La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Présidence de M. Jean-Marie Fiévet, vice-président.

La mission d'information auditionne M. Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie (FFMI).

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Je prends la présidence pour lancer cette audition, mais notre présidente nous rejoindra d'ici quelques minutes.

Nous recevons Monsieur Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie. La Fédération française des métiers de l'incendie (FFMI) a été créée en 1961 et couvre l'ensemble du spectre de la sécurité incendie et douze secteurs professionnels. Elle représente plus de 300 entreprises et 25 000 salariés au service de la protection contre les risques incendie.

Nous espérons que votre audition nous aidera à bien saisir le rôle de vos métiers et leur articulation avec ceux des acteurs de la sécurité civile. Elle nous permettra sans doute aussi de mieux comprendre comment les perspectives d'évolution et d'innovation de votre secteur pourront permettre à l'avenir de mieux répondre aux besoins de notre modèle de protection et de sécurité civiles.

N'hésitez pas à nous faire part de votre analyse critique sur l'organisation actuelle de notre système. Nous serions heureux que vous puissiez nous livrer des suggestions susceptibles de contribuer utilement à nos travaux.

Pour votre parfaite information, je précise que notre mission est composée de 25 députés de tous groupes politiques. Elle a été créée à l'initiative du groupe Horizons et a pour rapporteur notre collègue Didier Lemaire. Votre audition est filmée et accessible sur le site internet de l'Assemblée nationale. Elle fait aussi l'objet d'un compte rendu.

Je vous remercie de votre engagement et de votre disponibilité pour participer à nos travaux. Pour lancer les débats, je laisse notre rapporteur vous poser une première question.

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Je suis très heureux de pouvoir entendre votre Fédération. Pouvez-vous nous présenter la FFMI, ses membres, les activités qui leur incombent, ainsi que la manière dont ils contribuent à la prise en charge des enjeux de sécurité civile dans son ensemble ?

Présidence de Mme Lisa Belluco, présidente.

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

C'est un très grand plaisir de pouvoir venir porter une voix indispensable dans le paysage français.

Nous œuvrons dans la sécurité incendie, qui est l'une des composantes de la sécurité civile. La construction française de réponse au risque incendie est bâtie sur un triptyque : matériel, hommes, doctrine.

La doctrine, c'est vous, c'est l'État, les élus, mais aussi le monde de l'assurance.

Les hommes, ce sont généralement les pompiers.

Le matériel, globalement, c'est la FFMI.

La Fédération française des métiers de l'incendie, auparavant Fédération française du matériel incendie pendant 50 ans, existe depuis une dizaine d'années. La FFMI regroupe un peu plus de 300 adhérents, structurés autour de 11 syndicats et autant, voire plus de métiers.

La moitié des entreprises de nos adhérents sont des sociétés industrielles, l'autre moitié étant constituée de sociétés de services. Nous avons des adhérents modestes qui travaillent seuls, beaucoup de PME, quelques ETI, et quelques filiales de grands groupes internationaux. Cet ensemble regroupe 3 milliards d'euros d'activité et 25 000 emplois, répartis sur tous nos territoires.

La FFMI s'inscrit dans le triptyque que je viens de décrire, et plus particulièrement au travers de ses collaborations avec la sphère publique dans le cadre des administrations centrales et des constructions et révisions réglementaires. Nous sommes des faiseurs de solutions, nous donnons corps et vie à ce que vous avez déterminé au Parlement et que la réglementation transcrit de manière opérationnelle.

Notre réglementation française interagit avec des normes techniques élaborées au sein de commissions de normalisation françaises, européennes, voire internationales. La FFMI dispose d'une centaine d'experts qui œuvrent dans ce domaine. C'est un sujet particulier qui sort du cadre de la mission de sécurité civile, mais qu'il ne faut pas négliger pour autant.

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Quelles sont aujourd'hui les priorités en termes de construction et d'équipement, afin d'atténuer les risques incendie et de faciliter la prise en charge par les acteurs de la sécurité ?

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

Le modèle français de réponse au risque incendie est construit sur deux lignes de défense.

La première est constituée de toutes les mesures prises en termes de prévention et de protection pour éviter qu'un incendie puisse survenir ou en limiter les effets ; la seconde est représentée par tout le monde de l'intervention, et en premier lieu les pompiers.

Il faut bien distinguer ces deux lignes de défense, sachant que l'une conditionne l'autre. Le filtre par la réglementation en amont conditionne la dotation en aval.

La partie amont concerne avant tout les mesures bâtimentaires et les mesures portées par la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, comprenant notamment des obligations légales de débroussaillement, conséquences des « mégafeux » de 2022. Même si la sécurité civile est trop souvent perçue et parfois limitée exclusivement au monde de l'intervention, il y a toutes ces mesures qui existent en amont et qui permettent de limiter le risque incendie, ou tout du moins de ne pas susciter de débat national sur le sujet. Je tiens néanmoins à rappeler que ce risque cause 300 à 500 décès annuels, ainsi que 10 000 brûlés.

Je pense que notre responsabilité collective au sein de ce triptyque est d'être capables de maintenir au moins ce consensus autour de l'exposition au risque, et notamment par rapport aux nouvelles évolutions qui concernent le risque incendie et sont de deux natures.

Il y a, tout d'abord, l'ensemble des enjeux liés à la construction biosourcée, puisque notre réglementation a été pensée avec une construction qui l'est peu, voire pas du tout.

Ensuite, il y a l'électrification des mobilités. Il ne s'agit pas uniquement des voitures, mais également des vélos et des trottinettes. De temps en temps, nous voyons des débuts d'incendie liés à ces nouveaux véhicules, et il nous semble qu'il existe une déconnexion entre les ambitions de déploiement de ces moyens de locomotion et la réponse que nous devons apporter pour garantir la même exposition au risque.

Sur ce point, je pense qu'il serait absolument nécessaire d'essayer de casser les silos. Beaucoup travaillent de manière esseulée, et la mission que vous menez pourrait rappeler qu'il faut absolument prendre en compte ce risque. Cela nécessite, me semble-t-il, un travail transversal, qu'il soit interministériel et qu'il réunisse les parties prenantes comme les sapeurs-pompiers, le monde de l'assurance, les collectivités locales et les professionnels que nous sommes.

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D'après vous, les forces de sécurité civile sont-elles correctement équipées pour faire face à la multiplication du risque incendie lors de certaines périodes ?

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

La situation s'est nettement améliorée grâce à l'intervention très forte de l'État à la suite d'une saison 2022 catastrophique. Je pense que les mesures fortes qui ont été prises porteront leurs fruits.

Il y a aujourd'hui une très grande expérience sur les feux de végétation sur l'arc méditerranéen, portée notamment par l'Entente Valabre, qui œuvre depuis des décennies sur le sujet. Les moyens et doctrines mis en œuvre permettent de grandement limiter les conséquences des débuts d'un incendie. Je pense donc qu'il faut s'inspirer largement de ce qui est fait sur l'arc méditerranéen.

Cela se traduit par un renforcement des moyens. Les capacités économiques qui ont été mises à disposition des territoires apportent une réponse bienvenue. Il faut cependant accepter que la mise en œuvre demande un certain temps, car la fabrication de véhicules incendie demande du temps. Ce ne sont pas des produits de grande diffusion. De plus, les tensions dans le monde automobile ont touché cette filière industrielle. Quoi qu'il en soit, l'effort est là et devrait produire des résultats.

