Commission des affaires sociales

Réunion du lundi 19 juin 2023 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-huit heures.

La commission des affaires sociales auditionne M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, sur le projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise (n° 1272) (M. Louis Margueritte, rapporteur).

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Mes chers collègues, nous entamons l'examen du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise, inscrit à l'ordre du jour de la séance publique à compter de lundi prochain.

Comme pour la loi de 2021 pour le renforcement de la prévention en santé au travail, il nous appartiendra de faire fructifier le résultat d'un dialogue social très constructif, lancé par le Gouvernement, plus particulièrement par vous-même, monsieur le ministre, puisque vous aviez invité les partenaires sociaux à engager, en septembre 2022, une négociation interprofessionnelle afin de renforcer le partage de la valeur au sein des entreprises et améliorer l'association des salariés aux performances de l'entreprise.

Cette négociation a été conclusive et a permis d'aboutir le 10 février dernier à un accord national interprofessionnel, signé par les principaux syndicats nationaux. Nous pouvons parler d'une véritable réussite du dialogue social auquel nous devons nous tenir lors de nos travaux de transcription dans la loi par respect pour le travail des partenaires sociaux.

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Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

En septembre dernier, j'ai sollicité des partenaires sociaux l'ouverture d'une discussion en vue de la conclusion d'un accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur dans les entreprises. Cet accord, que nous avons souhaité, a fait l'objet de discussions et abouti, le 10 février dernier, à un texte qui a recueilli la majorité des signatures, en l'occurrence des trois organisations professionnelles représentatives et de quatre des cinq organisations syndicales représentatives.

Je vous présente un projet de transcription dans la loi des dispositions de cet accord, guidé par la volonté de les respecter de manière intégrale et fidèle. Adopté par le Conseil des ministres le 24 mai dernier, ce projet de loi commence son cheminement parlementaire devant votre commission.

Par son contenu, le projet de loi issu de cet accord s'inscrit dans la lignée des réformes menées depuis 2017 pour revaloriser le travail, notamment pour améliorer le partage de la valeur. En 2019, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte », avait permis de simplifier la passation d'accords d'intéressement et de participation dans les PME, et l'attractivité du régime social de ces dispositifs a parallèlement été renforcée pour les petites entreprises. Je pense également à la loi qui porte mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat votée en juillet 2022 et publiée en août 2022, qui facilite davantage encore le recours à l'intéressement dans les PME et instaure une nouvelle prime de partage de la valeur (PPV) après la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat. Cette prime a amélioré concrètement le pouvoir d'achat des Français puisqu'elle a bénéficié à 5 500 000 salariés en 2022, pour un montant total distribué de près de 4,4 milliards d'euros.

Plus généralement, au regard, les compléments de rémunération apportés par les dispositifs de partage de la valeur, notamment d'intéressement et de participation, s'élevaient en moyenne en 2020 à 2 440 euros par salarié dans les entreprises de plus de dix personnes, soit un total de 19 milliards d'euros, qui fait de notre pays le deuxième en Europe – preuve de l'existence d'un modèle français – à faire le plus usage du partage de la valeur et atteste de cette volonté de revalorisation du travail.

Les partenaires sociaux ont tenu à faire figurer un principe en tête de cet accord pour rappeler que la rémunération du travail tient avant tout au salaire et que les dispositifs de partage de la valeur et les revenus qui en sont issus n'ont pas vocation à s'y substituer. Nous ne faisons aucune confusion, nous savons l'importance d'être exigeants tant sur le partage de la valeur que sur les négociations salariales. Ces deux objectifs ne sont d'ailleurs pas incompatibles : ce sont plutôt deux outils complémentaires.

Sur le sujet des salaires, j'ai réuni, mercredi 14 juin, le comité de suivi de la négociation salariale de branches, ce qui est important puisque nous traversons une période de forte inflation, et que le Smic a été revalorisé trois fois en 2022 et deux fois en 2023. Dans la mesure où nous avons fait le choix de remettre les grilles salariales à la responsabilité du dialogue social, il est essentiel de garantir le dynamisme de la négociation qui est le meilleur garant de la croissance des salaires et des grilles face à l'inflation.

Pour revenir au projet de loi, la volonté de partager la valeur créée par les entreprises répond à deux demandes importantes des Français : œuvrer encore davantage en faveur du pouvoir d'achat des salariés pour faire face à l'inflation, et répondre à une demande plus forte de participation des salariés dans la marche de leur entreprise, à une aspiration à être valorisés et mieux entendus, qui rejoint un désir de démocratie au travail.

Les mécanismes de partage de la valeur, notamment la participation et l'intéressement, ne sont évidemment pas nouveaux. C'est le programme du général de Gaulle qui a défini et posé des fondements du partage de la valeur tel que nous l'entendons. Ainsi, dès 1948, il proposait le régime de l'association avec la volonté de partager les résultats, le capital et la gouvernance de l'entreprise « de telle sorte que chacun participe directement aux résultats de l'entreprise à laquelle il apporte son effort ». C'est sur ce fondement que seront créés les intéressements et l'épargne salariale. Les lois Auroux de 1982 ont ensuite approfondi ces mécanismes.

Par ce projet de loi issu de l'accord conclu par les partenaires sociaux, nous proposons de poursuivre cette tradition et d'aller plus loin car, si les mécanismes sont anciens, leur usage reste trop inégal. Ainsi, si 70 % des salariés des entreprises de plus de cent salariés disposaient d'un accès à un dispositif de participation en 2020, seuls 3 % des salariés des entreprises de moins de neuf salariés et 6 % des salariés de celles comptant entre dix et quarante-neuf salariés y avaient accès. De fait, les entreprises de moins de cinquante salariés ne sont pas soumises à l'obligation de mettre en place la participation. Nous avons donc souhaité aller plus loin pour développer le partage de la valeur dans les petites entreprises, notamment dans celles de moins de cinquante salariés, mais aussi pour en faciliter et généraliser l'usage dans toutes les entreprises.

En le transposant dans la loi, nous nous engageons à respecter l'accord signé par les partenaires sociaux. En septembre 2022, je les ai invités dans un document d'orientation à engager cette négociation nationale interprofessionnelle pour améliorer les dispositifs de partage de la valeur en travail et capital et les généraliser dans les entreprises, ainsi que pour mieux les associer aux performances de l'entreprise.

Le dialogue social s'est ouvert, il n'a pas été interrompu pendant toute cette période et a permis d'aboutir à un accord. L'ANI a ainsi été conclu le 10 février 2023 et signé par les trois organisations patronales représentatives : le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises et l'Union des entreprises de proximité ainsi que par quatre des cinq organisations syndicales représentatives : la CFDT, la CFTC, FO et la CFE-CGC.

Je veux devant vous saluer leur travail et leur esprit ; c'est la preuve que le dialogue permet de construire des solutions concrètes et consensuelles aux bénéfices des Français sur des sujets qui font l'objet d'une forte attente de leur part. C'est la raison pour laquelle je présente ce texte sur le fondement d'un principe simple : l'accord et rien que l'accord.

Lors de l'ouverture de la discussion, nous nous sommes engagés à le retranscrire fidèlement, et c'est ce que propose le texte. D'ailleurs, pour garantir cette fidélité à l'accord, notre méthode a été de consulter et de coconstruire ce texte à chaque étape de son élaboration. Alors que votre commission s'apprête à l'examiner, je salue les travaux menés par votre rapporteur, mais aussi par d'autres députés, Mme Eva Sas en particulier. Par souci de cohérence, je le répète, nous souhaitons que l'équilibre du texte soit conservé. Cela ne signifie pas qu'il ne puisse être amélioré, mais le Gouvernement souhaite que toute amélioration et modification interviennent en accord avec ses signataires, sur la base d'un consensus entre les organisations syndicales et patronales.

Certaines stipulations de l'accord ne figurent pas dans le projet de loi. Cela a été souligné, à juste titre, par certains signataires. Nous considérons qu'il s'agit de mesures qui ne nécessitent pas de dispositions législatives ; elles peuvent être d'ordre réglementaire, de l'ordre de la pratique ou être satisfaites par le droit. Je pense notamment au principe de non-substitution. Nous pouvons trouver là des pistes d'amélioration.

Le projet de loi comporte quinze articles ; je me conterai d'en préciser certains.

Tout d'abord, pour souligner l'importance donnée aux classifications par les signataires de l'accord, les organisations doivent se réunir au sein des branches une fois tous les cinq ans pour examiner la nécessité de renégocier ces classifications dans le cadre des conventions collectives en matière de rémunération. Or en pratique, l'ancienneté moyenne des grilles révisées était d'environ douze ans en 2021. Pourtant, la révision des classifications est importante puisqu'elle permet de revoir l'éventail des salaires au sein d'une convention collective, donc de donner de la visibilité à des évolutions possibles au sein de cette branche.

C'est la raison pour laquelle le premier axe du projet de loi consiste à créer une obligation d'engager une négociation d'ici au 31 décembre 2023, en vue d'étudier la nécessaire révision des classifications des branches qui n'ont pas procédé à cet examen depuis cinq ans. C'est un engagement important pour l'amélioration des rémunérations et les parcours au sein des branches, a fortiori dans le contexte d'inflation que nous connaissons.

Ensuite, ce projet développe les dispositifs existants de partage de la valeur dans les PME. Il facilite le développement de la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés qui ne sont pas soumises à l'obligation de disposer d'un dispositif de participation, en donnant la possibilité de négocier par accord de branche ou d'entreprise des formules dérogatoires à la formule légale de participation.

La formule légale peut constituer un frein au développement du partage de la valeur dans ces petites entreprises ; l'accord permet de le lever. En cela, le texte autorise la négociation de formules de participation dérogatoire à la formule légale dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Ainsi, la base de calcul retenue pourra être un pourcentage du bénéfice net fiscal ou du résultat comptable avant impôt, offrant une réserve spéciale de participation supérieure ou inférieure à ce que prévoit la formule légale, ce qui est une souplesse supplémentaire donnée à ces entreprises de moins de cinquante salariés.

Je souhaite évoquer trois des dispositions les plus marquantes du projet de loi.

