Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 19 décembre 2023 à 18h15

La réunion

Source

La réunion commence à dix-huit heures quinze.

La commission auditionne M. Jean Lessi, dont la nomination aux fonctions de directeur général de la Haute Autorité de santé est envisagée.

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Par courrier en date du 20 novembre, M. Lionel Collet, président de la Haute Autorité de santé (HAS), a informé Mme la présidente de l'Assemblée nationale de son intention de nommer M. Jean Lessi à la direction générale de cette instance.

En application des dispositions de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, il appartient à notre commission d'entendre préalablement le candidat choisi par le président de la HAS.

Je précise qu'à la différence des deux dernières auditions auxquelles nous avons procédé dans le cadre de l'article 13 de la Constitution, notre audition d'aujourd'hui ne fait pas l'objet d'un vote.

Monsieur Lessi, je vous donne la parole pour vous présenter et nous indiquer comment vous comptez investir les fonctions auxquelles vous êtes pressenti. Votre curriculum vitæ a été adressé à l'ensemble des commissaires.

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Jean Lessi

Je suis très honoré d'avoir été désigné par le président Lionel Collet et de soutenir ma candidature devant votre commission.

Après avoir rappelé brièvement mon parcours, j'évoquerai le contexte dans lequel je présente ma candidature et j'expliquerai comment je me projette dans ces fonctions de directeur général de la HAS. Je le ferai avec une certaine humilité, puisque je ne suis pas encore en poste.

Jusqu'à présent, l'essentiel de ma carrière s'est déroulé au Conseil d'État, dans des fonctions de rapporteur ou de rapporteur public. J'en tire deux convictions de méthode, qui sont transposables à la HAS. La première est l'importance de la collégialité. C'est de la confrontation contradictoire des points de vue que sortent les décisions ou avis de qualité. La seconde est la nécessité d'indépendance. Je ne parle pas de l'indépendance d'esprit, qui doit animer tout agent public et qui est source d'innovation, mais de l'indépendance totale de l'institution vis-à-vis des décisions et avis rendus. Évidemment, celle-ci n'exclut pas l'écoute de toutes les parties prenantes.

Au Conseil d'État, j'ai exercé toutes mes fonctions dans les chambres compétentes pour les sujets sanitaires et sociaux. À la section du contentieux, j'ai été rapporteur ou rapporteur public de nombreux dossiers relatifs au prix ou à l'admission au remboursement de tel ou tel médicament. À la section sociale, j'ai rapporté de nombreux textes dans le champ sanitaire et social, dont la plupart des projets de loi d'urgence sanitaire. J'ai également été rapporteur général du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Cette expérience ne fait pas de moi un spécialiste pointu de tous les sujets traités par la HAS. Elle me permet néanmoins de disposer d'une vision globale des acteurs, des enjeux et des liens entre le sanitaire et le médico-social.

De 2017 à 2020, j'ai été secrétaire général de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Ce poste est comparable à celui de directeur général de la HAS, dans le sens où il s'inscrit dans le même schéma institutionnel. J'exerçais mes fonctions sous l'autorité d'une présidente exécutive, auprès d'un collège. Je dirigeais l'action de l'ensemble des services, représentais l'institution et en garantissais l'indépendance. J'ai par ailleurs appris à manager des experts. Beaucoup étaient juristes – je n'étais pas dépaysé ! –, mais d'autres étaient ingénieurs ou développeurs, spécialistes des technologies et des systèmes d'information. Il fallait organiser le dialogue entre tous ces corps de métiers pour rendre les meilleures décisions et produire les meilleurs avis possibles.

Mon passage à la Cnil m'a permis de découvrir les enjeux numériques en général et dans le champ de la santé en particulier. J'étais en poste au moment de la mise en œuvre du règlement général sur la protection des données, de l'élargissement du système national des données de santé, de la création de la plateforme des données de santé – le Health Data Hub –, de la montée des questionnements autour de la recherche sur les entrepôts de données de santé, etc. Tous ces sujets étaient importants pour la Cnil et sont également majeurs pour le système de santé et la HAS.

La HAS est une autorité publique indépendante à caractère scientifique. Elle fournit l'expertise nécessaire à la régulation du système de santé par la qualité et l'efficience. Concrètement, cela se traduit par un trépied distinguant trois types de missions.

La HAS évalue les technologies de santé, les dispositifs médicaux, les médicaments et les actes professionnels pour que les décideurs publics – les payeurs – identifient les produits et les pratiques qui sont utiles et en déterminent la prise en charge. Elle publie les recommandations de bonnes pratiques professionnelles, ainsi que les recommandations vaccinales. Enfin, elle mesure et contribue à l'amélioration de la qualité dans le champ sanitaire et médico-social, grâce à la certification des établissements de santé, à l'organisation de l'évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, à l'accréditation des équipes médicales, etc.

Pour toutes ces missions, le fil rouge est l'amélioration de la qualité et de la pertinence des prises en charge et l'instauration d'une culture de la qualité et de la sécurité des soins.

Les missions de la HAS se sont démultipliées et densifiées. L'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale a fait l'objet de trente-et-une modifications depuis 2004 – toutes les missions n'y sont pas codifiées. Rien que par la dernière loi de financement de la sécurité sociale, la HAS se voit confier cinq nouvelles missions ou extensions de missions. Ces évolutions sont notamment liées à l'innovation en santé. Depuis une dizaine d'années, nous assistons à une vague considérable de progrès thérapeutiques et de progrès organisationnels liés au numérique. De ces derniers découlent de nouvelles missions en matière de télésurveillance, de suivi des dispositifs médicaux numériques, d'élaboration du référentiel des actes innovants hors nomenclature, etc. Par ailleurs, nous faisons face à une transformation des attentes sociales, de la demande et des besoins en santé. Elle s'explique par le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques, l'apparition de la médecine de parcours, les suites de la crise du covid-19, la nouvelle répartition des responsabilités entre professionnels de santé, les enjeux de démographie médicale et de qualité de vie des soignants, la situation à l'hôpital ou la revendication croissante du droit à l'autodétermination en santé par les patients. Tous ces éléments renforcent les exigences adressées aux pouvoirs publics, en particulier à la HAS.

Je ne détaillerai pas les principales orientations de la HAS, car Lionel Collet les a développées lors de précédentes auditions et qu'une nouvelle feuille de route stratégique sera élaborée l'année prochaine. J'insisterai cependant sur quelques points. Tout d'abord, nous devons renforcer la place des usagers. Ils participent déjà aux travaux de la HAS, mais nous devons probablement franchir une étape supplémentaire. La dimension prospective doit également être accentuée. La HAS est au contact des innovations et pourrait en tirer davantage d'enseignements pour aider à dessiner le paysage de demain. Enfin, il paraît souhaitable d'améliorer l'efficacité administrative. Pendant la crise du covid-19, la HAS a démontré qu'elle était capable d'établir des recommandations et de rendre des avis rapidement.

