Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 20 décembre 2023 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission examine la proposition de loi pour un soutien pérenne de la filière musicale française (n° 1885) (M. Erwan Balanant, rapporteur).

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La proposition de loi (PPL) pour un soutien pérenne de la filière musicale française est inscrite à l'ordre du jour de la séance publique du 18 janvier 2024, réservé au groupe MODEM. Nous avons déjà eu un débat sur cette question la semaine dernière, lors de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Deux articles, 5 vicies A et 5 vicies B, avaient été introduits au Sénat pour instituer une taxe affectée très proche de celle proposée par la présente PPL. Le Gouvernement a fait le choix de retenir dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture l'article 5 vicies B, qui institue une telle taxe avec un taux de 1,2 % et une assiette limitée à la fraction des recettes des services de location et de diffusion en ligne supérieure à 20 millions d'euros.

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Conçu pour devenir la maison commune de la musique, le Centre national de la musique (CNM) a dû faire face, dès sa création en 2020, aux conséquences de la crise sanitaire. Ses interventions, largement saluées par la filière musicale, ont ainsi été financées en grande partie par des crédits exceptionnels versés par le ministère de la culture ; cela a conduit son schéma de financement à s'écarter significativement du modèle initialement imaginé. Le CNM a un rôle clef à jouer dans le cadre d'une politique ambitieuse, définie à la sortie de la crise sanitaire, ayant pour objectif de porter la France en tête de la production de contenus culturels et de faire vivre l'exception culturelle française.

Le sénateur Julien Bargeton a été chargé de définir une stratégie de financement de la filière musicale en France, favorisant le développement international et la diversité de la création. Je tiens à saluer son travail remarquable sur ce sujet. Il ressort de son rapport que 30 à 40 millions d'euros supplémentaires doivent être alloués au CNM pour lui permettre de remplir ses missions. Plusieurs pistes ont été esquissées pour mobiliser ces moyens nouveaux.

Plutôt qu'une augmentation de la contribution budgétaire versée par l'État au CNM ou l'affectation à son profit d'une fraction de la taxe sur les services numériques, l'institution d'une taxe sur la consommation de musique en flux est apparue comme la solution la plus adaptée. Néanmoins, à la faveur des concertations entre le Gouvernement et les acteurs de la filière musicale, l'idée d'une contribution volontaire versée par les plateformes a pu être envisagée comme une solution alternative. En dépit des efforts déployés par le ministère de la culture et alors que les discussions se sont poursuivies jusqu'au dernier moment, les plateformes ne sont toutefois pas parvenues à trouver un accord pour financer le CNM à hauteur de plus de 8 millions d'euros. Comme M. Bargeton, j'estime que la voie de la contribution volontaire n'était pas la plus adéquate. Même dans l'hypothèse d'un accord, elle reposait sur la bonne volonté de l'ensemble des acteurs et pouvait être remise en cause à tout moment.

L'instauration d'une taxe sur le streaming musical ne présente pas cet écueil et permet en outre de rééquilibrer le modèle de financement du CNM. Ce dernier bénéficie actuellement de trois sources pérennes de financement : des crédits budgétaires à hauteur de 27 millions d'euros, la contribution des organismes de gestion collective (OGC) et, pour un montant compris entre 30 et 35 millions d'euros, une fraction du produit de la taxe sur les spectacles de variétés. Une taxe sur le streaming permettrait de faire contribuer le secteur de la musique enregistrée au même titre que le spectacle vivant. C'est le sens de cette proposition de loi, déposée dans un contexte bien particulier qui, comme vous le savez, a évolué la semaine dernière.

