Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 22 novembre 2022 à 18h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-huit heures quinze.

La commission auditionne M. François Toujas, président de l'Établissement français du sang.

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Monsieur le président, depuis maintenant dix ans que vous avez la responsabilité de l'Établissement français du sang, vous avez souvent eu des échanges avec les commissaires aux affaires sociales. L'audition d'aujourd'hui est particulièrement attendue par beaucoup d'entre nous au regard d'une actualité riche et complexe. Nous sommes donc impatients de vous entendre et je ne doute pas que de nombreuses questions vous seront ensuite posées.

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie pour cette invitation.

Ma dernière audition par la commission date du 29 septembre 2020 et était intervenue dans le cadre de mon renouvellement à la fonction de président du conseil d'administration de l'Établissement français du sang (EFS). Depuis cette audition, la situation de l'EFS s'est dégradée en raison des difficultés posées par la crise épidémique. Je pense donc que nous nous trouvons aujourd'hui à un tournant important de l'histoire de l'établissement, y compris pour son modèle économique.

Je souhaite néanmoins rappeler que depuis sa création en 2000, l'EFS a engagé de nombreuses réformes structurelles pour se transformer et se moderniser. La poursuite de ces réformes est essentielle pour renforcer et pour pérenniser son modèle éthique mais ne sera possible qu'avec la mobilisation d'investissements humains et financiers. Enfin, pendant la crise épidémique, alors que le pays a souffert de nombreux manques, pas une poche de sang n'a manqué pour les malades. Il est important de le souligner alors que l'établissement connaît aujourd'hui des difficultés importantes.

L'EFS est confronté à sept enjeux principaux.

Le premier consiste à essayer de retrouver des capacités opérationnelles satisfaisantes, adaptées au nouveau contexte, qui permettent de déployer une offre de collecte agile afin de garantir la continuité du service public de la délivrance et de la collecte. Il est nécessaire, de ce point de vue, de continuer à améliorer l'attractivité des emplois offerts par l'EFS. Des travaux sont en cours sur les salaires, sur les parcours professionnels et sur la qualité de vie au travail.

Le deuxième enjeu réside dans le renforcement extrêmement important de la filière française du fractionnement par une augmentation sensible des volumes de plasmas collectés en vue d'être fractionnés. Pour y parvenir, il est absolument nécessaire de s'accorder avec le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) pour pouvoir augmenter sensiblement les prix auxquels l'EFS lui cède ses volumes de plasmas. Sans cette condition, les efforts importants déployés par les pouvoirs publics sur la filière plasmatique seront vains.

Le troisième enjeu consiste à répondre toujours mieux aux besoins des patients. L'EFS est chargé d'une mission très importante à savoir l'autosuffisance quantitative, qui consiste à garantir que l'ensemble des produits sanguins consommés dans le pays y sont produits. L'autosuffisance qualitative est également importante, ce qui implique que la réponse aux besoins des patients en matière de phénotypes d'intérêt et de sangs rares constitue un élément essentiel de notre stratégie.

Le quatrième enjeu porte sur notre participation au développement de la médecine de demain et des thérapies innovantes, notamment par la mise au point de biothérapies et par la mise en place d'une offre de bioproduction qui contribue à renforcer la souveraineté sanitaire de notre pays, notamment en immunologie et en médecine régénératrice.

Cinquièmement, nous devons poursuivre la transformation de l'EFS, notamment sa transformation numérique afin de pouvoir nous adapter le mieux possible aux nouveaux enjeux de la société numérique.

Enfin, nous devons continuer à renforcer la démocratie sanitaire, en étant notamment à l'écoute des associations de donneurs et de patients. Nous devons également encourager l'engagement citoyen que constitue le don du sang.

Je tiendrai devant vous un langage de vérité comme je l'ai fait devant le conseil d'administration de l'EFS en octobre. L'établissement connaît des difficultés persistantes et d'un niveau tel que le budget 2023 se présente mal. Dès lors, plusieurs questions se posent, notamment autour de la filière des plasmas pour fractionnement et des activités de bioproduction, qui pourraient pâtir de ces difficultés budgétaires.

Je souhaite profiter de cette audition pour remercier, devant la représentation nationale, l'ensemble des collaborateurs et collaboratrices de l'EFS, qui, dans un contexte social et économique difficile et après deux années de pandémie, témoignent au quotidien d'un engagement sans faille et portent haut les valeurs du service public et de notre mission. Je souhaite également saluer le rôle extrêmement important de la Fédération française pour le don du sang bénévole, les associations et les bénévoles qui, quotidiennement, sur le terrain, nous soutiennent et organisent avec nous les collectes. Sans eux, rien ne serait possible.

La situation difficile que traverse l'établissement ne constitue pas une exception dans le monde de la santé aujourd'hui. Nous savons tous combien ce secteur, et notamment l'hôpital, traverse des moments difficiles. Je le redis néanmoins avec force : l'EFS constitue un élément indispensable, vital pour le système de santé. Il est donc important que vous soyez informés de sa situation actuelle.

Le modèle économique de l'EFS est à ce jour confronté à une multitude de facteurs défavorables, qui mettent en péril son équilibre économique et possiblement la continuité de son activité.

Premièrement, l'absence de revalorisation tarifaire entre 2015 et 2021 sur les produits sanguins labiles a eu pour effet un sous-investissement dans des secteurs importants tels que l'informatique ou le patrimoine immobilier. Par ailleurs, les augmentations que nous avons obtenues ces dernières années ont été très inférieures à l'augmentation annuelle moyenne de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Ce point mérite d'être souligné.

Deuxièmement, nous constatons depuis quelques mois, probablement en raison des difficultés de l'hôpital, une baisse des cessions de produits sanguins aux établissements de santé, qui impacte négativement le chiffre d'affaires de l'EFS alors que les produits sanguins labiles supportaient jusqu'à présent la totalité du financement de ses autres activités déficitaires. Dès lors, la souveraineté sanitaire française en matière de plasma et de bioproduction, au développement desquels ils contribuaient, pourrait être menacée.

L'activité de cession de plasma est en souffrance puisqu'alors que nous avions l'objectif de livrer au LFB 900 000 litres de plasma, nous n'en livrerons en 2022 que 800 000 à 810 000, ce qui signifie que nous manquons de personnel pour les collecter. Nous rencontrons plus largement des difficultés de recrutement et d'attractivité, dues notamment à une transposition partielle des mesures du Ségur, et la révision des classifications ne fait que démarrer.

Nous déplorons par ailleurs une baisse de la productivité de l'établissement puisqu'avec l'augmentation importante du taux d'absentéisme pour maladie, passé de 6 à 10 voire 11 %, nous avons du mal à mobiliser la totalité des personnes nécessaires à la collecte. Enfin, alors que nous sortons à peine du choc épidémique, le choc inflationniste marquera très fortement l'établissement.

Dès lors, le budget de 2023 en cours de construction sera soumis à de très fortes contraintes avec un choc inflationniste évalué à 30 millions d'euros, un choc de baisse d'activité de 30 millions d'euros également et une demande salariale liée aux qualifications s'approchant de 30 millions d'euros elle aussi, alors que l'EFS connaissait jusqu'à présent une situation équilibrée. Par ailleurs, de nombreux fournisseurs nous ont fait part de leur volonté d'appliquer des indemnités d'imprévisibilité et des avenants tarifaires, ce qui aura des conséquences importantes sur l'exercice 2023.

Dans ce contexte, afin de continuer d'assurer sa mission de service public, l'EFS doit trouver les voies pour rééquilibrer son modèle économique et pour conforter un système éthique qui a montré son efficacité, améliorer son attractivité au travers des chantiers ouverts avec les partenaires sociaux, notamment sur la classification, et continuer à se moderniser notamment en investissant dans ses systèmes informatiques.