D'abord, les entreprises de onze à cinquante salariés auront jusqu'au 31 décembre 2024 pour instaurer un dispositif de partage de la valeur dès lors qu'elles dégageront un bénéfice net fiscal positif supérieur à 1 % de leur chiffre d'affaires trois années consécutives. Les partenaires sociaux ont affirmé qu'il n'y a pas de raison que les entreprises de plus de cinquante salariés doivent absolument mettre en œuvre un tel dispositif de partage de la valeur et pas celles de moins de cinquante salariés qui le peuvent. Il y avait là un manque, que cet accord, puis le projet de loi proposent de combler.

Ensuite, les entreprises de plus de cinquante salariés, soumises à l'obligation de mise en place d'un dispositif de participation, auront jusqu'au 30 juin 2024 pour négocier des conséquences en termes de partage de la valeur dans les entreprises en cas de bénéfice exceptionnel.

Enfin, le dispositif d'exonération fiscale sur la prime de partage de la valeur applicable aux salariés dont la rémunération est inférieure à 3 Smic, créé par la loi du 16 août 2022, sera prolongé jusqu'au 31 décembre 2026 dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

Ce sont des mesures d'envergure destinées à généraliser les dispositifs de partage de la valeur aux petites entreprises et à revenir sur l'inégalité entre les salariés des petites et des grandes entreprises.

Le projet de loi propose de créer de nouveaux outils et de rénover certains dispositifs. Il crée, par exemple, un plan de partage de la valorisation de l'entreprise d'une durée de trois ans, mis en place par accord avec l'ensemble des salariés ayant au moins un an d'ancienneté. Les salariés pourront bénéficier d'une prime dans le cas où la valeur de l'entreprise a augmenté sur les trois années de la durée du plan. Cet outil innovant intéresse financièrement les salariés à la croissance de la valeur de l'entreprise et les fidélise, ce qui rapproche donc l'intérêt des salariés de celui des propriétaires de l'entreprise et des actionnaires, puisqu'ils bénéficient ensemble de sa valorisation.

Le projet facilite également l'utilisation de la PPV, dont j'ai dit le succès il y a un instant. Les entreprises pourront désormais verser jusqu'à deux primes par an au lieu d'une seule, et la prime pourra être versée sur un plan d'épargne salariale afin que les salariés bénéficient d'une exonération fiscale pour les sommes bloquées.

Les articles 9 à 12 prévoient une série de simplifications et d'assouplissements, comme la sécurisation du versement d'avance par trimestre pour la participation et l'intéressement.

Enfin, le projet de loi développe l'actionnariat salarié ; c'est là une réponse claire des partenaires sociaux à la demande d'une plus large participation. Le projet autorise notamment l'ouverture d'une plus grande portion du capital aux salariés actionnaires en augmentant les plafonds de versement d'actions gratuites aux salariés. Il permet aussi la promotion d'une épargne verte, solidaire et responsable. Dans le cas des plans d'épargne entreprise et plans d'épargne retraite entreprise, les entreprises devront proposer au moins un fonds finançant la transition écologique ou socialement responsable. Par ailleurs, l'amélioration de la gouvernance des fonds d'actionnariat salariés est prévue, en obligeant à plus de transparence sur la politique d'engagement actionnarial.

Ce projet de loi participe ainsi à deux objectifs : un objectif de fond consistant à améliorer le partage de la valeur et à permettre aux salariés concernés d'accéder à plus de pouvoir d'achat ; un objectif de méthode en restant fidèle à une transcription intégrale de l'accord conclu par les partenaires sociaux.

Tout au long de l'examen du texte, notamment en séance, le Gouvernement veillera à fonder son avis sur le consensus des signataires de cet accord, comme nous l'avons fait d'ailleurs pour expliquer ou accompagner la présentation de ce projet de loi de quelques nuances ou modulations par rapport au contenu exact de l'accord, à la suite de l'avis du Conseil d'État. C'est cette méthode de fidélité à l'accord et à l'engagement des signataires que je vous propose de respecter avec nous.

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Associer les salariés aux fruits de la croissance des entreprises pour mieux répartir les richesses, tel est le principe sur lequel repose le partage de la valeur, levier essentiel de valorisation du travail, de fidélisation et de motivation des salariés, facteur de compétitivité des entreprises, vecteur de justice et de cohésion sociales.

C'est une idée très gaullienne, héritée des années 1950 et 1960. Les dispositifs de partage de la valeur sont nombreux, parfois complexes : intéressement, participation, plans d'épargne salariale ou encore opérations d'actionnariat salarié. Ils sont davantage répandus en France qu'ailleurs en Europe. En 2019, seule la Slovénie faisait mieux à l'échelle du continent. Nous pouvons nous féliciter d'être en tête sur ce sujet.

Les années récentes ont été marquées par le déploiement continu de ces dispositifs. Le nombre de salariés couverts par au moins l'un d'entre eux a progressé de 8 % entre 2017 et 2020, avant que la crise sanitaire ne vienne rebattre les cartes.

Ces progrès sont imputables à la volonté des salariés et des chefs d'entreprise, mais également à l'action résolue du Gouvernement et de la majorité présidentielle qui se sont employés, dès le début de la précédente législature, à créer les conditions de leur diffusion dans les entreprises, petites et moyennes en particulier. Avec la loi Pacte du 22 mai 2019 ou la loi « pouvoir d'achat » du 16 août 2022, pour ne citer qu'elles, nombre de mesures pragmatiques ont été mises en œuvre à cette fin, entre simplification normative et incitations fiscales.

Il n'en demeure pas moins que les salariés bénéficient dans des proportions très différentes de ces dispositifs qui restent, force est de le reconnaître, l'apanage des moyennes et surtout des grandes entreprises. En 2020, 39 % des salariés des entreprises de cinquante à quatre-vingt-dix-neuf salariés avaient accès à la participation et 25 % à l'intéressement, quand 70 % des salariés des entreprises de mille salariés et plus avaient accès à l'une comme à l'autre.

Les marges de progrès sont donc réelles. Aussi, soucieux de prolonger les efforts déjà accomplis, le Gouvernement a invité les partenaires sociaux, à l'automne 2022, à engager une négociation nationale interprofessionnelle sur le partage de la valeur entre travail et capital, orientée autour de trois axes : la généralisation de l'accès à un outil de partage de la valeur ; l'amélioration de l'articulation entre les outils ; et l'orientation de l'épargne salariale vers les grandes priorités d'intérêt commun.

Sur la base de ce canevas et au terme de plusieurs semaines et mois de discussion, les organisations syndicales de salariés et les organisations patronales ont conclu, le 10 février 2023, un accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur au sein de l'entreprise, riche de trente-six articles. Il faut s'en féliciter car, au début de la négociation, les chances d'y parvenir étaient minces, les uns considérant que ce n'était pas le sujet, les autres qu'il n'y avait pas de sujet. Cet accord est historique. Qu'ils aient trouvé un terrain d'entente sur un sujet aussi fondamental est la preuve que la démocratie sociale se porte bien dans notre pays et a encore de beaux jours devant elle.

Ce projet de loi assure la transposition des stipulations de l'ANI dont l'application suppose notre intervention, conformément à l'engagement pris par Mme la Première ministre. Je l'affirme avec conviction, son examen au Parlement devra se faire dans le respect des considérations des partenaires sociaux afin que soient préservés les grands équilibres de l'accord.

Ces quelques éléments de contexte rappelés, j'en viens aux différents titres qui composent ce texte.

Dans le contexte persistant d'inflation qui pèse sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens, les organisations signataires ont d'abord souhaité rappeler l'importance qui s'attache à une révision régulière des classifications qui fondent les grilles salariales au sein des branches. C'est l'objet du titre Ier, dont l'article unique impose à toutes les branches qui n'ont pas procédé depuis cinq ans à un examen de leurs classifications une négociation sur le sujet avant la fin de l'année 2023.

Le titre II rassemble l'ensemble des dispositions visant à faciliter la généralisation des outils de partage de la valeur. L'article 3, en particulier, marque une véritable avancée. Conçu sous la forme d'une expérimentation sur cinq ans, il suppose que les entreprises de onze à quarante-neuf salariés qui dégagent des bénéfices puissent distribuer l'un des trois outils de partage de la valeur.

L'un des dispositifs phares de l'ANI, transposé à l'article 5, est l'obligation de mieux partager les résultats d'une augmentation exceptionnelle des bénéfices au sein des entreprises de cinquante salariés et plus, comptant au moins un délégué syndical. Près de 8 000 entreprises sont potentiellement concernées. Cela va donc bien au-delà des seuls grands groupes, ce qui était un point de vigilance des organisations syndicales.

Dans un contexte économique où certains secteurs, de l'énergie ou des transports, réalisent des profits élevés dont nous avons beaucoup parlé depuis un an, il est normal que les salariés reçoivent une juste part de leur contribution lorsque les entreprises dégagent des bénéfices. Le dispositif initialement envisagé par les partenaires sociaux confiait au seul employeur le soin de définir ce qu'est une augmentation exceptionnelle des bénéfices. Face au risque d'incompétence négative du législateur, le projet de loi – que vous avez modifié dans une saisine rectificative, monsieur le ministre – a entendu confier cette mission à la négociation collective. Toutefois, pour tenir compte des réserves émises par le Conseil d'État, il semble que la définition doive être précisée. Cela fera l'objet d'une discussion qui se tiendra dans les prochaines heures entre organisations syndicales et patronales

L'article 6 complète le mécanisme de la PPV et proroge, jusqu'à la fin de 2026, sa composante exceptionnelle en soutien au pouvoir d'achat du personnel des seules entreprises de moins de cinquante salariés. Cet outil est plébiscité par les chefs d'entreprise. Il convient, à mon avis, de le conserver. Ces mesures sont de nature à conforter le succès de la PPV qui a bénéficié, en 2022, à 25 % des salariés du secteur privé pour un montant de 4,4 milliards d'euros.

L'article 7 s'attache à la création d'un nouvel outil, le plan de partage de la valorisation de l'entreprise, qui nous semble intéressant et vise à mieux faire partager l'accroissement de valeur sans ajuster les droits de gouvernance.