L'article 1er prévoit la création d'une taxe assise sur les revenus des plateformes issus des abonnements qu'elles proposent ainsi que des contreparties qu'elles perçoivent pour la diffusion de messages publicitaires. Il prévoit un double mécanisme de progressivité, avec des taux compris entre 0 % et 1,75 % en fonction du niveau de revenus des plateformes et un taux réduit temporaire applicable aux sociétés réalisant moins de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, le Sénat a adopté deux amendements créant une taxe de même nature ; le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture prévoit quant à lui l'instauration d'une taxe ayant une assiette similaire, à laquelle s'applique un taux unique de 1,2 %. Je salue cette évolution depuis la première lecture. J'ai toutefois estimé nécessaire que nous discutions de cette proposition de loi car nous n'avons pas pu vraiment débattre de ce sujet la semaine dernière. J'ai également voulu m'assurer que, même si les paramètres des deux taxes sont différents, le schéma de financement du CNM ne serait pas remis en cause par l'instauration de celle prévue dans le PLF. Il m'a été confirmé que le taux de 1,2 % permettrait d'obtenir au moins 15 millions d'euros de recettes affectées, auxquels s'ajoutent les 3 millions d'euros versés par les OGC. Au total, le financement serait donc suffisant.

Un taux unique a l'avantage de la simplicité et permet de traiter de manière identique l'ensemble des plateformes. Cela garantit la conformité de la taxe aux règles européennes en matière d'aides d'État et aux engagements pris par la France dans le cadre du pilier 1 de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), visant à modifier l'imposition des entreprises du secteur numérique.

Pour que le dialogue soit le plus abouti possible, j'ai rencontré les acteurs du secteur. Les arguments des opposants à cette taxe sont connus : elle pourrait remettre en cause le modèle économique des plateformes, qui ne dégagent pas encore toutes des bénéfices, et pourrait être perçue comme un impôt injuste car ne frappant qu'une partie des acteurs du secteur de la musique enregistrée. Les plateformes font également valoir qu'elles reversent 70 % de leur chiffre d'affaires à leurs ayants droit. Il est vrai que leur modèle économique implique qu'elles investissent massivement et sur une longue durée avant de dégager des bénéfices. Elles enregistrent cependant des chiffres d'affaires considérables, compris entre 450 millions d'euros pour les plus petites et plusieurs milliards pour celles qui se déploient au niveau mondial. En outre, d'autres diffuseurs, comme la radio ou la télévision, sont assujettis à des taxes spécifiques ou à des modèles de régulation qui contraignent leur modèle économique et qui ne trouvent pas à s'appliquer aux plateformes. Je ne pense donc pas que cette taxe supplémentaire puisse entraîner la disparition de ces acteurs, qui ont joué, ne l'oublions pas, un rôle déterminant dans le redressement de l'industrie de la musique enregistrée après la crise du disque – le modèle conçu par les plateformes permet au secteur musical de vivre.

Une incertitude demeure toutefois quant à la façon dont cette taxe sera répercutée. Cela dépendra en grande partie du contenu des contrats passés entre les plateformes et leurs ayants droit – principalement les maisons de disques. Même s'il est encore trop tôt pour en être certain, je ne pense pas qu'elle se traduira par un renchérissement du coût des abonnements.

Il convient de rappeler qu'elle portera sur une assiette très large qui, pour certaines entreprises, est déjà soumise à la taxe sur les services numériques ou à la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels sur la diffusion en vidéo (TSV). Même si son taux peut paraître faible, ne sous-estimons pas l'effort qui est ainsi demandé aux plateformes.

Lors des débats ultérieurs sur cette taxe, nous pourrons nous appuyer sur les travaux menés dans le cadre de la préparation de cette PPL. Si besoin, le taux et l'assiette pourront être adaptés, afin d'assurer un financement pérenne de la filière musicale. Compte tenu de l'intégration de la taxe dans le PLF, le présent texte n'a plus lieu d'être et je le retirerai après notre discussion générale. Il me semblait toutefois important que nous débattions de ce sujet aujourd'hui.