Par ailleurs, il y a également une quatrième UIISC (unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile) reconstituée en Gironde. C'est un renfort bienvenu de moyens. L'usage de retardants devrait aussi se généraliser.

Concernant les ressources humaines, nous comptons aujourd'hui à peu près 250 000 pompiers : environ 40 000 professionnels, un peu plus de 10 000 militaires et un peu moins de 200 000 volontaires.

C'est tout cet ensemble qui peut permettre une réponse adéquate.

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En tant que président de la FFMI, entretenez-vous des échanges avec les acteurs de la sécurité et de la protection civiles, afin de faire évoluer les matériels et les capacités d'intervention ?

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

Oui, tout à fait. La force de la FFMI est d'être une fédération très dynamique, très technique et technologique au travers de nos experts et de nos expertises. Nous sommes d'importants contributeurs à la construction de la réglementation et à l'élaboration de guides de bonnes pratiques.

C'est au travers de ces échanges avec les administrations centrales, dans des groupes de travail et lors d'échanges plus informels, que nous sommes capables de pouvoir contribuer et alerter sur de nouvelles technologies.

L'incendie est un risque qui est mal perçu, voire non perçu. Toutes les mesures que nous mettons en œuvre sont généralement assez transparentes pour nos concitoyens. Par contre, dans l'extrême urgence, nous devons être certains qu'elles fonctionnent. Cela impose toute une chaîne de sécurité en termes de qualité de fonctionnement pour s'assurer que le jour J, il n'y aura aucun doute sur le sujet.

Cela nécessite donc des échanges réguliers avec les administrations centrales et avec les utilisateurs – je pense notamment à toute la communauté des sapeurs-pompiers.

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À travers les différentes auditions de la mission et nos déplacements sur le terrain, nous avons pu identifier un problème d'acculturation tant des citoyens que des élus.

De quelle manière les entreprises que vous représentez jouent-elles un rôle auprès des citoyens dans la sensibilisation et la responsabilisation face au risque incendie ?

D'après vous, les citoyens sont-ils suffisamment inclus dans cette réflexion ?

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

Vous mettez le doigt sur le parent pauvre de la sécurité incendie en France aujourd'hui : l'exposition au risque.

Les 300 à 500 décès annuels que j'ai mentionnés sont, pour 90 % d'entre eux, à déplorer dans l'habitation : c'est donc l'environnement où nous sommes le plus exposés, l'endroit dans lequel il y a le moins de contraintes en termes de sécurité incendie. Contrairement aux établissements qui reçoivent du public, où la réglementation prescriptive est très fine et les contrôles très rigoureux, le monde de l'habitation est relativement peu contrôlé. Cela se comprend, car il y a des réticences à entrer dans la sphère privée des particuliers. Comment y remédier ?

Pour limiter les conséquences d'un risque incendie pour les personnes, la loi du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation a rendu obligatoire l'apposition de détecteurs autonomes avertisseurs de fumée. La date butoir pour le respect de cette consigne était fixée à 2015 et il existait une disposition qui permettait une évaluation du respect de cette obligation 5 ans après. Elle a été activée par Mme Emmanuelle Wargon, confiée à la DHUP (direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages), et un rapport a été produit il y a deux ans. Malheureusement, il n'a toujours pas été publié. Or, l'absence de publication de ce rapport empêche de faire œuvre de pédagogie pour essayer d'acculturer nos concitoyens au risque.

La FFMI avait essayé de faire œuvre de pédagogie en organisant deux grandes actions : tout d'abord, un tour de France dans huit grandes villes de France avec des démonstrateurs, en collaboration avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).

Nous avons aussi réalisé un film pédagogique à destination du public scolaire (plus particulièrement les élèves de CE2, CM1, CM2) à la demande du SDIS du Lot-et-Garonne et en collaboration avec celui-ci. Des élus de tous bords s'étaient également impliqués sur le sujet. Les enfants sont de bons vecteurs pour atteindre le cœur des foyers.

Par ailleurs, une journée de la résilience a été instaurée plus récemment. Elle n'est pas encore très connue, mais elle permet d'avancer dans le bon sens. Elle est fixée, de mémoire, le 12 ou le 13 octobre, à un moment où le risque incendie domestique est le plus important. Nous pourrions envisager de muscler cette communication.

Enfin, chaque année dans les écoles se déroule un exercice d'évacuation pour les élèves. Il serait peut-être intéressant de leur expliquer les raisons de cet exercice et en profiter pour les sensibiliser sur ce risque incendie, qui est perçu à l'école mais l'est moins au domicile.

Ce sont quelques axes de progression possibles.

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Comment le modèle français de protection et de sécurité civiles devrait-il selon vous évoluer ou progresser ? Vous semble-t-il adapté pour répondre aux futurs besoins, notamment en cas de crise majeure ?

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

Le drame de la sécurité civile, c'est qu'elle est excessivement protéiforme et, surtout, atomisée. Contrairement à d'autres domaines avec une bonne concentration, une bonne structuration et donc une bonne coordination, la sécurité civile embrasse de nombreuses activités de nature différente.

Je ne suis légitime que sur la partie sécurité incendie, qui n'est qu'une composante de la sécurité civile. Ne serait-ce qu'au niveau de la sécurité incendie, il existe un silotage, qui aboutit à une situation dans laquelle trois administrations centrales principales œuvrent sur le sujet.

Au sein du ministère de l'intérieur, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) s'occupe des moyens relatifs aux sapeurs-pompiers et à la réglementation pour les établissements qui reçoivent du public.

Par ailleurs, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) est officiellement rattachée au ministère de la construction, dont le statut est variable. La DHUP, c'est l'art de construire en tant que tel. Elle gère aussi la sécurité incendie habitation.

Enfin, la direction générale de la prévention des risques (DGPR) s'occupe des risques tels que ceux des installations classées protection de l'environnement (ICPE).

Ces ministères et leurs administrations ont chacun leur propre culture. Or, le sujet de la sécurité incendie nécessite généralement une très bonne coordination entre ces différentes administrations centrales.

Ainsi, concernant les nouveaux risques à prendre en considération très rapidement (construction biosourcée, batterie lithium-ion), il faudrait, me semble-t-il, une approche transversale interministérielle, ouverte également aux acteurs que sont les sapeurs-pompiers, les assureurs, et les acteurs industriels dont fait partie la FFMI.

Il y a eu, lors de la campagne présidentielle de 2022, certains propos appelant à créer un secrétariat d'État à la sécurité civile. Cela pourrait porter ce grand ensemble qu'est la sécurité civile, mais il faut veiller à ne pas le résumer exclusivement au monde de l'intervention. Des mesures sont également prises en amont, et c'est la coordination avec l'aval (les mesures d'intervention) qui fournit la réponse aux risques de la sécurité civile.

S'il devait y avoir une telle démarche, il faudrait que cette structure soit capable de fédérer et dispose donc d'un minimum d'autorité sur des domaines variés qui sont aujourd'hui assez éclatés. Elle ne devrait pas se limiter au seul monde de l'intervention.

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Je voudrais revenir sur l'acculturation au risque. Quelles seraient vos recommandations pour mieux diffuser cette culture du risque chez les élus, mais également chez les citoyens ?

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

Nous avons un modèle qui est perfectible et qui doit s'adapter aux enjeux de demain, mais force est de reconnaître que s'il vous arrive quelque chose de dramatique, vous serez pris en charge indépendamment de votre condition et de votre statut. Je crois que, d'une manière générale, nous devons tous, citoyens comme élus, être conscients de la richesse de ce modèle.

