Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

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Nous accueillons aujourd'hui Mme Anne Haine, directrice générale de Nielsen France, accompagnée de M. Daniel Ducrocq, directeur du service distribution.

Madame, monsieur, votre groupe, internationalement reconnu pour le recueil et l'analyse de données, intervient dans une centaine de pays et compte environ 45 000 collaborateurs, ce qui n'est pas mince. Vous avez ainsi une connaissance approfondie de ce qui est relatif aux questions du commerce et de la distribution, et pourrez nous éclairer, grâce aux données que vous recueillez sur une très grande échelle, quant au rôle joué par les grandes enseignes du commerce et de la distribution.

Avant de vous donner la parole, et conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter serment.

Les personnes auditionnées prêtent serment.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Merci de nous recevoir. Nous avons reçu votre questionnaire, et avons préparé un document comportant des données chiffrées qui vous apporteront les éclairages que vous souhaitez. L'idée n'est pas de couvrir tous les sujets aujourd'hui, mais de s'appuyer dessus pour répondre à certaines des questions que vous nous avez posées.

Nielsen France est un mesureur et un observateur, qui se veut naturellement neutre, de la consommation. Pour schématiser, nos « fournisseurs » sont les distributeurs, nos clients les distributeurs et les fabricants. Nous nous appuyons sur deux sources principales de données.

La première est celle qui vient des magasins. Avec l'accord des distributeurs, nous recevons quotidiennement des données de vente – ce que l'on appelle des « sorties de caisse », portant sur tout ce qui est scanné en caisse dans les grandes et moyennes surfaces. Nous les codons, nous les traitons, nous les agrégeons à différents niveaux pour les restituer à nos clients – fabriquants et distributeurs. L'agrégation se fait par circuit – hypers, grandes surfaces, etc. – par marques, par segments, parfois par enseigne – Carrefour, Auchan, etc… Je souligne que les distributeurs restent propriétaires de ces données, qu'ils nous autorisent à partager après les avoir traitées et codées.

Nous disposons aussi, en France comme dans une bonne trentaine d'autres pays du monde, d'un panel de consommateurs qui représente 15 000 foyers français, qui nous déclarent leurs achats – dans le respect du Règlement général de protection des données (RGPD). Ce n'est évidemment qu'un échantillon, mais cela nous permet notamment de nous faire une idée de ce qui est acheté dans certains circuits spécialisés, comme le bio ou le surgelé, qui ne collaborent pas aujourd'hui avec nous.

Ces données nous permettent de savoir qui achète quoi et de conseiller les fabriquants et les distributeurs pour optimiser leur offre, leur mix produits, leur mix marketing, leurs activités promotionnelles, leurs prix, dans un but unique : l'augmentation du chiffre d'affaires. Le grand concept, c'est la part de marché.

Je précise que, naturellement, nous ne participons pas aux négociations entre distributeurs et fabriquants, quels qu'ils soient. Nous n'assistons à aucune négociation, nous ne sommes pas dans les box.

Dernier point à souligner, par rapport au questionnaire que nous avons reçu : ni les distributeurs ni les fabriquants ne nous communiquent les marges qu'ils font sur les produits, qu'il s'agisse des achats ou des ventes.

Voilà là courte introduction que je souhaitais faire. Nous avons préparé des éléments de réponse à vos questions, merci de nous dire vos priorités pour l'audition d'aujourd'hui.

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Je vous remercie de cette présentation. Pouvez-vous commencer par nous dresser un tableau général de la situation ?

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Il y a un premier thème, qui est la situation de la grande distribution. Vous nous avez adressé des questions, pour lesquelles nous avons préparé des slides, sur la santé des hypermarchés, du e-commerce, le poids de certains circuits, sur la façon dont la grande distribution réagit à ce contexte, la part de marché des enseignes, les groupements d'enseignes, les centrales d'achats, la comparaison entre la situation française et celle d'autres pays européens de taille équivalente – en nous demandant si cette situation est atypique ou non.

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Nous recevons en ce moment, concernant ce secteur, ce qui ressemble à des signaux de fragilité. Je lisais encore ce matin dans Ouest-France un article expliquant ce qu'il se passe chez Auchan. S'agit-il, selon vous, de signaux conjoncturels, ou d'une évolution plus structurelle, liée aux comportements des consommateurs, d'une part, mais aussi à l'arrivée d'autres acteurs, notamment ceux du commerce en ligne ? Et s'agit-il d'un phénomène spécifiquement français, ou de quelque chose que l'on retrouve à l'échelle du continent européen ?

