Mission d'information de la conférence des présidents sur l'accès des français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable

Réunion du jeudi 14 décembre 2023 à 15h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La mission d'information de la conférence des présidents sur l'accès des Français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable a auditionné Mme Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques et M. Antonin Valiere, responsable des relations institutionnelles de l'Agence nationale de l'habitat.

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Notre mission d'information a pour ambition de s'inscrire dans le calendrier législatif et les annonces gouvernementales. Un débat aura lieu, au mois de janvier prochain, sur un projet de loi relatif aux copropriétés dégradées et à l'habitat insalubre. Par ailleurs, le Président de la République et le ministre délégué ont annoncé une loi-cadre portant sur le logement et les territoires.

La plupart des membres de cette Assemblée partagent le même constat d'une triple crise : il s'agit d'une crise immobilière, comme notre pays en a connu à plusieurs reprises, mais également d'une crise du logement et, en toile de fond, d'une crise sociale. Nos concitoyens les plus fragiles subissent ainsi les effets de ces crises superposées. Face à ce constat, la mission a pour ambition d'alimenter l'Assemblée nationale en réflexions et propositions, dans la perspective du projet de loi-cadre précédemment évoqué. À l'instar du Conseil national de la refondation, qui a réussi à dégager des pistes faisant consensus de la Fondation Abbé Pierre au Medef, nous pensons qu'il est possible de présenter un ensemble de propositions acceptées par le plus grand nombre de parlementaires. La conscience de ces crises est désormais bien plus forte qu'elle ne l'était il y a encore quelques mois et nous souhaitons formuler des recommandations communes au Gouvernement.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

L'Agence nationale de l'habitat (Anah) existe depuis un peu plus de cinquante ans et a toujours eu pour mission-socle les enjeux de confort dans le logement, qui ont fortement évolué dans le temps : concentrés sur la sortie de l'insalubrité dans les années soixante-dix, ils ont ensuite porté sur la rénovation énergétique, le traitement des copropriétés, mais aussi l'adaptation des logements à la perte d'autonomie. L'Anah a également pour objet de répondre aux fractures sociales et territoriales, même si le champ des bénéficiaires de l'Agence a été élargi depuis la mise en place de MaPrimeRénov', en 2020. Depuis 2021, l'ensemble des ménages, quelles que soient leurs ressources, peuvent formuler des demandes d'aides auprès de l'Anah.

Depuis trois ans, le spectre d'intervention de l'Agence s'est très sensiblement élargi et la place de la rénovation énergétique dans nos dispositifs d'aide s'est fortement accrue. Ces enjeux énergétiques sont fréquemment associés à d'autres, comme ceux relevant de l'habitat indigne.

Dans ce contexte, l'Agence continue de s'appuyer sur un partenariat avec les collectivités locales, à travers une contractualisation qui prend la forme d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat ou de programmes d'intérêt général. Cette contractualisation a commencé à évoluer avec la mise en place du service public de la rénovation de l'habitat et le regroupement de l'ensemble des espaces-conseil en faveur de la rénovation énergétique, dont une partie était pilotée par l'Agence de la transition écologique (Ademe) et une partie par l'Anah. L'objectif consiste ici à apporter un service public de qualité à l'ensemble de nos concitoyens, sur les enjeux d'amélioration de l'habitat.

Une autre modification d'ampleur interviendra à partir du mois de janvier 2024, avec la mise en place de MaPrimeAdapt', regroupement de plusieurs aides en faveur de l'adaptation des logements à la perte d'autonomie, dans une dynamique de simplification des aides à destination de nos concitoyens.

La première partie de vos questions portait sur la manière d'accroître la production de logements. Bien évidemment, l'Anah n'est pas la structure la plus appropriée pour répondre sur ce sujet, même si un certain nombre de nos dispositifs peuvent apporter ponctuellement des réponses par le traitement de l'habitat ancien et de l'habitat dégradé.