J'encourage tous les élus à faire une immersion de quelques heures à bord d'une ambulance du bataillon des marins pompiers de Marseille. C'est une expérience que je recommande à toutes et tous, pour pouvoir saisir toutes les interventions réalisées et le lien social qui est apporté dans les territoires ruraux où les services publics sont parfois moins perceptibles.

Pour aider chaque citoyen à devenir acteur de sa sécurité, je crois profondément à la notion de culture du risque. La réglementation n'est là que pour les mauvais élèves, les étourdis, ou les récalcitrants. Lorsque vous êtes conscient que vous êtes exposé à un risque, vous essayez de vous en prémunir.

Il faut donc faire resurgir la conscience de cette exposition dans la population, en commençant dès le plus jeune âge. L'école est un bon endroit pour véhiculer ces actions de sensibilisation au risque incendie. Il n'est pas possible de tout attendre de l'État, et chacun doit être conscient et responsable de ses actes, mais il faut aussi aider la population à grandir dans sa connaissance des risques. La journée du 12 octobre et l'exercice d'évacuation réalisé dans les écoles sont notamment des occasions de sensibiliser la population.

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Auriez-vous des éléments précis à communiquer à la mission d'information, ou un message à faire passer et à prendre en compte dans le rapport ?

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

J'ai effectivement une mesure d'optimisation des efforts et du temps de chacun. Elle avait été présentée dans le livre blanc de la FFMI, dans le cadre de ses propositions pour l'année 2022.

Le conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) a vocation à pouvoir apporter un œil expert sur tout ce qui concerne la construction. Or, au sein du CSCEE, il n'y a aucun acteur de la sécurité incendie.

Je pense que c'est une sérieuse erreur. J'en veux pour preuve le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc), devenu loi n° 2018-727 du 10 août 2018, qui est passé au sein du CSCEE sans susciter d'alerte sur la dangerosité de la rédaction première de ce texte, lequel visait à offrir une alternative à la réglementation actuelle, notamment sur la sécurité incendie.

À chaque fois que les obligations réglementaires sur la sécurité incendie sont modifiées, il faut être très prudent. Il ne s'agit pas de scléroser le système, au contraire. Il faut le faire vivre, mais faut le faire vivre avec beaucoup de clairvoyance. La présence d'un représentant du monde de la sécurité incendie au sein du CSCEE me semble absolument indispensable. Elle serait précieuse, aussi bien pour maintenir ce niveau de sécurité que pour optimiser le travail du Parlement et éviter des débats qui pourraient être traités bien en amont.

Enfin, je rappellerai que les Anglais ont introduit un module de sécurité incendie dans la formation initiale des architectes à la suite de l'incendie de la tour Grenfell, en 2017. Je pense que c'est une initiative qui serait bienvenue en France.

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La société évolue et les modes de construction avec elle. Les énergies renouvelables se développent sur les toitures, ainsi que les véhicules électriques.

Aujourd'hui, ces nouvelles technologies et ces nouvelles constructions sont-elles bien encadrées réglementairement ?

Il existe par ailleurs un débat sur les retardateurs de flamme, sur leur dangerosité et leurs risques potentiels sur la santé. Menez-vous des études sur de nouvelles molécules plus saines pour la santé, notamment la santé des intervenants tels que les sapeurs-pompiers ?

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

Je ne me prononcerai pas sur les effets de ces substances, qui sont néanmoins très précieuses pour le monde de la sécurité incendie.

Nous sommes dans des domaines où nous anticipons toujours les mesures à venir quand elles nous sont connues. Tel était le cas sur ce sujet, et il y a aujourd'hui des solutions alternatives en cours de développement et de mise sur le marché, qui n'utilisent plus de produits fluorés. Nous avons déjà vécu une situation similaire lorsqu'il a fallu faire disparaître certains types de gaz pour les systèmes d'extinction automatique. Généralement, nous parvenons toujours à trouver une solution. Par contre, la mise en œuvre peut nécessiter une modification parfois assez profonde de la doctrine d'emploi et des matériels.

Sachez par ailleurs que, lorsque ces matériels arrivent entre vos mains, ils ont été testés et éprouvés au préalable. Nous sommes dans un système très sain du point de vue de la sécurité incendie, où personne ne s'auto-certifie. Des essais sont systématiquement réalisés par des laboratoires indépendants.

Concernant les nouveaux risques, nous en sommes apparemment aux derniers arbitrages sur les constructions biosourcées. Il y a vraisemblablement un équilibre à trouver au niveau du coût économique pour que l'ensemble reste pertinent. En l'espèce, le problème n'est pas vraiment technologique.

S'agissant de l'électrification des mobilités, un point d'alerte pourrait exister lorsqu'il y a, au sein d'une habitation, des véhicules électriques au sous-sol, des vélos électriques à recharger au rez-de-chaussée, et des trottinettes électriques dans les étages. Nombre de ces matériels ne font pas l'objet de tests éprouvant leur sûreté et la qualité de leur fonctionnement pendant tout leur cycle de vie.

La seule réponse à court terme pour ne pas exposer inutilement nos concitoyens serait de renforcer les mesures de sécurité incendie dans le cadre de l'utilisation de ces matériels. Beaucoup d'expérimentations sont menées, mais de manière non-coordonnée. Il faudrait qu'il y ait une structure qui coordonne, qui fédère, qui recense toutes les expérimentations.

Au niveau de la FFMI, nous avons très modestement lancé des entretiens sur ce sujet, pour essayer de collecter un maximum d'informations et de créer un réseau sur le sujet. La difficulté que pose le sujet des batteries à base de lithium provient surtout du fait qu'il existe plusieurs types de batteries de qualité différente, nécessitant des moyens d'extinction complètement différents. Avant tout, il faudrait prendre conscience du besoin d'un déploiement très rapide en matière de sécurité incendie, qui n'est pas encore au rendez-vous.

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Je tiens à préciser qu'en France, un feu se déclare toutes les deux minutes. Cela coûte environ 1,3 milliard d'euros par an, mais surtout, ce sont 800 morts par an liés aux incendies et 10 000 blessés.

L'incendie est une véritable catastrophe pour tout le monde. En tant qu'industriels des incendies, vous êtes les coordinateurs des équipements que vous apportez aux pompiers et aux associations de sécurité civile.

J'ai pu observer la sécurité civile dans le monde entier et voir comment chacun s'équipait et travaillait. Il apparaît que les normes sont différentes dans les différents pays, y compris au sein de l'Union européenne. Même en France, nos pompiers n'ont pas les mêmes équipements, ni les mêmes normes en fonction des départements.

Travaillez-vous à une normalisation européenne des moyens, matériels bien sûr, mais aussi de transport ? Par ailleurs, pourquoi les pompiers sont-ils aussi longs à s'équiper en véhicules à motorisation électrique ?

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Vous avez insisté sur l'enjeu de la prévention. Comment organiser la prévention des risques des entreprises de manière efficace ?

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Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie

Nous constatons, de manière générale, que nos concitoyens ne sont pas suffisamment sensibilisés au risque incendie. Quoi qu'il en soit, au sein de la FFMI, nous avons un syndicat qui s'occupe plus particulièrement de la formation professionnelle sur le sujet.

Lorsque le risque n'est pas perçu, la stimulation peut venir de la réglementation ou du monde de l'assurance. Dans le monde de l'entreprise, ce sont généralement les assureurs qui sont les premiers prescripteurs en termes de mesures relatives à l'incendie.