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L'article 5 vicies B du PLF pour 2024 tel qu'adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale prévoit l'institution d'une taxe sur le streaming musical au taux de 1,2 %, assise sur le chiffre d'affaires des plateformes. Comme je l'ai déjà indiqué, j'y suis favorable : je rejoins, moi aussi, les conclusions du rapport de M. Bargeton sur la nécessité de donner au Centre national de la musique les moyens d'une politique ambitieuse pour la filière musicale. En dépit du dialogue engagé par le Gouvernement avec les plateformes de streaming, aucun accord n'a pu être trouvé sur le montant d'une contribution qu'elles auraient versée volontairement. Il me semble logique que nous en tirions les conclusions en revenant à la solution qui avait été envisagée dès le départ.

En aucune manière, cette taxe ne doit remettre en cause la pérennité des plateformes, dont je voudrais saluer le travail : faisant partie de la génération qui a assisté au basculement des supports physiques vers le streaming musical, je sais qu'il n'était pas gagné d'avance que le modèle payant devienne le modèle dominant pour la distribution de la musique. Il est aujourd'hui essentiel, en particulier pour les auteurs-compositeurs.

L'examen de votre proposition nous permet d'analyser plus précisément la question de l'assiette et du taux de la taxe. Je partage le souci qui a été le vôtre de trouver une solution de financement pérenne pour le CNM tout en préservant le modèle économique des plateformes – peu d'entre elles dégagent des bénéfices –, notamment de l'entreprise française Deezer. Comme vous l'avez souligné, la mise en place d'un barème progressif peut toutefois soulever une difficulté au regard de nos obligations européennes en matière d'aides d'État. La solution retenue dans le cadre du PLF, avec un taux légèrement inférieur à 1,75 % mais exempt de mécanisme de progressivité, permet de sécuriser le dispositif en évitant toute discrimination qui aurait pu générer un contentieux. En dehors du taux, la taxe a une assiette relativement large puisqu'elle frappe le chiffre d'affaires des plateformes. Il apparaît qu'elle devrait également concerner les géants du numérique que sont les Gafa mais aussi YouTube et TikTok : nous devons être attentifs à ce que ces entreprises paient effectivement leur contribution.

S'agissant du rendement de la taxe, je constate que le dispositif de votre proposition de loi et celui prévu par le projet de loi finances permettent d'atteindre un montant similaire, aux alentours de 15 millions d'euros. Ce montant, qui correspond à l'objectif initial, est celui qui a permis au CNM de définir un budget pour 2024 la semaine dernière.

Votre proposition de loi contribue utilement à compléter et à préciser le débat relatif à la taxe qu'il est proposé d'instituer. Elle a atteint son objectif, qui consistait à créer les conditions nous permettant de parvenir à une solution satisfaisante de financement du CNM avant la fin de l'année.

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Lors de l'examen du PLF pour 2024 en nouvelle lecture, j'ai voté pour l'amendement instaurant cette taxe : j'estime, à ce stade, que c'est mieux que rien. Je voudrais néanmoins faire remarquer à nos collègues de la majorité qu'il est paradoxal de créer une taxe sur le streaming après avoir supprimé la redevance télé, dont les recettes étaient également fléchées et qui présentait les mêmes défauts – absence de progressivité et non-prise en compte du volume consommé. Les arguments qui ont prévalu lors de la suppression de la redevance disparaissent lorsque l'on parle de taxe sur le streaming : il y a là une contradiction !

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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La création du Centre national de la musique, en 2020, a répondu à une forte demande des professionnels de la filière : ceux-ci souhaitaient disposer d'un opérateur capable de coordonner et de promouvoir une politique publique ambitieuse et efficace en faveur de la création musicale française. Les ressources du CNM demeurent cependant limitées, ce qui met en péril la viabilité d'un modèle que nous avons pourtant contribué à établir lors de notre dernier mandat. Le CNM est principalement financé par trois types de ressources : un financement de l'État, une taxe sur la billetterie des spectacles musicaux et de variétés – dont le produit s'est effondré en 2020-2021 –, et une contribution marginale des organismes de gestion collective initialement évaluée à 7 millions d'euros mais ramenée à 1,5 million d'euros du fait de la crise sanitaire et de la jurisprudence européenne.