S'agissant de l'adaptation du parc de logements aux nouveaux besoins, l'Agence intervient sur les enjeux de rénovation énergétique, qui portent sur des volumes extrêmement importants de logements à remettre à niveau. Cependant, la question de l'adaptation ne se limite pas à la rénovation énergétique : nous traitons également la question de l'habitabilité des logements, notamment au bénéfice des personnes en perte d'autonomie, comme les personnes âgées ou les personnes handicapées.

Un autre enjeu concerne les nouveaux usages dans le logement. Nous portons une attention particulière à ce sujet, notamment dans les opérations de recyclage de l'habitat indigne. L'objectif consiste ainsi à pouvoir disposer in fine de logements qui répondent aux besoins des habitants, grâce à des espaces assez modulables et des espaces extérieurs. Certaines opérations montrent que, y compris dans des contextes urbains anciens, il est possible de disposer de logements qui répondent aux attentes d'aujourd'hui.

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Pourriez-vous nous éclairer sur les grandes masses budgétaires et leurs évolutions dans le temps ? Dans quelle mesure leurs poids relatifs ont-ils été modifiés, compte tenu notamment de la part prise par MaPrimeRénov' ou les enjeux climatiques – peut-être au détriment des « fondamentaux » de l'Anah qui concernaient, par exemple, l'habitat dégradé ?

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

En 2018, le budget de l'Agence s'élevait à 800 millions d'euros (M€) ; le budget pour l'année 2024, voté la semaine dernière en conseil d'administration, dépasse les 6 milliards d'euros (Md€) : la hausse est donc particulièrement marquée. En 2017 et 2018, le nombre de logements accompagnés par l'Anah s'établissait à soixante-dix mille environ ; en 2022, près de 720 000 logements ont bénéficié d'une aide de l'Agence, à travers les aides à la pierre ou MaPrimeRénov', qui est une aide nationale.

La rénovation énergétique représente une part extrêmement conséquente du budget de l'Agence, mais l'ensemble de nos lignes budgétaires ont augmenté. L'enveloppe dévolue à MaPrimeRénov' a crû fortement au moment du plan de relance, mais les aides à la pierre ont également augmenté : en 2018, ces aides s'élevaient à 800 M€, contre 3,7 Md€ actuellement.

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La formule des aides à la pierre est souvent appliquée à la production neuve, mais à quoi correspondent ces aides dans le cadre de l'Anah ?

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Une partie est liée à la production de logements sociaux, tandis qu'une autre est dévolue à l'amélioration des logements du parc privé existant. Ces aides peuvent concerner l'habitat indigne, l'adaptation des logements à la perte d'autonomie, le traitement des copropriétés ou la rénovation énergétique au bénéfice des ménages modestes et très modestes. Ces dispositifs passent par le système de délégation des aides à la pierre auprès des collectivités, quand celles-ci ont fait le choix d'en prendre la délégation de compétence.

Ce socle, qui existe depuis la création de l'Agence, a été maintenu et renforcé : depuis 2018, chaque année, les budgets dédiés augmentent progressivement. En 2024, le budget dédié à l'autonomie s'établira à un peu plus de 240 M€, quand il était, l'année dernière, de 68 M€. Pour l'habitat indigne, les calculs sont plus compliqués : lorsque l'on traite une copropriété dégradée, on traite également des habitats indignes, de même que pour les interventions directes sur des logements soumis à des arrêtés d'insalubrité ou de péril ; en réalité, plusieurs dispositifs permettent de répondre à ces enjeux. On peut estimer qu'entre seize mille et vingt mille logements sont ainsi traités au titre de l'habitat indigne.

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Antonin Valiere

Au-delà de moyens d'intervention en nette augmentation, les moyens humains progressent également de manière importante : au titre de l'année 2024, le cadre d'emploi s'établira ainsi à 55 équivalents temps plein (ETP). Depuis 2018, les moyens d'intervention et les moyens humains ont crû de façon très significative.