Nous serions également intéressés par le regard que vous portez sur le regroupement des grandes enseignes en France et en Europe.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

La grande distribution fait face, en effet, à un environnement très concurrentiel. Les enseignes dont la presse parle actuellement sont surtout les hypermarchés, en particulier ceux qui ont de très grandes surfaces, comme Auchan ou Carrefour, qui rencontrent des difficultés depuis un certain nombre d'années. Il y a des éléments à ce sujet dans notre présentation, notamment sur les effets à long terme.

Une des spécificités françaises du commerce en ligne, c'est le drive. C'est un concept que la France a été le premier pays européen à lancer à grande échelle, pour la grande consommation : Leclerc a commencé, et toutes les grandes enseignes ont suivi, de sorte que le drive continue à progresser beaucoup plus vite – 7,5 % par an – que l'ensemble des autres circuits, contrairement aux hypermarchés qui progressent moins vite que les grandes et moyennes surfaces. Ce phénomène dure depuis maintenent plusieurs années,

Sur le slide 13, on peut voir, en orangé, la courbe des ouvertures de click and drive. Le principe est qu'on commande sur Internet et qu'on se fait livrer dans sa voiture. Cela ne veut pas dire que les hypermarchés ont fermé des points de vente : on voit que la courbe bleue continue de progresser doucement en termes de surface. Mais il est clair que cela fragilise leur fréquentation.

Vous pouvez voir, en bleu clair, la part de marché des hypermarchés dans l'ensemble des circuits – magasins de proximité, commerce en ligne, anciens hard discounters que l'on appelle maintenant « supermarchés à dominante marques propres », supermarchés et autres. On constate que tous ces circuits grignotent peu à peu la part des hypermarchés, dont une grande partie de la surface, historiquement, était consacrée au non-alimentaire – électroménager, etc. En effet, la concurrence du commerce en ligne ou des enseignes spécialisées du type Darty a commencé à prendre des clients aux hypermarchés, où ces zones sont devenues un peu moins fréquentées. Or, l'enjeu essentiel, pour eux, c'est justement la fréquentation. les clients achetant chez eux moins de produits durables, ils fréquentent également moins les rayons alimentaires, d'où la nécessité d'animer ceux-ci, étant donné que les hypermarchés, du fait de leur puissance de frappe, sont attendus par le consommateur sur les prix et sur les promotions.

Durant toutes ces années, beaucoup de circuits ont progressé : le commerce de proximité, mais aussi pas mal de commerces spécialisés, les solderies, les magasins de surgelés, de bio, etc. Ils ont souvent augmenté le nombre de leurs points de vente, ce qui crée de la concurrence supplémentaire. Les hypermarchés, de leur côté, continuent d'ouvrir des surfaces et de montrer leur capacité à garder leurs clients : le taux de pénétration est toujours de 97 %, mais la fréquentation diminue. Sur le court terme, il est vrai que la loi EGAlim leur crée une contrainte supplémentaire, puisqu'elle encadre les promotions et les taux de discount qui faisaient partie de leur ADN.

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J'entends ce que vous dites sur la fragilisation des volumes de chiffre d'affaires. J'ai deux questions.

D'abord, est-ce que la motivation du consommateur d'aujourd'hui pour aller dans la grande distribution, ce sont les promotions ? Ou est-ce qu'il cherche plutôt l'« expérience client » ? Dans les années 1960, on allait faire les courses en famille, et même moi qui ne suis pas vieux, je me rappelle que, quand j'étais enfant, on me déposait au rayon librairie où je lisais des BD. C'était pour moi une expérience exceptionnelle. Donc, quand vous nous dites que votre rôle aujourd'hui, chez Nielsen, c'est de conseiller le distributeur sur les promotions pour augmenter le chiffre d'affaires, je me demande, au vu de la baisse du chiffre d'affaires, si vos conseils sont vraiment les bons…

