Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mardi 17 janvier 2023 à 17h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

Présidence de Mme Caroline Abadie, vice-présidente.

La Commission procède à l'examen, par délégation de la commission des affaires sociales, des articles 9 à 11, 17, 18 et 25 du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances, (n° 619) (Mme Emilie Chandler, rapporteure pour avis).

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Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de notre président, Sacha Houlié, qui représente la présidente de l'Assemblée nationale à la rentrée solennelle du tribunal de commerce de Paris.

Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture. Pas moins de cinq commissions sont concernées par ce texte. Il a été fait le choix de déléguer au fond à chacune les articles relevant de son champ de compétences, soit, pour la commission des lois, les articles 9 à 11, 17, 18 et 25.

La commission des affaires sociales se réunissant demain, nous devions donc examiner ce texte aujourd'hui. S'agissant non d'un examen pour avis classique mais d'une délégation, notre position sera reprise sans débat par la commission des affaires sociales.

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Nous examinons le premier projet de loi DDADUE de la législature concernant la commission des lois. Cet acronyme, connu dans le jargon parlementaire, désigne les projets de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, qui ont la réputation d'être des textes techniques, parfois rébarbatifs et laissant peu de marge de manœuvre au législateur. Leur objet est de transposer en droit interne des règlements et directives européens, ce qui en fait, par nature, des textes composites brassant de nombreux sujets.

Ce projet de loi DDADUE présente un champ très large, avec trente-et-un articles initiaux portant sur l'économie, la santé, les transports, l'agriculture, le droit du travail, le droit commercial ou la protection de l'enfance. Il a été présenté en Conseil des ministres le 23 novembre dernier. Le Sénat, saisi en premier, l'a adopté en première lecture le 13 décembre.

Comme au Sénat, la commission des affaires sociales est saisie au fond, et des délégations au fond ont été accordées aux autres commissions permanentes, en fonction de leur périmètre de compétences. La commission des lois a ainsi hérité de six articles, qui transposent ou corrigent des surtranspositions de cinq directives et d'un règlement européens dans notre droit.

Nous avons effectué plusieurs auditions pour examiner le détail de ces articles, qui se sont surtout tenues, compte tenu du calendrier, pendant la suspension des travaux parlementaires.

Nous avons auditionné les responsables des administrations centrales chargées du suivi de la législation modifiée : la direction des affaires civiles et du sceau, la direction générale de l'offre de soins, la direction générale de l'administration et de la fonction publique et la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie. Nous avons aussi auditionné des représentants de l'Association française des entreprises privées et de l'Union nationale des professions libérales, pour avoir le point de vue des entreprises.

L'article 9, relatif au droit des sociétés, porte sur les opérations de fusion, de scission et d'apport partiel d'actifs. Il a pour objet la transposition de la directive du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières, sachant que le délai de transposition expire le 31 janvier. Il habilite le Gouvernement à effectuer cette transposition par voie d'ordonnance, ce qui est justifié par son caractère très technique et par l'étroitesse des marges de manœuvre nationale sur ce point, les discussions ayant eu lieu au sein des institutions européennes.

L'un des apports de cette directive est de créer une procédure de transformation transfrontalière permettant aux sociétés constituées conformément au droit d'un État membre de se transformer en une société dont la forme juridique est régie par le droit d'un autre État membre, en y transférant au moins leur siège statutaire, tout en conservant leur personnalité juridique.

Le Gouvernement a beaucoup avancé sur le projet d'ordonnance et a communiqué plusieurs fiches de transposition. L'ordonnance pourrait donc être publiée rapidement. C'est pourquoi le Sénat a ramené le délai d'habilitation de six à trois mois. Je vous proposerai d'être favorables à cet article dans la version du Sénat, sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel.

L'article 10, également relatif au droit des sociétés, assouplit le régime de sanctions prévoyant une dissolution judiciaire pour insuffisance de capitaux propres. Le droit français offre la possibilité d'une dissolution judiciaire, à la demande de tout intéressé, d'une société commerciale dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social. Sur ce point, le droit français est beaucoup plus strict que la directive européenne du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés. Dans de nombreux États membres, la dissolution judiciaire en cas d'insuffisance de capitaux propres n'est pas automatique.