Dans son rapport relatif à la stratégie de financement de la filière musicale en France, M. Bargeton avait suggéré, pour permettre au CNM d'exercer pleinement ses missions, la création d'une taxe spécifique sur la musique enregistrée diffusée sur les plateformes de streaming. Celles-ci constituent aujourd'hui le segment le plus dynamique de l'industrie musicale. La proposition a été soutenue par le Président de la République, mais possibilité a d'abord été laissée aux plateformes de trouver un accord entre elles. Après échanges et discussions approfondies, plusieurs solutions ont été envisagées, comme la contribution volontaire des plateformes, mais aucune ne présentait de garanties suffisantes pour assurer un financement pérenne du CNM. C'est pourquoi, avec mes collègues parlementaires de la majorité, nous avons déposé lors de l'examen du PLF un amendement prévoyant une taxation progressive des plateformes et des labels.

Après l'examen du budget au Sénat, le Gouvernement a finalement retenu et modifié un amendement instaurant une taxe streaming fixée initialement à 1,5 % du chiffre d'affaires réalisé en France. Cette solution offre davantage de sécurité juridique que la progressivité et permettra de récolter les 15 millions d'euros nécessaires à un financement pérenne du CNM.

Les parlementaires du groupe Renaissance saluent cette mesure, tout en reconnaissant les efforts demandés à certaines plateformes. La proposition de loi étant satisfaite, nous nous serions abstenus au cas où elle aurait été maintenue.

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La taxe prévue par la présente PPL a pour objectif affiché le financement du CNM. Trois scénarios avaient été envisagés : la création d'une taxe sur les plateformes de streaming – y compris celles de taille intermédiaire, comme Deezer et Spotify –, une contribution de 7 % des plateformes de streaming gratuit sur leurs revenus publicitaires ou bien une contribution volontaire dont le caractère réaliste a été remis en question.

Le scénario que vous avez choisi, monsieur le rapporteur, semble méconnaître les difficultés des plateformes de streaming – dont il faut rappeler qu'elles ont, dans les années 1990-2000, sauvé les auteurs du piratage mortifère de leurs œuvres. Par rapport au spectacle vivant, elles ont en effet des contraintes supplémentaires : une TVA à 20 %, l'obligation d'une juste rémunération des créateurs et aucune aide publique. Ce modèle économique est à ce jour largement déficitaire et Spotify, qui en est l'un des acteurs les plus importants, vient de licencier 17 % de ses salariés, soit 1 500 personnes. En outre, toutes les plateformes ont décidé d'augmenter le prix de leurs abonnements de 20 % et promettent de répercuter la nouvelle taxe sur leurs clients. Souhaitons-nous jeter les usagers de la musique dans les bras du streaming illégal et revenir à un modèle qui piétine la création ?

Il existait pourtant une autre solution, équilibrée : une contribution des diffuseurs de contenus musicaux gratuits tels que YouTube et TikTok à hauteur de 7 % de leurs revenus publicitaires. Ces plateformes, qui participent peu à la création musicale et à la rémunération des auteurs, auraient été en mesure de l'assumer. Cette solution n'ayant pas été retenue, le groupe Rassemblement national a prévu de s'abstenir.

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L'objectif de cette proposition de loi est louable : la taxe qu'elle prévoit d'instaurer participerait au financement du Centre national de la musique, une structure créée en 2020 ayant prouvé son efficacité pendant la crise du covid. Toutefois, nous ne pensons pas qu'une taxe supplémentaire sur les plateformes de streaming constitue une solution pérenne.