Par ailleurs, les crédits d'ingénierie de l'Agence représentaient 100 M€ en 2023. Dans le cadre des contractualisations, ces montants ont permis de dépenser plus de 4 Md€ en crédits d'intervention. Le partenariat avec les collectivités territoriales est particulièrement actif, puisque plus de 955 opérations de l'habitat ont été programmées et qu'elles couvrent l'ensemble du territoire : de fait, les « zones blanches » sont quasiment inexistantes désormais. L'Agence vise à aider les collectivités territoriales dans l'accompagnement des plans locaux de l'habitat, sur la thématique de l'habitat privé, afin de permettre la consommation des crédits – notamment, les crédits d'intervention dans le cadre des aides à la pierre, puisque ceux-ci sont à la main des collectivités lorsqu'elles ont fait le choix d'en prendre la compétence.

Dans le cadre des futures discussions sur le projet de loi « Logement et territoires », qui mettra l'accent sur la décentralisation, il est important de souligner ici que nous travaillons déjà beaucoup avec les collectivités en matière d'aides à la pierre.

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Les masses financières évoquées sont élevées. Aujourd'hui, à quels niveaux se situent le nombre de logements traités en résorption de l'habitat insalubre et le nombre de logements traités en rénovation énergétique ? Quelles sont les grandes masses ?

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

En matière de rénovation énergétique, nous avons traité plus de six cent mille logements par an, en gestes simples ou en rénovations globales ; de mémoire, les rénovations globales s'établissent à soixante mille environ. En matière d'habitat indigne, environ vingt mille logements sont traités chaque année, sachant que seize mille le sont dans le cadre du traitement de copropriétés dégradées.

Pour décompter les logements accompagnés en fonction de la typologie des désordres, il importe d'être vigilant, car il n'est pas possible de faire la somme des logements traités au titre de la rénovation énergétique et de ceux traités au titre de l'habitat indigne et de l'autonomie. Il existe en effet des doubles comptes : dans un certain nombre de situations, nous traitons à la fois l'habitat indigne et la rénovation énergétique.

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Si je comprends bien, le nombre de logements traités dans le cadre de la rénovation énergétique, de gestes simples ou de rénovations plus complètes est de six cent mille environ. En habitat insalubre, le nombre n'est que de vingt mille logements.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

L'intervention est beaucoup plus complexe en habitat insalubre qu'en matière de rénovation énergétique, car nous sommes alors face à des ménages qui font face à une certaine précarité. Nous pouvons mener un certain nombre d'actions pour inciter ou forcer les propriétaires bailleurs à intervenir et effectuer des travaux. En revanche, les propriétaires occupants sont des ménages difficiles à « aller chercher » en habitat indigne : ces propriétaires sont fréquemment en situation de précarité financière et sociale, ils sont parfois dans des situations de refus de l'accès au droit, avec des contextes très complexes.

Une fois que les ménages ont été approchés et que nous avons réussi à enclencher une démarche de travaux, une des difficultés majeures rencontrées tient au « bouclage » du reste à charge, malgré les niveaux d'aide. Nous l'avons constaté lors de l'expérimentation concernant six « Territoires d'accélération » dans six départements (Seine-Saint-Denis, Essonne, Val-de-Marne, Bouches-du-Rhône, Alpes-Maritimes et Nord) : dans ces départements, nous avons dû majorer nos aides en matière de lutte contre l'habitat indigne, qu'il s'agisse des aides aux propriétaires occupants et aux propriétaires bailleurs ou du financement des travaux d'office. Ces expérimentations ont notamment eu lieu durant la période de crise sanitaire, qui a pu orienter les préoccupations des ménages et des collectivités vers d'autres sujets, notamment le soutien alimentaire. Quoi qu'il en soit, la majoration des aides sur ces six territoires n'a pas entraîné un effet de levier pleinement satisfaisant, lorsque l'on compare la situation avec celle qui prévalait pendant les années précédant la mise en place de ces majorations.

