Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures quarante.

(Mme Isabelle Rauch, Présidente)

La commission auditionne Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

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Nous allons travailler dans un contexte particulier, puisque Mme la Première ministre vient d'engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 (PLF 2023). Cette décision interrompt la discussion du projet. Il me semble néanmoins pertinent d'entendre Mme Sylvie Retailleau présenter les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur et de tenir la discussion générale. En revanche, nous n'examinerons pas les amendements déposés sur cette mission et ne formulerons pas d'avis à son sujet. Enfin, je proposerai à la commission d'autoriser la publication des travaux de nos deux rapporteurs pour avis sous forme de rapports d'information après que leurs parties thématiques nous auront été présentées, à l'issue de l'audition de la ministre.

Madame la ministre, je vous remercie d'être à nouveau parmi nous et d'accepter de nous présenter les crédits de votre ministère en dépit de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement.

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Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche

Je vous remercie de permettre un dialogue important dans ce contexte singulier. En 2023, le budget du ministère progressera de près de 1,1 milliard d'euros par rapport à 2022, hors financements issus du programme d'investissements d'avenir et du plan France 2030. Ce budget est en hausse constante : il a augmenté de 3,6 milliards d'euros depuis 2017. Cette augmentation est d'autant plus notable qu'elle s'inscrit dans un contexte géopolitique et économique compliqué, et alors que le Gouvernement a déjà engagé des dépenses massives en faveur de la préservation du pouvoir d'achat des Français.

Les crédits alloués au ministère en 2023 s'élèvent à 25,7 milliards d'euros, répartis entre les trois programmes qui relèvent de ma responsabilité de la manière suivante : 14,8 milliards d'euros pour le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire ; 7,8 milliards d'euros pour le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ; 3,1 milliards d'euros pour le programme 231 Vie étudiante.

La hausse des crédits du ministère traduit trois objectifs. Le premier, conforme à l'engagement que j'avais pris devant vous, est de confirmer la trajectoire de la loi de programmation de la recherche (LPR), avec 400 millions d'euros supplémentaires et la création de 650 emplois. Le deuxième objectif est de conforter les moyens par une enveloppe de 160 millions d'euros de mesures nouvelles destinées à la réussite étudiante et au renforcement de la visibilité pluriannuelle et la responsabilité des universités sur leurs moyens. Le troisième objectif est d'améliorer les conditions de vie des étudiants, avec environ 200 millions d'euros de mesures nouvelles ou la reconduction à la rentrée universitaire 2022-2023 de certaines mesures exceptionnelles mises en œuvre pendant la crise sanitaire et prolongées depuis. Le budget pour 2023 prévoit également la compensation aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche, aux organismes de recherche et aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de la revalorisation du point d'indice des agents publics. Cinq cents millions d'euros supplémentaires sont ainsi « soclés » de manière pérenne.

Avant d'en venir plus en détail au PLF 2023, je dirai quelques mots du projet de loi de finances rectificative pour 2022 présenté ce matin. Ce texte concrétise notamment les mesures d'urgence prises par le Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat des étudiants, le soutien apporté aux Crous en cette fin d'année et une partie des actions que nous avons décidées pour faire face aux surcoûts énergétiques. Avec la Première ministre, nous avons annoncé, jeudi dernier, des dispositifs complémentaires permettant d'apporter un soutien efficace aux acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche confrontés à l'augmentation des coûts de l'énergie. Ces mesures permettront d'abord de limiter la hausse de la facture d'électricité en 2023 ; vous avez examiné lundi, en séance publique, le dispositif d'« amortisseur électricité » qui concernera notamment les organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Même si, on le sait, les prix de l'électricité resteront supérieurs à ce qu'ils étaient en 2021, cette mesure atténuera la hausse subie par nos établissements ; j'espère vous apporter des données plus précises sur son impact au cours des prochaines semaines.

J'ai également annoncé la création d'un fonds de compensation des surcoûts énergétiques de 275 millions d'euros pour aider les établissements publics d'enseignement supérieur, les organismes nationaux de recherche relevant de mon ministère et les Crous à faire face à la hausse de ces dépenses en 2023. Ainsi entendons-nous leur permettre de préserver leurs investissements et leurs campagnes de recrutement, et de ne dégrader ni les conditions de recherche et de formation ni l'accueil des étudiants. L'ouverture de cette enveloppe est prévue dans le projet de loi de finances rectificatif pour 2022 déposé ce matin. Elle permettra aux établissements de bâtir leur budget prévisionnel pour 2023 avec de la visibilité sur leurs moyens financiers. Chaque établissement relevant du ministère sera accompagné au cas par cas : les montants versés tiendront compte des surcoûts constatés, du poids des dépenses d'énergie dans les budgets de fonctionnement et des réserves financières mobilisables dont disposent les établissements.

Les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche sont pleinement engagés dans l'objectif de sobriété énergétique. Étant donné l'importance de leur patrimoine immobilier, cette démarche est indispensable sur le plan écologique ; elle contribuera également à la baisse structurelle des consommations d'énergie. Dans ce cadre, le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires a annoncé, lors du colloque consacré, le 20 octobre dernier, à la transition écologique, que des travaux sont en cours pour proposer un plan sans précédent de rénovation thermique du parc de l'État, dont celui de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L'occasion m'est donnée d'aborder un sujet particulier qui préoccupe nombre d'entre vous : l'accompagnement de l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (Ipev). La recherche polaire est essentielle à la compréhension du changement climatique et de l'évolution de la biodiversité. Je suis consciente du rôle clé que joue l'Ipev dans le soutien logistique aux scientifiques dans des conditions extrêmes, et je m'inquiète comme vous des difficultés structurelles de l'Institut. Je souhaite les résoudre dans leur ensemble, avec toutes les parties prenantes, ce pourquoi j'ai demandé dès mon arrivée au ministère que me soient proposés dans les tout prochains mois des scénarios d'évolution de l'Ipev et des stations. Dans l'intervalle, je prends l'engagement devant vous que l'Institut sera accompagné en gestion comme il est normal de le faire pour des dépenses exceptionnelles, à hauteur de ses besoins, estimés à 3 millions d'euros.

J'en reviens au PLF 2023, pour souligner à nouveau que les trajectoires en crédits et en emplois prévues par la LPR seront pleinement respectées en 2023. Á cette fin, 400 millions d'euros supplémentaires sont prévus, dont 350 millions d'euros concernent les programmes du ministère. La hausse est de 143 millions d'euros pour les universités et les établissements d'enseignement supérieur du programme 150 et de 206 millions d'euros pour les organismes nationaux et les infrastructures de recherche du programme 172. Conformément à la LPR, les 51 millions d'euros restants seront consacrés à la recherche spatiale, qui figure au programme 193.

Les mesures financées sont prévues depuis l'origine dans la LPR. Il s'agit en premier lieu de mesures relatives aux ressources humaines : 114 millions d'euros supplémentaires amélioreront la rémunération et les carrières de l'ensemble des agents, fonctionnaires ou contractuels, sous statut de droit public ou privé, travaillant dans des organismes de recherche ou des universités et écoles. Je souligne que la hausse du point d'indice ne se substitue pas à ces mesures mais s'y ajoute.

À cette enveloppe s'ajoute la hausse d'environ 40 millions d'euros prévue pour le recrutement de doctorants supplémentaires et la revalorisation de leur rémunération. Nous mettons ainsi en œuvre l'objectif de la LPR visant à ce que notre pays compte plus de doctorants, mieux rémunérés. Je réaffirme ma volonté que ces revalorisations s'appliquent non seulement aux nouveaux contrats, comme il était prévu jusqu'à présent, mais aussi aux contrats en cours, sans quoi un sentiment d'iniquité aurait pu apparaître. Aussi, à compter du 1er janvier 2023, la rémunération mensuelle minimale de tous les doctorants sera portée au niveau actuellement fixé pour les seuls contrats conclus depuis le 1er septembre 2022, et s'appliquera aussi la hausse de 3,5 % du point d'indice. La rémunération mensuelle minimale de tous les doctorants contractuels du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche s'établira donc à 2 044 euros bruts. Un arrêté interministériel permettra prochainement cet ajustement.

D'autre part, les autorisations d'engagement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour la sélection de nouveaux projets sont maintenues au niveau fixé par la LPR – qui ne prévoyait pas de montée en charge en 2023 –, soit 400 millions d'euros de plus qu'en 2020, année de référence. Les effets de l'augmentation des autorisations d'engagement de l'ANR sont déjà visibles, avec un taux de sélection des projets qui s'établit désormais à 23 % et, concomitamment, un abondement financier aux établissements avec un préciput qui passera à 28,5 % en 2023. L'augmentation du nombre de projets sélectionnés se traduit logiquement par une hausse d'environ 44 millions d'euros en crédits de paiement.

En troisième lieu, les budgets des organismes de recherche et des universités sont augmentés de 91 millions d'euros pour garantir la soutenabilité de leurs recrutements et élever la dotation de base aux laboratoires de recherche.

D'autres augmentations, pour 81 millions d'euros supplémentaires, permettront d'améliorer les grands équipements scientifiques et de renforcer le lien entre sciences et société en amplifiant la diffusion de la culture scientifique et les transferts des résultats de la recherche vers les entreprises. Enfin, les 650 créations de postes soutiendront l'attractivité de la recherche ; sont prévus 179 nouvelles chaires de professeur junior, 377 doctorants supplémentaires et 94 postes dans les organismes de recherche. Vous le voyez, le budget pour 2023 traduit mon engagement de réinvestir dans la recherche en poursuivant la dynamique de la LPR, sans rien retrancher de notre ambition commune.

Sur un autre plan, une nouvelle augmentation de près de 700 millions d'euros des moyens de l'enseignement supérieur permettra d'améliorer la réussite étudiante et de renforcer la visibilité pluriannuelle des universités sur leurs moyens. Á ce sujet, je distinguerai trois blocs de mesures. Le premier concerne les 143 millions d'euros alloués aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche au titre de la LPR dont je viens de vous parler. Le deuxième bloc de mesures se traduit par les 364 millions d'euros prévus en compensation de la revalorisation du point d'indice, auxquels s'ajoutent 9 millions d'euros de crédits de titre II pour les établissements ne relevant pas du régime des responsabilités et compétences élargies.

