Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 9h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures cinq.

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Madame la Ministre, un mot tout d'abord pour vous demander de bien vouloir excuser le Président Thomas Gassilloud qui est actuellement en embarquement avec la Marine nationale. Cela me vaut le grand privilège, Madame la secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire, de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue « chez vous » puisqu'en effet vous avez été en effet vice-présidente de cette commission au cours de la dernière législature, et, avec Jean-Louis Thiériot, co-rapporteure d'une mission d'information remarquée sur la préparation à la haute intensité, qui a inspiré depuis bien d'autres travaux. Vous avez également été la rapporteure du projet de loi portant reconnaissance de la nation envers les harkis.

En tant que secrétaire d'État, vous êtes déjà venue devant nous à plusieurs reprises, notamment à l'occasion du projet de loi de finances pour 2023 et lors du débat sur la loi de programmation militaire (LPM).

Depuis un an, vous avez déployé une méthode de travail qui vous tient à cœur, fondée sur le dialogue et la concertation, en particulier avec les associations. Elle a permis des avancées très concrètes, comme la revalorisation du point de pension militaire d'invalidité (PMI). Vous avez également démontré au quotidien votre préoccupation pour les blessés militaires et leurs familles, qu'illustre la présentation devant nous, aujourd'hui, du nouveau plan d'accompagnement qui leur est destiné.

Vous avez dévoilé ce projet qui vous est cher le 10 mai dernier, dans le cadre du plan « blessés » 2023-2027, dont le sous-titre est : « Pour toutes les blessures, tout le parcours et tout l'entourage ». Les deux chantiers principaux du plan visent à simplifier et à renforcer durablement l'accompagnement des blessés et de leurs familles. Ils se traduisent par des mesures concrètes, comme la création de la Maison numérique des militaires blessés et de leurs familles, qui permet de simplifier toutes les démarches, ou par l'ouverture de dix maisons Athos – trois sont déjà ouvertes, deux autres le seront à la fin de l'année.

Ce plan d'action 2023-2027 représente un effort financier de 170 millions d'euros – 50 millions prélevés sur la LPM et 120 millions sur le budget des anciens combattants. Ces sommes s'ajoutent aux 800 millions consacrés chaque année aux blessés. Vous nous détaillerez sans doute ce budget.

À ce jour, environ 120 000 personnes bénéficient d'une pension militaire d'invalidité. En outre, 2 600 militaires souffrant d'un syndrome post-traumatique ont été recensés – mais le nombre serait plutôt de l'ordre de 3 000 à 3 500, selon les estimations. Peut-être, d'ailleurs, pourrez-vous évoquer ce qui pourrait être fait pour mieux détecter celles et ceux qui en souffrent et qui éprouvent, parfois, des difficultés à accepter cette blessure invisible.

J'aimerais dédier cette audition à tous ceux qui ont donné une part de leur santé, physique ou psychique pour la France. Je pense plus particulièrement à deux Sébastien qui se reconnaîtront et dont le courage m'a beaucoup appris.

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire

C'est toujours un grand plaisir de revenir dans cette commission, où j'ai passé les cinq dernières années. Je garde un très bon souvenir du travail que l'on y effectue tous ensemble.

L'humilité, la reconnaissance et la détermination sont les trois principes qui guident mon action et qui prévaudront aussi pour le plan d'accompagnement des blessés que j'ai présenté le 10 mai dernier.

L'humilité, d'abord, parce que la tâche est immense, et aussi parce que la complexité du parcours d'accompagnement nous y oblige. Beaucoup de choses changeront concrètement avec ce plan, mais nous devrons encore ouvrir de nouveaux chantiers, relever de nouveaux défis et réfléchir, peut-être, à de nouveaux modes de prise en charge. Personne, dans une telle matière, ne peut prétendre tout savoir ni détenir toutes les clés.

C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que ce plan soit vivant, qu'il évolue : tous les six mois, je tiendrai un comité pour faire le point sur l'avancée et la concrétisation des mesures et sur ce qui doit être modifié et amélioré, voire ajouté ou retranché. Ces comités de suivi associeront les associations du monde combattant ainsi que les parlementaires.

La reconnaissance, ensuite, parce que ce plan repose sur un principe édicté par Georges Clemenceau au cours des années 1920 : « Ils ont des droits sur nous. » La reconnaissance de notre nation doit être à la hauteur du sacrifice de nos soldats, ces femmes et ces hommes qui ont donné leur corps et leur esprit pour défendre notre sécurité, notre liberté et nos valeurs. Mais ces blessés, ce sont aussi des familles, épouses ou époux, parents, sœurs et frères, qui sont éprouvés, voire endeuillés et que nous ne pouvons pas oublier.

La détermination, enfin, pour changer le parcours du blessé. Aujourd'hui, il s'agit trop souvent d'un parcours du combattant en solitaire – le combat de trop. C'est pour cela que le Président de la République nous a enjoint de garantir « une prise en charge immédiate, durable, adaptée et bienveillante en cas de blessures ou de décès en service », et c'est pour cela que le ministre des armées, Sébastien Lecornu, a mobilisé l'ensemble du ministère et qu'il m'a confié le pilotage de ce plan.

Ce plan est d'une ampleur inédite, par les moyens qu'il engage et par la transformation profonde qu'il implique pour le ministère des armées et ses services. Il l'est dans son approche, puisqu'il prend en compte tous les blessés – d'active, de réserve et anciens combattants – toutes les blessures – physiques comme psychiques – tout le parcours – de la blessure à la réhabilitation – et enfin tous les aspects du quotidien – des démarches administratives à la situation familiale.

S'agissant des moyens, les mesures nouvelles s'élèveront à 170 millions, dont 115 pour la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation. Ils s'ajouteront aux 800 millions d'euros que le ministère engage chaque année pour ses blessés.

Parmi les mesures les plus importantes, le programme Athos bénéficiera de 59,6 millions supplémentaires, qui permettront l'ouverture de six nouvelles maisons. À terme, le budget de fonctionnement du programme tournera autour des 10 millions par an.

L'assouplissement des conditions d'obtention de la majoration pour tierce personne, que vous avez voté à l'article 12 de la LPM, devrait coûter 40 millions. Le coût de la réparation intégrale devrait être de l'ordre 14 millions. Quant au renforcement des cellules d'aide aux blessés, en personnel et pour leur déconcentration, 16 millions lui seront consacrés, dans l'Hexagone et outre-mer. Cela permettra d'augmenter le nombre de référents et leur proximité avec les blessés.

Ce plan a été construit à partir des demandes de nos soldats et de leurs proches, du vécu de nos anciens combattants, des retours d'expérience des plans précédents ainsi que de la mobilisation du ministère et des associations. Il s'appuie également sur vos travaux, en particulier ceux de la mission d'information relative au suivi des blessés, menée en 2019 par Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart. Nombre des mesures alors préconisées sont ainsi reprises dans le plan : le regroupement des informations, qui se fera avec la Maison numérique des blessés ; la création de la task force pour les cas les plus difficiles, et celle de l'interlocuteur unique, qui passera notamment par la déconcentration des cellules d'aide aux blessés ; la création du coffre-fort numérique, qui prolongera, améliorera et renforcera le dispositif sous-utilisé du dossier unique ; la consolidation du lien avec les familles ; le renforcement de la place du sport dans la reconstruction, grâce à la pratique de loisir ; la fin des démarches à l'échéance de la PMI et la mutualisation de la demande PMI-Brugnot.

Ce plan vise un objectif unique : que les blessés aient comme seule préoccupation celle de se soigner et de se reconstruire. Plusieurs principes directeurs ont guidé son élaboration : la simplification des démarches, pour un meilleur accès aux droits ; l'individualisation de la prise en charge ; une meilleure coordination entre les parcours de soin, administratif, psychosocial ou de réinsertion professionnelle ; la poursuite du travail sur la blessure psychique ; le soutien aux familles ; et enfin un principe de territorialisation.

Ce plan est bâti sur trois piliers. Le premier est la simplification de l'accès aux droits, qui en est le cœur. Cette simplification s'appuiera sur un principe qui régit déjà les relations entre l'administration civile et les administrés : le « dites-le-nous une fois », autrement dit la présomption de bonne foi et l'inversion de la charge de la preuve.