Deuxième question : la grande distribution nous explique qu'elle doit se protéger du commerce en ligne et des entreprises comme Amazon qui viennent grignoter leurs parts de marché et qui vont aboutir à tuer nos agriculteurs, mais en fait il apparaît que l'alimentaire n'est pas du tout la cible des entreprises comme Amazon. Donc, le discours selon lequel, si on ne se protège pas du e-commerce, celui-ci va tuer nos agriculteurs est un mauvais discours.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Sur le premier point, nos études montrent, notamment celles portant sur des panels de consommateurs, que ceux-ci vont dans les hypermarchés avant tout pour chercher du prix, de la promotion et du choix, tandis que dans les supermarchés, les enseignes de proximité ou les drive ils vont chercher du confort, de la proximité, un circuit court et plus rapide. Au fil des années, en effet, les hypermarchés sont devenus de grosses machines pénibles, où on passe toute une heure à pousser de gros caddies, etc. L'expérience de l'hypermarché s'est donc effritée au bénéfice du confort, de la possibilité de faire tous ses courses rapidement sans se laisser tenter par le piège des achats imprévus, des « têtes de gondole », des promotions, etc. De ce fait, le circuit court, le petit supermarché de proximité devient pour eux plus attractif, nous avons fait des études là-dessus que nous pourrons vous communiquer : c'est du déclaratif, bien sûr, mais ça corrobore ce que nous observons. Un de nos slides montre le nombre de passage en caisse par strate de superficie : plus le magasin est gros, plus il est concerné par la baisse de fréquentation.

Sur le deuxième point, par rapport au e-commerce, à Amazon, Cdiscount, et autres pure players, qui ont souvent commencé par le livre, il faut savoir que les partenariats sont de plus en plus nombreux : Monoprix, par exemple, travaille avec Amazon. Cela a commencé par des produits assez éloignés des achats du quotidien, des « produits de grande consommationfrais libre-service » (PGCFLS), mais la nouveauté, et la difficulté à laquelle font face les grands intervenants de la distribution, c'est qu'Amazon s'attaque maintenant aux produits de grande consommation avec des valeurs faciales plus faibles – boîtes de conserve ou autres, qui n'étaient pas leur priorité jusqu'ici. La situation de la France, à cet égard, est spécifique par rapport à celle d'autres pays d'Europe parce qu'elle a développé le concept du drive avant les autres et de façon plus importante. Un des avantages du e-commerce, c'est son côté pratique : commande en ligne, livraison. Mais comme cette réponse est déjà apportée par le drive, on peut penser que le potentiel du pure player, du e-commerce est plus faible en France qu'en Allemagne ou en Italie. On constate que les générations montantes, les jeunes, vont beaucoup moins en hypermarché : c'est un concept qui leur parle beaucoup moins. Donc, l'une des inquiétudes, c'est que cette nouvelle génération soit naturellement amenée à fréquenter davantage le e-commerce. Cela dit, la problématique du prix, du frais, du choix demeure : quand vous achetez une salade ou des pêches, vous avez envie de les voir, de les sentir, ce qui est moins évident sur une plate-forme de e-commerce. Mais ces plateformes, qui sont souvent dérivées d'enseignes de la grande distribution, essaient aussi d'offrir du choix, du haut de gamme, de façon à réduire le risque que le client ne soit pas satisfait du produit. Il faut donc que tout ne passe pas par le prix. C'est, pour moi, la difficulté principale que rencontrent aujourd'hui les pure players dans le champ de la grande consommation.

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Vous avez expliqué les évolutions, les comportements du consommateur, mais si l'on en revient aux relations commerciales entre la grande distribution et ses interlocuteurs, les industriels, les coopératives, comment analysez-vous les regroupements dans le secteur de la grande distribution et leur impact sur le pouvoir d'achat, au niveau national et européen ? Je voudrais aussi que vous nous donniez votre point de vue, votre éclairage sur le rôle des marques de distributeurs (MDD) dans l'évolution des prix à la consommation. Est-ce que ça tire les prix à la baisse ? Et quelles sont, selon vous, les conséquences de la hausse du seuil de revente à perte (SRP) ?

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Daniel Ducrocq, directeur du service distribution de Nielsen France

Je réponds d'abord à la question sur l'impact des regroupements. En France, la déflation a commencé bien avant ces regroupements, ces divorces et ces mariages successifs. En cinq ans, entre 2013 et 2018, les grandes marques ont vu baisser leurs prix de 15 %. C'était déjà le cas avec les super-centrales d'achat, donc c'est difficile d'isoler l'impact spécifique des regroupements, mais ça concourt évidemment à ce que les forces de frappe soient plus inégales. Avant les regroupements franco-français, il y avait des alliances internationales. On ne peut évidemment pas exclure que ça ait tiré les prix vers le bas.

Pour ce qui est des MDD, l'évolution est directement liée à ce qui se passe sur les grandes marques. Ce que vous voyez en orangé sur le slide, c'est le résultat d'une bataille de plusieurs années sur les 1 500 produits les plus vendus en France. La bataille des prix se faisait exclusivement dessus. La MDD était pour ainsi dire oubliée, le décrochage des prix était moindre, on pouvait trouver les grandes marques emblématiques au prix des MDD ou presque.