En tant que service public inscrit dans les territoires, l'EFS doit continuer à y affirmer sa présence aux côtés des associations pour être plus près des donneurs. Enfin, il doit participer à la médecine de demain en relevant ses défis budgétaires.

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Monsieur le président, je vous remercie pour ce discours de vérité.

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Monsieur le président Toujas, en tant que référent de la commission pour votre établissement, je me réjouis que nous puissions poursuivre nos échanges en présence de l'ensemble de nos collègues parlementaires.

Pour rappel, l'EFS a pour principale mission l'autosuffisance de la France en produits sanguins, dans des conditions de sécurité et de qualité optimale. Il doit les mettre à disposition des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés. Pour cela, vous êtes chargés de la collecte, de la préparation, de la qualification et de la distribution des produits sanguins labiles, et ce sur l'ensemble du territoire français, afin de garantir l'approvisionnement de plus de 1 500 établissements de santé. Vous disposez, en sus de votre siège national, de treize établissements régionaux de transfusion sanguine ainsi que de cent vingt sites de collecte fixes et quarante mille points de collecte mobiles. Vous assurez ainsi, sur l'ensemble des départements, une véritable mission de service public en contribuant directement à l'offre de soins de nos concitoyens.

En tant que parlementaires, nous avons l'obligation d'être les garants de votre bon fonctionnement en accompagnant éventuellement les changements structurels auxquels vous êtes confrontés. À ce jour, l'EFS traverse une véritable crise, qui est en réalité triple puisqu'elle se compose d'une crise sociale et économique, d'une crise liée à l'inflation et d'une crise liée à la sous-activité hospitalière et à un niveau de cession des produits sanguins labiles aux hôpitaux historiquement bas.

S'agissant de la collecte de dons, votre rapport d'activité pour l'année 2021 fait état d'une baisse du nombre de donneurs, à 1 500 000, en recul de 3,19 % par rapport à l'année 2020. Cette diminution s'inscrit dans une tendance à la baisse constante du nombre de donneurs depuis le début de la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19, laquelle a conduit à de nombreuses annulations de collecte en raison des mesures de sécurité sanitaire. S'il convient de relever que malgré la baisse constante de dons, l'autosuffisance en produits sanguins labiles a constamment été assurée par l'EFS dans des conditions optimales de sécurité sanitaire, ce phénomène doit tout de même nous interpeller et nous obliger à prévoir des garde-fous afin de ne pas nous retrouver un jour confrontés à une situation sans précédent, dans laquelle la santé des Français ne serait plus assurée.

Outre les difficultés liées à l'épidémie de covid-19, l'EFS accuse depuis plusieurs mois un manque de personnel médical récurrent, conduisant également à des annulations de collecte dans plusieurs régions. Les personnels de l'EFS sont principalement des professionnels de santé : médecins, biologistes, pharmaciens, techniciens de laboratoire et infirmiers. Les autres exercent des métiers scientifiques dédiés à la recherche et des métiers supports.

Bien que l'EFS possède un statut d'établissement public administratif (EPA), ses personnels relèvent de contrats de droit privé comme ceux d'un établissement public à caractère industriel et commercial. Cette structuration est susceptible de nous interroger. Le manque de personnel avait donné lieu en février 2022 à la publication d'un bulletin d'urgence vitale de la part de l'EFS, signalant un manque de 30 % de poches de sang par rapport aux besoins.

Afin de pallier ce qui s'apparente à un déficit d'attractivité, le Gouvernement a procédé à plusieurs revalorisations tarifaires de nature à augmenter les moyens à disposition de l'EFS pour rémunérer ses collaborateurs. Une augmentation de 3,3 % des tarifs des produits sanguins labiles est ainsi intervenue en 2021, suivie d'une augmentation de 8 % des tarifs du plasma d'aphérèse en 2022, qui sera poursuivie par une augmentation de 9 % au 1er janvier 2023. Soulignons qu'aucune revalorisation tarifaire n'était intervenue depuis 2015.

Malgré cela, deux cents à trois cents postes d'infirmier sont encore non pourvus à ce jour et de nombreux syndicats ont soulevé la question des revalorisations salariales, notamment compte tenu d'une application jugée partielle des mesures du Ségur. Par ailleurs, l'EFS, qui, malgré son statut d'EPA, dépend des financements publics à travers l'Ondam, rencontre aujourd'hui des difficultés pour équilibrer ses comptes en 2023. Il doit en effet trouver près de 90 millions d'euros, dont 30 millions d'euros uniquement pour faire face à l'inflation.

Cette instabilité financière est également liée à un changement de régime fiscal opéré il y a maintenant quelques années en raison d'une harmonisation avec le droit européen. Malheureusement, il en résulte un véritable manque à gagner de près de 80 millions d'euros par an pour l'EFS. Afin de résoudre cette situation, l'État l'a exonéré d'une partie de la taxe sur le chiffre d'affaires, générant une compensation de 40 millions. L'établissement doit néanmoins réaliser 40 millions d'euros d'économies, ce qui n'est pas sans conséquences sur ses missions de service public.

Enfin, je déplore que la gestion des produits sanguins labiles ne soit finalement pas uniforme sur l'ensemble du territoire français. En effet, dans le cadre de mes anciennes fonctions de directeur de clinique, j'ai été confronté à des situations assez ubuesques, dans lesquelles l'EFS réalisait des campagnes de communication pour encourager les dons alors que dans le même temps, nous étions dans l'obligation de détruire des produits sanguins labiles pour des raisons de simplification des processus. Je vous sais soucieux de ce sujet et j'espère que nous aurons l'occasion d'étudier ensemble ce point spécifique.

Chers collègues, plus que jamais, nous devons poursuivre le soutien accordé à l'EFS et l'accompagner dans ses mutations à venir, notamment sur le plan économique. C'est la raison pour laquelle j'appelle de mes vœux la création par notre commission d'une mission « flash ».

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Je vais donner la parole aux représentants des groupes politiques.

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En France, le don du sang est un don de soi. Par conséquent, je tiens à remercier les 1 700 000 compatriotes qui, par esprit de fraternité, donnent leur sang et participent régulièrement aux collectes organisées par l'EFS. Au Rassemblement National, nous soutenons fortement l'éthique du don du sang. Ce principe cardinal vise quatre points, à savoir le non-profit, l'anonymat, le volontariat et le bénévolat. Le don du sang à la française doit absolument être préservé. Les problèmes de collecte que nous connaissons aujourd'hui dans notre pays ne devraient cependant pas remettre en question notre modèle.

Début 2022, vous avez lancé un appel d'urgence vitale à la mobilisation car nous manquions de 30 000 poches de sang. Ce problème est inédit dans l'histoire de l'EFS et a des conséquences notamment sur les médicaments dérivés du sang (MDS). Ces médicaments sont produits par le LFB, dont l'État est actionnaire à hauteur de 100 %, à partir du sang acheté à l'EFS. Ces médicaments présentent une importance capitale puisqu'ils permettent de soigner un demi-million de patients chaque année, notamment les hémophiles et les grands brûlés. Cependant, le rapport Véran de 2013 indique que 40 % des MDS présents sur le marché français sont composés de sang provenant de donneurs rémunérés de pays étrangers, alors qu'en France la collecte de sang rémunérée est interdite.

Notre problème de collecte nous amène donc à acheter du sang pour produire des MDS alors même que cette pratique ne respecte pas notre standard éthique. Cette situation nous amène à nous interroger sur plusieurs points. Premièrement, nous souhaiterions savoir si le sang récolté à l'étranger est soumis aux mêmes normes de contrôle que le sang récolté en France. Deuxièmement, comment appréhendez-vous le problème éthique de la rémunération de la collecte du sang venant de l'étranger pour produire des MDS ?

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Monsieur le président, votre établissement assure en effet la collecte, la qualification et la préparation des produits sanguins et joue également un rôle dans la recherche de médicaments innovants à base de sang. Pouvez-vous nous indiquer clairement s'il est toujours en capacité d'assurer pleinement ses fonctions ?