Avec ce plan, nous repensons chaque étape de la démarche administrative : quand nous pouvons automatiser, nous automatisons ; quand nous pouvons mutualiser, nous mutualisons ; quand nous pouvons supprimer, nous supprimons. Notre seule boussole est celle de l'efficacité. Il faut que l'administration ait les informations nécessaires sans que ni les démarches ni la complexité du dossier ne pèsent jamais sur le blessé et sur ses proches.

Ainsi, nous prévoyons que la demande PMI-Brugnot pourra être unique et que le renouvellement d'une PMI arrivée à échéance sera automatique, sans demande formelle. Cela épargnera nombre de difficultés à nos blessés et nombre de charges à l'administration ; et cela permettra d'aller beaucoup plus vite.

De même, certaines expertises médicales pourront désormais se faire sur pièces ou, lorsque ce sera possible ou recommandé, par visioconférence ; d'autres seront supprimées dès que la situation militaire ne peut plus évoluer.

Certains cas sont plus complexes, parce qu'ils mêlent plusieurs blessures, d'anciens et de nouveaux maux. Une unité dédiée à leur prise en charge sera expérimentée pendant un an. Nous l'améliorerons en fonction des résultats, et la pérenniserons.

Si certaines mesures du plan visent à garantir les droits des militaires, d'autres visent à les étendre, notamment grâce à la réparation intégrale et à l'assouplissement des conditions d'obtention de la majoration pour tierce personne. De nouveaux droits seront également ouverts avec la qualification comme maladies professionnelles de pathologies intimement liées à l'exercice militaire. Concrètement, un certain nombre de sauts en parachute ou de plongées sous-marines permettront d'obtenir cette qualification sans que le militaire ait à prouver de lien direct.

Les principes de ce plan sont ambitieux, mais des outils doivent les concrétiser. La Maison numérique des militaires blessés et de leurs familles en sera un. Ce site internet rassemblera toutes les informations utiles aux blessés, à tout moment de leur parcours. Dès cette année, les blessés pourront y effectuer l'ensemble de leurs démarches en ligne. Surtout, d'ici à l'année prochaine, un coffre-fort numérique évitera au combattant blessé d'avoir à fournir toutes les pièces de son dossier.

Le deuxième pilier du plan est relatif à la blessure psychique. Lors de nos débats en séance publique sur la LPM, vous avez manifesté, sur tous les bancs de l'hémicycle, votre souhait de voir la blessure psychique traitée comme la blessure physique.

C'est le cas dans ce plan. Aucune différence n'est faite entre les deux, de jure ni de facto. Pour ce qui est de la PMI par exemple, c'est bien la gravité de la blessure qui est prise en compte et non pas son caractère psychique ou physique. Des PMI pour blessures psychiques peuvent être plus élevées si le handicap qui en résulte est plus important.

En revanche, détecter, évaluer et prendre en charge la blessure psychique est plus complexe. C'est ce sur quoi nous devons travailler, en nous basant sur le triptyque « mieux prévenir, mieux détecter, mieux soulager ». Les dispositifs de sensibilisation et d'information seront renforcés, qu'ils soient destinés aux officiers commandants d'unité, aux soldats ou aux familles. J'ai notamment souhaité que les familles soient sensibilisées à la blessure psychique à la veille du retour des soldats en Opex (opération extérieure). Et, d'une meilleure prévention découlant un meilleur diagnostic, j'ai tenu à ce que l'ensemble des soldats partis en Opex bénéficient effectivement d'une visite médicale dans un délai maximal de trois mois après leur retour.

Le traitement des blessures psychiques est complexe, et notre accompagnement vers le soulagement ou la guérison doit être aussi individualisé que possible. L'ensemble de nos dispositifs s'inscrivent dans ce cadre, dont celui, expérimental, des maisons Athos, qui permet d'apporter un soutien à la reconstruction psychosociale des blessés. Les quatre maisons, implantées à Bordeaux, Toulon, Aix-les-Bains et dernièrement à Auray, accueillent aujourd'hui plus de 300 membres. Elles seront dix à la fin de la LPM 2024-2030.

En amont, le pôle de réhabilitation physique et psychique, développé en partenariat par l'Institution nationale des Invalides et le service de santé des armées (SSA), accompagnera les blessés au cours de la phase aiguë de leur pathologie. Il s'agit d'une porte d'entrée, d'une première étape sur le chemin de la réhabilitation.

Le troisième et dernier pilier du plan est l'accompagnement du blessé tout au long de son parcours, de la blessure jusqu'à la réhabilitation ou à la guérison, de la reconstruction psychosociale au retour à l'emploi.

Je veux citer, en exemple, la reconstruction par le sport. Notre objectif est que les blessés puissent retrouver une vie la plus proche possible de celle qu'ils menaient avant. Nous financerons donc des prothèses à finalité sportive pour permettre à ceux qui le peuvent de reprendre une activité, de loisir ou de haut niveau. Le Village des blessés, implanté au sein du Centre national des sports de la défense, à Fontainebleau, renforcera cette ambition, grâce à des infrastructures adaptées et, surtout, à la présence des familles.

Celles-ci font partie intégrante de la reconstruction et doivent être pleinement intégrées et soutenues. Le développement des maisons des familles, en hôpital d'instruction des armées, la mise en place de répits pour les proches des blessés, ou encore une offre renouvelée d'assistance devront y concourir.

Des mesures sont aussi prises pour favoriser l'entrée des anciens combattants sur le marché du travail, qu'il s'agisse d'emplois réservés ou dans le privé.

Ce plan est un fil ininterrompu, qui relie toutes les étapes du parcours du blessé. Il rappelle que le ministère des armées ne laisse aucun blessé, aucune famille sur le bas-côté.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Le 13 juillet 2022, le Président de la République a fixé un cap clair : « garantir aux blessés, aux familles, une prise en charge immédiate, durable, adaptée et bienveillante en cas de blessures ou de décès en service ». C'est ce que fait le plan « blessés » 2023-2027.

L'objectif de ce nouveau plan est, vous l'avez dit, de simplifier les démarches et le suivi pour améliorer l'accès aux droits et renforcer l'accompagnement dans la durée. Les maisons des familles sont plébiscitées par les militaires : mises à disposition en fonction des besoins, elles sont souvent implantées au sein des garnisons. Le plan Famille 2, présenté par le ministre des armées au Conseil supérieur de la fonction militaire au début de l'année 2023, permet ainsi d'investir dans des projets locaux d'infrastructures, d'aménagement ou encore d'ameublement, proposés par le commandement local, au profit des familles.

Le plan « blessés » 2023-2027 cherche lui aussi à faciliter la venue des familles à proximité des hôpitaux, pour permettre aux blessés de maintenir un lien, crucial, avec leurs proches. Comment entend-il développer les dispositifs d'accueil des familles, nécessaires à l'accompagnement des blessés et de leur entourage ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Les familles des blessés doivent être accompagnées. C'est une marque de reconnaissance et un devoir moral ; c'est aussi une nécessité pour le blessé. Depuis 2015, la maison des blessés et des familles de l'hôpital militaire Percy accueille les proches de soldats blessés en opération. Une deuxième existe désormais à Toulon. Installées au sein de l'établissement, elles accompagnent les soldats blessés dès leur rapatriement. Entre 2018 et 2020, un peu moins d'une trentaine de proches de militaires blessés ont été hébergés sur place. Ce dispositif va être amplifié, car il nous paraît important pour accompagner les familles. Son coût est de 2,7 millions sur la durée du plan.

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Vous avez eu raison, Madame la secrétaire d'État, de rappeler ces mots de Clemenceau, « Ils ont des droits sur nous ». Les associations d'anciens combattants jouent, aujourd'hui encore, un rôle important dans notre société. Elles comptent un peu plus de 1 million d'adhérents, un total qui diminue d'environ 50 000 chaque année.

Cela pose la question de la pérennité de ces associations, alors que les besoins existent toujours, en matière d'accompagnement, de devoir de mémoire et d'entretien du lien entre l'armée et la nation. Le président de l'Union des blessés de la face et de la tête (UBFT) – on est proche des « gueules cassées » de 14-18 – estime que le tri va se faire et que seules les grandes associations puissantes pourront survivre. Il souligne la nécessité de leur transformation et de la montée en puissance de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG).

L'Office connaît une extension de ses missions : réalisation de travaux mémoriels en faveur des harkis et des Opex ; traitement des demandes d'indemnisation ; prise en charge des maisons Athos ; transmission des valeurs de mémoire à la jeunesse. Ainsi, le Gouvernement aura un rôle à jouer dans l'accompagnement des associations de résistants, mais aussi dans le renforcement du rôle palliatif de l'ONACVG. Celui-ci ne doit pas oublier sa vocation ni ses missions, concomitamment à la réduction de ses moyens humains et financiers, laquelle entraîne crée des fragilités dans la mise en œuvre de ses compétences.