Vous parliez de l'impact de la loi EGAlim et du relèvement du seuil de vente à perte. On voit aussi qu'il y a encore une forte corrélation entre les prix des MDD et ceux des grandes marques sur les cent produits le plus vendus en France. Mécaniquement, avec la limitation à 10 % du seuil de revente à perte, les enseignes, pour compenser, se remettent à baisser les prix des MDD. On n'avait pas vu cela depuis des années. Donc, les deux sont liés, bon an mal an, c'est ce que l'on verra, l'inflation post-EGA reste très contenue quand même, grâce à ce jeu des distributeurs. On compense sur les MDD les hausses que l'on peut avoir sur les grandes marques.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Le point qui est important, et qui défie les lois que l'on apprend dans les bouquins en ce qui concerne l'offre et la demande, c'est que plus un produit est demandé, plus il y a de chances, s'il est distribué dans tous les magasins, que son prix baisse. C'est exactement le contraire de ce que l'on constate d'habitude. Le distributeur, qui a accès à tous les chiffres, comprend que telle référence, comme le Coca-Cola ou la pâte à tartiner, « tourne » très bien, donc il essaie d'être le moins cher pour que le consommateur « lambda » vienne l'acheter chez lui. Du coup, plus un produit est demandé, plus son prix a des chances d'être bas. Dans les années d'inflation, c'était là-dessus que la bataille se faisait.

La bataille ne se fait donc pas sur des catégories de produits, mais sur des références, parce que c'était l'intérêt du distributeur comme du fabricant. En revanche, quand le seuil de revente à perte est atteint ou proche d'être atteint, la probabilité que ces produits les plus vendus sont à peu près les mêmes, ce sont eux, du coup, qui remontent un peu plus vite.

Le slide montre que, parmi les 15 000 références les plus vendues en 2018 – il n'y a pas de MDD, ce ne sont que des marques de fabricants – on constate que, depuis l'application de la loi, c'est-à-dire depuis fin février, le « top 100 » a vu ses prix progresser de 4 % à 6 % en supermarché ou hypermarché, du fait que le SRP était atteint ou proche d'être atteint. Et moins le produit est vendu, même si l'on reste dans le « top 15 000 », moins l'inflation récente est marquée. C'est sans doute que le SRP était plus éloigné. C'est un premier point.

Pour en revenir aux MDD, comme la bataille, ces dernières années, se faisait sur les marques et que tout monde doit bien gagner sa vie d'une façon ou d'une autre, les distributeurs pratiquaient ce qu'on appelle la « péréquation des marges » et mettaient moins d'emphase sur leurs marques à eux. Ils communiquaient sur les produits locaux, des produits de marque, sur le bio, du coup ils avaient des prix intéressants, ils ont attaqué plusieurs sujets pour créer de la valeur indirectement de façon compenser cette valeur qui disparaissait – puisque les prix baissaient, il ne faut pas le nier. La marque de distributeur, au contraire, a permis pendant pas mal d'années de lutter contre le hard discount. Quand le hard discount est arrivé avec ses prix bas, la grande distribution s'est dit : bon, je vais refaire de la MDD, au premier prix, encore plus bas. Ça a permis de limiter l'explosion du hard discount en France par rapport à d'autres pays.

Ensuite, il y a eu la phase de déflation, durant laquelle la MDD était moins une priorité. Maintenant que la loi encadre davantage les prix et les promotions, on y consacre de nouveau un peu plus de temps et d'énergie.

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J'avais une question sur le montant de la déflation. Pour que tout le monde comprenne bien et que nous ayons les bons chiffres, je voudrais savoir, sur les cinq dernières années, pour l'ensemble des marques, pour les MDD, quel est le niveau exact de l'inflation ou de la déflation ? Et combien de chiffre d'affaires cela fait en moins pour l'agroalimentaire ? Et est-ce que vous avez l'évolution, sur trois ou cinq ans, du prix des produits bio ? On entend souvent dire qu'on va vendre à perte un flacon de shampooing et qu'on va se rattraper sur le bio.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

La déflation cumulée est un calcul pour lequel il faut reconstituer les séries, étant donné que les codes changent. Notre travail consiste, comme le montre le graphique que vous voyez ici, à regarder sur les codes existants à un moment donné, le prix un an avant, l'année d'avant, etc. En cinq ans, beaucoup de codes disparaissent, sont remplacés par d'autres, donc l'exercice, un peu théorique, consiste à reconstituer les choses. On arrive à un résultat de l'ordre de 13 % à 15 % de déflation sur les grandes marques, cumulée sur quatre à cinq ans. On est sur un exhaustif, puisque les marques distributeurs, que vous voyez en rouge ou en violet sur la même période, ont connu des hausses de prix ou sont restées relativement stables.