L'article 10 corrige donc un excès. Il écarte le risque de dissolution de sociétés parfaitement viables, mais dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social. Cela rassurera les nombreuses entreprises dont les capitaux propres ont diminué en raison de la crise de la covid notamment, et assurera à nos entreprises le même traitement que celui appliqué à leurs concurrentes de l'Union européenne (UE).

L'article 10 remplace la dissolution judiciaire par la possibilité de réduire le capital social en deçà d'un seuil défini par décret. Je vous proposerai d'y être favorables, sous réserve de l'adoption de quelques amendements rédactionnels.

L'article 11 porte sur le droit de la commande publique. Il sera sans doute au cœur de nos débats, en particulier son mécanisme d'auto-apurement. Je signale que son unique objet est de mettre notre droit en conformité avec la jurisprudence du Conseil d'État et de la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) dite Vert Marine, que les acteurs publics et les autorités concédantes appliquent d'ores et déjà, mais sans cadre juridique.

L'article 11 accroît donc la sécurité juridique en la matière. Il met le droit français en conformité avec le droit européen, en l'espèce les directives du 26 février 2014 relatives à la passation des marchés publics et à l'attribution de contrats de concession. Je vous proposerai d'y être favorables, sous réserve de l'adoption d'un amendement essentiellement rédactionnel.

Les articles 17 et 18 relèvent du droit du travail au sens large. Avec les articles 15 et 16, dont notre commission n'a pas été saisie, ils visent à transposer la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l'Union européenne. Ils ont pour objet de garantir l'information des travailleurs sur les principales caractéristiques de leurs conditions de travail, telles que les horaires et les congés.

Le droit français, sur ce point, est en grande partie conforme au droit européen, mais quelques adaptations à la marge sont nécessaires. L'article 17 concerne les agents publics ; l'article 18 s'applique aux praticiens hospitaliers relevant du code de la santé publique. Je ne vous proposerai aucune modification.

Enfin, l'article 25 porte sur la protection de l'enfance. Il actualise, dans le code de l'action sociale et des familles, les références aux règles européennes permettant la coopération internationale en la matière. Il assure la continuité de la coopération internationale et la transmission d'informations entre États membres de l'UE. Je ne vous proposerai aucune modification non plus.

Les articles dont nous sommes saisis sont techniques. Ils ont fait l'objet d'un examen à l'échelon européen.

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C'est la deuxième fois depuis le début de la législature que nous légiférons sur des adaptations de notre droit interne au droit de l'Union européenne. Le précédent texte, adopté l'été dernier, avait une portée essentielle : il visait à prévenir la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.

La délégation au fond à la commission des lois est d'un périmètre restreint – six articles sur les trente-deux transmis par le Sénat – et composite – nous examinons des dispositions relatives au droit des sociétés, à la protection des travailleurs, à la protection de l'enfance et au droit de la commande publique. Si elles sont de nature technique et n'ont été modifiées qu'à la marge au Sénat, ces dispositions n'en sont pas moins essentielles pour garantir la conformité de notre droit au droit européen, dans des domaines d'importance, avec des implications concrètes.

L'article 10, relatif à l'obligation d'apurement des pertes d'une société, permet de remédier à une situation de surtransposition qui faisait courir aux sociétés françaises un risque de dissolution excessif par rapport aux autres entreprises de l'Union, ce qui est particulièrement préjudiciable dans un contexte de crise.

L'article 11 porte sur le mécanisme de régularisation des opérateurs économiques sujets, en raison d'une infraction pénale, à une exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics. Cette disposition, qui fera débat tout à l'heure avec des amendements de nos collègues du Rassemblement national et de la France insoumise, vise à remédier au caractère incomplet, récemment relevé par le Conseil d'État, de la transposition de deux directives européennes, ce qui expose la France à un recours en manquement.

Le rapporteur pour avis socialiste de la commission des lois du Sénat a proposé de préciser cette mise en conformité, afin d'assurer le caractère pleinement dissuasif des peines d'exclusion de plein droit. L'inscription dans le texte, par la Haute Assemblée, du principe selon lequel les mesures de régularisation prises par l'opérateur économique pour prévenir toute nouvelle infraction font l'objet d'une évaluation tenant compte de la gravité de l'infraction, n'est pas remise en cause par notre rapporteure. Au contraire, elle proposera par amendement de compléter cette évaluation pour qu'elle tienne aussi compte des circonstances particulières de la commission des faits.

Elle nous proposera également de conserver les autres apports du Sénat, notamment la limitation du délai et du champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances prévue à l'article 9.