Je pourrai, si vous le souhaitez, évoquer les enjeux qui nous attendent d'ici à trois ans à l'échelon européen.

Lorsque je me projette dans les fonctions de directeur général de la HAS – avec l'humilité de celui qui ne fait pas encore partie de cette institution –, quatre priorités m'apparaissent importantes.

Je m'attacherai tout d'abord à garantir la cohésion du collectif. Je veillerai à ce que les équipes soient soudées autour du projet de la HAS et de ses orientations. Je le ferai avec humanité, bienveillance et dans le respect du dialogue social. La HAS dispose d'un socle solide, grâce aux valeurs de rigueur, de transparence et d'indépendance, et j'y arriverai avec un esprit du service public très fort.

Je serai également attentif à garantir la transversalité au sein de la HAS. Celle-ci est nécessaire d'un point de vue opérationnel, pour assurer la qualité des prises en charge. Tous les défis que nous devons relever sont transversaux : le numérique, l'engagement des usagers, la résistance aux antibiotiques, la santé environnement, etc. Ces sujets irriguent toute l'activité. J'ajoute, par expérience, que la transversalité est motivante pour les agents. Elle permet à une personne située quelque part dans l'organisation de repérer des signaux faibles, qui alimenteront les travaux d'autres services. Elle facilite l'amélioration des pratiques en interne.

En tant que directeur général de la HAS, je devrai par ailleurs hiérarchiser les travaux et allouer les moyens aux services. Le PLFSS et les textes financiers pour 2024 ont permis le rebasage de la dotation de l'assurance maladie à 71,9 millions d'euros. Les ressources humaines constitueront toutefois l'une de mes priorités. Le plafond d'emplois de la HAS est passé de 438 à 443 entre 2023 et 2024, soit une augmentation de 5 équivalents temps plein travaillé (ETPT), après une augmentation de 4 ETPT l'année précédente. Ce chiffre m'interpelle quand je vois l'ampleur des nouvelles missions confiées à la HAS en matière de guichets d'accès précoce, de télésurveillance, de référentiel des actes innovants hors nomenclature, de certification des prestataires de services et distributeurs de matériel. Je ferai un point à ce sujet dès que je prendrai mes fonctions.

Enfin, même si elle n'a pas attendu mon arrivée, je garantirai l'ouverture de la HAS. C'est la force de l'indépendance de pouvoir être ouvert à tous. Il s'agit également d'une nécessité opérationnelle. Je veillerai à la qualité des relations avec l'ensemble des administrations concernées, c'est-à-dire les administrations centrales, les autres agences du champ sanitaire, les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux pour la partie médico-sociale. Je travaillerai également au rétablissement de la confiance et à la lutte contre la défiance des citoyens. Le problème concerne tout ce qui exprime une forme d'autorité et n'est pas propre à la HAS. Dans les fonctions qui seront les miennes, j'essaierai cependant de contribuer à sa résolution.

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En tant que référent de la commission pour la HAS, je souhaiterais vous alerter, ainsi que l'ensemble de la commission, au sujet de la pandémie silencieuse, véritable bombe à retardement, qu'est l'antibiorésistance. D'ici à 2050, elle pourrait être responsable de 10 millions de décès par an dans le monde et devenir la première cause de mortalité.

La France est classée dans le dernier tiers des vingt-sept États membres de l'Union européenne dans la prévention et la prise en charge de l'antibiorésistance. Or, pour le Conseil de l'Union européenne, la résistance aux antimicrobiens est l'une des trois menaces sanitaires à anticiper et à combattre prioritairement.

Je salue le travail de la HAS, qui a émis des recommandations en matière de pertinence des actes et des prescriptions. Récemment, elle a ainsi modifié sa recommandation de bonne pratique relative aux antibiogrammes ciblés en cas d'infection chez la femme. Toutefois, la tendance reste inquiétante et les acteurs institutionnels impliqués dans la prévention et l'accès thérapeutique peinent à la renverser. Nous attendons l'évaluation qu'en fera le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), mais la stratégie 2022-2025 de prévention des infections et de l'antibiorésistance en santé humaine est trop tardive et ne s'accompagne pas de mesures et de moyens à la hauteur de cette menace grandissante. Quel regard porte la HAS sur ce manque de prise de conscience ? Quel rôle concret pouvez-vous jouer dans la rationalisation de la prescription et dans l'accès thérapeutique, notamment aux nouveaux antibiotiques ?

Nous devons par ailleurs rénover notre système d'évaluation et de financement de l'innovation. Celui-ci est aujourd'hui très contraint, alors qu'il devrait permettre d'encourager l'innovation tout en préservant notre système de santé solidaire. Des propositions pertinentes figuraient dans le rapport de la mission sur le financement de la régulation des produits de santé, publié cet été. Elles ont toutefois été peu reprises dans le PLFSS adopté il y a quelques jours.

Des évolutions dans l'organisation et les procédures de la HAS ont permis une réduction significative du délai d'évaluation des médicaments. Cependant, le traitement d'une grande majorité des dossiers excède encore les quatre-vingt-dix jours prévus par la directive européenne dite « transparence ». Comment nous rapprocher des résultats de certains de nos voisins européens, qui affichent des délais bien plus courts ?

S'agissant de l'évaluation des médicaments innovants par dérogation, accès précoce ou accès compassionnel, l'obtention d'une amélioration du service médical rendu (ASMR) de I à III reste, en dépit des ajustements de doctrine, un événement beaucoup trop rare. Celui-ci est généralement lié à un bénéfice thérapeutique important, qui ne peut être évalué que dans une ou plusieurs études randomisées comparatives. Or, pour certains traitements anticancéreux, la réalisation de telles études est quasiment impossible. Quelle révision de doctrine serait souhaitable pour améliorer l'accès à ces thérapies innovantes, qui reste très difficile ? La question a déjà été abordée avec la directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Par ailleurs, je souhaiterais évoquer les enjeux de développement et de financement de la biologie délocalisée. Le financement de ces examens a changé. Le paiement au prorata des actes, qui existait jusqu'en 2015, a été remplacé par un dispositif fondé sur l'encadrement de la prescription. L'utilisation du référentiel des actes innovants hors nomenclature (Rihn) offre davantage de souplesse, mais présente néanmoins des limites. Le remboursement trop partiel vient amputer les missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation. La réforme paraît inaboutie dans son application et sa traduction réglementaire.