Après l'article 8, de coordination, le titre III présente plusieurs mesures de simplification que les partenaires sociaux ont appelées de leurs vœux, dont la sécurisation d'accords d'intéressement ou encore la simplification les procédures de révision des plans d'épargne interentreprises, pour ne citer que celles-là.

Le titre IV met un point d'honneur à favoriser l'actionnariat salarié, outil très efficace d'association des salariés à leur entreprise. Il permet de rehausser les plafonds d'attribution gratuite d'actions (AGA), évoqués par M. le ministre.

Nous aurons l'occasion d'approfondir ces différents articles.

Les partenaires sociaux ont rempli leur mission, lors de discussions difficiles. Nous les avons auditionnés à plusieurs reprises avec ma collègue Eva Sas, que je remercie pour la qualité des travaux que nous avons menés ensemble lors de la mission d'information, ainsi que les administrateurs de l'Assemblée qui ont réalisé un travail formidable.

Chers collègues, à nous de remplir la nôtre et de montrer que, face à l'enjeu, la démocratie parlementaire est à la hauteur de la démocratie sociale.

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Comme l'a dit Louis Margueritte, cet ANI est un succès à mettre au crédit du dialogue social dans notre pays. Signé par la majorité des organisations syndicales et patronales représentatives, il témoigne de la force de la démocratie sociale et de l'ambition qu'il est possible d'avoir dans ce cadre.

À mon initiative, la commission des finances a jugé utile de se saisir pour avis des titres II et IV de ce projet de loi. Ce texte est porteur de nombreux progrès : il développe la participation dans les petites entreprises, renforce le partage de la valeur lorsque les résultats financiers favorables des entreprises le permettent, accompagne le développement de la prime de partage, de la valeur et développe l'actionnariat salarié.

L'examen en commission des finances aura permis de rappeler notre volonté collective de transposer fidèlement cet ANI. Elle n'a adopté que deux amendements, que j'avais déposés : l'un visant à étendre le rapport prévu à l'article 2 à un examen plus large des modalités de calcul de la participation, l'autre à transposer dans la loi l'article 33 de l'ANI.

Vous l'aurez compris, je soutiens pleinement la transcription de cet accord, qui démontre que le dialogue entre employeurs et salariés fonctionne dans notre pays. Ce dialogue est souhaitable et bénéfique pour tous. Notre rôle de législateur est de l'accompagner et de l'encourager.

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Le projet de loi soumis à notre étude est avant tout un texte issu d'un accord de l'ensemble des organisations patronales et syndicales signataires sur le sujet du partage de la valeur, plus précisément du partage des résultats.

C'est ainsi que le Gouvernement nous présente une transposition respectueuse des équilibres trouvés par les organisations professionnelles représentatives. La France fait figure d'exemple au sein de l'Europe. Elle dispose, en effet, d'un arsenal important de partage de la valeur. Que ce soit la participation, l'intéressement ou l'épargne salariale, notre pays s'est doté de mécanismes visant à valoriser les salariés d'une entreprise lorsque celle-ci enregistre de bons résultats. Si ces dispositifs sont plus répandus au sein des grands groupes, l'objet de l'ANI et de ce texte est de permettre à ces mécanismes de se généraliser dans les TPE et PME qui représentent un nombre élevé de salariés : près de 1 500 000.

Ce texte prévoit une négociation sur la prise en compte des résultats exceptionnels dans des entreprises d'au moins cinquante salariés et instaure d'ici à janvier 2025, pour les entreprises de onze à quarante-neuf salariés, un dispositif de partage de la valeur choisi entre l'accord de participation, l'accord d'intéressement, le versement d'une prime de partage de la valeur ou l'abondement d'un plan d'épargne salariale.

Entre autres dispositions, l'article 6 prévoit de pérenniser pour les entreprises de moins de cinquante salariés le régime fiscal et social de faveur de la prime de partage de la valeur, initialement en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023.

Ce texte vient entériner un accord des organisations syndicales et patronales. Nous nous devons de le respecter. La majorité a toujours soutenu la démocratie sociale et le groupe Renaissance, fidèle à ses engagements auprès des organisations professionnelles, le votera.

Monsieur le ministre, quelle a été la méthode pour aboutir à ce projet de loi ? Quelles seront les suites à donner à cet accord ?

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L'ANI conclu en février 2023 voit quinze de ses trente-six articles transposés dans ce projet de loi. Nous retrouvons la possibilité de négocier un accord de participation d'ici à juin 2024, avec une liberté totale sur la fixation de la formule de calcul de la participation, qui peut être moins-disante que la formule légale, ce qui doit permettre d'étendre la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés et traduit la volonté de faire bénéficier les salariés des bénéfices exceptionnels de leur entreprise et de répondre à un principe de justice sociale. L'inscription dans le temps et dans le champ de l'épargne salariale de la PPV entend, quant à elle, répondre à une problématique de pouvoir d'achat. Enfin, l'augmentation des plafonds de capital attribuable pour les AGA devrait contribuer à l'objectif affiché de 10 % d'actionnariat salarié dans le capital des entreprises françaises à l'horizon 2030.

Toutefois, certaines remarques nous ont été soumises lors des auditions auxquelles nous avons procédé. Ainsi, le nouveau plan de valorisation de l'entreprise, qui consiste à intéresser financièrement les salariés à la croissance de la valeur de leur entreprise, vient en concurrence avec l'actionnariat salarié, plus compliqué à mettre en œuvre.

Par ailleurs, le développement de ces outils de partage de valeur ne doit pas se faire au détriment de l'augmentation des salaires, qui reste le meilleur partage de la valeur. M. Philippe Askenazy, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique, nous a, en effet, rappelé que la participation et l'intéressement représentent 6 % de la masse salariale dans les entreprises où ils ont été mis en place et qu'un tiers ont eu un impact négatif sur les augmentations de salaire. En outre, les chiffres du partage de la valeur sont faussés par la pratique de la fraude fiscale, évaluée à 40 milliards d'euros, et rien dans ce projet de loi ne porte sur ces dispositions. Tout cela grève, bien évidemment, la participation des salariés.

Enfin, le Conseil d'État a émis quelques remarques, dont une sur le prolongement de la PPV jusqu'à la fin 2026 pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Il relève que cette barrière des cinquante salariés porte atteinte à l'égalité des salariés devant les charges publiques.

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Vous êtes des hypocrites, et tout le monde le sait !

Vous êtes des hypocrites parce que vous vous cachez derrière cet ANI comme alibi de démocratie sociale, alors que vous venez d'écraser les syndicats, les manifestants et l'Assemblée nationale pour imposer la retraite à 64 ans.

Vous êtes des hypocrites parce que vous versez des larmes de crocodile sur le prétendu déficit des retraites, mais vous présentez un projet de loi qui affaiblira encore la sécurité sociale par des exonérations de cotisations sur l'intéressement, la participation ou les primes.

Vous êtes des hypocrites parce que vous instrumentalisez ce texte pour faire croire que vous faites quelque chose pour le pouvoir d'achat des Français, alors que vous ne faites rien pour augmenter les salaires ni bloquer les prix.

Votre texte est un aveu, l'aveu de l'échec de la « prime Macron », que 70 % des salariés n'ont pas touchée, l'aveu également de la prédation du capital sur le travail : la France est championne d'Europe des dividendes versés aux actionnaires mais, pendant ce temps, les salaires réels ont baissé en 2022 et les sous-traitants sont étranglés par les donneurs d'ordre.

Entendons-nous bien, qu'une entreprise distribue une partie de ses bénéfices à ses salariés est la moindre chose, mais ce texte repose sur une illusion dangereuse pour les salariés car les niches sociales et fiscales au profit des primes, de l'intéressement et de la participation sont des pousse-au-crime anti-salaire et anti-sécu. Les salariés sont ainsi invités à se serrer la ceinture pour espérer percevoir une partie du bénéfice que leur travail gratuit aura constitué, mais après que les actionnaires se sont servi le plus gros morceau. Cette désocialisation, comme vous l'appelez, est une arnaque partagée entre macronistes et lepénistes.

Pour nous, le Parlement n'est la chambre d'enregistrement ni des désirs du monarque élyséen ni des miettes que le Medef consent à lâcher. Au contraire, nous avons besoin d'une vraie loi, pour favoriser la hausse des salaires et pour le partage des richesses, pour assurer enfin l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, pour augmenter le Smic, pour indexer les salaires sur l'inflation, pour instaurer un écart de rémunération maximum d'un à vingt dans les entreprises, pour limiter le versement de dividendes au profit des salaires ; en un mot, pour mettre fin à votre préférence actionnariale et imposer la priorité salariale et sociale que les Français réclament.

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Monsieur le député, quand on a du savoir-vivre, la moindre des choses est de saluer ses collègues et M. le ministre. Vous dites que nous sommes des hypocrites mais vous, vous manquez de savoir-vivre !

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De votre part, je prends cela pour un compliment.

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Nous aurons l'occasion de revenir sur les articles de ce projet de loi et sur les amendements. En l'état de nos discussions, ce texte me semble utile car il permet d'ouvrir un débat, au-delà de cet ANI, sur le sentiment que j'ai, depuis un an, qu'il y a une opposition systématique entre les salariés et les chefs d'entreprise, entre le capital et le travail. Je considère qu'il faut dépasser cela. La France a su le faire jadis à plusieurs reprises ; il est temps de renouer avec une vision gaullienne qui avait mis en exergue la participation et l'intéressement des salariés et de sortir de l'affrontement entre ces deux mondes.

Dans un contexte inflationniste très élevé, ce projet permet d'évoquer la question du pouvoir d'achat qui est, manifestement, une préoccupation majeure, voire prioritaire des Français. Cet ANI est le fruit de discussions utiles et fructueuses, dont il faut se féliciter, après le manque de considération dont a eu à souffrir pendant de nombreux mois le dialogue social, trop souvent relégué aux oubliettes.

Il s'agit de transcrire un ANI. Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous érigeons la conformité en principe de responsabilité législative de conformité ; il ne s'agit donc pas pour nous de faire autrement. Nous avons l'idée qu'il convient de donner un complément de rémunération, mais aussi de proposer une forme de défi aux salariés, et d'aller chercher quelque chose à partager de façon collective, notamment les résultats de l'entreprise.