Ces plateformes sont déjà soumises à plusieurs taxes : la TVA à 20 %, la taxe sur les services numériques à 3 % et la TSV à 5 %. La nouvelle taxe pénalisera les deux acteurs qui participent le plus au financement de la création musicale française, Deezer et Spotify, des entreprises européennes qui reversent déjà 70 % de leurs revenus aux auteurs, artistes, éditeurs et producteurs. Deezer, la plateforme française, en sera même la principale victime, alors qu'elle doit faire face à la rude concurrence de nouveaux entrants comme TikTok, qui happent les audiences sans rémunérer de manière juste les ayants droit. Deezer et Spotify risquent d'arrêter d'investir en France. Au mieux, elles gèleront leurs effectifs ; au pire, elles les réduiront. Si elles ne parviennent pas à absorber cette taxe, elles pourraient aussi augmenter le prix des abonnements pour les utilisateurs finaux. Pour rappel, Deezer a enregistré 50 millions d'euros de pertes en 2022.

À l'inverse, les géants mondialisés comme Meta, TikTok et Google, dont la musique ne représente qu'une partie de l'activité et qui ne financent nullement la création, seront très peu affectés. Il n'est pas certain non plus que, forts de leurs armées de juristes, ils payeront réellement cette taxe – de la même façon que, huit ans après sa création, nous ne sommes pas certains qu'ils s'acquittent de la TVS. Pour toutes ces raisons, les Républicains ont prévu de ne pas voter en faveur de cette proposition de loi.

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L'objectif de la « taxe streaming » est d'assurer un complément de financement au Centre national de la musique. Dans son dernier budget, le CNM était financé à 55 % par des ressources exceptionnelles et, dans un contexte de sortie de crise, la recherche des nouvelles ressources financières pérennes est devenue un enjeu crucial. À défaut, il pourra difficilement embrasser son ambition originelle, à savoir devenir la maison commune de la musique.

Parmi les différentes pistes étudiées, le choix d'une contribution obligatoire semble le plus pertinent, car cette taxe permettra tout à la fois de cibler très précisément le secteur musical, rendant possible son affectation au CNM, et de rééquilibrer les sources de financement entre spectacle vivant et musique enregistrée, sans dégrader la situation des finances publiques.

Le groupe Démocrate salue l'annonce faite par le Gouvernement d'instaurer cette taxe dès 2024. Néanmoins, la version qui a été adoptée en nouvelle lecture, à la suite du recours au 49.3, pourrait être améliorée par plusieurs dispositifs techniques contenus dans la proposition de loi concernant le montant de la taxe et sa progressivité.

En tant qu'élu de la ruralité, je rappelle que le CNM finance les contrats de filière musiques actuelles dans nos territoires, assurant ainsi la tenue de festivals en milieu rural et dans les territoires faiblement couverts en offre culturelle. Chaque année depuis vingt ans se tient, dans ma petite ville de 3 000 habitants, le festival « Au fil du son ». Il présente seize artistes de renommée mondiale et réunit 30 000 personnes – 10 000 personnes tous les soirs, en milieu rural ! Le CNM soutient également l'accompagnement aux jeunes artistes. Pour toutes ces raisons, il convient de pérenniser son financement.

Le groupe Démocrate est favorable à cette proposition de loi.

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Après plusieurs mois de négociations et de tensions avec les plateformes de streaming, le Gouvernement a enfin annoncé la mise en place d'une taxe pour financer le CNM, taxe que nous réclamions depuis plus d'un an. Les contributions volontaires des plateformes n'étaient en effet pas viables et mettaient en danger l'avenir du tout récent CNM. Le financement de ce dernier ne peut pas dépendre du bon vouloir des plateformes, notamment des Gafa, qui peuvent y mettre fin du jour au lendemain et sans préavis. Il n'était pas envisageable qu'un établissement public chargé d'appliquer la politique publique de soutien à la musique soit financé de la sorte.

