Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 9h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente

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Avant d'ouvrir cette audition, je souhaite rendre hommage aux militaires impliqués dans le rapatriement de nos compatriotes de Wuhan, et plus particulièrement aux aviateurs de l'escadron de transport aérien Estérel et de la base aérienne d'Istres, ainsi qu'aux infirmiers et aux médecins du service de santé des armées. Leur implication dans cette mission illustre, une fois de plus, que les armées répondent toujours présent lorsqu'il s'agit de la protection des Français.

Cet hommage légitime étant rendu, je vous propose d'ouvrir l'audition du secrétaire général de la mer, M. Denis Robin, et du préfet maritime de l'Atlantique, le vice-amiral d'escadre Jean-Louis Lozier.

Monsieur le Secrétaire général, amiral, c'est un plaisir pour mes collègues et moi-même de vous accueillir ce matin, pour une audition qui sort de l'ordinaire à plusieurs égards. Jusqu'à présent, en effet, notre cycle d'auditions géopolitiques nous a conduits à étudier différents pays et continents. Cela étant, les mers et les océans méritent aussi une attention particulière. Spontanément, on y pense peu. Mais à y regarder de près, la défense des intérêts de notre pays se joue beaucoup sur nos côtes et au large, qu'il s'agisse de la défense des approches maritimes du territoire national, de l'exploitation régulée de nos ressources, de la sécurisation de nos approvisionnements et de nos exportations, de la régulation des migrations, de la lutte contre les trafics illicites, de la préservation de notre biodiversité ou encore de la protection de notre capacité énergétique avec l'éolien en mer. Je ne rappellerai pas l'étendue de notre zone économique exclusive, la deuxième au monde, car nous en avons déjà beaucoup parlé ici. Compte tenu des enjeux à l'œuvre tant en métropole qu'outre-mer, nos intérêts maritimes sont majeurs. Ils se traduisent, pour l'État, par des missions de toute nature, certes d'égale importance, mais dans des champs très divers allant de la planification et de la conduite des opérations militaires en mer à la police des pêches, du sauvetage en mer à la lutte contre les trafics illégaux ou encore du contrôle des flux migratoires à la police de l'environnement. L'action de l'État en mer est ainsi, par nature, interministérielle. De façon tout à fait logique, c'est donc sous l'autorité du Premier ministre qu'elle est engagée, au niveau central par monsieur le secrétaire général de la mer qui pourra nous en présenter les enjeux, et au niveau déconcentré par les préfets maritimes que notre commission recevra un à un. Comme tous les préfets, ceux-ci sont les délégués du Gouvernement dans le ressort de leur préfecture – en l'espèce, une mer ou un océan.

N'y voyez pas le signe d'une préséance ou d'une préférence de ma part, mais il m'a semblé bon que le premier préfet maritime que nous rencontrions soit celui de l'Atlantique, l'amiral Jean-Louis Lozier, dont l'état-major se trouve à Brest d'où je reviens. En effet, le hasard du calendrier m'a amené à y passer deux jours à bord d'un bâtiment.

Cette audition sort aussi de l'ordinaire dans la mesure où j'ai tenu à ce que nous auditionnions ensemble le secrétaire général de la mer et l'amiral Jean-Louis Lozier, afin d'étudier en pratique l'organisation administrative très originale qui a été choisie, il y a 40 ans déjà, pour donner à l'État les moyens de remplir ses missions en mer.

Sans empiéter sur ce que nos hôtes pourront nous expliquer plus en détail, je rappellerai que la France a fait le choix de ne pas créer de corps de garde-côtes, contrairement à d'autres puissances maritimes, mais de mutualiser ses moyens en faisant reposer une large part des missions civiles sur ceux de la marine nationale.

C'est ainsi que la casquette de vice-amiral d'escadre est aussi celle de préfet, placé sous l'autorité du Premier ministre via le secrétaire général de la mer pour tout ce qui concerne les missions civiles de l'État dans l'Atlantique.

Mais l'originalité du modèle français va beaucoup plus loin, puisque les préfets maritimes sont également investis d'autres fonctions – militaires, celles-ci – qu'ils exercent sous l'autorité des armées. Ces fonctions militaires sont de deux natures. La première est opérationnelle. Ainsi, le préfet maritime est aussi commandant de zone maritime, c'est-à-dire chargé de la conduite des opérations navales et aéronavales dans sa zone de compétence – en l'espèce l'Atlantique – lorsque ces opérations n'ont pas été confiées spécifiquement à un autre chef. C'est, en quelque sorte, la deuxième casquette de l'amiral, pour laquelle il est placé sous l'autorité du chef d'état-major des armées. Ses autres missions sont de nature organique. Le préfet maritime, commandant de zone maritime, est également commandant d'arrondissement maritime, c'est-à-dire responsable des organes de la marine nationale basés sur son ressort. Pour l'amiral Lozier, il s'agit de la côte atlantique, y compris la base navale de Brest et toutes ses installations de la plus haute importance. Il s'agit là, si je file la métaphore, de sa troisième casquette.

En somme, une politique interministérielle lourde d'enjeux de nature très variée, une organisation très originale dont la clé de voûte est le préfet maritime, avec quatre étoiles et trois casquettes si vous me permettez cette expression : voilà une organisation qui mérite bien toute notre attention. Elle la mérite d'autant plus que dans un récent référé, la Cour des comptes a souligné la pertinence de ce modèle retenu pour la métropole et suggéré qu'il soit étendu aux Outre-mer.

Monsieur le secrétaire général, amiral, je vous laisse la parole sans plus attendre pour nous présenter vos vues sur l'ensemble de ces points. Vous pourrez ensuite répondre aux questions de nos collègues. Je rappelle que nous sommes à huis clos, ce qui permettra une grande liberté de part et d'autre, dans le respect.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

Le panorama de l'action de l'État en mer que vous venez de dresser cible très bien les thématiques qui sont les nôtres – au niveau déconcentré, pour les préfets maritimes, en l'occurrence Jean-Louis Lozier pour l'Atlantique, et au niveau central par le secrétariat général de la mer. Nos activités ne se recoupent pas totalement. En effet, ainsi que vous l'avez expliqué, l'amiral Lozier, le préfet maritime, ne relève de l'autorité du Premier ministre et donc de la mienne que pour une seule de ses trois missions : l'action de l'État en mer. À l'inverse, le secrétaire général de la mer exerce lui aussi des missions qui ne nécessitent pas de relation avec la représentation territoriale des préfets maritimes ou des délégués de l'État en mer.

Le secrétariat général de la mer est une institution assez mal connue de la République dans la mesure où son périmètre d'action, la mer, n'a ni habitants ni représentants. Créée par un décret de 1995, elle prend sa place au sein de la République. Sous l'autorité du Premier ministre, elle a la responsabilité de coordonner l'ensemble des ministères qui, à un titre ou à un autre, interviennent dans le domaine maritime et, par extension, sur le littoral, c'est-à-dire là où les thématiques terrestres et maritimes se confrontent.

Le secrétariat général de la mer effectue quatre types de missions. La première, historique, est très régalienne. C'est une mission de coordination des moyens des différents ministères pour la surveillance et la préservation des eaux territoriales françaises et des zones économiques exclusives françaises, mais aussi des activités de secours et de contrôle en mer. Depuis 1995, cette mission s'est progressivement étendue. Le secrétariat général de la mer est d'ailleurs étroitement associé à la question de la délimitation des frontières maritimes de la France. Autant il n'y a quasiment plus, sinon de façon très anecdotique et historique, de contestation de nos frontières terrestres, autant toutes nos frontières maritimes ne sont pas encore reconnues dans l'ensemble du monde. Nous débattons encore avec un certain nombre d'États quant à la reconnaissance des frontières de la zone économique de la France. Dans la même ligne, le secrétariat général de la mer est en charge de la coordination des services de l'État et de la discussion devant les Nations unies au sujet du programme Extraplac pour la reconnaissance de droits d'exploitation du fond de la mer par les États au-delà de leur zone économique exclusive. La zone économique exclusive française représente actuellement 10,2 millions de kilomètres carrés. La France revendique une extension de ses compétences et de ses pouvoirs pour environ 1 million de kilomètres carrés supplémentaires. La commission spécialisée des Nations unies lui a déjà reconnu des droits pour 600 000 d'entre eux. Nous sommes toujours en discussion concernant les 400 000 kilomètres carrés restants. Ce sujet, qui ne fait pas directement appel aux préfets maritimes – encore que, pour surveiller cette zone, nous avons besoin d'eux ainsi que des délégués de l'État en mer –, est évidemment très en lien avec la politique de défense de la France. D'ailleurs, le fait que nos frontières ne soient pas stabilisées dans certains océans du monde peut devenir un sujet de défense qui intéresse votre commission.

La deuxième mission du secrétariat général de la mer fait de lui l'interlocuteur de toutes les filières économiques maritimes de notre pays à travers le Comité France Maritime, le CFM. Ce Comité France Maritime est ainsi coprésidé par le président du Cluster Maritime Français et, pour l'administration, par le secrétaire général de la mer. Ce comité très vivant, qui se réunit régulièrement, regroupe les grandes filières – la construction et la réparation navales, le domaine de la plaisance, très dynamique en France, la croisière, la pêche, l'extraction de granulats en mer et l'énergie en mer. Le secrétaire général de la mer dialogue avec l'ensemble de ces filières maritimes et propose au Premier ministre les mesures qui doivent permettre de les développer, dans le respect des contraintes environnementales et des engagements pris par la France au niveau international. Cette activité, bien que purement économique, est malgré tout souvent en lien avec des sujets de défense, ne serait-ce qu'au travers de la construction navale. Je suis ainsi l'interlocuteur régulier du président d'une entreprise comme Naval Group. Au-delà, la nécessité de maintenir en France une compétence industrielle pour construire et équiper des bateaux de service public qui participent à la surveillance de nos zones économiques exclusives est absolument indispensable. Je suis donc en liaison avec différents chantiers navals répartis sur l'ensemble du littoral français, qui produisent les bateaux dont nous avons besoin et ont aussi une forte activité à l'export. Le maritime est d'ailleurs encore un domaine dans lequel la commande publique est un moteur essentiel de l'activité, et sans doute aussi une condition indispensable à l'export. En effet, si ces chantiers exportent, c'est parce qu'ils peuvent démontrer la qualité de leur production dans les eaux françaises. Entre 2020 et 2023, par exemple, les Chantiers navals auront construit et livré plus de 400 vedettes de service public, dont 80 % destinés à l'export.

La troisième activité du secrétariat général de la mer consiste à être l'interlocuteur du monde de la recherche et des ONG environnementales dans l'espace maritime. Cette activité, qui se développe très fortement, est menée en lien étroit avec le ministère de la transition écologique et solidaire. À ce titre, le secrétaire général de la mer assure le secrétariat du comité France Océan.

La quatrième activité du secrétaire général est internationale. En effet, celui-ci est très régulièrement amené à représenter la France dans les instances internationales. Du fait de la présence de la France dans les quatre océans du monde, qui constitue une des grandes particularités de notre pays, nous participons à des forums internationaux dont certains sont assez inattendus. C'est ainsi que nous sommes sur le point de devenir membre à part entière du forum des gardes-côtes asiatiques, où nous siégerons aux côtés de la Chine, du Japon et de l'Australie.

J'en viens au sujet spécifique de la relation avec les moyens militaires et les préfets maritimes. La France a, de longue date, décidé de diviser son espace maritime en différentes zones, comme on le ferait d'un territoire, et d'organiser sa présence dans ces zones comme on le fait d'un département ou d'une région, en nommant à sa tête un représentant interministériel de l'État dont la mission consiste à coordonner tous les moyens présents dans ces zones. Une dizaine de zones sont ainsi confiées soit à un préfet maritime en métropole, soit au préfet d'un territoire d'outre-mer, lequel prend le titre de délégué du Gouvernement pour l'action de l'État en mer, que l'on appelle DDG/AEM ou encore DDG.