Concernant la biologie délocalisée, un avis de la HAS, sollicité par le ministère pour identifier les situations médicales pertinentes pour ces examens, constitue un préalable à la publication d'un arrêté précisant les lieux et les personnes habilitées. La procédure, qui dépend du bon vouloir du Gouvernement, est trop contraignante. Dans quelle mesure la HAS pourrait-elle s'autosaisir pour rendre cet avis ?

Vous l'aurez compris, toutes ces questions doivent faire l'objet d'un travail de rénovation d'ampleur. Néanmoins, je suis certain de pouvoir compter sur M. Lessi pour engager ces chantiers, en lien avec la représentation nationale. Comme référent de la commission pour la HAS, je veillerai à ce que nous n'éludions pas ces problèmes majeurs pour l'accès thérapeutique et l'égal accès à l'innovation, dans notre pays et plus largement dans toute l'Europe.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Si vous êtes nommé directeur général de la HAS, vous aurez la responsabilité de veiller à la qualité du champ sanitaire, social et médico-social au bénéfice des usagers et d'éclairer la décision publique par des avis.

La HAS accompagne les professionnels de santé en produisant des recommandations de bonnes pratiques. Celles-ci sont très importantes pour améliorer la qualité des soins prodigués aux patients, mais bon nombre de professionnels ne les connaissent pas ou ne s'y réfèrent pas. Quelles actions pourriez-vous mettre en œuvre pour faciliter l'accès à ces travaux et leur utilisation ?

Par ailleurs, la France est en tête des pays les plus consommateurs de médicaments, antibiotiques, antidépresseurs, etc. Pour autant, nos concitoyens ne sont pas mieux soignés que dans d'autres pays. Une récente étude américaine montre que la prescription par les pharmaciens augmente la consommation au lieu de la diminuer. Afin d'éviter incidents, accidents et antibiorésistance, pensez-vous être en mesure d'influer sur la prescription, la consommation et l'automédication, en renforçant la sensibilisation, la prévention et l'éducation des usagers ?

Quelles actions seraient envisageables pour revoir le circuit de destruction des médicaments et mieux préserver l'environnement ?

Notre société est réfractaire à la vaccination, y compris chez les professionnels de santé, comme en témoignent les taux de couverture. La vaccination apporte pourtant une protection collective. Envisagez-vous des actions de promotion et de suivi de vos recommandations en la matière ?

Enfin, concernant le repérage des femmes victimes de violences intraconjugales par les médecins généralistes, l'étude lancée par la HAS préconise un questionnement systématique des femmes lors de la consultation. Pensez-vous qu'il soit possible d'ancrer celui-ci dans la pratique médicale ?

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J'ai été aide-soignant durant la plus grande partie de ma vie. Les services dans lesquels j'ai travaillé ont fait l'objet de contrôles des ARS. De mon expérience, je retiens que, dans leur forme actuelle, ces contrôles ne servent à rien. En effet, les établissements sont prévenus de la visite des inspecteurs. Cette annonce provoque un branle-bas de combat, afin de donner une bonne image du fonctionnement des services, qui ne reflète que rarement la réalité. Une fois nommé, pensez-vous pouvoir instaurer, par le biais de vos recommandations, des contrôles inopinés ? Notre groupe politique l'avait demandé dans une proposition de loi malheureusement rejetée par l'ensemble de l'hémicycle.

Quelques scandales ont récemment touché la HAS. Certains membres ont été accusés d'avoir omis de déclarer leurs liens financiers avec des laboratoires pharmaceutiques. Le Canard enchaîné a révélé l'existence d'un important conflit d'intérêts entre un ancien membre et un cabinet de conseil. Le Figaro a par ailleurs mis en évidence l'influence non négligeable des militants transactivistes au sein du groupe de travail chargé de formuler de nouvelles recommandations pour la prise en soin des personnes transgenres, remettant ainsi en question l'équilibre et l'objectivité nécessaires à la prise de décisions médicales éclairées. Comptez-vous prendre des mesures permettant d'éviter de potentiels conflits d'intérêts à l'avenir ? Avez-vous un avis concernant l'influence prépondérante des militants transactivistes au sein de la HAS ?

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La HAS est confrontée à des difficultés croissantes, en raison d'un budget insuffisant et d'un élargissement considérable de ses missions, d'abord en 2012, puis en 2018. Selon Lionel Collet, actuel président de la HAS, il manquerait 20 millions d'euros par an pour qu'elle fonctionne sereinement et qu'elle puisse pleinement accomplir ses missions.

La HAS met son expertise scientifique sur diverses thématiques de santé publique à la disposition des professionnels de santé grâce à des guides, des avis, des recommandations ou des évaluations. À titre d'exemple, nous pouvons citer le guide relatif à l'accompagnement des personnes atteintes de maladies neurodégénératives ou la note de cadrage concernant la prise en charge des personnes transgenres. Par ailleurs, la HAS évalue les médicaments, les dispositifs médicaux et les actes professionnels en vue de leur remboursement. Elle certifie aussi les établissements de santé.

Le 9 novembre, la HAS a voté un budget rectificatif entraînant une hausse de ses recettes de 10 millions d'euros et une réduction de moitié de son déficit. Celui-ci sera-t-il suffisant pour lui permettre d'assurer l'ensemble de ses missions et garantir l'indépendance de son expertise ? Au-delà de ces problèmes de financement, la HAS, qui occupe plus de 430 agents et fait appel à plus de 1 300 experts externes, se voit imposer un plafond d'emplois très contraignant. L'ancienne présidente de la HAS, Dominique Le Guludec, déplorait en avril un véritable déficit humain.

L'expertise scientifique de la HAS est très précieuse. Un tel déficit de ressources, financières et humaines, me paraît donc très problématique. Quelle politique mènerez-vous en matière de recrutement ? Que comptez-vous faire pour préserver le financement de l'institution ? Pensez-vous que les 10 millions d'euros supplémentaires sont suffisants ? Souhaitez-vous leur reconduction en 2024 ?

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La HAS contribue, par ses avis, à faciliter la décision publique. Elle accompagne les professionnels de santé dans l'amélioration continue de leurs pratiques cliniques, afin de prodiguer des soins plus efficaces, plus sûrs et plus efficients, dans les établissements de santé et en médecine de ville. Elle promeut également les bonnes pratiques et le bon usage des soins auprès des usagers. Je salue d'ailleurs la récente préconisation de la HAS visant à réaffirmer l'importance de l'engagement et de la participation des usagers.