Le groupe Renaissance soutient ce positionnement équilibré, qui opère une juste conciliation eu égard à la nécessaire mise en conformité de notre droit interne au droit de l'Union européenne. Il sera favorable aux articles amendés par Mme la rapporteure pour avis.

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Nous examinons ce texte dans l'urgence. Son seul titre démontre son caractère disparate et incohérent.

L'Assemblée nationale devrait examiner les projets de loi visant à adapter le droit français au droit européen dans de meilleures conditions, hors de toute urgence et avec au moins un projet de loi par domaine. De surcroît, il serait nécessaire d'étudier l'acceptation précise des directives européennes à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Nous regrettons l'engagement de la procédure accélérée. Si ce projet de loi est étudié dans l'urgence, c'est parce que l'Union européenne, il faut le dire, nous impose de façon expéditive des directives, en brandissant la menace de sanctions en cas de retard ou de refus d'adaptation. Le Parlement français ne doit pas être la chambre d'enregistrement consultative d'un droit supposément supérieur. Nous le rappellerons systématiquement. Nous défendrons les intérêts des Françaises et des Français à chaque instant, en dépit des sanctions que Bruxelles pourrait prendre. Nos intérêts ne se bradent pas.

L'article 9 vise à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019, afin de renforcer la mobilité des entreprises au sein de l'UE. Il faut le dire, favoriser cette mobilité, c'est encourager la délocalisation pour des raisons fiscales ou sociales. Nous avons pourtant déjà connu de nombreuses délocalisations… À croire que 6 millions de chômeurs ne vous suffisent pas ! Mon département de l'Aube a déjà largement perdu son tissu industriel, malheureusement, et vous continuez à faciliter les délocalisations !

Habiliter le Gouvernement à transposer cette directive par ordonnance n'est absolument pas justifié. Le débat démocratique devrait être préservé. Le retard pris par le Gouvernement ne saurait justifier l'affaissement du débat démocratique. Nous voterons donc les amendements visant à supprimer l'article.

L'assouplissement des sanctions prévu à l'article 10 est une bonne mesure, dans un contexte où les entreprises sont confrontées à de nombreux problèmes, en raison notamment du prix de l'énergie.

La transposition des directives prévue à l'article 11 a été écartée par le Gouvernement en 2015 et en 2016, au motif qu'elles comportaient des dispositions contraires à toute moralité de la vie publique. Il s'agit d'un mécanisme permettant à des opérateurs économiques exclus des procédures de passation de marchés publics en raison de la commission d'infractions particulièrement graves de bénéficier à nouveau de l'argent public – car ce sont bien nos impôts qui financent la dépense publique, en l'espèce les marchés publics.

Au nom de la libéralisation totale prônée par l'UE, des opérateurs condamnés pour des faits graves pourront donc de nouveau bénéficier de marchés publics. C'est scandaleux et immoral. Cet exemple illustre le gouvernement des juges, qui nous impose, par le biais de la CJUE et du Conseil d'État, d'appliquer des directives que le Gouvernement refusait d'appliquer en 2015 et en 2016. Une fois de plus, la souveraineté législative du gouvernement français est bafouée.

Les articles 17 et 18 obligent à donner davantage d'informations aux agents soumis au code général de la fonction publique. Sachant qu'ils y ont d'ores et déjà accès, ces articles servent plus l'harmonisation européenne que la formation des agents. L'article 25 est la suite logique de l'entrée en vigueur du règlement dit « Bruxelles II bis refonte ».

Le groupe Rassemblement national tient à rappeler le caractère antidémocratique de ces directives, que l'on impose aux parlementaires, donc aux Français. L'obligation de l'Assemblée nationale et du Sénat de se conformer aux directives votées au Parlement européen est une injure à notre souveraineté et à notre démocratie. Nous aurions préféré que l'Union européenne nous impose d'exécuter 100 % des obligations de quitter le territoire français, plutôt que des transpositions quasi-inutiles ou contraires aux intérêts des Français !

L'uniformisation voulue par l'Union est un motif de destruction de la spécificité de chaque nation, visant à les inclure dans un empire technocratique destructeur du droit à la continuité historique des peuples qui composent les nations européennes et du droit des souverainetés de ces États-nations. En responsabilité, et en rappelant le caractère obligatoire et antidémocratique du projet de loi, le groupe Rassemblement national sera défavorable au texte.