La crise sanitaire a mis à mal les collectes de sang et les difficultés concernant les stocks s'inscrivent dans le long terme. Vous avez dû émettre deux fois en moins de six mois les premiers bulletins d'urgence vitale de l'histoire de l'EFS pour alerter sur des stocks historiquement bas, en février et en juin 2022. Cette situation est en partie due à un manque de personnel et aux conditions de travail. Vous n'arrivez plus à recruter ni à fidéliser les personnels. La situation est catastrophique, les stocks sont dramatiquement bas et le mode dégradé est devenu le mode courant de fonctionnement de l'établissement. Les syndicats dénoncent également la réduction des créneaux de rendez-vous ou leur suppression faute de personnel pour assurer l'activité. Comment comptez-vous y remédier ?

Par ailleurs, nos territoires d'outre-mer sont confrontés à des problématiques spécifiques de sangs rares et d'autosuffisance qualitative, notamment pour soigner les patients drépanocytaires. À La Réunion, nous avons besoin de cent vingt poches par jour et de quatre mille nouveaux donneurs par an. La crise sanitaire a également impacté le nombre de dons. Pouvez-vous nous éclairer sur la situation actuelle ?

De même, lors de votre audition en septembre 2020, je vous avais exposé la situation de l'EFS de La Réunion, qui se retrouvait à fournir des collectes de sang à Mayotte en raison de la présence du paludisme dans ce département. Qu'en est-il aujourd'hui ?

À ce jour, de quels moyens disposez-vous pour maintenir les stocks ? Les jugez-vous suffisants ? Les moyens financiers et humains de vos structures dans les outre-mer vous semblent-ils suffisants ?

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Monsieur le président, je vous remercie pour vos propos liminaires. Votre audition s'imposait compte tenu de l'actualité et de la crise à laquelle est confronté l'EFS en dépit du pilotage que vous assurez avec votre conseil d'administration depuis de nombreuses années. Par votre voix, généralement sage et déterminée sur les questions de don de sang, de transfusion et d'utilisation du sang, vous nous avez appelés à une mobilisation générale. Dans cet instant, la représentation nationale doit vous appuyer dans les combats que vous menez, compte tenu de la stratégie que vous avez définie et des enjeux que vous avez fixés pour l'EFS, auquel nous tenons tous. Nous n'avons pas le choix.

La France doit faire des efforts si elle veut maintenir son modèle éthique, ses principes et ses valeurs. C'est le rôle qui revient aux autorités de tutelle. L'exécutif doit prendre ses responsabilités. La représentation nationale doit prendre les siennes. Par conséquent, le groupe Les Républicains sera à vos côtés dans le dialogue de gestion que vous devez conduire avec vos autorités de tutelle. Nous n'avons pas d'autre choix car en faisant cela, nous sommes le porte-parole à la fois des donneurs, qui sont préoccupés par l'utilisation de leur acte citoyen, mais également de toutes les amicales qui se mobilisent pour permettre la récole du sang dont vous avez besoin.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à la nécessité de revoir le modèle économique de notre EFS. De nouvelles ressources doivent être trouvées pour compenser la baisse du produit de cession des produits sanguins, assurer l'équilibre du budget de 2023 et pour assurer la souveraineté sanitaire et le développement de thérapies innovantes. Vous n'y parviendrez pas si nous vous laissons seuls. Par conséquent, sachez que nous serons à vos côtés.

Merci pour votre discours de franchise et merci de nous éclairer sur les mesures qu'il conviendrait de prendre pour réussir la transformation du modèle économique de l'EFS.

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Lorsque nous parlons de l'EFS, des donneurs et des receveurs, nous touchons à la vie. J'ai moi-même débuté ma carrière à la banque du sang, à l'hôpital Saint-Louis. Monsieur le président, vous pouvez compter ici sur les parlementaires de tous les groupes pour vous accompagner dans la gestion de votre établissement et dans l'exercice de la mission de service public qui vous a été confiée.

Nous devons nous donner les moyens de cultiver l'exception que constitue le modèle français par ses principes de don gratuit et anonyme. Nous avons bien compris au travers de votre discours que le budget de l'EFS pour 2023 n'était pas à la hauteur des enjeux, s'agissant notamment de l'Ondam tel qu'il s'applique à lui en particulier. Nous serons donc à vos côtés pour cette première raison.

Deuxièmement, il semble aujourd'hui nécessaire de revoir l'organisation de votre activité. Nous vous invitons donc à nous dire vers quel modèle vous souhaitez-vous orienter afin d'augmenter le nombre de donneurs. Nous constatons une baisse de l'engagement citoyen dans tous les domaines. Nous devons néanmoins agir en direction de la jeunesse, qui exprime toujours une immense générosité. Sur ce point, j'ai toujours regretté que les établissements mobiles ne soient pas plus présents dans les territoires alors que les jeunes montrent un engouement de tous les instants et répondent systématiquement présent quand il s'agit de protéger la vie.

Troisièmement, en tant que biologiste de formation, je pense qu'il serait bon de disposer de projections à trois ans et à cinq ans des besoins en bioproduits, qui nous seront si nécessaires. Là encore, la France possède une capacité de bioproduction très forte, qui fait figure d'exception. Permettez-nous de vous aider à définir les orientations de l'EFS pour les prochaines années et nous vous aiderons à en obtenir les moyens !

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Monsieur le président Toujas, vous vous êtes exprimé avec franchise et mais également avec gravité puisque vous avez signalé vous interroger sur la capacité de poursuivre l'activité de l'EFS, ce qui ne peut qu'inquiéter fortement la représentation nationale. Je souscris donc totalement aux propos de Stéphane Viry sur la nécessité de repenser le modèle économique de l'EFS dans son intégralité face aux éléments qui l'ont fragilisé, volontairement ou involontairement, tels que la non-évolution des prix de cession des produits sanguins labiles ou l'application de la TVA, dont la compensation accordée par l'État a décliné, générant une partie des difficultés que vous connaissez.

L'EFS affiche en effet un déficit inédit d'une vingtaine de millions d'euros. Lors de l'examen du projet de loi de finances, nous avons déposé des amendements pour lui apporter un soutien au moins à court terme, qui n'ont pas été acceptés. Je souscris donc à la proposition d'une mission « flash » pour apporter très rapidement des réponses capacitaires à l'EFS, en termes d'organisation et de modalités de financement, et permettre ainsi le maintien du principe éthique qui commande à son fonctionnement. Il ne conviendrait pas qu'au gré d'une crise de financement de l'EFS, les principes qui ont présidé à sa création soient remis en cause.

Premièrement, pouvez-vous nous garantir que l'ouverture prochaine d'une usine de fractionnement de plasma à Arras permettra de résoudre les difficultés de la filière du plasma, qui a connu des succès mais également des déboires dont la suspension des machines d'aphérèse de la société Haemonetics ou les pannes du LFB ?

Ma seconde question porte sur un sujet plus marginal, mais ô combien important et pas uniquement dans les outre-mer, à savoir le fonctionnement de la banque nationale de sang de phénotype rare de Créteil. Pouvez-vous nous exposer les situations les plus critiques qui rendent nécessaires l'amélioration de la collecte et qui vous ont conduit à mener des campagnes spécifiques de collecte sur les sangs rares, notamment pour répondre aux besoins de traitement de la drépanocytose ?

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Monsieur le président, je souhaite revenir sur votre rapport d'activité de 2021, dans lequel vous recensiez 1 500 000 donneurs en France, soit une baisse estimée à 3,19 % par rapport à 2020, ce qui doit nous interpeller. Quoi qu'il en soit, un million de personnes sont soignées chaque année grâce aux dons de sang, notamment dans le cadre du traitement des maladies du sang, des cancers ou des interventions chirurgicales.