Comment sauver ces associations et quelles seront les évolutions de l'ONACVG dans les prochaines années ? On peut se réjouir de mesures prises, comme l'automatisation du renouvellement de la PMI, la centralisation des demandes sur portail numérique ou encore l'amélioration de la détection. À cela viendront s'ajouter la création de nouveaux dispositifs de réhabilitation des militaires blessés et, d'ici à 2030, de nouvelles maisons Athos. Sur plusieurs de ces points, le Gouvernement a prêté une oreille attentive aux revendications du Rassemblement national.

Ce nouveau plan devrait nécessiter 170 millions d'ici à 2030, qui s'ajouteront aux 800 millions annuels consacrés à la prise en charge des militaires blessés. Ces moyens permettront-ils de déployer l'intégralité de ce plan ambitieux et nécessaire ? Si oui, les efforts budgétaires seront-ils produits pendant le quinquennat ou comptez-vous, comme pour la LPM, les repousser à l'après 2027 ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Monsieur Gonzalez, vous évoquez les anciens combattants mais le plan concerne aussi des blessés d'active, puisque beaucoup peuvent reprendre leur métier – et c'est ce que nous souhaitons. Je vais cependant essayer de répondre à vos interrogations et de vous rassurer.

La première chose que j'ai faite, après ma nomination, le 4 juillet 2022, a été de rencontrer les associations d'anciens combattants, qui forment ce que l'on appelle le G12 – bien qu'elles soient désormais dix-sept. Leur première préoccupation, c'est celle du vieillissement des adhérents : il y a de moins en moins de monde. Ils s'inquiètent de l'avenir ; ils se demandent comment continuer la transmission de la mémoire, comment réussir à intégrer la quatrième génération du feu, dont on parle peu, parce qu'elle n'a pas encore écrit son histoire.

Nous avons travaillé, chacun de notre côté, pendant trois mois, puis nous nous sommes revus. J'ai commencé par faire taire la petite musique qui tournait alors sur la suppression des services départementaux de l'ONACVG : j'ai dit qu'il n'y avait aucune crainte à avoir, puisqu'on avait besoin de territorialiser les offices pour être au plus près de nos soldats et de leur famille. Je leur ai ensuite proposé de délocaliser certaines cérémonies, ce qu'ils ont accepté. Délocaliser une cérémonie nationale permet notamment d'aller vers la jeunesse et, ainsi, de travailler le lien entre l'armée et la nation. C'est ce que nous avons fait le 19 mars à Notre-Dame-de-Lorette, ou le 30 avril pour la Journée de la déportation au Struthof, ou encore la semaine dernière à Fréjus, pour ce qui est de la guerre d'Indochine.

Le constat est bien que beaucoup de jeunes sont venus, avec leurs enseignants, que je félicite – certains sont très impliqués, ce sont vraiment des hussards de la République. Avec la guerre en Ukraine, nos jeunes ont accès à des images réelles et quotidiennes du conflit. Ils sont concernés, s'interrogent et prennent leur part : nous avons ainsi de jeunes porte-drapeaux, qui viennent parfois en tant que filleuls, parrainés par des associations. Je constate donc que, depuis un an, nous avançons.

Lorsque je me déplace pour une cérémonie délocalisée, je suis la partie invitante : je prends contact avec les collèges, les lycées, les écoles et les communes, pour qu'il y ait le maximum de jeunes. Nos anciens viennent aux cérémonies, mais nous voulons aussi y voir des jeunes. Je voudrais donc, déjà, vous rassurer au sujet du lien qui existe entre l'armée et la nation.

Pour ce qui est de vos inquiétudes en matière de financement, je rappelle que ce plan est vivant et qu'il sera adapté selon les besoins. Le comité de suivi que je réunirai tous les six mois pourra évaluer ce qui fonctionne ou non et étudier les propositions que vous pourriez me faire, puisque j'ai dit que je tenais à la participation des parlementaires. Le plan sera à chaque fois réajusté, afin que nous fournissions le meilleur accompagnement à nos blessés.

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Vous nous dites que votre plan est d'une ampleur inédite, par le grand nombre d'enjeux qu'il aborde et auxquels il apporte des solutions, et qu'il est complet, avec un impact concret et tangible. Certes, mais ce plan ne détermine à aucun moment les besoins des blessés psychiques ! Il me semble primordial de faire un état des lieux de la situation de ces blessés avant de réfléchir aux réponses à leur donner.

Vous ne donnez aucun élément quant à leur nombre, aux corps d'armée auxquels ils ou elles appartiennent ni aux situations qui les exposent aux plus grands risques. Nous soulevons là un problème de méthode de travail, qui ne permet pas de mener un projet ambitieux pour tous les blessés de guerre.

Vous parlez par ailleurs de construire dix maisons Athos : nous saluons l'annonce, mais est-ce suffisant ?

Vous proposez certes la simplification des démarches administratives par la création d'un portail en ligne, mais vous ne tenez pas compte du fait que les blessés psychiques peuvent être dans l'incapacité de gérer seuls une démarche, et que le tout-numérique exclut et souvent décourage. Nous réaffirmons notre proposition qu'un seul diagnostic d'un médecin du SSA puisse donner le droit à la pension d'indemnisation pour les blessés psychiques.

Les actions entreprises ne sont toujours pas satisfaisantes et le plan reste vague sur ce sujet. Nous restons dans une logique de justification par le bénéficiaire, qui ne permet pas de répondre à toutes les injustices. À cet égard, j'avais sollicité le ministre des armées au sujet d'un militaire blessé psychique, dans ma circonscription, et je profiterai de l'occasion pour vous remettre ma requête en main propre tout à l'heure.

Madame la secrétaire d'État, après lecture de ce plan d'action, nous souhaitons savoir ce que vous comptez faire pour les blessés psychiques de guerre.

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Monsieur Bex, soit je n'ai pas été assez claire, soit nous ne nous comprenons pas ! Je vais tenter de vous rassurer.

Je vous rejoins sur le fait que nous devons réduire les démarches, mais je précise qu'à côté de la Maison numérique des blessés subsiste la « version papier » du dossier. Je connais les difficultés éprouvées par les blessés psychiques ; je les ai rencontrés, je les ai entendus me raconter qu'ils avaient reçu une lettre avec une date ou un rendez-vous, qu'ils l'avaient rangée et qu'ils l'avaient oubliée… On peut se retrouver dans une situation catastrophique pour avoir manqué un rendez-vous, notamment pour renouveler sa PMI. Avec la Maison numérique, nous tentons de mettre en place un coffre-fort qui va centraliser tous les documents détenus par l'administration et tous ceux que le blessé détient. À chaque fois que celui-ci ou celle-là aura besoin d'un de ces documents, il suffira de le prendre dans ce coffre-fort. Pour eux, cette solution est un véritable soulagement ; chercher des papiers quand on est blessé psychique, c'est lourd et compliqué. La seule chose qu'il leur restera à fournir est leur pièce d'identité ou leur livret de famille, si leur situation familiale a changé.

Mais effectivement, certaines personnes n'utilisent pas internet : nous devons leur apporter le même service, grâce à des référents. Considérant qu'il s'agit d'une lourde charge pour ces référents, nous allons augmenter le nombre d'ETP (équivalent temps plein) dédiés, afin qu'ils puissent individualiser au maximum la prise en charge du blessé.

En ce qui concerne la visite unique, j'ai déjà tenté de rassurer vos collègues Saintoul et Lachaud, dans l'hémicycle. Nous devons faire en sorte que les blessés soient traités avec justice, que leurs maux et leurs conséquences soient le mieux évalués possible et qu'ils aient accès à tous leurs droits. C'est ce que nous faisons avec le plan « blessés », en supprimant certaines démarches ou en en automatisant d'autres. Je vous ai déjà parlé de la visite en visioconférence : comme il peut être très compliqué de se déplacer pour un blessé psychique, cette visite médicale à distance leur simplifiera la vie, et peut-être accélérera leur prise en charge.