Enfin, une enveloppe de quelque 160 millions d'euros est destiné à un troisième bloc de mesures nouvelles en faveur de l'enseignement supérieur. Ces crédits concernent principalement la prise en compte de l'évolution de la démographie étudiante, avec le « soclage » pérenne des 50 millions d'euros de crédits ouverts au titre du plan de relance pour la création de places de master et de licence ; une enveloppe complémentaire de 8 millions d'euros destinée à maintenir le taux d'encadrement dans les établissements relevant du programme 150 à la rentrée universitaire 2023-2024 ; le financement d'annonces ou de réformes déjà engagées, avec 13 millions d'euros consacrés aux coûts d'accueil des stagiaires dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) et 8 millions d'euros à la création de places dans les formations en santé à la prochaine rentrée. Je mentionnerai en particulier la création de six nouvelles unités de formation et de recherche (UFR) d'odontologie, la hausse du taux d'encadrement en deuxième cycle et la création d'un nouveau site aux Antilles.

Le lancement de nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance dont je vous ai parlé lors de ma précédente audition vise à renforcer la visibilité pluriannuelle des universités sur leurs moyens et leur implication dans la mise en œuvre des politiques prioritaires de l'État. Trente-cinq millions d'euros leur sont alloués dans le PLF 2023, qui s'ajoutent à l'enveloppe du dialogue stratégique de gestion ; c'était l'une de mes priorités, et l'application pourra démarrer dès 2023.

La programmation immobilière du ministère conduit à 30 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement, en raison de la montée en charge des projets prévus dans les contrats de plan État-région (CPER) et de l'augmentation de près de 400 millions d'euros des autorisations d'engagement, notamment pour permettre le lancement du campus hospitalo-universitaire Saint- Ouen Grand Paris-Nord.

La compensation en base aux établissements de mesures de ressources humaines transversales mises en œuvre en 2022 – ainsi des revalorisations de certains personnels administratifs, sociaux et de santé – est prévue à hauteur de 17 millions d'euros.

Enfin, le budget 2023 permettra d'améliorer les conditions de vie étudiante et de continuer à lutter contre la précarité étudiante. Il traduit bien sûr les mesures annoncées avant l'été par le Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat de nos étudiants, dont les deux principales auront à elles seules un impact de 135 millions d'euros l'an prochain : la revalorisation de 4 % des bourses sur critères sociaux à la rentrée universitaire 2022-2023 coûtera 85 millions d'euros environ en année pleine ; le maintien du repas à 1 euro dans les restaurants universitaires pour les étudiants précaires représentera pour les Crous un manque à gagner d'environ 50 millions d'euros qui sera intégralement compensé par l'État.

Le PLF 2023 permettra encore de renforcer l'accompagnement des étudiants, de mieux protéger leur santé, de mieux prendre en compte leurs difficultés. Je pense, ce disant, au doublement des moyens – ils augmenteront de 1,8 million d'euros – consacrés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les établissements d'enseignement. C'est pour moi un sujet majeur dont j'ai parlé il y a quelques semaines lors du lancement d'une campagne de sensibilisation sur le consentement. Nous amplifierons ainsi notre soutien aux associations et aux établissements dans leurs projets de prévention et de formation. Je pense également au doublement des moyens pour l'accompagnement des étudiants en situation de handicap, avec une dotation en hausse de 7,5 millions d'euros, conformément aux conclusions du comité interministériel au handicap de février 2022. J'ai annoncé récemment la réforme, pour laquelle je mobiliserai 8,2 millions d'euros supplémentaires, des services de santé universitaire, appelés à devenir les services de santé étudiante (SSE). Les crédits ouverts l'an dernier pour financer la distribution gratuite de protections périodiques dans les restaurants et résidences universitaires sont par ailleurs pérennisés. Je pense enfin à l'augmentation de 3 millions d'euros de l'enveloppe allouée à la mobilité étudiante pour faciliter les études dans d'autres académies et à l'international.

Le PLF 2023 traduit aussi le soutien apporté au réseau des Crous. L'impact de la hausse du point d'indice, soit 15 millions d'euros, sera compensé en 2023. Il le sera également en 2022 dans le cadre du schéma de fin de gestion. Le PLF 2023 permettra de revaloriser le salaire des agents du réseau, notamment des personnels ouvriers, à hauteur de 12 millions d'euros supplémentaires. D'autre part, 4 millions d'euros supplémentaires seront alloués à la mise en œuvre des objectifs de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (loi Egalim), ces objectifs impliquant le renchérissement des coûts d'approvisionnement. Est également prévu le renforcement des services sociaux des Crous, avec le recrutement de quarante travailleurs sociaux supplémentaires. Le dispositif de référents étudiants en résidence universitaire sera pérennisé pour lutter contre l'isolement des étudiants et améliorer leur accueil en résidence.

Avant de conclure, je rappelle qu'au budget du ministère s'ajoutent les crédits de France 2030, plan d'investissement massif qui vise à répondre aux défis de notre temps, la transition écologique en particulier. La recherche et l'innovation sont à la source des nouvelles découvertes, qu'il s'agisse des fonds marins ou de l'espace, de nouveaux médicaments ou de nucléaire, d'agriculture ou de mobilités propres. Le déploiement de ces innovations imposera de former de nouveaux talents en s'appuyant, entre autres, sur l'excellence de nos sites universitaires et de nos établissements d'enseignement supérieur – et plus de 13 milliards d'euros seront investis au bénéfice des acteurs de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation pendant la période 2020-2027.

Le budget du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche est un budget important au sein du budget de l'État. Malgré les contraintes actuelles il est, cette année encore, en augmentation. Cela traduit l'engagement renouvelé du Gouvernement en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche, en faveur de nos étudiantes et de nos étudiants, et donc en faveur de notre avenir.

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En préambule, je me dois de vous dire que je regrette l'usage par le Gouvernement, une nouvelle fois, de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution. Cette décision nous privera de la possibilité d'examiner les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche comme il l'aurait pourtant fallu, car je ne partage pas le point de vue que vous avez exprimé. Avant de détailler le budget 2023 concernant l'enseignement supérieur et la vie étudiante, je soulignerai les enjeux du partage des savoirs. Je rappellerai d'abord que le partage des savoirs étant intimement lié à leur production, il n'est pas souhaitable de dissocier les deux missions ; c'est pourquoi je suis attaché au statut des maîtres de conférences.

L'Université n'est pas simplement le lieu de formation des étudiants à un portefeuille de compétences qui augmenterait leur employabilité : c'est le lieu de la production et du partage du savoir scientifique, qui présente des spécificités. D'abord, il permet de produire des savoirs de verisimilitudes croissantes, ce qui détermine son efficacité, matérielle comprise, sans laquelle aucune innovation technique ni sociale n'est possible. Ensuite, il s'élabore par un processus social spécifique de sélection des savoirs de verisimilitude croissante par falsification. La pensée critique est au cœur de la méthode scientifique et l'apprentissage de cette méthode au cœur de la formation par la recherche.

En rappelant ces évidences, j'explique pourquoi donner des moyens à l'Université, ce n'est pas uniquement produire des innovations qui nous permettraient d'augmenter les profits de nos entreprises ou d'être des leaders dans l'économie de la connaissance. La production des savoirs scientifiques est essentielle, car ils contribuent à trouver des solutions aux défis écologiques auxquels nous sommes confrontés. La production des savoirs scientifiques en sciences sociales est tout aussi essentielle, car ils contribuent à l'émancipation de toutes et tous en décryptant les mécanismes sociaux qui produisent et entretiennent les oppressions telles que le sexisme, le racisme ou l'homophobie.

Former plus d'étudiants à l'Université permet le partage des savoirs et de la pensée critique ; c'est donc une des conditions de l'exercice de la démocratie, dans un monde de plus en plus complexe. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de l'augmentation du nombre d'étudiants, passé de 2,3 millions en 2010 à près de 3 millions en 2022, car l'Université constitue un pilier essentiel de notre démocratie – à condition que soient préservées deux caractéristiques essentielles du champ scientifique : la liberté pédagogique des enseignants et la liberté épistémique des chercheurs, qui doivent pouvoir construire leur programme de recherche en toute autonomie. Or le champ scientifique a été percuté depuis de nombreuses années par l'austérité et par le nouveau cours néo-libéral du management de la science.

Dans leur livre Gouverner la science, anatomie d'une réforme 2004-2020, Joël Laillier et Christian Topalov expliquent que l'autonomie des universités s'est faite contre l'autonomie des universitaires. C'est pourquoi j'ai voulu dresser dans ce rapport un bilan du processus d'autonomie des universités lancé il y a quinze ans ; mais je commencerai par analyser les programmes 150 et 231 du PLF 2023.

Le programme 150 Formations supérieures verrait ses crédits augmenter en valeur de 4,9 %, mais cette hausse doit être fortement relativisée. D'abord, une part importante de l'augmentation va à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique à compter de juillet 2022 ; 403 des 694 millions d'euros supplémentaires prévus par le PLF pour le programme 150 y seraient consacrés. De plus, cette mesure indispensable est tout à fait insuffisante pour contrebalancer la perte de près de 20 % de la valeur des salaires des fonctionnaires durant les deux décennies écoulées. De surcroît, la compensation du coût de cette mesure pour les établissements est prévue par le PLF 2023, mais il n'en a pas été de même jusqu'à présent pour l'année 2022.