L'alliance des principales plateformes de streaming, opposées à ce projet, avec les majors de la musique illustre leur refus de toute mutualisation de la filière au profit de tous. Le Gouvernement, en ne retenant qu'un taux de 1,20 % sur le chiffre d'affaires des plateformes, fait preuve d'un manque d'ambition. Nous le regrettons vivement, car le Sénat avait retenu le taux de 1,75 % que nous réclamions initialement dans le PLF pour 2024. Nous déplorons donc le retrait de ce texte, qui reste plus ambitieux que la mesure envisagée par le Gouvernement, et appelons ce dernier à revoir les taux.

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Nous saluons l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de la niche MODEM. L'instauration d'une contribution sur les plateformes de streaming musical est évoquée depuis longtemps par les acteurs de la filière, sans que cela ait été concrétisé. Le Gouvernement a annoncé, le 15 décembre dernier, et conformément à l'engagement pris par le Président de la République lors de la fête de la musique en 2023, que cette contribution versée par les plateformes entrerait bien en vigueur en 2024, faute d'accord entre les différents acteurs de la filière sur une contribution qui aurait pu être volontaire. Le projet de loi de finances définitivement adopté hier prévoit donc que cette taxe sera instaurée le 1er janvier prochain, avec un taux de 1,2 % et un rendement estimé à 18 millions d'euros par an.

L'inscription dans le projet de loi de finances pour 2024 présente l'avantage d'une mise en œuvre rapide par comparaison avec la proposition de loi ici présentée, dont le parcours législatif aurait nécessairement duré plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Je veux conclure en remerciant sincèrement le rapporteur pour son travail sur le financement de la production musicale française. Je le remercie également d'avoir d'ores et déjà annoncé le retrait de ce texte, celui-ci étant désormais satisfait.

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La bonne santé du secteur musical masque des réalités disparates selon les esthétiques musicales, dont certaines peinent encore à trouver un équilibre commercial, à l'image de la musique classique et contemporaine ou encore du jazz. La préservation de la diversité des esthétiques musicales et l'accès aux contenus nécessitent une intervention de la puissance publique, afin de mettre les plus grandes réussites commerciales à contribution au bénéfice de l'ensemble de la filière. C'est le rôle que peut jouer le Centre national de la musique, sur le modèle du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ou du Centre national du livre (CNL).

Le CNM est venu combler une forte attente des professionnels de la musique. Toutefois, la pandémie a grandement affecté les ressources qu'il tire de la taxe sur la billetterie des spectacles musicaux et de variété. Ce mode de financement s'avère donc trop aléatoire. Sur une proposition de l'Union des producteurs phonographiques français indépendants, le groupe Écologiste défend, depuis le PLF 2023, l'instauration d'une contribution à faible montant sur le chiffre d'affaires des plateformes de streaming, dont les prévisions de croissance sont très importantes, afin de financer le CNM.

Par ailleurs, les rémunérations plus faibles des artistes diffusés en streaming incitent à dégager des recettes permettant de financer une politique publique de soutien à la filière. Même si nous regrettons que l'introduction de cette mesure dans le projet de loi de finances ait été réalisée sans débat, en raison du recours au 49.3, nous saluons la création de cette contribution pérenne, qui permettra de dégager 15 millions d'euros chaque année. En dépit du « zéro nouvel impôt » promis pour ce quinquennat, la majorité retrouve enfin la vertu et le chemin de l'impôt. Oui, il est normal que la puissance publique mette en place des taxes pour financer des politiques publiques utiles. Cette taxe sur les plateformes de streaming est donc bienvenue et nous la soutiendrons.

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Lors de la dernière fête de la musique, le Président de la République s'est dit favorable à l'instauration d'une taxe de 1,75 % sur le streaming musical pour compléter le financement du Centre national de la musique. Cette prise de position faisait suite au rapport de l'ancien sénateur de la majorité, Julien Bargeton, ainsi qu'à la proposition des organisations du spectacle vivant. Le groupe GDR a défendu cette dernière sous la forme d'un amendement au PLF, l'année dernière, et de nouveau cette année avec, cette fois-ci, un soutien beaucoup plus large au sein de notre assemblée.