Le conseil d'administration de l'Anah a très récemment voté la mise en place de « MaPrimeLogementDécent », qui regroupera nos deux dispositifs d'aide au traitement de l'habitat indigne, à savoir « Habiter sain » et « Habiter serein ». En outre, nous avons aligné les taux de financement sur ceux de la rénovation énergétique : ainsi, pour le traitement de l'habitat indigne et jusqu'au 31 décembre 2023, les aides s'établissaient à hauteur de 50 % du coût des travaux avec des plafonds fixés à 20 000 euros ou 50 000 euros de travaux ; dans le cadre de « MaPrimeLogementDécent », les aides passent à 60 % du coût des travaux pour un ménage modeste et 80 % pour un ménage très modeste. Nous avons en outre augmenté les plafonds de travaux : le plafond de base passe à 50 000 euros, voire 70 000 euros lorsque l'on atteint l'étiquette E, sans obligation de saut de classe comme cela est le cas pour les aides à la rénovation énergétique.

Voici les chiffres exacts concernant la rénovation : en 2022, l'Agence a accompagné la rénovation de 718 555 logements. Dans cette masse, 669 190 logements ont été accompagnés au titre de la rénovation énergétique, dont 65 938 rénovations globales. Je rappelle qu'un certain nombre de ces rénovations globales incluent le traitement de l'habitat indigne, soit 14 555 logements en 2022.

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Il existe un grand nombre de logements vacants et de propriétés qui ne sont pas mises en location. Quelle est votre analyse sur ces logements vacants, supérieurs à trois millions en France métropolitaine ?

Avec le dispositif Loc'Avantages, vous accompagnez les bailleurs privés dans la mise en location, en sécurisant et en apportant des mesures fiscales très attractives. Où en sommes-nous ? De quelle manière ce dispositif évolue-t-il ? Compte tenu des chiffres que vous avez avancés, il devrait pourtant remporter un immense succès. Quels sont les freins éventuels à son essor et pouvons-nous faire mieux ?

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Les aides aux propriétaires bailleurs sont effectivement couplées avec l'avantage fiscal lié à Loc'Avantages. Il faut souligner que Loc'Avantages peut être mobilisé selon différentes modalités. Il peut s'agir ainsi d'un conventionnement sans travaux, pour un propriétaire dont le logement répond aux normes et qui est au moins classé E – cela permet d'être inclus dans les décomptes de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains (SRU), mais également de plafonner les loyers, le propriétaire s'engageant à louer le logement à des personnes situées sous un certain plafond de ressources ; la réforme de Loc'Avantages intervenue en 2022 a permis de basculer sur une réduction d'impôt, quand auparavant il n'existait qu'une déduction dans le cadre du dispositif « Louer abordable ». Ce dispositif fiscal peut être également couplé avec nos aides aux travaux à destination des propriétaires bailleurs ; dans ce cas, l'étiquette énergétique doit atteindre le niveau D au minimum.

L'année 2023 est clairement marquée par une baisse du conventionnement et s'inscrit dans les mêmes dynamiques que la baisse générale d'accès aux aides, observée pour diverses raisons : inflation, augmentation du coût des travaux, limitation de l'accès au crédit pour un certain nombre de ménages, etc.

S'agissant du dispositif sur les logements vacants, les territoires nous font remonter une problématique tenant à l'évolution des modalités de calcul du plafond de loyer. En passant de « Louer abordable » à Loc'Avantages, le loyer de référence a été modifié, la carte des loyers publiée par le ministère du logement s'appuyant sur des chiffres datant de 2018. Or, dans un certain nombre de territoires, ces chiffres étaient vraisemblablement en dessous des loyers de marché effectivement pratiqués : une mise à jour de ces plafonds de loyer sera donc proposée au 1er janvier 2024, pour la poursuite du dispositif.