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Le présent projet de loi d'adaptation au droit de l'Union européenne impose de mettre en conformité notre droit national avec six règlements et six directives européens, à la suite de mises en demeure ou de décisions contentieuses de l'UE à l'égard de la France. Il est donc urgent de les transposer dans notre droit, mais en les soumettant au débat parlementaire, pour déterminer le contour de leur adaptation et de leur exécution.

Quel esprit anime ce projet de loi : établir des règles de fond dont nous allons débattre de manière démocratique, pourrions-nous légitimement penser ? Certainement pas. En toute logique, le Gouvernement, dont l'aversion pour le débat parlementaire est bien connue, demande dans plusieurs de ses articles, et non des moindres, des habilitations à légiférer par ordonnances. Il s'agit à nouveau de se passer de la représentation nationale.

Nul n'en est surpris dans nos rangs, compte tenu de l'absence désinhibée de considération pour le débat parlementaire dont le Gouvernement fait preuve depuis plusieurs mois. La représentation nationale intervient en guise de validation, pour lui permettre de légiférer comme bon lui semble, au mépris des principes les plus fondamentaux de nos débats.

Pensez-vous, chers collègues, que c'est pour cela que les Français nous ont élus ? Nous nous adressons à la minorité parlementaire : acceptez-vous que l'on vous dépossède de votre compétence parlementaire ? Il sera opportun de vous poser la question lorsque vous voterez en faveur de ces habilitations, ce que vous ferez en pleine conscience, n'en doutons pas à ce stade de l'examen du projet de loi !

L'article 9 transpose une directive introduisant deux nouvelles procédures relatives aux transformations, fusions et scissions transfrontalières de sociétés de capitaux. Il impose notamment l'adoption de dispositions anti-fraude et anti-abus pour contrôler la légalité de ces opérations. Pour transposer cette directive, le Gouvernement nous demande une habilitation à légiférer par ordonnance.

Rappelons que cette directive a été adoptée il y a trois ans, et que son délai de transposition expire le 31 janvier, dans une dizaine de jours. Par quel hasard le Gouvernement a-t-il attendu le dernier moment pour la transposer, alors qu'il a eu trois ans pour la soumettre au débat parlementaire ? Disons-le clairement, nous sommes placés au pied du mur car faute de transposition, notre législation sera non conforme au droit de l'Union européenne. Mais ne nous dites pas que le temps presse désormais !

L'article 11 a été jugé insuffisant par le Sénat, qui en a revu les contours. Il transpose sans cadre suffisant la possibilité, pour les acteurs économiques coupables de graves infractions pénales, de déroger à la sanction fondamentale qu'est l'exclusion des marchés publics pour cinq ans. Ils pourront donc, en prouvant leur bonne foi, ne pas subir cette sanction, pourtant appliquée de plein droit après une condamnation.

Pour illustrer cette anomalie, rappelons qu'il s'agit d'infractions telles que la corruption passive, le trafic d'influence, le détournement de biens publics ou la prise illégale d'intérêts, bref de la grande délinquance, qui coûte très cher à notre contrat social. Cette transposition est contraire aux dispositions introduites dans le droit français il y a quelques années, dans un objectif alors considéré comme louable de moralisation de la commande publique.

Ce mécanisme exonérant les entreprises délinquantes est appelé « auto-apurement ». S'il figurait dans la loi qui sera adoptée, nous inviterions les Français condamnés pour délit grave à s'auto-apurer à leur tour – l'exemple venant si souvent d'en haut !

À nos yeux, le présent projet de loi ne vise qu'à conformer notre droit, dans la précipitation et par ordonnances, aux directives et aux règlements de l'UE.

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Ce projet de loi vise à transposer en droit français plusieurs textes européens ou à assurer la mise en conformité de notre droit national avec ces derniers. Cet agrégat de dispositions hétérogènes découle d'une réglementation fiscale et économique européenne complexe. Cette diversité témoigne de la forte activité législative du Conseil de l'Union européenne et du Parlement européen au cours des dernières années, qui amène les États membres à adapter leurs législations respectives.

L'objectif est clair et nous le partageons sans difficulté. La transposition des directives doit être effectuée dans les délais impartis afin de garantir l'effectivité du droit de l'Union européenne et de limiter le risque de recours en manquement introduits contre la France. Derrière ces transpositions, il y a nos concitoyens, nos petites et moyennes entreprises. Aujourd'hui encore plus qu'hier, nous devons nous tenir à leurs côtés.