Face au défi budgétaire que vous évoquez, nous souscrivons aux propos de nos collègues et vous assurons du soutien du groupe Horizons et apparentés.

Je souhaite revenir sur l'engagement citoyen des donneurs et sur celui des bénévoles qui œuvrent au titre des amicales. Face au besoin de susciter le don chez nos citoyens, les amicales nous signalent quelques difficultés dans le maintien de la relation avec les donneurs, s'agissant notamment de la remise des diplômes. Cette cérémonie qui était assurée in situ permettait d'assurer un lien physique avec les donneurs et d'engager les collectivités, qui ne rechignaient jamais à mettre des salles à disposition pour organiser ce lien. De même, les témoignages issus du terrain présentent l'organisation des collectes à partir de rendez-vous comme un obstacle pour les donneurs volontaires qui se présentaient spontanément et qui ont du mal à s'inscrire dans cette logique. Quelle est votre analyse sur ce sujet et avez-vous des mesures de progrès à proposer ?

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Monsieur le président, merci pour votre présentation.

Je salue la mission essentielle de l'EFS, mise à mal ces temps-ci. Les syndicats nous ont également alertés sur la diminution du chiffre d'affaires de l'établissement et les mauvaises prévisions pour l'année 2023, avec notamment l'augmentation des prix de l'énergie et l'inflation. Je souscris aux propos de mes collègues sur la nécessité de repenser le système pour vous permettre de mener sereinement votre mission dans les années à venir. Vous nous avez par ailleurs signalé un manque important de personnel, dû à la nécessité de revaloriser les professions comme dans beaucoup d'autres domaines. Les salaires ne sont plus suffisamment attractifs, même si le salaire ne constitue pas le seul élément d'attractivité. Avez-vous identifié des pistes pour revaloriser les métiers de l'EFS, qui forment une filière très spécifique de la santé en France ?

S'agissant de la nécessité de collecter du plasma pour répondre aux besoins en immunoglobuline, pensez-vous qu'il serait utile de mener des campagnes ciblées ? Je m'interroge également sur l'opportunité de mener des campagnes auprès des plus jeunes, qui ne sont pas en âge de donner mais pourraient être fidélisés comme donneurs en devenir. Cette démarche permettrait de faire du don de sang une habitude culturelle afin de maintenir un niveau de collecte correct.

Le groupe Écologiste soutient votre travail et se tient à disposition pour aider l'EFS de quelque manière que ce soit.

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Monsieur le président, je souhaite saluer tous les militants et militantes du don du sang et leur faire part de notre inquiétude. Que faut-il faire pour protéger, sauver et consolider notre système fondé sur le don ? L'EFS, qui constitue notre bien commun, nécessite une ambition politique renouvelée.

Le 27 mai, le Congrès national des donneurs de sang s'alarmait quant à la situation fortement dégradée de notre système transfusionnel et de l'affaiblissement de notre capacité à produire des médicaments dérivés du sang. Le 7 octobre, le conseil d'administration votait une autorisation de découvert et le 20 octobre, le comité social et économique actionnait le droit d'alerte. Quelles actions le ministère de la santé a-t-il conduites depuis ?

Le don du sang et les médicaments dérivés du sang sont indispensables chaque année à plus d'un million de malades. Or du 1er janvier 2021 au 21 septembre 2022, 1 069 collectes ont été supprimées faute de personnel. Depuis 2017, l'assujettissement de l'EFS à la TVA suite à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne pèse sur ses comptes à hauteur de 70 millions d'euros par an et les faibles compensations s'amenuisent d'année en année. Les tarifs de cession fixés par l'État ne permettent manifestement pas à l'établissement de faire face à ses missions. Ils ne paient tout simplement pas le travail nécessaire. Existe-t-il des perspectives d'évolution ?

Le LFB se dote actuellement d'une usine de haute technologie à Arras pour la fabrication de médicaments dérivés du sang. À partir de quels produits pourra-t-elle fonctionner ? Quels sont vos rapports avec le LFB et vos discussions sur les projets à venir ? L'EFS sera-t-il doté d'un parc de machines d'aphérèse et de moyens suffisants pour collecter le plasma ?

Enfin, lors de votre précédente audition en 2020, vous indiquiez disposer de cinq plateformes de thérapie innovantes, capables notamment de produire des cellules CAR-T à un prix bien moins élevé que celles vendues par les laboratoires pharmaceutiques privés. Que faudrait-il pour que l'EFS puisse développer ces nouvelles approches thérapeutiques ? Ne conviendrait-il pas de constituer un pôle public du médicament et des produits de santé plutôt que d'essayer d'obtenir des partenariats avec des industriels privés ?

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

Je remercie la représentation nationale pour son soutien. L'EFS constitue effectivement le bien de la République et nos collègues étrangers nous l'envient. Ils remarquent que nous avons tiré pleinement les conséquences de l'affaire du sang contaminé, comme nous l'avons fait au travers des deux grandes lois de 1993 et 1998. Le système mis en place en France dans ce cadre est efficace. Nous devons le défendre et le promouvoir, puisque l'organisation au niveau national d'une réponse collective à la demande de produits sanguins s'avère essentielle pour l'amélioration de la santé des populations. De nombreux pays s'inspirent du système français.

Nous partageons les enjeux relatifs à l'éthique du don, dont il est extrêmement important de rappeler le caractère essentiel. L'EFS se trouve dans une situation de monopole, qui me paraît tout à fait adaptée. Par conséquent, il ne commercialise ni ne vend un produit mais le collecte, le qualifie et le met à disposition des établissements de santé à un prix de cession qui ne constitue pas un prix de marché mais un prix administratif. L'organisation autour des produits sanguins labiles ne repose donc pas sur un marché, ce qui constitue une bonne chose pour garantir le respect du don et du donneur. Une confusion conduit parfois à qualifier les donneurs de « donateurs ». Les donateurs donnent de l'argent, tandis qu'un donneur donne une partie de soi. L'absence de marché résulte donc du refus de marchandiser le corps humain et de la volonté de maintenir le don du sang comme un geste altruiste et de solidarité. Il s'agit également d'un geste efficace puisque nous n'avons jamais manqué de produits sanguins en France même si nous avons parfois rencontré des difficultés.

Outre le plasma que nous lui cédons, le LFB devra en acheter à l'étranger. Les questions sur ce sujet s'adressent donc à lui. Pour notre part, nous faisons confiance à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Le plasma utilisé pour la fabrication des produits de fractionnement et notamment des immunoglobulines est soumis aux mêmes contrôles quelle que soit sa provenance. La question de l'éthique de la collecte du plasma acheté à l'étranger ne relève pas de mon champ de compétence. Je sais qu'en France la collecte est éthique et je m'en félicite.

L'EFS est effectivement confronté à une crise sociale et économique, liée en grande partie aux conséquences de la crise épidémique. Dans la mesure où il s'inscrit au sein du système de santé, il a été profondément déstabilisé par les mesures prises en 2020 et 2021. La fermeture des universités et des écoles et le recours au télétravail ont parfois entraîné l'annulation de 30 % des collectes. La fermeture des universités reposait sur des considérations légitimes mais a entravé fortement le recrutement et la fidélisation de nouveaux donneurs.

Néanmoins, le don du sang n'est pas démodé puisque 30 % des donneurs sont âgés de moins de 30 ans. Les jeunes se retrouvent donc dans ce geste et il est important de les attirer pour enrichir notre base de donneurs. En effet, 150 000 des 1 500 000 donneurs qui donnent leur sang au moins une fois par an sortent de cette population chaque année pour des raisons d'âge, médicales ou autres. Nous devons donc assurer un renouvellement permanent. Nous sommes actuellement sur le point de rattraper l'ensemble des retards de collecte entraînés par la fermeture des universités pendant la crise épidémique et le taux élevé de jeunes parmi les donneurs permet d'être optimiste. Leur participation montre qu'ils se retrouvent dans cet acte, même si, comme je le dis à mes équipes, la façon dont nous les accueillons mériterait parfois d'être améliorée.

