deux ans d'emprisonnement. Or ils ne sont pas tenus au secret de l'instruction – seuls le sont les policiers, les magistrats et les avocats. Voilà donc votre conception de la justice : Conseil constitutionnel au pas, journalistes au pas, et un garde des sceaux qui peut intervenir dans les affaires en cours. Pour ma part, je suis un tenant farouche et obstiné de l'État de droit.

Vous ne cessez de rappeler que je me suis fait applaudir par des détenus lors de ma première visite à Fresnes. J'ai dit que j'étais le ministre des détenus ; cela n'a rien de déshonorant. Je suis aussi le ministre des surveillants pénitentiaires, des avocats, des magistrats, des greffiers et de tous les justiciables. Quand vous payez des impôts, vous avez pour ministre Bruno Le Maire et Gabriel Attal. Quand vous êtes justiciable, je suis votre ministre. Vous traitez les détenus avec une telle condescendance !

Je vais vous raconter une anecdote. Un jour, je me rends dans un centre éducatif fermé. Je rencontre un délinquant, un tout jeune homme incapable de dire un mot, totalement prostré. J'essaie de lui parler, il ne me répond pas. Il y a là un baby-foot, et je l'invite. Ces deux secondes d'humanité – de faiblesse, à vos yeux –, vous en avez obtenu je ne sais comment la photo et vous êtes allés raconter partout que c'est comme cela que je traitais les détenus. C'est une honte ! Je ne serai jamais à vos côtés.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

De grâce, madame, ne le mêlez pas à tout cela !

Je voulais dire à M. Bernalicis à quel point il m'avait manqué. Je le retrouve égal à lui-même, avec toujours la même verdeur. Il me dit que j'ai « déconné ».

Je vais vous dire ce qu'il s'est réellement passé lors du « Kohlantess » à la prison de Fresnes. Tous les jours, des gens se battent pour que les détenus se réinsèrent : intervenants du monde associatif, personnel pénitentiaire, enseignants. Ce sont des saints civils. Et puis il y a vous et moi qui, modestement, essayons de leur procurer davantage de formations et de travail. Lorsque les images en question ont été diffusées, l'extrême droite, toujours avide de sensationnel, a immédiatement dénoncé la prison quatre étoiles, le Club Med, Disneyland. Le domaine judiciaire est le terrain de jeu des populistes, qui jouent sur la peur pour construire leur victoire. Je suis intervenu pour dire aux Français, notamment aux plus jeunes, que ce n'était pas cela, la prison. J'ai exprimé ma gêne devant ces images délétères, qui ne montraient ni punition ni réinsertion. Le Président de la République était sur la même ligne. Il ne s'agit pas d'interdire les activités sportives. Elles sont absolument nécessaires, car le sport véhicule des valeurs de dépassement de soi et de solidarité, au même titre que la culture – d'où le prix Goncourt des détenus, par exemple. J'ai remercié une chaîne de télévision d'avoir par la suite diffusé les vraies images de Fresnes, qui est un lieu indigne et dont nous allons entamer la rénovation grâce au budget que vous allez voter. Loin d'avoir « déconné », je pense avoir été clair et complet sur ce que j'ai ressenti à ce moment-là.

Concernant le statut des emplois de direction des services d'insertion et de probation, il y a une difficulté qui tient au fait que la situation indiciaire ne correspond pas à la situation hiérarchique. Nous travaillons, avec le ministre de la transformation et de la fonction publiques, et en concertation avec l'intersyndicale, à la rédaction d'un nouveau statut d'emploi des personnels de direction.

Monsieur Mandon, il me paraît absolument indispensable de rénover l'établissement pénitentiaire de Saint-Étienne. La dotation sera de 14,6 millions d'euros pour assurer la sécurisation du site ainsi que des travaux de gros entretien, de mise en conformité et de maintien en condition opérationnelle de l'établissement.

Monsieur Pauget, l'avertissement pénal probatoire, désormais prononcé par les procureurs et leurs délégués, est une alternative au rappel à la loi, lequel ne comportait pas de stage ni d'interdiction de contact. Ce dispositif entrera en vigueur le 1er janvier 2023. Nous réfléchissons, dans le cadre des EGJ, à unifier toutes les mesures alternatives afin de les simplifier et de les rendre plus lisibles.

Monsieur Lemaire, nous travaillons sur la procédure de libération des lieux squattés. Il existe un vide juridique concernant les squats d'immeuble lorsqu'il ne s'agit pas d'une violation de domicile. La notion de domicile mériterait d'être redéfinie. L'exemple le plus choquant est celui de la vieille dame qui réside dans un EHPAD et dont l'immeuble qu'elle habitait, pour cette raison, n'est plus considéré comme son domicile. Si des personnes s'y installent, ils peuvent lui interdire de facto de vendre son immeuble alors qu'elle comptait sur sa vente pour financer sa fin de vie : c'est insupportable et nous allons y mettre un terme. Nous y travaillons d'arrache-pied et j'aurai dans quelques jours le plaisir de vous apporter des réponses.

S'agissant des installations illicites sur le terrain d'autrui, les parquets ont souvent recours à la procédure administrative d'évacuation forcée parce qu'elle est plus rapide que les poursuites ; cela explique d'ailleurs le faible nombre des condamnations. Je veux toutefois rappeler qu'il manque des aires de grand passage. Nous devons évoluer sur cette question car ceux de nos concitoyens qui souhaitent vivre de manière itinérante doivent pouvoir le faire. Le ministère de l'intérieur y a beaucoup travaillé. Si la question vous intéresse, nous pourrons en discuter plus précisément.