Il existe trois préfets maritimes en métropole : celui de la Méditerranée à Toulon, celui de l'Atlantique à Brest et celui de la Manche et de la mer du Nord à Cherbourg. Il s'agit là d'un modèle historique, créé par Napoléon, auquel nous sommes très attachés et nous nous référons en permanence. Cela étant, ces trois préfets interviennent dans moins de 10 % des eaux françaises, puisque notre domaine maritime est avant tout ultramarin. L'action de l'État en mer est donc largement tournée vers nos eaux outre-mer, sous la coordination des DDG que sont les préfets de la Martinique, de la Guyane, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de la Réunion, lequel couvre également les zones de Mayotte et des Terres australes et antarctiques françaises, ainsi que le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie qui couvre également les eaux de Wallis & Futuna, et le haut-commissaire de Polynésie française, dont la zone maritime constitue un domaine considérable pour la France. Il est intéressant de noter que ces représentants de l'État en France surveillent des eaux territoriales françaises et des zones économiques exclusives comme on le ferait d'un territoire, mais que leur responsabilité va encore au-delà puisqu'ils suivent le pavillon français. Lorsqu'un bâtiment sous pavillon français évolue en haute mer, dans une zone de liberté, les préfets maritimes ou les DDG doivent être son interlocuteur pour lui porter secours. Ils doivent même être l'interlocuteur de tout ressortissant français qui se trouverait en difficulté en mer et aurait besoin d'assistance, y compris sur un bateau qui ne serait pas sous pavillon français, pour intervenir à son profit.

Par ailleurs, dans l'océan indien et l'océan Pacifique, la France assume des missions de police en haute mer, en dehors des eaux françaises, dans des zones qui ne ressortissent pas de la compétence d'un préfet maritime ou d'un délégué du gouvernement pour l'action de l'État en mer outre-mer. Les commandants de zone maritime y assument les fonctions de représentants de l'État en mer.

Notre système est donc territorialisé, ce qui est assez original, dans un dispositif entièrement interministériel et piloté, au niveau central, par le Premier ministre – de fait, par le secrétaire général de la mer. Celui-ci dispose de plusieurs moyens de coordination des acteurs de notre politique maritime. Il donne aussi des instructions de diverse sorte aux représentants de l'État en mer. Certaines, par exemple, très traditionnelles, reviennent à la veille de chaque période estivale. C'est le cas de l'instruction sur la sécurité des activités nautiques. D'autres sont plus conjoncturelles. J'ai, par exemple, au moment où l'on ne pouvait pas exclure que le Brexit se concrétiserait sans accord, diffusé une circulaire sur la prévention et la lutte contre les troubles à l'ordre public en mer. La gestion de ce dernier est un exercice très difficile. J'ai donc signé une instruction rappelant les règles et la responsabilité de sa conduite. Autre exemple, la dernière consigne que j'ai été amené à diffuser, en fin de semaine dernière, concernait la conduite à tenir en cas de présence ou de suspicion de présence du coronavirus dans un bâtiment voulant entrer dans un port français.

Une autre originalité du système français est que nous avons territorialisé et confié nos zones à des responsables de théâtre, pour utiliser un langage militaire, lesquels sont chargés de la surveillance et, bien au-delà, de l'action en mer, avec des dispositifs très atypiques que nombre de pays nous envient et copient. Ce système fait reposer sur les commandants des bateaux de l'État, et pas uniquement de la marine nationale, une responsabilité de surveillance et d'intervention en cas de constatation ou de suspicion d'infractions en mer – lesquelles relèvent bien souvent de trafics. Vous les avez citées : pêche illégale, narcotrafics, immigration clandestine. Les commandants des bateaux de l'État ont le pouvoir de constater les infractions en mer. C'est un pouvoir très dérogatoire dans notre système. Ils font l'objet d'une habilitation administrative, en quelque sorte, à constater les infractions en mer. Et leur pouvoir atypique ne s'arrête pas là, puisqu'ils peuvent entrer immédiatement en relation avec des magistrats spécialisés pour le littoral, à même de prendre des décisions adaptées à la situation. Notre système va même plus loin : si un magistrat ou une autorité judiciaire compétente décide que, compte tenu de l'éloignement ou de la faiblesse de l'intérêt à poursuivre, il n'engagera pas de poursuites, alors que le préfet maritime ou le DDG peut se substituer dans le cadre de ce que l'on appelle la dissociation, non pas pour prononcer une sanction mais pour détruire l'objet de l'infraction. Le cas échéant, un commandant de bateau en mer peut donc demander au DDG ou au préfet maritime en métropole l'autorisation de détruire une cargaison de stupéfiants. La législation française procure ainsi une efficacité reconnue à nos moyens qui patrouillent et surveillent nos zones.

Pour rendre compte au Premier ministre de notre activité en mer et préparer avec lui les décisions qui s'imposent pour faire évoluer notre dispositif, nous disposons d'un comité interministériel de la mer, le CIMER. Celui-ci réunit une quinzaine de ministres autour du Premier ministre. Tous les ans, il dresse un bilan des actions de l'État en mer et de leur efficacité, et prend les décisions nécessaires dans les domaines économique, environnemental, portuaire, mais aussi régaliens. J'évoquerai deux décisions intéressantes prises par le dernier CIMER, en date de décembre 2019. D'abord, le Premier ministre a arrêté un schéma directeur de la fonction de garde-côtes. La crainte existe, notamment dans les territoires ultramarins, de vivre des ruptures capacitaires dans les moyens de surveillance de nos zones économiques exclusives. On entend d'ailleurs très souvent les élus de ces territoires regretter que l'État ne dédie plus suffisamment de moyens pour prévenir et réprimer la pêche illégale ou le narcotrafic. Aussi ce schéma directeur prévoit-il, à une échéance de 10-12 ans, les moyens que toutes les administrations de l'État – les moyens militaires comme ceux des douanes, des affaires maritimes ou encore du ministère de l'intérieur – doivent renouveler et positionner dans nos zones pour assurer la continuité de la surveillance sans aucune rupture capacitaire. Ensuite, cet exemple témoigne de nos préoccupations littorales. Nous avons découvert, à ma grande surprise, qu'il n'existait pas, contrairement à la conduite automobile, de législation ou de réglementation réprimant la conduite d'un bateau, à titre professionnel ou de plaisance, sous un état alcoolique ou de stupéfiants. Aussi le CIMER a-t-il décidé de demander au ministre de l'intérieur d'ouvrir des travaux pour créer cette infraction. La conduite sous état de l'alcool ou de stupéfiants est une cause d'insécurité importante dans l'activité de plaisance sur le littoral.

Pour assurer cette coordination interministérielle, le secrétaire général de la mer s'appuie sur le comité directeur de la fonction garde-côtes. Plusieurs fois par an, ce dernier associe le secrétariat général de la mer, l'état-major de la marine, la direction générale des douanes et des droits indirects, la direction des affaires maritimes, la direction générale de la sécurité civile, la direction générale des outre-mer, la direction générale de la gendarmerie nationale et la direction de la police aux frontières pour débattre de tous les sujets qui concernent les moyens des garde-côtes. À la demande de la Cour des comptes, dans un référé que vous avez rappelé, Madame la présidente, nous avons même étendu ce comité à deux directions : celle des pêches et des cultures marines, qui n'a pas de moyens mais qui constitue un donneur d'ordre important, et celle de l'eau et de la biodiversité, car la thématique de la protection des aires marines protégées et de nos aires environnementales protégées se développe fortement dans l'action de l'État en mer.

En somme, qu'il s'agisse de la lutte contre les pollutions à la suite d'un abordage accidentel entre deux bateaux, comme celui qui s'est produit au large du Cap Corse fin 2018, de l'interception de go-fast, comme ce week-end dans l'arc caribéen, ou encore de la récupération de migrants embarqués sur des embarcations de fortune, comme c'est désormais quotidiennement le cas dans la Manche, tous les moyens de l'État sont mobilisés sous l'autorité des préfets maritimes et sous la coordination du secrétaire général de la mer, dans un système parfaitement interministériel, parfaitement huilé, parfaitement accepté et compris par les différents ministères et donc, me semble-t-il, comme l'a d'ailleurs observé la Cour des comptes, d'une grande efficacité. Il convient encore de noter que se trouve toujours, à la tête de nos zones, un représentant de l'État en uniforme – celui des amiraux pour les préfets maritimes et celui du corps préfectoral outre-mer. Ce fonctionnaire d'autorité est responsable de la conduite de ces actions en mer et peut en rendre compte à tout moment.

Je souhaite, pour finir, évoquer la création d'un corps européen de gardes-côtes par l'agence Frontex, acteur européen dont la forte montée en puissance, d'ores et déjà programmée, fera l'actualité de l'action en mer dans les années qui viennent. Il existe trois agences européennes maritimes : l'agence Frontex à Varsovie, l'agence de contrôle des pêches à Vigo en Espagne et l'agence de sécurité maritime à Lisbonne au Portugal. En l'occurrence, l'Europe a décidé de confier la création d'un corps de gardes-frontières – qui me concerne moins – et de garde-côtes – ce qui me concerne de très près – pour la protection de ses frontières. Frontex dispose donc d'un budget considérable pour monter très rapidement en puissance et créer ses moyens propres, européens, de contrôle des frontières et des zones maritimes européennes. Le projet actuel prévoit qu'à terme, ce corps des gardes-frontières et des gardes-côtes devrait atteindre 10 000 personnes. Cela montre l'ampleur du sujet.

Nous disposons de quelques années pour discuter avec Frontex de la façon dont ces moyens européens s'intégreront dans un système actuellement national. En effet, le droit de la mer est régi par une convention internationale, la convention de Montego Bay, qui ne connaît que les États et pas l'Europe. Ainsi, quand bien même l'Europe voudrait se doter d'un pavillon européen, ce ne serait pas possible sans modifier cette convention. Aussi devrons-nous intégrer des moyens européens dans un système qui ne connaît que des États. Une discussion très compliquée et chargée d'enjeux devra donc se tenir entre des États européens qui n'abordent d'ailleurs pas tous ce sujet de la même façon que nous. Or il se trouve que la France préside cette année le forum européen des garde-côtes, lequel regroupe tous les services de garde-côtes de toute l'Europe. Nous voudrions vraiment mettre à profit cette présidence française pour apporter de premiers éléments juridiques et capacitaires et donner une direction consensuelle et efficace à ce beau projet européen.

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le vice-amiral d'escadre Jean-Louis Lozier, préfet maritime de l'Atlantique

Je suis particulièrement heureux d'être présent parmi vous pour vous présenter les fonctions que j'occupe à Brest depuis maintenant 18 mois. J'en suis d'autant plus honoré que je crois être le premier préfet maritime à être reçu par un tel auditoire. Aussi je vous remercie, Madame la présidente, pour cet honneur que vous me faites et que vous rendez ainsi à notre fonction.

Permettez-moi de débuter par une petite accroche historique, m'inscrivant ainsi dans une longue lignée puisque c'est sous le Consulat, le 27 avril 1800, que Bonaparte – et non Napoléon – a créé la fonction de préfet maritime, seul correspondant du ministre de la marine. Il était, à l'époque, « chargé de la direction des services de l'arsenal et de la sûreté des ports, de la protection des côtes, de l'inspection de la rade et des bâtiments qui y sont mouillés ». Conformément au modèle du préfet territorial, Bonaparte renforçait ainsi la fonction de l'intendant de la marine en la fusionnant avec celle du commandant des ports et en accroissant ses pouvoirs de police en mer. Il confie, pratiquement dès le début, la fonction à des officiers généraux de marine – ce qui restera le cas jusqu'à maintenant. L'avènement de ce commandement unique, fruit d'une longue gestation depuis la création de la fonction d'amiral de France au XIVe siècle, est surtout guidé par une recherche d'efficacité. Depuis, la fonction a bien évidemment évolué. Plusieurs délégations ont été développées. Mais la mission reste conduite avec le même souci d'efficacité.

Dans un premier temps, je propose de vous présenter brièvement les fonctions des préfets maritimes en 2020 et les fameuses trois casquettes dont vous parliez, que je partage avec mes collègues de Toulon et Cherbourg. Je vous expliquerai ensuite ce qui constitue, à mes yeux, la pertinence de notre modèle, avant de préciser les particularités de la zone atlantique.