Vous vous interrogez sur l'intérêt, pour un propriétaire bailleur, de rentrer dans un dispositif du type Loc'Avantages. Ce dispositif cherche à intéresser plutôt les propriétaires qui payent des impôts ; les propriétaires modestes n'ont pas nécessairement intérêt à utiliser Loc'Avantages.

Par ailleurs, il existe d'autres freins à la mise en location. Je pense notamment aux logements en indivision, dans le cadre de successions : les propriétaires ne voient pas nécessairement d'intérêt à réinvestir le logement et, en tout cas, à mettre à le mettre en location. Par ailleurs, certains logements sont dans des états de dégradation assez avancés et soumis aux échéances posées par la loi « Climat et résilience », concernant les fins de mise en location de passoires énergétiques. Nous observons ainsi un recul du conventionnement de logements grevés d'étiquettes énergétiques basses ou moyennes et où les propriétaires n'ont pas forcément envie de réaliser des travaux.

Comme chez un propriétaire occupant, la réalisation de travaux dans un logement mis en location ne s'improvise pas et certains propriétaires peuvent être dissuadés d'engager des travaux trop importants.

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Vos propos sont intéressants, puisqu'ils précisent que le conventionnement diminue, alors que l'on pourrait penser intuitivement le contraire.

Où peut-on trouver des données précises sur les logements vacants ? Il importe de les connaître et de les mesurer, si nous voulons pouvoir en faire un objet de politiques publiques.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Le plan « Logement » lancé en 2020 a mis à disposition des collectivités qui le souhaitent un certain nombre d'outils : je pense notamment au fichier Lovac, géré par le ministère chargé du logement et, qui permet de recenser les logements vacants. Il existe également la solution numérique « Zéro logement vacant » (ZLV), qui permet aux collectivités d'effectuer un repérage et de préparer un publipostage à destination des propriétaires afin de vérifier si leurs logements sont toujours vacants ; elle permet également de rendre visibles les différents dispositifs qui leur permettraient de réaliser des travaux et de remettre le logement sur le marché, à la vente ou à la location.

Un certain nombre de collectivités se sont déjà approprié ces outils et ont mis en place une ingénierie ad hoc. En effet, pour pouvoir aller au-devant des propriétaires, il faut également disposer d'équipes sur le terrain, qui accompagnent au quotidien ces propriétaires dans leur compréhension des dispositifs. Ces opérations restent néanmoins assez longues, leurs effets mettent du temps à se concrétiser et les sorties de vacance ne sont pas très rapides.

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Le dispositif semble, en théorie, extrêmement attractif, puisqu'il offre un grand nombre d'avantages. Je suis donc surpris qu'il fonctionne aussi peu ou, à tout le moins, que les conventionnements diminuent. Comment l'améliorer encore ?

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Il faut garder présent à l'esprit que le conventionnement n'est pas systématique. Aujourd'hui, pour bénéficier des aides de l'Anah en habitat indigne ou en rénovation énergétique, un propriétaire bailleur modeste ou très modeste doit obligatoirement passer par un conventionnement. Dans le cadre de MaPrimeRénov', en revanche, le conventionnement n'est pas obligatoire : l'engagement du propriétaire porte ici sur la location du logement pendant cinq ans (jusqu'à la fin de cette année) ou pendant six ans (à partir du 1er janvier prochain), pour aligner les durées de mise en location entre les aides à la pierre et MaPrimeRénov'.

Aujourd'hui, les propriétaires bailleurs un peu avertis sont attachés à la rentabilité de leur investissement et le plafonnement à trois logements de la niche fiscale sur le conventionnement représente un frein. De même, les plafonds de loyers semblent trop bas par rapport aux loyers de marché, malgré une déduction fiscale qui peut atteindre jusqu'à 85 % en cas de loyer très social – je rappelle que Loc'Avantages comprend trois niveaux de loyers et que la déduction fiscale est plus importante à partir du moment où le propriétaire s'engage à modérer ses exigences.