Dans le cadre de l'élaboration de la stratégie nationale de santé 2023-2033, la HAS intègre la définition contemporaine de la santé, qui prend en compte non seulement le soin mais aussi les dimensions sociales et médico-sociales. Les évolutions de la société sont nombreuses. Nous nous félicitons que la HAS s'interroge à ce sujet, qu'elle associe les usagers et qu'elle prône une meilleure coopération entre les acteurs.

Une note de cadrage concernant le parcours de transition des personnes transgenres a été publiée en septembre 2022. Une publication définitive était prévue en septembre 2023. Des recommandations ont-elles d'ores et déjà été formulées et, le cas échéant, qu'en est-il de la prise en charge des mineurs, dont les demandes de transition augmentent ? Une question a été soulevée cet été à propos de la composition du groupe de travail. Le guide méthodologique de bonnes pratiques publié par la HAS prévoit une totale transparence dans ce domaine. Or, en l'espèce, cette règle n'a pas été respectée. Y a-t-il une raison particulière ? Ne pensez-vous pas que la publication des noms des membres des groupes de travail est souhaitable ?

Enfin, je souhaiterais évoquer la législation sur la fin de vie, que le Gouvernement envisage de faire évoluer. La HAS avait rédigé un guide à ce sujet en 2018, puis l'avait actualisé en 2020. Quelles sont les perspectives dans ce domaine ?

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Il n'a pas pu vous échapper que le contexte était très particulier. Une partie des députés s'apprête à voter une loi qui aura des conséquences en matière de santé publique et d'accès aux soins.

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Monsieur Delaporte, vous êtes orateur de groupe et cette loi n'est pas l'objet de notre audition. Je ne vous donne pas la parole pour cela et vais devoir couper votre micro.

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Madame la présidente, vous n'en avez pas le droit ! Laissez-moi gérer mon temps de parole ! Le texte qui va être voté ce soir comporte des articles relatifs à l'accès aux soins. J'ai le droit de poser des questions qui concernent la santé publique à la personne qui est auditionnée.

Monsieur Lessi, que pensez-vous des restrictions dans l'accès au titre de séjour spécifique pour les étrangers malades ? Qu'en sera-t-il des demandeurs d'asile qui seront déboutés et qui n'auront plus le droit à la protection universelle maladie ? Pensez-vous que l'adoption de cette loi aura des incidences sur la santé publique ?

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La HAS est une institution indépendante, scientifique, qui joue un rôle crucial dans l'amélioration de la qualité des soins. Elle évalue les médicaments, les dispositifs médicaux et les pratiques de santé, pour en assurer la pertinence et l'efficacité. Elle élabore des recommandations pour les professionnels de santé, contribuant ainsi à garantir une prise en charge optimale des patients.

Dans le cadre de ses missions, la HAS a eu à s'exprimer sur la politique de vaccination contre le papillomavirus (HPV) en France et, depuis 2019, a multiplié les recommandations fondées sur la rigueur scientifique. Pourtant, la récente campagne menée dans les établissements scolaires s'est heurtée à des résistances. Malgré son importance dans la prévention des cancers liés au HPV, les objectifs fixés n'ont pas été atteints. Les taux de vaccination ont même été particulièrement bas dans certains secteurs, notamment dans les établissements privés. Monsieur Lessi, en tant que futur directeur général de la HAS, comment envisagez-vous d'aborder ces défis de santé publique ? Quelles actions de communication et de sensibilisation permettraient d'assurer le succès de ces initiatives ?

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En préambule, je tiens à souligner qu'il est important de préserver la liberté d'expression de chaque député.

Le groupe Écologiste salue l'adoption par la HAS d'une feuille de route fixant un cadre opérationnel à la prise en compte de la santé environnementale dans ses travaux. La vulnérabilité croissante de la population face aux changements climatiques implique de prendre dès maintenant le virage de la prévention et de la préservation de la santé environnementale, la pollution étant l'un des premiers vecteurs de maladies chroniques.

Pour la première fois, le programme de la COP28 incluait une journée dédiée aux effets du changement climatique sur la santé humaine, mais celle-ci n'a débouché sur aucune proposition ambitieuse. Dans ce contexte, la HAS – qui, selon son projet stratégique, a d'ailleurs vocation à internationaliser davantage ses travaux – aura un rôle déterminant à jouer. Quelles actions envisagez-vous de mener dans le domaine de la prévention en santé environnementale, en particulier s'agissant de la prévention secondaire et tertiaire ?

Quelles sont vos propositions concernant la réduction des déchets à usage unique, l'objectif étant d'assurer la sécurité sanitaire sans être dans le tout-jetable ? Le secteur de la santé est par ailleurs l'un des principaux émetteurs de carbone en France. Il représente 8 % de l'empreinte carbone nationale. Ces quinze dernières années, la dérégulation du transport des médicaments au profit des laboratoires pharmaceutiques a entraîné une augmentation massive du trafic routier. Chaque année, 180 millions de kilomètres sont parcourus par les grossistes répartiteurs, sans aucune obligation de mutualisation des commandes par les pharmacies d'officine ou hospitalières. Si nous saluons votre démarche de renforcement des critères liés à la santé environnementale dans les référentiels des établissements de santé, nous aimerions savoir si vous comptez également vous investir dans la question du transport des médicaments.

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Je suis sidéré par l'incident qui vient de se produire. Monsieur Lessi, quand nous évoquons la qualité des soins, c'est bien de la qualité des soins pour tous qu'il s'agit. Je reprends donc à mon compte les questions posées par mon collègue Arthur Delaporte.

La téléconsultation est remboursée depuis 2018. Elle a connu un essor pendant l'épidémie de covid et se trouve aujourd'hui confortée par les pouvoirs publics eux-mêmes en raison de la désertification médicale. Des cabines de téléconsultation ont été installées hors des lieux de soins, dans des lieux publics ou commerciaux. Ne devons-nous pas craindre une désorganisation de l'offre de soins et surtout une dégradation de la qualité des soins et du suivi des patients, avec une confusion entre lieux de soins et de consommation ?

Que pensez-vous du développement d'une plateforme comme Doctolib ? Elle génère des profits importants, dispose de données de santé sensibles et engage une transformation des relations entre les soignants et les patients, ainsi que des parcours de soins.

Comment envisagez-vous de faire la part des choses entre la promotion des bonnes pratiques, qui est une mission de la HAS, et la protocolisation ou l'instrumentalisation des professionnels de santé ? La mise en place de certaines organisations de soins, notamment à l'hôpital public, est en effet mal vécue par les équipes.