Cette taxe est souhaitée par l'ensemble de la filière, exception faite, naturellement, des plateformes de streaming. Elle est particulièrement attendue par le CNM, dont les ressources sont menacées car reposant sur la billetterie du spectacle vivant. Sa situation financière s'est en effet dégradée depuis la crise du covid et ses moyens ne sont plus suffisants. Ce texte assurerait donc une juste répartition du financement de la filière entre plateformes de streaming et spectacle vivant. Elle permettrait de dégager entre 15 et 20 millions d'euros, alors que les besoins supplémentaires du CNM sont estimés entre 30 et 50 millions d'euros. Les autres crédits du CNM doivent également être augmentés pour mieux soutenir la diversité de la filière, les festivals et le spectacle vivant.

Au-delà de la considération sur la pertinence du taux, sa progressivité ou encore le seuil de chiffre d'affaires, cette proposition de loi bienvenue reprend un combat que nous avons participé à mener. Le groupe GDR se prononce donc en sa faveur.

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Les différentes formes de musique sont le reflet de la société. Nous avons la chance de connaître des expressions culturelles fort diverses, en particulier dans nos territoires – je pense bien sûr à la musique corse ou à la musique bretonne. Ces musiques sont soutenues par la puissance publique, notamment grâce au statut d'intermittent, qui s'avère important.

Le Centre national de la musique, financé essentiellement par une taxe sur les billetteries de spectacles, y participe également. La proposition de loi de notre collègue Erwan Balanant va donc dans le bon sens. Je pense même qu'elle fut l'aiguillon nécessaire pour que cette mesure soit intégrée dans le projet de loi de finances. C'est le rôle des parlementaires que de faire pression quand ils estiment qu'une bonne idée doit aller jusqu'au bout.

Cette disposition ayant été adoptée dans le cadre du PLF, vous nous avez annoncé, monsieur le rapporteur, que vous retiriez votre texte. Sachez que nous l'aurions soutenu avec entrain. Nous vous remercions d'avoir porté le fer sur cette question importante.

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Nous en venons aux questions des autres députés.

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Je ferai tout d'abord une remarque sur la forme. L'article 2 prévoit que « le centre national de la musique peut recevoir de l'administration des impôts [...] » : c'est une formulation particulière s'agissant de l'administration fiscale.

Sur le fond, un nouvel opérateur, le Centre national de la musique, a été créé en 2020 mais on ne s'interroge sur son financement pérenne qu'en 2023. C'est original ! Pour ce faire, on crée une taxe alors que le Président s'était engagé à ne pas augmenter les impôts.

J'aimerais une précision concernant l'assiette de cette nouvelle taxe. Compte tenu de la recette attendue, elle s'établirait à 1,25 milliard : mon calcul est-il juste ? Il me paraît important de connaître cette assiette.

Enfin, débattre d'une proposition de loi dont on sait qu'elle va être retirée relève d'un excès de communication : il faut savoir se montrer réaliste et raisonnable.

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Madame Dalloz, la formulation que vous critiquez reprend les termes figurant déjà dans la loi pour le CNC : je n'ai donc rien inventé. De plus, le CNM résulte de la fusion de plusieurs acteurs, conçue dans le but d'accroître leur efficacité. Enfin, vous ne cessez de vous plaindre que des dispositifs ne fassent l'objet d'aucun débat en raison du recours au 49.3 : ne venez donc pas nous reprocher de faire de la communication quand nous discutons d'une disposition sur laquelle il me semble intéressant de recueillir l'avis de chacun. Rassurez-vous, madame Dalloz, je ne vais pas vous faire perdre votre temps trop longtemps car, dans quelques minutes, nous allons retirer ce texte. Je pense néanmoins qu'il était important, pour la filière musicale française, que nous débattions de la spécificité du modèle musical et culturel français, à savoir qu'il est largement subventionné ou aidé par l'État.