S'agissant de ces dernières, nous nous réjouissons que l'article 10 veuille modifier les dispositions du code de commerce pour mettre un terme à une situation de surtransposition susceptible de porter préjudice à nos entreprises, déjà fragilisées par les crises récentes du covid et de la guerre en Ukraine. Cette heureuse correction, qui modifie la nature de la sanction à laquelle s'expose toute entreprise dont les capitaux propres seraient inférieurs à la moitié de son capital social, en remplaçant la dissolution par l'obligation d'apurer les pertes, permettra à nos entreprises de rester concurrentielles face à leurs compétitrices européennes. Il s'agit d'une avancée concrète pour nos petites et moyennes entreprises, dont nous ne pouvons que nous réjouir.

De même, la transposition partielle de la directive relative à la passation des marchés publics était susceptible de nuire à nos opérateurs économiques. Il est heureux que le Sénat ait choisi de préserver l'effet dissuasif des peines d'exclusion des procédures de passation des marchés publics.

S'agissant de nos concitoyens, plus particulièrement des agents publics, nous ne pouvons que saluer l'avancée consacrée par le texte, qui bénéficiera aux trois versants de la fonction publique, soit au moins 5,66 millions de personnes. L'obligation d'information consacrée par l'article 17 permettra la communication aux agents d'informations et de règles essentielles relatives à l'exercice de leurs fonctions. Cet apport et son élargissement, à l'article 18, aux praticiens hospitaliers, ne sont pas négligeables, notamment au regard du droit à l'information et de son caractère individualisé.

Par ailleurs, le projet de loi contient plusieurs dispositions permettant de rendre plus efficiente la coopération entre les services d'aide sociale à l'enfance des États membres. Ces modifications législatives sont nécessaires pour renforcer la coopération en matière de responsabilité parentale ou de protection des enfants.

En dépit de la multiplicité et de la technicité de ses dispositions, un seul et même esprit anime le projet de loi, celui d'une Union européenne plus protectrice et plus proche des citoyens, défendant un projet global et ambitieux d'approfondissement de la coordination entre les États membres. Le groupe démocrate se prononcera en faveur des dispositions desquelles notre commission a été saisie.

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La commission des lois a été saisie de six articles. Le Sénat a procédé à certaines modifications qui sont de nature à mieux ajuster le texte aux spécificités de notre droit national.

L'article 9 habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019 concernant les transformations, fusions et scissions transfrontalières. Le Sénat a confié aux greffiers des tribunaux de commerce une mission de contrôle de ces opérations transfrontalières, ce qui nous semble être une bonne chose.

En revanche, nous regrettons les méthodes utilisées par le Gouvernement, qui systématise le recours aux ordonnances. Ainsi, le dispositif anti-fraude n'est pas précisé, alors même que l'étude d'impact dresse le constat suivant : « La procédure de contrôle par l'autorité compétente […] est désormais bien plus substantielle, et doit ainsi être largement revue ».

L'article 10 vise à modifier les dispositions du code de commerce permettant la dissolution judiciaire des sociétés par actions si leurs capitaux propres sont inférieurs à la moitié de leur capital social. Le texte prévoit le remplacement de la dissolution par une obligation de réduire le capital social pour apurer les pertes, dans la limite d'un minimum fixé par décret en Conseil d'État. En cas de réduction de la participation, il n'y a plus de pénalités de dissolution, bien que les capitaux propres ne soient pas égaux ou supérieurs à la moitié du capital social. Cet article sécurise nos entreprises.

L'article 11, relatif au droit de la commande publique, introduit une très grande souplesse, c'est le moins que l'on puisse dire, pour les entreprises condamnées en justice. En leur permettant de prouver leur fiabilité en prenant des mesures concrètes, le mécanisme de régularisation réduit fortement l'effet dissuasif de la peine, alors même qu'il s'agit d'infractions particulièrement graves, allant jusqu'à la traite d'êtres humains.

Les articles 17 et 18 transposent l'obligation d'informer les travailleurs dans le code général de la fonction publique et l'étendent aux personnels médicaux des établissements publics de santé non-fonctionnaires. Toutefois, les agents en fonction avant le 1er août 2022 ne bénéficieront de ce droit que sous réserve d'adresser une demande à leur employeur. Il nous semble regrettable que ce droit ne soit pas mis en œuvre automatiquement pour l'intégralité des agents, y compris ceux qui sont déjà en poste.