Je formulerai toutefois trois réserves. Tout d'abord, l'actionnariat salarié me semble le parent pauvre de ce projet de loi qui aurait pu nous permettre d'aller bien au-delà.

Ensuite, je trouve l'affectation de l'épargne salariale un peu maigre. Même s'il existe des projets d'intérêt commun, je relève là encore un manque d'ambition. Les entreprises font déjà beaucoup et il eut été, à mon avis, nécessaire d'afficher une grande ambition.

Enfin, les salariés des entreprises de moins de onze salariés sont totalement absents de ce projet de loi, alors qu'ils sont très nombreux dans notre société.

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Quand il s'agit d'économies, tout n'est pas qu'une affaire de chiffres, de pourcentages et de statistiques. Certes, la politique gouvernementale a réussi à tenir ses objectifs avec un taux d'emploi historiquement élevé et un nombre de chômeurs qui n'a jamais été aussi bas depuis des décennies. Cependant, des chiffres ne sauraient donner pleine et entière satisfaction s'ils ne s'accompagnaient d'une réelle volonté de donner du sens au travail, de participer à sa juste reconnaissance et d'en partager équitablement les fruits.

La transposition de l'ANI constitue un nouveau contrat de répartition des richesses au sein de l'entreprise, créant les conditions d'un équilibre plus bénéfique aux travailleurs comme aux chefs d'entreprise. Cet équilibre, fruit de longues négociations entre les organisations syndicales et patronales, le groupe Démocrate a tenu à l'honorer en ne présentant qu'un seul amendement, négocié avec les partenaires sociaux et commun aux trois groupes de la majorité.

Pour une meilleure compréhension, monsieur le ministre, s'agissant du principe en vertu duquel les sommes versées au titre du partage de la valeur ne doivent pas se substituer au salaire, certains acteurs peuvent confondre épargne salariale et renforcement du pouvoir d'achat des salariés. Avez-vous une clarification à apporter sur ce sujet ?

L'ANI prévoyait un plan de communication national. Envisagez-vous de le mettre en place ?

Enfin, concernant l'article 4, à défaut du délai antérieur de trois ans, de combien de temps disposeront les entreprises concernées pour adopter un dispositif de participation ? Aucun nouveau délai n'a en effet été précisé, ni dans l'ANI ni dans le projet de loi.

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Il est toujours délicat pour les parlementaires d'opérer la transposition d'un ANI. Il y a dix ans, nous avions eu à débattre de celui portant sur le marché du travail. À chaque fois, les parlementaires sont légitimement questionnés sur la marge de manœuvre qui est la leur. Ici, elle est étroite, tout d'abord parce que vous avez fait le choix de ne transposer que certains articles et il faudra nous expliquer pourquoi. Vous avez dit qu'ils n'étaient pas de nature législative mais, dès l'article 1er du projet, il serait sans doute utile de réintroduire la référence aux métiers référents, qui a disparu de la transposition. De même, à l'article 5, nous nous interrogeons sur le versement automatique du supplément de participation ou d'intéressement en cas de bénéfice exceptionnel.

Autre difficulté : nous aurions très envie de débattre d'un projet de loi sur le partage de la valeur mais, en ayant choisi comme titre « transposition de l'ANI », de nombreuses propositions, pourtant utiles aux débats, ont été écartées. Peut-être n'auraient-elles pas été retenues mais, puisqu'il est question de partage de la valeur, nous aurions souhaité aborder la revalorisation des salaires, notamment l'augmentation du Smic ou la possibilité d'une conférence nationale sur les salaires. Nous aurions apprécié de tirer le bilan de la loi Pacte et de la réforme de la participation, notamment des modes de calcul des effectifs, d'instaurer un ratio d'écart salarial maximum au sein des entreprises, de conditionner les exonérations sociales au respect d'indicateurs de partage. Vous me répondrez que cela n'entrait pas dans la négociation, mais les parlementaires auraient souhaité pouvoir en débattre et amender le projet en ce sens.

Dans cette marge étroite que vous nous offrez, entre démocratie sociale et démocratie parlementaire, vous avez espéré, monsieur le ministre, que chacun des amendements puisse recueillir l'accord des partenaires sociaux signataires. Comment allons-nous procéder ? Qui sera le juge de paix : vous, monsieur le ministre, le rapporteur ? Qui sera le garant d'un accord ? Allons-nous suspendre nos travaux le temps de recueillir l'avis des partenaires sociaux ? Y a-t-il des critères de recevabilité devant une commission composée des signataires de l'ANI ?

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Je tiens à souligner la démarche adoptée par les partenaires sociaux dans l'élaboration de cet ANI et le soutien que leur a apporté le Gouvernement. À la suite des efforts entrepris pour faciliter l'accès à l'intéressement dans les PME et renforcer la prime Macron à l'été 2022, vous aviez dit vouloir aller plus loin. C'est dans ce contexte que s'inscrit l'ANI, preuve d'une volonté commune d'approfondir l'inclusion des salariés dans la valorisation de leur entreprise, en particulier dans un contexte socio-économique exigeant.

L'ANI répond à un double objectif : améliorer la répartition de la valeur créée et mieux récompenser les salariés en cas de performance exceptionnelle des entreprises ; inclure davantage les salariés dans les bénéfices de l'entreprise.

L'article 3 du projet de loi, qui engage les entreprises de plus de onze salariés à mettre en place un dispositif de partage de la valeur en laissant une liberté de choix quant à son type – participation, intéressement, PPV, abondement à un plan d'épargne salariale – marque une avancée notable en faveur de la justice au sein des entreprises.

En outre, l'accord encourage à instaurer un système de participation, ajoutant un autre levier pour rééquilibrer le partage des bénéfices au sein de ces PME. Il insiste également sur l'importance de considérer les résultats exceptionnels des entreprises en prévoyant un versement automatique supplémentaire de participation ou d'intéressement, ou en incitant à un dialogue sur le partage de la valeur.

Cependant, le texte ne précise volontairement pas ce qui serait considéré comme une augmentation exceptionnelle des résultats, comme prévu par l'accord. Comment le Gouvernement envisage-t-il de cadrer la définition des résultats exceptionnels, afin d'assurer la bonne mise en œuvre du principe de partage de cette valeur ?

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J'insisterai sur quatre points.

Tout d'abord, ce projet de loi ne répond en rien aux problèmes de pouvoir d'achat des Français. Le premier outil de partage de la valeur est bien l'augmentation des salaires. Cela devrait être votre priorité, car le salaire réel diminue depuis le troisième trimestre 2021 et a encore perdu 1 % au cours de la dernière année.

Ensuite, il faut effectivement favoriser l'accès des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés aux outils de partage de la valeur pour lutter contre ce salariat à deux vitesses : d'un côté, les salariés des grands groupes, les mieux rémunérés et bénéficiant déjà de la participation et de l'intéressement ; de l'autre, les salariés des TPE et PME qui n'ont que très peu accès à ces outils.

Malheureusement, la portée de ce projet de loi demeure très faible, pour trois raisons. Premièrement, vous avez introduit la prime Macron dans les outils de partage de la valeur, alors que celle-ci a un effet de substitution aux augmentations de salaire à hauteur de 30 % en moyenne, selon l'Insee. Deuxièmement, aucun minimum n'est fixé dans la loi, de sorte qu'il sera possible à un employeur de verser une prime d'un euro pour satisfaire ses obligations légales. Troisièmement, lorsque l'entreprise réalise des résultats exceptionnels, le texte ne prévoit qu'une obligation de négocier le versement de la prime exceptionnelle, et rien n'est prévu si la négociation échoue.

Enfin, vous auriez dû vous attaquer aux employeurs peu scrupuleux qui privent les salariés de leurs droits à participation en déplaçant la valeur ajoutée dans des holdings, en France ou à l'étranger. Vous n'en avez rien fait.

Dès lors, monsieur le ministre, allez-vous donner un avis favorable à nos amendements qui abrogent l'article L. 3326-1 du code du travail, qui a pour unique but de protéger les patrons qui privent les salariés de leur juste participation, comme chez Procter & Gamble, McDonald's ou General Electric ?

Par ailleurs, si vous vous souciez réellement du partage de la valeur, pourquoi ne pas avoir engagé une négociation interprofessionnelle non pas sur le partage de la valeur, mais sur les salaires ? C'est ce qu'attendent des millions de Français qui n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois.

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Je souhaite rappeler la très forte défiance syndicale qui demeure dans le pays à l'égard du Gouvernement. Aussi, lorsque M. le rapporteur nous explique que la démocratie sociale vaut autant que la démocratie parlementaire, je ne donne cher ni de l'une ni de l'autre.

Pour en venir au projet de loi, à l'évidence, il ne met pas fin à l'accaparement des richesses par quelques-uns et à la financiarisation de l'économie car si la question du partage de la valeur se pose au sein de l'entreprise, elle se pose également au sein de la société dans son ensemble.

Je crains que vous ne cherchiez à entretenir l'illusion que l'actionnariat salarié suffirait à abolir la contradiction entre capital et travail d'entreprise. C'est inexact et je pense même que cela introduit un biais dans le rapport au travail et à l'entreprise.

Depuis six ans, le Gouvernement a fait du contournement du salaire un de ses sports favoris. Puisque vous affirmez, monsieur le ministre, qu'il ne peut y avoir de substitution des mécanismes prévus aux salaires, il faut trouver comment traduire concrètement cette idée dans la loi.

Enfin, les dispositifs de partage de la valeur reposent sur un nombre croissant d'exonérations de cotisations sociales, qui priveront la sécurité sociale de ressources dont elle aurait amplement besoin.

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Nous en venons aux interventions des autres députés.

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Je salue l'engagement de M. le ministre, qui a encouragé ces négociations et permis qu'elles aboutissent, ainsi que le travail accompli par les rapporteurs dans un délai serré. Nous examinons ainsi un texte de transposition comportant des mesures efficaces de partage de la valeur, validées par l'ensemble des partenaires sociaux, qui permettront que, lorsque l'entreprise gagne, les salariés gagnent aussi.