La première de mes fonctions est celle de préfet maritime. C'est elle qui a conservé le titre original donné par Bonaparte. Aujourd'hui, elle relève des dispositions d'un décret de 2004, le décret n° 2004-112, qui me désigne comme autorité administrative unique, seul représentant de l'État en mer. J'ai ainsi autorité dans tous les domaines dans lesquels s'exerce l'action de l'État en mer, notamment en ce qui concerne la défense des droits souverains et des intérêts de la nation, le maintien de l'ordre public, la sauvegarde des personnes et des biens, la protection de l'environnement, la coordination de la lutte contre les activités illicites. Cette fonction civile interministérielle qui, comme vous l'avez rappelé, relève du Premier ministre, s'inscrit dans le cadre original du modèle de français de l'action de l'État en mer que vient de vous présenter le secrétaire général de la mer.

Mes fonctions s'articulent autour de trois axes. Premièrement, je suis le préfet de l'urgence en mer. Chargé de la gestion des crises, je coordonne quotidiennement, via les centres régionaux opérationnels de sécurité et de sauvetage, les CROSS, les moyens des administrations qui interviennent pour sauver des vies, faire cesser les dangers pour la navigation, mais aussi protéger l'environnement. Je suis également l'autorité de la régulation, en charge de la police administrative générale en mer. Je coordonne, à ce titre, la lutte contre les activités illicites. Je fais assurer le maintien de l'ordre public et réglementer les usages et activités en mer. Enfin, et c'est plus nouveau, le préfet maritime est une autorité de mission en charge de la gouvernance de l'espace maritime et de la planification spatiale maritime. J'exerce cette fonction en tandem avec un préfet coordinateur, qui est un préfet de région, pour l'aménagement de l'espace marin, dans le cadre du développement durable – je pense, bien évidemment, à l'ensemble du dossier des énergies marines renouvelables – et de la protection de l'environnement – essentiellement les dossiers des aires marines protégées. Ce triptyque intervention/régulation/mission me permet d'appréhender globalement le fait maritime.

Ma deuxième fonction, opérationnelle et militaire, est celle du commandement de zones maritimes. Je suis responsable de toutes les opérations militaires qui engagent les moyens de la Marine nationale et des autres armées dans ma zone. Pour ce faire, je relève de l'autorité du chef d'état-major des armées.

Ma troisième casquette est celle de commandant d'arrondissement maritime. Il s'agit d'une fonction organique territoriale, pour laquelle je relève du chef d'état-major de la marine. Dans ce cadre, je suis en relation avec les services déconcentrés de l'État, notamment pour les questions relatives à la sécurité nucléaire des installations, à l'application de la réglementation liée à l'environnement et à la participation de la marine à des activités ne relevant pas de ses missions spécifiques. Je traite aussi du rayonnement des relations avec les autorités civiles et militaires et, surtout, je suis globalement responsable de l'ensemble des marins de l'ouest de la France dans les domaines du moral et de la discipline.

Avant de détailler davantage ces fonctions dans ma zone de responsabilité, il me paraît important de souligner ce qui caractérise la pertinence de cette organisation, dont la conduite au quotidien ne pose pas de difficulté notable, et qui a démontré des qualités de résilience lors de multiples crises dans les différents domaines. À mon avis, ce socle de solidité repose sur une triple cohérence, que j'illustrerai en mentionnant les opérations que j'ai conduites en mars 2019 à l'occasion du naufrage du Grande America.

La première cohérence sur laquelle nous appuyons est celle de l'organisation. Je commande, avec mes trois casquettes, un seul état-major et je suis soutenu par trois adjoints – un par domaine – qui m'apportent chacun toute l'expertise dont j'ai besoin. Je dispose ainsi d'outils partagés de planification et de conduite, qui peuvent aisément s'adapter à toute crise. Dans l'exemple du Grande America, toutes les divisions de mon état-major ont contribué à l'armement du centre de traitement de crise, le CTC – qu'il s'agisse de la division de l'action de l'État en mer pour la gestion de la crise et les relations avec l'armateur et les avocats, de la division opérations pour la conduite des moyens en mer, ou de mon service communication pour répondre aux nombreuses sollicitations médiatiques.

La deuxième cohérence est celle de la continuité spatiale et temporelle de l'action dans l'espace maritime. Dans ma zone de responsabilité, il n'y a pas de rupture de suivi et de conduite des opérations. J'adapte l'emploi des moyens, je dimensionne les engagements et, d'une certaine manière, tout l'espace est couvert sans discontinuité. De même, si une crise se déclenche, je peux adapter notre réponse sans rupture temporelle dans le temps et la durée. Compte tenu de mon positionnement, je suis en mesure d'appréhender le fait maritime dans sa globalité. Dans le cas du Grande America, j'ai ainsi pu assurer la montée en puissance sans discontinuité, en passant d'une opération de sauvetage en mer et d'assistance à navire en danger à une opération antipollution.

La troisième cohérence est celle de l'emploi des moyens et ce, sous deux angles : mutualisation et optimisation. La mutualisation des moyens signifie qu'en tant que directeur des opérations de secours en mer, DOS, je cherche à mobiliser les moyens les plus adaptés pour répondre à une situation de danger ou de crise. Il peut s'agir de moyens institutionnels, civils ou militaires, mais également de moyens privés. Peu importe leur statut. L'efficacité prime. Je peux aussi choisir de les optimiser, en m'appuyant par exemple sur la polyvalence d'un bâtiment de la Marine nationale qui, déployé, peut agir dans le cadre de l'action de l'État en mer tout en menant une opération militaire. Dans le cas du Grande America, j'ai optimisé l'emploi des moyens étatiques, tant les CROSS que les moyens de la Marine nationale, les moyens affrétés et les moyens étrangers – ceux engagés par l'agence gouvernementale espagnole en charge de la sauvegarde maritime, la SASEMAR – ou encore l'agence européenne de sécurité maritime. Cette unicité de commandement de l'emploi des forces assure un continuum défense/sécurité entre la terre et la mer ainsi qu'entre les trois fonctions de l'action de l'État en mer, la conduite des opérations à la mer et le commandement territorial.

J'en viens maintenant, plus spécifiquement, aux particularités de mon théâtre d'opérations, l'Atlantique. Pour l'action de l'État en mer, cet espace maritime est un vaste territoire qui va du Mont-Saint-Michel à la frontière franco-espagnole. Il est marqué par le rail d'Ouessant, véritable autoroute de la mer qu'empruntent chaque jour un peu moins de 120 bâtiments, dont régulièrement des porte-conteneurs chargés de plus de 20 000 containers. Autre caractéristique, le temps est souvent capricieux et mouvementé au large des côtes bretonnes – je pense que les députés bretons ne me contrediront pas ! –, avec en moyenne, un tiers du temps, des conditions de mer supérieure à 5 et du vent supérieur à 30 nœuds. Les cinq marines y sont représentées : la marine de guerre, les marines de commerce, la pêche – qui représente dans son ensemble, en Bretagne, 50 % de la pêche française –, la marine de plaisance et la marine scientifique – avec, entre autres, les flottes d'IFREMER.

Dans le domaine de la plaisance et de la navigation de loisirs, près de 1 500 manifestations nautiques se déroulent chaque année sur ma façade. Il faut, à chaque fois, les accompagner et les réglementer.

Nous faisons face à une forte densité de cas d'urgence en mer, qui se traduit par une augmentation annuelle du nombre d'interventions que nous conduisons. Au titre des événements particulièrement importants, j'ai déjà évoqué le cas du naufrage Grande America. Je dois malheureusement aussi citer le drame qui s'est produit en juin dernier aux Sables‑d'Olonne.

En matière de gouvernance, j'exerce des fonctions de préfet coordonnateur de façade maritime, que je partage avec deux préfets de région désignés à cet effet pour deux espaces maritimes littoraux distincts : l'espace Nord Atlantique - Manche Ouest dont je suis préfet coordonnateur avec le préfet des Pays-de-Loire ; l'espace Sud-Atlantique dont je suis préfet coordonnateur avec la préfète de Nouvelle-Aquitaine.

L'enjeu est l'application, à l'échelle de la façade maritime, d'une politique maritime qui intègre harmonieusement les différentes stratégies sectorielles. Il s'agit de favoriser le développement économique durable en respectant l'environnement marin et la biodiversité et en rétablissant un bon état écologique lorsque celui-ci est atteint, tout en veillant à une cohabitation apaisée et partagée entre les différents usagers. La publication récente du premier volet des documents stratégiques de façade est une illustration de ce rôle de gouvernance, qui va de la participation à la gestion des aires marines protégées, en passant par l'accompagnement du développement des champs éoliens en mer – dont le premier en France verra le jour au large de Saint-Nazaire, donc sur ma façade.

La zone maritime atlantique est donc particulièrement vaste et complexe à tout point de vue. Nous y travaillons, d'ailleurs, en associant largement tous les acteurs – collectivités territoriales, acteurs économiques, tissu associatif et acteurs institutionnels, qu'il s'agisse des services de l'État à terre à terre ou de ses opérateurs comme l'Office français de la biodiversité.

Passons maintenant au commandement de la zone maritime atlantique, à savoir l'une de mes deux casquettes militaires. La simple lecture de la carte illustre son étendue. En effet, ce théâtre part du sud de l'Atlantique, c'est-à-dire des rivages de l'Antarctique, pour remonter tout l'Atlantique Nord – à l'exception des zones de Guyane, des Antilles et de la Manche - mer du Nord – jusqu'au détroit de Béring en incluant l'Arctique. Je n'aurai pas la prétention de vous présenter l'exhaustivité de ce théâtre, mais j'évoquerai quand même les principales opérations que la France conduit aujourd'hui en Atlantique.

L'Atlantique est d'abord un espace de voisinage stratégique. C'est l'océan de nos sous-marins nucléaires stratégiques basés à Brest. Je reviendrai sur les conséquences de ce fait en matière d'opérations. C'est, ensuite, l'océan de nos alliés – l'OTAN et l'Union européenne – avec qui nous travaillons et conduisons des opérations quasi quotidiennement. Mais c'est aussi celui dans lequel d'autres puissances agissent de manière de plus en plus marquée. Je pense en premier lieu à la Russie, mais aussi à la Chine. C'est encore l'espace de nos liens internet – qui passe à 99 % par les câbles sous-marins. Enfin, c'est l'océan de nos voies d'approvisionnement principales.

Le premier volet majeur de nos opérations en Atlantique concerne la défense maritime du territoire. L'objectif est la protection et la surveillance de nos approches maritimes. Nous suivons en permanence les navires d'intérêt, ciblés pour des motifs de sûreté ou qui transitent en direction de nos ports. Tous les moyens aéromaritimes de toutes les administrations sont potentiellement nos yeux et nos oreilles. Je dispose également d'un outil majeur de surveillance du littoral dans ce domaine : une chaîne sémaphorique composée de 25 sémaphores.

Nous nous préparons également au contre-terrorisme maritime. D'une part par la prévention, en disposant occasionnellement des équipes de protection à bord de navires à passagers – principalement sur les ferries reliant la Bretagne à la Grande-Bretagne. D'autre part par l'action, en nous entraînant, en lien avec les autorités terrestres, à une attaque terroriste qui pourrait se manifester en mer, en particulier à bord d'un navire à passagers. La protection de nos approches maritimes passe aussi par la détection et la destruction des nombreuses mines historiques qui constituent un danger potentiel pour les usagers de la mer.

Le deuxième volet opérationnel concerne la mission Corymbe dans le golfe de Guinée, et plus largement l'ensemble de nos actions en faveur de la sécurité dans cette zone. Pour la France, il s'agit d'abord, bien sûr, de soutenir les forces déployées en Afrique et d'être prête à assurer la sécurité de ses ressortissants en cas de crise. Mais il s'agit aussi – et même surtout, aujourd'hui – d'accompagner, en appui du processus de Yaoundé, les marines des pays riverains amis et les structures de cette organisation vers plus de sécurité, notamment face à la pêche illégale, à la piraterie et aux trafics qui menacent leur propre stabilité, avec évidemment des effets potentiels jusque chez nous.