Nous nous tenons à votre entière disposition en cas de mission « flash » sur les enjeux de revalorisation tarifaire et de refonte du modèle économique de l'EFS. L'établissement français du sang n'apparaît quasiment jamais dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale parce qu'il tire quasiment 80 % de ses ressources du paiement des produits sanguins labiles par les hôpitaux, à un prix dont la revalorisation dépend des arbitrages des pouvoirs publics. À ce jour, la baisse des volumes de produits sanguins labiles cédés et les retards de revalorisation génèrent un déficit de 30 millions d'euros pour l'établissement. Il est donc impératif de revoir son modèle économique, d'autant plus que c'est en recourant au déficit que l'établissement a répondu aux enjeux de recherche publique sur les médicaments de thérapie innovante et sur les sciences sociales du don. Jusqu'à présent, le modèle économique de l'EFS permettait de financer ces activités annexes à son cœur de métier. Il sera difficile de maintenir leur financement avec le système actuel.

La collecte de sang a été lancée par la population elle-même, au travers d'associations qui se sont mobilisées pour permettre le don de sang. Elle s'est donc construite par le bas, jusqu'à ce que les pouvoirs publics créent, dans le cadre des lois de 1993 et de 1998, un établissement qui présente la caractéristique d'être un établissement public administratif possédant une activité industrielle et commerciale et dont le personnel relève du droit privé. Un enjeu essentiel de l'EFS portait sur l'harmonisation des pratiques et sur la reprise ou non des produits sanguins labiles qui étaient donnés aux établissements de santé au travers de dépôts d'urgence.

Suite à la loi « NOTRe », nous avons créé des établissements dont le périmètre devait correspondre parfaitement à la circonscription d'une ou deux agences régionales de santé parce que ce sont elles qui assurent l'hémovigilance. Or lors de la fusion des établissements de Normandie et du Nord, qui n'appliquaient pas la même politique de reprise des produits sanguins labiles, nous avons décidé d'appliquer la politique de destruction du Nord, sans reprise. Nous considérons les produits sanguins comme des produits précieux. Par conséquent, nous incitons les professionnels de santé à ne pas en commander plus que nécessaire. Par ailleurs, les procédures mises en place suite à la loi « NOTRe » n'ont pas entraîné de croissance des volumes détruits, qui se limitent à 0,79 % pour la région Hauts-de-France-Normandie sur un total de 350 000 produits sanguins collectés et distribués.

La situation des stocks n'est pas difficile à ce jour puisqu'ils s'élèvent aux alentours de 85 000 produits sanguins, soit un niveau moyen et non catastrophique. L'analyse ne doit pas se limiter aux stocks. La chaîne transfusionnelle est en effet capable d'adapter la collecte en fonction des besoins et les difficultés hospitalières actuelles entraînent une légère baisse de la consommation de produits sanguins. La capacité de collecte est à ce jour comprise entre 43 000 et 44 000 produits sanguins par semaine alors qu'avant la crise épidémique, l'hôpital en consommait 46 000 à 48 000. Le niveau des stocks varie donc en fonction de la capacité d'utilisation des cliniciens. Leur situation actuelle peut être jugée satisfaisante par rapport aux besoins de l'activité hospitalière, sachant néanmoins que celle-ci est réduite.

Nous avons émis deux appels d'urgence vitale parce que les stocks étaient descendus à moins de 75 000 produits et que nous nous trouvions face à un risque de pénurie qui aurait menacé la prise en charge des malades, ce à quoi nous nous refusons.

Les outre-mer sont exposés à des situations difficiles particulières liées notamment à des maladies virales transmises par les moustiques, les arboviroses, à leur exposition à des risques naturels importants et à leur éloignement, qui représentent un enjeu pour la mise à disposition des produits sanguins. Par conséquent, notre stratégie consiste à y constituer des surstocks, ce qui s'est avéré pertinent notamment lors de la dernière crise climatique des Antilles. Nous veillons par ailleurs à alimenter les outre-mer en produits issus de l'Hexagone en application du principe de solidarité nationale. Nous devons néanmoins poursuivre nos efforts pour que les Antilles et La Réunion atteignent l'autosuffisance. Nous collectons dans tous les départements de France sauf deux, à savoir Mayotte et la Guyane, parce que les conditions biologiques n'y sont pas réunies.

Par ailleurs, les outre-mer jouent un rôle important dans la réponse aux besoins en sang rare des communautés d'ultramarins vivant en métropole. La solidarité intervient alors dans les deux sens pour la prise en charge de la drépanocytose ou de la thalassémie. Nous avons notamment trouvé un donneur en Martinique pour sauver une petite fille de Grenoble qui possède un sang très rare et était très malade.

Nous devons en permanence rechercher de nouvelles ressources pour renouveler la population des donneurs. Nous avons notamment mis en place le programme Innovadon, qui organise le don du sang autour des donneurs pour le leur faire vivre comme une expérience agréable et leur donner envie de la réitérer.

Tout en étant loyal vis-à-vis de mes autorités de tutelle, j'estime que l'EFS n'a pas besoin aujourd'hui de réaliser davantage d'économies mais manque de ressources. L'enjeu actuel de l'établissement réside bien dans le manque de ressources, comme je l'ai signalé par écrit aux autorités.

La réflexion sur l'évolution du modèle économique de l'EFS doit veiller à ne pas créer d'opposition entre les différents acteurs. Nous relevons notamment les efforts extrêmement importants consentis par les pouvoirs publics en faveur de l'hôpital, puisque l'Ondam hospitalier a dépassé 100 milliards d'euros en 2022. Néanmoins, dès lors que l'EFS apparaît comme un centre de coût pour les hôpitaux et qu'il est nécessaire d'augmenter régulièrement le prix des produits sanguins labiles, une solution serait de financer une partie des activités de l'établissement par des subventions, notamment la recherche sur les thérapies innovantes et la bioproduction, qui généreront un coût de 20 millions d'euros en 2022 pour le développement de médicaments qui ne peuvent encore être industrialisés.

Je crains fortement les effets de l'inflation, qui provoque un choc de très grande ampleur et face auquel nous disposons de peu de moyens d'action. Ce choc touche à la fois directement l'EFS, ses clients et ses partenaires, dont certains nous soumettent des demandes importantes.

Nos projections à cinq ans sont relativement claires. Nous devons réussir à réorganiser et à moderniser la collecte de sang, pour laquelle nous avons engagé des réformes fondamentales en permettant notamment la réalisation des entretiens pré-don par les infirmiers et infirmières. Nous généralisons actuellement la téléassistance médicale en collecte, qui permet d'éviter la présence physique de médecins. De même, nous devons continuer d'améliorer nos capacités dans le numérique.

La filière du plasma représente un enjeu essentiel pour l'EFS. Nous entretenons des relations très convenables avec les dirigeants du LFB. L'État français investit massivement – ce qui me paraît très pertinent – dans la construction d'une nouvelle usine de fractionnement à Arras pour multiplier par trois les capacités de fractionnement de ce site en le portant à 3 millions de litres. Cette nouvelle usine, dont l'ouverture est attendue pour 2026 ou 2027, répondra à un manque d'immunoglobuline, dont le besoin croît de 6 à 7 % par an. Au niveau mondial, 80 % des immunoglobulines sont produites à partir de plasmas collectés aux États-Unis, ce qui représente un risque. Par conséquent, sans pour autant viser l'autosuffisance, nous devons réduire notre dépendance vis-à-vis des États-Unis.