Les partenaires sociaux ont bien rappelé la primauté que doit avoir la rémunération de base sur ces différentes mesures complémentaires. Dans le projet de loi, vous avez prévu une obligation de négociation sur les salaires lorsque ceux-ci n'ont pas été renégociés depuis cinq ans. Dans la loi « pouvoir d'achat », avait été ajoutée la possibilité pour le Gouvernement de faire fusionner des branches qui seraient peu allantes dans les négociations sur les salaires inférieurs au Smic. Vous-même êtes très engagé dans le suivi de ces négociations. Je souhaiterais connaître votre avis sur l'efficacité de ces différentes mesures et sur la dynamique que vous observez au sein du comité de suivi des négociations dans les branches.

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Merci, monsieur le ministre, pour cette transposition rapide de l'accord national interbranches, essentielle pour notre pays. J'appelle toutefois votre attention sur les mesures visant à encourager les entreprises à adopter des dispositifs de partage de la valeur. Certes, ce partage est un enjeu majeur : en favorisant l'engagement des entreprises, nous pouvons renforcer la cohésion sociale, soutenir encore davantage la croissance économique, mais aussi stimuler l'innovation.

Bien qu'adhérant au principe, certaines entreprises, en particulier les PME, peuvent rencontrer des difficultés pour instaurer ces dispositifs. Quelles mesures incitatives et quels dispositifs d'accompagnement et de conseil sont prévus pour les encourager à s'engager dans la démarche ? Comment les aider à mieux comprendre les avantages et les modalités de ces dispositifs ? Comment les sensibiliser aux bénéfices du partage de la valeur ?

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Alors que notre pays connaît une inflation galopante et une perte de pouvoir d'achat inédite, alors que les salaires n'augmentent que très faiblement, voire pas du tout, vous avez, monsieur le ministre, récemment imposé aux Français le travail jusqu'à 64 ans. Conscient que vous auriez du mal à faire avaler la pilule, vous avez demandé en août dernier, sans doute dans un élan de bonté, aux partenaires sociaux de se réunir et d'engager des discussions. L'indécence du Gouvernement aurait pu s'arrêter là, en laissant de côté la question des salaires pourtant essentielle pour nos compatriotes. Las, à défaut d'avancer sur ce sujet capital, vous avez invité les organisations syndicales à discuter des dispositifs de partage de la valeur en entreprise, mesures certes utiles en termes de redistribution et de pouvoir d'achat, mais qui semblent davantage faire office de pansement que de véritable solution. Comme le rappelle le préambule de l'ANI, le salaire doit demeurer la forme essentielle de reconnaissance du travail fourni par les salariés comme des compétences qu'ils mobilisent à cet effet.

La Première ministre s'était engagée à proposer une transcription fidèle et totale de l'ANI dans la loi. Ce sont encore des mensonges ! La macronie n'allait tout de même pas respecter ses promesses et, enfin, écouter les Français. Dans votre projet de loi, pas d'effort sur la simplification du forfait social, pourtant demandé dans l'article 11 de l'ANI, pas de précision de la notion du caractère aléatoire dans les accords d'intéressement, pourtant voulue à l'article 15, et aucune indication sur ce que constitue un bénéfice exceptionnel pour une entreprise, ce qui a même été déploré par le Conseil d'État !

Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin prendre la question du pouvoir d'achat des Français au sérieux et traiter la question qui préoccupe nos concitoyens, celle des salaires ?

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Mon collègue Jérôme Guedj saluait l'anniversaire de l'ANI de 2013. Permettez-moi d'en saluer un autre : celui de notre élection il y a un an.

Voilà un an, la Première ministre a obtenu la confiance d'une majorité relative de notre Assemblée sur la promesse d'une nouvelle méthode fondée sur le dialogue et le compromis. Elle se revendiquait, comme la présidente de l'Assemblée, d'une forme de social-démocratie.

Alors qu'un accord interprofessionnel traduit la reconnaissance de la prééminence du dialogue social en matière de droit du travail, force est de constater que vous avez choisi un nivellement par le bas, avec une transposition qui prive les parlementaires de tout pouvoir. Nous sommes habitués à cette impossibilité de débattre, mais je ne comprends pas comment vous pouvez mépriser le dialogue social, comme vous l'avez fait depuis un an et demi avec la réforme de l'assurance chômage puis avec celle des retraites, et vous faire aujourd'hui les parangons de cette pseudo-nouvelle méthode. Pourquoi l'ANI ne connaîtrait-il pas le même sort que la niche LIOT, cadenassée, dévitalisée, dans un mépris de tout ce qui s'apparente de près ou de loin à une forme de construction saine et démocratique ?

Au-delà de cette « ANIcroche », nous souhaitons des débats parlementaires animés, mais vivants. Monsieur le ministre, laissez-nous nous exprimer et écoutez les parlementaires, ce que vous n'avez pas su faire depuis un an.

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En soi, on ne peut que se féliciter que vienne un projet de loi sur le partage de la valeur puisque le contexte est celui d'une inflation extrêmement forte qui mène à une baisse des salaires réels de 3 % en 2022 et à une baisse du pouvoir d'achat – ce sont les chiffres de l'Insee – que votre politique des petits chèques n'a pas réussi, bien évidemment, à endiguer.

Ce partage de la valeur se fait de plus en plus en faveur des actionnaires. On le voit avec l'accroissement des dividendes. Quand donc allez-vous préoccuper des salaires ? Ils sont absents de ce texte, qui ne saurait donc être présenté comme traitant de la valeur en entreprise. Comment peut-on nommer ainsi un projet de loi qui ne traite pas des salaires, mais de tous les dispositifs hormis des salaires ? Vous favorisez les autres dispositifs de partage de la valeur, qui ne manqueront pas de se substituer au salaire. L'Insee montre que tel est déjà le cas de 30 % de la prime Macron au prix d'une perte de 1,2 milliard d'euros en un an pour les salariés.

Dans le même temps, vous ne proposez aucune revalorisation du Smic au-delà des dispositions légales. Pour notre part, nous demandons que sa hausse soit supérieure à l'inflation.

Enfin, on le sait, l'écart entre la rémunération des dirigeants et les salaires moyens au sein des entreprises se creuse fortement. Quand comptez-vous vous attaquer au problème ?

Après la réforme des retraites, vous avez voulu montrer que vous vous préoccupiez de partage de valeur, mais ce projet de loi ne comporte rien d'autre que des dispositifs qui se substituent au salaire.

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Parce qu'il ne permet pas de récompenser le travail à la hauteur de sa valeur, ce projet divisera à nouveau les salariés entre ceux qui travaillent dans de grandes entreprises et se verront accorder des primes plus élevées, et ceux des PME et des TPE, dont certaines arguent déjà de la conjoncture pour ne pas verser de primes. Ce sera le cas à La Réunion comme dans tous les territoires d'outre-mer, où rares sont les entreprises de plus de onze salariés. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle sera la proportion d'entreprises et de salariés concernés par cette mesure dans les outre-mer ?

En outre, cette politique de primes se substitue à une véritable politique d'augmentation des salaires. De manière spécifique, puisque le pouvoir d'achat est bien plus bas dans nos territoires, ne faudrait-il pas appliquer outre-mer un Smic majoré, de rattrapage, qui, selon les études, boosterait la consommation des ménages et contribuerait à tonifier les économies ultramarines ?

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Olivier Dussopt, ministre

Sur la méthode, lorsque nous avons engagé les partenaires sociaux à ouvrir cette discussion, nombre d'entre eux avaient exprimé le souhait qu'elle s'accompagne d'un engagement du Gouvernement sur une transposition intégrale et fidèle de l'accord, engagement que j'avais pris, que la Première ministre a pris à son tour et que nous respectons dans ce projet de loi.

Certains, dans leurs interventions, soit parce que la question des salaires n'est pas abordée au-delà des classifications – c'était le cas de Mme Sas –, soit parce que les questions d'épargne salariale et d'actionnariat salarié ou celle relative aux entreprises comportant moins de salariés ne sont pas traitées de manière extrêmement approfondie – c'était le cas de M. Viry – ont exprimé une forme de frustration ou de déception. Je peux le comprendre, mais ne pas respecter l'engagement que nous avons pris vis-à-vis des partenaires sociaux qui ont accepté d'ouvrir cette discussion serait pire. C'est la raison pour laquelle nous faisons le choix de transposer de manière intégrale et fidèle.

M. Guedj m'a demandé comment nous veillerions à ce que vos délibérations fassent consensus chez les signataires. Je rappellerai une évidence : les parlementaires sont libres de déposer tous les amendements qu'ils souhaitent dans les règles de recevabilité. L'avis du Gouvernement s'appuiera sur une consultation des partenaires sociaux sur ces amendements. Libre à chaque parlementaire de vérifier auprès des signataires que l'avis que je donnerai en m'appuyant sur le recueil de leurs propres avis est bien conforme.

C'est ce que nous avons commencé à faire. Un certain nombre de sujets ont été abordés sur lesquels nous avancerons, je pense, d'ici l'examen du texte en séance.

Le principe de non-substitution a été évoqué à plusieurs reprises. Il est fixé et précisé à l'article L. 3312-4 du code du travail. Tous les signataires de l'accord considèrent que la solidité juridique du principe de non-substitution tel qu'arrêté par le code du travail est tout à fait satisfaisante. Si, avant l'examen du texte en séance, nous pouvons, en accord avec les signataires, trouver une rédaction qui, sans remettre en cause la solidité de cet article du code du travail, permette de réintroduire ce principe de non-substitution pour que le texte soit aussi équilibré que l'accord, j'y serai favorable.

De même, nous considérons que la question des métiers référents est satisfaite par le droit existant. C'est la raison pour laquelle nous ne l'avons pas introduite dans le texte. Nous aurons certainement cette discussion en séance. Là encore, si des rédactions consensuelles permettent de conforter le droit, tant mieux !

Les stipulations de l'accord que nous n'avons pas intégrées dans le projet de loi soit sont d'ordre réglementaire, soit nous paraissent satisfaites en l'état du droit. Nous n'avons pas voulu prendre le risque de la répétition.

Le Conseil d'État a émis des remarques concernant l'égalité devant l'impôt au sujet de la prorogation du dispositif du régime fiscal et social particulièrement avantageux de la PPV dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Nous avons pris acte de ses remarques, mais par engagement à la fidélité de la transposition, malgré son avis, nous avons maintenu les dispositions soumises à votre vote.