Là où il y a un risque d'incendie, l'assureur sera attentif et demandera que des mesures soient mises en œuvre, que ce soit en termes de dotation de matériel ou de formation au risque d'incendie. Lorsque le risque d'incendie est plus faible, cette préoccupation ne sera pas forcément la plus forte.

Concernant les aspects de normalisation, deux éléments doivent être considérés : la normalisation technique où il y a consensus sur l'utilisation d'un matériel quel qu'il soit ; l'utilisation qui en est faite, qui est harmonisée au niveau européen, ou liée profondément à la culture de chaque pays et à la structuration du risque incendie.

Ainsi par exemple, les diffuseurs sonores (qui diffusent le fameux signal d'évacuation) doivent répondre à une norme européenne depuis 20 ans. Le son reste en revanche purement national. Chaque pays a son propre son d'évacuation.

Concernant la dotation des SDIS et le découpage territorial, un choix a été fait de laisser la liberté à chaque département de pouvoir doter son SDIS du matériel le plus adapté compte tenu de ses ressources. En contrepartie, les industriels doivent répondre de façon détaillée à l'ensemble de ces demandes.

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Merci pour votre intervention. N'hésitez pas à nous envoyer une contribution écrite si vous voulez compléter vos réponses ou aborder d'autres sujets qui ne l'auraient pas été aujourd'hui, afin que nous puissions la prendre en compte.

Puis, la mission d'information auditionne Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer et du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité.

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Je tiens avant tout à vous remercier, Madame la ministre déléguée, de votre présence parmi nous ce matin. Depuis le début de nos travaux, en septembre dernier, nous avons auditionné l'ensemble des acteurs chargés, de près comme de loin, de notre modèle de sécurité civile, entendu plus de 130 personnes et réalisé cinq déplacements, en France et à l'étranger. Cette audition devrait être la dernière de la mission d'information, et c'est un honneur pour nous de conclure nos travaux en vous recevant.

Je ne serai pas longue, afin de nous permettre d'entrer rapidement dans le vif du sujet. Permettez-moi de rappeler une dernière fois que notre mission d'information, créée à la demande du groupe Horizons, a pour rapporteur mon collègue Didier Lemaire, qui est à mes côtés, et que toutes les composantes politiques de notre assemblée y sont représentées – c'est un point important, tant ce sujet nous est apparu, à bien des égards, de nature à dépasser les clivages politiques habituels.

Cette audition fait, comme toutes celles que nous avons menées, l'objet d'une captation vidéo ; un compte rendu de nos échanges sera par ailleurs annexé au rapport que nous rendrons sous peu.

Je vous propose de céder la parole à notre rapporteur. Merci encore pour votre présence à ce temps d'échanges, dont je ne doute pas qu'il sera fructueux.

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Tout comme la présidente, je tenais à vous remercier sincèrement, Madame la ministre déléguée, de nous accorder du temps en conclusion de notre mission d'information. Je connais votre attachement aux sujets de la sécurité et de la protection civiles pour les avoir évoqués à plusieurs reprises avec vous.

Comment les moyens humains et matériels évolueront-ils dans les prochaines années et quel rôle l'État aura-t-il dans l'accompagnement de cette évolution ? Comment l'État peut-il contribuer à armer les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) les moins bien dotés ? Comment ceux-ci pourront-ils faire face au risque de rupture capacitaire en cas de crises simultanées ?

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Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Si vous me le permettez, je commencerai par une déclaration générale, avant d'en venir aux questions. Je pourrai ainsi aborder tous les sujets, afin de vous exposer la politique du ministère en cette matière.

Je vous remercie de me permettre d'intervenir aujourd'hui sur un sujet d'une importance majeure pour nos territoires et notre population. La protection et la sécurité civiles sont des priorités du Gouvernement, comme en témoignent sa mobilisation dans la gestion de crise, ainsi que l'effort permanent d'adaptation de notre modèle d'organisation, à laquelle vous avez vous-mêmes réfléchi. Adapter notre modèle de sécurité civile est un impératif qui exige de penser le temps long. Cela n'est pas un exercice facile, mais c'est l'une des ambitions de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur et des outre-mer (Lopmi), qui fixe une trajectoire jusqu'en 2027.

J'aimerais, avant d'échanger avec vous sur les différents points que vous souhaitez aborder, insister sur trois éléments saillants permettant de définir notre modèle, sa force et sa capacité d'adaptation. D'abord, il convient de rappeler la capacité de réponse immédiate de la sécurité civile au défi des grands feux de l'été 2022, cette année hors norme. Ensuite, il faut évoquer la spécificité et la force du collectif, associant l'État, les collectivités et les citoyens. Enfin, il nous reviendra d'envisager avec vous des pistes pour l'avenir et d'interroger notre capacité à nous réinventer.

La saison des feux en 2022 a défié la solidité de notre modèle. Nous avons su en tirer des enseignements immédiats. Le Gouvernement, que ce soit par le biais de la Lopmi ou des différents budgets, a pris en compte les cruels enseignements des dernières crises – nous pensons à la « saison en enfer », pour reprendre l'expression du Président de la République. Ce sont 72 000 hectares qui ont été incendiés en 2022, soit six fois plus que la moyenne des dix dernières années, dans cinquante départements. Nous avons regretté deux décès parmi nos sapeurs-pompiers. Cette saison fut tout à la fois un choc, un avertissement et ce que j'appelle un stress test pour notre modèle. Celui-ci a tenu, même si le coût a été élevé. La nation a résisté, grâce à l'engagement conjoint des sapeurs-pompiers, des personnels militaires, de la sécurité civile, de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), des états-majors de zone, de l'Office national des forêts (ONF), des forces de sécurité intérieure et de nos partenaires européens, mais aussi des agriculteurs, des forestiers, des associations de sécurité civile et, évidemment, des élus – notamment des maires, en première ligne dans ce combat.

Ainsi, si le bilan de la saison des feux 2022 a été lourd humainement, climatiquement et en matière de biodiversité, le modèle français de sécurité civile a permis d'éviter des conséquences qui auraient pu être bien plus dramatiques. La mobilisation est donc réelle, à la fois au niveau national et au niveau local. Au niveau national, le budget de la sécurité civile a augmenté de 60 % ces six dernières années. La flotte aérienne est renforcée ; des efforts ont été consentis du point de vue des ressources humaines ; des cartographies des risques à la maille plus fine ont été dressées. L'État a engagé 180 millions d'euros dans les pactes capacitaires, ce qui a produit un fort effet de levier en lien avec les collectivités, au profit des équipements de tous nos SDIS. Au niveau local, les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (Sdacr) ont été adaptés, après une évaluation des spécificités de chaque territoire. Ce travail se traduira par des investissements mieux ciblés de chaque SDIS, tant au point de vue du matériel que de la formation ou de l'organisation.

Ces efforts immédiats et proportionnés témoignent de la vitalité, de la plasticité et de la modularité de notre modèle, qui doit faire face aux évolutions climatiques et sociales, aux évolutions internationales et sanitaires, ainsi qu'aux évolutions en matière de sécurité publique ou de risque terroriste. Comme vous le voyez, j'associe à ce satisfecit autant le niveau national que le niveau local.