Monsieur Boudié, les délégués du procureur rendent une justice de proximité, là où les infractions sont commises. Ils se déplacent hors les murs, ils vont dans les mairies, les points justice, les audiences foraines. Ils rendent une justice ultrarapide, ce qui est très important concernant les infractions qui pourrissent la vie des gens : si la réponse pénale n'intervient pas tout de suite, leurs auteurs, souvent des jeunes, pensent pouvoir agir en toute impunité, tandis que les victimes ont le sentiment que la justice ne passe pas. Pourquoi pas des délégués du procureur dans les commissariats ? Ils vont là où on a besoin d'eux. Le budget pour 2023 leur réserve la place qu'ils méritent, car leur aide au quotidien est absolument essentielle pour les parquets.

Monsieur Acquaviva, vous me demandez une réponse tout en sachant que je ne peux pas vous la donner. Lorsque j'étais avocat, j'ai effectivement défendu Yvan Colonna – ainsi que Jean Castela, d'ailleurs, dont je rappelle qu'il a été acquitté. Je ne saurais donc m'exprimer sur l'affaire en question. La Première ministre a signé un décret de déport, que je respecte. Du reste, il est préférable que je n'intervienne pas, car, quoi que je dise, cela serait mal interprété.

Monsieur Rimane, je me rendrai en Guyane en fin de semaine ; j'espère que nous pourrons nous y rencontrer. Je profiterai de mon séjour pour rencontrer le président de la République du Suriname. L'orpaillage est un problème considérable, tout comme le trafic de drogue. Nous faisons le maximum pour éviter les importations de drogue en provenance du Suriname et de la Colombie, la Guyane étant un point de passage extrêmement important. Nous ferons des annonces importantes, que vous m'autoriserez à réserver aux Guyanais. J'en ai dévoilé une dans mon discours, à savoir la création d'une cité judiciaire à Saint-Laurent-du-Maroni, qui sera livrée en 2026.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Nous ne l'oublions pas. Cayenne connaît, comme Mayotte, des problèmes d'attractivité. Avec Gérald Darmanin et Gabriel Attal, qui m'accompagneront, nous n'irons pas en Guyane pour faire de la figuration mais pour régler ces questions.

Madame Martin, nous avons mis en place un important programme de rénovation, qui portera notamment sur les établissements de Fleury-Mérogis, de la Santé, des Baumettes et de Fresnes. Rénover les établissements pénitentiaires vétustes, où les conditions de détention sont indignes, est une nécessité impérieuse. J'ajoute, parce que cela me tient à cœur, que le personnel pénitentiaire doit bénéficier d'un meilleur confort de travail. Quand les conditions ne sont pas indignes, il y a moins de problèmes d'insécurité pour le personnel, et celui-ci peut alors se consacrer davantage à la réinsertion, domaine dans lequel leur savoir-faire est grand.

Madame Desjonquères, vous m'avez interrogé sur le renforcement des relations entre l'autorité judiciaire et les élus. Lors d'une rencontre avec les élus, chez le Premier ministre de l'époque, j'avais souhaité que l'on retienne les circonstances aggravantes en cas d'agression d'un élu. J'ai souhaité que les parquets se rapprochent des élus. Des référents pour les élus ont été désignés, des boîtes mails et des lignes téléphoniques dédiées ont été créées afin que l'élu puisse joindre le procureur dès qu'il y a une difficulté. Les procureurs organisent des réunions pour expliquer aux élus quels sont leurs pouvoirs – certains jeunes maires ont en effet des difficultés à appréhender ce que sont les pouvoirs d'officier de police judiciaire qu'ils tiennent de leur mandat. Si la situation s'est améliorée, des progrès restent à accomplir. Une commission réunissant magistrats et maires de grandes villes, de villes moyennes et de villes rurales a émis de nouvelles préconisations. Dans ma circulaire de politique pénale générale du 20 septembre, j'ai rappelé aux procureurs qu'il était indispensable de travailler au plus proche des élus, parce que chaque attaque contre un élu est une attaque contre la République.

Madame Roullaud, les stocks d'affaires civiles, tous contentieux confondus, ont diminué de 28 %. Nous avons décidé d'embaucher des personnels supplémentaires – juristes assistants, assistants de justice, renforts de greffe – parce que nous étions dans l'urgence et que nous n'avions pas le temps de former des magistrats – cela prend trente et un mois. Ces personnels ont fait leurs preuves et sont devenus indispensables, au point que les chefs de juridiction m'ont demandé de pérenniser leurs postes. La mesure avait pourtant été accueillie avec circonspection, dans le meilleur des cas, parfois même avec des critiques – d'ailleurs, je n'ai pas reçu le soutien de vos amis. À Toulon, à Ajaccio, à Bastia, les chiffres de baisse des stocks sont très impressionnants. L'arrivée de contractuels a permis de dégager du temps de magistrat permettant de recevoir les gens, de juger les affaires en cours et d'apporter une réponse plus rapide aux justiciables, notamment en matière civile.

Je prends comme un compliment votre remarque sur les peines planchers qui auraient existé lorsque j'ai commencé mes études de droit : vous me prenez pour quelqu'un de bien jeune ! Votre programme pour la justice, c'était 9 000 magistrats, alors que nous en comptons 9 090 ; c'était la création d'une peine de perpétuité réelle qui existe déjà ; c'était les peines planchers, dont nous savons qu'elles n'ont pas fonctionné.