Les arbitrages s'effectuent ainsi entre les loyers perçus et la déduction d'impôt. D'après les retours des territoires, un certain nombre de propriétaires se détournent du dispositif parce qu'ils ne s'y retrouvent pas aussi bien que dans le dispositif précédent, qui était « Louer abordable ».

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J'entends l'argument, mais pourquoi préfèrent-ils ne pas louer ?

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Pour des logements qui, pour le moment, ne sont pas vacants, un propriétaire va préférer louer avec un loyer intermédiaire ou un loyer de marché.

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L'une de nos préoccupations concerne effectivement la remise sur le marché des logements vacants. Par définition, un logement vacant ne fournit pas de revenus. L'Anah dispose-t-elle d'une « cible » particulière pour la remise sur le marché de logements vacants ? Quels sont les plafonds de loyer ? En Seine Saint-Denis, je ne constate pas une telle décorrélation entre les plafonds de loyer et le marché.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Tout dépend vraiment des territoires. Dans le cadre de Loc'Avantages, les plafonds de loyer sont souvent inférieurs aux loyers du parc social.

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En matière de conventionnement, les loyers s'entendent par mètre carré. Pour ma part, j'ai connu, à l'inverse, des plafonds de loyer dans le cadre de conventionnements Anah supérieurs à ceux du parc social, à environ 12 euros par mètre carré.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Tout dépend vraiment des territoires.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Le plafond de loyer est différencié selon les territoires, je n'en connais pas la carte par cœur et ne peux pas vous donner de moyenne.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Quand il s'agit du Loc1, il faut être à 15 % en dessous des loyers du marché ; pour Loc2, à 30 % en dessous ; pour le très social (Loc3), l'écart est encore plus marqué (– 45 %). Par rapport au plafond déterminé par la carte des loyers et en fonction du type de locataire que le propriétaire accepte de prendre, celui-ci subit donc une décote plus ou moins prononcée par rapport au loyer de marché.

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La remise massive de logements vacants sur le marché est-elle une mission qui vous est confiée par les pouvoirs publics ? Si tel est le cas et que vous êtes confrontés à un échec concernant la remise en location de ces logements vacants, il est peut-être nécessaire de se poser un certain nombre de questions et, de notre côté, de présenter des propositions.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Nous n'avons pas de cible directe concernant la remise sur le marché de logements vacants. En revanche et en fonction des territoires et des diagnostics territoriaux, cette problématique peut être intégrée aux objectifs d'une opération programmée de l'habitat ou d'un programme d'intérêt général : par exemple, le programme d'intérêt général porté par le conseil départemental de la Meuse intègre précisément des objectifs de remise sur le marché de logements vacants ; de même, l'Eurométropole de Strasbourg est très active sur cette thématique. Nous ne suivons pas spécifiquement cet axe de politique publique, mais les outils et les financements apportés aux collectivités permettent de répondre à ces enjeux.

Les propriétaires bailleurs ont historiquement constitué la cible principale de l'Anah. Depuis les changements opérés autour de 2010, avec notamment une orientation vers les ménages les plus modestes, les objectifs assignés au traitement des logements locatifs ne représentent plus qu'une petite partie de nos objectifs globaux. En moyenne, ces objectifs ont été de cinq mille logements par an, en accompagnement de travaux à travers un conventionnement.

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Le plan « Logement d'abord » (2018-2022) ciblait 49 500 logements abordables créés dans le parc locatif privé, soit beaucoup plus que les cinq mille logements par an que vous venez de mentionner.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

L'objectif de cinq mille logements par an concerne le conventionnement avec travaux. Chaque année, il y a à peu près autant de conventionnements avec travaux que de conventionnements sans travaux. Par conséquent, notamment dans le cadre du plan « Logement d'abord », l'enjeu portait sur les dispositifs d'intermédiation locative, qui permettent de capter des logements dans le parc privé et de les mettre en location ou sous-location, au bénéfice des ménages les plus précaires.