Il a également émis, à l'occasion du premier examen en section, des remarques sur la manière dont on caractérise un résultat exceptionnel dans une entreprise. Cela a nécessité une saisine rectificative qui, je le précise, renvoie à une négociation d'entreprise la définition du caractère exceptionnel. Celle-ci s'est faite conformément à la méthode que j'ai évoquée : tous les termes de la saisine rectificative ont été partagés de manière consensuelle avec les signataires de l'accord. Le Conseil d'État, en assemblée générale, a considéré que les précisions pouvaient manquer et son avis renvoie à un certain nombre de précisions utiles sur la taille de l'entreprise, sur le niveau moyen des bénéfices au cours des dernières années ou sur le secteur d'activité. Nous travaillons, là encore, avec les partenaires sociaux signataires de l'accord pour étudier les dispositions susceptibles de recueillir un soutien consensuel de leur part.

Vous avez craint que le dispositif appelé plan de valorisation des entreprises ou plan d'intéressement à la valorisation de l'entreprise n'entre en concurrence avec le système d'actionnariat salarié. À mon avis, ces dispositifs sont plus complémentaires que concurrents. Le dispositif proposé par les partenaires sociaux ne prévoit pas l'attribution de parts sociales du capital, mais seulement un intéressement à l'augmentation de la valeur globale de l'entreprise dans des conditions de mise en œuvre bien plus simples que l'actionnariat salarié qui, il faut en convenir, est un difficile à mettre en place. Le risque de concurrence ou de cannibalisation me paraît faible aussi parce que le régime fiscal et social du plan de valorisation est le même que celui lié à la perception de revenus de plans d'actionnariat salarié.

J'en viens aux questions relatives à l'accès aux outils et au partage par un maximum d'entreprises des outils prévus par l'accord. Un plan de communication me semble nécessaire. L'État y prendra sa part et, à mon avis, les organisations professionnelles, les branches notamment, doivent y participer. J'ai rencontré, cet après-midi, le président du conseil d'administration de l'Urssaf ; sans préjuger du vote du Parlement, je souhaite qu'un groupe de travail soit rapidement constitué pour que la direction générale du travail et les Urssaf avancent sur les outils et les éléments de communication permettant à chacun de s'approprier l'accord.

Les ambassadeurs à l'intéressement et au partage de la valeur peuvent être utilement mobilisés. Ils doivent travailler sur la manière dont les dispositions de l'ANI peuvent être appliquées dans les territoires ultramarins. Les caractéristiques sociales et économiques liées à la taille moyenne des entreprises et aux spécificités des régimes fiscaux et sociaux – je pense notamment à la prise en compte de l'octroi de mer – nécessitent qu'un travail particulier soit mené.

Les simplifications en matière de forfait social sont l'un des points de l'accord que nous n'avons pas traduit dans la loi, considérant qu'il est satisfait puisque, depuis 2019, il n'existe plus de forfait social sur la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés, où ce dispositif de participation est facultatif, ni sur l'intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés. Ces mesures de 2019 ainsi que les facilitations mises à la conclusion de l'accord d'intéressement dans la loi du 16 août 2022 nous paraissent très largement répondre aux stipulations de l'accord.

S'agissant des négociations salariales, ma réponse ne satisfera pas nécessairement l'ensemble des intervenantes et des intervenants, mais je renvoie à un principe : nous considérons que la loi permet une indexation du Smic sur l'inflation, notamment sur l'inflation connue par le premier décile des ménages français, ainsi que sur l'évolution d'indicateurs relatifs au salaire moyen horaire, notamment ouvrier. Nous renvoyons de manière constante – ce n'est pas une nouveauté avec ce Gouvernement – la détermination du niveau des salaires au dialogue social de branche, et celui-ci est observé par le comité de suivi de la négociation salariale que j'ai réuni le 14 juin dernier, voilà quelques jours à peine.

Les dispositions de la loi du 16 août 2022 ont des effets bénéfiques puisque, depuis le 1er mai, un grand nombre de branches ont un minima conventionnel inférieur au Smic. Ce nombre est élevé du fait de la revalorisation récente du Smic. Le recul dont nous disposons quelques mois après la revalorisation du Smic au 1er janvier montre que les choses se sont accélérées. En quatre mois, entre le 1er janvier et la fin du mois d'avril, sur les cent quarante branches qui ont eu un minima conventionnel inférieur au Smic du fait de la revalorisation de ce dernier au 1er janvier, soixante-dix-sept avaient réalisé ce travail de mise en conformité. C'est bien plus rapide que ce que nous connaissions précédemment.

Par ailleurs, vous avez adopté des dispositions qui permettent au Gouvernement de considérer que le maintien pendant une période trop longue d'une branche dans une situation où elle présente au moins un minima inférieur au Smic est un critère de restructuration. Or le nombre de branches dont un minima conventionnel au moins est inférieur au Smic depuis plus d'un an est de neuf sur les 171 suivies, contre vingt en moyenne les années précédentes. Nous actionnons cette possibilité de restructuration puisque j'ai indiqué à la branche des casinos que, faute d'accord avant septembre – puisque c'est le délai de procédure contradictoire prévu par la loi du 16 août 2022 –, nous procéderions à la restructuration. C'est le premier exemple d'application de cette disposition.

Il y a toujours une forme d'insatisfaction à ne pas aller au-delà de l'accord tel qu'il a été conclu par les partenaires sociaux. C'était le cas, me semble-t-il, lors des discussions de l'ANI ayant donné lieu, à l'été 2021, à une transposition en matière de santé au travail. Cela peut être le cas avec cet ANI, comme cela avait été le cas avec l'ANI de 2013, qui a été rappelé, et dont les résultats sont d'ailleurs probants puisque figuraient dans cet accord les conventions de revitalisation, qui montrent leur efficacité pour accompagner la réindustrialisation et la création de nouvelles activités dans des territoires directement concernés par des plans de restructuration et des plans sociaux.

Je ne doute pas que le débat permettra d'avancer. Je redis la totale disponibilité du Gouvernement pour continuer à améliorer ce texte, en suivant toujours cette méthode que je souligne : notre volonté de nous conformer à l'accord mais aussi à un consensus des partenaires sociaux signataires de cet accord sur les modifications qui seront proposées à l'occasion de la discussion parlementaire.

La commission décide d'en venir à la discussion des articles du projet de loi.

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Sur ce texte, 317 amendements ont été déposés, l'un l'a été en double, un autre modifiait des dispositions réglementaires et six ont été retirés par leurs auteurs. Le président de la commission des finances a estimé que 34 amendements étaient contraires à l'article 40 ou aux dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Je précise que la plupart d'entre eux pourront être recevables en séance, pour peu qu'ils soient correctement gagés. Pour ma part, j'ai tenté d'appliquer au mieux l'article 45, en laissant le plus possible la place à l'initiative parlementaire, ce qui m'a néanmoins conduite à devoir déclarer 62 amendements irrecevables.

Je rappelle que le projet de loi ne porte pas sur l'ensemble de l'ANI mais seulement sur certaines de ses dispositions. Les amendements ne devaient donc pas seulement avoir un lien avec l'accord, mais avec ses dispositions reprises dans le projet de loi. Par conséquent, je n'ai pas pu considérer recevables des amendements tendant par exemple à imposer un tiers ou la moitié de salariés au conseil d'administration, à harmoniser le périmètre de publication de la rémunération moyenne des salariés de l'entreprise, ou encore à permettre à l'expert-comptable d'accéder aux liasses fiscales, à donner des moyens à l'expert-comptable mandaté par les comités sociaux et économiques de confronter les entreprises à leurs pratiques d'optimisation de groupe, mais aussi à augmenter le taux minimal de majoration des heures supplémentaires pour le travail à temps partiel. D'autres amendements portaient sur la revalorisation du salaire des apprentis, demandaient la présentation d'un rapport sur l'entreprenariat féminin, encadraient les versements de dividendes, majoraient le prélèvement forfaitaire unique, etc.

Je rappelle aussi que l'article 1er conduit à l'ouverture d'une négociation par branche, sur la nécessité de réviser les classifications lorsque cela n'a pas été fait depuis cinq ans, et que cette négociation prend en compte l'objectif de mixité. Vous le savez, les classifications servent à déterminer l'intégralité de la grille salariale, aux travers des minima hiérarchiques. Les amendements visant à renforcer la négociation collective sur des éléments en lien indirect avec les classifications m'ont donc paru recevables, par exemple quand ils portent sur la négociation sur tous les salaires, sur l'intégralité des grilles ou des minima, ou sur la mixité. En revanche, ceux qui avaient pour but d'administrer les salaires ne m'ont pas semblé recevables, non plus que ceux fixant le Smic, une rémunération minimale ou une échelle de salaires, et pas davantage ceux établissant un lien entre Smic et salaire minimum d'une branche. Il en va de même des amendements dont l'objet principal est de revenir sur les allégements généraux de cotisations ou sur des aides, qui n'ont pas de lien, même indirect, avec le texte.

Pour autant, nous avons 208 amendements à examiner.

Avant l'article 1er

Amendement AS93 de Mme Marianne Maximi.

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L'amendement vise à ajouter à l'intitulé du titre Ier le mot « rémunérations », sujet sur lequel le Gouvernement n'a de cesse de se défausser. En effet, dans ce projet de loi tout est fait pour éviter les hausses de salaires, notamment en incitant à recourir à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et en généralisant les dispositifs d'intéressement et de participation. Exonérés de cotisations sociales, ces mécanismes font une concurrence déloyale à de réelles augmentations de salaires. Nous entendons donc affirmer les objectifs du dialogue social et des négociations en matière non seulement de classification mais aussi de rémunération.

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Nous reviendrons sans doute à plusieurs reprises sur cette opposition entre les salaires et les autres modes de rémunération – l'expression n'est sans doute pas pertinente – comme à celle entre dynamique de salaires et dynamique de pouvoir d'achat.

Le ministre l'a dit, la question des salaires a été écartée par les partenaires sociaux – organisations syndicales comme professionnelles – et nul n'a prétendu que ce projet réglait cette question.

Je ne suis en outre pas convaincu que modifier l'intitulé du titre aurait un quelconque effet et je suis donc défavorable à cet amendement comme au suivant, qui est similaire.