L'EFS est prêt à s'engager avec le LFB pour accroître les capacités françaises en matière d'immunoglobulines. Nous sommes néanmoins confrontés aux conséquences du manque d'attractivité et de personnel, qui a provoqué une baisse des volumes de plasma donnés par l'EFS au LFB de 900 000 à à peine 800 000 litres entre 2019 et 2022, alors que LFB prévoit d'en utiliser 1 400 000 en 2027. La réponse à cette demande nécessite un investissement d'environ 25 millions d'euros et de réaliser les recrutements nécessaires. Il est en effet essentiel de raisonner en termes de filière, en accompagnant la création de la nouvelle usine d'un soutien à l'appareil de collecte. Sans ce soutien, l'EFS ne sera pas en mesure de répondre aux besoins du LFB. L'ensemble de nos compétiteurs internationaux l'ont bien compris.

Les sangs rares constituent un enjeu essentiel notamment parce que la drépanocytose, qui constitue la maladie génétique la plus répandue en France, se soigne quasi-exclusivement avec des produits sanguins. La réponse à ce besoin représente donc l'enjeu de l'autosuffisance qualitative. Il est donc nécessaire d'améliorer la diversité de la collecte en recrutant des donneurs qui présentent le même profil que les patients sachant que cette problématique touche notamment les Français d'ancestralité africaine très lointaine. Un enjeu essentiel consiste donc à retrouver la diversité française au niveau de la collecte de sang. C'est la raison pour laquelle nous menons depuis deux ans une semaine de sensibilisation aux sangs rares. La dernière, qui s'est terminée avant-hier, a été marquée par des enjeux importants.

La collecte sur rendez-vous constitue le principal sujet de l'organisation des collectes. Lors du confinement s'est posée la question de savoir si une collecte constitue un rassemblement. Le cas échéant, les collectes auraient été interdites. Nous avons donc trouvé une solution avec le directeur général de la santé, consistant à généraliser le rendez-vous en collecte pour mieux gérer la file d'attente des donneurs. Cette mesure a par ailleurs eu pour conséquence importante d'améliorer la qualité de vie au travail des équipes de collecte.

À ce jour, nous connaissons une véritable révolution organisationnelle puisque nous réalisons 800 000 rendez-vous de collecte par an. La collecte sur rendez-vous est ainsi devenue le modèle essentiel. Dans certaines régions néanmoins, les donneurs aiment bien venir quand ils le souhaitent. Il convient donc de trouver une solution pour maintenir l'accueil des personnes qui n'auraient pas pris rendez-vous. Cet affinage de l'organisation ne me semble pas difficile à réaliser. Par ailleurs, nous menons une réflexion avec la Fédération française pour le don du sang bénévole pour permettre aux associations et aux bénévoles de continuer à jouer un rôle important dans l'accueil des donneurs dans le cadre de la généralisation des rendez-vous.

De même, dans la mesure où le don du sang constitue par nature une activité territoriale, la relation avec les élus est déterminante pour la vie associative et pour la mise à disposition de bâtiments. Je vous remercie à ce sujet.

La collecte de plasma pour fractionnement constitue un enjeu essentiel de souveraineté sanitaire. Nous élaborons actuellement une campagne ciblée sur ce thème. L'EFS souffre lui aussi des conséquences du réchauffement climatique puisque l'ensemble des moustiques porteurs d'arboviroses vivant dans les zones tropicales et chaudes se déplacent actuellement vers le nord. Nous rencontrons notamment des cas autochtones de West-Nile dans le Sud-ouest et de dengue dans le Sud de la France. Cette évolution remet en cause de façon importante nos capacités de détection et de gestion des populations concernées.

Nous intervenons parfois dans les écoles pour faire connaître le don du sang. Par ailleurs, dans la mesure où le don du sang constitue un geste solidaire par lequel le donneur crée un lien invisible avec un receveur qu'il ne connaîtra jamais, cette démarche doit conduire à s'interroger sur les actes commis au cours des derniers jours ou des derniers mois susceptibles d'interroger la capacité à donner. Elle entraîne donc une mise en responsabilité qui s'apparente à une action de santé publique.

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Nous en venons aux questions des autres députés.

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Je souhaite à mon tour remercier les équipes de l'EFS et les bénévoles des amicales pour leur engagement, sans oublier les communes partenaires. Nous devons nous assurer que les moyens nécessaires leur sont donnés afin de garantir le respect effectif de nos principes éthiques car cette exception française est menacée. Nous devons relever les défis des ressources humaines, de l'inflation et de l'engagement des nouvelles générations en faveur du don.

Au-delà du manque de moyens humains que vous évoquez, avez-vous également souffert d'un manque de moyens matériels ? La crise sanitaire a en effet pu révéler de telles pénuries. Dans quelle mesure ces moyens humains et/ou matériels ont-ils entraîné des annulations de collecte ou provoqué le renvoi de potentiels donneurs qui, déçus, ne reviendront plus ? Combien d'opérations chirurgicales ont dû être déprogrammées faute de sang disponible ? Dans quelle mesure les pénuries de carburant ont-elles pénalisé les collectes ? Enfin, avec le vieillissement de la population parfois en bonne santé, ne faudrait-il pas étudier le report de la limite d'âge pour donner son sang, peut-être sous condition ?

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Monsieur le Président, outre mes remerciements pour votre intervention liminaire et pour l'ensemble de vos réponses, je souhaite poser quelques questions afin de mieux ajuster la manière dont nous pouvons soutenir l'EFS. S'agissant du manque de personnel, possède-t-on une estimation du nombre de collectes qui ont dû être annulées durant l'année 2022 faute de personnels disponibles ou suite à un rétrécissement des points de collecte ?

Disposez-vous d'une estimation des effets de la hausse des prix du gaz et de l'électricité sur les coûts de la récolte, du traitement et de l'acheminement des poches ?

Enfin, la crise des carburants est susceptible d'empêcher certains donneurs de se rendre dans un centre de collecte. Existe-t-il des initiatives de l'EFS ou des collectivités pour répondre à cette difficulté, en acheminant les personnes vers les centres de collecte par le biais d'une mobilisation des transports publics ou l'autopartage. Existe-t-il des solutions, en attendant un blocage des prix du carburant comme je le souhaite ?

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Je pense qu'il existe un consensus au sein de notre commission sur le rôle éminemment important de l'établissement que vous avez l'honneur de présider, de sa reconnaissance par la communauté scientifique internationale et de son expertise en matière de recherche notamment.

Même si la nécessité de mettre en place une mission « flash » a été mentionnée, peut-être pouvons-nous d'ores et déjà entrer dans le détail de l'évolution du modèle économique de l'EFS, que vous semblez appeler de vos vœux. Parmi les chiffres que vous annoncez, deux sont liés à des événements conjoncturels, à savoir l'inflation d'une part et la revalorisation salariale d'autre part, pour un montant de 30 millions d'euros chacun. Par ailleurs, la baisse des cessions, liée au manque de médecins, génère une baisse des revenus de 30 millions d'euros également. Convient-il de revoir le fait que les dotations de l'EFS reposent sur l'activité médicale et donc sur les effectifs des hôpitaux ?

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Je remercie l'ensemble des collaborateurs et des bénévoles qui œuvrent pour le don du sang.

Les difficultés de l'EFS se sont traduites par une baisse des collectes organisées, notamment en 2021 dans mon secteur de Nouvelle-Aquitaine. En outre, l'annulation de collectes la veille pour le lendemain a entraîné une démotivation des associations et même parfois des donneurs qui avaient pris des mesures pour se libérer de leurs obligations professionnelles. La baisse de la collecte s'accompagne donc de la perte potentielle de bénévoles et de donneurs. Par conséquent, je souhaite connaître la nature du dialogue que vous menez avec votre ministère de tutelle. Dans la mesure où les hôpitaux perçoivent l'EFS comme un centre de coût, vous reprochent-ils par exemple un manque de productivité en matière de collecte ? Par ailleurs, est-il possible d'exporter une partie de la collecte française vers des pays voisins qui se trouveraient en difficulté ?