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Est-ce que ce sont bien les chiffres hors inflation générale ? Dans ce cas, non seulement on ne prend pas en compte l'inflation, mais on se prend l'intégralité de la déflation, soit moins 15 % sur cinq ans ?

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Oui, nous partons bien des codes existants, de ce qu'on peut comparer. Le phénomène qu'il faut bien garder en tête, et que résume bien le slide, c'est la création de valeur par les nouveaux produits qui arrivent en magasin. Nous sommes ici au début de 2019, les chiffres sont relativement similaires à ce qu'on a pu constater l'année dernière. Le principe, c'est que, dans l'effet prix, il y a l'effet d'inflation – ou de déflation – et il y a ce qu'on appelle l'effet de mix. L'effet d'inflation, depuis le début de l'année, est à 0,2 point, peut-être 0,3 point fin mai, à comparer avec une baisse moyenne de 1,3 % toutes étiquettes confondues. Mais le reste crée quand même de la valeur à cause de l'effet de mix. On voit bien que les prix restent positifs à 2.3 %, tandis que les volumes sont stables voire légèrement négatifs. Si l'effet prix augmente, c'est du fait de la compensation due à l'effet de mix. L'effet de mix, ce sont plusieurs choses : c'est d'abord « j'achète davantage de produits de marque puisqu'ils deviennent plus accessibles, je paie tout de même un peu plus cher mais pas tant que ça, et la part de ces produits dans mon panier crée de la valeur » ; c'est aussi « j'achète aussi des produits de marque en promotion parce qu'ils deviennent plus intéressants » ; et le point majeur, c'est « j'achète des produits plus chers, mais plus valorisants, parce que je veux consommer mieux, consommer du bio, du sans-gluten, du sans-parabène, du sans-antibiotiques, etc. » – je ne sais pas si c'est mieux, mais en tout cas c'est « tendance ». Du coup, il y a de nouvelles offres, des promesses supplémentaires, que ce soit en cosmétique, en alimentaire, etc., qui justifient des prix plus élevés par le fait que c'est peut-être plus compliqué à produire, que la matière première est plus chère etc., et que le consommateur est prêt à payer davantage.

D'où, au total, une création de valeur. L'une des réponses de la distribution au développement du e-commerce, c'est de créer de la valeur dans ses magasins, de créer l'offre que le consommateur recherche. Les consommateurs cherchent des prix intéressants, bien sûr, mais ils cherchent aussi à bien consommer. Quand on les interroge, ils veulent du frais, de la santé animale, du bio, du coup les fabricants produisent de plus en plus de produits qui répondent à cela, mais qui sont plus chers, en vente et en production.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Nous ne l'avons pas ici, mais nous pouvons vous la trouver.

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Je vous pose une autre question : d'après vos analyses et les éléments que vous connaissez, le secteur de la grande distribution a-t-il un type de produits sur lequel il fait peu de marge et un autre sur lequel il en fait davantage ? Et parmi ces produits, y a-t-il en particulier des produits alimentaires ?

Je reviens ensuite à la question du rapporteur : quand on voit, par exemple, que le prix du lait bio descend au niveau du lait traditionnel, on finit par ne plus rien comprendre. Quand je dis « on », je parle du consommateur, qui est complètement désorienté, complètement déboussolé. Cinquante ans de fréquentation de la grande distribution lui ont fait perdre ses repères lorsqu'il veut acheter un produit de qualité et qu'il voit qu'il n'y a plus de différence de prix entre les différents produits est mis en rayon.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Sur les marges, malheureusement, nous n'avons pas la réponse. Nous n'avons pas finalisé notre mini-étude sur le prix du lait à long terme. Une des choses qui est un peu surprenante que nous avons tout de même constatée, c'est que l'évolution du prix du lait en magasin, ces dernières années, n'a pas été particulièrement déflationniste. Je ne parle pas du prix d'achat... Ce qu'on connaît très mal aussi, c'est, dans les volumes de lait achetés à un producteur par un distributeur ou par un fabricant qui va le transformer pour en faire un produit laitier, la part qui va être affectée à la marge, la péréquation interne à un fabricant ou à un distributeur. On peut imaginer que, sur des catégories de produits qui vont bien, qui sont en croissance parce qu'il y a de la demande, le distributeur ou le fabricant s'autorise des prix plus élevés au départ, ce qui favorise une pression, ensuite, pour que le prix baisse. Ce qui va bien en ce moment, c'est le frais non laitier, les produits à la coupe, le rayon « traiteur », etc., parce qu'il y a l'idée de fraîcheur, de santé, de produits moins transformés… Le traiteur a beaucoup d'employés derrière, mais le consommateur est prêt à payer plus cher, car il paie un service. Ce qu'on ignore, c'est comment tout cela affecte la distribution, les coûts directs et indirects en magasin. J'en parle seulement pour vous donner un exemple. Mais sur le lait, nous vous enverrons nos infos quand nous en saurons un peu plus.