Le troisième volet opérationnel, qui nous préoccupe au quotidien et constitue ma priorité dans la conduite des opérations, est le soutien à la dissuasion. C'est une opération permanente. Elle garantit, d'une part, la liberté d'action de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, nos SNLE, et, d'autre part, sa crédibilité. Dans cette optique, je commande un large dispositif qui permet aux sous-marins de se mouvoir en toute sécurité dans les approches brestoises lorsqu'ils partent en patrouille ou lorsqu'ils y reviennent et de s'entraîner dans nos zones d'approche. Nous assurons la crédibilité de leurs missions, de l'organisation et de la conduite de certains effets, notamment lorsque nous réalisons un tir de missile balistique. Au bilan, il s'agit de sanctuariser une large zone autour du port base et ce, quelles que soient les conditions environnementales ou opérationnelles.

J'ajoute que ce volet opérationnel me conduit à assumer une quatrième fonction – qui n'est pas vraiment une casquette, mais plutôt un képi : le commandement de la défense du Finistère, qui est une spécificité confiée au préfet maritime de l'Atlantique. Il s'agit là d'une responsabilité territoriale opérationnelle permanente visant à assurer la coordination de la protection par des forces terrestres des secteurs et activités liées à la FOST, la Force océanique stratégique. Lorsqu'un SNLE appareille, nous protégeons le goulet de Brest pour garantir qu'aucune attaque ne puisse être menée depuis ses rivages.

Plus en profondeur, et parce que le soutien de notre dissuasion commence au large, je mène des opérations en Atlantique Nord. J'ai évoqué la recrudescence des activités de défense russes dans cette zone. Elle concerne aussi, bien évidemment, la composante sous-marine. L'impérieuse nécessité de sanctuariser les mouvements de nos propres sous-marins nous oblige naturellement à prendre en compte cette réalité, à nous entraîner, à demeurer interopérables avec nos alliés, à acquérir une connaissance fine de notre théâtre et de ses conditions d'environnement, et à y naviguer régulièrement dans tous les compartiments. Aussi effectuons-nous des manœuvres régulières de nos moyens, qu'il s'agisse des frégates, des sous-marins ou des avions de patrouille maritime, à titre national ou en coopération avec nos alliés. Ce besoin de connaissance et de maîtrise est rendu d'autant plus aigu par le caractère exceptionnel de la fonte des glaces en Arctique, zone appelée à prendre une importance stratégique croissante.

J'en viens maintenant à ma casquette de commandant d'arrondissement maritime. D'un point de vue territorial, elle couvre pratiquement la moitié ouest de la France. J'y suis représenté par trois commandants de la marine, les COMAR, à Lorient, Nantes et Bordeaux – étant entendu que ceux de Lorient et Bordeaux exercent aussi des fonctions dans d'autres organisations militaires. Ainsi, le COMAR de Lorient est d'abord commandant de la force des fusiliers marins et commandos.

J'attache en tout cas une grande importance à notre présence dans ces régions, notamment pour des questions de rayonnement, essentiel entre autres pour le recrutement, car je constate les effets croissants de la méconnaissance de notre institution dans les zones les plus éloignées de Brest et de Lorient. Aujourd'hui, l'une de mes principales responsabilités consiste à engager la remontée en puissance de la marine à Brest et à Lorient, permise par la loi de programmation militaire du renouveau que vous avez votée, en particulier en préparant des schémas directeurs d'infrastructures pour accueillir les nouveaux équipements, que ce soient les FREMM – les frégates multimissions –, les FDI – les frégates de défense et d'intervention – ou le nouveau système de lutte antimines. Il s'agit également de traduire dans les faits l'effort consenti pour les conditions du personnel, ainsi que le plan famille.

Ma zone de responsabilité territoriale s'appuie principalement sur la base de défense Brest-Lorient. Celle-ci a une forte coloration Marine nationale, ce qui offre une grande cohérence dans la conduite et la coordination.

Je termine ici ce tour d'horizon nécessairement synthétique de mes fonctions et de mes préoccupations, et je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

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Je tiens à saluer les excellentes relations que les députés du Finistère, de Bretagne et de la façade atlantique en général entretiennent avec l'amiral Lozier à Brest.

J'avais prévu d'évoquer avec vous le naufrage du Grande America, mais vous venez de le faire. Je souhaiterais toutefois connaître l'avis du secrétaire général de la mer sur le retex de cette opération dont l'amiral a parlé à plusieurs reprises. De mon point de vue, la gestion de ce naufrage survenu le 10 mars dernier a été exemplaire. Ainsi que vous l'avez montré, amiral, l'articulation de tous les acteurs a bien fonctionné. Tous les moyens de la marine ont été déployés simultanément et coordonnés : Falcon 50, de la FREMM Aquitaine, Abeille Bourbon, Argonaute, Sapeur, bateau de l'agence européenne de sécurité maritime et, à terre, le CEDRE, le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux, ou encore le plan Polmar. Je considère que nous sommes prêts en cas de nouveau naufrage – lequel, nous l'espérons, surviendra le plus tard possible.

Par ailleurs, quel regard portez-vous l'un et l'autre sur la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, cet acteur majeur de l'action de l'État en mer qui n'est pas sous votre autorité ? Je profite de cette occasion pour saluer de l'arrivée à sa tête, il y a quelques jours, de l'amiral Emmanuel de Oliveira. Quels sont les liens, y compris d'autorité fonctionnelle, que vous entretenez avec ces hommes et ces femmes bénévoles ? Encore une fois, ils ne sont pas sous votre autorité, mais ils constituent un maillon indispensable de l'action de l'État en mer.

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Amiral, je peux témoigner que naviguer sur une frégate par force 6 ou 7 est une expérience exaltante, pour le dire de façon politiquement correcte !

L'action de l'État en mer est l'un des piliers de notre présence maritime et permet à la France d'endosser ses responsabilités concernant le respect du droit de la mer. Vous l'avez évoqué, notre stratégie nationale pour la mer et le littoral datant de février 2007 est claire dans ses objectifs : la France doit avoir de l'influence en tant que nation maritime. Vous avez également mentionné que la lutte contre les trafics et les activités illicites constitue une mission cruciale – ce qui explique pourquoi ce rôle de policier des mers est de plus en plus endossé par la marine nationale. Je pense notamment aux zones les plus reculées, dans lesquelles la gendarmerie ou les douanes ne se rendent pas toujours. Force est de constater que les convergences sont parfois difficiles : la marine nationale ne peut pas toujours accéder à des fichiers biométriques ; les procédures de constatation d'infractions ne sont pas toujours faciles – elles sont parfois même très complexes ; la mission des garde-côtes doit être renforcée, notamment outre-mer. Pouvez-vous nous apporter davantage de détails quant aux schémas directeurs visant à améliorer l'action de l'État en mer, notamment dans le but de rapprocher les administrations militaires et de police ?

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J'avais prévu de vous demander de nous parler du naufrage du Grande America dans le golfe de Gascogne. Ce navire contenait plus de 1 500 tonnes de matières classées dangereuses. Je crois que la marine française a démontré tout son savoir-faire dans la lutte contre cette pollution. Quels sont les moyens dont dispose la préfecture maritime pour faire face à ce type d'événement ? Vous avez en partie déjà répondu, mais si vous avez des compléments d'information à apporter, nous les entendrons avec plaisir.

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Le cardinal de Richelieu disait que « les larmes de nos souverains ont souvent le goût salé de la mer qu'ils ont ignorée ». Or la France dispose du deuxième espace maritime mondial. Que lui manque-t-il aujourd'hui, d'après vous, pour être une grande puissance maritime au 21e siècle ?

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De nouvelles voies maritimes – donc de nouvelles routes commerciales – risquent de se développer du fait du réchauffement climatique, notamment dans l'océan arctique, rendant accessibles des gisements énergétiques très importants qui se retrouveront à la merci de la concurrence internationale. Du fait de l'enjeu stratégique de cette zone, qui devrait rester éloignée des turpitudes que connaissent d'autres régions, il n'est pas improbable d'envisager sa militarisation. Dans son rapport annuel de 2019, le département de la défense américaine note que « la recherche civile pourrait contribuer à une présence militaire chinoise renforcée dans l'océan arctique, pouvant inclure le redéploiement des sous-marins dans la région comme éléments de dissuasion contre des attaques nucléaires ». Les inquiétudes sont donc réelles, d'autant que sont notamment présents dans la région les États-Unis, la Russie et la Chine – trois grandes puissances dont les intérêts peuvent achopper. Comment la France aborde-t-elle cette question des nouvelles voies maritimes en Arctique ? En tant que membre observateur du Conseil de l'Arctique, notre pays est bien sûr attentif à cette situation. Mais quelle sera notre stratégie pour la décennie à venir ?

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La procédure de recours à la force en temps de paix vous paraît-elle satisfaisante pour répondre à vos problématiques et aux menaces actuelles ? Est-il besoin d'envisager une législation particulière ?

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J'ai eu l'occasion, l'année dernière, d'aller visiter les forces navales à Nouméa et à Papeete. J'ai ainsi pu constater les moyens engagés, mais aussi l'immensité de la tâche face aux pêcheurs illégaux et au trafic de drogue. Où en est le déploiement des drones sur les navires de la marine nationale, notamment dans le Pacifique où l'espace à couvrir est immense ?

Par ailleurs, nous avons récemment vu, en Espagne, un sous-marin transporter de la drogue. Est-ce courant ? Quels sont les moyens utilisés par la marine pour riposter, ou au moins surveiller ce type de trafic sur nos côtes ?

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L'installation sur les navires du registre sur les données passagers, le PNR, est un enjeu de renseignement autant que de prévention. De nombreux bateaux accostent à Toulon, Marseille et sur toute la côte méditerranéenne. Pour la députée du Var que je suis, c'est un enjeu de sécurité nationale majeur. Le PNR aérien et maritime ainsi que la coordination des moyens de l'État sont inscrits dans la loi de programmation militaire, la LPM. Où en est l'avancement de ce sujet ?

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

Je ne reviendrai pas sur l'organisation de l'opération Grande America en elle-même, qui a démontré l'efficacité du système français de mobilisation très rapide des moyens dans la main d'un seul décideur, qui nous permet de dépasser tous les conflits interministériels et toutes les susceptibilités que l'on peut connaître dans ce type d'affaires. En revanche, je voudrais insister sur trois points. D'abord, comme dans toute gestion de crise, la communication a été primordiale. Les populations riveraines étaient très sensibles à la moindre information donnée – souvent fausse, d'ailleurs – quant à l'arrivée d'une pollution sur les côtes. Le moindre signal était survalorisé. Le Gouvernement a alors décidé de confier l'intégralité et le monopole de la communication de l'État à propos du Grande America au préfet maritime de Brest, donc à l'amiral Lozier. Je pense que tout le monde s'en est bien porté, car une voix unique parlait au nom de l'État et tenait, vis-à-vis des populations inquiètes, un discours structuré, cohérent, objectif et argumenté.

Ensuite, après en avoir longuement discuté, l'amiral Lozier et moi avons pris la décision de diffuser le descriptif de la cargaison du Grande America. Je crois que c'était une première dans la gestion de ce type de catastrophe maritime. Vous vous souvenez qu'il existait un début de polémique quant au fait que l'État voulait dissimuler le fait que le Grande America transportait des matières dangereuses. L'amiral a donc diffusé le descriptif de cette cargaison lors d'une conférence de presse. C'était une sage décision. Je pense qu'il faudra agir ainsi plus systématiquement. En effet, il me semble que c'est un gage de transparence qui apaise nos relations avec les riverains.

Enfin, autant l'organisation en mer a été parfaite, autant le retex du Grande America nous incite à repenser notre organisation de lutte contre les pollutions marines à terre. Heureusement, nous n'avons pas eu besoin de solliciter les préfets de département concernés, car la pollution n'est pas arrivée à terre, ou de façon tellement disséminée qu'elle n'était pas visible. En tout état de cause, nous avons besoin d'une coordination plus musclée et plus resserrée pour gérer un événement de ce type.