L'article 25 modifie le code de l'action sociale et des familles en prévoyant une coopération entre les services d'aide à l'enfance des États membres de l'Union. Cette mise à jour de la législation nationale est justifiée.

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Ce texte d'apparence particulièrement technique vise à transposer dans notre droit diverses dispositions du droit de l'Union européenne et à corriger certaines surtranspositions, ce qui est toujours bienvenu.

En réalité, il comporte des mesures importantes, qui ne sont pas sans conséquences sur notre législation. Il rappelle le rôle de protection que peut jouer l'Europe pour les citoyens, travailleurs, consommateurs et dirigeants de société. Il est de notre devoir de parlementaires de nous assurer que les dispositions votées à l'échelon européen sont correctement transposées et adaptées en droit français, afin de nous assurer de l'effectivité du rôle que nous avons fait le choix de confier aux instances européennes.

Notre commission est saisie au fond de six articles, qui transposent des dispositions déterminantes concernant tant les actionnaires que les fonctionnaires, en passant par les opérateurs économiques candidats aux marchés publics.

L'article 9 renforce la protection des actionnaires en consacrant leur droit de retrait s'ils ne souhaitent pas participer à une opération transfrontalière, tout en protégeant les salariés en leur assurant un droit à la participation au sein de l'organe de direction de la société issue de l'opération. Cette protection a été renforcée par les ajouts de nos collègues sénateurs. Ces droits sont déterminants à l'heure où les opérations transfrontalières se multiplient.

En étendant aux infractions pénales les plus graves la possibilité, pour les opérateurs économiques sanctionnés, de démontrer leur fiabilité en prenant des mesures concrètes, le texte permettra à certaines entreprises de soumissionner, en dépit d'une peine d'exclusion de plein droit, à des procédures de passation de marchés publics et à des contrats de concession.

Le groupe Horizons et apparentés salue la disposition introduite par le Sénat prévoyant que les mesures concrètes prises par l'opérateur économique font l'objet d'une évaluation tenant compte de la gravité de l'infraction commise. Ces précisions reprennent les termes des directives concernées. Elles contribuent non seulement à préserver le caractère dissuasif des peines d'exclusion des procédures de passation de marchés, mais aussi à améliorer la lisibilité du droit de la commande publique.

Par ailleurs, grâce à ce projet de loi, les agents des trois fonctions publiques disposeront d'un droit à l'information sur des aspects essentiels de la relation de travail. Même si la France a un peu d'avance en la matière, le groupe Horizons soutiendra toujours l'amélioration de la transparence en matière de relations de travail, que l'employeur soit l'État, ses collectivités ou une entreprise privée.

Telles sont les dispositions qu'il faut transposer dans notre droit pour le mettre en conformité avec le droit de l'Union européenne. Le groupe Horizons et apparentés votera le projet de loi.

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Nous étudions des dispositions techniques mais nécessaires. Notre marge de manœuvre est étroite. Certaines orientations du texte ne vont pas dans le bon sens, mais notre rôle s'arrête à la transposition du droit européen, en laissant de côté les questions de fond.

Nous aurions beaucoup à dire sur l'article 11, relatif au droit de la commande publique. Son objet est de permettre aux entreprises qui se sont rendues coupables d'infractions pénales graves de postuler à nouveau, en apportant la preuve de leur fiabilité, en dépit de leur condamnation et de leur exclusion de plein droit des procédures d'attribution de contrats de la commande publique.

Le régime d'exclusion automatique des procédures de passation de marchés publics a été organisé par le droit de l'Union européenne en vue non de la moralisation de la commande publique, mais de son efficacité. Nous devons composer avec cette contrainte. Notre droit national, en l'état, est incompatible avec cette réglementation européenne, comme l'a rappelé le Conseil d'État dans la décision Société Vert Marine du 12 octobre 2020. Les écologistes ne s'opposeront donc pas à l'adoption de cet article.

Pour autant, il ne faut pas s'interdire quelques ajustements. Nous soutiendrons par exemple l'amendement de nos collègues socialistes qui vise à préciser les critères permettant d'apprécier la fiabilité des opérateurs économiques.

Nous sommes plus réservés concernant l'article 9, qui prévoit une habilitation tardive, mais peut-être nécessaire au regard de la complexité et de la technicité du sujet.