Je souhaite rappeler comment fonctionne l'écosystème musical. La musique en France, comme dans beaucoup de pays, fonctionne de façon très mutualisée. C'est grâce à la valorisation de leurs catalogues que les maisons de disques produisent des disques. Cela permet de mutualiser les risques et de faire émerger de nouveaux projets.

Le CNM fonctionne un peu de cette façon. La taxe sur les spectacles vivants n'est pas de 1,2 % mais de 3,5 %, avec cependant un droit de tirage de 65 %, qui ramène le taux effectif à 1,2 %. Si le texte n'avait pas été adopté après recours au 49.3, je vous aurais proposé des amendements pour arriver au dispositif finalement retenu par le Gouvernement. Il a l'avantage de la solidité juridique, car il respecte nos conventions et nos engagements sur le pilier 1 de l'OCDE.

Quant au taux de 1,2 %, il est paramétré pour arriver aux 15 millions d'euros nécessaires pour boucler le financement global du CNM. Il est donc inutile de fixer le taux à un niveau supérieur, car ce serait encore plus difficile à supporter pour les plateformes. Une telle contribution n'est en effet pas anodine et se doit d'être juste. Du reste, les plateformes en seront les premières bénéficiaires. En effet, sans la création musicale, en particulier la création musicale française, elles ne développeront pas leur taux de pénétration : le jour où il n'y aura plus de musique et que l'on devra se contenter du catalogue musical existant, nous ne serons pas nombreux à prendre des abonnements chez Spotify, Deezer, Apple Musique ou même Amazon, qui n'a pas pour l'instant d'offre mais qui contribue également à la taxe. Je pense donc que nous installons un modèle pérenne et juste, qui permettra réellement d'assurer le développement de la musique dans toutes ses dimensions – petits festivals, grandes productions phonographiques.

Monsieur Habert-Dassault, très peu d'entreprises seront à la fois assujetties à la taxe sur le streaming et à la TSN ou à la TSV. À ce jour, Deezer ou Spotify ne sont assujetties qu'à la TVA, au taux de 20 %. D'autres pays connaissent même un taux plus élevé : ainsi, en Suède, pays de naissance de Spotify, il s'élève à 25 %. La nouvelle taxe ne va donc pas nécessairement pénaliser les plateformes. Les opérateurs de streaming ne payent même pas d'impôt sur les sociétés puisque, pour la plupart, ils ne dégagent pas de bénéfices sur le territoire français. Certes, ils reversent 70 % aux ayants droit : c'est un effort remarquable, qui permet de faire vivre la musique. Toutefois, si l'on veut que le CNM puisse faire son travail et que la scène musicale française demeure active, cette nouvelle taxe est nécessaire.

Madame Grangier, vous avez annoncé que vous vous abstiendriez sur cette taxe. Je n'arrive pas à comprendre votre objectif : souhaitez-vous que la puissance publique continue son travail de soutien aux filières culturelles françaises ? À entendre vos propos, il est permis d'en douter.

Je retire cette proposition de loi, car le dispositif proposé figure désormais dans le PLF. Nous continuerons à débattre, en commission des finances comme en commission des affaires culturelles, de la question du CNM car il nous faudra évaluer l'effort que nous faisons en sa faveur et vérifier que cet organisme répond bien à ses missions.

La proposition de loi est retirée.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 20 décembre 2023 à 9 heures

Présents. - M. Erwan Balanant, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Mickaël Bouloux, Mme Soumya Bourouaha, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, Mme Fabienne Colboc, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Marina Ferrari, Mme Géraldine Grangier, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Marc Le Fur, M. Pascal Lecamp, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Bryan Masson, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, Mme Eva Sas

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Joël Giraud, M. Jean-Paul Mattei, Mme Marianne Maximi, Mme Mathilde Paris

Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. Inaki Echaniz, M. Paul Molac