Ensuite, les crédits qui figurent dans le PLF sont libellés en euros courants. Le Gouvernement estimant l'inflation à 5,2 % en 2022 et à 4,2 % en 2023, l'augmentation de 4,9 % des crédits de paiement correspond en vérité à une baisse des dépenses. De tous les postes de dépenses des établissements, celui de l'énergie est appelé à connaître la plus forte hausse. Pour les universités, le surcoût atteindrait 200 millions d'euros en 2022 et serait compris entre 200 et 400 millions en 2023. Madame la ministre, vous avez annoncé la création d'un fonds d'intervention doté de 275 millions pour faire face aux besoins de l'enseignement supérieur et de la recherche en matière énergétique ; vous engagez-vous à compenser intégralement l'augmentation du coût de l'énergie ?

Pour le programme 231 Vie étudiante, le PLF prévoit une légère augmentation des crédits en valeur par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, les crédits de paiement passant de 3,08 milliards à 3,13 milliards d'euros cette année. Mais il est plus pertinent de prendre pour point de comparaison les crédits établis dans la loi de finances rectificative adoptée en août dernier, qui prévoyait la revalorisation des bourses à hauteur de 4 %. Si l'on tient compte des 85 millions d'euros engagés à partir de la rentrée à cette fin, les crédits prévus par le PLF 2023 sont en réalité en baisse d'environ 38 millions en autorisations d'engagement par rapport à 2022. Comment expliquez-vous cette diminution des crédits alors que les effets de la revalorisation des bourses se feront sentir pour la première fois durant une année complète et que l'on s'attend à voir augmenter de 0,54 % le nombre d'étudiants boursiers ? Par ailleurs, la revalorisation des bourses est toujours limitée à 4 %, alors que l'inflation a atteint 6,2 % en octobre. En d'autres termes, le Gouvernement semble accepter que les étudiants les plus pauvres voient leurs revenus diminuer en termes réels.

J'en viens aux conclusions de mon rapport sur le bilan des réformes de l'enseignement supérieur et plus particulièrement de l'autonomie des universités. Depuis 2007, les crédits exécutés du programme 150 ont certes augmenté de 3,3 milliards, mais cette hausse n'a pas suivi celle du nombre d'étudiants. En conséquence, la dépense par étudiant a baissé de près de 10 % depuis 2009 et le taux d'encadrement est passé d'un enseignant pour 38 étudiants en 2012 à un enseignant pour 47 étudiants en 2019 ; les chiffres sont implacables. Taux de réussite et taux d'encadrement étant corrélés, ces transformations ont échoué à améliorer la réussite des étudiants, si bien qu'entre le milieu des années 2000 et 2020, la proportion d'étudiants sortis sans diplôme de l'enseignement supérieur six ans après avoir été reçus au baccalauréat – indicateur plus intéressant que le taux de réussite au baccalauréat – est passée de 20 % à 28 %.

Les incessantes restructurations des établissements ont réduit la lisibilité du paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche français. J'ai dressé la liste exhaustive des initiatives d'excellence et des processus de regroupement ; elle donne le vertige ! Le rapport le montre : les réformes successives ont surtout abouti à aggraver les inégalités de moyens entre établissements sous l'effet de leur mise en compétition pour l'accès aux ressources. Vous aviez insisté devant nous sur le besoin de disposer de données objectives. Voici donc quelques chiffres qui m'ont été communiqués par vos services : le taux d'encadrement varie du simple au triple d'un établissement à l'autre – il est par exemple de 4,2 enseignants pour 100 étudiants à Nice, contre 14,4 à Paris-Saclay. Quant à la subvention pour charges de service public rapportée au nombre d'étudiants, elle varie de 1 à 7 selon les établissements : elle est de 4 200 euros à Nîmes, de 14 000 euros à Paris-Saclay et de 30 000 euros à l'École nationale supérieure de chimie de Paris. Ces disparités sont d'autant plus préoccupantes que ces calculs ne tiennent pas compte des financements des CPER, du programme d'investissements d'avenir (PIA) et de l'ANR. Il résulte de cette situation que les étudiants issus des établissements expérimentaux et qui viennent des milieux les plus favorisés bénéficient de conditions d'études plus favorables et d'un investissement plus fort de l'État ; les classes populaires sont donc une nouvelle fois perdantes. Cet écart dans la répartition des ressources est inacceptable.

Même s'il augmente en valeur, ce budget ne permet pas de répondre aux enjeux et de stopper le décrochage de la France en matière d'enseignement supérieur et de recherche puisque, une fois prises en compte la revalorisation du point d'indice et l'inflation, il est en réalité en baisse de 2,15 % en euros constants. Par ailleurs, la logique néo-libérale de management est confirmée par le développement du PIA3 et la hausse de 8,64 % du budget de l'ANR. Ces dynamiques ont augmenté les disparités entre universités, et la logique managériale accroît la bureaucratie – tous les chercheurs et tous les maîtres de conférences vous le diront – et la souffrance des personnels.

Pour tendre vers un budget plus ambitieux et une allocation des moyens plus juste et plus efficace, nous avions déposé des amendements qui, hélas, ne seront pas examinés. Pour les raisons dites, j'aurais exprimé un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur, mais la décision prise par le Gouvernement de recourir à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution nous prive de débat et de vote. Je vous engage donc à voter la motion de censure déjà déposée, seul moyen désormais de rouvrir le débat sur les crédits de la mission, lequel s'impose, puisqu'il est indispensable de prévoir davantage de moyens pour l'enseignement supérieur et la recherche et de les répartir autrement.

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En 2023, le budget de la recherche s'inscrit, une fois encore, dans une trajectoire ascendante, bien différente de ce que l'on a constaté au cours des années 1990 et 2000. La trajectoire définie par la LPR est scrupuleusement respectée en dépit de la crise sanitaire que nous vivons depuis plus de deux ans et une réelle dynamique s'est enclenchée depuis son entrée en vigueur.

En 2023, le budget du ministère progressera de près de 1,1 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale de 2022, hors financements issus du plan de relance et de France 2030. Depuis 2017, ce budget a augmenté de 3,6 milliards d'euros. Les crédits alloués à la recherche s'élèveraient à 12,29 milliards d'euros en autorisations d'engagement dont 4,22 milliards pour l'action Recherche du programme 150 et 8,07 milliards en autorisations d'engagement pour le programme 172. Cette hausse importante, qui confirme la montée en puissance de la trajectoire budgétaire fixée dans la LPR, vise aussi à compenser de manière pérenne le coût de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique. Les avancées sont donc nombreuses. En matière de ressources humaines, on note l'amélioration de la rémunération et des carrières des personnels, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels, sous statut de droit public ou de droit privé, et 650 postes vont être ouverts. Oui, la recherche doit retrouver son attractivité !

L'ANR poursuit sa montée en puissance avec un financement toujours plus important et des appels à projets toujours plus nombreux. Les universités et les organismes de recherche voient eux aussi leur budget augmenter. Alors que moins de 10 % des projets étaient financés par les appels d'offres de l'ANR il y a quelques années, quelque 25 % le sont en 2022. L'approche est globale : les grands équipements scientifiques sont améliorés et l'ouverture de la science à la société est poursuivie.

Cependant, la situation actuelle préoccupe car l'inflation galope et les coûts de l'énergie explosent. Il ne faudrait pas que tous les efforts réalisés ces dernières années et cette année encore soient absorbés par ces dépenses, ramenant le financement de la recherche à son niveau antérieur à la LPR.

De plus, investir dans la recherche ne servira à rien si la population ne s'intéresse plus du tout à la science. La culture scientifique dans notre pays reste très faible, du jeune âge au sommet de l'État. En sciences, en matière technologique, sanitaire ou industrielle, les Français ne connaissent et ne comprennent que peu ou plus le monde qui les entoure. La crise sanitaire a accéléré et accentué ce phénomène, les indicateurs l'attestent. Même si nos concitoyens continuent majoritairement de faire confiance à la science, la crise du covid et sa gestion médiatique ont mis cette relation à mal : la confiance envers la science et les scientifiques est en chute de 25 % en France ; il n'y a rien de comparable à cela dans les autres pays européens.

Sans prétendre être exhaustifs, il nous est paru utile de dresser l'état des lieux de la culture scientifique et de proposer quelques lignes programmatiques. L'audition de multiples acteurs – organismes de recherche, acteurs et associations, Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle (CNCSTI), fondations industrielles, académies, universitaires… – a révélé la solidité de l'engagement de chacun. Le premier élément considéré fut de nature organisationnelle. Le CNCSTI, créé en 2012 et chargé de l'élaboration et du suivi de la stratégie nationale, est sans pilote depuis 2019. Il semble urgent de redéfinir le rôle du Conseil et sa composition, de lui assurer une présidence, de lui donner de nouveaux moyens dans le cadre d'une stratégie interministérielle forte associant enseignement supérieur et recherche mais aussi éducation, culture, santé, industrie, économie, agriculture, ministère de la mer, numérique, Europe. On est bien loin d'une branche du ministère de la Culture : tous se doivent d'être impliqués dans cette grande priorité nationale.

Les effets du transfert de cette compétence aux régions par la loi « Fioraso » de 2013 doivent être évalués. Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale doivent aussi être acteurs de la culture scientifique – par exemple quand il existe un musée d'histoire naturelle dans leur région et que des associations œuvrent pour la culture scientifique.

Cette organisation nationale rénovée et dotée de moyens nouveaux doit coordonner tous les acteurs institutionnels, associatifs ou privés et irriguer l'ensemble du territoire, chaque établissement scolaire et, dès l'enseignement primaire, permettre de consolider les compétences scientifiques des enseignants, compétences renforcées par la voie de la formation continue ou par la multiplication des actions dans les Inspé, ou encore d'encourager les filles et les femmes à emprunter les chemins de la science. La généralisation et l'amplification des activités de la fondation La Main à la pâte contribueraient à une solution future.

Ne pouvant les énumérer toutes, nous ne mentionnerons que quelques propositions. Je souligne pour commencer que bâtir une culture scientifique demande de forger des fondations culturelles objectives et symboliques, solides et partagées. Donner une nouvelle ambition à la Fête de la science est essentiel pour créer un récit scientifique national ; pourquoi ne pas la fusionner avec la Semaine de l'industrie, en collaboration avec divers media et France Télévisions, eux-mêmes formés à la méthode scientifique ? Cette opération de grande envergure doit sortir des villes universitaires afin d'irriguer l'ensemble de nos territoires, outre-mer compris.