En revanche, le parcours ne se limite pas à une visite unique au médecin du SSA. Ce dernier est le médecin du soin. Ce n'est pas lui qui demande si la blessure est imputable ou non au service : cette imputabilité est de la responsabilité du commandement. Ensuite, ce sont des médecins experts, des spécialistes des blessures qui sont mandatés par le service des pensions et des risques professionnels pour évaluer la blessure. Pour que l'évaluation soit juste, il est impossible de se passer ni de l'un ni de l'autre. Par ailleurs, les blessures évoluent, et parfois s'aggravent. Une visite unique ne permet pas de dépister la plupart des syndromes post-traumatiques, qui parfois se déclenchent ou empirent des semaines, des mois, voire des années après la blessure.

Je reste persuadée qu'il est important de différencier le rôle du médecin du SSA, qui soigne, et celui de l'expert, qui procède à une évaluation, qui va bien au-delà du compte rendu du médecin soignant. Lorsque vous vous blessez, votre médecin familial peut vous soigner, mais il ne peut pas expertiser la blessure.

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L'armée est une seule et même famille, qui s'unit dans l'adversité et dans la défense des siens. La nation doit, à ce titre, être la mère nourricière et protectrice de ses enfants.

Le nouveau plan d'accompagnement des militaires blessés pour les années 2023 à 2027 est une nécessité pour honorer la mission de protection de la nation qu'ont ces soldats. Il est accueilli avec intérêt et nous vous en remercions.

Avec près de 170 millions d'ici à 2030, qui s'ajouteront aux 800 millions consacrés, chaque année, à la prise en charge de nos militaires blessés, ce plan devrait permettre de mieux répondre aux besoins de nos invalides de guerre. Cependant, l'État ne peut et ne doit pas se limiter à ce seul soutien financier ; les dispositifs de réhabilitation des miliaires blessés sont centraux, notamment pour donner à nos soldats confiance en l'avenir. À ce titre, un suivi qui permette d'améliorer les perspectives professionnelles est à espérer, ainsi qu'une mobilisation active et concrète de l'État pour créer des liens de solidarité et d'entraide entre nos militaires blessés. La camaraderie rehausse les hommes et l'esprit de corps ne se limite pas au champ de bataille.

Les militaires atteints de blessures psychiques – que l'on évalue à plus de 3 000 pour ceux qui souffrent de stress post-traumatique – sont ceux dont la prise en charge et la réinsertion sont les plus difficiles. C'est pourquoi des structures sportives et professionnelles adaptées sont le meilleur moyen pour assurer cet accompagnement et cette projection vers un avenir d'espérance. La place des familles est également à définir, pour qu'elles puissent au mieux accompagner les leurs. Il est donc heureux de constater une attention marquée, dans ce nouveau plan, pour les invalidités psychiques, avec notamment de nouvelles maisons Athos en construction.

Toutefois, nous espérons que ce nouveau plan garantisse une meilleure détection, un meilleur suivi des soldats atteints par des blessures psychiques. Ces hommes et ces femmes, qui ont donné leur corps et leur âme à notre pays, ont des droits sur nous : à nous d'être à la hauteur.

Face aux enjeux du quotidien de nos militaires blessés, et afin d'honorer la longue tradition des invalides de guerre de notre pays, quelles sont les principales améliorations à attendre pour détecter les blessures psychiques de nos soldats ? Quel suivi permettra d'assurer le soutien de la nation et les meilleurs soins à nos soldats blessés ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Puisque vous parlez des blessés psychiques, j'en profite pour dire à M. Bex que 2 600 d'entre eux sont identifiés aujourd'hui, et que nous devrions arriver rapidement à 3 500.

En effet, celles et ceux qui en souffrent doivent le reconnaître et le dire. Il s'agit de blessures bien réelles. Les soldats doivent pouvoir nous alerter dès les premiers signes. Les retours d'Opex sont à cet égard des moments clés, grâce aux sas de décompression. Les familles aussi doivent servir de relais. Nous devons les informer concernant des comportements difficiles à gérer, comme un mutisme qui dure plusieurs jours, et leur fournir des éléments d'alerte, le but étant de détecter le plus tôt possible une éventuelle blessure psychique.

Je me rends personnellement dans les maisons Athos et je rencontre des blessés. Cela me permet de comprendre très précisément quand et comment les blessures se déclenchent, pourquoi les soldats ne les ont pas signalées plus tôt. Très souvent, c'est qu'ils n'en avaient pas conscience eux-mêmes. Plus on parle de cette problématique, plus on la connaît, mieux on la détecte. Ainsi, je suis favorable à ce qu'on l'aborde dès la formation de nos soldats. Il s'agit de mieux prévenir, pour mieux guérir.

Il faut également prévoir des formations pour les psychologues et psychiatres civils, qui travailleront main dans la main avec les médecins du SSA à un module – un mooc, c'est-à-dire un cours en ligne – qui les aidera à mieux déceler ces blessures psychiques. Il n'est plus possible qu'un militaire qui sent que quelque chose ne va pas et qui décide, de lui-même, d'aller voir un psychologue s'entende répondre « Vous vous attendiez à quoi ? Vous êtes soldat ! »

Toutes les blessures doivent être soignées de la même manière, qu'elles soient physiques ou psychiques. Un général m'a confié un jour qu'il ne croyait pas aux blessures psychiques, jusqu'à la mort d'un de ses proches, soldat. C'est seulement alors qu'il a pris conscience que cela existait. Aujourd'hui, les états-majors nous aident pour que la blessure psychique soit reconnue et prise en charge rapidement. Il faut pour cela que les soldats en parlent librement. Forcément, cela va provoquer une augmentation du nombre de ces blessés. Mais c'est normal et c'est ce que nous voulons, pour pouvoir les soigner le plus vite possible.

En ce qui concerne l'employabilité des anciens combattants, qui ont besoin de se sentir utiles pour leur pays, deux reconversions sont possibles. Il y a, d'abord, les emplois réservés de la fonction publique. J'invite les conseils départementaux à profiter de la grande qualité des militaires pour affronter certains défis, comme la crise climatique. Nos soldats savent se déployer très rapidement, lorsqu'il y a des incendies notamment, car ils savent ce qu'aller au feu veut dire. Nous devons continuer à travailler en ce sens avec les collectivités territoriales.

Il y a ensuite le marché des emplois privés. Nous engageons un travail pour que les militaires s'y intègrent. Par exemple, les entreprises des grands opérateurs de réseau, qui se mobilisent pour faire disparaître les zones blanches, emploient beaucoup de câbleurs. Elles ne pensent pas spontanément aux militaires pour faire ce travail et nous essayons d'élaborer des partenariats avec elles, d'autant qu'elles sont nationales et présentes sur l'ensemble du territoire – ce qui permettrait aux soldats de se rapprocher de leur famille.

Enfin, je crois que les blessés attendent de nous beaucoup de reconnaissance, ce qui passe bien sûr par des commémorations, mais aussi par le vote des 413 milliards de la LPM.

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Au nom du groupe Démocrate, je tiens à vous remercier pour la présentation de ce plan « blessés », très attendu et à la hauteur de ces attentes. Il marque la reconnaissance de ceux qui se sont battus pour la France.

Il nous semble très important de renforcer l'accompagnement des militaires blessés et de leur famille, tout au long de leur parcours de soin et pour tous les aspects de leur quotidien. Je rends hommage à nos militaires qui font preuve d'un engagement sans faille au service de notre nation, parfois au détriment de leur santé.

Le groupe Démocrate salue l'engagement du Gouvernement pour garantir aux blessés un accès aux soins et aux droits et pour simplifier les démarches, afin que leur seule préoccupation soit de se soigner et de se reconstruire. Les familles sont pleinement intégrées au plan et au processus de guérison. Les blessures qui ne se voient pas sont aussi désormais pleinement reconnues et prises en compte par l'État, notamment grâce aux maisons Athos, dédiées à la réhabilitation psychosociale des blessés psychiques.

Pourriez-vous nous donner plus d'éléments sur le déploiement territorial de ce dispositif ?

Je souhaite également vous interroger sur l'opération Avec nos blessés, qui existe depuis 2017. Dans le Puy-de-Dôme, sous l'égide du général Barbry, l'opération a été densifiée cette année. Pour avoir participé à certaines actions, je salue l'engagement de nos militaires dans différents événements, notamment une course automobile sur le circuit d'Issoire, une course de cohésion à Clermont, une course d'endurance ou encore des dîners caritatifs. Lors du prochain Tour de France, une équipe de sept blessés parcourra les 30 ou 35 derniers kilomètres de l'étape qui s'achèvera à Issoire, devant le 28e régiment de transmissions, et franchira la ligne d'arrivée quelques minutes avant les coureurs. Ces diverses manifestations permettent de sensibiliser la population, de renforcer le lien entre l'armée et la nation et de collecter des fonds, qui sont reversés aux militaires blessés.