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Monsieur le président, le modèle à la française est effectivement fondé sur le don et repose sur des valeurs importantes à savoir l'anonymat, le volontariat, la gratuité et le bénévolat. Il doit donc être préservé. Vous effectuez une mission importante de collecte et de distribution.

La crise épidémique a été suivie de tensions importantes dans l'organisation des collectes et d'une moindre mobilisation des donneurs. Qu'en est-il aujourd'hui de ce dernier point ? Avez-vous observé un retour des donneurs ?

Vous venez de mener une campagne sur le manque de sang rare. Avez-vous besoin d'aide pour cibler et recruter les donneurs possédant un sang rare ? Quelle est la situation du don de plasma ? Comment peut-on aider l'EFS à assurer l'attractivité de ses métiers ? Ce sujet fait-il l'objet de commissions de travail particulières ?

Enfin, la mobilisation des bénévoles a également été freinée par la crise sanitaire. Constatez-vous depuis un regain de dynamisme de la part des bénévoles ?

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Merci, monsieur le président, pour ce discours de vérité, qui n'est pas sans inquiéter la représentation nationale.

Vous avez évoqué l'impact de la crise sanitaire et la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, qui remet en cause l'application d'un régime dérogatoire de la TVA et de la taxe sur les salaires, ainsi que la non-application de la revalorisation du Ségur au personnel de l'EFS. Tous ces éléments mettent l'établissement en difficulté et risquent d'aboutir à une démobilisation des bénévoles et des centaines de comités locaux des donneurs de sang, pourtant très investis mais qui se montrent désabusés de subir ordres et contrordres et de devoir organiser puis annuler les collectes par manque de personnel et de matériel. Les bénévoles évoquent également le manque de réactivité par rapport à de potentiels donneurs et le manque de lien. Ils se montrent très dubitatifs sur le choix d'organiser les collectes à partir de rendez-vous.

De nombreux comités ont déjà cessé leur activité. À terme, c'est l'exceptionnel maillage territorial français qui assure l'efficacité de notre modèle qui risque d'être remis en cause. Ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux, face à l'incompréhension des comités locaux et même des élus, de procéder à un discours de vérité à leur encontre ?

Par ailleurs, face aux périls qui menacent la pérennité de l'EFS, nous avons bien noté la nécessité de procéder à la revalorisation du prix des produits sanguins et de pallier la baisse constante des collectes de globules rouges, sans quoi c'est une logique marchande imposée par quelques grands opérateurs privés qui se substituera à ce fleuron de notre système de santé.

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Aujourd'hui, en moyenne 4 % des Français en âge de donner donnent leur sang. Dans les territoires ruraux comme le mien, où les collectes sont conviviales et bien organisées grâce au maillage très dense du territoire par des associations de petite taille mais très efficaces, le taux de collecte s'élève à 12 %. L'organisation des repas et le moment de convivialité consécutif à la collecte contribuent à cette réussite. Nous avons néanmoins constaté une réduction du budget des paniers repas. Par ailleurs, existe-t-il un dogme national légalement étayé sur la consommation d'alcool après les collectes ?

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Monsieur le président, vous assurez une mission de service public essentielle consistant à approvisionner les établissements de santé en produits sanguins grâce notamment aux donneurs et à des associations partenaires. Or nous pouvons aujourd'hui nous interroger sur la situation de ces acteurs, vitaux pour notre système de santé. En effet, depuis janvier 2022, plus de mille collectes de produits sanguins auraient été annulées. Ces annulations seraient dues à de grandes difficultés de recrutement, alors même que nous constatons déjà un manque de personnel et un fort absentéisme au sein de la structure à cause de conditions de travail difficiles, de la faiblesse des moyens et des horaires à rallonge.

À ces problématiques s'ajoute celle de la dette sociale, qui s'élèverait selon les prévisions pour 2022, à 69 millions d'euros. Cet état de fait met gravement en péril l'autosuffisance de la France en matière de collecte de produits sanguins, alors que la demande en sang augmente chaque année dans notre pays. Avez-vous identifié des pistes de réflexion quant aux moyens à mettre en œuvre pour pallier ces manques ? Avez-vous pu engager des discussions constructives avec le Gouvernement sur ces problématiques, notamment financières ?

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Monsieur le Président, la baisse de fréquentation des centres de don, le manque de personnel, les difficultés financières fragilisent sévèrement votre établissement et son fonctionnement. Cependant, plusieurs actions ont été instaurées, telles que la semaine de sensibilisation aux sangs rares dont la deuxième édition s'est tenue du 14 au 20 novembre 2022. Quels sont vos retours sur cette action par rapport à l'année passée ? Quelles mesures rapides de sensibilisation recommanderiez-vous afin de faire face à la pénurie de sangs rares, notamment auprès des jeunes, quand on sait que près d'un donneur sur trois est âgé de moins de 30 ans ?

Enfin, pouvez-vous nous rappeler les caractéristiques physiques du donneur ? Est-il envisageable de les faire évoluer, s'agissant notamment des limites d'âge et de poids ?

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Merci, monsieur le président pour toutes les précisions que vous avez apportées. Je sollicite néanmoins des précisions sur le niveau des ressources dont l'EFS aurait besoin pour fonctionner convenablement. Le Gouvernement a cherché à réduire ses moyens au cours des années passées. Fort heureusement, ma collègue Valérie Rabault est intervenue pour faire corriger le décret il y a un an ou deux et redonner 10 millions d'euros à l'EFS.

Néanmoins, la vigilance des parlementaires ne suffit pas et nous aurions besoin de connaître les besoins de l'EFS pour procéder aux nécessaires revalorisations du personnel afin de renforcer l'attractivité des métiers et permettre la tenue d'un maximum de collectes et pour faire face à l'inflation et à la hausse des prix de l'énergie, dont celui des carburants, qui a sûrement un impact sur les collectes et les transports. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les conséquences de l'inflation pour l'EFS, qui concerne également le matériel médical, alors que le budget de l'établissement était sous-évalué ? De quelle dotation estimez-vous avoir besoin ?

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Merci, monsieur le président, pour votre présentation et vos premières réponses. Nous connaissons la spécialité de votre établissement pour assurer l'autosuffisance de la France en produits sanguins et nous félicitons l'ensemble de vos salariés qui assurent cette mission fondamentale.

Ayant lu votre rapport d'activité de 2021, j'ai relevé également que votre établissement s'est lancé dans la bioproduction de médicaments innovants en vue de créer une filière de production au service de notre souveraineté sanitaire. À l'heure où l'on apprend que des antibiotiques tels que l'amoxicilline sont produits en Chine, cette perspective est louable et mérite d'être saluée. Le rapport souligne ainsi que votre établissement compte produire, d'ici la fin de la décennie, vingt médicaments de thérapie innovante (MTI) sachant que vos équipes mènent déjà des essais cliniques. Parmi les maladies ciblées par ces MTI figurent les pathologies dégénératives, rares ou chroniques ainsi que certains cancers. Pouvez-vous nous dresser un premier bilan rapide des essais cliniques menés dans ce domaine et nous donner éventuellement quelques perspectives quant à leur brevetage et leur commercialisation ?

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Monsieur le président, nous sommes effectivement tous attachés à l'EFS. Je pense également à l'ensemble des bénévoles qui organisent les collectes sur le terrain et assurent une fonction essentielle de lien social.

L'EFS subit un manque de 30 millions d'euros résultant – d'après ce que j'ai compris – de la sous-valorisation des produits labiles. Les pouvoirs publics ont donc la possibilité d'agir sur le facteur du prix, sous-évalué en France. Quel est le prix des produits labiles dans les autres pays ? Il paraît en effet étonnant que l'EFS se trouve en difficulté à cause d'une sous-valorisation des produits labiles alors que le don est gratuit. Cela suppose un écart de prix très important par rapport à celui que doivent appliquer les pays où le don du sang est payant.