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Amiral Jean-Louis Lozier

J'ai eu la chance de disposer d'une organisation éprouvée. Lorsque j'ai demandé à passer au niveau 3 du plan Orsec, j'ai eu affaire à des équipes, des femmes et des hommes qui savaient ce qu'ils avaient à faire et qui ont tout de suite répondu. Il y a 20 ou 40 ans, mes prédécesseurs ne bénéficiaient pas de cette organisation. C'est un grand plus.

En outre, c'est le bénéfice du dur apprentissage de l'Erika, nos voisins espagnols et l'agence européenne de sécurité maritime ont tout de suite répondu présent lorsque je leur ai demandé des moyens. Par « tout de suite », il faut entendre en 24 heures. À l'échelle de la gestion d'une telle crise, c'est quasiment de l'immédiateté. Je retiens surtout l'efficacité de l'agence européenne de sécurité maritime, qui représente l'un de nos atouts même si elle est malheureusement assez peu connue.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

La SNSM a connu un traumatisme terrible avec le drame des Sables-d'Olonne, qui a révélé sans doute des inquiétudes plus anciennes au sein de cette association – notamment quant à la modernisation de sa flotte et au financement des moyens à venir. La commission sénatoriale et le travail que nous avons effectué nous-mêmes, en relation avec le président de la SNSM, ont démontré que les décisions prises par le Premier ministre dans le Comité interministériel de la mer d'abonder son budget de 4,5 millions supplémentaires pour le porter à 11 millions annuels répondaient à ce besoin de financement d'une bosse d'investissement qui nous occupera dans les années 2021-2025 voire plus.

Le deuxième sujet est plus structurel et difficile à prendre en compte. C'est celui du changement très significatif de la sociologie des bénévoles de la SNSM. Traditionnellement, ceux-ci étaient d'anciens marins, d'anciens pêcheurs ou d'anciens de la marine nationale, qui avaient une vraie connaissance du monde de la mer et de la conduite d'un bateau en situation difficile. Ce public se raréfie et un nombre croissant de bénévoles est issu du monde de la plaisance, lequel n'est évidemment pas préparé dans les mêmes conditions à affronter ce type de situation. Aussi la SNSM est-elle confrontée à un double défi : celui d'une plus grande visibilité pour attirer les bons profils – ce travail peut se mener au niveau national et sur l'ensemble du littoral – et celui de la formation. En effet, à partir du moment où elle met sur ses bateaux des personnes dont ce n'est pas le métier et qui ne connaissent la mer qu'à travers leur activité de plaisanciers, il faut les former. Or son outil de formation est sans doute sous-dimensionné. Le financement apporté par l'État aidera à son amélioration et sa plus grande diffusion auprès des bénévoles.

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Amiral Jean-Louis Lozier

Vis-à-vis de la SNSM, j'ai une autorité fonctionnelle lorsqu'il s'agit de conduire une opération de sauvetage en mer. Mes représentants permanents pour ce travail sont les directeurs des CROSS – sur la façade atlantique, le CROSS Étel pour le golfe de Gascogne et le CROSS Corsen pour la zone qui va de la pointe de Penmarch jusqu'à la baie du Mont-Saint-Michel. Dès qu'une opération de sauvetage commence, via les CROSS, j'ai autorité sur les moyens de la SNSM. Pour le reste, la SNSM étant une association, je n'ai donc pas d'autorité directe sur elle. Je dirais toutefois que je crois exercer vis-à-vis de l'ensemble des stations sur le littoral atlantique une sorte d'autorité morale marine. Dès que je me déplace dans un point de ce littoral, j'essaie d'aller saluer et remercier les stations de la SNSM. En général, je suis accueilli à bras ouverts et reconnu, de fait, comme une autorité d'emploi. Certes, je ne le suis strictement que durant les opérations de sauvetage, mais le lien se fait assez naturellement. C'est d'ailleurs tout l'intérêt d'avoir un préfet maritime qui est un marin d'État – donc un marin. Nous parlons le même langage de marins. C'est ce qui compte avec la SNSM, et je crois qu'elle y est sensible. Lors des événements du 7 juin dernier, qui resteront gravés dans ma mémoire jusqu'à la fin de ma vie, le lien que j'ai pu tisser dès le soir même aux Sables-d'Olonne avec les rescapés et les familles était d'abord celui du marin qui comprend ce qui se passe en mer. Cela ne signifie pas que les autres présences ministérielles ou du préfet étaient inutiles, loin de là. Elles ont été évidemment appréciées. Mais j'incarnais, pour ma part, la présence d'un marin.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

Vous nous avez aussi interrogés sur la cohérence et la gestion interministérielle et du schéma directeur de la fonction de gardes-côtes. Ce schéma directeur constitue déjà une avancée considérable pour notre pays, puisqu'il nous confère une vision à 10-12 ans des moyens qu'il faut renouveler, et de l'administration qui doit le faire. Auparavant, la gestion des moyens à la mer était purement ministérielle et chaque responsable de programme avait la tentation de ne pas renouveler un moyen en pensant que le préfet maritime trouverait toujours un bateau dans une autre administration pour combler le trou ainsi créé. Ce schéma directeur met fin à ces pratiques et précise quel ministère doit remplacer quels moyens, quelle année et pour quelle façade maritime. Et comme une grande confiance n'exclut pas une petite méfiance, nous avons joint à ce schéma directeur une procédure administrative qui nous permet de nous assurer que les décisions sont bien prises au bon moment. Nous avons mis au point un système de validation des investissements des différents ministères en moyens à la mer, par le secrétaire général de la mer, c'est-à-dire par l'autorité du Premier ministre. En outre, ce qui a été plus difficile à obtenir des différentes administrations, nous avons prévu un système d'instruction interministérielle par la direction générale de l'armement de toute acquisition de moyens à la mer par un ministère. Cette dernière devra ainsi s'assurer que l'investissement est conforme au schéma directeur, que le cahier des charges correspond aux moyens requis et qu'il permet de rapprocher les bateaux pour favoriser la mutualisation de l'entretien et de la mise en conditions opérationnelles de l'ensemble de nos bateaux. Nous avons ainsi franchi un grand pas, en 2019.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

Pour la Marine nationale, oui. Cela étant, il me semble que ses bateaux affectés à l'action de l'État en mer étaient déjà pris en compte.

Vous demandez, par ailleurs, ce qui manque à la France pour être définitivement et de façon irréversible une grande puissance maritime. Je commencerai peut-être par lister tout ce dont elle dispose déjà pour l'être : un domaine maritime incomparable ; des décisions très courageuses prises pour maintenir les moyens de la marine nationale dans l'ensemble des océans – avec des hauts et des bas certes, mais nous entrons à nouveau dans une période de hauts, et je crois qu'il faut s'en féliciter – ; des décisions tout aussi courageuses prises pour maintenir dans l'ensemble des administrations qui interviennent en mer une capacité d'investissement pour renouveler les vedettes et les patrouilleurs de surveillance dont nous avons besoin ; une économie maritime qui aborde tous les secteurs de l'économie. La France appartient au tout petit cercle des pays qui font encore de la construction et de la réparation navale, de la plaisance, de la pêche et de la croisière : nous sommes présents sur tous les créneaux.

Alors, que nous manque-t-il ? Je dirais la prise de conscience, par nos concitoyens, qu'ils appartiennent à une grande puissance maritime. C'est la difficulté à laquelle nous nous heurtons. Beaucoup considèrent que la mer intéresse les seules populations littorales. C'est une erreur monumentale, d'autant que la mer est un élément de la puissance de la France dans son ensemble. Je pense que nous avons un important travail d'explication et de pédagogie à effectuer. L'Éducation nationale a une part prépondérante à prendre pour convaincre chacun que la mer est notre avenir à tous.

Dans la marine marchande, le groupe CMA GCM est le quatrième armateur mondial. Il est présent sur toutes les mers du monde. Certes, sa flotte n'est pas intégralement sous pavillon français. Malgré tout, la France pèse lourd dans l'Organisation maritime internationale, l'OMI, du fait de ses grands armateurs.

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Amiral Jean-Louis Lozier

Nous abordons ici le sujet des moyens qui permettent à la France d'être une puissance maritime. Il ne faut pas se leurrer. L'image de l'élastique prêt à se rompre est souvent utilisée. Or il est déjà en train de se rompre. Je suis certes optimiste, parce que la loi de programme militaire nous permettra d'accroître nos moyens. Mais pour l'instant, en tant que commandant de zone maritime, j'essaie de faire au mieux avec les moyens qui nous restent. Or ils nous permettent de faire le strict minimum de ce que nous devons. Pour illustrer ce propos, je vais citer cet exemple : seules quatre frégates sont actuellement opérationnelles à Brest. L'une d'entre elles est en arrêt technique majeur – c'est normal dans la vie d'un bateau. Une autre accompagne le Charles-de-Gaulle en Méditerranée. La troisième est au large de la Norvège, où elle s'entraîne dans le cadre d'un exercice interallié. Je n'ai donc à ma disposition, pour assurer la protection du golfe de Gascogne, qu'une seule frégate. C'est quand même excessivement mince, même si je peux rappeler celle de Norvège en cas de besoin. Telle est, aujourd'hui, la réalité. Si la frégate dont je dispose rencontre un aléa, je ne pourrai pas mener ma mission. Pour l'instant, nous l'assurons, mais sans aucune marge.

Pour citer un autre exemple, j'ai évoqué la mission Corymbe au titre de laquelle nous sommes censés assurer une quasi-permanence dans le golfe de Guinée. Je viens de reprendre cette permanence il y a une quinzaine de jours, avec un patrouilleur parti de Toulon, le Commandant Bouan, qui doit être au Nigeria aujourd'hui. Mais pendant deux mois, je n'ai pas eu de bateau dans le golfe de Guinée. Il était prévu d'y déployer un patrouilleur de haute mer de plus de 35 ans d'âge. À la suite d'un problème majeur de structure, il a dû rester au bassin à Brest pour être réparé afin que nous puissions encore l'utiliser durant quelques années. Ainsi, durant deux mois, nous n'avions pas de bateau dans le golfe de Guinée. Certes, vu de Sirius, cela n'a pas changé grand-chose. Mais si nos intérêts français avaient été atteints, notamment par un acte de piraterie similaire à celui qu'a connu le Ponant en 2008, nous n'aurions pas eu de bateau français prêt à intervenir rapidement. Je pense que je ne vous apprends rien, car cette situation vous a déjà été décrite par les chefs d'état-major. Vous comprendrez donc que nous attendons avec impatience cette LPM qui nous permettra de combler les trous.

Le domaine dans lequel ces trous sont les plus flagrants est certainement celui des avions et des hélicoptères. L'un des principaux moyens dont je dispose pour l'action de l'État en mer est l'hélicoptère que nous avons basé à Lanvéoc pour assurer ce que nous appelons le SAR, le Search and Rescue. L'an dernier, il a été disponible seul, sans hélicoptère de rechange durant 118 jours – soit quasiment un tiers du temps. Cela signifie que dès qu'une maintenance est programmée, il faut faire appel au complément effectué par l'hélicoptère de Cherbourg. C'est ainsi que durant une dizaine de jours, j'ai bénéficié de l'extension de l'hélicoptère de Cherbourg dans la zone du golfe de Gascogne. La réciproque se produit aussi régulièrement : lorsqu'une maintenance est programmée à l'aéroport de Maupertus, nous faisons une extension de Lanvéoc vers la Manche - mer du Nord. Ma crainte majeure, aujourd'hui, est de me retrouver un jour ou l'autre sans hélicoptère de secours.

Le cas le plus flagrant est celui du Dauphin de service public basé à La Rochelle, lequel est resté indisponible environ un tiers du temps l'an dernier. Heureusement, l'armée de l'air dispose d'hélicoptères Caracal à Cazaux, qui ont également une capacité pour l'intervention en mer. Le 7 juin dernier, par exemple, le Dauphin était indisponible. Certes, sa disponibilité n'aurait rien changé à l'issue malheureusement du naufrage du bateau de la SNSM. Toujours est-il qu'il n'a pas pu faire ses recherches. Dieu merci, j'ai pu utiliser deux hélicoptères de l'armée de l'air.