Ces ménages sont également ciblés par nos dispositifs en maîtrise d'ouvrage d'insertion, dans le cadre desquels nous accompagnons le financement d'opérations de réhabilitation, voire de transformation d'usage : dans certains territoires, nous avons ainsi converti des écoles en logements.

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L'Anah fournit des aides pour la rénovation des logements. Vous disposez également d'une structure qui, pendant la durée du conventionnement, va assurer la gestion du bien en lieu et place du propriétaire, avec l'engagement de restituer ce bien à l'issue du conventionnement. Ce dispositif d'intermédiation locative monte-t-il en puissance ?

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

C'est assez stable. Cette année, l'Anah a modifié les conditions d'accès à la prime d'intermédiation locative afin que cette dernière soit accessible dans toutes les zones, y compris dans les zones C avec des majorations. Dans ce cadre, nous passons par des agences immobilières à vocation sociale, qui font l'intermédiaire entre les propriétaires et les ménages.

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L'Anah intervient-elle dans le cadre du dispositif Denormandie, qui est relativement récent ? Quels enseignements en tirez-vous ? S'agissant du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé, considérez-vous que celui-ci doit être complété ou enrichi ?

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Le dispositif « Denormandie dans l'ancien » semble assez intéressant sur le papier et peut être couplé, dans certains cas, avec nos propres aides. Par rapport au dispositif Pinel, il manque des opérateurs proposant à des propriétaires des opérations « clés en main », avec des accompagnements spécifiques sur les travaux et la mise en location : un particulier ne s'improvise pas maître d'ouvrage sur de tels travaux, qui sont assez lourds. Aujourd'hui, pour pouvoir profiter du dispositif Denormandie, un propriétaire doit se projeter sur les travaux et sur la mise en location de son bien ; dès lors, les résultats de ce dispositif restent assez modestes.

Le projet de loi sur les copropriétés dégradées va permettre de conforter certains dispositifs. Nous avons été sollicités et l'avons analysé, nous n'y avons pas noté d'oublis manifestes.

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L'Anah travaille-t-elle sur de nouvelles offres permettant de loger les salariés ? En effet, les remontées de terrain font apparaître les difficultés croissantes des entreprises à loger leurs salariés à proximité de leur lieu de travail. Il apparaît donc nécessaire de rendre du parc locatif disponible – raison pour laquelle je suis surpris par la baisse du conventionnement, compte tenu du grand nombre de logements vacants. Des employeurs passent-ils déjà par l'Anah pour réhabiliter des bureaux ou d'autres types d'immeubles ?

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Nous avons effectivement été sollicités par un certain nombre de structures, comme l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) ou La Poste, pour faire connaître à leurs salariés le parc de logements conventionnés. Dans le cadre des diagnostics territoriaux et des travaux préparatoires aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat, un axe spécifique peut concerner la manière de produire plus de logements pour les salariés qui s'installeront.

Votre question sur le logement des salariés concerne-t-elle uniquement les salariés à temps plein ou également les saisonniers ?

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Ma question est globale et porte sur l'ensemble des salariés. Les besoins concernent l'ensemble des secteurs, en lien avec les phénomènes de vacance. Si les logements vacants ne sont pas situés dans des zones de forte activité économique, il faut pouvoir le dire clairement. Aujourd'hui, les chiffres bruts ne sont pas suffisamment précis alors qu'un tel éclairage constitue, à mon sens, une mission de service public : à un moment donné, la puissance publique doit traiter ces logements.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

L'Anah propose justement un certain nombre d'outils destinés aux propriétaires de ces logements, pour les réhabiliter ou pour engager des ventes et permettre leur remise sur le marché. Au même titre que la question de l'habitat indigne, celle des logements vacants est multiforme et multiterritoriale.