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Daniel Ducrocq, directeur du service distribution de Nielsen France

Sur le bio, j'ai retrouvé des données : en avril, l'inflation était de 0,1 point seulement sur les produits bio. Donc, on peut estimer qu'il n'y en a pas. Ce n'est pas étonnant, car les distributeurs se battent pour être le mieux positionné sur ce créneau qui est générateur d'image. Beaucoup communiquent sur le prix du bio, font de la promotion sur le bio, ce qui n'était pas simple l'an dernier, pour des questions d'approvisionnement. C'est donc un autre levier de croissance pour les distributeurs, à condition d'être bien placés en prix.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Beaucoup sont dans le collimateur de la presse à la suite de différents scandales, mais aussi à cause des prix d'achat pratiqués par les trois grands industriels qui achètent le plus de lait. Ce que nous avons vu, du coup, c'est qu'il y a plutôt eu de l'inflation ces dernières années, une inflation qui ne ralentit pas, mais qui n'accélère pas forcément non plus.

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Sans vouloir trop résumer, mais un petit peu quand même, vous avez donné vos conseils pendant des années,, en matière de remises, de rabais, de promotions, à des groupes de GMS, ce qui semble avoir produit beaucoup de déflation. C'est en tout cas ce que montrent les chiffres aujourd'hui. Et on s'aperçoit que ça nous a mis un peu dans le mur, que les gens désertent de plus en plus les hypermarchés, veulent du drive, de nouvelles expériences, soit en ligne, soit dans des magasins qui soient plus jolis, plus accueillants, où on ne fasse pas la queue pour payer, etc…

Le but de notre commission, c'est aussi de faire des propositions. Quels seraient, donc, les nouveaux conseils que vous prodigueriez aujourd'hui à la grande distribution ? Est-ce que vous continueriez à leur dire : « Faites des promotions, cela fera venir le chaland dans vos magasins » ?

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Daniel Ducrocq, directeur du service distribution de Nielsen France

Sur les promotions, je me permettrai une petite rectification : nous ne conseillions pas de faire davantage de promotions, car ça coûte très cher au fabricant, à qui on demande de financer, mais aussi au distributeur lui-même, qui doit souvent remettre la main à la poche pour faire des offres incroyables – comme celle sur le Nutella que vous avez tous vue… Nos conseils étaient plutôt à budget identique. Maintenant, la donne a changé avec la nouvelle loi, donc tout le monde est en train de prendre ses marques, mais on voit quand même qu'il y a un report sur la droguerie et sur l'aide alimentaire, deux domaines dans lesquels de gros coups ont été faits depuis le début de l'année.

Nos conseils visent plutôt à faire monter « moins mais mieux », grâce aux offres personnalisées, aux promotions ciblées en fonction des catégories de clients. Moi qui n'ai pas d'enfants, par exemple, je ne vais pas avoir les mêmes promotions qu'Anne qui en a. Grâce aux nouvelles technologies, on peut faire des choses beaucoup plus pertinentes, beaucoup plus efficaces, qu'on ne pouvait pas faire avec un prospectus papier classiques. On s'oriente donc plus vers de la promotion personnalisée que vers de la promotion de masse comme on la voyait à l'époque, sauf pour les catégories qui ne sont pas concernées par les EGA.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Nous vous avons apporté quelques chiffres pour illustrer le fait que la loi est bien appliquée en magasin, notamment pour ce qui est des taux de remise. Sur l'alimentaire, au cours des six derniers mois, 44 % des remises supérieures à 35 % sont devenues inférieures à 35 %. Ce n'est pas le cas, en revanche, en droguerie-parfumerie-hygiène (DPH), où tout le monde baisse ses prix d'une certaine façon…

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Est-ce que vous avez, dans vos statistiques et dans vos études, depuis que nous sommes en déflation – environ 15 % depuis cinq ou sept ans à peu près, à codes constants –, des données sur les créations de nouvelles références ? Est-ce que, depuis que nous sommes en déflation, il y a plus de nouvelles références susceptibles de créer le « mix produit », ou est-ce qu'au contraire les industriels se disent : « Puisqu'on nous a serré la vis, on n'a plus d'argent pour la recherche-développement » ?