Notre modèle associe l'État, les collectivités locales et l'engagement citoyen. À rebours de l'histoire de l'administration française, l'organisation de la sécurité civile trouve ses origines dans l'organisation citoyenne et communale. Sa structuration nationale est arrivée tardivement. C'est l'un des rares exemples de système ascendant (bottom-up) dans l'organisation des pouvoirs publics français. La DGSCGC, les plans d'organisation de la réponse de sécurité civile dits plans Orsec, l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp), le groupement aérien de la sécurité civile, le système d'alerte et d'information aux populations ne se sont constitués qu'à partir des années 1950. C'est à cette même époque que le ministère de l'intérieur a été formellement chargé de la préparation et de la mise en œuvre de la défense civile. C'est ainsi qu'aujourd'hui, chaque préfet de département, directeur des opérations de secours, dispose d'un service de défense et de protection civiles et d'un centre opérationnel départemental. Bien avant cela existaient les corps communaux de sapeurs-pompiers. Le maire reste un acteur essentiel : il est le directeur des opérations de secours pour les interventions dites courantes et tient à jour son plan communal de sauvegarde (PCS).

Enfin, notre modèle tient grâce à l'engagement citoyen. Nos sapeurs-pompiers volontaires et nos associations agréées de sécurité civile ne sont pas de simples auxiliaires. Ils sont des acteurs incontournables, bien formés et réactifs. Les évolutions sociétales rendent leur disponibilité moins évidente et plus ponctuelle, ce dont il faudra tenir compte. Ainsi, les femmes et les hommes qui font vivre notre sécurité civile sont des agents de l'État, des agents des collectivités, mais aussi des bénévoles. Ce travail de concert s'incarne parfaitement dans la composition des conseils d'administration de nos SDIS entre représentants du conseil départemental, des municipalités et des préfets.

Pour conclure, ce modèle, qui a tenu face à une augmentation des risques grâce à ses spécificités, peut-il encore se réinventer ? Il faut s'interroger collectivement sur notre capacité à adapter en permanence notre organisation. Je pense que c'est tout l'objet de votre mission, dont je vous remercie ; je lirai attentivement votre rapport. Il faut nous assurer d'une agilité suffisante pour saisir toutes les innovations technologiques, doctrinales et organisationnelles nécessaires. Au niveau national, l'État impulse des investissements et des innovations. Il renforce les moyens nationaux terrestres avec la création, vous le savez, d'une quatrième unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile métropolitaine. Il renforce également les moyens aériens. Il lance des programmes de modernisation des systèmes d'information. Il adapte le système d'alerte et d'information des populations, notamment avec le lancement de FR-Alert. Il développe le réseau radio du futur (RRF), qui aura vocation à être largement utilisé. Il lance un projet de direction permanente de crise et de modernisation de la cellule interministérielle de crise, CIC 2.0.

Ces différents efforts s'organisent selon trois axes : renforcement des moyens, modernisation des pratiques et renforcement du positionnement du ministère de l'intérieur comme premier acteur de la crise. Ne voyez pas là un satisfecit. C'est un combat qu'il nous faudra poursuivre. Et, comme je vous l'ai dit, je m'appuierai bien sûr sur votre rapport.

Au niveau local, le binôme maire-préfet a largement montré son efficacité. Tous les retours d'expérience nous montrent combien la gestion locale départementale de ces événements dramatiques, qu'ils soient du quotidien ou exceptionnels, est la plus efficace : c'est le bon échelon. Bien évidemment, dans un certain nombre de situations, l'échelon local n'est pas suffisant. Mais la force de notre système, sa capacité de résilience, son adaptabilité viennent précisément de cette solidarité que l'on trouve à tous les niveaux et qui permet de résoudre chacune des crises.

Parallèlement, il convient de renforcer le mécanisme de protection civile de l'Union européenne mis en place en 2001. Nous en sommes des contributeurs, mais également des bénéficiaires. Allemands, Grecs, Polonais, Roumains, Autrichiens, Italiens, Suédois sont venus nous soutenir en 2022 lors des feux de forêt. Les études en stratégie des organisations le montrent. C'est une illusion de vouloir piloter de manière centralisée le cycle du changement. Je suis persuadée qu'une co-construction des réponses aux défis de demain est nécessaire, en se fondant sur des regards différents et sur une écoute des retours du terrain. Notre modèle est fédérateur. Notre modèle est agrégateur. Il associe plusieurs forces vives et permet l'émulation et l'innovation. Certes, c'est parfois une complexité, mais c'est également une force. Il nous faut écouter les acteurs de terrain, au premier rang desquels nos sapeurs-pompiers, nos élus et nos associations agréées de sécurité civile.

Penser le modèle de sécurité civile ne passera pas que par des investissements massifs, par ailleurs nécessaires et déjà lancés, mais aussi par une réflexion à 360 degrés, associant toutes les strates d'intervention. L'ambition est claire : gagner en résilience. Leministère de l'intérieur et des outre-mer en a pleinement conscience. Cet objectif rejoint celui de l'adaptation au changement climatique, visé notamment par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Il contribuera à résoudre d'autres problématiques, comme la capacité de nos collectivités locales à s'assurer . Ce travail est, comme vous l'avez perçu dans mon propos, pleinement engagé par la DGSCGC, mais aussi par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui défend le plan national pour développer et structurer la capacité de résilience de la nation face à des événements de toute nature. Je veux évidemment saluer le travail qui est réalisé par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).

Je suis ravie de pouvoir échanger avec vous aujourd'hui sur ce sujet d'avenir. Je vous renouvelle tous mes remerciements sincères pour le travail que vous avez réalisé. Si vous le souhaitez, nous pourrons poursuivre notre échange dans mon ministère. Nous avons répondu par écrit aux quatorze questions que vous avez eu la gentillesse de nous poser ; nous pourrons vous transmettre le document. Voulez-vous que je réponde à votre première question ou considérez-vous que je l'ai en partie traitée ?

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Merci beaucoup, madame la ministre, pour ces propos liminaires qui me font très plaisir. Vous avez pu aborder bon nombre de sujets, dont les capacités d'adaptation et d'anticipation de notre modèle de sécurité civile, qui sont au cœur de cette mission d'information. Nous vous remercions également de votre proposition de vous rencontrer au ministère.

Le système de sécurité civile est principalement financé par les collectivités locales. Quelles sont les principales pistes d'évolution envisagées, à la suite de la publication du rapport des inspections sur le financement des SDIS ?

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Dominique Faure, ministre déléguée

Des concertations ont été menées par le ministère de l'intérieur et des outre-mer avec l'association Départements de France et l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF). Plusieurs propositions évoquées dans le rapport des inspections ont déjà fait l'objet d'une traduction dans la loi : tel est le cas notamment de l'exonération du malus écologique pour les véhicules des services d'incendie et de secours (SIS), ainsi que de l'exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

Les autres pistes évoquées, comme le déplafonnement des contributions du bloc communal et l'utilisation différenciée de la dynamique de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA), restent à l'étude. J'y ai beaucoup travaillé ce dernier semestre, en étroit lien avec François Sauvadet, le président de Départements de France. Nos discussions se poursuivent. Les premiers travaux ont permis de proposer des critères de répartition de la dynamique annuelle du produit de la TSCA, fondés notamment sur des aspects opérationnels et pas uniquement démographiques.

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La loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, a créé les réserves citoyennes des services d'incendie et de secours. Quel bilan en faites-vous et comment ce dispositif devrait-il s'articuler vis-à-vis des réserves communales de sécurité civile ?