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Si, l'intitulé est important ! Il s'agit de montrer que le législateur a la volonté que la négociation ne se limite pas aux seules classifications mais intègre la question des rémunérations. C'est indispensable, notamment si l'on veut faire en sorte que les classifications n'aboutissent pas à ce que des personnes restent plusieurs années au Smic. Accepter notre proposition prouverait que vous êtes de bonne foi lorsque vous affirmez ne pas vouloir que les autres formes de rémunération se substituent aux salaires.

Faisons donc en sorte que la négociation porte aussi sur les rémunérations. Pour ma part, je ne connais aucune organisation syndicale qui refuserait l'ouverture d'une négociation de branche sur les salaires.

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Pour autant c'est bien le fruit des discussions – qui n'ont sans doute pas été simples – entre organisations syndicales et patronales que l'on retrouve ici. D'autres amendements, à d'autres articles, nous permettront de poursuivre cette discussion.

La commission rejette l'amendement.

Article 1er : Ouverture d'une négociation sur la nécessité de réviser les classifications avant le 31 décembre 2023 pour les branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans

Amendements AS211 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS1 de M. Jérôme Guedj (discussion commune).

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L'amendement AS211 vise à prendre en compte les métiers repères dans la révision des classifications car c'est la meilleure façon de mettre en lumière les écarts entre les femmes et les hommes, les métiers les mieux rémunérés étant le plus souvent majoritairement occupés par des hommes.

L'ANI indique en effet « qu'il convient d'apprécier les niveaux de rémunération au regard non seulement des classifications mais aussi des métiers repères ».

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Voilà qui ouvre d'emblée le débat sur la qualité de la transposition. On nous dit que la philosophie du texte est de transposer l'ANI, rien que l'ANI, tout l'ANI. Aussi, lorsque vous nous proposez une révision des qualifications pour tenir compte de l'objectif de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de la mixité des emplois, dans les branches qui n'ont pas procédé à des négociations sur ces sujets depuis cinq ans, nous souhaitons que l'on tienne compte de la volonté expresse des signataires de l'ANI. Or à la fin de l'article 4, il est bien écrit que les organisations signataires de l'ANI « considèrent qu'il convient d'apprécier les niveaux de rémunération au regard non seulement des classifications mais aussi des métiers repères ».

J'ignore ce qu'en dira la commission de transposition mais soyons donc fidèles à la volonté des négociateurs et des signataires au regard de laquelle la seule référence aux classifications ne me paraît pas suffisante.

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La commission de transposition – ou plutôt de suivi de l'accord – prévue dans l'ANI se réunit à 18 heures 45 et nous devrions donc disposer d'éléments lors de notre réunion de ce soir.

Deux articles de l'ANI traitent de la question que vous évoquez. L'article 3, qui est retranscrit à l'article 1er, vise à réviser les classifications. Cette catégorie légale est inscrite dans la loi et constitue un déterminant des salaires pour l'ensemble de la branche. L'article 4 que vous avez cité mentionne les métiers repères non pas pour rendre obligatoire leur révision mais sous l'angle de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise.

Des amendements nous permettront de revenir sur cette question et vous pourrez en outre demander aux organisations syndicales ce qu'elles pensent de la transposition de ces deux articles de l'ANI à laquelle procède l'article 1er, que je juge pour ma part satisfaisante.

Je vous propose donc de retirer vos amendements, à défaut mon avis sera défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS69 de M. Victor Catteau.

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Avec cet article, une négociation par branche devra s'ouvrir lorsque les classifications n'ont pas été révisées depuis cinq ans. Mais depuis cinq ans, l'inflation est survenue et le pouvoir d'achat des Français a baissé. C'est pourquoi nous proposons de réduire ce délai à trois ans – à deux ans pour les métiers en tension.

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Le délai de cinq ans correspond au maximum fixé à toutes les branches par l'article L. 2241-7 du code du travail. Ce point a été assez âprement discuté par les partenaires sociaux et je doute qu'ils soient favorables à une remise en cause de l'équilibre auquel ils sont parvenus.

Par ailleurs, d'après les données fournies par le ministère du travail, 65 % des branches disposent de grilles de classifications révisées il y a plus de cinq ans, avec une moyenne de douze ans pour celles ayant procédé à cet examen en 2021. Je reconnais qu'il faudrait aller plus vite. Des indications que nous a données le ministre vont en outre dans le bon sens.

Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS249 de M. Sébastien Peytavie.

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Nous réitérons notre demande que la révision des classifications prenne en compte la liste des métiers repères. C'est en effet là que l'on voit le plus les discriminations fondées sur le genre.

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Demande de retrait pour les raisons invoquées précédemment.

Nous traiterons ultérieurement des questions d'égalité femmes-hommes.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS75 de M. Victor Catteau.

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Un grand nombre d'entreprises n'ont pas du tout négocié dans le délai de cinq ans. Pour rendre cette disposition effective et inciter à la négociation, nous proposons de priver les organisations syndicales et patronales qui sont dans ce cas de tout financement provenant de l'Association de gestion du fonds paritaire national.

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Sans surprise, je suis défavorable à cet amendement. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne façon d'engager le dialogue avec ces organisations...

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Nous sommes très attachés à l'idée de sanctionner les branches qui ne parviennent pas à un accord, mais nous pensons qu'il faudrait agir sur le levier des exonérations de cotisations. Pour sa part, la proposition du Rassemblement national est dangereuse et malhonnête puisqu'elle fait peser sur les syndicats de salariés le refus de négocier de leur branche, dont elles ne sont en rien responsables. Si certains sont à sanctionner pour ce motif, ce sont uniquement les organisations patronales.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'article 1er, non modifié.

Après l'article 1er

Amendement AS150 de M. Matthias Tavel.

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Cet amendement part du constat que les salaires se tassent de plus en plus au niveau du Smic sous l'effet des exonérations de cotisations sociales et patronales sur les bas salaires, mais aussi de l'augmentation du Smic en raison de l'inflation, tandis que les autres salaires décrochent par rapport aux prix. Ainsi l'Insee constate une baisse de 3 % des salaires réels en 2022. Ce tassement s'opère eu premier chef sur les métiers les plus féminisés : agentes de nettoyage, agentes d'accueil et de caisse, auxiliaires de vie.

C'est pourquoi nous voulons que le code du travail impose aux entreprises dotées d'instances représentatives d'intégrer cette préoccupation dans la négociation salariale.

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Le droit en vigueur me semble déjà satisfaire votre intention en imposant une négociation d'entreprise. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendements AS151 et AS155 de Mme Aurélie Trouvé, AS154 de M. Matthias Tavel et AS152 de Mme Marianne Maximi (discussion commune).

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Face au décrochage des salaires par rapport aux prix et à une baisse historique des salaires réels de 3 % en 2022, le Gouvernement répond en privilégiant les primes, l'intéressement, la participation mais jamais en favorisant l'augmentation des salaires, qui sont pourtant le seul dispositif pérenne, non facultatif.

Le ministre a prétendu que les autres mécanismes ne se substitueraient pas aux salaires mais rien ne l'empêche dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. C'est pourquoi, par l'amendement AS151, nous demandons que soit inscrite dans la loi l'ouverture de négociations de branches pour augmenter les salaires et les protéger de l'inflation, et pour réaliser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

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Depuis un an, la minorité présidentielle entend gouverner avec des chèques. Le prix de l'énergie augmente : des paroles et un chèque ; le prix des produits de première nécessité augmente : des paroles et un chèque ; un mouvement social augmente : des violences et un chèque. Nos concitoyens ne veulent plus de chèques ni de primes mais tout simplement un salaire digne et de bonnes conditions de travail. Or le salaire ne suit même pas le cours de l'inflation. Dans la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, le Gouvernement a tout fait pour empêcher les augmentations de salaires et il s'est même battu en coulisses contre les revendications salariales des travailleurs alors que, « en même temps » – c'est votre marque de fabrique –, le PDG de Total s'est augmenté de 52 % et la fortune des 500 Français les plus riches a quadruplé en dix ans. Si l'on répartissait cette augmentation entre tous les Français qui travaillent, chacun verrait son salaire augmenter de 210 euros par mois pendant dix ans.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, par l'amendement AS154, l'ouverture de négociations de branche pour augmenter les salaires jusqu'à 2 300 euros net et les protéger de l'inflation, et pour réaliser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, que l'on attend toujours.

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Par l'amendement AS152, de repli, nous proposons l'ouverture de négociations de branches pour augmenter les salaires et les protéger de l'inflation, et pour réaliser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Dans la loi pouvoir d'achat tout comme dans ce projet de loi, le Gouvernement fait tout pour empêcher que les salaires augmentent. Il se bat même en coulisses contre les revendications salariales des travailleurs, comme le patron du Medef lui-même l'explique : « l'État a un double discours en la matière. Officiellement il faut augmenter les salaires, mais en coulisse on nous dit de faire attention à ne pas nourrir l'inflation avec trop de hausses de salaires. »

Des primes insuffisantes ont été versées à la place d'augmentations de salaire pérennes : entre juillet et décembre 2022, le Gouvernement a donc empêché une augmentation durable des salaires de 1,2 milliard d'euros. Or je rappelle que l'Insee prévoit la poursuite d'une baisse des salaires de 0,8 % pour chacun des deux premiers trimestres de 2023.

Il faut donc augmenter les salaires rapidement et pour tout le monde, c'est pourquoi nous proposons que s'ouvrent des négociations de branches qui permettront de revaloriser l'ensemble des grilles salariales pour les salaires inférieurs à 1 800 euros net.

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On est au cœur du débat. Vous pouvez dire qu'on aurait pu aller plus loin mais pas que nous n'avons rien fait car nous avons bel et bien agi, ne serait-ce qu'avec le bouclier tarifaire.

Nous ne partageons pas votre volonté d'une indexation automatique des salaires : en Belgique, où elle s'applique dans de nombreux secteurs, l'inflation atteint 10 % et est donc beaucoup plus forte que chez nous, et la perte de pouvoir d'achat est de 1 ou 2 %. On le voit, il n'y a pas de solution miracle.