Pouvez-vous nous donner un bilan national de l'opération Avec nos blessés ? Avez-vous connaissance d'autres opérations analogues, organisées dans d'autres pays ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Lors de la première édition des courses solidaires du Bleuet de France, qui a eu lieu à Paris le 14 mai dernier, les participants pouvaient courir quatre ou dix kilomètres, mais aussi marcher, en famille, pendant deux kilomètres. Je vous invite tous à participer à cette opération. Cette course a permis de récolter 44 000 euros, qui illustrent la reconnaissance que la nation porte à ses blessés. Le chèque a été remis hier, mardi 13 juin, aux Invalides. La Course des blessés se déroulera quant à elle le samedi 24 juin et se terminera aux Invalides ; j'invite tous ceux qui le pourront à y assister.

Beaucoup d'initiatives sont prises pour soutenir les blessés. Il y a des courses, auxquelles je participe moi-même – mais mon directeur court beaucoup plus vite que moi. Nous enregistrons à chaque fois les kilomètres que nous parcourons – on approche au total des 600 000 kilomètres de solidarité ! Mon autre directeur préfère les concerts, comme celui que nous organisons ce soir aux Invalides. Il faut saluer toutes ces opérations, quelles qu'elles soient. Beaucoup d'associations organisent des courses, des tombolas, parfois des bals et tout cela vient en aide au fonds de dotation du Bleuet de France.

Je rappelle que le Bleuet est destiné aux blessés, à leurs veufs et veuves et à leurs enfants. Les Anglo-Saxons collectent 156 millions d'euros chaque année avec leur Poppy, quand nous en sommes à 1,2 million. Nous avons donc décidé de booster le Bleuet, qui est un peu la médaille que portent les citoyens en hommage à leurs soldats – je vous invite à le faire tous. J'ai nommé Frank Lebœuf comme ambassadeur, qui était déjà très investi – des équipes de football ont porté le Bleuet pour le 11 novembre – et nous voulons gagner tous les sports. Porter le Bleuet pendant le Tour de France par exemple me paraît indispensable. Cela fait partie de cette reconnaissance dont les blessés ont besoin. C'est Thierry Dusautoir qui sera ainsi l'ambassadeur de la course du 24 juin. Vous pouvez vous-mêmes, en tant que députés, participer à cette valorisation en portant le Bleuet ou en faisant sa promotion dans vos circonscriptions.

S'agissant des maisons Athos, le plan « blessés » en prévoyait initialement six. Au fur et à mesure des rencontres, nous sommes passés à dix. En outre, je le répète, ce plan est vivant : nous pourrons aller encore plus loin, si besoin est, lors de la prochaine LPM. Je rappelle qu'il s'agit d'une initiative de l'armée de terre et que ces maisons ne sont pas médicalisées. Peut-être estimerons-nous, dans quatre ou cinq ans, qu'il faut proposer autre chose. Aujourd'hui, ce sont des lieux d'accueil, de rencontres entre frères d'armes – et la première chose qu'ils partagent, ce qu'ils préfèrent, c'est la cuisine, la popote comme ils disent !

Je voudrais remercier l'UBFT, dont a parlé tout à l'heure M. Gonzalez, qui a compris que nos blessés ne sont plus les « gueules cassées » de la première guerre mondiale, mais qu'ils sont abîmés différemment. Ils ont compris que des blessures pouvaient être invisibles et faire très mal. L'UBFT va reconstruire la maison de Toulon et c'est pourquoi je me permets de remercier cette association, mais je précise que toutes prennent leur part.

Nous travaillons aussi avec de grands groupes qui souhaitent financer une maison Athos, mais rien n'est encore arrêté. Il faudra ouvrir des maisons assez rapidement en Île-de-France et en Occitanie. Pour cela, il faut commencer par trouver des lieux – qu'on loue –, ce qui exige des recherches poussées et prend un peu de temps. Ensuite, le processus peut être assez rapide. À Bordeaux, la maison est un vrai succès et compte 140 membres environ – nous devons penser à en ouvrir une autre dans le Sud ou le Sud-Ouest. Le projet de maisons Athos pour l'outre-mer exigera un travail différent, très compliqué. Je veux à ce titre remercier toutes les personnes qui y concourent, en nous apportant toute leur expertise. Il est important de pouvoir travailler main dans la main avec tous les services des armées.

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Je souligne à mon tour l'extraordinaire vitalité et la grande solidarité qui existent au sein de nos armées, qui s'expriment à travers un foisonnement d'initiatives, dans tout le territoire, pour nos blessés. J'étais vendredi dernier à la base aérienne d'Avord pour la « 3V » – pour vélo, volonté, victoire –, une course qui permet aux participants de pénétrer dans le périmètre de la base, ce qui n'est pas rien pour une base à vocation nucléaire, pour accomplir des tours de 12 kilomètres.

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J'ai travaillé sur le plan « famille », ce qui me permet d'avoir une approche assez fine des solutions que vous proposez. Je salue ce plan de reconstruction du militaire blessé et les innovations qu'il porte, notamment l'accent mis sur le stress post-traumatique, naguère peu considéré par les militaires, ce qui m'a d'ailleurs toujours surprise. Il s'agit de troubles que je connais bien pour ce qui est des enfants, et qui laissent des blessures profondes, quels que soient le profil ou l'âge. Le travail de sensibilisation doit être poursuivi auprès des militaires, mais également des familles. À cet égard, le plan « blessés » ne fait pas précisément mention des actions qui seront menées.

Je suis, d'autre part, surprise que la France n'utilise pas le protocole 6C, élaboré en Israël et désormais très largement utilisé, aux États-Unis notamment. Il est par exemple mis en œuvre pour les psychotraumatismes des militaires engagés dans la guerre en Ukraine. La France compte-t-elle adopter ce protocole largement éprouvé et reconnu à l'étranger ?

J'aimerais également avoir encore quelques précisions quant au déploiement des maisons Athos.

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Je sais toute l'attention que vous portez aux familles.

Nous connaissons bien le protocole 6C de prise en charge des troubles du stress post-traumatique. Nous nous en inspirons d'ailleurs par certains aspects. Cependant, je rappelle qu'Israël a une petite armée et que ses blessés, qui restent des militaires d'active, doivent rapidement reprendre leur service. La méthode que nous préconisons privilégie le soin. Mais nous regardons bien sûr de près ce que font les Israéliens et aussi les Américains, nos trois pays étant pionniers en la matière. Je me suis rendue en Angleterre et en Écosse et j'ai pu constater que l'approche y était totalement différente. Le Royal Hospital Chelsea est ainsi une grande maison qui s'apparente à un Ehpad, où l'on prend soin des blessés, mais dans une démarche très différente.

Nous mettons tout en œuvre, avec le service santé des armées, pour intensifier les premiers secours psychologiques en opération, en nous appuyant sur les professeurs du Val de Grâce et sur la formation des cadres qui sont au contact.

Quant au plan « famille », nous nous en sommes inspirés pour ce qui est de l'intégration de la famille dans le processus. L'épouse ou l'époux, les enfants, les parents, les frères et les sœurs : nous devons tous les associer, pour que la reconstruction du soldat se fasse avec ses proches. Sinon, il est fréquent que le soldat blessé ne demande rien, pour n'inquiéter et ne peser sur personne.

D'autre part, vous pourrez nous faire part lors de chaque comité de suivi, tous les six mois, des remontées que vous pourriez avoir à cet égard, dans vos territoires.

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L'accompagnement des militaires malades ou blessés et de leur famille est un enjeu majeur et nous nous réjouissons du plan que vous avez présenté le 10 mai.

Il s'agit d'une question qui me touche particulièrement, car j'ai la chance d'avoir à Vannes, dans ma circonscription, le 3e régiment d'infanterie de marine, dont 200 membres partent au Tchad ce mois-ci. Je recevais encore lundi dernier un blessé de guerre venu me présenter, avec beaucoup d'enthousiasme, l'entreprise qu'il venait de créer.

Je me réjouis également de l'adoption de l'amendement que j'avais présenté, dans le cadre de la LPM, pour supprimer la condition de quatre-vingt-dix jours de service pour qu'une blessure ou une maladie soit imputable au service effectué sur le théâtre d'opérations extérieures. Je vous remercie, Madame la secrétaire d'État, de l'avoir soutenu fortement et de l'avoir relayé sur vos médias sociaux.