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

S'agissant des besoins en personnel, l'EFS manque environ de trois cents personnes, essentiellement des médecins mais également et surtout des infirmiers et infirmières, qui se trouvent au cœur de notre réforme structurelle de la collecte, ainsi que des biologistes. Nous manquons également de chauffeurs de poids lourds comme d'autres secteurs. Le manque de personnel, égal à trois cents personnes, est donc élevé. Il explique un nombre important de déprogrammations car nous avons enregistré une hausse très forte du taux d'absentéisme, qui a même presque doublé dans certains secteurs. La collecte étant assurée par une équipe, elle doit être annulée dès qu'il manque un médecin ou une infirmière. C'est la raison pour laquelle nous avons enregistré une dégradation de la productivité liée à l'absentéisme.

Nous subissons en effet un phénomène d'absentéisme important, comme d'autres secteurs de l'économie, en lien avec les conséquences de la crise épidémiques, qui ne sont pas terminées. En outre l'absentéisme et le manque d'attractivité sont d'autant plus importants dans les grandes villes. La pénurie de personnel accroît donc les annulations et les déprogrammations. Je ne me souviens pas du nombre de collectes supprimées à l'échelon national mais je peux dire qu'il est très élevé. En région Sud, il équivalait à 15 000 dons.

Notre capacité maximale de collecte s'élève à ce jour à 43 000 à 44 000 dons par semaine. En 2019, elle était comprise entre 45 000 et 48 000. Le volume de plasma fourni par l'EFS au LFB, qui s'élevait à 900 000 litres de plasma en 2019, a également reculé parce que le manque de personnel nous contraint parfois à déprogrammer des collectes de plasma pour nous concentrer sur le sang total en tant qu'élément essentiel de la prise en charge, ce qui n'est pas sans poser difficulté pour les associations et les donneurs.

La construction budgétaire 2023 repose sur une hypothèse de coût de l'inflation de 30 millions d'euros, qui doit être confirmée par la direction du budget. En outre, ce montant déjà très élevé ne représente qu'une partie des moyens à trouver pour équilibrer le budget 2023. Nous faisons donc face à une situation budgétaire extrêmement difficile, sur laquelle nous continuerons d'échanger avec les pouvoirs publics en vue du conseil d'administration du 16 décembre. Pour équilibrer le budget 2022, nous devons financer 30 millions d'euros de coût de l'inflation, 30 millions d'euros de revalorisations salariales et 30 millions d'euros de baisse d'activité.

Au sujet du critère d'âge, je rappelle qu'en vertu de l'organisation mise en place par les pouvoirs publics après l'affaire du sang contaminé, les règles d'accès au don ne dépendent pas de l'établissement mais du ministre, sur la base d'un avis de l'ANSM. Une personne peut donner son sang à condition d'être en bonne santé, âgée de 18 à 70 ans et peser plus de 50 kilos. Une femme peut donner quatre fois par an et un homme six fois, tandis que le plasma peut être donné jusqu'à vingt-cinq fois par an et jusqu'à l'âge de 65 ans.

Il est parfois proposé de permettre le don du sang dès l'âge de 17 ans et d'étendre le don de plasma jusqu'à 70 ans. Permettre à des personnes mineures de donner leur sang suppose qu'elles soient accompagnées d'un parent alors que l'entretien pré-don porte sur les éventuelles conduites à risque. Par ailleurs, les personnes jeunes présentent un risque de malaise relativement élevé. Enfin, les médecins sont très réservés quant à l'extension de l'âge du don de plasma en raison de l'accroissement des risques cardio-vasculaires avec l'âge.

Le dialogue avec les tutelles est régulier, exigeant et constructif. Nous bénéficions d'une écoute très forte de la part de notre tutelle de métier, la direction générale de la santé. En revanche, les enjeux sont de nature financière. De mon point de vue, l'EFS ne manque pas aujourd'hui d'un plan d'économies mais de ressources.

La crise épidémiologique a eu des conséquences très fortes sur les associations, qui sont souvent animées par des personnes âgées, puisqu'il était recommandé aux personnes de plus de 70 ans de rester à domicile. Dès lors, certaines associations se sont trouvées dans l'incapacité de nous fournir des bénévoles, ce qui explique la baisse de la mobilisation. Par ailleurs, l'existence des associations de donneurs des petits villages dépend souvent directement la collecte. Ces associations cessent leur activité lorsque la collecte disparaît.

Par conséquent, le maintien des collectes est essentiel pour la subsistance des associations locales, qui ont du mal à comprendre que nous soyons obligés de supprimer des collectes pour des raisons de manque de personnel, qui en sont très mécontentes et qui parfois se dissolvent. Nous avons donc engagé une réflexion avec la Fédération française pour le don du sang bénévole afin de préserver l'engagement des associations et des bénévoles, sans lesquelles nous ne pouvons assurer la collecte. Nous avons également mis en place une charte des partenaires, qui engage l'EFS et les associations à entretenir des relations de qualité.

La revalorisation salariale ne constitue pas le seul sujet d'attractivité. Nous sommes également confrontés à un enjeu de qualité de vie au travail et avons ouvert un chantier sur la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. Le problème est que les absences de dernière minute nous obligent à réorganiser l'activité, parfois au détriment des personnes.

Les MTI constituent un enjeu essentiel car ils représentent l'avenir de l'immunothérapie et de la médecine régénératrice. Nous étudions notamment la possibilité de reconstruire un muscle cardiaque à partir de cellules souches ou une partie de l'œil. C'est une fierté pour nous, en tant qu'organisme public, de participer à cet investissement dans la recherche fondamentale. Notre plateforme de Besançon produira bientôt une CAR-T. L'EFS est par ailleurs un acteur essentiel de la bioproduction en France, alors que notre pays s'inscrit en retard sur ce sujet. L'enjeu des modèles économiques est tel que nous ne pourrons maintenir cet effort sans un financement particulier des bioproductions.

Les repas consécutifs aux collectes jouent effectivement un rôle important. Néanmoins, au regard de la situation économique de l'établissement, ils ne font pas partie de nos priorités. Je reconnais néanmoins que plus la collecte est conviviale et plus elle est efficace. Pour des raisons de santé publique, la consommation d'alcool est officiellement interdite sur les collectes de sang depuis 2011. L'EFS porte une responsabilité de financement du monde associatif. Il finance la fédération, les associations et les repas à hauteur d'environ 3 millions d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable.

L'EFS n'est pas un opérateur du marché puisqu'il détient un monopole. En revanche, le plasma qu'il fournit au LFB sert à la production de médicaments. Il le lui cède au prix de 120 euros par litre, contre un prix de 205 dollars aux États-Unis et de 160 euros ailleurs en Europe. Le prix de cession de l'EFS est donc bien inférieur aux cours mondiaux.

Nous entretenons des relations très proches et intelligentes avec le LFB, qui est lui-même soumis à des contraintes économiques même s'il a bénéficié d'une forte aide pour la construction de l'usine d'Arras. L'enjeu porte sur la définition du point d'équilibre qui permettra à l'EFS d'accroître la collecte de plasma pour fractionnement sans dégrader ses comptes, sachant que cette activité est à ce jour déficitaire, tout en répondant aux besoins du LFB liés à la mise en service de l'usine d'Arras. Nous pouvons supporter un déficit sur cette activité mais pas au niveau actuel.

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Merci, monsieur le président, pour la richesse de cette audition. Je vous assure à mon tour que nous soutenons tous l'Établissement français du sang.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.

Présences en réunion

Présents. – M. Éric Alauzet, M. Thibault Bazin, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Rachel Keke, M. Didier Le Gac, Mme Katiana Levavasseur, M. Serge Muller, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Freddy Sertin, M. Nicolas Turquois, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

Excusés. – M. Elie Califer, Mme Caroline Fiat, Mme Fadila Khattabi, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau

Assistait également à la réunion. – M. Fabien Di Filippo