Il est aussi urgent de doter le sommet de l'État d'un Haut Conseil à la science dont les membres incontestés pourraient être nommés par les diverses académies. Les recherches, le progrès scientifique et les innovations de rupture doivent être portés à la connaissance de celles et ceux qui sont aux responsabilités, au plus haut de l'État, et eux-mêmes doivent être formés à l'esprit scientifique.

Nous devons encourager les sciences humaines et sociales et les sciences fondamentales à travailler ensemble : l'innovation et la démocratie sont les conditions sine qua non du progrès humain. Le politique doit en prendre toute la mesure. C'est de notre richesse nationale et de notre santé qu'il s'agit, et aussi de l'avenir d'une humanité confrontée à des enjeux majeurs d'ordre environnemental et climatique. Á la transition énergétique et aux pandémies la démocratie trouvera des solutions par la science ; sinon, le pire est à craindre. Pour ces raisons et parce que la science est notre chance, vous aurez compris, chers collègues, que je vous aurais recommandé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Au nom du groupe Renaissance, je salue l'augmentation des crédits alloués à la mission Recherche et enseignement supérieur. Doté de 30,6 milliards d'euros, son budget est en hausse de 5 %, soit 1,5 milliard d'euros. C'est le troisième budget de l'État – quand on entend parler d'« austérité », on croit rêver ! Depuis 2017, la hausse est de 14 %, soit 3,9 milliards d'euros. Ces excellents chiffres démontrent l'attention et l'ambition constantes du Gouvernement pour nos étudiants, notre enseignement supérieur et notre recherche. Le budget de votre ministère, en hausse de 1,1 milliard, s'établit à 25,7 milliards et vous avez indiqué les objectifs visés : améliorer les conditions de vie et de réussite des étudiants, poursuivre la dynamique de la LPR, compenser de manière pérenne la hausse du point d'indice pour le ministère, financer à hauteur de 200 millions d'euros supplémentaires de nouvelles mesures destinées à lutter contre la précarité étudiante par le renforcement de leur pouvoir d'achat, la hausse des moyens des services de santé et la création de places dans l'enseignement supérieur.

Je mentionnerai quelques investissements saillants : 85 millions d'euros pour la revalorisation de 4 % des bourses étudiantes, et ce, après trois années de hausse ; 50 millions d'euros pour continuer à servir les repas à 1 euro aux étudiants en situation précaire ; 8,5 millions d'euros supplémentaires pour les SSE, désormais ouverts à tous les étudiants et qui pourront ainsi renforcer l'attractivité de leurs postes, mener des actions de prévention et améliorer l'accès aux soins ; 8 millions d'euros supplémentaires pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles ; 7,5 millions d'euros venant doubler les moyens consacrés à l'accompagnement des étudiants en situation de handicap. Ces investissements s'inscriront dans une ambition globale, avec la concertation nationale sur les bourses que vous avez lancée et les dialogues territoriaux sur la vie étudiante qui vont s'engager et qui donneront la parole aux étudiants.

La troisième année d'application de la LPR se traduit par 400 millions d'euros supplémentaires et la création de 650 emplois. Ce montant très élevé permettra d'améliorer la rémunération et les carrières des personnels au-delà de la revalorisation du point d'indice et d'augmenter le budget de l'ANR et les dotations de base des laboratoires. Sont aussi budgétées la hausse du nombre de contrats de doctorants et leur revalorisation, selon la trajectoire prévue. Enfin, les mesures pour l'enseignement supérieur comprennent la compensation de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires et une revalorisation indemnitaire pour de nombreux agents.

Á ce budget s'ajoutent 78 millions d'euros issus du plan France Relance, qui permettront de pérenniser les places ouvertes dans l'enseignement supérieur les années précédentes et d'en créer d'autres en 2023. Enfin, pour répondre à l'inquiétude des universités face à la hausse du coût de l'énergie, vous avez obtenu et annoncé une aide plus que bienvenue de 275 millions ; je vous en remercie.

Depuis la crise sanitaire, les préoccupations des étudiants au sujet du dérèglement climatique et de son impact sur leur avenir peuvent aller jusqu'à l'éco-anxiété ; comment votre ministère prend-il cet enjeu en compte par la formation et la science ?

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L'édifice français de l'enseignement supérieur et de la recherche observé globalement mérite considération et respect, et votre projet de budget s'efforce d'encourager son développement. Personne ne doute ici que les personnels de l'Université, des opérateurs et des grands établissements tendent quotidiennement à l'excellence. Mais ce satisfecit ne doit pas occulter les faiblesses, voire la ligne de fracture que l'on constate à la lecture des documents budgétaires. Nous voulons donc attirer votre attention sur des indices, préoccupants dans un environnement international de concurrence exacerbée, d'affaiblissement de notre appareil d'enseignement supérieur et de recherche.

Le taux de réussite au baccalauréat, premier diplôme universitaire, avoisine 98 %, et la plupart des lauréats obtiennent, en plus, une mention. Mais, quelques mois plus tard, cette glorieuse cohorte est en pleine débandade : la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), dans sa publication Repères et références statistiques 2021, indique que 21,3 % des étudiants abandonnent leurs études supérieures après la première année et que 41 % seulement des étudiants inscrits en licence l'obtiennent en trois ou quatre ans, les autres disparaissent dans le vortex. Cela fait s'interroger sur l'efficacité, voire la pertinence du système d'affectation Parcoursup, et sur l'organisation et la qualité pédagogique des enseignements des trois années de licence ; nous aurions proposé des amendements visant à remédier à ces sources de dysfonctionnement. Il faut notamment remplacer Parcoursup par un système permettant aux universités d'accueillir et d'orienter correctement les bacheliers, c'est-à-dire une propédeutique.

Á l'autre extrémité du dispositif, la question des doctorants est aussi préoccupante. Leur nombre stagne, voire diminue depuis 2012 : ils étaient 13 686 cette année-là et 12 988 en 2019. Il convient donc d'augmenter sensiblement le budget consacré aux études doctorales.

La misère de la condition étudiante n'est pas vraiment digne de la sixième puissance mondiale. Un étudiant sur trois connaît des conditions de logement précaires, un quart des doctorants ne parviennent pas à subvenir à leurs besoins et se trouvent donc contraints d'accepter des emplois précaires. M. Macron avait annoncé un plan de 60 000 logements étudiants ; seuls 11 000 ont été livrés. Il convient donc d'augmenter aussi, et sérieusement, les crédits consacrés à la vie étudiante.

Nous sommes également très préoccupés par le comportement de certains enseignants de l'Université au regard de la rigueur scientifique et du respect du principe de neutralité. Après avoir vainement demandé une étude sur ce phénomène au CNRS, Mme Frédérique Vidal, votre prédécesseure, déclarait : « L'islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et l'Université n'est pas imperméable (…) On observe que dans les universités, des gens utilisent leur titre et leur aura – ils sont minoritaires – pour porter des idées radicales ou militantes ». Et je ne parle même pas des prises de position politiciennes de certains présidents d'université, sujet à propos duquel je vous ai posé une question écrite, madame la ministre. Le wokisme fermement dénoncé par M. Blanquer, l'écriture inclusive, le racialisme et le genrisme ne peuvent en aucun cas prétendre relever du champ des sciences alors que ce sont des idéologies politiques. Le ministère devrait mettre un terme à ces dérives qui, si l'on n'y prend garde, peuvent porter gravement atteinte à la réputation de rigueur scientifique de certaines universités et de certaines formations universitaires.

La LPR contribue incontestablement au réarmement de la recherche française : elle aura notamment permis d'augmenter le nombre d'équivalent temps plein pour la recherche et de revaloriser la rémunération des chercheurs. Toutefois, certains indicateurs sont préoccupants. Nous sommes encore éloignés de l'objectif de Lisbonne, qui est de consacrer 3 % du PIB à la recherche et au développement. La part des productions scientifiques nationales dans les productions européennes et internationales dans les domaines du climat, de l'énergie, de la mobilité et de la santé stagne, voire baisse depuis des années ; il est urgent d'inverser cette tendance. Enfin, il est plus que nécessaire de mieux protéger notre patrimoine scientifique d'influences étatiques étrangères, comme le recommande un rapport sénatorial de septembre 2021. Cet aspect défensif et sécuritaire de notre politique de recherche est encore trop absent de votre projet de budget, que nous aurions proposé d'amender afin d'y remédier.

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Madame la présidente, madame la ministre, c'est avec une colère contenue que je m'adresse à vous. Ce qui se passe aujourd'hui est particulier : nous feignons tous ici de débattre d'un sujet que nous ne pourrons examiner, nous dépossédant nous-mêmes de notre mandat et le Parlement de son pouvoir. Dans un cadre constitutionnel qui acte la séparation des pouvoirs, l'exécutif prend le pas sur le législatif ; nous avons tous, chers collègues, une responsabilité partagée à assumer. Ce ne sont pas seulement les députés que l'on dépossède mais les électeurs qui, dans chaque circonscription, ont exprimé leurs suffrages en toute connaissance de cause. Ce n'est pas le ronron sous les ors de la République que nous perturbons ; ce qui est perturbé, c'est le vote des électeurs, de nos concitoyens qui ont fait le choix conscient, démocratique et protégé par le droit de faire s'exprimer dans cette Assemblée des visions différentes de l'avenir de la France. Même si nous n'étions très souvent pas d'accord, nous avons jusqu'à présent eu dans cette commission, sous votre présidence, madame Rauch, un débat pacifique.

Je vous parle avec une certaine solennité, parce que cette commission n'aura pas le loisir de parler de l'école, des territoires, de l'Université – puisque école, territoire et Université sont une seule et même question.