Nous serons favorables aux autres dispositions.

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Concernant la forme, permettez-moi de citer le rapport d'information sur les méthodes de transposition des directives européennes rendu en 2021 par MM. Bourlanges et Chassaigne : « le principal avantage de ce type de loi pour porter les mesures législatives nécessaires à la transposition des directives réside dans son examen rapide par le parlement. Si rapide, en vérité, qu'il prend souvent la forme d'un rituel purement formel de clôture du processus législatif ». La grande majorité des directives étant très techniques, les lois DDADUE font figure de « voiture-balai législative » ou de « loi fourre-tout », pour reprendre les termes de ces auteurs. Par ailleurs, et en dehors de celles concernant la protection de l'enfance, on a du mal à comprendre en quoi les dispositions de ce texte relèvent de la compétence de la commission des lois.

Quant au fond, nous sommes opposés par principe à l'article 9 qui autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer une directive destinée à réformer, tout de même, les régimes des fusions, scissions, apports partiels d'actifs et transferts de siège de sociétés commerciales.

Nous proposerons de supprimer l'article 11 qui insère dans le code de la commande publique un mécanisme de régularisation pour les opérateurs économiques qui ont été sanctionnés par des peines entraînant l'exclusion des procédures de passation de marchés pendant cinq ans. Il n'est pas acceptable qu'un opérateur économique condamné pour des faits graves bénéficie d'une clémence que personne ne tolérerait à l'endroit d'un particulier ordinaire.

Les articles 17 et 18, relatifs à la protection des travailleurs, vont dans le bon sens en ce qu'ils améliorent l'information des travailleurs sur leurs conditions de travail.

Enfin, l'article 25, purement technique, n'appelle aucune remarque de notre part.

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Je précise que la commission des lois est toujours compétente en matière de droit des sociétés, de droit de la commande publique et de droit de la fonction publique.

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Certains ont pu dire que la transposition de cette directive ne donnait pas lieu à un débat démocratique. Pourtant, après plusieurs auditions, nous sommes en train d'examiner les amendements déposés sur ce texte. Il me semble qu'il s'agit de débats.

Quant à la compétence, Mme la présidente a très bien expliqué pourquoi notre commission avait été saisie.

Article 9 : Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer une directive relative aux opérations transfrontalières des sociétés commerciales

Amendement de suppression CL13 de M. Ugo Bernalicis.

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Certes, le débat se tient au sein de cette commission, mais si nous autorisons le Gouvernement à légiférer par ordonnance, nous priverons le Parlement de ses prérogatives.

L'amendement tend à supprimer cet article, qui prévoit d'habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour transposer la directive relative aux opérations transfrontalières des sociétés commerciales en ce qui concerne les transformations, les fusions et les scissions.

Cette longue directive introduit deux nouvelles procédures qui permettent aux sociétés de capitaux de fusionner avec une société constituée dans un autre État membre, de se transformer en une société de forme juridique similaire d'un autre État membre tout en conservant leur personnalité morale ou de se scinder en deux ou plusieurs sociétés immatriculées dans des États membres différents, selon des règles harmonisées au sein de l'Union européenne.

Or il n'était en rien justifié de recourir à une ordonnance pour transposer cette directive qui a été adoptée il y a trois ans. Le Gouvernement n'aurait pas dû attendre le tout dernier moment, alors que le délai expire le 31 janvier, pour demander une habilitation. Il aurait pu profiter de ces trois ans pour présenter un projet de loi dédié, dont nous aurions débattu avec d'autant plus d'intérêt que la directive concerne les droits des salariés des sociétés en question.

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Avis défavorable, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'adoption de votre amendement retirerait du texte la possibilité de transposer la directive relative aux opérations transfrontalières. Or, le délai de transposition expirant le 31 janvier 2023, il n'y aura donc pas d'autre véhicule législatif pour transposer la directive.

Vous faites valoir que la directive a déjà trois ans et que le Gouvernement aurait pu mettre à profit ce temps pour préparer un projet de loi. En l'espèce, le recours à l'ordonnance est parfaitement justifié. La directive à transposer concerne les opérations transfrontalières des sociétés, sujet qui relève par nature de la compétence de l'Union européenne et du fonctionnement du marché commun. Dans cette matière, les marges de manœuvre du législateur national sont très réduites. Le débat et les discussions techniques sur ce texte ont déjà eu lieu dans les institutions européennes. Il n'y a donc pas d'intérêt de faire un projet de loi ad hoc.