De plus, c'est une usurpation non pas d'identité mais sémantique, parce qu'une peine plancher, c'est une peine qui serait imposée aux juges – nous touchons là à l'indépendance de la justice. Vous demandez pourquoi on serait jugé différemment selon que l'on est à Bobigny, à Nantes ou à Paris. Avez-vous vu les dossiers ? Pour quelle raison les juges ont-ils décidé d'infliger telle peine à Bobigny et telle autre à Nantes ou à Paris ? Ce que vous voudriez, au fond, c'est une justice automatisée.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Madame, je ne vous ai pas interrompue. Laissez-moi vous répondre.

Plus besoin, donc, de juge ni de garde des sceaux : il suffirait d'un petit ordinateur dans lequel on indiquerait pour quel fait tel individu a été renvoyé, on ajouterait une pincée d'intelligence artificielle – sans humanité mais, au fond, cela irait bien à certains – et ce serait fini. Ce n'est pas comme cela que ça marche ! Vous avez cru devoir rappeler que vous étiez avocate – dont acte, mais cela ne vous donne pas raison pour autant, auquel cas vous considéreriez que j'ai toujours raison, car j'ai exercé le même métier, comme Mme Le Pen, du reste.

Il est tout à fait normal que des peines différentes soient prononcées : cela s'appelle la personnalisation des peines. Un juge a le droit à l'erreur et peut se tromper mais, dans l'ensemble, il n'y a pas tant de difficultés que cela – ces difficultés que vous cherchez pour les monter en épingle et en faire votre miel. Je préfère des juges indépendants qui peuvent se tromper – c'est le corollaire de la liberté – à des juges qui sont aux ordres – les vôtres en particulier.

Madame Lebec, en raison du Brexit, la section de la JUB qui devait être installée à Londres est désormais revendiquée par Rome, Paris et même par nos amis allemands. La section principale du tribunal de première instance sera localisée à Paris, avec vraisemblablement une utilisation de la salle d'audience du tribunal de commerce. Les locaux sont aux meilleurs standards internationaux, parce qu'il y va de l'image de Paris comme place du droit. Les recrutements sont en cours, dont plusieurs magistrats français de grande valeur. La JUB est un facteur d'attractivité pour la place de Paris, dans le droit fil des EGJ, qui ont permis d'aborder la question de la compétitivité du droit français.

Monsieur Lucas, je vous écoutais courtoisement poser votre question – ce que vous avez d'ailleurs fait sur un ton aimable –, quand je me suis souvenu que vous aviez tweeté, le 3 août, après que je vous avais rappelé vos amitiés avec M. Corbyn et le fait que vous ayez signé un texte où il était question d'« apartheid » s'agissant de l'État d'Israël, que j'étais une « petite frappe.

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J'ai écrit que vous aviez un « comportement de petite frappe ».

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Éric Dupond-Moretti, avez-vous dit, se comporte en petite frappe, pas en garde des sceaux. Comme je ne suis pas rancunier, je vais quand même vous répondre. Mais, pour l'avenir, en tant qu'ancien avocat, je voudrais vous donner un conseil : restez bien dans l'hémicycle. Vous y avez tous les droits, y compris celui d'injurier et d'invectiver les uns et les autres, mais si vous en sortez, cela me donne le droit de déposer une plainte pour injure. Je ne l'ai pas fait la dernière fois et je ne le regrette pas, mais je voulais quand même que vous le sachiez.

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N'oubliez pas que vous êtes à l'Assemblée nationale !

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Ça va bien, monsieur le député – et vous dire cela, c'est loin d'être comparable à vous traiter de « petite frappe ».

Je vous dis gentiment que si, à l'avenir, vous m'insultez à nouveau de cette façon, vous feriez mieux de le faire dans l'hémicycle : cela passe une fois, mais pas deux.

Quel est donc le Dupond-Moretti qui a dit ceci ou cela ? Je ne suis pas schizophrène. Si j'étais méchant garçon, je vous demanderais qui est le Benjamin Lucas qui me pose la question, le conseiller des Hauts-de-France ou le député des Yvelines ; je mettrais en exergue votre nomadisme. Mais je ne veux pas être cruel avec vous.

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Vous ne parlez pas non plus de vos conflits d'intérêts…

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Nous pouvons en parler si vous le voulez, cela ne me gêne en rien. Mais vous allez quand même me laisser vous répondre.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Monsieur Lucas, vous devriez faire profil bas. Moi, je cherche à être utile ; vous, vous cherchez à être élu – peu importe où, d'ailleurs.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Pas plus que « petite frappe ».

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Ce qui n'est pas acceptable, c'est votre tweet. Je ne suis pas votre paillasson. Est-ce clair ? Là, vous êtes tout mielleux, tout gentil, vous lisez vos petites fiches, mais moi, j'ai de la mémoire, et je vous le répète : si vous refaites cela un jour en dehors de l'hémicycle, vous irez devant le tribunal correctionnel.

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Des menaces contre un parlementaire, des injures ? Comportez-vous en ministre !

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Manifestement, vous avez tous besoin d'une courte suspension pour vous rafraîchir. Nous ferons donc une pause à l'issue de la réponse du ministre.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je ne refuserais pas une petite suspension, en effet.

Je ne suis pas schizophrène, disais-je. Je ne suis pas bipolaire non plus. Si vous le souhaitez, je vous fournirai un certificat médical rédigé par un psychiatre. Ma démarche est donc tout à fait claire et cohérente. Je comprends que cela soit un peu gênant : je veux à la fois assurer la fermeté de la réponse pénale, sans démagogie ni populisme, et en même temps je me targue d'un certain humanisme, sans angélisme.