Le Président de la République a justifié le recours à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution par le fait qu'il ne souhaitait pas que le Parlement engage des milliards d'euros sur « rien ». Mais ce n'est pas « rien » de parler du salaire des enseignants. Ce n'est pas « rien » de parler du rôle central des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Ce n'est pas « rien » de parler des psychologues de l'Éducation nationale. Ce n'est pas « rien » de dire que le niveau de rémunération des personnels de l'enseignement élémentaire, secondaire et supérieur ne sera pas suffisant pour rattraper le coût de la vie réel, ce dont nous aurons tous à subir les conséquences dans les années à venir : aussi longtemps que les lois et les budgets seront déconnectés du coût de la vie réel, que celles et ceux qui sont chargés de fabriquer des citoyens n'auront pas les moyens de faire leur métier parce que ce n'est pas un emploi que d'être enseignant, nous assisterons tous au décrochage de la France sur la scène internationale.

Ce n'est pas « rien » de parler de gratuité scolaire, de cantine gratuite, de fournitures scolaires, mais nous n'aurons pas le loisir d'examiner les amendements à ce sujet. Ce n'est pas « rien » non plus de parler d'un revenu étudiant. Le groupe LFI considère que le travail d'un étudiant est d'étudier, ce dont la France a besoin. Il n'y a aucune gloire à leur demander de faire des petits boulots pour payer leurs études, quelle que soit leur classe sociale, car l'enfant d'une famille aisée a aussi le droit de s'affranchir de ses parents et de choisir la formation que, parfois, sa famille lui interdit.

Enfin, ce n'est pas « rien » de parler du Crous, dont les bâtiments sont des passoires énergétiques abritant des chambres si exiguës que les étudiants ne peuvent y travailler sereinement. Je sais que nous sommes d'accord sur ce point, mais le budget que vous avez présenté ne répond pas au niveau des exigences dont la France a besoin.

Donc, ce n'était pas « rien » d'aborder un débat qui n'aura pas lieu et je trouve curieux que nous fassions comme si de rien n'était. Le Gouvernement nous mettant dans une situation ubuesque, le groupe LFI prend congé de cette commission, en espérant qu'à l'avenir nous pourrons tenir un débat démocratique dans lequel le Parlement sera respecté et par lequel la diversité de nos rangs sera prise en compte dans les politiques nouvelles.

(Les commissaires de l'intergroupe NUPES sortent de la salle de la commission)

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Je précise que les crédits de la mission Enseignement scolaire ont bien été discutés en commission. Pour aujourd'hui, j'ai proposé, en concertation avec tous les groupes présents, de transformer l'audition prévue dans le cadre du PLF 2023 en audition de la ministre afin que chacun puisse s'exprimer ; je constate que certains ont joué le jeu, mais pas complétement. Les rapports pour avis ont été présentés, ce qui était indispensable pour qu'ils puissent ensuite être publiés. Je jugeais que c'était très important mais, visiblement, certains ne partagent pas cette opinion. J'en prends acte, mais je considère qu'un pacte a été rompu, ce que nous avions décidé en début de réunion n'étant pas tenu maintenant alors que la ministre a souhaité répondre à toutes les questions. Elle est, comme nous tous, consciente que nous vivons un moment particulier puisque le Gouvernement a eu recours à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, mais la discussion peut se poursuivre pour améliorer les choses. Certains ne souhaitent plus y prendre part ; soit. Mais la discussion générale se poursuit, et la parole est à M. Alexandre Portier pour le groupe Les Républicains.

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En cette année d'inflation historique, l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche est un mirage puisque, pour près de moitié, elle sert à compenser la hausse du point d'indice. C'est aussi un trompe l'œil, car la hausse annoncée de 4,37 % est inférieure à l'inflation prévue pour s'établir entre 5 et 6 %. En vérité, tout indique qu'à la fin de l'année 2023 l'Université française se sera appauvrie. Appauvrissement dû au coût de l'énergie qui pourrait être de quatre à cinq fois supérieur au coût constaté en 2022, ce qui a conduit le président de l'Université de Strasbourg, dès le 19 septembre, à décider de fermer ses portes durant deux semaines. Appauvrissement dû aussi au fait qu'aucune compensation du point d'indice n'est prévue pour la période qui court de juillet à décembre 2022, si bien qu'il reviendra aux universités d'assumer seules cette charge supplémentaire ; à ce sujet, pourriez-vous nous indiquer si, en 2023, les heures supplémentaires indexées sur le point d'indice seront elles aussi compensées ?

En matière de recherche, le service de communication du ministère annonce avoir « l'ambition de consolider et améliorer le positionnement de la production scientifique française ». Le problème est que vos chiffres contredisent vos discours : dans les « bleus budgétaires », tous les indicateurs montrent une chute progressive entre 2020 et 2025 de la part française de la production européenne et mondiale. Une chose est sûre, ces chiffres dénotent un manque d'ambition ; est-ce du réalisme ou du renoncement ?

S'agissant des conditions de vie étudiante, votre politique plurielle doit être saluée. Pour notre groupe, deux points sont d'importance majeure : le logement et l'alimentation des étudiants. Pour le logement, nous attendons que le ministère se projette dans une stratégie d'aménagement du territoire véritable ; je vous en avais parlé lors de votre visite à Lyon où nous avons inauguré des résidences étudiantes. L'enseignement supérieur doit consolider les pôles d'équilibre, c'est-à-dire la France des préfectures et des sous-préfectures. C'est un enjeu de qualité de vie pour nos étudiants et d'irrigation de nos territoires. Pour l'alimentation, nous sommes d'accord avec la poursuite des repas à 1 euro, mais il faut aussi faciliter le travail des étudiants. Á ce sujet, nous ne partageons pas l'avis selon lequel un étudiant qui travaille rate toujours ses études ; je peux vous assurer que qui paye soi-même une partie de ses études se bat davantage encore pour les réussir.

En matière de réussite étudiante, vous êtes peu prolixe sur l'insertion professionnelle ; c'est pourtant l'essentiel. L'enjeu n'est pas de diplômer plus mais d'insérer plus. Or, faute de réformer en profondeur le système d'orientation, des formations continuent d'accepter plus d'étudiants qu'elles ne le peuvent. C'était le cas, en 2021, de 1 331 formations, et cela se traduit par la dégradation de l'enseignement dispensé aux étudiants. Globalement, on assiste depuis dix ans à une chute dramatique du budget par étudiant. La dernière fois où il a augmenté, c'était sous la présidence de Nicolas Sarkozy – croyez-en Thomas Piketty. Pendant ce temps, l'enseignement supérieur privé voit ses effectifs augmenter de 10 %. Le dire n'est pas une critique mais un constat qui appelle des choix importants : que fait l'État pour contrôler la qualité du secteur privé lucratif, dont les pratiques sont plus ou moins sérieuses ? Que fera l'État pour soutenir le privé non lucratif qui mérite de l'être ?

Enfin, la faiblesse de l'effort consenti en faveur de la rénovation du patrimoine immobilier de l'enseignement supérieur et de la recherche, premier parc immobilier de l'État, est une grave déception.

Je ne saurais conclure sans souligner le décalage entre le budget présenté et la situation réelle de nos universités. La lecture du budget 2023 donne l'impression que l'enseignement supérieur et la recherche sont considérés comme une variable ajustée au gré de la crise énergétique et économique plutôt que d'être valorisés comme une clé de résolution fertile de cette crise, comme il se devrait. Nous le regrettons.

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Je me réjouis de la hausse de votre budget ainsi que des priorités qu'il traduit.

Les revalorisations salariales, notamment la hausse du point d'indice compensée aux établissements d'enseignement et de recherche pour un montant de 500 millions d'euros, représentent un effort non négligeable.

Conformément à la LPR, 114 millions d'euros sont prévus pour améliorer la rémunération et les carrières des personnels. La ministre s'est engagée à ne payer aucun chercheur au-dessous de deux SMIC d'ici à l'année prochaine. 40 millions d'euros seront consacrés au recrutement et à la revalorisation des salaires des doctorants. 650 nouveaux emplois seront financés au titre de la LPR.

91 millions d'euros permettent, en outre, de rehausser les budgets des organismes de recherche et des universités afin de soutenir leurs recrutements et d'augmenter la dotation de base aux laboratoires.

Pour lutter contre la précarité étudiante, vous prévoyez d'augmenter de 4 % les bourses et de prolonger le repas à 1 euro. Ces mesures sont vitales pour de nombreux étudiants qui peinent à s'en sortir face à l'inflation de l'énergie et des produits alimentaires.

La réforme très attendue du système des bourses que vous avez annoncée mérite une large concertation afin de répondre au mieux aux difficultés des étudiants – les critères d'attribution actuels ne sont plus adaptés. Pouvez-vous en préciser le calendrier, les participants ainsi que les modalités d'organisation ?

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Je salue votre décision d'allouer 280 millions d'euros aux établissements et aux organismes de recherche pour faire face à la flambée des coûts du gaz et de l'électricité et ainsi continuer à accueillir les étudiants dans de bonnes conditions ainsi que maintenir les activités de recherche.

Grâce à la LPR, qui a donné à la recherche des perspectives de développement et d'attractivité ainsi que des moyens, les universités ont créé 500 postes supplémentaires – enseignants-chercheurs, chaires de professeur junior, doctorants – auxquels s'ajoutent des revalorisations attendues de longue date. Toutefois, l'inflation nous incite à revoir la trajectoire prévue l'année prochaine.

Tous les doctorants en poste et non plus les seuls nouveaux contrats bénéficieront d'une revalorisation. Cette annonce remet-elle en question l'objectif d'une rémunération initiale à hauteur de 2 300 euros ?

Nous saluons les nombreuses mesures destinées à lutter contre la précarité étudiante telles que la revalorisation des bourses, le maintien du repas à 1 euro ou encore l'augmentation du nombre de travailleurs sociaux auprès des étudiants. J'espère que la refonte des bourses sera l'occasion d'une réflexion sur l'aide, sous toutes ses formes, que l'État peut apporter à chacun.