Dans les secteurs tendus, la vacance est liée, en réalité, à la problématique des meublés touristiques : pour un propriétaire, il peut être plus rentable de louer son logement quelques semaines, via les plateformes de location, plutôt qu'à l'année…

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Dans ce cas, il ne s'agit plus de vacance…

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Il ne s'agit effectivement pas de vacance stricto sensu, mais l'enjeu est du même ordre en termes de disponibilité de l'offre.

Par ailleurs, des logements vacants peuvent être présents dans des territoires en déprises démographique et économique. Les réponses doivent être liées aux réalités et aux besoins des territoires : l'amélioration de l'habitat ne se traite pas de manière isolée, dans une bulle.

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C'est précisément la raison pour laquelle nous avons besoin de chiffres et d'une évaluation précise. Qui doit mener cette évaluation ? Les collectivités doivent-elles recenser elles-mêmes ces logements ou ce travail doit-il être mené par vos services ? Pour que le débat public soit éclairé, il faut qu'on réussisse à savoir à quoi correspondent ces trois millions de logements vacants. Nous ne pouvons pas nous contenter de réponses floues si nous voulons mener de bonnes politiques publiques.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

L'État a mis à disposition des collectivités qui en font la demande les fichiers de recensement des logements vacants. La politique de l'habitat est en effet une politique locale, portée par les collectivités, qui doivent se saisir de cette problématique à partir des outils mis en place et qui permettent d'effectuer un premier recensement.

À partir de ce diagnostic territorial, il est nécessaire que la collectivité structure sa politique et sa stratégie d'intervention. De son côté, l'Anah ne peut pas imposer tel ou tel dispositif sur un territoire. Lorsque les enjeux sont liés à la rénovation énergétique, la mise en place du service public de la rénovation de l'habitat permet d'apporter les services et réponses nécessaires. Dans certains territoires, il sera nécessaire d'en passer par le traitement des copropriétés fragiles, de l'habitat indigne et de la vacance.

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Je retiens de vos propos qu'aucun opérateur n'est aujourd'hui responsable d'un recensement qui permettrait d'évaluer correctement la vacance. Vous dites que les collectivités doivent se saisir de ce sujet, mais, si elles ne le font pas, rien ne se passe.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Des analyses fines sont conduites au sein du ministère chargé du logement, plus particulièrement au sein de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). Un chef de projet y a précisément en charge le traitement de la vacance.

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Il faut veiller à ne pas faire porter trop de responsabilités aux collectivités : le seul outil qui existe aujourd'hui pour recenser les logements vacants est un outil fiscal et qui, jusqu'à preuve du contraire, est aux mains de l'État.

Ce chiffre de trois millions de logements vacants émane d'ailleurs de la DHUP elle-même. Pour la majorité d'entre eux, les programmes locaux de l'habitat définissent des stratégies locales d'habitat, mais ils ne recensent pas les logements vacants – puisque les collectivités ne disposent pas de l'outil statistique, aux mains de l'Insee, ni de l'outil fiscal, qui relève de la direction des finances publiques.

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Jessica Brouard-Masson, directrice de l'expertise et des politiques publiques de l'Agence nationale de l'habitat

Le fichier Lovac, mis en place par la DHUP, croise plusieurs bases et il est transmis à toutes les collectivités qui en font la demande.

De notre côté, nous avons intégré le fichier Lovac à nos outils de connaissance du parc privé. Les délégations locales de l'Anah y ont accès et peuvent travailler avec les collectivités sur la base de ces données, ce qui permet ensuite d'enclencher des stratégies en fonction du repérage statistique. Selon la DHUP, les logements réellement vacants, c'est-à-dire « la vacance de fond », seraient plutôt au nombre de 1,1 million d'unités.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 14 décembre 2023 à 15 h 30

Présents. – M. Dominique Da Silva, M. Stéphane Peu.