Je note, et c'est plutôt bon signe, que je me fais traiter par vous comme je l'ai été, et que, de l'autre côté, je suis « Taubira en pire ». Je me dis qu'au fond, je suis peut-être sur le bon chemin… Ce n'est pas « en même temps », en ce qui me concerne, c'est « ni les uns ni les autres ». J'essaie, au milieu, de trouver un chemin cohérent. Vous êtes si jeune et vous avez déjà si peu fait… Vous aurez beau gratter, passer en revue tout ce que j'ai dit ou écrit autrefois, ma politique est très claire et – ceux qui me connaissent le savent – parfaitement cohérente : de la répression mais aussi de la réinsertion, la lutte contre les conditions de détention indignes et une préoccupation constante à l'égard du personnel pénitentiaire. En outre, le ministère de la justice connaît trois budgets de suite en hausse de 8 %, ce qu'il n'avait jamais obtenu.

Suspension de dix-sept heures cinquante-cinq à dix-huit heures.

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Ma question concerne la cité judiciaire de Marseille. La justice locale souffre d'un manque de moyens au regard de la mission qui lui est confiée. Pour faire face à cette situation, vous aviez annoncé, en février, lors d'une visite à Marseille, un véritable plan Marshall. Ce plan témoigne des efforts que nous faisons pour augmenter les moyens alloués à la justice – lesquels ont connu une hausse de 30 % sur la période 2017-2022. Alors que la justice marseillaise compte 173 magistrats au total, vous aviez annoncé l'arrivée de 16 magistrats supplémentaires en 2022 et 6 de plus en 2023, pour atteindre un effectif total de 195. En outre, vous aviez annoncé la création d'une immense cité judiciaire de 40 000 mètres carrés d'ici à 2028.

Ces annonces sont une véritable bonne nouvelle pour Marseille. Cependant, accueillir un tel projet suppose d'abord de trouver son emplacement. Les discussions sont menées par les chefs de juridiction et de cours, ainsi que par les acteurs du monde juridique et économique. Tous s'inquiètent d'un départ éventuel du cœur historique. Pouvez-vous faire un point d'étape sur les discussions autour du projet, à commencer par celles qui concernent sa localisation ?

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Votre position de ministre ne vous donne pas le droit de nous insulter – je fais référence aux propos, tenus dans l'hémicycle, par lesquels vous nous aviez traités d'antisémites. Pour information, mon arrière-grand-père a perdu la vie pour la France contre les nazis. Je vous serais reconnaissante de respecter l'histoire familiale de chacun.

La France tout entière a été profondément choquée par l'agression violente d'Angèle, 89 ans, à Cannes, par trois mineurs âgés d'à peine 15 ans. Le nombre de mineurs délinquants a doublé durant les trente dernières années. La justice ne fait plus peur aux jeunes délinquants. Je dirai même qu'ils défient sa patience, multipliant les méfaits, car ils connaissent sa mollesse.

Selon un rapport du Sénat, 50 % des mineurs primo-condamnés récidivent à leur majorité. Cela s'explique par le fait que, dans 63 % des cas, ces délinquants n'écopent, au mieux, que de stages de citoyenneté ou de rappels à la loi. Ces chiffres ne s'améliorent pas avec l'afflux de milliers de mineurs étrangers isolés – ni vraiment mineurs ni vraiment isolés –, qui représentent 75 % des mineurs déférés devant le parquet de Paris. Êtes-vous prêt à traiter sérieusement la question des délinquants mineurs, qui plus est souvent récidivistes ? Les jeunes d'aujourd'hui seront les citoyens de demain.

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Il s'appelait Lucas, il avait 17 ans. Il s'appelait Arthur, il avait 19 ans. Dans ma circonscription, en un an, deux jeunes sont morts dans des rixes. Celles-ci sont devenues un phénomène de société. Pour y répondre et pour les prévenir, il ne faut pas seulement une réponse policière ou judiciaire : il faut écouter les acteurs de terrain et proposer des moyens pour la prévention. Mais quand de tels actes sont commis, il faut accompagner les victimes, notamment en leur proposant un soutien psychologique. Il faut également trouver une réponse à la question philosophique que pose le phénomène : lors de ces rixes, les gens décident de se faire justice eux-mêmes, en particulier quand une personne qu'ils connaissaient avait été tuée au préalable. La justice doit servir d'intermédiaire entre des personnes en conflit. Êtes-vous prêt à mettre les moyens nécessaires pour que la justice avance vite et réponde aux attentes des familles ainsi que des amis des victimes ?

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Un rapport du Sénat préconise d'arrêter de construire des centres éducatifs fermés et d'utiliser les sommes ainsi dégagées pour d'autres formes de prise en charge des jeunes délinquants. Depuis plusieurs mois, nous sommes en discussion avec vos services concernant le CEF de Riocreux à Saint-Genest-Malifaux, dans la Loire. Les élus vous ont proposé des terrains ou des bâtiments pour l'implantation d'un CEF dans le territoire Sud-Loire. Pouvez-vous m'indiquer où en est ce dossier ?

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Depuis la rentrée, le flot de révélations sordides concernant le chantage à la « sextape » à Saint-Étienne remet sur le devant de la scène des crimes et des délits sexuels que peuvent subir tout un chacun. Le délit de « sextorsion » a été créé dans le code pénal pour protéger les enfants de tels agissements et les sanctionner à la hauteur de l'acte et de la vulnérabilité de la victime. Or l'actualité nous montre que les adultes sont de plus en plus souvent visés par ce qui peut être qualifié de sextorsion et qu'aucune infraction précise n'existe dans le code pénal pour les adultes et les majeurs protégés.