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Dominique Faure, ministre déléguée

La création des réserves citoyennes des services d'incendie et de secours est récente et, à ce jour, le nombre de réserves est encore très limité. Nous en avons dénombré une dizaine, représentant quelques centaines de réservistes. Il existait préalablement des dispositifs adossés aux unions départementales qui assuraient des missions similaires. Le ministère de l'intérieur et des outre-mer privilégie leur intégration au sein de ces réserves.

Les réserves citoyennes des SIS et les réserves communales de sécurité civile sont des composantes complémentaires, qui servent des missions différentes et permettent à chacun de trouver un engagement citoyen adapté à ses possibilités et à ses envies de servir.

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La loi Matras a apporté de premières réponses pour soulager les sapeurs-pompiers en matière de carences ambulancières. Quel bilan dressez-vous de ces dispositions ? Vous semble-t-il nécessaire d'aller plus loin ?

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Dominique Faure, ministre déléguée

C'est un sujet que le ministre et moi-même connaissons bien et sur lequel nous avons commencé à travailler avec les ministres de la santé successifs. La question des carences ambulancières réalisées par les sapeurs-pompiers s'apprécie par le biais de deux dispositifs distincts : le premier est constitué par les apports de la loi Matras, le second par la réforme des transports sanitaires urgents.

D'une part, les SIS ont désormais, explicitement, la possibilité de différer ou de refuser les interventions qui ne relèvent pas de leurs missions. Cette mesure concerne en particulier les carences ambulancières et permet de préserver leur potentiel opérationnel.

La notion de carence ambulancière est définie par la loi Matras, afin de clarifier de nombreuses situations potentiellement conflictuelles entre les SIS et les hôpitaux sièges de Samu : « Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours sur la prescription du service d'aide médicale urgente, lorsque celui-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés pour une mission visant à la prise en charge et au transport de malades, de blessés ou de parturientes, pour des raisons de soins ou de diagnostic, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2 sont des carences ambulancières. » Une commission de conciliation paritaire a également été instituée : elle pourra être consultée en cas de désaccord sur les modalités de qualification.

D'autre part, la réforme des transports sanitaires urgents a eu pour finalité de ne pas reporter sur les services d'incendie et de secours des dépenses qui ne se rattachent pas à l'exercice de leurs missions et qui pèsent sur le budget des collectivités territoriales. En effet, en recentrant les entreprises de transport sanitaire urgent sur leur cœur de métier, elle doit aboutir à limiter les carences ambulancières pesant sur l'activité des SIS, tout en préservant la continuité du service public.

Par ailleurs, elle apporte une meilleure indemnisation des SIS, grâce à la revalorisation du montant du tarif national d'indemnisation des carences ambulancières, qui a été porté à 209 euros en 2023, ainsi qu'à l'indemnité horaire de substitution de 12 euros par heure pour les secteurs non couverts ou partiellement couverts par une garde ambulancière. Une évaluation de la réforme des transports sanitaires urgents (TSU) sera menée, en lien avec le ministère chargé de la santé, à la fin du premier semestre 2024.

Enfin, les travaux de révision du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente (SAP/AMU) du 25 juin 2008 ont été lancés. Ce document, qui constitue la doctrine française des services publics en matière d'organisation quotidienne des secours et des soins urgents, doit être mis à jour au regard des enjeux actuels et futurs en matière de prise en charge de l'urgence préhospitalière.

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La sécurité civile est une compétence du ministère de l'intérieur, mais elle est par essence interministérielle. Quel regard portez-vous sur l'idée de créer, comme cela existe dans d'autres pays européens, un secrétariat d'État à la sécurité civile chargé de diriger cette politique publique, qui pourrait être placé sous l'autorité du Premier ministre pour refléter directement cette dimension interministérielle ?

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Dominique Faure, ministre déléguée

Nombre de politiques menées dans les territoires relèvent, au fond, de plusieurs ministères, comme l'écologie ou la sécurité routière, et elles sont articulées entre l'État et les collectivités locales. Le caractère interministériel de la sécurité civile ne constitue pas un particularisme notable dans l'architecture administrative qui justifierait un rattachement direct au Premier ministre.

Le rôle du préfet en matière de gestion de crise doit être souligné. Le niveau départemental est d'ailleurs considéré, dans tous les retours d'expérience, comme le meilleur pour gérer les crises. Le lien avec le ministère de l'intérieur est donc prégnant. En cas de crise, qu'elle soit majeure ou non, la nécessaire coordination avec les forces de sécurité intérieure constitue une exigence qui milite pour une cohérence administrative.

Peu de pays européens ont placé la sécurité civile sous l'autorité d'un secrétaire d'État. Ce n'est le cas ni en Allemagne, ni en Italie, ni en Espagne. En revanche, le Portugal dispose d'un secrétariat d'État à la protection civile et la Grèce d'un ministère du changement climatique et de la protection civile. En Italie, bien que les sapeurs-pompiers, qui sont nationalisés, soient rattachés au ministère de l'intérieur, la gestion de crise dépend du président du Conseil.

Ainsi, le positionnement de la sécurité civile au sein du ministère de l'intérieur, ministère des forces, ministère de la territorialité et ministère des crises, est pleinement justifié. Une amélioration des relations entre les services reste cependant nécessaire pour fluidifier les travaux et prendre pleinement en compte le continuum de sécurité civile, qui va de la prévision des phénomènes jusqu'au retour à la normale après événement, en passant par la préparation des infrastructures, des terrains et des personnels. Les SDIS qui m'ont accueillie ont pu voir à quel point le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'appuie sur moi pour l'accompagner dans cette mission.

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Lors de la survenance d'une crise, le couple maire-préfet est-il, selon vous, bien identifié par l'ensemble des acteurs sur le terrain ? Leur rôle vous semble-t-il concurrencé par l'intervention d'autres acteurs institutionnels, à l'instar des intercommunalités ou des régions ? De manière plus large, quel rôle les régions et les intercommunalités doivent-elles jouer au sein de notre modèle de sécurité civile ?

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Dominique Faure, ministre déléguée

Oui, le couple maire-préfet est bien identifié et fonctionnel en situation de crise, dans le prolongement des échanges réguliers qu'entretient l'autorité préfectorale avec les élus. En cas d'aléa ou de menace, l'autorité préfectorale prend systématiquement l'attache des élus concernés – maire, président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), président du conseil départemental, conseillers départementaux –, afin de partager les informations, de s'assurer de la capacité de la commune à prendre en charge l'événement et de proposer ou de mettre à disposition des moyens de l'État.

En qualité de premier directeur des opérations de secours, le maire sait solliciter l'appui du préfet en cas de nécessité. Dans ce cas, le préfet prend la direction des opérations et le maire continue d'assumer, pour sa commune, la responsabilité de la mise en œuvre des mesures de sauvegarde vis-à-vis de ses administrés. Les élus – maire, président du conseil départemental en cas d'événements sur le réseau départemental ou concernant les établissements scolaires qu'il gère, etc. – peuvent aussi être invités à intégrer le centre opérationnel départemental (COD). J'invite d'ailleurs tous les maires qui nous écouteront à organiser des exercices annuels d'entraînement, afin de vérifier que leur plan communal de sauvegarde (PCS) est opérationnel.

Les intercommunalités comme les régions sont des appuis pour le maire comme pour le préfet. Mais la nécessité de leur accorder un pouvoir de police n'est pas apparente au vu de toutes les dernières crises qui ont été gérées. Au quotidien, le maire est le directeur naturel des opérations de secours ; dans la gestion de crise, le préfet apparaît comme l'interlocuteur le plus approprié. Les retours d'expérience de toutes les dernières crises nous le montrent.