Comment lutterez-vous contre l'automédication, dans un contexte de désertification médicale ? Comment ferez-vous pour déployer une politique du médicament – la même question se pose pour les dispositifs médicaux – qui soit moins tributaire des stratégies commerciales de Big Pharma ?

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Ma question concernait l'accès aux médicaments après leur évaluation par le Comité des médicaments à usage humain, mais elle a déjà été posée par M. Neuder.

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En 2019, face aux chiffres affolants annoncés par l'Observatoire national des violences faites aux femmes, qui indiquait qu'environ 213 000 femmes en France étaient victimes de violences physiques ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex-conjoint, la HAS a décidé de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes, notamment dans le cadre conjugal, l'un de ses chevaux de bataille.

Après étude, la HAS avait estimé que trois à quatre femmes sur dix pouvaient être victimes de violences conjugales dans la patientèle d'un médecin généraliste. L'une de ses principales missions étant de mesurer et d'améliorer la qualité de la prise en charge dans les hôpitaux, cliniques, cabinets de médecine de ville et établissements sociaux et médico-sociaux, elle a élaboré des recommandations pour inciter les médecins à questionner leurs patientes à propos d'éventuelles violences conjugales. Le 25 novembre, elle a publié les résultats d'une nouvelle étude montrant malheureusement le manque d'appropriation de ces recommandations par les professionnels de santé.

Si les patientes sont favorables à 96 % au questionnement systématique des médecins concernant leur vie conjugale, seulement 3 % des femmes disent avoir été interrogées à ce sujet au cours des dix-huit derniers mois. Après quatre ans de travail auprès des médecins, ce chiffre paraît très faible. Selon vous, que faut-il en conclure ? Ce chiffre traduit-il un manque d'information ou un manque d'engagement, malgré vos campagnes et celles du Gouvernement ? Quelles mesures supplémentaires permettraient de lutter plus efficacement contre ce fléau ? Envisageriez-vous la mise en place d'une stratégie commune avec l'État ?

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Monsieur Lessi, vous avez été serviteur de l'État pendant de nombreuses années, comme conseiller d'État. Vous serez nommé directeur général de la HAS par une autorité politique, ou du moins qui entretient des liens avec le pouvoir politique. Comment garantirez-vous l'indépendance de la HAS ? La crise sanitaire a montré que des tensions pouvaient exister. Nous devons donc disposer d'une HAS indépendante, en laquelle nos concitoyens puissent avoir confiance.

Dans votre présentation, vous avez souligné que la HAS avait de nouvelles missions, de plus en plus nombreuses, et vous avez indiqué que l'une de vos priorités serait la hiérarchisation des travaux. Quels seront vos critères pour l'effectuer ? Les défis que nous avons à relever en matière de santé publique sont nombreux. Ils concernent à la fois le vieillissement, la petite enfance, la désertification médicale, la bioéthique, les nouvelles technologies, etc. Si vous êtes nommé, quel sujet sera au cœur de vos préoccupations en vous rasant le matin ?

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L'une des missions de la HAS est d'évaluer les pratiques médicales et de les améliorer au bénéfice des usagers. Le dossier médical est un élément essentiel de la prise en charge. Il se doit donc d'être complet. Sa transmission entre les professionnels doit également être fluide. Or nous constatons de nombreux dysfonctionnements. Les médecins de ville, généralistes et spécialistes, qui sont théoriquement en liaison avec les médecins ayant réalisé des actes chirurgicaux par exemple ne reçoivent parfois les informations que de manière incomplète et souvent très tardivement. Il n'est pas rare qu'un généraliste découvre en consultation que son patient a été opéré il y a trois semaines de la vésicule biliaire ! Vous savez évaluer la qualité d'une cholécystectomie ou de l'ablation d'un nodule à la thyroïde, mais comment envisagez-vous d'évaluer la tenue du dossier médical et sa transmission ? L'amélioration des relations entre les professionnels et du fonctionnement des réseaux médicaux est pourtant nécessaire à notre système de santé.

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Plusieurs des orateurs précédents ont mentionné les questions de prévention. Elles me semblent essentielles, surtout face aux menaces sanitaires actuelles. J'en évoquerai deux : la sédentarité, qui touche notamment les plus jeunes dans des proportions inédites, et l'accoutumance aux réseaux sociaux, en particulier aux formats de vidéos courtes du type Reel sur Instagram ou TikTok. Quels seront vos axes de travail dans ces domaines, qui ont des conséquences sur le développement neuropsychologique des enfants et constituent des bombes à retardement sanitaires ?

Par ailleurs, la démographie médicale fait que nous sommes confrontés à une diminution du nombre de médecins dans la plupart des territoires, y compris les grandes villes. Beaucoup d'entre eux adoptent en outre un mode de fonctionnement à temps partiel, ne travaillant par exemple que quatre jours dans la semaine, ce qui complique l'accès aux soins. Comment la HAS appréhende-t-elle ce problème, qui, si nous n'agissons pas, aura probablement tendance à se généraliser ?

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Je fais miennes les questions de mon collègue Delaporte. Votre malaise autour de cette loi, qui reprend le programme du Front national, ne peut pas justifier la censure de sa parole !

Monsieur Lessi, 11 millions de nos concitoyens qui vivent dans le Val-de-Marne, en Picardie, en Auvergne, dans les outre-mer, en ville ou à la campagne se trouvent dans des déserts médicaux. Cela implique des difficultés à renouveler leurs ordonnances ou à consulter des spécialistes. Environ 6 % de la population réside à plus de 30 minutes d'un service d'urgence, dont la fermeture est de toute façon devenue la norme dans tout le pays. À force de fermer des lits, à force de dégoûter le personnel soignant, à force de coupes budgétaires qui tuent l'hôpital public, les patients attendent parfois des nuits entières sur des brancards !

Le 20 novembre, la HAS a publié le sixième bilan des événements indésirables graves associés aux soins (EIGS), définis comme des événements qui ne seraient pas survenus si les soins avaient été conformes à une prise en charge satisfaisante. Selon ce bilan, un tiers des EIGS sont liés à des défaillances dans l'organisation des soins. Les erreurs et retards de prise en charge constituent les motifs les plus fréquents. En 2022, 268 EIGS se sont produits dans les services d'urgence, dont 174 ayant entraîné le décès du patient.

Les statistiques ne reflètent pas totalement la dégradation de la prise en charge et les pertes des chances des malades. Monsieur Lessi, comment la HAS pourrait-elle mieux rendre compte de la qualité des services rendus par les établissements de santé et mieux faire respecter les droits des patients ?