Entre des qualifications différentes selon les articles, des critères constitutifs qui varient, l'interprétation du juge et la jurisprudence qui peut être changeante, ne vaudrait-il pas mieux inscrire expressément dans le code pénal le délit de sextorsion visant les victimes adultes ? La portée juridique d'un tel vocabulaire est difficile à apprécier et laisse une trop grande place à l'interprétation. Je vous transmettrai la totalité de ma question par écrit, monsieur le garde des sceaux, car il est ridicule de la tronquer comme on m'a demandé de le faire.

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Deux questions abordées par le rapport Sauvé n'ont pas encore été évoquées durant nos débats : la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et la suppression de la Cour de justice de la République (CJR). Quel est votre avis sur les propositions du rapport en la matière ?

Ces deux sujets ouvrent la voie à une réflexion plus large sur la réforme de nos institutions. Nous connaissons l'engagement du chef de l'État de créer une commission transpartisane sur les institutions. Comment concevez-vous cette commission ? Quel pourrait être, selon vous, le calendrier pour déployer cette démarche originale, pour ne pas dire inédite ?

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Le niveau de la surpopulation carcérale dans notre pays est critique, avec 72 000 détenus pour 61 000 places. Cette situation nuit aux détenus, au personnel pénitentiaire, dont les conditions de travail sont dégradées, et surtout aux juges, qui doivent pouvoir mettre en prison les personnes censées y aller. Qui plus est, nous sommes à ce niveau alors même que nous avons vidé les prisons en 2020 en raison du covid, que la justice pêche par laxisme et que les peines prononcées ne sont pas toujours exécutées. Qui plus est, les courtes peines sont presque systématiquement aménagées, sans recours à la prison, ce qui a une conséquence grave : ces peines, qui devraient être prononcées et exécutées dès les premiers faits pour faire réfléchir le condamné sans le désocialiser, n'existent plus de fait.

Vous nous promettiez en 2018 de nouvelles places de prison, mais elles permettraient seulement d'accueillir les détenus que nous avons en 2022, dans un contexte de laxisme judiciaire et de non-exécution des courtes peines. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faire exécuter réellement, et dans de bonnes conditions, les courtes peines ? Cela pourrait passer par des prisons d'un nouveau type, qui se situerait en quelque sorte en dessous de la maison d'arrêt.

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L'article 14 du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur généralise l'amende forfaitaire délictuelle à tous les délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement inférieure à un an. Ces amendes vont exactement à l'inverse des exigences d'individualisation et de proportionnalité des peines, principes pourtant fondamentaux et possédant une valeur constitutionnelle, ce que vous ne pouvez ignorer. Les sanctions, prononcées en dehors de tout procès, seront prises par des policiers ou des gendarmes qui constateront l'infraction et la réprimeront de manière totalement arbitraire, parfois au faciès ou pour des mots considérés comme injurieux. Ils se substitueront à la fonction de juge, sans que soient offertes les garanties et protections propres à la procédure pénale.

Comment expliquez-vous que vous soyez ainsi dépossédé au bénéfice de la police d'une partie aussi importante de vos compétences ? Permettez-moi de vous rappeler, car c'est manifestement nécessaire, que vous êtes ministre de la justice. Cette évolution va à l'encontre de toutes les recommandations des professionnels sur le terrain, mais dans le sens de celles des syndicats de police.

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La refonte de la justice pénale des mineurs était très attendue. Les objectifs de la réforme qui a été menée, et qui a débouché sur la création d'un code dédié, entré en vigueur il y a un an, étaient non seulement le renforcement de la réponse pénale, mais aussi le raccourcissement des délais de jugement. Une procédure en trois temps a été instaurée : d'abord, une audience d'examen de la culpabilité ; ensuite, la mise à l'épreuve éducative, qui dure six à neuf mois ; enfin, une audience de prononcé de la sanction.

L'objectif consistant à réduire les délais a été atteint si l'on en croit les éléments que vous nous avez communiqués : le délai de jugement moyen serait passé de dix-huit mois à neuf mois. Toutefois, l'une des craintes des magistrats concernait la gestion du stock, c'est-à-dire les affaires susceptibles d'être jugées sous l'empire de l'ordonnance de 1945. Il semble que nous ayons évité cet écueil. Avons-nous épuisé le stock ? Avons-nous basculé entièrement dans le régime du code de la justice pénale des mineurs ?

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Vous avez raison, monsieur le garde des sceaux : la prison, ce n'est pas le Club Med, car là-bas on paye son hébergement, ses repas et ses activités de loisir.

Ce qui m'importe, ce sont les conditions d'exercice des surveillants pénitentiaires et, globalement, de tous ceux qui sont amenés à travailler dans les prisons. Je pense à ce surveillant de la maison centrale d'Arles, jeté en pâture à la suite du meurtre d'Yvan Colonna et lâché par l'administration afin que celle-ci s'en sorte les mains propres et ne change pas sa doctrine d'emploi.

Les effectifs insuffisants ne permettent pas d'assurer la sécurité des lieux, du personnel et des détenus. La situation est largement connue et dénoncée par les fonctionnaires. Comment pourrait-il en être autrement lorsque, dans certains établissements, un seul surveillant a la charge de 130 détenus ?

Il va donc falloir recruter, mais cela suppose de valoriser le métier, de rehausser les salaires et de proposer de meilleures conditions de travail ainsi que de meilleurs cycles, afin de permettre aux agents d'avoir une vie sociale convenable. Comptez-vous réellement vous préoccuper des hommes et les femmes de l'administration pénitentiaire, de leur sécurité et de leurs conditions de vie ainsi que de travail ?