Jusqu'ici, je n'ai pas manqué d'opérations de secours faute de disponibilité des moyens, mais cela risque d'arriver car je ne dispose d'aucune marge. Je n'ai pas de profondeur organique. C'est la raison pour laquelle le contrat de flotte intermédiaire d'hélicoptères pour la marine est le bienvenu. Il permettra en effet de combler des trous qui n'ont pas encore eu de conséquences réelles, mais qui en auront nécessairement un jour ou l'autre. J'espère donc que cette flotte intermédiaire arrivera en temps utile pour combler ces trous.

Je crois que la France a un potentiel énorme. Je constate la richesse de tous les instituts de recherche implantés à Brest, entre l'IFREMER, le SHOM – le Service hydrographique et océanographique de la marine –, l'Institut universitaire européen de la mer, particulièrement bien placé dans le classement de Shanghai, ou encore l'IPEV, l'Institut polaire Paul-Émile Victor qui travaille sur les zones arctiques. Or quand il s'agit de puissance maritime, il faut également s'interroger sur les moyens confiés à la recherche. Je sais que le directeur de l'IPEV aimerait avoir plus de moyens pour développer la recherche ou mettre à niveau les installations dont il dispose en Antarctique. Tous ces éléments sont liés, quand on parle de puissance maritime.

Le potentiel français est superbe. Il faut le concrétiser. Je partage, en outre, l'avis du secrétaire général quant à la nécessité de faire prendre conscience à l'ensemble des Français de la richesse dont ils disposent avec la mer.

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Nous y contribuerons. C'est pour cette raison que vous êtes parmi nous aujourd'hui.

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Je vous remercie, Amiral, pour la franchise de vos propos. Comme vous l'avez dit, il ne s'agit pas seulement d'avoir conscience que nous sommes une puissance. Il faut surtout avoir la volonté de le redevenir.

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Amiral Jean-Louis Lozier

Une question m'a été posée sur l'Arctique. Cette zone est appelée à représenter un enjeu très important pour la France. Le réchauffement climatique ne fait plus débat. Nous savons que la planète se réchauffera de 2 ou 3 degrés, selon les appréciations les plus probables. Depuis 30 ans, les glaces permanentes ont réduit leur superficie. Et je pense que d'ici 30 ans, l'Arctique sera à peu près libre de glace durant l'été. Notre vision des confins nord de l'Atlantique nord en sera complètement modifiée : via l'Arctique, la Chine sera aux portes de l'Europe. C'est bien cela qu'il faut prévoir. L'enjeu est de taille. Il est avant tout politique. Je n'aurai donc pas la prétention de vous dire qu'elle doit être la stratégie de la France, laquelle ne saurait être définie par le seul préfet maritime. Je peux toutefois vous donner quelques idées générales.

L'Arctique est déjà une zone militarisée. La Russie y est très présente, et renforce encore sa présence, en particulier avec l'ensemble de ses bases tout au long des côtes de Sibérie. Pour leur part, les États-Unis viennent de reprendre conscience de l'importance de l'Arctique, qu'ils avaient délaissé durant plusieurs années.

J'observe d'ailleurs une arrivée d'investissements chinois au Groenland extrêmement importants. Or il faut être conscient que les populations du Groenland ne voient pas le réchauffement climatique d'un mauvais œil, car il serait pour eux la possibilité d'accéder à de nouvelles richesses, comme les terres rares, qui attirent la convoitise et dont la Chine tente de détenir le monopole.

Nous commençons à assister à une confrontation des puissances dans le Groenland. Pour autant, il ne s'agit pas d'un Far West. Il existe de nombreuses instances de dialogue et de concertation, comme le Conseil de l'Arctique. Pour la Marine nationale, il s'agit d'abord d'essayer d'apprendre et de connaître ces zones qui ne sont pas les zones habituelles de déploiement. Il nous faut d'abord apprendre les conditions particulières de navigation – car on ne conduit pas une machine dans une eau à 0 degré comme on le fait dans une eau à 10 degrés, et on ne porte pas les mêmes tenues lorsqu'il fait -20 dehors. Il faut aussi apprendre à maîtriser la glace. Aussi déployons-nous depuis cinq ou six ans un plan Grand-Nord qui prévoit une présence plus fréquente aux confins de l'Atlantique nord, dans les zones arctiques, qu'il s'agisse de bâtiments océanographiques comme le Beautemps-Beaupré ou de bâtiments de guerre comme les frégates qui montent quelle que soit la saison au nord de la mer de Norvège. Y opérer une frégate des bâtiments de guerre en pleine période hivernale est très compliqué. Lors de l'exercice Trident Juncture conduit par l'OTAN en novembre 2018 dans cette zone, les bateaux de l'US Navy ont connu de nombreux dégâts. Un apprentissage particulier est indispensable.

En septembre 2018, nous avons réalisé une grande première en faisant transiter un bâtiment de la Marine nationale par le passage du Nord-Est, qui permet de relier directement le Pacifique. C'était la première fois qu'un bâtiment occidental y passait sans escorte d'un brise-glace, notamment sans escorte russe. Nous avons relié le nord de la Norvège et les îles Aléoutiennes en une quinzaine de jours, en passant par le nord de la Sibérie. Ce déploiement inédit a été effectué par le bâtiment Rhône. Nous en avons tiré un important retour d'expérience.

Enfin, nous nous entraînons également à conduire dans ces zones des opérations de SAR. Depuis deux ans, chaque été, nous menons avec le Danemark des exercices de sauvetage au large du Groenland. Nous y déployons notre patrouilleur de Saint-Pierre-et-Miquelon, de même qu'un avion de surveillance maritime, un F50. C'est très instructif. Nous apprenons des choses qui peuvent sembler évidentes lorsqu'on décrit le résultat. Mais tant qu'on ne les a pas éprouvées et si l'on n'a pas recherché la solution, on les découvre au mauvais moment. Il est d'autant plus important de nous entraîner dans ces conditions que nous savons qu'une compagnie française de croisière propose de plus en plus de voyages dans des zones arctiques ou antarctiques. Certes, le sauvetage dans ces zones n'est pas sous la responsabilité française. Cela étant, je peine à imaginer que la France se désintéresse d'éventuelles difficultés que connaîtrait un paquebot avec des intérêts, des équipages et de nombreux passagers français à son bord. Il faudrait alors déployer des moyens. C'est bien ce à quoi nous nous entraînons.

En définitive, l'Arctique est un sujet majeur pour les années à venir.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

Vous nous avez interrogés sur le recours à la force par temps de paix. Ainsi que je le rappelais dans mon exposé, la France dispose déjà d'une législation très complète en la matière, en plus des règles internationales. En l'occurrence, ces règles ne cessent d'évoluer. Ainsi, le Gouvernement qui disposait d'une habilitation à ce sujet a pris une ordonnance pour faire évoluer la loi de 1994 relative à la lutte contre les trafics en mer, pour permettre à un bâtiment de la marine nationale qui a pris en chasse une cible de continuer à la poursuivre y compris en mer territoriale – ce qui était initialement difficile à concevoir dans notre système de pensée et de répartition des rôles. Nous ajustons en permanence notre système. Vous savez que l'autorisation de tir en mer est une prérogative du Premier ministre. Dans les zones dans lesquelles cette occurrence peut se produire, par exemple l'ouverture du feu sur un go-fast dans le cadre de la lutte contre les narcotrafiquants dans les Caraïbes, le Premier ministre délègue cette décision, encadrée de conditions, au préfet de la Martinique. Nous avons découvert que, lorsqu'il n'y avait plus de préfet de la Martinique comme cela a été le cas durant quelque temps, nous n'avions pas de système de délégation et cette décision remontant à nouveau au Premier ministre. Nous allons donc compléter notre système. Notre droit est très évolutif et s'adapte vraiment, me semble-t-il, à des situations très concrètes.

Je laisserai l'amiral Lozier répondre à la question relative au déploiement des drones dans la Marine nationale. Je tiens toutefois à préciser que nous ne comptons plus exclusivement sur la présence physique de nos bateaux pour surveiller nos zones économiques exclusives. C'est plutôt une bonne nouvelle ! La surveillance repose sur de nombreux vecteurs, en particulier – et de plus en plus – sur la surveillance satellitaire. Nous avons la possibilité de recourir à des images satellites, soit par la marine nationale, soit par les agences européennes, qui nous permettent de piloter une stratégie de surveillance de nos zones. Nous n'avons donc plus besoin de la présence physique d'un bateau, mais d'un bateau prêt à appareiller à tout moment lorsque nous identifions, par différents vecteurs, une cible à aller contrôler. C'est gage d'une plus grande efficacité.

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Amiral Jean-Louis Lozier

Je me permets d'insister sur l'importance croissante de la surveillance satellitaire. À ce titre, je signale qu'une compagnie française basée à Toulouse et Plouzané, à côté de Brest, est particulièrement bien placée pour exercer ces services au profit de l'agence européenne de sécurité maritime.

En ce qui concerne les drones, la stratégie de la Marine nationale consiste à disposer d'un exemplaire par bâtiment pour la marine 2030. Outre-mer, cela commencera dès l'arrivée des patrouilleurs dont la commande a été notifiée à la toute fin de l'année 2019. Les premiers seront là, de mémoire, en 2022 ou 2023. Nous serons alors capables de lancer de petits drones depuis ces plateformes. L'objectif est de généraliser ce dispositif à l'ensemble des bâtiments de la Marine nationale. Il faut savoir que nous utilisons déjà, parfois, de petits drones. Pendant la période du traitement de la pollution liée au naufrage du Grande America, par exemple, nous disposions sur deux bâtiments de drones qui permettaient de localiser très précisément des nappes de pétrole et d'y conduire directement le bateau récupérateur, sans perte de temps.

Par ailleurs, vous avez évoqué un sous-marin qui transportait de la drogue. On a certes parlé de sous-marin, mais le sous-marinier que je suis s'insurge un peu : c'était tout juste un submersible ! En fait, il s'agit d'un bateau qui n'a qu'une petite surface émergente mais qui, de fait, se déplace en mode de surface. Il ne navigue pas à 50 mètres de profondeur, mais juste sous la surface – avec, effectivement, très peu de visibilité et sans système automatique d'identification. Cet événement était une première. Il y en aura probablement d'autres. Dans tous les cas, la surveillance des trafics de drogues fait l'objet de coopérations internationales – d'abord entre les différents services de douane, dont c'est le métier principal. Le cas échéant, nous sommes informés qu'il existe potentiellement des interceptions à effectuer dans différentes zones. Je constate, par ailleurs, une amélioration des capacités de certaines marines. Plusieurs marines africaines, notamment, participent désormais à la recherche ou à l'interception de bâtiments transportant de la drogue. C'est une nouveauté. Cela a été le cas fin octobre, quand un bâtiment sénégalais en a intercepté un autre transportant plusieurs centaines de kilos de cocaïne, mais aussi avant-hier, au large de la Côte d'Ivoire, où la marine ivoirienne a intercepté un bâtiment transportant lui aussi plusieurs centaines de kilos de cocaïne. L'amélioration de cette coopération est un point positif qu'il faut retenir.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

J'en viens à la question sur le PNR. Le PNR maritime étant piloté par le ministère de l'intérieur, il ne fait pas l'objet d'un traitement spécifique par mes services. Il est pris en compte par le préfigurateur qui vient d'être nommé par le ministre de l'intérieur pour les trois PNR – terrestre, aérien et maritime.

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Je ne peux entamer mon propos sans rendre hommage à la Jeanne-d'Arc, croiseur porte-hélicoptères et navire école dont l'hélice est désormais exposée sur le bateau des Capucins à Brest, symbole fort pour nos marins mais aussi pour nos savoir-faire en matière de construction navale. Pourriez-vous nous présenter plus précisément votre activité en matière de sécurité maritime ? Je pense notamment au Maritime Information Cooperation & Awareness Center, le MICA Center basé à Brest, que vous m'avez fait visiter récemment, et au centre de sécurité pour la corne de l'Afrique. Quels sont nos besoins en matière de cybersécurité maritime ? Je pense très précisément au centre national de sécurité maritime qui a été ouvert par le CIMER 2018 et confirmé par le CIMER 2019.

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En préambule à ma question, je tiens à préciser que le Mont Saint-Michel se situe bien en Normandie, et non en Bretagne !