Le budget 2023 octroie 55 millions d'euros aux Crous qui ont récemment été mis en cause dans un reportage, notamment pour les maigres portions qui seraient servies aux étudiants. Pensez-vous que certains d'entre eux nécessitent une aide particulière ?

Comment le ministère de l'Enseignement supérieur compte-t-il contribuer à la réforme de l'enseignement professionnel dont le but est d'en faire une voie complète, attractive et renouvelée ? Qu'en est-il des BTS dans lesquels le taux d'échec est fort ?

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Sylvie Retailleau, ministre

Madame Folest, l'objectif d'une rémunération minimale de 2 300 euros pour les nouveaux contrats de doctorants est maintenu. Compte tenu de la hausse du point d'indice et de l'extension de la revalorisation à tous les doctorants, il conviendra toutefois d'adapter la trajectoire jusqu'en 2026.

S'agissant de la LPR, je me suis engagée à vous présenter un bilan au printemps sur la base duquel nous examinerons une éventuelle accélération de sa mise en œuvre.

En ce qui concerne l'enseignement professionnel, je travaille étroitement avec Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Les BTS dépendent aussi de mon ministère. L'année propédeutique, que je qualifierai plus généralement d'année « +1 », est au cœur de nos réflexions. Pour les élèves de lycées professionnels, elle peut être une année de réflexion, les aider à mieux s'insérer dans la vie professionnelle, ou servir de marchepied pour les études supérieures. Pour les autres étudiants, il en existe déjà certaines – le diplôme universitaire Passeport pour réussir et s'orienter (DU PaRéO). Notre objectif est de structurer ces années « +1 » dans un souci de réorientation pour la filière générale et d'insertion professionnelle pour les bac pro.

Nous suivons de près les problèmes du Crous de Rennes qui, sans être généralisés, ne sont pas isolés. Nous accompagnons les Crous pour les aider à surmonter les difficultés de recrutement et à faire face à la hausse du nombre de repas servis depuis la rentrée – preuve que la communication sur le repas à 1 euro porte ses fruits, mais nous allons malgré tout l'intensifier – sans remettre en cause les projets déjà engagés. Le budget prévoit un effort financier en leur faveur. Je salue leur travail dans le domaine social mais aussi en matière de logement et de restauration.

Madame Carel, j'ai lancé le 6 octobre la concertation nationale sur la réforme des bourses qui sera menée par le délégué interministériel, Jean-Michel Jolion. Elle fera l'objet d'une déclinaison territoriale sous l'égide des recteurs. La concertation territoriale réunira tous les acteurs impliqués dans la vie étudiante – étudiants, établissements, collectivités territoriales, associations mais aussi acteurs de la santé. Un point d'étape est prévu en février, le rapport final devant m'être remis à la fin de l'année universitaire. La réforme ne pourra donc pas être mise en œuvre pour la rentrée 2023 mais certaines mesures consensuelles pourraient l'être.

Monsieur Portier, votre intervention rejoint sur plusieurs points celle du rapporteur pour avis sur l'Enseignement supérieur et de la vie étudiante. Je conteste votre affirmation selon laquelle la recherche et l'enseignement supérieur seraient une variable d'ajustement.

Si tel était le cas, pourquoi augmenter le budget et compenser intégralement la hausse du point d'indice pour la part relevant de l'État ? Pourquoi revaloriser tous les doctorants, en plus de la hausse du point d'indice ? Pourquoi créer 650 ETP ?

Les enseignants-chercheurs ne dispenseront que 48 ou 64 heures d'enseignement afin de recruter des profils différenciés et faire de la recherche une priorité. Cette mesure concrète, qui répond à des standards européens et internationaux, est une traduction de la LPR dans son versant stratégique.

La LPR, ce ne sont pas seulement des crédits ; elle concrétise aussi l'ambition d'une recherche qui travaille avec l'industrie et le monde économique dans une perspective européenne et internationale. C'est la définition du métier d'enseignant-chercheur du XXIe siècle.

S'agissant de l'insertion professionnelle des étudiants, je vous renvoie à la feuille de route de mon ministère dont elle est un axe très fort. J'y suis très attachée. Je souligne notamment son importance à bac +3. L'une des clés est la formation tout au long de la vie. Nous travaillons avec Carole Grandjean pour développer les outils mis à disposition des étudiants et des travailleurs mais l'insertion professionnelle repose aussi sur les entreprises.

En ce qui concerne la baisse de la part française dans la production scientifique européenne, le constat date de 2020. C'est pour y remédier que de nombreuses mesures ont été prises dans la LPR – augmentation du nombre de postes ; hausse des crédits de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour lui permettre de sélectionner un plus grand nombre de projets et accroître le taux de réussite aux appels à projets – d'après les standards internationaux, il doit être entre 20 et 30 % – ; augmentation du préciput pour garantir aux établissements de recherche un retour sur investissement ; création de chaires de professeur junior avec des profils interdisciplinaires. Le récent rapport « Regards sur l'éducation » de l'OCDE montre que nous ne sommes pas à la traîne. Au contraire, les mesures que nous avons prises nous replacent dans la course par rapport à nos voisins européens qui sont, à mes yeux, notre principal point de comparaison.

L'État a fait des domaines que vous avez cités – la santé et l'énergie – des priorités. En témoigne le plan Innovation santé 2030 auquel des sommes importantes sont allouées. Plus généralement, les stratégies nationales d'accélération financées par le plan France 2030 ont vocation à répondre aux difficultés qui ont été identifiées, en complément de la LPR.

Le budget alloué par étudiant n'est pas le bon instrument de mesure. Une université est un établissement d'enseignement supérieur et de recherche, elle ne peut pas se résumer au seul nombre d'étudiants au risque d'ignorer le volet recherche. Les comparaisons fondées sur ce seul critère ne montrent pas l'hétérogénéité, que nous assumons, des établissements. Ces derniers doivent être des établissements de territoire et de recherche intensive.

Madame Brugnera, comme nous l'avons annoncé lors du colloque de Bordeaux, tous les étudiants de premier cycle bénéficieront d'une formation à la transition écologique à partir de 2025. En parallèle, nous formerons tous les enseignants et enseignants-chercheurs pour qu'ils incluent cette dimension dans leur enseignement. La formation sera donc à la fois propre au secteur et transdisciplinaire.

Les contrats d'objectifs et de moyens avec les établissements incluront les moyens nécessaires pour accompagner ces derniers dans la mise en œuvre de la formation destinée aux étudiants de premier cycle. De même, en ce qui concerne la formation de spécialistes aux métiers du vert, en troisième année de licence ou en master, les COM permettront d'aider les établissements à aller chercher des financements dans le cadre de l'appel à manifestations d'intérêt « compétences et métiers d'avenir » de France 2030, doté de plus de 2 milliards d'euros.

La formation à la transition écologique concernera également les Inspé (instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation), notamment pour le professorat des écoles ; j'en ai parlé avec l'ensemble de leurs directeurs.

Monsieur Chudeau, la réponse à votre question concernant les études doctorales réside dans la LPR, par une vraie augmentation budgétaire permettant de porter à 3 % du PIB notre investissement dans la recherche.

La vie étudiante fera partie des sujets des concertations. En ce qui concerne le plan « 60 000 logements étudiants », les chiffres dont nous disposons sont de 30 000 logements réalisés ; bien sûr, nous allons continuer.

Monsieur Berta, l'investissement dans la culture scientifique est prévu dans la LPR et par le biais d'autres augmentations. Nous y travaillons aussi, en effet, avec le ministère de la Culture, qui finance des CCSTI (centres de culture scientifique, technique et industrielle), mais il est exact qu'il faut impliquer d'autres ministères responsables de travaux de recherche et de formations parce qu'ils exercent la tutelle sur des écoles, par exemple. Cet aspect sera un élément important du bilan de la LPR au printemps prochain, s'agissant notamment de l'utilisation du 1 % du budget d'intervention de l'ANR et des budgets qu'il aura financés. Le développement de la culture scientifique chez les politiques, les journalistes, bien d'autres professions et l'ensemble des citoyens, pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés, fait partie de nos priorités.

En ce qui concerne la Fête de la science, nous lui avons déjà associé les médias l'année dernière, en nouant des partenariats avec de grandes chaînes de télévision et en nommant Jamy Gourmaud parrain de l'événement. Nous nous efforçons de donner une place aux activités scientifiques dans les médias aux heures de grande écoute.

Si, de manière générale, l'interdisciplinarité est essentielle pour relever les défis, l'accent mis sur les sciences humaines et sociales est crucial s'agissant des défis sociétaux. Nous travaillons à un plan spécifiquement consacré aux sciences humaines et sociales, que je viendrai vous présenter début 2023.

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Près de deux ans après le vote de la LPR, nous saluons les premières réalisations qui en découlent, jugées satisfaisantes par nos collègues sénateurs dans leur rapport de juillet dernier. La montée en charge financière de l'ANR illustre la dynamique budgétaire au profit de la recherche. N'en déplaise à certains, les chiffres sont implacables.

Ces efforts doivent se poursuivre pour que la France tienne son rang dans une compétition internationale toujours plus exacerbée. Le Président de la République a indiqué sa volonté de renforcer les moyens alloués à la recherche dans plusieurs domaines stratégiques, dont le spatial. Un an avant la clause de revoyure de la LPR, une augmentation des crédits destinés à sa mise en œuvre est-elle envisagée ? Vous avez parlé d'accélération ; est-il permis d'espérer ?

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L'émergence du classement de Shanghai a bouleversé notre modèle universitaire, poussant les gouvernements à favoriser les fusions d'universités – ce qui a donné naissance à des campus toujours plus grands, standardisés et impersonnels – et à délaisser nos petites et moyennes facultés au profit des établissements des grandes métropoles. Les lieux d'études sont de plus en plus éloignés des lieux de vie et la France des régions est une nouvelle fois abandonnée. De plus, l'Inspection générale de l'éducation nationale et de la recherche n'a pas décelé un impact significatif de la fusion sur la réussite étudiante.