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Georges Ibrahim Abdallah est emprisonné depuis trente-sept ans pour son engagement anti-impérialiste, ce qui fait de lui l'un des plus anciens prisonniers politiques d'Europe. Par deux fois, la justice d'application des peines a décidé sa libération, mais des pressions diplomatiques américaines et israéliennes ont empêché ce processus d'aboutir. En effet, un arrêté d'expulsion vers le Liban est nécessaire pour rendre sa libération possible. Or les ministres de l'intérieur et de la justice successifs ont toujours refusé de signer cet arrêté. Je pense que vous êtes sensible, en tant qu'avocat, à l'idéal de justice. Allez-vous donc signer l'arrêté d'expulsion qui permettrait de libérer Georges Ibrahim Abdallah ?

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Le 3 août, vous êtes venu à Marseille, à la prison des Baumettes, pour constater les conséquences de votre inaction. Cette prison défraie la chronique marseillaise – et même nationale – depuis cinq ans, date de la création des nouveaux bâtiments, dits « Baumettes 2 », par les services architecturaux du ministère de la justice, qui ont bouleversé la tranquillité du quartier.

En effet, ces bâtiments ont été construits très au-dessus du mur d'enceinte. Ainsi, les fenêtres des cellules donnent directement sur les habitations situées en face. Les détenus crient jour et nuit, les visiteurs des parloirs autorisés se garent n'importe comment, bloquant tout le quartier. À l'occasion, ils agressent aussi les riverains, parfois même brutalement. Quant aux parloirs sauvages, ils se multiplient, causant eux aussi des troubles intolérables à la tranquillité publique.

Comment se fait-il que les rues adjacentes soient devenues des parloirs sauvages, où de pseudo-visiteurs montent sur le toit de leur voiture pour communiquer avec les prisonniers ? Les architectes de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice ont pensé au bien-être des détenus, mais ont méprisé totalement l'intérêt et la tranquillité des honnêtes gens qui habitent à proximité. La situation est extrêmement pénible pour les habitants, pourtant habitués depuis des décennies à cohabiter avec la prison du chemin de Morgiou. Depuis votre visite, rien ne s'est passé : pas de nouvelles, pas d'action, alors que la situation reste très difficile pour les riverains.

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Je souhaite vous interroger sur la réforme de la police judiciaire, dans le cadre d'une départementalisation de la police nationale. En tant que garde des sceaux, vous savez que le fonctionnement de la justice nécessite, pour certaines affaires, la saisine d'un service indépendant et doté des moyens et du temps nécessaires pour mener les investigations. C'est pourquoi les magistrats, à travers leurs organisations syndicales ou professionnelles, mais également par des déclarations, ont manifesté leur opposition à la réforme de la police judiciaire. En tant qu'avocat ayant eu à connaître de grands dossiers, et sachant que les avocats se prononcent contre la réforme, ne pensez-vous pas que, si celle-ci devait aboutir, elle affaiblirait de façon significative les moyens dont dispose la justice pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé ?

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Je suis ravie de vous revoir, surtout ici, car la dernière fois que je vous ai vu, c'était en juin 2022, dans la commune de Saint-André-de-Cubzac, où vous étiez venu appeler à faire barrage contre moi.

Les permissions de sortie accordées aux détenus dangereux sont beaucoup trop fréquentes. C'est ainsi qu'un individu condamné en 2014 à vingt-deux ans de prison pour l'assassinat à coups de couteau d'un adolescent a pu, cet été, à l'occasion d'une permission, tenter d'assassiner un chauffeur de taxi à coups de cutter. Il serait temps de rendre les juges responsables de leurs décisions. La loi du 22 décembre 2021, qui prévoit la possibilité d'une permission une fois un tiers seulement de la peine effectué, ne protège pas la société des individus dangereux. Êtes-vous prêt à revoir, sur le plan tant législatif que réglementaire, le régime d'octroi des permissions ?

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Madame Taurinya, je ne suis pas ministre de l'intérieur. Je ne suis pas non plus préfet : je ne peux pas prendre une mesure d'obligation de quitter le territoire français (OQTF). Voilà ma réponse, à la fois complète et juridiquement juste.

S'agissant des rixes, monsieur Léaument, un plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences liées aux bandes et groupes informels a été lancé. Les groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) ont été renforcés dans plusieurs villes. Les interdictions de paraître se sont multipliées dans les réquisitions. Les stratégies d'enquête ont été renforcées. Des réflexions sont en cours pour créer de nouvelles infractions lorsque les agissements incriminés ont été commis par des majeurs avec le concours de mineurs qu'ils ont entraînés avec eux. Vous lirez notamment avec intérêt, j'en suis convaincu, la circulaire de politique pénale générale que je viens de prendre : vous y trouverez des réponses complètes aux questions légitimes que vous me posez.

Madame Agresti-Roubache, j'ai effectivement annoncé un plan Marshall. Cela pouvait paraître un peu prétentieux, mais il s'avère que les magistrats eux-mêmes disent que nous avons tenu parole : nous avons envoyé du personnel supplémentaire, notamment des magistrats. Il reste la question de la cité judiciaire de Marseille. Nous y travaillons d'arrache-pied. Encore faut-il trouver le terrain. Je travaille à la question avec les députés qui veulent m'aider. Nous allons faire expertiser dans les jours à venir des terrains qui nous ont été proposés. Je tiens à ce que cette cité judiciaire, qui doit regrouper le tribunal judiciaire (TJ), le tribunal de commerce et le conseil des prud'hommes, soit construite en cœur de ville. C'est important, car c'est aussi de la justice de proximité.

Madame Lechanteux, avec vous, ce sont toujours les mêmes rengaines. Il se trouve que le taux de réponse pénale pour les mineurs est supérieur à 90 %. Les mineurs sont impliqués dans des affaires de nature différente de celles des majeurs. Vous me reprochez de ne m'être occupé de rien. Or il existe un code de la justice pénale des mineurs. Après une expertise d'un an, il s'avère que nous avons gagné un temps considérable. Ce temps est indispensable, car plus le délinquant est jeune, plus la réponse pénale doit arriver vite. Le délai moyen est désormais de sept mois, alors qu'avant l'entrée en vigueur du code, un mineur sur deux était jugé une fois qu'il était devenu majeur. Dire qu'on n'a rien fait, c'est donc gonflé ! En revanche, nous n'avons pas beaucoup entendu, à l'époque, les quelques députés de votre groupe qui siégeaient déjà ici.

Le texte commence à produire des effets. À cet égard, je voudrais vous annoncer quelque chose qui va sans doute vous surprendre et qui mérite d'être affiné – je communiquerai très précisément sur le sujet : il semble que la délinquance des mineurs soit en baisse. Naturellement, on n'en parle pas à la télévision, mais nous ne sommes pas ici pour commenter l'actualité : notre rôle est d'avoir une vision globale de ce qui se passe dans le pays.

Monsieur Cinieri, vous êtes contre les CEF. Que voulez-vous que je vous dise ? Moi, je suis pour. Ils sont très utiles car ils fonctionnent : quand un jeune passe par un CEF, le taux de récidive diminue, et plus il y reste, plus le taux de récidive est faible. Dois-je vous rappeler qui a eu l'idée de créer les CEF ? Vous l'avez sans doute en mémoire. Cela dit, on peut être favorable sur le principe à ce genre d'établissement et ne pas en vouloir chez soi… De l'approbation de principe à la réalisation, il y a un pas qu'à l'évidence vous ne souhaitez pas franchir, mais je respecte totalement votre liberté.

Monsieur Le Gendre, s'agissant de la CJR, l'arbitrage n'a pas encore été rendu. Le rapport Sauvé propose sa suppression au bénéfice d'une juridiction de droit commun. Cela fera certainement partie, effectivement, des travaux de la commission transpartisane souhaitée par le président de la République. Quant aux précisions de calendrier, je ne suis pas la personne la mieux placée pour vous répondre, mais une réponse sera apportée. De tels espaces de discussion permettent de créer des ouvertures et d'avancer, notamment en matière d'institutions. De la même façon, je crois au Conseil national de la refondation, que je pense très utile. J'ai cru également aux états généraux de la justice et à la plateforme citoyenne, ou encore à la Convention citoyenne pour le climat. En ce qui concerne les institutions, nous étions sur le point de réussir à modifier l'article 1er de la Constitution, mais nous n'avons pas pu faire prospérer ce texte, à notre grand dam.

Monsieur Houssin, vous avez parlé de « laxisme judiciaire ». Révisez vos fiches une fois pour toutes ! Il y a la vision « fait-diversière » de la justice, colportée par un certain nombre de médias et dont vous faites votre miel, et puis il y a les chiffres. Or, en matière correctionnelle, on est passé en quelques années de six mois ferme en moyenne à neuf mois et, en matière criminelle – où ce sont les Français qui jugent, car ils composent le jury populaire – de quatorze ans à seize ans.

Par ailleurs, un autre mensonge est colporté en permanence par vos amis : celui selon lequel les peines ne seraient pas exécutées. Il est faux de dire qu'il existe un stock de peines non exécutées : il y a des peines en cours d'exécution. Quand un mandat de dépôt est prononcé, l'exécution est immédiate. Dans le cas contraire, quand la peine est aménageable, le processus est différent. Soit dit en passant, la droite avait décidé que les peines allant jusqu'à deux ans de prison pouvaient être aménagées. Pour notre part, nous avons considéré que l'aménagement devait être interdit pour les peines de plus d'un an. Nous avons donc été deux fois plus sévères – mais peu importe. Quand l'aménagement est possible, intervient d'abord le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP), qui mène une enquête. Par exemple, on ne peut pas décider de placer quelqu'un sous bracelet électronique d'un claquement de doigts : il faut vérifier qu'il existe une ligne téléphonique, un domicile ou un véritable hébergement, un travail. Ensuite, le juge d'application des peines se prononce. Vous dites, de façon mensongère, que pendant ce temps les peines ne sont pas exécutées. Savez-vous seulement que le taux d'exécution des peines est de 95 %, l'un des plus élevés d'Europe ? Mais cela vous arrange de dire que les peines ne sont pas exécutées et que la justice est laxiste. C'est comme cela que vous attirez un certain nombre de vos électeurs.

Monsieur Balanant, je tiens à souligner la qualité du travail que vous accomplissez au Parlement, et je suis d'autant plus habilité à le faire que je le connais. Oui, on peut réfléchir à un texte spécifique, car ce que vous avez dit est parfaitement juste. Il ne faut pas être fermé ; il faut réfléchir pour être plus efficace.