Le code de la défense prévoit que les militaires de retour d'Opex puissent bénéficier – à leur demande et avant le soixantième jour qui suit leur retour – d'un entretien psychologique et d'un dépistage médical, portant sur les risques sanitaires auxquels ils ont pu être exposés. De même, depuis 2009, le sas de Chypre permet aux militaires rentrant d'Opex de décompresser et de consulter des psychologues. Pourtant, on s'aperçoit que ces rendez-vous médicaux, pourtant essentiels au regard des séquelles qui peuvent advenir, ne sont pas toujours honorés, loin s'en faut. Concrètement, que comptez-vous faire pour inciter – et non pas obliger – les soldats à le faire ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Si, il faut les obliger ! Lorsqu'on rentre d'Opex, on a envie de rentrer chez soi ; on remplit les dossiers à la va-vite, on les oublie, puis on retourne au combat. Mais qui remarque les changements de comportement, qui repère qu'un soldat ne parle plus ? Cette visite après-Opex permettra de détecter les troubles post-traumatiques, qu'ils se déclenchent au retour ou quelques mois plus tard : il y aura toujours des traces dans le dossier, on pourra voir que cela remonte à ce moment-là.

Obliger les soldats à effectuer ces visites, c'est aussi leur montrer notre reconnaissance, en nous préoccupant de leur santé physique et mentale. Une blessure physique ne se voit d'ailleurs pas forcément, elle peut se développer au fil du temps. Cette visite est donc indispensable, pour repérer des signes avant-coureurs. La remise obligatoire et en main propre du fichier médical permet en outre de s'assurer que cette visite a bien lieu. J'ai demandé aux états-majors et au SSA de produire une doctrine commune, pour définir les règles et conditions de cette visite ainsi que les indicateurs qui garantiront son efficacité.

Pour ce qui est du délai de quatre-vingt-dix jours, il offre aux médecins et au commandement d'unité la flexibilité dont ils ont besoin pour s'assurer de l'utilité de cette visite, selon que le soldat souhaite l'effectuer tout de suite ou non.

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Notre groupe accueille favorablement ce nouveau plan d'action pour les blessés militaires, dont le budget devrait s'élever à 170 millions d'euros. La priorité de votre ministère doit être qu'aucun soldat ne soit laissé de côté.

Madame la secrétaire d'État, vous avez parlé de dette de l'État envers ces soldats : c'est le mot juste. L'engagement de nos militaires, mais aussi de leur famille nous oblige.

Le non-recours aux droits est un phénomène largement répandu dans notre société et les militaires blessés ne font pas exception. On recense aujourd'hui près de 2 600 militaires souffrant d'un syndrome post-traumatique, et votre ministère évalue leur nombre réel à 3 500. Quelles actions concrètes comptez-vous mener pour aller les trouver ? La simplification administrative est essentielle, mais il faut aussi renforcer l'information sur les droits. Un autre facteur important est la difficulté que les militaires éprouvent à évoquer les blessures psychiques. Leur réflexe est souvent l'autostigmatisation. Il existe également un enjeu de sensibilisation du commandement, pour libérer la parole et éviter le repli sur soi.

Les maisons Athos sont un véritable atout, avec leur environnement non médicalisé et leur accompagnement psychosocial. Vous avez un objectif ambitieux de dix établissements d'ici à 2030. Le dispositif actuel est évalué à 2,9 millions. Quelle est la trajectoire de financement d'ici à 2030 ?

Enfin, lors de l'ouverture de la dernière maison, qui a eu lieu en avril, vous avez dit vouloir déployer deux maisons Athos outre-mer ; aujourd'hui, on ne parle plus que d'une seule. Pourquoi ce recul et quel sera le territoire ultramarin concerné ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Certains blessés psychiques ne recourent pas à leurs droits, soit parce qu'ils ne pensent pas en avoir, soit parce qu'ils n'ont pas la bonne information, soit parce qu'ils ne sont pas en capacité de le faire. La philosophie de ce plan est d'aller vers eux, de leur délivrer une information simple et de proximité. L'utilisation d'un QR code peut être une solution pour répondre à des questions précises. C'est tout l'enjeu de la Maison numérique des militaires blessés et de leurs familles, qui doit centraliser les informations. Un accompagnateur pourra également remplir les documents, sur procuration du blessé. J'ai également parlé du coffre-fort numérique, tout à l'heure.

Nous avons conscience que certaines générations de combattants ont un lien distendu avec l'institution, notamment ceux qui ont participé à des Opex dans les années 1980 ou 1990 – Liban, Kosovo, Rwanda, Somalie, ex-Yougoslavie… Je souhaite entamer une démarche pour qu'ils sachent ce que nous faisons pour eux et leur faire connaître leurs droits.

En ce qui concerne les maisons Athos, le budget prévu est de 59,6 millions jusqu'en 2030. Ensuite, 10 millions seront alloués chaque année, pour chaque maison. Pour ce qui est de l'outre-mer, j'ai toujours évoqué une à deux maisons. Les Comsup (commandements supérieurs) travaillent déjà à trouver le meilleur endroit, le plus adapté. Mais peut-être faut-il innover et penser cette maison Athos différemment ? Vous êtes un député d'outre-mer, nous pourrons en discuter ensemble.

Cependant, les maisons Athos ne pourront pas tout. J'ai déjà parlé du Centre national des sports de la défense, qui ouvrira en 2024. Et il y a aussi toutes les autres opérations, comme les stages de ski en famille, organisés cette année par l'armée de l'air, à Méribel. Nous ferons tout ce qui peut être bénéfique aux soldats blessés.

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Je souhaite aborder le dernier pilier du plan que vous avez évoqué tout à l'heure, c'est-à-dire la reconstruction par l'emploi. Vous avez parlé des grandes entreprises conventionnées avec le ministère des armées et des collectivités territoriales. Mais il y a encore du travail à faire.

Au sein des unités, on peut saluer tout ce qui est réalisé par les commandants et par les commissaires, qui mettent en place des cellules autour des blessés. Il y a aussi les maisons Athos, un investissement pour lequel on ne peut que vous remercier. Mais le besoin demeure de se connecter au territoire et au bassin d'emploi.

Les militaires qui quittent le service peuvent bénéficier de Défense mobilité, à qui vous avez également confié désormais une mission de suivi des blessés. Il est vrai que Défense mobilité est bien implantée dans nos territoires et peut leur apporter beaucoup. Mais comment, concrètement, la reconstruction par l'emploi va-t-elle s'organiser entre le soldat, la cellule « blessés » des unités, les maisons Athos et Défense mobilité ?

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Les anciens combattants de la seconde guerre mondiale et des conflits coloniaux s'éteignent petit à petit, ce qui menace l'existence même des associations. Celles-ci jouent un rôle essentiel dans nos territoires pour assurer la préservation et la transmission de la mémoire combattante. Leur disparition est un sujet majeur de préoccupation, que ce soit pour la tenue des commémorations dans nombre de communes rurales, où ces associations jouent un rôle indispensable, ou pour la préservation du patrimoine matériel, des drapeaux notamment, qu'il faut acheter ou restaurer. À cet égard, nous sommes d'ailleurs très sollicités financièrement.

Savez-vous combien d'associations sont aujourd'hui menacées de disparition ? Qu'envisagez-vous de faire pour assurer leur pérennité et la préservation de leur patrimoine ?

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Entre 1960 et 1996, l'État français a réalisé 210 essais nucléaires en Algérie et en Polynésie française. Sur cette période, des milliers de soldats ont été mobilisés pour les effectuer et en analyser les résultats, passant en avion par exemple au milieu des nuages radioactifs pour des relevés scientifiques. Ces essais ont contaminé de nombreux militaires, qui ont développé des maladies caractéristiques d'une exposition à haute dose aux rayonnements ionisants. De nombreux civils ont également été touchés.

La déclassification en 2022 de 35 000 documents d'archives révèle peu à peu l'ampleur de la contamination. Ces déclassifications sont essentielles, car elles permettent aux experts d'appréhender le détail des procédures scientifiques utilisées et, par conséquent, d'identifier de nouvelles victimes, civiles et militaires. Ce n'est pas anecdotique, car la reconnaissance de ce type de blessure reste très compliquée, comme me l'a signalé l'association des vétérans des essais nucléaires de mon département, les Côtes-d'Armor. Prouver qu'on est atteint de l'une des vingt-trois maladies radio-induites reconnues par la loi comme ayant pour source sûre et vérifiable les essais nucléaires n'est pas chose facile. Les vétérans et les familles des victimes peinent à faire reconnaître les essais nucléaires comme facteur de leur maladie, et donc la responsabilité de l'État. Les victimes ne trouvent dès lors aucun moyen d'être indemnisées de leur préjudice personnel certain.