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Le 4 avril, nous avons auditionné Dominique Le Guludec au sujet des pénuries de médicaments. Elle nous a indiqué que des messages d'alerte étaient envoyés aux praticiens par la HAS, afin de leur demander d'envisager des alternatives thérapeutiques. Elle a toutefois reconnu que l'efficacité de ce dispositif restait à prouver, en raison du manque de réactivité des éditeurs de logiciels. La question des pénuries de médicaments va pourtant devenir de plus en plus centrale. Pensez-vous sincèrement que les mesures mises en œuvre suffiront à long terme, alors que plus de 3 700 ruptures ou risques de rupture ont été signalés sur le sol français en 2022, selon l'ANSM ? À titre personnel, j'en doute.

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Le traitement des cancers relève de plus en plus d'une médecine de précision, reposant sur des cohortes réduites. Comment envisagez-vous de faire évoluer votre doctrine d'évaluation pour intégrer ces transformations et ne pas exclure des médicaments pouvant apporter une réponse à certaines pathologies ?

Puisque nous aurons des médicaments destinés à un nombre limité de personnes, peu de spécialistes seront compétents pour les évaluer. La manière dont nous apprécions les conflits d'intérêts en France risque donc de devenir problématique. D'autres pays ont surmonté cette difficulté, en renforçant la transparence mais sans s'interdire de faire appel à certains experts. Quelle est votre position à ce sujet ?

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La HAS a publié une étude formulant une liste de recommandations pour le repérage des femmes victimes de violences au sein du couple. Excusez-moi d'aborder un sujet qui a déjà été évoqué par certaines de mes collègues, mais les facteurs associés à la probabilité qu'une femme soit victime de violences m'ont interpellée. Sont notamment cités le handicap et la maladie de longue durée. Les professionnels qui suivent ces femmes, qui peuvent avoir du mal à s'exprimer ou à se faire comprendre, sont-ils suffisamment armés pour les accompagner en cas de violences conjugales ? Pensez-vous qu'il soit nécessaire de renforcer la formation initiale et continue ? Selon vous, quel serait le professionnel de santé le mieux à même de répondre aux besoins de ces femmes ?

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Permettez-moi de vous dire, madame la présidente, que j'ai été un peu surpris de votre réaction. Monsieur Lessi, je pense que vous répondrez tout de même aux questions de notre collègue Delaporte.

Il y a quelque temps, votre prédécesseur évoquait l'insuffisance des moyens dont disposait la HAS. Que ferez-vous pour que celle-ci puisse mener à bien ses missions et accompagner les professionnels dans l'amélioration continue des soins ?

Quelle communication envisagez-vous de mettre en œuvre ? Pendant la période du covid, celle-ci a pu troubler les professionnels de santé et plus largement celles et ceux qui attendaient la publication des avis de la HAS.

Je souhaite en tout cas que votre parcours à la tête de la HAS puisse être couronné de succès.

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Jean Lessi

Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à la HAS et, monsieur Califer, de vos vœux de succès.

Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, je dresserai, dès mon arrivée, un état des lieux. J'évaluerai les besoins, compte tenu des missions qui sont celles de la HAS aujourd'hui et des projections que nous pouvons effectuer, et j'essaierai de les chiffrer. Les demandes que je formulerai dans la perspective de la prochaine loi de financement seront ainsi étayées. Pour le moment, je suis étonné par le décalage entre le plafond d'emplois, la dynamique des moyens et l'ampleur des missions confiées à la HAS. L'une de mes priorités sera donc d'apprécier la réalité de cette situation.

Je commencerai par répondre au référent, M. Neuder. L'antibiorésistance n'est pas un sujet négligé par la HAS et par les autorités politiques. Vous avez également évoqué l'avis du HCSP. Dans le cadre de l'accréditation des médecins et des équipes médicales, la HAS est particulièrement attentive aux remontées concernant les infections associées aux soins. Elle travaille également sur les recommandations de bon usage des antibiotiques, ce qui rejoint l'enjeu de déploiement des logiciels. Je reviendrai tout à l'heure sur la lenteur et le caractère perfectible de celui-ci. En mars, la Commission de la transparence a fait évoluer sa doctrine, afin de prendre en compte le cas particulier des médicaments qui faciliteraient la lutte contre l'antibiorésistance. Cet élément a été identifié de manière spécifique pour la première fois.

S'agissant des délais moyens d'accès de la population à un médicament pris en charge par l'assurance maladie, la France se situe dans le milieu du peloton européen. Ils sont en effet de 497 jours, alors qu'ils s'élèvent à 133 jours en Allemagne. L'Italie est un peu meilleure que la France et l'Espagne un peu en retrait. Toutefois, pour les molécules innovantes, les procédures françaises d'accès précoce permettent de modifier la hiérarchie. Même si l'Allemagne reste devant, à 54 jours, nous descendons à 169 jours, laissant l'Italie et l'Espagne sensiblement derrière nous.

Une fois que l'autorisation de mise sur le marché est délivrée, il faut réaliser les évaluations médico-économiques, puis procéder à la négociation et à la publication du prix. Toutes ces étapes peuvent expliquer les délais. Pour ce qui relève de la HAS, ceux-ci sont en moyenne de 187 jours, ce qui excède la limite fixée par la directive. L'Allemagne ne la respecte pas non plus, à 220 jours. Toutefois, le délai médian, qui neutralise les cas extrêmes, est de 87 jours, et de 74 jours en prenant en compte l'accès précoce. Tout ne se résume pas à une avalanche de chiffres, mais il faut être précis sur ce qui est mesuré.

Je tenais à objectiver la situation et à rappeler que le délai moyen, toutes procédures confondues, ne pouvait pas résumer le travail des équipes et des experts. Cependant, je ne nie pas l'importance du problème. Lionel Collet a d'ailleurs annoncé que le renforcement de l'efficacité administrative était l'une de ses priorités.

En ville, l'ASMR V a un impact sur le prix, mais n'empêche pas la prise en charge. Je suppose que votre question concernait la liste en sus à l'hôpital. Historiquement, celle-ci n'était ouverte que jusqu'aux ASMR III. En 2021, elle a été élargie aux ASMR IV. Deux évolutions récentes de doctrine sont intervenues pour l'ASMR V. Depuis mars 2023, la Commission de la transparence distingue deux types d'ASMR V : celles relatives à des médicaments qui n'apportent pas d'amélioration et celles relatives à des médicaments dont nous ignorons s'ils pourront prouver qu'ils en apportent. S'agissant de cette seconde catégorie, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 prévoit la procédure d'accès précoce prolongé, afin de permettre une continuité de prise en charge au-delà du terme initialement prévu. L'efficacité de ce mécanisme devra toutefois être évaluée assez rapidement.