Mais les intercommunalités ont maintenant un rôle à jouer dans la mise en œuvre des mesures de sauvegarde. La loi Matras a institué la possibilité de réaliser des plans intercommunaux de sauvegarde, outils complémentaires des plans relevant de la commune et du maire ; ces plans intercommunaux permettent d'organiser la solidarité à l'échelle de l'intercommunalité en cas de crise.

Quant aux régions, elles ont une place toute trouvée dans l'aménagement du territoire, dans l'anticipation des crises. Nul besoin de démultiplier les niveaux de gestion.

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Les auditions menées par la mission d'information soulignent l'importance de la formation et de l'éducation aux risques, tant pour la population d'une manière générale que pour les élus, en particulier les élus locaux. Les efforts consentis aujourd'hui vous paraissent-ils suffisants ? Est-il envisagé de renforcer la formation des élus à la gestion de crise qui, nous le savons, ne s'improvise pas ?

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Dominique Faure, ministre déléguée

La formation est en effet fondamentale. La loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a institué le principe selon lequel « toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile ». Chacune et chacun d'entre nous doit pouvoir agir et réagir face à une situation qui peut toucher les autres, mais peut également nous toucher personnellement. Connaître les gestes qui sauvent peut permettre de sauver une personne faisant un arrêt cardiaque ; savoir comment se protéger en cas de catastrophe permet de ne pas provoquer d'embolie des services de secours en démultipliant les points d'intervention.

Cette formation concerne également les élus qui sont placés en position de décideurs, et plus seulement en position d'acteurs, sans pourtant connaître tous les éléments permettant la décision. Les possibilités de formation pour tous existent, mais doivent encore se démultiplier. Les exercices réalisés dans le cadre de la mise en application des plans communaux de sauvegarde sont également, je le disais, une bonne façon de se former et de s'approprier les outils disponibles.

Pour les actions de formation au secourisme, le rôle de l'éducation nationale est essentiel, et sans être parfait, nous permet petit à petit de toucher toutes les générations qui sortent du système scolaire.

Dans de nombreux départements existent des actions de sensibilisation des élus, à l'initiative de la préfecture, du conseil départemental ou du service d'incendie et de secours. Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs‑pompiers (Ensosp) proposent aussi des mallettes pédagogiques qui doivent, il est vrai, faire l'objet d'une plus grande publicité pour que chacun se les approprie.

Il y a donc deux axes : la formation continue, et le CNFPT est ici un excellent soutien ; les exercices grandeur nature que j'appelle tous les maires à réaliser, et qui sont organisés gratuitement par les sapeurs-pompiers du département. C'est un jeu de rôle très efficace.

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J'avais rendu en 2022 un rapport consacré à la protection civile européenne. Nous nous inquiétions déjà des conséquences de l'arrêt Matzak du 21 février 2018, c'est-à-dire d'une possible transformation des sapeurs-pompiers volontaires en travailleurs. Le Président de la République et le Gouvernement ont réussi à éviter cet écueil. Le tout récent rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) sur l'activité des sapeurs-pompiers volontaires revient sur ce sujet : ses conclusions vont dans le bon sens, mais il faudra rester vigilant. La sécurité civile française doit évoluer, mais il est essentiel de préserver notre système de sapeurs-pompiers volontaires. Reconnaître ceux-ci comme des travailleurs poserait de grands problèmes.

Merci d'avoir cité les ministres chargés, dans différents pays, de la sécurité civile. Vous avez oublié deux pays qui jouent un rôle important dans l'Europe de la sécurité civile : la Roumanie – dont le secrétaire d'État, M. Raed Arafat, est un acteur essentiel – et la Suède, pays qui met depuis 2018 un point d'honneur à intervenir dès qu'il est sollicité. Les sapeurs-pompiers de ces deux pays ont prêté main-forte aux Français en 2022.

Les sapeurs-pompiers français répondent présent partout dans le monde – dernièrement, au Canada, par exemple. Accueillir chez nous des sapeurs-pompiers de toute l'Europe était une grande première. Je citerai ici la proposition n° 2 de mon rapport de 2022 : « Renforcer les capacités nationales sans attendre qu'elles soient prises en défaut par une crise. » Cette crise a eu lieu à l'été 2022, et nous y avons mis fin grâce aux sapeurs-pompiers des autres pays. Mais il me semble que la France doit accentuer son engagement, notamment dans le Mécanisme de protection civile de l'Union européenne (MPCU) et au sein des actions de la direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes (DG Echo).

Il y a un domaine qui est malheureusement laissé de côté, c'est le bassin méditerranéen. Tous les pays y sont confrontés à des catastrophes majeures – la Turquie, avec 52 000 décès dans le récent tremblement de terre, le Maroc, la Grèce… Pourtant, il n'y a pas de mécanisme de sécurité civile parallèle à ce que fait la DG Echo, et la France ne fait pas beaucoup d'efforts en ce sens. C'est regrettable. De quelle manière la France pourrait-elle contribuer activement au développement de la sécurité civile de l'Union pour la Méditerranée (UPM) ?

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Dominique Faure, ministre déléguée

S'agissant de l'arrêt Matzak, vous avez raison de souligner la nécessité d'être vigilants. Toutefois, le récent rapport de l'IGA conforte le ministère de l'intérieur et des outre-mer dans l'idée que la majorité des sapeurs-pompiers volontaires ne présentent aucune vulnérabilité face à la directive européenne sur le temps de travail (DETT).

Seules deux situations peuvent mettre un service d'incendie et de secours en situation de vulnérabilité : la réalisation à titre individuel d'un nombre trop important de gardes postées ; l'utilisation forte de renforts saisonniers sans réelle limitation de durée de sollicitation et selon le principe indemnitaire classique du sapeur-pompier volontaire, hors logique de contrat à durée déterminée et de socialisation.

Il est donc nécessaire de mener un travail de concertation pour trouver, sans forcément passer par la voie réglementaire, les modalités les plus adaptées pour protéger le statut de sapeur-pompier volontaire, qui est indispensable au bon fonctionnement de notre modèle de sécurité civile – je souscris entièrement à vos propos, et il s'agit aussi de la position du ministre de l'intérieur et des outre-mer. Que serait ce modèle sans ce maillage extraordinaire que nous permet la densité du volontariat ? Que serait-il sans cette capacité de mobilisation hors norme, qui nous permet, en plein été 2022, d'envoyer plus de 10 000 sapeurs-pompiers pour lutter contre ces terribles feux de forêts ?

Les recommandations issues de ce travail qui sera mené avec le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) et les autres acteurs institutionnels devront être mises en œuvre de façon progressive, concertée et programmée, afin d'intégrer les indispensables périodes transitoires. Il s'agira d'éviter que l'engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire soit assimilé à un travail au sens de la directive européenne sur le temps de travail (DETT).

Il me paraît également essentiel d'associer à cette entreprise les membres de cette mission d'information qui le souhaiteront.

Je voudrais aussi vous dire que les Roumains – pour l'essentiel des militaires – et les Suédois – très professionnalisés – étaient associés à ma prise de parole initiale, aux côtés des Allemands, des Grecs, des Polonais, des Autrichiens, des Italiens…!