Je souhaite vous interroger, Monsieur le secrétaire général, quant à la deuxième de vos missions – celle de l'interlocuteur des filières économiques maritimes françaises et de défense des intérêts de nos côtes. Nous sommes à l'heure du Brexit. Depuis la semaine dernière, nos pêcheurs français ne peuvent plus aller aux abords des côtes anglaises. Quelle est votre position ? Quelles actions menez-vous en la matière ?

Je suis député d'un territoire concerné par la pêche à la coquille en Seine maritime, la baie de Seine. Quelles sont vos actions pour prévenir l'invasion de nos collègues anglais et éviter ce qui s'est produit l'an dernier ?

Quelles actions menez-vous vis-à-vis de la pêche électrique ?

Quelles actions engagez-vous à destination des grands cargos qui pêchent en mettant à mal les ressources ?

Par ailleurs, vous avez évoqué les traversées de migrants clandestins sur des petites embarcations. Ouistreham se situe dans ma circonscription. Pouvez-vous faire un point plus précis de cette situation ?

Enfin, s'agissant des épaves dans les ports, qui bloquent des places ou de l'espace, avez-vous réfléchi aux moyens d'aller plus vite dans l'identification des propriétaires et de redonner ces bateaux au public ou au privé – ce qui pourrait, par exemple, constituer une source de financement pour la SNSM ?

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La France se croit continentale et européenne, alors qu'elle est mondiale et maritime. Pour autant, l'intérêt de l'État vis-à-vis de notre domaine maritime n'est pas le même partout. Autant il est poussé quand il s'agit des 2,5 % qui concernent la France hexagonale, autant il est d'intensité très variable pour ce qui est des outre-mer. Ce domaine maritime relève pour partie des départements, des collectivités d'outre-mer, mais aussi des territoires d'outre-mer. Or, bien qu'ils représentent près d'un tiers de l'ensemble, ceux-ci sont souvent oubliés, pour ne pas dire à sacrifiés.

Mes premières questions concernent Extraplac. Quels sont les 400 000 kilomètres carrés encore en instance de validation d'une extension des droits français ? Fut un temps, par ailleurs, la France avait déposé une demande d'extension à l'île Clipperton, anciennement île de la Passion, avant de la retirer trois jours plus tard. Serait-il envisageable de la formuler à nouveau ?

Ensuite, l'un de vos prédécesseurs m'avait fait savoir qu'il regrettait que le secrétaire général de la mer n'ait pas été associé à la préparation de l'inique traité de cogestion de l'île Tromelin par la France et l'île Maurice. En conséquence, ce traité n'a jamais été ratifié – c'est tout à l'honneur du Parlement d'en avoir décidé ainsi. Aujourd'hui, alors que des négociations s'engagent quant au devenir des îles Éparses, le secrétaire général à la mer ès qualités est-il associé aux discussions du groupe de travail dédié ? La souveraineté française sur cet archipel, incontestable, mérite d'être assumée et défendue.

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J'apprécie votre lucidité et votre courage, qualités que l'on ne trouve plus guère – ni ici ni ailleurs. Pour le reste, je reprendrai à mon compte les propos de mon ami Philippe Folliot, qui a tant combattu pour que notre façade maritime soit ce qu'elle est. J'ai beaucoup apprécié la réponse que vous avez apportée à notre collègue qui vous demandait ce qui nous manquait pour devenir une grande puissance maritime : la France est déjà une grande puissance maritime et pour l'être davantage elle doit le croire et le vouloir. Je m'y associe totalement.

Ma question concerne le volet civil de votre activité. Savez-vous où en sont nos travaux sur l'énergie maritime ? Je n'ai pas besoin que vous me répondiez aujourd'hui.

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Compte tenu des dangers et menaces auxquels sont exposés les navires qui transitent en Atlantique, notamment au large d'Ouessant, mais aussi des richesses du littoral breton, serait-il pertinent de doter la marine française de ses propres remorqueurs d'intervention, d'assistance et de sauvetage plutôt que de recourir à l'affrètement de ces navires ?

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En situation de crise, les CROSS coordonnent tous les moyens nautiques et aériens d'une zone concernée, qu'ils soient publics ou privés. Dans vos interventions, vous avez évoqué les moyens nautiques. Pouvez-vous nous indiquer comment se déroulent les relations avec l'armée de l'air, laquelle a pris en charge 12 % des interventions en 2018 ?

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Pour vous permettre de remplir l'ensemble de vos missions, nombre de vos prérogatives ont trait à la sauvegarde et à la protection de l'environnement. Le Président de la République a exprimé sa volonté de faire de la France une puissance maritime d'équilibre entre écologie et économie. En tant que député de la Charente-Maritime, département qui compte 463 kilomètres de côtes et quatre îles, ces problématiques m'interrogent au quotidien. Je pense notamment au risque de submersion lié à la montée des eaux, aux phénomènes climatiques exceptionnels comme celui que nous avons connu en 2010 avec la tempête Xynthia, ou encore à la disparition progressive de la biodiversité. Quelles mesures avez-vous prises, sur la façade atlantique, pour protéger la biodiversité de l'activité humaine et intervenir en cas de catastrophe naturelle et de montée des eaux ?

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L'Union européenne estime que l'an dernier, 139 millions de tonnes de CO2 ont été relâchées dans l'atmosphère par les bateaux qui entrent ou sortent de son espace, soit autant qu'un pays qui occuperait la huitième position du classement des États les plus émetteurs de l'Union. Nous savons que le secteur du transport maritime s'est engagé dans un programme d'amélioration de ses flottes, notamment en construisant des navires propulsés au gaz naturel liquide, le GNL. Cette énergie permet des réductions d'émissions conséquentes – jusqu'à 25 % pour le seul CO2. Nous savons aussi que la réduction de la vitesse des navires est une solution souvent évoquée, portée par la France dans le cadre du dernier G7 à Biarritz, mais qui bloque par manque de consensus au sein de l'OMI. Pourriez-vous nous éclairer quant aux priorités de la France pour accompagner ce secteur sur le plan écologique, notamment dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Quelles mesures mobilisables à court et moyen termes permettraient d'obtenir des résultats significatifs ?

Pourriez-vous également nous préciser quel serait le calendrier de préparation d'un écolabel pour l'ensemble de la chaîne logistique intermodale des flux transitant par les ports français, puis de son expérimentation dans l'axe Méditerranée comme l'a proposé le CIMER 2019 ?

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Pouvez-vous détailler davantage votre action de lutte contre la pollution maritime ? Comment s'exerce-t-elle ? Quelle est l'importance de l'OMI au plan mondial ?

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Vous avez évoqué les enjeux du changement climatique. L'un d'eux, positif, nous pousse vers la découverte et l'exploration des voies polaires. Nous avons parlé de l'exploit du bâtiment de soutien et d'assistance hauturier, le BASH Rhône. Nous savons les enjeux de souveraineté, l'importance d'assumer notre présence et le coût que cela représente, voire les enjeux de demain avec l'ouverture d'une voie transpolaire. Nous savons également l'exigence de prévenir la poursuite du réchauffement climatique, notamment en protégeant la biodiversité et les écosystèmes privilégiés. Du fait des différents objectifs régulièrement fixés par les grandes conférences sur l'océan, la marine nationale devra lutter toujours plus contre la pêche illégale dans des espaces de plus en plus grands et dans des aires marines protégées, les AMP, dans lesquelles toute activité de pêche pourrait être interdite.

Comment relèverons-nous tous ces enjeux ? Nous devons parfois opposer – y compris par surprise – notre propre présence celle, offensive, de sous-marins russes ou d'autres. Le Rhône pourra-t-il réitérer sa traversée selon des modalités identiques ? Je n'en suis pas certain. Qui plus est, notre présence en vue de défendre les AMP a un coût. Sans compter les nouvelles menaces, le coût de la présence permanente d'un SNLE en mer et celui d'un deuxième porte-avions. Si grande, historique et puissante soit-elle, la marine nationale aura à faire face, plus que les autres armes, à des enjeux majeurs. Notre commission devra d'ailleurs se saisir urgemment de ces sujets qui n'ont pas été complètement prévus par les contours de la LPM.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

Le maritime est l'une des grandes filières industrielles françaises. Elle se structure autour de quelques thématiques, dont deux ont été retenues pour hiérarchiser la priorité des actions des industriels et de l'État : le financement de l'innovation et la cybersécurité. Si les grands groupes, au titre desquels Naval Group, sont très sensibles à la question de la cybersécurité, ce n'est pas systématiquement le cas d'industriels de plus petite taille. Nous observons notamment que l'industrie maritime, qui fait parfois appel jusqu'à cinq niveaux de sous-traitance, n'est pas suffisamment sensibilisée aux contrôles de sécurité informatique de ses prestataires. Aussi sommes-nous en train de constituer, avec le concours de l'ANSSI, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, un centre d'échanges sur la cybersécurité. Deux pôles sont particulièrement mobilisés : Brest et Toulon, qui apportent leur expertise. Nous élaborerons une procédure et identifierons les bonnes pratiques à diffuser dans l'ensemble de la filière industrielle.

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Amiral Jean-Louis Lozier

La sécurité maritime, définie comme la protection des activités civiles à caractère commercial, de plaisance ou autre, revêt deux aspects : l'échange et le partage d'informations d'une part, l'action, d'autre part.

Concernant le premier aspect, le MICA Center permet aux usagers de la mer – en premier lieu, les usagers français – d'être en relation avec la Marine nationale pour échanger des informations relatives à la sécurité de certaines zones. C'est ainsi qu'avant toute chose, le commandant du Ponant avait prévenu l'état-major d'Alindien, en avril 2018. Ce dispositif s'est progressivement élargi à de nombreuses zones, d'abord au profit des intérêts français mais aussi à toute compagnie qui en fait la demande.

Nous avons également créé au sein de ce centre, en coopération avec les Britanniques, le MDAT-GoG, le Maritime Domaine Awareness for Trade – Gulf of Guinea. Tout bâtiment qui entre dans cette zone peut s'abonner aux informations que nous diffusons dans le cadre de ce mécanisme, qui fonctionne très bien et est reconnu par l'ensemble des armateurs qui fréquentent le golfe de Guinée.

Enfin, nous y avons implanté une cellule dédiée à la Corne de l'Afrique. Seule conséquence du Brexit dans le domaine de la défense, le commandement de l'opération Atalanta de sécurisation du trafic maritime au large de cette zone est passé, le 29 mars dernier, d'un amiral britannique à un amiral espagnol et nous avons récupéré, à Brest, le centre d'échanges sur les informations maritimes. Notre intention est bien de faire de Brest et du MICA Center le centre à vocation européenne d'échanges d'informations maritimes. Cela participe de notre ambition de donner les moyens nous permettant d'être une puissance maritime.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

Vous m'avez interrogé sur les conséquences du Brexit pour nos pêcheurs et sur la situation des pêcheurs britanniques qui viennent pêcher la coquille Saint‑Jacques en baie de Seine. Le Brexit étant assorti d'une année de moratoire pour la pêche, les pêcheurs communautaires conserveront la possibilité de pêcher dans les eaux britanniques, et réciproquement, durant toute l'année 2020. L'Europe dispose désormais de 11 mois pour négocier avec les Britanniques un nouvel accord de pêche, entre une Union d'États et un État devenu tiers, et définir les conditions de délivrance de licences ou d'ouverture des eaux à nos pêcheurs.

Quant à la question de la pêche électrique et industrielle, elle relève désormais de la politique communautaire des pêches et se traite à Bruxelles. La France a été l'un des pays particulièrement insistants et actifs pour la faire interdire, compte tenu de son effet dévastateur sur la biodiversité et la ressource. Notre pays se montre très vigilant quant aux différentes pratiques utilisées, mais ne peut intervenir que dans le cadre communautaire.

S'agissant de la traversée de la Manche par des réfugiés en situation irrégulière, la question est très complexe. Je vous propose d'interroger le préfet maritime de Cherbourg que vous auditionnerez prochainement. Celui-ci déploie une activité quasi quotidienne dans ce domaine.