Pour ce qui est des actes de biologie délocalisée, je prendrai plus précisément connaissance du dossier lorsque je prendrai mes fonctions. Je vous apporterai une réponse écrite si vous le souhaitez. De manière plus générale, le Rihn est un chantier important pour la HAS. Il rejoint d'ailleurs la question des équivalents temps plein.

Au départ, le Rihn devait être provisoire. Il a ensuite été pérennisé et la loi ne l'a confié à la HAS que récemment. Il pose deux problèmes. Tout d'abord, les données d'évaluation des actes qui y sont inscrits sont insuffisantes. Le traitement administratif des actes se heurte par ailleurs à un goulot d'étranglement. La loi a fixé des délais, des procédures et des responsabilités. Une évaluation sera, là encore, nécessaire.

Afin d'améliorer l'appropriation des recommandations de bonnes pratiques par les professionnels de santé, la HAS a réuni, pendant trois ou quatre ans, une commission pluriprofessionnelle spécifique. Comme le président Collet l'a indiqué, celle-ci s'est appuyée sur une expertise issue des sciences humaines et sociales. Elle a émis ses recommandations il y a quelques mois. Elle a préconisé une nouvelle structuration de la communication, de nouveaux formats. Certains messages sont parfois un peu noyés, alors qu'ils correspondent à des besoins précis. Un plan d'action a été défini. Il faut maintenant le mettre en œuvre.

La France est en effet un pays fortement consommateur de médicaments. La HAS a émis de nombreuses recommandations dans ce domaine, ce qui rejoint la question de leur appropriation. Je vous renvoie donc au programme de travail défini à la suite des préconisations de la commission que je viens d'évoquer. Par ailleurs, la certification périodique des professions de santé pourra être l'occasion d'évoquer le colloque singulier entre le patient – qui est parfois le demandeur – et le professionnel. La formation initiale et continue doit probablement être renforcée pour en permettre une meilleure gestion.

S'agissant de l'impact du secteur de la santé sur l'environnement, vous avez rappelé l'existence de la feuille de route santé environnement de la HAS. Dans les référentiels de certification des établissements de santé et d'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux, la gestion des déchets constitue déjà un élément important. Une nouveauté a été introduite dans l'évaluation des dispositifs médicaux par la LFSS 2024. La commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, qui est la commission compétente de la HAS, pourra prendre en compte dans son avis le caractère adapté du conditionnement par rapport aux conditions d'utilisation projetées par exemple. Le cas échéant, elle pourra imposer des remises conventionnelles aux industriels, ce qui constituera une forme d'incitation financière. Pour le moment, cette disposition n'a pas encore été appliquée. Il faudra évaluer la manière dont elle le sera.

L'acceptation de la vaccination est un défi que nous devons relever. Je suis très attaché à la lutte contre cette défiance que j'ai évoquée dans mon propos liminaire. Dès mon arrivée à la HAS, j'analyserai les mesures qui sont mises en œuvre en ce sens. Néanmoins, même s'il ne s'agit pas d'un vaccin, il existe parfois de bonnes surprises. Nous n'avions pas anticipé le taux d'adhésion au Beyfortus, indiqué dans la prévention des bronchiolites, par exemple.

La question du repérage des femmes victimes de violences conjugales m'a été posée à plusieurs reprises. Vous avez rappelé les résultats d'une étude menée récemment par la HAS pour évaluer l'application de ces recommandations par les professionnels. Les chiffres peuvent en effet paraître très faibles, puisque seulement 3 % des femmes – un peu plus en prenant en compte uniquement les médecins traitants – ont été interrogées spontanément lors d'une consultation. Nous sommes très loin de l'objectif. En revanche, alors que nous pouvions craindre un décalage entre le besoin réel et le besoin ressenti, cette étude confirme l'acceptation de la démarche par 96 % des femmes. Nous ne disposons de ces résultats que depuis novembre. Nous en tirerons des enseignements, afin de mieux toucher les professionnels par nos messages. Ce travail sera évidemment mené en partenariat avec eux.

Je ne peux pas vous répondre concernant les contrôles des ARS, qui ne sont pas dans le champ de compétences de la HAS.

Concernant la gestion des conflits d'intérêts, vous avez évoqué des scandales. Si vous pouvez me transmettre des précisions par écrit, je vous répondrai.

Les déclarations d'intérêts visent à assurer la transparence en matière de liens d'intérêt, mais ceux-ci ne constituent pas forcément des conflits. Ce sont ces derniers qu'il faut éviter. La HAS a été l'une des premières autorités sanitaires en Europe à se doter d'un guide de détection des conflits, en fonction de l'ancienneté des liens d'intérêts, de leur intensité ou de leur nature. Il peut exister des difficultés, qui débouchent parfois sur des contentieux. Par rapport aux volumes de travaux de la HAS, les situations problématiques restent rares, même si nous devons œuvrer à ce qu'elles ne se produisent pas. Le déontologue de la HAS, M. Gelli, réalise un travail remarquable dans ce domaine.

S'agissant du groupe de travail relatif à la prise en charge de la transition de genre, les travaux sont en cours et devraient déboucher sur des recommandations au premier semestre 2024. Des recours, y compris auprès de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada), ont été déposés à propos de sa composition. La HAS n'a pourtant pas appliqué de doctrine particulière. Les noms des membres des groupes de travail ne sont rendus publics qu'à l'issue de leurs travaux, afin d'éviter toute pression extérieure. En l'occurrence, la presse a largement relayé le contexte et le fait que certaines personnes pouvaient être mises en danger. Je crois qu'un litige est en cours devant le tribunal administratif de Montreuil à la suite d'une saisine de la Cada. Je ne peux donc pas me prononcer tant que le juge n'a pas rendu sa décision.

La question des 20 millions d'euros évoqués par Lionel Collet a été résolue pour le moment, grâce au rebasage opéré par la loi LFSS 2024. Reste à traiter les sujets de maîtrise des coûts, de budgets nécessaires pour le fonctionnement de la HAS à l'avenir et surtout de plafond d'emplois.

Si une nouvelle loi est adoptée concernant la fin de vie, la HAS interviendra probablement, ne serait-ce que pour évaluer les produits qui seraient utilisés. Il est toutefois trop tôt pour que je me prononce à ce sujet. La HAS a déjà produit de nombreux travaux, notamment des recommandations sur la mise en œuvre de la sédation prolongée et continue issue de la loi Claeys-Leonetti de 2016 ou des recommandations sur la fin de vie en établissement social et médico-social dans le contexte du covid, mais ceux-ci s'inscrivent dans le cadre législatif actuel.