En réalité, si nos facs vont mal, c'est à cause du nivellement par le bas, des lourdeurs administratives, de l'égalitarisme défendu par la gauche universitaire, de la gangrène islamo-gauchiste et de la montée de l'idéologie woke. Quand vous attaquerez-vous aux vrais problèmes de l'université ? Quand la recherche de la performance cessera-t-elle de se faire sur le dos des étudiants et des enseignants-chercheurs ?

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J'associe à ma question mon collègue Emmanuel Pellerin.

À la demande récurrente du Parlement, et parce que les différents PIA n'en avaient pas fait leur priorité, le plan de relance a inclus un programme ambitieux de rénovation énergétique du bâti universitaire et d'une partie des 18,5 millions de mètres carrés d'établissements, de laboratoires et de réseau des œuvres universitaires, parfois très énergivores puisque ayant pour la plupart vu le jour entre les années 1960 et les années 1980. Plus de 1 000 projets ont été retenus, pour 1,3 milliard d'euros ; les chantiers doivent se terminer fin 2023. Cet investissement majeur est une très bonne chose pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, faire des économies de fonctionnement, améliorer la qualité de vie des usagers et des personnels et pour le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Quel bilan d'étape en tirez-vous ? Plus généralement, la maintenance des travaux dans les bâtiments est-elle suffisamment prise en compte dans les dialogues stratégiques et de gestion avec les universités ?

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Dans le projet annuel de performances, tous les indicateurs concernant l'importance internationale de la recherche française se détériorent, signant l'inexorable recul de la place de notre recherche en Europe et dans le monde. Les cibles proposées pour les prochains exercices budgétaires actent également la poursuite de cette perte d'influence, en dépit de la hausse de moyens issue de la LPR. Ne faut-il donc pas aller plus loin que la trajectoire budgétaire prévue par cette dernière ?

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Les violences sexistes et sexuelles, à propos desquelles la parole, heureusement, se libère, sont aussi un fléau dans le milieu universitaire. Pas un jour sans que l'on n'entende parler d'une agression lors d'une fête ou de comportements déplacés entre jeunes d'une même promotion. À Lille, des étudiants viennent de rédiger une pétition contre des faits d'exhibitionnisme répétés aux abords d'une école. Nos étudiants demandent des moyens de sensibilisation, de prévention, de vidéoprotection et d'accompagnement des victimes.

Pour 2023, 10 millions d'euros supplémentaires sont alloués à ce domaine. Quelles actions concrètes et nouvelles seront contenues dans le plan 2023 pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes et mieux accompagner les victimes ?

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Il faut environ 840 tonnes de béton, 300 d'acier et 25 de composite pour construire une éolienne selon le modèle le plus installé en France, donc le plus souvent démantelé ces derniers temps. Or, depuis le premier parc éolien français, en 1996, le recyclage n'a pas évolué. Comment peut-on commercialiser un produit que l'on ne sait pas recycler ? Au bout de vingt-cinq ans, on en est à enfouir les pales en décharge. Et les problèmes augmentent avec la hausse exponentielle du nombre d'éoliennes installées, alors que l'installation est déjà coûteuse et peu avantageuse du point de vue énergétique. Il faut reconnaître que cette source d'énergie n'est pas écologique.

Quand consacrerez-vous les moyens nécessaires à la recherche afin de résoudre ce problème ?

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Dans les zones rurales, 40 % des bacheliers renoncent aux études supérieures. En Occitanie, six jeunes urbains sur dix font encore des études à vingt ans, contre trois jeunes ruraux seulement. C'est que, en zone rurale, l'accès à l'information est plus compliqué, les réseaux limités et les forums en nombre insuffisant. Les carences en transports et le coût de la vie sont d'autres freins à la mobilité.

Il faut donc d'abord développer les offres de formation locales ; la création de campus connectés va dans ce sens. Mais les formations d'excellence sont en zone urbaine et y resteront. C'est donc sur la mobilité qu'il faut travailler. Alors que l'attribution des bourses est fondée sur la distance entre le domicile familial et le lieu des études, il conviendrait de tenir compte du temps de trajet réel et du coût de l'installation dans les grandes métropoles.

Quelles sont vos pistes pour améliorer l'accès de nos jeunes ruraux à l'enseignement supérieur ?

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La formation de professionnels de santé en plus grand nombre est essentielle pour remédier à l'inégalité d'accès aux soins à l'heure où près d'un tiers des Français vivent dans un désert médical.

Or, malgré la suppression du numerus clausus, le nombre de places en études de médecine reste limité. Le passage de la première à la deuxième année faisait encore de très nombreux déçus en juillet dernier. Combien d'étudiants supplémentaires ont pu poursuivre leur cursus depuis la levée du numerus clausus ? Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour accroître le nombre de places effectives ?

Dans les études d'infirmiers, on observe des défections, dues en grande partie à une sélection inadaptée par Parcoursup – ce que confirme un rapport du Sénat publié fin mars. Comment mieux sélectionner et accompagner les étudiants afin d'éviter ce décrochage ?

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Les étudiants boursiers ne peuvent percevoir leur bourse s'ils choisissent une nouvelle formation assurée par un établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG).

En effet, non lucratifs et sous contrat avec l'État, ces établissements ne sont pas systématiquement habilités à accueillir des boursiers sur critères sociaux, en raison d'un cadre juridique ancien et inadapté qui n'accorde l'habilitation de droit qu'aux établissements créés avant 1952, les autres devant déposer régulièrement des demandes d'agrément au rectorat, formation par formation. Pour les nouvelles formations, la demande ne peut être déposée qu'après au moins une première cohorte de diplômés. Ainsi, un jeune souhaitant suivre dans un EESPIG une formation à la cybersécurité, parfaitement en phase avec les besoins du marché du travail, devra renoncer à sa bourse du Crous.

Les EESPIG pourraient-ils être habilités, dans le cadre de leur contrat avec l'État, à recevoir ces étudiants dans toutes les formations qu'ils proposent, y compris les plus récentes ?

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Ayant dû quitter la réunion en urgence à cause du 49.3 en séance publique, je n'ai pu prononcer mon intervention au nom de mon groupe ; je suis maintenant contraint à une prise de parole beaucoup plus brève.

En 2010, la nation consacrait en moyenne 12 700 euros à chaque étudiant, contre 11 500 seulement en 2020.

Les préconisations de la commission d'enquête sur les effets de la crise du covid sur les enfants et la jeunesse, conduite par Marie-George Buffet en 2020, ont été adoptées à l'unanimité par notre assemblée au cours de la précédente législature. Parmi elles, figurait la revalorisation du montant des bourses. Elle est prévue, mais à hauteur de 4 %, soit moins que l'inflation.

Quant à la recherche, la trajectoire budgétaire de la LPR, dont nous avions déjà dénoncé le caractère précaire, est annihilée par l'inflation. N'est-il pas urgent d'obtenir un arbitrage de Bercy pour qu'une part du crédit d'impôt recherche, en partie utilisé comme un moyen d'optimisation fiscale, soit réorientée vers la recherche universitaire ? Si vous vous y employez, nous vous aiderons.

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Le budget consacré à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS) dans l'enseignement supérieur double en 2023, passant de 1,7 à 3,5 millions d'euros annuels ; c'est une bonne chose, car 4 % de la population étudiante est concernée par des agressions ou des tentatives d'agression. La hausse budgétaire est censée permettre l'augmentation du nombre des personnes formées et le recrutement des référents chargés d'aider les établissements à déployer les dispositifs de prévention, d'accompagnement et de signalement. Avez-vous une estimation du nombre de personnes dont nous aurions besoin et de celui sur lequel le budget va nous permettre de compter ?

Par ailleurs, 1,2 million d'euros va être versé pour soutenir les projets de soixante-treize associations et établissements. Les lauréats bénéficieront d'une subvention allant jusqu'à 60 000 euros. Quels en seront les critères d'attribution ? L'initiative semble peu connue, ce qui pourrait empêcher certaines structures d'y accéder.

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Le nombre d'étudiants en situation de handicap augmente ; nous nous réjouissons de ce progrès de l'inclusion. Le budget à cet effet est passé de 7,5 à 15 millions, ce qui permet un accompagnement spécifique et des améliorations concrètes.

Quelles sont les perspectives pour 2023 du comité national de suivi de l'université inclusive afin d'offrir à tous les étudiants les mêmes chances de réussite ?

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Le secteur agricole doit s'adapter pour bâtir un système alimentaire durable et résilient qui assure notre souveraineté alimentaire et un meilleur revenu aux agriculteurs. Pour cela, il faut former des ingénieurs agronomes et des chercheurs dans le domaine agroalimentaire. Il est donc heureux que les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles augmentent.

Par ailleurs, vous poursuivez le plan pluriannuel de renforcement de la capacité d'accueil des quatre écoles vétérinaires, portant la taille des promotions à 180 étudiants. Mais les nouveaux vétérinaires ont tendance à préférer la ville à la campagne. Prévoyez-vous des mesures pour veiller à leur juste répartition dans l'ensemble du territoire ?

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Le ministre de la Santé a indiqué récemment que les internes en médecine générale seraient affectés en quatrième année dans les zones sous-dotées pour peu que l'encadrement universitaire soit adéquat. À Laval, pourvu d'un centre hospitalier mais pas d'un centre hospitalier universitaire, une seule année d'études de médecine est proposée. Est-il prévu de développer ces cursus dans les villes moyennes de province ? Qu'en sera-t-il de l'accueil d'internes ?

J'en profite pour mentionner le problème, toujours à Laval, d'un campus délocalisé sans restauration – vous avez abordé le sujet.

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Une note de l'Institut des politiques publiques publiée la semaine dernière montre que les dépenses d'enseignement supérieur destinées aux étudiantes sont de 18 % inférieures à celles allouées aux étudiants. Cette disparité est plus présente dans les filières scientifiques, où la place des femmes est encore trop faible. Dans le rapport d'information sur les femmes et les sciences que j'ai présenté en 2018 au nom de la délégation aux droits des femmes, je formulais vingt-trois recommandations pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans les sciences, dont plusieurs ont alimenté la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

Dans la perspective de la mission sur les budgets genrés qui m'a été confiée par la délégation aux droits des femmes, j'aimerais savoir quels sont les aspects budgétaires étudiés par votre ministère afin d'améliorer la représentation des femmes dans les filières scientifiques.