Vous parlez d'anticiper les crises. S'agissant des liens avec l'Union européenne et l'Union pour la Méditerranée, je travaille, vous l'avez compris, par délégation du ministre de l'intérieur et des outre-mer. J'ai reçu récemment le ministre grec en charge de ces questions. Nos échanges ont été extrêmement intéressants.

Des travaux existent au sein de l'Union pour la Méditerranée : formation de personnels, envoi de moyens lors de feux ou de séismes, participation au financement de l'acquisition de matériels. Vous avez raison, ils ne sont sans doute pas suffisants. Dans mes échanges avec le ministre grec, j'ai vu des opportunités pour tous – nous disposons ainsi d'un centre à Nîmes, qui accueille toutes nos forces de sécurité civile aériennes et qui pourrait relever de l'Europe. Notre ambition est partagée et nous pourrons, je crois, aller plus loin. Je transmettrai votre observation au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Je représente aussi régulièrement le ministre dans les réunions européennes. Des échanges informels ont notamment lieu dans le cadre du dispositif RescEU (réserve européenne de ressources). Je ne manquerai pas de demander à mon cabinet de vous y associer.

Je rappellerai brièvement les engagements français au niveau de l'Union européenne : nous disposons de vingt modules qui peuvent être mis à disposition en Europe. Nous avons ainsi engagé, entre 2015 et 2020, sept à huit détachements par an pour 3 000 jours-hommes ; entre 2021 et 2022, dix-huit détachements, pour 10 000 jours-hommes ; en 2023, vingt détachements, pour 46 000 jours-hommes. La France a ainsi la plus forte présence en effectifs de tous les États membres. Je suis à votre disposition pour débattre de ces chiffres, et j'entends ce que vous dites au sujet du travail partagé avec l'Union européenne.

Au niveau national, le montant du pacte capacitaire était de 30 millions d'euros, vous le savez. Nous l'avons porté à 180 millions d'euros, et avons encore ajouté un fonds de 150 millions. C'est une décision du Président de la République. Ces crédits sont fléchés. Vous dites qu'il ne faut pas les augmenter seulement en temps de crise, et j'entends qu'il faut anticiper. Mais je sais que vous êtes un député responsable : on pourrait mettre plus d'argent partout, dans la santé, dans l'éducation nationale, dans les collectivités locales, mais nous avons 3 000 milliards d'euros de dette et le Gouvernement a l'ambition de la réduire.

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Les associations agréées de sécurité civile constituent une force de notre modèle – je pense à la Protection civile, à la Croix-Rouge…

La coordination des associations de sécurité civile avec les autres acteurs vous semble-t-elle satisfaisante ? Des évolutions sont-elles envisagées ?

Une réflexion est-elle en cours pour simplifier les modalités d'agrément des associations de sécurité civile ? Des mesures concrètes sont- elles à l'étude pour mieux valoriser le bénévolat au sein de ces associations ?

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Dominique Faure, ministre déléguée

Je ne manque pas, quand je visite des SDIS, d'aller à la rencontre de ces associations. La dernière fois, c'était dans le Var, et j'ai constaté leur efficacité.

La DGSCGC assure l'animation de ce réseau ; elle signe ainsi des conventions nationales d'assistance technique, encadrant les relations entre les associations agréées et les services de l'État, conventions susceptibles de déclinaisons départementales qui consolident les modalités de leur engagement ; elle diffuse également des dispositions spécifiques Orsec propres à certains risques particuliers, qui détaillent les conditions d'engagement des associations.

Pour autant, la coordination des acteurs de la sécurité civile dépend principalement de dynamiques territoriales.

Parmi les instances susceptibles de contribuer à cette coordination, le conseil départemental de sécurité civile demeure insuffisamment activé.

La tendance d'ensemble est à un renforcement de la coordination de l'activité de ces associations avec les autres acteurs. À une échelle plus sectorielle, le niveau d'intégration des associations agréées à la réponse proposée par les SIS demeure variable. La loi Matras a étendu à l'ensemble du territoire national la possibilité pour ces associations de réaliser des évacuations d'urgence de victimes lorsqu'elles participent aux opérations de secours ; cette possibilité était jusqu'alors limitée aux ressorts territoriaux de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon de marins-pompiers de Marseille. À ce jour, le SDIS 34 et deux associations implantées localement – la délégation territoriale de la Croix-Rouge française et l'association départementale de la Protection civile – ont signé une convention en ce sens. Une enquête est actuellement menée par la DGSCGC pour dresser un état des lieux précis.

Aujourd'hui, quatorze associations disposent d'un agrément de sécurité civile délivré au niveau national. La majorité d'entre elles dispose des quatre agréments, les associations restantes exerçant une compétence spécialisée. Deux associations bénéficient d'un agrément interdépartemental. Au total, en ajoutant les associations nationales et les associations départementales de sécurité civile, ce sont environ 600 structures locales qui maillent le territoire national.

Compte tenu des garanties attendues pour l'exercice de missions participant à la couverture secours-santé, un parallélisme des formes prévaut pour les procédures d'agrément quel que soit le niveau de délivrance, national ou départemental. Une association qui bénéficie d'un agrément national de sécurité civile peut intervenir sur l'ensemble du territoire. Dès lors, la question de la simplification des modalités d'agrément au niveau local des associations bénéficiant d'un agrément national ne se pose pas – voilà un sujet où la simplification a été faite !

En ce qui concerne la valorisation du bénévolat au sein des associations de sécurité civile, la loi Matras marque une première avancée, puisqu'elle consacre les associations agréées, leurs salariés et leurs bénévoles comme participant à l'exercice des missions de sécurité civile aux côtés des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, des personnels des services de l'État et des unités militaires qui en sont investis à titre permanent. Son article 49 proclame la reconnaissance par la nation de l'engagement citoyen en qualité de bénévole d'une association agréée de sécurité civile.

Les mesures de valorisation des sapeurs-pompiers volontaires ne peuvent être strictement dupliquées pour les bénévoles. Cette valorisation doit se faire à l'aune de l'engagement de chacun ; or les contraintes de disponibilité, d'engagement et d'opérationnalité des sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas comparables à celles des bénévoles des associations agréées. Le rôle de ces derniers est essentiel et nous devons les valoriser, mais ne créons pas des volontaires bis.

À ce stade, les mesures proposées par la proposition de loi visant à reconnaître le bénévolat de sécurité civile appellent, en particulier, les réserves suivantes.

Tout d'abord, en ce qui concerne le champ des missions associé au bénéfice de certains dispositifs de soutien, l'engagement au sein d'une association agréée de sécurité civile ne coïncide pas nécessairement avec l'exercice de missions de secourisme. En outre, l'amarrage de certaines mesures au principe d'ancienneté des bénévoles se heurte à ce stade au fait que la perte de qualité de membre d'une association agréée de sécurité civile ne peut être prononcée pour des motifs d'insuffisance dans les activités exercées.

Une analogie trop poussée entre le volontariat des sapeurs-pompiers et le bénévolat au sein de ces associations n'est pas pertinente, les deux types d'engagement obéissant pour partie à des logiques différentes.

Aucune étude d'impact n'a été réalisée sur les mesures proposées par cette proposition de loi.

Enfin, il faut éviter un risque reconventionnel avec d'autres associations détentrices d'un agrément délivré par l'État.

La séance est levée à onze heures trente.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Lisa Belluco, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Marietta Karamanli, M. Didier Lemaire, M. Julien Rancoule

Excusés. – M. Benoît Bordat, M. Bertrand Bouyx, M. Yannick Chenevard, M. Éric Pauget