S'agissant du papillomavirus, vous avez rappelé les enjeux de santé publique. La HAS a affirmé la pertinence de la vaccination. Toutefois, même si celle-ci doit relayer les messages auprès des professionnels et accompagner la démarche, elle n'est pas en charge de l'organisation des campagnes de vaccination.

Dans sa feuille de route santé-environnement, la HAS souligne que les efforts doivent être accentués en matière de prévention secondaire et tertiaire. Les messages restent trop centrés sur la prévention primaire. Puisque la question de la sédentarité a été évoquée, je profite de l'occasion pour inviter tous ceux qui, comme moi, sont souvent assis à prendre connaissance des recommandations formulées à ce sujet. Elles sont utiles et très pratiques. Elles peuvent intéresser tous les citoyens et ne s'adressent pas qu'aux professionnels de santé.

Depuis 2011, la HAS est attentive aux recommandations concernant les traitements non médicamenteux, à partir du moment où ils se fondent sur des preuves, ce qui est le cas en matière d'activité physique. La loi permet d'ailleurs une prescription large de l'activité physique adaptée. Dans le cas de certains cancers, la LFSS 2024 prévoit une expérimentation qui s'accompagne d'une prise en charge par le fonds d'intervention régional. La HAS y est très favorable et encourage ces initiatives.

Nous assistons à un bouleversement du secteur de la téléconsultation. De nouveaux modèles économiques, auxquels nous devons être attentifs, apparaissent. La HAS mène actuellement des travaux sur les lieux de téléconsultation, afin de préciser les conditions qui lui semblent nécessaires d'un point de vue médical. Ils devraient déboucher de manière imminente. Un autre chantier concerne l'agrément des sociétés de téléconsultation, qui fournissent le matériel et les salariés assurant les prestations. La HAS a déjà adopté un référentiel de bonnes pratiques en 2022.

Vous avez évoqué l'exploitation des EIGS. La HAS a récemment publié une fiche flash précisant les points d'attention à ne pas négliger en téléconsultation. Les principales questions que doivent se poser les professionnels en matière d'adéquation de la téléconsultation et d'orientation des patients sont résumées en deux pages.

La question des stratégies médicamenteuses des grands acteurs de l'industrie pharmaceutique ne relève pas directement de la HAS, qui est une autorité d'expertise scientifique. Néanmoins, ses avis sur le service médical rendu ou l'ASMR, qui ont un impact sur les prises en charge et sur les prix, sont l'un des éléments de l'écosystème. Celui-ci est en profonde mutation, comme le montre le rapport de la mission sur la régulation et le financement des produits de santé. Le marché français et l'ensemble des marchés européens sont de moins en moins pilotes. En revanche, le poids du marché américain s'accroît. Les marchés asiatiques jouent également un rôle croissant.

L'indépendance est une obligation déontologique pour tout agent public, en particulier dans des fonctions comme celles que j'ai occupées au Conseil d'État. C'est à ça que je pense tous les matins quand j'arrive à mon travail ou, pour reprendre votre expression, en me rasant. Au-delà de cette obligation déontologique, l'indépendance est également garantie par la collégialité. Là aussi, je le constate au Conseil d'État, aussi bien dans les missions juridictionnelles que dans le rendu des avis sur les projets et propositions de loi ou sur les projets de décret. Enfin, l'indépendance repose sur la gestion des liens et des conflits d'intérêts.

Certains experts ne peuvent pas faire partie de groupes de travail en raison de leurs liens d'intérêts, mais la HAS peut les auditionner, notamment s'il existe peu de spécialistes du sujet. L'important est de faire preuve de transparence.

En ce qui concerne l'augmentation du nombre de médecins qui exercent à temps partiel, le problème est celui de la démographie médicale dans les territoires. C'est un vaste sujet, qui n'est pas dans le champ de compétences de la HAS. Dans mes fonctions actuelles à la section sociale du Conseil d'État, je constate toutefois qu'il existe de nombreuses initiatives pour essayer de trouver des solutions. La téléconsultation peut en être une.

Je voudrais revenir sur le bilan des EIGS, publié en novembre. Nous sommes confrontés à un fort taux de sous-déclaration. Nous recensons un peu moins de 3 000 EIGS, alors que les évaluations qui ont été réalisées laissent penser que l'ordre de grandeur est plutôt de quelques centaines de milliers. Nous devons donc améliorer la remontée de ces informations, que la HAS reçoit de manière anonymisée. Les retours d'expérience sont très précieux pour améliorer les pratiques. Ils permettent notamment de rédiger les nouveaux contenus flash, que j'ai évoqués tout à l'heure.

S'agissant des pénuries et des messages d'alerte, il convient de rappeler que les éditeurs de logiciels d'aide à la prescription ou d'aide à la dispensation peuvent être certifiés, mais que ce n'est plus une obligation. Elle existait précédemment, mais la Cour de justice de l'Union européenne a jugé cette disposition contraire au droit européen. La réglementation sur les dispositifs médicaux ne laisse pas d'espace à une certification. Celle-ci ne peut donc être que facultative.

Quand la HAS fait du relais de ses recommandations une condition de la certification, elle ne peut toucher que les éditeurs qui s'inscrivent dans cette démarche. Or ils ne représentent que 30 % du marché pour les logiciels d'aide à la prescription et beaucoup moins pour les logiciels d'aide à la dispensation. Pour améliorer la situation, nous devons donc travailler en partenariat, dans un contexte qui restera néanmoins incitatif.

Je pense avoir répondu à l'ensemble de vos questions et, à cette occasion, vous avoir apporté quelques précisions concernant l'impact réel des recommandations formulées par la HAS.

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Je vous remercie, monsieur Lessi, d'avoir pris le temps de répondre point par point aux questions qui vous ont été posées.

La réunion s'achève à dix-neuf heures trente.

Présences en réunion

Présents. – M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Chantal Bouloux, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, Mme Josiane Corneloup, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Servane Hugues, Mme Caroline Janvier, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, Mme Christine Loir, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, M. Jean-François Rousset, M. Emmanuel Taché de la Pagerie

Excusés. – M. Éric Alauzet, M. Joël Aviragnet, Mme Caroline Fiat, Mme Justine Gruet, Mme Sandrine Josso, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist

Assistaient également à la réunion. – M. Fabien Di Filippo, M. Michel Lauzzana, M. Jean-Luc Warsmann