Par ailleurs, nous comptons deux sortes d'épaves dans les ports. Pour ce qui est de celles des bateaux de la marine de commerce, nous avons défini un système de déchéance de propriété. C'est un système très lourd, que nous pourrions peut-être améliorer, qui permet à l'État d'initier une action en liaison avec les ports dans lesquels ces épaves sont entreposées pour faire ensuite procéder à la déconstruction des coques et les livrer – dans des chantiers agréés par la Commission européenne comme étant écoresponsables. En outre, avec la fédération des industries du nautisme, nous avons élaboré un dispositif de responsabilité des acquéreurs pour faire procéder à la déconstruction des bateaux de plaisance qui sont abandonnés sur le littoral, dans les ports ou le long des côtes. Ce système fonctionne bien. Il nous reste à traiter la question du transport des épaves jusqu'au centre de déconstruction. En tout état de cause, nous avons déjà franchi un grand pas en la matière.

La question des accords de gestion entre la France et un autre pays – en l'occurrence Maurice, au sujet de Tromelin ou le nouvel exercice qui s'ouvre aujourd'hui avec Madagascar pour la gestion des îles Éparses – n'est pas seulement un sujet maritime mais un sujet diplomatique complexe. Le secrétaire général de la mer est associé au travail qui s'ouvre sur les îles Éparses. La délégation française qui discute avec les autorités malgaches fait valider en interministériel son mandat de discussion et le secrétaire de la mer est présent.

Concernant l'énergie des mers, la France a pris beaucoup de retard dans le développement de l'énergie maritime. C'est dommage, car nous avons laissé passer un certain nombre d'opportunités. La filière française ne s'est sans doute pas développée aussi bien et aussi complètement qu'elle l'aurait pu. Nous avons ainsi laissé passer la vague de l'éolien posé, faute d'avoir réagi suffisamment vite. Il n'existe donc plus de technologies françaises dans ce créneau. La France ne devra donc pas manquer la prochaine étape, celle de l'éolien flottant – puisque nous pourrons désormais éloigner les champs éoliens des côtes françaises grâce à des éoliennes qui flottent. En l'occurrence, elle est bien placée. Le Premier ministre, en actant le principe d'un giga annuel pour l'éolien en mer dans la PPE soumise à consultation, a complètement débloqué cette filière.

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Amiral Jean-Louis Lozier

L'énergie en mer est l'une des activités du préfet maritime qui prend de plus en plus d'importance. Au-delà de la filière industrielle, il s'agit de concrétiser la construction des champs éoliens – et, surtout, favoriser leur acceptation par les usagers de la mer. Dans certains endroits, cela se passe bien. J'ai ainsi participé, la semaine dernière, à l'instance de concertation du champ d'éoliennes de Saint-Nazaire, où j'ai observé un bon compromis. En revanche, je suis un peu plus inquiet pour celui de Saint-Brieuc, auquel les pêcheurs manifestent une opposition. C'est le rôle du préfet maritime d'essayer de déminer les conflits d'usage.

Concernant les bâtiments à la disposition du préfet maritime pour intervenir en mer, on peut citer les remorqueurs d'intervention comme l'Abeille Bourbon, à Brest, mis en place à l'issue du naufrage de l'Amoco Cadiz. À l'époque, il y a 40 ans, mon prédécesseur n'avait pas de moyens. Depuis, nous avons systématiquement implanté des remorqueurs d'intervention à Brest, Toulon, Cherbourg et Boulogne. Ce sont des remorqueurs civils, et je crois qu'il faut qu'ils le restent. Je considère, en effet, que le métier spécifique du remorquage de forte puissance n'a pas vocation à être au sein de la Marine nationale. Il existe aussi des bâtiments de soutien et d'assistance affrétés. Jusqu'à récemment, nous en comptions deux à Brest. Après la décision de faire remonter l'Argonaute à Cherbourg, il n'en reste plus qu'un. À titre personnel, j'y vois une fragilisation de notre dispositif. C'est une préoccupation du préfet maritime. Nous avons, certes, admis très récemment au service actif deux bâtiments militaires de soutien et d'assistance, des BSAM. Mais ils n'ont pas exactement les mêmes missions et les capacités d'intervention d'un BSAA. Ces bâtiments ne disposent pas de cuve permettant de récupérer les hydrocarbures pompés en mer dans le cadre de la lutte antipollution, par exemple. En outre, la capacité de remorquage d'un BSAM est bien plus faible que celle du BSAA affrété qui nous reste, le Sapeur. Personnellement, je considère que notre système avec des bâtiments affrétés est bon. Je regrette, simplement, la fragilisation de ce dispositif.

Concernant les CROSS, l'armée de l'air participe avec ses moyens aériens aux opérations de sauvetage. Sur ma façade, j'utilise très régulièrement le Caracal basé à Cazaux. Normalement utilisé par l'armée de l'air lors d'opérations de sauvetage sur le territoire national, il a aussi une capacité en mer, qui nécessite les mêmes compétences. Il est d'alerte en permanence. Dès qu'il en a besoin, le CROSS Étel le requiert. Cette utilisation se passe très bien, sans aucune difficulté. Elle représente environ 6 % des missions de sauvetage sur la façade atlantique.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

Le sujet de la gestion du trait de côte préoccupe fortement les populations – certes, dans les territoires déjà frappés plus qu'ailleurs, mais c'est une préoccupation nationale. Le Premier ministre a demandé à la ministre de la transition écologique et solidaire de réfléchir, sur la base du rapport du GIEC qui a été remis l'année dernière, à une stratégie nationale, laquelle sera évidemment discutée avec l'ensemble des acteurs littoraux à la suite du rapport parlementaire sur ces questions. La concertation s'engage. J'espère qu'un plan d'action ou, en tout cas, des lignes force d'action pourront être présentées au prochain CIMER. Toute la difficulté réside dans le fait qu'il faut expliquer aux populations que ce ne sont plus les obstacles physiques qui assureront, à l'avenir, la meilleure protection, mais une véritable relocalisation des activités humaines sur un littoral menacé. Cela nécessitera une grande pédagogie.

J'en viens à la question relative à la protection de la biodiversité. La pollution à l'origine de la disparition de la biodiversité, l'acidification des océans ou le plastique en mer viennent de la terre. Toute la stratégie de lutte doit donc venir de la gestion à terre, ce qui complique terriblement la situation car nous devons travailler avec des populations et des collectivités qui se sentent moins mobilisées que celles du littoral, qui voient les dégâts. Nous savons, par exemple, que la lutte contre les plastiques en mer se gagnera au stade de la production, mais aussi grâce à l'identification, au repérage et au traitement des décharges qui se situent aujourd'hui sur les berges des cours d'eau et peuvent, à tout moment, se déverser dans les rivières, puis dans les fleuves et dans la mer. Si nous voulons lutter contre la pollution en mer, nous devons organiser cette lutte à partir des principaux cours d'eau qui charrient des déchets. Un important travail de concertation et d'explication national sera donc indispensable. Les collectivités devront notamment assurer la gestion de décharges très anciennes, dont elles n'imaginent pas un seul instant qu'elles pourraient être la cause de pollution plastique dans les océans.

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Amiral Jean-Louis Lozier

S'agissant de la protection de la biodiversité au large du littoral de Charente-Maritime, nous disposons d'un outil majeur avec le parc naturel marin de l'estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis. Tout repose sur lui. C'est l'un des parcs naturels les plus récents. Il a contre lui le fait d'être l'un des plus grands en métropole. En tout cas, il importe de raisonner dans la durée. Le plus ancien parc naturel marin, celui d'Iroise, a 10 ans et fonctionne bien. Nous y avons trouvé le bon équilibre entre les activités économiques et la préservation de la biodiversité. J'espère que les élus de Charente-Maritime s'impliqueront un maximum dans ce parc naturel, car c'est vraiment là le lieu pour défendre convenablement la biodiversité et trouver les bons équilibres entre le développement du grand port de La Rochelle et la préservation voire la restauration de la biodiversité.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

S'agissant du carburant maritime, l'exploitation de la base de données du grand débat national nous a permis de constater à notre grande – et heureuse – surprise que 350 000 Français ont écrit sur la mer. Qui plus est, ces contributions sont à 100 % à contenu environnemental. Cela témoigne que les Français s'inquiètent de la préservation de la mer et des océans, au travers de trois grandes thématiques : les plastiques en mer, la surpêche et les pollutions atmosphériques et maritimes dégagées par le fioul utilisé. La France est très en pointe. Elle prend des initiatives à l'OMI, par exemple en proposant de réduire la vitesse des navires. Elle investit pour que, dans tous les ports français, on mette du GNL à disposition des bateaux. Cela permet de résoudre de nombreux problèmes liés au soufre et aux particules et au moins 20 % de ceux liés au carbone. La France a décidé d'installer des bornes d'alimentation électrique dans tous ses ports de croisière, pour éviter que les bateaux utilisent leur moteur auxiliaire en plein centre-ville pour produire leur électricité. À Marseille, un bateau de 8 000 passagers tourne à plein pour produire son électricité est source d'une pollution majeure. Les Marseillais ne l'acceptent plus.

Ce n'est pas encore le cas dans les ports militaires, qui n'ont pas de bornes d'alimentation électrique.

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Amiral Jean-Louis Lozier

Sachez toutefois que, lorsqu'ils arrivent à Brest ou à Toulon, les bâtiments de la Marine nationale se branchent à quai. Ils ne font plus tourner leur diesel électrique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous investissons significativement dans la rénovation du réseau électrique de la base de Brest.

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Denis Robin, Secrétaire général de la mer

En tout état de cause, le sujet concerne surtout les croisières.

Concernant les flux logistiques, nous lançons cette année l'expérimentation de la logistique de l'axe Méditerranée-Rhône dans le port de Marseille. Nous considérons d'ailleurs que l'activité portuaire est plus logistique que maritime. Aussi les thématiques portuaires seront-elles toutes rattachées au comité interministériel de la logistique, le CILOG.

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Amiral Jean-Louis Lozier

S'agissant de la lutte contre le changement climatique, la France ne pourra pas agir seule. La dimension européenne est une évidence en la matière. Travailler avec nos voisins européens est d'ailleurs mon quotidien – et je ne parle pas uniquement des voisins de l'Union européenne, mais aussi des Norvégiens. En outre, je continuerai à travailler avec les Britanniques comme avant. En Afrique, les programmes d'aide à la surveillance des pêches et à la sécurisation du golfe de Guinée sont européens. La marine nationale travaille donc avec les différents représentants de ces programmes payés par l'Union européenne. La réponse stratégique à la fonte des glaces en Arctique devra probablement être européenne. La France peut faire beaucoup et être moteur, mais elle n'a pas les moyens d'assurer à elle seule l'ensemble des missions qui seront les siennes dans les années venir.

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Notre commission porte un intérêt majeur à tous les sujets qui vous préoccupent. Nous nous déplacerons prochainement à Brest, ce qui nous permettra de poursuivre ces échanges.

Nous mesurons à quel point nous ne pouvons plus penser la défense sans penser notre place particulière en mer et dans le monde. J'espère donc que nous aurons l'occasion de vous revoir dans le cadre d'autres auditions. Je vous remercie pour votre présence, ainsi que pour la spontanéité et la franchise de vos réponses – lesquelles sont à la hauteur de l'attention que nous devons apporter à votre encontre, aux problématiques que vous portez et à la façon dont vous nous représentez dans le monde.

La séance est levée à douze heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Louis Aliot, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Stéphane Baudu, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, Mme Aude Bono‑Vandorme, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. Philippe Chalumeau, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, M. Olivier Falorni, M. Olivier Faure, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Philippe Folliot, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Benjamin Griveaux, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jean Lassalle, M. Didier Le Gac, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Florence Morlighem, M. Jean-François Parigi, Mme Josy Poueyto, M. Joaquim Pueyo, M. Bernard Reynès, M. Thierry Solère, M. Joachim Son-Forget, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Trompille, M. Pierre Venteau

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Sylvain Brial, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, Mme Marianne Dubois, M. Richard Ferrand, M. Jean-Marie Fiévet, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gilles Le Gendre, M. Christophe Lejeune, M. Franck Marlin, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière