Projet de loi de finances pour 2020 — Texte n° 2272

Amendement N° 1008C (Rejeté)

Publié le 30 octobre 2019 par : Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.

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Modifier ainsi les crédits de paiement :

Exposé sommaire :

Par cet amendement d’appel nous souhaitons alerter sur le lien de plus en plus étroit qui est fait entre aide publique au développement et immigration.

Dans son discours à l’Assemblée le 7 octobre, le Premier ministre a introduit l’idée d’un conditionnement de l’aide publique au développement (APD) à la « bonne conduite » des pays d’où proviennent les principaux « flux migratoires ». « Il est logique que nous attendions des États que nous soutenons grâce à l’APD un haut degré de coopération dans la maîtrise de l’immigration clandestine ». L’aide au développement « doit être mobilisée au service de notre stratégie migratoire », réaffirmait-il deux jours plus tard au Sénat.

Ce projet censé contribuer à la maîtrise des flux migratoires inquiète les ONG, qui dénoncent un dévoiement du soutien financier aux pays pauvres. Pour CCFD-Terre solidaire, une telle orientation, « extrêmement choquante », reviendrait à « changer la nature même de l’APD, pour en faire une contrepartie à l’externalisation de nos frontières ».

En effet, le respect du mandat de l’aide publique au développement, en principe un outil de lutte contre la pauvreté et les inégalités ainsi que d’aide à l’essor économique et social dans les pays les moins développés, est mis en péril quand elle est instrumentalisée pour servir un objectif de maîtrise des flux migratoires.

Mais cette dérive n’est malheureusement pas nouvelle.

L’APD est de plus en plus détournée pour financer des politiques de contrôles des frontières dans les pays d’origine et de transit des migrations. Ainsi, crée en 2015, le Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique (FFU) permet d’inciter les pays destinataires de l’aide à mettre en place des politiques axées sur la gestion des flux migratoires, le renforcement du contrôle des frontières ou le soutien aux retours et aux réadmissions des migrants.

En mai et juin 2017, l’ONG Action santé mondiale s’est rendue au Sénégal et au Niger afin d’examiner la mise en œuvre du Fonds fiduciaire pour l’Afrique. Les conclusions de son rapport sont sans équivoque : l’ONG considère que « l’approche du fonds est inefficace d’un point de vue politique et de développement ».

Selon un rapport de l’OCDE d’avril 2017, il apparait également que de nombreux pays européens utilisent les crédits budgétaires dévolus à l’APD pour financer une partie de leurs dépenses allouées à l’accueil des refugiés.

Une règle du Comité d’aide au développement datant de 1988 autorise en effet les pays donateurs à comptabiliser dans l’APD certaines dépenses consacrées aux réfugiés pendant la première année qui suit leur arrivée. Sont ainsi prises en compte les dépenses « destinées à assurer le transfert de réfugiés dans le pays hôte considéré, puis leur entretien temporaire », tels les plates-formes d’accueil, les centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, les hébergements d’urgence, les services d’accompagnement social, la nourriture et la formation, même si ces personnes sont expulsées au bout du compte. Certains États, comme la Grèce, y incluent même des montants affectés au contrôle de leurs frontières !

Utiliser ces crédits budgétaires dans l’objectif d’endiguer les flux migratoires dénature totalement le rôle qui est censé être celui de l’aide publique au développement. Ainsi nous transférons un euro symbolique de l’action 01 « Aide économique et financière multilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » vers le l’action 02 « Coopération bilatérale » du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement ».

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