Quelle réponse êtes-vous en mesure d'apporter au sujet de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, en Algérie et en Polynésie française ? Le plan « blessés » va-t-il provoquer des changements pour les vétérans irradiés ? Pourrait-il faciliter la reconnaissance de leurs blessures ? Si oui, comment et si non, pourquoi ?

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Sous l'impulsion du Président de la République, votre ministère s'engage pleinement pour garantir aux blessés et à leur famille une prise en charge améliorée et simplifiée. Nous vous remercions pour votre implication sur ce sujet important et pour cet ambitieux plan d'accompagnement 2023-2027.

La manière dont notre nation prend soin de ses blessés est à la fois la marque de notre humanité et de la reconnaissance de la France envers leur sacrifice. Il s'agit aussi, plus largement, de redonner aux militaires leur juste place dans notre société et, ce faisant, de rendre nos armées plus attractives. Nous partageons notamment l'objectif de faciliter leurs démarches administratives et leur quotidien, afin qu'ils puissent se concentrer sur leur reconstruction.

Les référents d'aide aux blessés font un travail exceptionnel et nous sommes particulièrement attachés à leur rôle d'accompagnement. Quelles démarches allez-vous engager dans ce plan pour faciliter leur tâche et pour les rapprocher des blessés ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Monsieur Jacques, les blessés physiques ont tendance à rechercher des emplois réservés, notamment au sein du ministère des armées. C'est, pour eux, une forme de continuité de leur engagement. En revanche, les blessés psychiques cherchent plutôt des reconversions en dehors de l'institution, en créant parfois de petites entreprises. Pour ce qui est des emplois dans le privé, nous essayons de développer des partenariats avec de grandes entreprises nationales qui sont implantées dans nos territoires, à proximité de nos régiments. Cette option permet aux blessés de rester dans leur territoire.

D'autre part, une clause sociale du militaire blessé a été introduite dans les accords-cadres de certains marchés publics. Au titre de cette clause, un militaire blessé peut effectuer un stage dans l'entreprise titulaire d'un marché : c'est un bon moyen de se rendre compte si cela pourrait lui convenir. Un guide, intitulé Recruter dans vos équipes un militaire blessé : une richesse pour le secteur public, a été élaboré pour être distribué aux employeurs des fonctions publiques d'État et territoriale. Le service Défense mobilité, que vous avez évoqué, a signé le 4 décembre 2020 une convention avec la Délégation nationale handicap pour accompagner le recrutement de militaires blessés au sein du ministère, au titre de l'obligation d'emploi.

En tant que députée, lorsque je demandais ce qu'ils savaient faire aux militaires que je recevais, ils me répondaient : « Rien, je suis militaire ». Lors de la reconversion, c'est à nous de leur rappeler tout ce qu'ils savent faire – ils comprennent vite et bien, ils savent s'engager, se déployer, s'organiser ! Quand on part en Opex, on sait tout faire. Sauf un CV… Nous devons les aider à mettre en valeur tout ce qu'ils peuvent apporter à notre société. C'est indispensable.

Monsieur Taverne, il restera 500 000 ressortissants de l'ONACVG en 2050 ! Il n'y a donc pas de quoi être inquiet. On oublie souvent la quatrième génération du feu, mais elle est là. D'ailleurs, l'Office ne parle plus d'anciens combattants, mais de combattants. Certains anciens combattants ont 30 ans ! Il faut que les membres de cette quatrième génération du feu intègrent les associations d'anciens combattants, plutôt que d'aller dans les amicales de leur régiment. Pour cela, il faut que nos anciens sachent aussi les accueillir, en innovant. C'est ce que j'ai proposé au G12.

La plupart des associations que vous mentionnez appartiennent à de grandes associations nationales, et elles veillent à rester en vie. Certaines réfléchissent même à s'unir si elles venaient à manquer d'adhérents ou à rencontrer des difficultés. J'encourage toutes les actions en matière de renouvellement et d'implication de la jeunesse, à travers les classes de défense, les porte-drapeaux, les cadets de la gendarmerie ou encore le service national universel.

Madame Lepvraud, le Président de la République a souhaité que la France regarde son histoire en face et que la lumière soit faite sur les essais nucléaires. L'ouverture des 639 boîtes d'archives a été un moment fort, émotionnellement : une représentante de la Polynésie française notamment était à mes côtés à cette occasion.

Une exonération fiscale sur les indemnités est prévue pour les blessés militaires. Les dispositifs du plan « blessés » sont également accessibles, puisque les militaires qui ont pris part aux essais nucléaires sont des anciens combattants. Nous sommes attentifs à ce que les archives vont mettre en lumière en matière de santé. Les essais nucléaires relèvent plutôt du ministre des armées et nous travaillons ensemble pour pouvoirs répondre aux attentes, des vétérans notamment. L'ouverture des archives, ce n'est pas rien ; nous sommes au travail et nous regardons les choses en face. Mais, je peux vous rassurer, les militaires qui ont pris part à ces essais nucléaires font partie du plan, comme tous les autres anciens combattants.

Monsieur Ardouin, les référents uniques font un travail exceptionnel dans l'accompagnement de nos blessés. Ils sont leur relais, leur béquille. Leur engagement est sans faille, mais ils ont chacun trop de blessés à suivre : pour leur permettre d'accomplir un travail plus individualisé, nous avons décidé d'augmenter leur effectif de 100 ETP dans l'Hexagone et de 6 en outre-mer, ce qui représentera aussi un effort important de formation.

D'autre part, et selon le modèle de la nouvelle antenne de la Cabam (cellule d'aide aux blessés et d'assistance aux familles de la marine) qui a ouvert à Brest, nous allons également décentraliser les cellules pour être au plus près de nos blessés. C'est une mesure particulièrement importante pour laquelle une enveloppe de 16 millions, pour l'Hexagone, et de 1 million pour les outre-mer, va être débloquée.

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Je souhaite appeler votre attention sur les difficultés de prise en charge des frais médicaux rencontrées par d'anciens combattants titulaires d'un carnet de soins militaire. Alors que la présentation de ce carnet leur permet toujours sans difficultés de bénéficier du remboursement à 100 % des frais de santé, il semblerait qu'il n'en soit pas de même dans le cadre d'un parcours de soins numérisé. La présentation de la carte Vitale n'implique pas le remboursement total des soins. Les intéressés sont dès lors dans l'obligation de contracter une mutuelle complémentaire, coûteuse, pour profiter du même niveau de remboursement qu'avec le carnet militaire de soins dont ils sont pourtant titulaires. Une certaine confusion règne à ce sujet au sein du monde combattant.

Malgré l'absence de mutuelle, la gratuité des soins demeure-t-elle garantie lors d'un parcours de soins numérisé, pour les titulaires d'un carnet militaire de soins ? Dans quelle mesure les détenteurs de ces carnets peuvent-ils faire valoir leurs droits, vis-à-vis des médecins libéraux notamment ?

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Je souhaite vous faire part du cas des milliers de marins et officiers de marine qui, au cours de leur carrière, ont respiré des fibres d'amiante, très présente sur les navires de guerre de la marine nationale. À ce jour, les anciens marins et ceux qui quittent l'institution sans droit à une pension militaire ne peuvent pas faire valoir les années passées au sein de la marine nationale. En effet, l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) est refusée aux anciens militaires et, plus largement, à tous les fonctionnaires reconvertis dans le secteur privé, sans droit à la pension. Pourtant, certains d'entre eux ont effectué, durant leur carrière au sein de l'une des fonctions publiques, des travaux identiques à ceux ouvrant droit à l'Acaata. La non prise en compte de ces périodes d'exposition les prive de ce droit, ou les oblige à différer leur départ à la retraite.

Le Gouvernement compte-t-il prendre les mesures qui s'imposent pour que le droit à l'Acaata soit apprécié en comptabilisant l'ensemble des activités de même nature accomplies durant toute une carrière, quels que soient les régimes successifs d'affiliation ?