Monsieur Terlier, je vous rends hommage pour le travail colossal que vous avez accompli. Le Rassemblement national dit que nous n'avons rien fait pour les mineurs, mais ils n'étaient pas là, donc ils ne savent pas – ils ont au moins, à mes yeux, cette circonstance atténuante. Le texte en question est extraordinaire. Auparavant, les mineurs délinquants étaient jugés une fois sur deux alors qu'ils étaient majeurs. Un gamin ayant commis un délit à 16 ans pouvait ainsi être jugé quand il en avait 22, alors qu'il avait de la barbe, était marié, avait deux enfants et travaillait. Cela n'avait aucun sens. Nous avons fait en sorte que les mineurs soient jugés dans un délai très court : l'audience d'examen de la culpabilité se tient dans les trois mois, puis ils sont mis à l'épreuve.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Vous racontez n'importe quoi ! C'est votre patte, c'est votre facture ; elle n'est pas excellente. Je ne sais même pas si vous avez mis ne serait-ce qu'une fois les pieds dans un tribunal, mais cela ne vous empêche pas de colporter en permanence ces mensonges.

Le code de la justice pénale des mineurs a mis fin à la mythique ordonnance de 1945. Il va dans le bon sens. La délinquance des mineurs a baissé ; vous ne voulez pas l'entendre, mais ce n'est pas bien grave. Il n'en demeure pas moins que c'est une réalité. Nous allons en expertiser les raisons, car avant de faire du « culturisme judiciaire » et de donner dans la forfanterie, il faut étudier les choses de près.

Je remercie Jean Terlier pour son investissement, sans oublier Cécile Untermaier et de nombreux autres parlementaires. Nous nous sommes battus pour ce texte très utile. Le nihilisme, la critique, le « y'a qu'à, faut qu'on », c'est facile. Le fait est que nous avons fait un certain nombre de choses dont nous pouvons être fiers.

Monsieur Coulomme, vous m'avez posé la même question que Mme Garrido : j'y ai déjà répondu.

Monsieur Baubry, interrogez donc les principaux syndicats de surveillants pénitentiaires. Ils vous diront que nous avons fait de nombreuses choses en matière de revalorisation, de statut et de fusions des grades. Je les ai longuement reçus ce matin. Je pourrais vous parler également des efforts budgétaires consentis, dont je redis qu'ils sont historiques : le budget du ministère de la justice a connu, depuis l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République, des augmentations sans précédent. Là aussi, la critique est facile, mais l'art est un peu plus difficile. C'est ainsi : vous êtes dans la critique et l'obstruction.

Madame Diaz, prenez le temps de lire ma circulaire de politique pénale général. Elle a été publiée au Journal officiel. Vous verrez que j'y réponds très précisément à vos préoccupations et aux questions légitimes que vous vous posez.

Vous voulez que les juges soient responsables. Mais quand l'un d'entre eux prend une décision, il n'a pas de boule de cristal. S'il décide d'accorder une permission, c'est parce que plusieurs feux sont au vert. Le juge peut se tromper, comme vous. Sa responsabilité ne peut jamais être engagée sur le fondement d'une erreur d'appréciation juridictionnelle. Il est très facile pour vous de réécrire l'histoire. Des procès de ce genre ont déjà été intentés. Je pense notamment à une juge qui, il y a quelques années, avait remis en liberté une personne qui, malheureusement, a récidivé. Disons-le clairement : en matière de récidive, ce qui vous intéresse, ce ne sont pas celles qui ont été évitées. Et pour cause : on n'ouvre pas le journal d'une chaîne d'information en continu en racontant que Bernard Jean-Jean n'a pas récidivé.

Vous démontrez clairement, par votre question et toutes celles que votre groupe a posées, que vous ne respectez pas l'indépendance des magistrats. Par l'amendement de Mme Le Pen, vous aviez démontré que vous n'étiez pas respectueux de la liberté des journalistes ; ici, vous démontrez que l'indépendance des magistrats vous passe au-dessus de la tête ; selon vous, le Conseil constitutionnel doit également être mis au pas – beau programme que le vôtre !

Madame Lelouis, vous dites que nous n'avons rien fait pour les Baumettes. Eh bien, si ! Je me suis déplacé, j'ai rencontré les voisins. J'étais accompagné de Lionel Royer-Perreault, député, que vous connaissez bien, qui est totalement investi dans ces questions, et de la préfète de police. Les nuisances semblent avoir cessé, et je m'en félicite. Des fenêtres incassables ont remplacé les anciennes, de manière à éviter les parloirs sauvages. Là encore, vous prenez connaissance d'un problème et vous faites monter la mayonnaise, sans voir que nous avons apporté rapidement une solution.

Monsieur Rambaud, vous avez parlé tout à l'heure de l'indépendance des magistrats. Je m'en félicite : il est heureux que ces mots soient accolés dans votre bouche. En ce qui concerne la réforme de la police nationale, la concertation avec le ministère de l'intérieur est parfaite. Une expérimentation est en cours ; souffrez qu'elle se termine. Le ministre de l'intérieur et moi-même sommes corédacteurs de plusieurs dispositions. Nous ferons des annonces le moment venu. Il est nécessaire de transformer la police nationale ; le principe en est acté mais il faut, à l'évidence, procéder à des ajustements – nous y travaillons.

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Nous vous remercions, monsieur le garde des sceaux pour cette audition qui a permis de balayer tous les sujets.

Deux missions d'information ont été lancées : l'une vise à évaluer le code de la justice pénale des mineurs, l'autre porte sur l'expérimentation d'une direction départementale de la police nationale.

Chers collègues, nous nous retrouverons demain à quinze heures pour l'audition de M. Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer.

La séance est levée à 18 heures 35

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Emeline K/Bidi, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Julie Lechanteux, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, Mme Danièle Obono, M. Rémy Rebeyrotte

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Pierre Cordier