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

Tout d'abord, il faut dire que nous codons chaque année plus de produits : à peu près 1 400 produits par semaine, et ce chiffre a tendance à augmenter.

J'ajoute quand même que, pendant cette période de forte déflation, il s'est passé deux choses. La première, c'est que les fabricants, pour éviter qu'on puisse comparer leurs prix – car c'est la révolution technologique des comparateurs de prix qui a créé la déflation, en rendant accessibles les prix dans tous les magasins –, ont dû réinventer les codes, avec des formats spécifiques par enseigne. Mais la distribution, ou bien un fabricant, reprenait son produit, appliquait un mini-changement de recette, et essayait de revenir au prix d'avant. Ce n'était pas une fausse augmentation de tarif, c'était juste un essai pour changer le code et revenir à l'ancien prix. Et nous, on essayait de vérifier le chaînage de code pour vérifier si c'était bien le même produit – et au bout de quelques mois ou semaines ça redescendait.

Il y a donc eu cette accélération des codes un peu virtuelle, qui ne crée pas forcément de la valeur, mais permet de revenir aux anciens prix. Avec ces innovations, un produit bio peut avoir un indice supérieur de 20 % à 25 % à celui d'un produit conventionnel. Les produits des PME répondent à une demande, à une promesse de qualité peut-être, qui justifie des prix plus élevés. Comme ils sont souvent régionaux, et donc moins distribués, ils sont moins faciles à comparer d'un magasin à l'autre, donc moins « bataillés ». C'est ce que nous expliquons dans nos conférences : si la grande distribution apprécie aussi les PME, c'est pour la qualité de leur produit, mais aussi pour le fait qu'ils sont plus difficiles à comparer.

Et l'autre chose que je voulais dire, c'est que la pression mise par la distribution sur les fabricants, mais aussi sur elle-même, sur les MDD, s'est faite au détriment de l'investissement dans les innovations. Nous essayions bien de leur expliquer, parce que nous avons un département innovation, qu'en temps de crise – mais, pour nous, la France n'est pas en crise par rapport à d'autres pays du monde – les fabricants qui s'en sortent, une fois la crise passée, sont ceux qui ont continué d'investir dans des produits, qui inventent le produit qui sortira demain, même si c'est difficile et si cela demande des efforts.

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Daniel Ducrocq, directeur du service distribution de Nielsen France

Du côté des distributeurs, l'impact de la déflation a été qu'il y a eu moins d'argent injecté dans les magasins. Cela explique aussi pourquoi nos hypermarchés souffrent un peu. On parlait tout à l'heure d'expérience client : la déflation coûte très cher aux distributeurs aussi, parce qu'il faut être moins cher à cause de la concurrence. C'est un engrenage. Structurellement, un magasin qui est le moins cher sur une zone, de manière constante, est gagnant, les études le montrent : pour un hypermarché, la compétitivité prime. Il y a une forte attente, c'est quelque chose d'important. Avec cette course à la déflation, et moins d'argent injecté dans les magasins, les hypermarchés ont pris de plein fouet l'arrivée des autres circuits de distribution.

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Un de nos collègues en déplacement dans sa circonscription de La Réunion m'a chargé de vous demander si Nielsen France a des panels de clients sur les marchés ultramarins et, si oui, quelles sont les spécificités des outre-mer ?

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Daniel Ducrocq, directeur du service distribution de Nielsen France

Je ne suis pas spécialiste du sujet, mais nous travaillons, oui, à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe, nous faisons des relevés de prix pour accompagner les distributeurs dans leur positionnement prix. Mon analyse est que les écarts de prix sont moindres sur les îles françaises, du fait qu'il y a moins de concurrence. Il y a moins de tension sur les prix, en tout cas entre acteurs, car la distribution n'est pas la même outre-mer et en métropole.