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Vous avez élaboré un plan qui prend en compte tous les blessés, qu'ils soient d'active, de réserve ou anciens combattants ; toutes les blessures, physiques ou psychiques ; tout le parcours, de la blessure à la réhabilitation ; et tous les aspects du quotidien, des démarches administratives à la situation de famille. L'inversion de la charge de la preuve, l'application de principes comme le « dites-le-nous une fois » ou la présomption de bonne foi vont grandement faciliter l'accès aux droits pour nos blessés. Nous tenons à vous remercier pour ce plan ambitieux.

S'agissant de la phase de réhabilitation, le plan entend augmenter la part des blessés dans les emplois réservés des forces armées. Quel est la part que vous comptez atteindre ? Quant aux emplois réservés dans les collectivités locales, ils existent déjà. Comment comptez-vous améliorer le dispositif et faire comprendre aux collectivités la chance qu'elles ont de pouvoir recruter un blessé de guerre ?

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Oui, Madame la secrétaire d'État, nos combattants blessés attendent de la reconnaissance, et oui la mémoire doit être transmise. Force est de constater que l'on est de moins en moins nombreux lors des cérémonies patriotiques, déclin oblige. Pourquoi ne pas organiser des assises sur le devoir de mémoire, la transmission et les cérémonies patriotiques ? Ce serait l'occasion de travailler avec les associations et l'éducation nationale, pour tout remettre à plat, tout réorganiser, pour que la participation à ces cérémonies progresse. C'est une idée que je défends depuis un certain temps auprès de vos services.

Pour ce qui est de la réparation, nous ne pouvons que saluer le développement des maisons Athos. Dans ma circonscription, à Deauville, se trouve le Pôle international du cheval, qui expérimente l'équithérapie. Il s'agit de mettre des personnes qui souffrent de troubles psychiques en contact avec des chevaux. Pourrait-on envisager cette expérimentation dans le cadre des maisons Athos et, pourquoi pas, construire les prochaines maisons à proximité de tels établissements ? Deauville dispose en outre d'un bassin d'emploi à même d'accueillir ces combattants, qui ne demandent qu'à vivre.

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Monsieur Pauget, les soldats blessés m'ont souvent montré leur « carnet jaune ». Les demandes de remboursement seront traitées de la même façon, qu'elles soient faites sous forme numérique ou papier. La caisse nationale militaire de la sécurité sociale prend en charge les remboursements comme le fait la sécurité sociale pour n'importe quel civil. Ensuite, la commission des secours et des prestations complémentaires rembourse ce qui ne l'a pas été, en fonction du parcours de soin. Le taux de réponses positives est de l'ordre de 75 %. S'il faut aller plus loin encore, une enveloppe permet de prendre en charge le solde, non remboursé. Le processus est le même que l'on utilise le carnet militaire de soins ou que l'on passe par la Maison numérique des blessés.

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Les militaires dont on m'a parlé sont des anciens combattants titulaires du carnet de soins, qui consultent un médecin en ville. Ce médecin ne reconnaît pas le carnet militaire et leur demande la carte Vitale. Ils en disposent bien sûr, mais ce sont souvent des personnes âgées, modestes, pour lesquelles payer une mutuelle pose un problème. J'entends votre réponse, mais dans la pratique, cela semble plus compliqué.

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Il faut alors que j'avertisse la Haute autorité de santé et les agence régionale de santé, car ce souci est probablement dû à une méconnaissance des médecins. Nous allons leur écrire.

Concernant l'amiante, Monsieur Berteloot, nous prenons nos responsabilités. Je le répète, le Président de la République a dit qu'il fallait regarder notre histoire en face. Elle est parfois douloureuse, mais il faut l'assumer. Le ministre des armées y travaille. Vous connaissez ses méthodes : il prendra contact avec vous. Nous verrons à l'occasion d'une prochaine audition ce qui aura avancé. En attendant, ce sujet-là comme bien d'autres, montre combien il est important de voter les 413 milliards de la LPM.

Monsieur Royer-Perreaut, il serait judicieux de ma part d'écrire à tous les adjoints des communes de France délégués aux cérémonies et aux affaires militaires, aux responsables du personnel et aux maires des grandes communes pour leur présenter les conditions d'emploi d'un militaire – sachant que, s'il est blessé, il peut être inclus dans les 6 % de salariés handicapés que les employeurs ont l'obligation légale de recruter. Il s'agit d'une approche gagnant-gagnant, sur laquelle nous allons travailler.

Monsieur Blanchet, je connais évidemment l'équithérapie. Je peux aussi vous parler de médiation canine – et c'est parfois plus facile d'avoir un chien qu'un cheval. Mais en effet, tout ce qui peut offrir aux blessés des moments de partage avec des animaux est à saluer. C'est une proposition que l'on peut faire s'il y a, à proximité, un centre d'équitation. Cependant, ce n'est pas moi qui décide de ce qui se fait dans une maison Athos : ce sont les blessés qui choisissent. Certains font de l'apiculture, beaucoup font de la musique – je suis d'ailleurs très surprise par le talent de nos militaires musiciens. Donc je vous dis oui, mais je laisse le choix final aux blessés, qui décident de leur parcours.

Vous avez aussi parlé de la transmission de la mémoire. Sur ce sujet, il ne faut pas avoir la main qui tremble. Certains ont prétendu qu'il fallait supprimer les commémorations, faute de participants. J'ai répondu à cette idée par la modernisation, par le renouvellement et par la délocalisation des cérémonies, en m'appuyant sur les associations locales. Lorsque je délocalise une cérémonie, ce sont ces associations que je vais voir en priorité ; ce sont elles que je mets à l'honneur.

Contrairement à ce que l'on redoute parfois, le changement n'est pas le signe précurseur de l'oubli. La première délocalisation que j'ai organisée ne s'est pas faite sans douleur, même si tout le monde était initialement d'accord, au G12. J'ai reçu des lettres de personnes qui n'étaient pas satisfaites. Il a fallu faire comprendre que lorsqu'une cérémonie réunit, un dimanche, dans le froid, 400 personnes, dont 200 jeunes et leurs enseignants, c'est gagné pour le territoire. Ces jeunes ne seraient jamais venus avec leurs enseignants un dimanche à Paris : il faut donc aller vers eux. On va changer les choses, les moderniser, mais je tiens aux cérémonies, et je tiens à ce qu'il y ait de plus en plus de monde. Je sais que cela vous est cher également.

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Je viens de recevoir – car nos travaux sont très suivis ! – un message d'un président d'association d'anciens combattants prisonniers de guerre, qui sollicite une aide financière pour l'achat d'un drapeau. Il y en a pour près de 2 000 euros. Quel mécanisme pourrait les aider ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

C'est l'ONACVG qui finance les drapeaux qui ont besoin d'être renouvelés. On en voit d'ailleurs de tout neufs dans les cérémonies. Vous pouvez donc rassurer ce président d'association, qui pourra avoir un drapeau neuf en allant voir l'ONACVG de son territoire.

Puisque nous sommes au terme de cette audition, je vous remercie de m'avoir invitée. Vous comme moi portons un regard particulier sur nos militaires et sur leur famille, et c'est ensemble que nous pourrons avancer. Je compte donc sur les retours que vous me ferez de vos territoires. À votre place il n'y a pas si longtemps, je me suis nourrie, moi aussi, de ces belles rencontres que nous faisons. C'est comme cela que j'ai compris qu'il fallait aller plus loin dans ce plan « blessés ».

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Merci Madame la secrétaire d'État. Je retiens de vos propos la nécessité de l'humilité, car rien n'est jamais fini. Je retiens aussi votre volonté d'associer les parlementaires aux comités de suivi, dans l'objectif que nos soldats blessés n'aient plus, comme seule préoccupation, que de se soigner et de se reconstruire. Quant à nous, nous devons être à la hauteur de ce qu'ils ont donné à la France.

La séance est levée à onze heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Pierrick Berteloot, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, M. Benoît Bordat, M. Hubert Brigand, M. Yannick Chenevard, Mme Christelle D'Intorni, Mme Martine Etienne, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Jean-Marie Fiévet, M. José Gonzalez, M. David Habib, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, Mme Anne Le Hénanff, Mme Murielle Lepvraud, Mme Delphine Lingemann, Mme Brigitte Liso, Mme Alexandra Martin, Mme Lysiane Métayer, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Christophe Naegelen, M. Laurent Panifous, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Bruno Studer, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Julien Bayou, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Frédéric Boccaletti, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Emmanuel Fernandes, Mme Anne Genetet, M. Christian Girard, M. Olivier Marleix, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Éric Pauget