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Sylvie Retailleau, ministre

Madame Rilhac, un bilan de l'application des différents volets de la LPR est en cours. Il permettra de savoir si l'on peut envisager d'atteindre les objectifs en 2027 plutôt qu'en 2030.

À cet égard, monsieur Peu, nous appliquons la LPR et nous la défendons. L'inflation a été compensée pour les personnels relevant de l'État grâce à la revalorisation du point d'indice. Cela vaut pour les titulaires et les contractuels ainsi que pour les heures de cours complémentaires. S'agissant du coût de l'énergie, des consignes ont été données aux établissements. Nous développons également un mécanisme d'amortissement ayant pour objectif de faire baisser les factures. Grâce aux 275 millions d'euros que j'ai obtenus, l'inflation n'affectera ni la formation, ni la recherche, ni le déroulement de la LPR. Cette enveloppe permettra de faire face à l'accroissement des dépenses d'énergie en 2023, même si, par définition, nous ne savons pas encore quel sera son niveau.

Le montant total des fonds de roulement disponibles des établissements dépasse 1 milliard d'euros. Ce chiffre exclut la réserve prudentielle de quinze jours et les sommes affectées au financement de projets de recherche ou de programmes de rénovation énergétique. Compte tenu des contraintes budgétaires et du contexte économique, social et géopolitique, nous ne pouvons pas ne pas faire appel à la solidarité entre établissements.

Monsieur Le Vigoureux, avec leurs 18 millions de mètres carrés, les universités représentent effectivement une part très importante du patrimoine immobilier de l'État. Christophe Béchu a annoncé l'élaboration, sous l'autorité de la Première ministre, d'un plan ambitieux de rénovation thermique des bâtiments de l'État, qui inclut donc les universités. Par ailleurs, 1,2 milliard d'euros ont été mobilisés dans le cadre du plan de relance. Le bilan est très positif : en dépit d'un calendrier contraint, les établissements ont montré leur capacité à lancer des travaux de rénovation.

Les établissements ont beaucoup progressé en matière d'entretien du patrimoine. Les services compétents se sont renforcés, aussi bien en nombre qu'en compétences. Cette question fera l'objet d'un volet spécifique dans les contrats d'objectifs et de moyens et dans les dialogues stratégiques et de gestion. Nous aiderons ainsi les établissements à professionnaliser leur approche de la question.

Madame Anthoine, les mesures relevant des ressources humaines prises dans le cadre de la LPR sont entrées en vigueur il y a seulement un an : il faut attendre un peu avant d'en voir les effets sur le nombre de doctorants, l'attractivité de la profession d'enseignant-chercheur et la place des établissements dans les publications et classements internationaux.

La LPR prévoit d'allouer des moyens supplémentaires, mais ce n'est pas la solution à tous les problèmes. Nous encourageons les établissements à dégager du temps de recherche et d'enseignement, notamment en simplifiant les procédures administratives et en assurant la montée en compétences des services. À cet égard, il est également important que les universités développent des stratégies globales et pluriannuelles. Elles doivent aussi participer aux appels à manifestation d'intérêt du plan France 2030.

Madame Spillebout, la lutte contre les VSS me tient particulièrement à cœur. Les crédits consacrés à cet objectif ont été doublés. La formation à la prévention des VSS et à l'accompagnement des victimes doit être développée dans les établissements. En effet, même lorsqu'il existe des cellules de signalement ou d'autres dispositifs, les compétences pour les faire fonctionner font trop souvent défaut. Nous allons donc créer des postes supplémentaires, dans chaque académie, pour accompagner les établissements, en liaison avec les inspecteurs généraux et les services juridiques. Nous prévoyons également de financer les formations dispensées aux associations d'étudiants, par exemple celles qui sont chargées d'organiser les événements festifs. L'appel à projets d'un montant total de 1,2 million d'euros, dont les lauréats ont été dévoilés récemment, a permis de faire émerger des dispositifs très concrets. L'objectif est d'élargir cette démarche à l'ensemble des établissements.

Monsieur Esquenet-Goxes, nous allons poursuivre notre action en faveur de l'enseignement dans la ruralité, notamment à travers le dispositif des campus connectés. Nous y travaillons avec Dominique Faure. Un référent chargé de la question a également été nommé au sein de mon cabinet.

Je suis d'accord avec vous : il faut à la fois veiller au maillage du territoire, en particulier pour le premier cycle, et permettre aux étudiants de suivre certaines formations ailleurs, car nous ne parviendrons pas à proposer une offre identique dans tous les territoires. L'accompagnement à la mobilité, doté de 3 millions d'euros, permet ainsi aux étudiants de changer d'académie, au niveau licence comme au niveau master.

Nous souhaitons également développer le tutorat et le mentorat, notamment dans les études de santé, pour accompagner les étudiants issus de lycées ruraux, car la peur de l'éloignement est tout à fait compréhensible.

Enfin, nous travaillons avec les autres ministères à l'élaboration d'un volant de mesures. En effet, la situation n'est pas la même selon que vous suivez des études de médecine ou une formation d'ingénieur.

Le nombre de places en deuxième année d'études de santé a augmenté de 18 % à la rentrée 2021 grâce à la suppression du numerus clausus. Le mouvement doit se poursuivre, mais une hausse brutale risquerait de créer des difficultés. Avant d'élaborer avec les facultés un plan visant à accroître le nombre d'étudiants, il convient de mener à leur terme la réforme du second cycle des études de médecine – je pense à l'évolution des épreuves classantes nationales, avec l'introduction d'examens cliniques objectifs structurés (Ecos), qui sont des épreuves orales – et celle du parcours d'accès spécifique santé (Pass) et de la licence avec option accès santé (LAS). Les missions que nous avons diligentées rendront prochainement leurs rapports, et un cadrage est prévu pour la rentrée 2023. En pharmacie, 33 % des places n'ont pas été pourvues cette année, ce qui traduit le manque d'attractivité de certaines professions de santé.

Un rapport consacré aux infirmiers vient d'être rendu. Nous allons travailler avec le ministère de la Santé et de la prévention à la résolution des problèmes, qu'il s'agisse des modalités de recrutement, de la motivation des candidats ou encore du déroulement du premier stage. Il faut proposer un accompagnement au cours de la première année d'études, pour éviter que certains étudiants n'abandonnent leur cursus.

Le plan pour une université inclusive nous tient particulièrement à cœur. Les financements ont doublé et nous entendons poursuivre l'effort. Nous travaillons avec les associations à l'élaboration d'un projet ambitieux. Les étudiants doivent être mieux accompagnés. Nous menons avec Geneviève Darrieussecq une réflexion sur ce que doivent être des universités inclusives, des campus inclusifs. Nous essayons d'aller plus loin avec plusieurs établissements autour de la notion d'inclusion globale. Il s'agit notamment d'améliorer l'accueil des étudiants en situation de handicap selon les disciplines, pour qu'ils se sentent naturellement intégrés.

Madame Melchior, les écoles vétérinaires n'entrent pas dans mon périmètre : votre question s'adresse en réalité au ministre de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire. Toutefois, il est vrai que nous travaillons ensemble. Marc Fesneau a confirmé le redéploiement des 160 places du contingent réservé jusque-là aux étudiants des prépas biologie, chimie, physique et sciences de la terre. Cette évolution s'explique par une inadéquation entre les formations dispensées dans ces classes et celle des écoles vétérinaires. Le nouveau dispositif vise à lever toute équivoque quant à la réalité du métier de vétérinaire, laquelle est parfois crue, et à faire en sorte que les étudiants souhaitant intégrer une école vétérinaire s'y préparent au mieux. Le ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire a pris des mesures destinées à faciliter la transition entre ces deux types de formation.

Madame Calvez, il faut encourager les jeunes filles à pratiquer les sciences ; c'est une cause qui m'est chère. La question est abordée dans la LPR à travers les interactions entre sciences et société. Des crédits sont donc alloués à cette politique. Nous allons lancer, avec Pap Ndiaye, des assises visant à renforcer l'attractivité pour les jeunes filles des métiers scientifiques ainsi que des disciplines technologiques comme l'informatique. L'enjeu est important car il faut éviter que ne se créent des biais dans la société – c'est vrai aussi en ce qui concerne les garçons, dans d'autres disciplines.

Nous souhaitons aborder la question dans sa globalité : il importe à la fois d'attirer les jeunes filles vers les disciplines que j'évoquais, de poursuivre la sensibilisation des enseignants dans les Inspé et de travailler sur le déroulement de carrière des femmes. Les assises des mathématiques, qui se tiendront prochainement, contribueront à ces objectifs. Nous vous proposerons un bilan de la LPR au printemps prochain ; la question du rapport des femmes aux sciences y sera abordée.

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Madame le ministre, je vous remercie beaucoup.

Chers collègues, contrairement à ce que je vous avais indiqué, il a été décidé de publier les avis budgétaires comme tels, sans que leur publication ait besoin d'être autorisée. Nous en avons donc fini.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.

Présences en réunion

Présents – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Rodrigo Arenas, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, Mme Béatrice Bellamy, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Hendrik Davi, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Estelle Folest, Mme Anne-Sophie Frigout, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Christine Loir, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, M. Maxime Minot, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, M. Stéphane Peu, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Isabelle Rauch, Mme Cécile Rilhac, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier, M. Léo Walter

Excusés. – Mme Farida Amrani, Mme Aurore Bergé, M. Idir Boumertit, M. André Chassaigne, Mme Béatrice Descamps, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Stéphane Lenormand, M. Frédéric Maillot, M. Julien Odoul, Mme Claudia Rouaux, M. Boris Vallaud

Assistait également à la réunion. – M. Jérôme Legavre