Avec la négociation collective, l'augmentation des salaires est en France en moyenne de 5 %. Je reconnais que c'est un peu inférieur à l'inflation. Un rattrapage est nécessaire et on peut espérer qu'il s'opérera avec la décélération de l'inflation.

Le texte prévoit déjà une accélération des négociations. Au moins la moitié des grilles salariales ont été révisées, le ministre l'a rappelé, et l'article 4 de l'ANI le mentionne.

Je suis défavorable à ces amendements mais je demeure persuadé qu'un accord est possible entre nous.

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Je vous accorde qu'il n'est pas tout à fait exact que vous n'avez rien fait : Bruno Le Maire a beaucoup demandé, supplié, prononcé de grandes phrases, lancé de grands appels solennels, mais c'est à peu près tout. En matière de salaires, depuis un an, rien n'est venu de ce gouvernement.

Par ces amendements, nous ne vous demandons pas d'être d'accord avec l'échelle mobile que nous présenterons ultérieurement, mais simplement de permettre que s'ouvrent des négociations entre patronat et syndicats sur un certain nombre de points : hausse des salaires, création d'un mécanisme d'indexation automatique, égalité femmes-hommes. Il s'agit donc que nous, législateurs, fassions confiance à la démocratie sociale, puisque c'est la conférence salariale que nous défendons ici, afin que le Smic augmente et que sa hausse se diffuse aux autres salaires.

Le législateur est pleinement légitime à se prononcer sur l'intérêt général. L'ANI est la réponse à des intérêts particuliers qui se rencontrent, mais nous ne pensons pas que cette rencontre réponde à l'intérêt général, notamment sur la question des salaires et des recettes de la sécurité sociale. Le Parlement est donc dans son rôle en complétant, voire en rejetant les dispositions de l'ANI qui ne vont pas dans le bon sens et en faisant confiance aux syndicats pour obtenir, dans la négociation, des augmentations de salaires. Encore faudrait-il que le Gouvernement cesse de défendre le patronat.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS49 de Mme Eva Sas.

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Il s'agit de scinder en deux étapes la négociation sur la rémunération et celle sur le partage de la valeur, de sorte que la première se déroule au moins quatre mois avant la seconde. Ainsi, les primes ou autres versements liés aux dispositifs de partage de la valeur ne seraient pas utilisés comme arguments dans le cadre des négociations annuelles obligatoires, comme c'est malheureusement souvent le cas. On a en effet fréquemment constaté que ces négociations se concluaient par un versement exceptionnel de participation, ainsi qu'un effet d'éviction de la prime Macron sur les augmentations de salaire. Il ne suffit pas d'énoncer le principe de non-substitution, il faut le rendre effectif. Or la seule façon de le faire est de séparer les deux temps de négociation.

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Ce point a été évoqué à plusieurs reprises lors de nos auditions. Personne ne nie qu'il y a un peu de substitution, mais une organisation syndicale n'était pas convaincue que le délai influe sur ce phénomène. Je ne suis pas sûr pour ma part que votre proposition empêche qu'on traite d'un sujet plutôt que d'un autre lors d'une négociation.

Cette question est sans doute à l'ordre du jour de la réunion qui se tient en ce moment. Je suis défavorable à l'amendement mais nous pourrons reparler de l'effet de substitution.

La commission rejette l'amendement.

Article 1er bis (nouveau) : Établir, au niveau de chaque branche, le bilan de leur action en faveur de l'objectif de mixité des métiers

Amendements identiques AS218 de Mme Michèle Peyron, AS240 de Mme Anne Bergantz et AS252 de M. François Gernigon.

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Cet amendement a pour objet de transposer l'article 4 de l'ANI, aux termes duquel les branches professionnelles doivent engager des travaux sur la mixité de leurs métiers, afin de favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans l'ensemble de leur champ et d'accompagner les entreprises en la matière.

Il est ainsi prévu d'obliger les branches à établir, avant le 31 décembre 2024, un bilan de leur action en faveur de la promotion et de l'amélioration de la mixité des métiers. Ce bilan devra être accompagné de propositions d'actions à destination des entreprises de la branche en vue d'atteindre cet objectif. Ces travaux devront être menés en lien avec l'observatoire prospectif des métiers et des qualifications de branche, s'il existe.

Ce bilan devra figurer dans le rapport annuel d'activité prévu à l'article L. 2232-9 du code du travail, qui doit notamment comprendre un bilan de l'action de la branche en matière de mixité des emplois.

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Il est indispensable d'aller vers une meilleure répartition de la valeur créée au sein de l'entreprise. Cette répartition doit être équitable et juste entre toutes et tous.

L'amendement a donc pour objet de transposer l'article 4 de l'ANI, qui vise à « garantir le respect des obligations de non-discrimination professionnelle entre les hommes et les femmes afin que la valeur soit équitablement partagée ». À cette fin, les branches « doivent engager des travaux sur la mixité des métiers afin de favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes, et d'accompagner les entreprises et leur secteur en la matière ».

Les branches devront ainsi établir un bilan de leur action en faveur de la promotion et de l'amélioration de la mixité des métiers, afin d'avoir une vision objective de la situation dans les entreprises. Les bilans seront assortis de propositions. Ce sera un élément utile dans les négociations qui doivent d'engager périodiquement au sein des branches et des entreprises pour envisager des mesures permettant d'atteindre l'égalité professionnelle et salariale.

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Je suis favorable à ces amendements visant à combler une lacune et ayant recueilli l'assentiment des organisations professionnelles.

La commission adopte les amendements identiques.

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Je m'étonne que tout le monde ne vote pas en faveur de l'égalité salariale...

Après l'article 1er

Amendement AS63 de M. Victor Catteau.

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Nous n'avons rien contre les primes, qui sont une bonne chose, mais beaucoup de Français se préoccupent avant tout de leur salaire, qui est de plus en plus déconnecté du coût de la vie. Cet amendement vise donc à organiser une conférence nationale sur les salaires afin de traiter de cette question cruciale.

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La question des salaires est évidemment importante et les négociations au sein des entreprises ont d'ailleurs débouché sur une augmentation de 4,4 % et celles au niveau des branches sur une augmentation de 4,9 %. Je ne prétends pas que cela soit suffisant, mais cela montre que nous sommes au moins aussi efficaces que nos voisins belges chez qui les salaires sont indexés sur l'inflation.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 : Faciliter le déploiement de la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés

Amendement AS24 de M. Frédéric Cabrolier.

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Vous donnez aux entreprises la possibilité de revoir la réserve spéciale de participation. Toutefois, le mode de calcul reposant sur le bénéfice net fiscal date de 1967 et n'a plus lieu d'être, notamment parce qu'il peut être propice à des pratiques d'optimisation. En outre, ne pas prendre en compte les capitaux propres était sans doute justifié lorsque le pays comptait beaucoup d'industries, ce qui n'est plus le cas. Enfin, avec le développement de la sous-traitance, il n'est pas davantage opportun de continuer à tenir compte de la contribution des salariés à la valeur ajoutée.

C'est pourquoi nous proposons que la formule parte plutôt d'un pourcentage de 10 % du bénéfice net comptable, idée qui a été avancée par des missions antérieures et au cours des auditions.

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C'est un sujet qui revient régulièrement dans nos débats et sur lequel nous nous sommes penchés. Faut-il changer le mode de calcul de la réserve de participation ? Il y a du pour et du contre. J'observe que le résultat fiscal est souvent supérieur au résultat comptable, en particulier pour les PME chez qui des amortissements dérogatoires peuvent être réintégrés au résultat. Les négociateurs de l'ANI ont abordé ce thème mais ont choisi de ne pas le traiter par crainte d'effets de transfert. Je ne suis donc pas favorable à ce que nous y revenions.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS262 de M. Louis Margueritte.

Amendements identiques AS110 de Mme Eva Sas et AS195 de Mme Marianne Maximi.

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Cet amendement d'équité vise à supprimer la dérogation accordée aux entreprises de moins de cinquante salariés. Le projet de loi ouvre la possibilité que l'accord de participation soit moins favorable dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Cette expérimentation nous semble aller à l'encontre, si ce n'est de la lettre, du moins de l'esprit de l'ANI, qui vise à lutter contre un salariat à deux vitesses. Le partage de la valeur doit bénéficier à l'ensemble des salariés, quels que soient leurs employeurs, y compris les TPE-PME, où ils sont souvent moins rémunérés.

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Le projet ouvre à titre expérimental la possibilité que l'accord de participation signé dans les entreprises de moins de cinquante salariés déroge à la formule encadrée par la loi, au risque que les salariés concernés soient moins bien traités. Par notre amendement AS195, nous proposons de supprimer cette rupture d'égalité afin d'empêcher que s'organise une participation low cost et d'être fidèles à la volonté des signataires de l'accord que le droit à la participation soit étendu.

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L'avancée prévue dans l'ANI vise à augmenter la participation dans à peu près la moitié des salariés des entreprises de onze à cinquante salariés, soit 1 500 000 personnes, nous le verrons à l'article 5, et cette part est appelée à augmenter. Au vu de ce progrès sensible, je donne un avis défavorable à ces amendements.

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L'accord est un compromis, mais je ne pense pas que les organisations syndicales signataires soient hostiles à ce que nous proposons afin d'améliorer le sort des salariés. C'est donc en fait le droit de véto du patronat que vous exercez.

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Je ne serais pas ici si je défendais le patronat... Par ailleurs, l'article 6 de l'ANI mentionne bien la possibilité d'une dérogation pour les entreprises de moins de cinquante salariés. L'ANI marque un vrai progrès et je ne suis pas favorable à ce qu'on y ajoute une contrainte qui remettrait en cause l'équilibre auquel sont parvenus les signataires.

La commission rejette les amendements identiques.

La séance est levée à vingt heures.

Présences en réunion

Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Marc Ferracci, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Caroline Janvier, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, M. Louis Margueritte, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Sandrine Rousseau, Mme Eva Sas, M. Freddy Sertin, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry

Excusés. – M. Thibault Bazin, Mme Caroline Fiat, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Stéphanie Rist

Assistaient également à la réunion. – M. Frédéric Cabrolier, M. Raphaël Gérard, M. Matthias Tavel, Mme Aurélie Trouvé