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J'ai une dernière question. Pendant un demi-siècle, le secteur de la distribution a « vendu » des prix bas au consommateur, et c'est ainsi que, dans les années 1960 et 1970, on a attiré le consommateur dans les grands magasins. Je suis député depuis trois législatures et nous avons la chance d'avoir dans notre commission un ancien ministre de l'agriculture qui s'est attaché à faire prendre conscience à l'ensemble des protagonistes, du consommateur jusqu'au commerçant, jusqu'au distributeur, du fait que le prix est une chose, mais qu'il faut qu'il y ait une corrélation entre les coûts de production et les prix à la consommation. Et, depuis quelques années, tout le monde est conscient de la responsabilité sociétale des entreprises, des différents partenaires, y compris les distributeurs et des industriels, mais aussi de la responsabilité du consommateur. Dans les États généraux de l'agriculture comme dans la loi qui a été votée ensuite, on a beaucoup parlé de haute valeur environnementale, de haute valeur nutritionnelle, de haute valeur sociétale. Et on essaie de « vendre » l'idée aux acteurs de la grande distribution, car tout ça se joue, nous disent les producteurs de lait, sur quelques centimes par litre – comme un certain nombre de mes collègues, et comme le ministre de l'agriculture, je suis élu d'une région où l'on produit du lait. Et là, les acteurs de la distribution, les centrales d'achats, les commerçants agitent le spectre de l'inflation : « Vous comprenez, les prix à la consommation vont augmenter, ça va être infernal… » Quel est votre point de vue, votre analyse ? Est-ce que, si chacun est conscient de cette responsabilité sociétale collective, il n'y a finalement pas le feu au lac comme la distribution veut nous le faire croire ? Cela arrangeait bien les pouvoirs publics, il faut le dire aussi, de maintenir bas les prix à la consommation. Mais aujourd'hui nous sommes dans une autre époque, où la responsabilité sociétale, y compris dans l'acte d'achat, a son importance.

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Anne Haine, directrice générale de Nielsen France

S'agissant de la responsabilité sociétale, pour le coup nous ne sommes pas venus avec des chiffres, mais nous avons actuellement des études, basées sur du déclaratif, qui montrent que les consommateurs sont disposés, dans tous les pays du monde y compris la France, à payer plus cher pour un produit qui respecte certains critères en la matière.

Cela dit, il faut préciser deux choses. On sait que la France sort, cela a été dit dans les médias, de plusieurs années de baisse des prix, mais, pour plus des deux tiers de la population Française, les prix continuent d'augmenter. C'est leur ressenti, et on dit souvent que la perception du consommateur, c'est sa réalité. Pour lui, les prix augmentent, depuis toujours et ça s'accélère. En 2011-2012, le taux était même plus élevé, les années d'inflation étaient encore proches. Reste qu'aujourd'hui, pour les deux tiers des gens, que vous les preniez dans la rue ou que vous interrogiez un panel de consommateurs, les prix augmentent, et de plus en plus. Nous avons, en décembre, testé des panélistes sur leur niveau de connaissance de la loi EGAlim, de la question du seuil de revente à perte, de celle des promotions. Un foyer sur trois avait entendu parler de la limitation des promotions à 34 %, mais seulement 13 % avaient entendu parler des États généraux de l'alimentation ! Donc, les fabricants, on les rencontre et ils sont d'accord pour faire ci ou ça, mais ensuite c'est la loi de la consommation qui l'emporte. En revanche, le point que je voudrais signaler, et qui rejoint la notion de responsabilité sociétale, c'est que les personnes les plus au courant, les plus sensibles à cet aspect, ce sont les foyers aisés, les classes moyennes ou supérieures. Les foyers qui sont surtout sensibles aux promotions n'en ont pas forcément entendu parler, ils n'ont pas forcément la même écoute. Et ce que nous essayons de faire, mais c'est encore un peu tôt, c'est de suivre ceux qui étaient au courant, de suivre l'évolution dans le temps de leur rapport à leur consommation, en relation avec l'évolution des prix.

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Je ne suis pas convaincu par votre analyse. Je suis sûr que les foyers modestes ont une responsabilité toute aussi grande, qu'il s'agisse des déchets, de la pollution, mais aussi de l'acte d'achat, que les foyers aisés. Bien sûr, ils regarderont plus attentivement le prix, je suis d'accord, mais il y a chez eux aussi ce souci du « bien consommer ».

Nous arrivons au terme de notre audition et vous remercions sincèrement pour vos réponses et vos documents. Le rapporteur sera plus à même, le cas échéant, de vous solliciter à nouveau pour obtenir des éléments complémentaires, afin que son rapport soit aussi complet que possible.

La séance est levée à dix-heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 9 h 30

Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, M. Yves Daniel, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Cendra Motin, M. Hervé Pellois, M. Stéphane Travert, M. Nicolas Turquois