Ensuite, contrairement à ce que vous prétendez, le Gouvernement n'a pas perdu son temps. Il a mis à profit ces trois années pour préparer la transposition de la directive. Le projet d'ordonnance est quasiment prêt. Au cours des auditions, des mesures de transposition ont été présentées. Si vous le souhaitez, je vous communiquerai les fiches de transposition qui m'ont été remises au cours des auditions : vous constaterez que le recours à l'ordonnance se justifie par le caractère très long et technique de la transposition.

Enfin, le Sénat a accepté le recours à l'ordonnance alors qu'il est tout aussi soucieux que vous des droits du Parlement – il a réduit le délai.

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Notre groupe votera contre cet amendement de suppression mais la position de la France insoumise peut se comprendre. Le Gouvernement aurait eu le temps, durant les trois ans qui lui étaient impartis pour transposer la directive, de préparer un projet de loi. La technicité de la directive n'est pas un argument suffisant pour faire obstacle à son examen par le Parlement.

Enfin, nous devons prendre garde à la procédure d'habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance. Depuis une décision récente du Conseil constitutionnel, ce n'est pas parce que nous encadrerons les délais de dépôt de l'ordonnance puis de dépôt de la loi de ratification que le Parlement aura à examiner la loi de ratification : il suffit que le Gouvernement, qui conserve pour l'essentiel la maîtrise de l'agenda parlementaire, ne l'inscrive pas à l'ordre du jour. Or, passé ce délai, le texte acquiert une valeur législative. En ce sens, nous nous dépossédons tout de même d'une partie de nos prérogatives.

Pour autant, la date limite de transposition étant fixée au 31 janvier, nous n'avons plus le choix. C'est aussi le sens du délai de trois mois que les sénateurs ont voulu fixer : ils sont soucieux, comme nous, d'encadrer les choses, par respect de notre travail. Mais le Gouvernement doit comprendre que le recours systématique à des ordonnances n'est pas forcément la bonne solution, comme M. Bourlanges a voulu le montrer dans son rapport.

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L'argument tiré de la technicité du texte ne tient pas. Nous sommes suffisamment bien entourés pour examiner de manière approfondie tous les types de texte. Celui-ci est particulièrement important puisqu'il concerne aussi le droit du travail des salariés des entreprises visées. Ne prenons pas cette habitude de déposséder les parlementaires de l'étude de textes au prétexte qu'ils seraient trop ardus.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL2 de Mme Émilie Chandler, rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 modifié.

Article 10 : (articles L. 233-42, L. 225-248 et L. 950-1 du code de commerce) Élimination d'une sur-transposition de la directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL3, CL4, CL5, CL6, CL7, CL9, CL10, CL11, CL12 et CL8 de Mme Émilie Chandler, rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 10 modifié.

Article 11 : (articles L. 2141-1, L. 2651-1, L. 2661-1, L. 2671-1, L. 2681-1, L. 3123-1, L. 3351-1, L. 3361-1, L. 3371-1 et L. 3381-1 du code de la commande publique) Extension du mécanisme d'auto-apurement pour les opérateurs économiques sujets à une exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession

Amendements de suppression CL14 de M. Ugo Bernalicis et CL15 de Mme Elsa Faucillon.

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Peut-on contourner les décisions du juge judiciaire lorsqu'on est une entreprise ? C'est ce que cet article permettra, en autorisant les entreprises condamnées pour des infractions pénales gravissimes à prouver leur bonne foi et à bénéficier ainsi de l'argent public. Ces condamnations sont rappelées aux articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique : trafic de stupéfiants, trafic d'êtres humains, escroquerie, blanchiment, corruption active, fraude fiscale, actes de terrorisme…

La transposition de la directive élargira le mécanisme d'auto-apurement aux délits graves. La France s'y était opposée en 2015 et 2016, ce qui est à son honneur. Elle avait limité le mécanisme d'auto-apurement aux délits mineurs. Il n'est pas possible de bafouer ainsi le droit français et de donner un blanc-seing à des entreprises qui se sont rendues coupables d'actes criminels. On marche sur la tête.

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Avis défavorable. En droit de la commande publique, des opérateurs économiques peuvent être exclus de la procédure de passation d'un marché public ou d'un contrat de concession lorsqu'ils ont été condamnés pour certains faits.

Le droit européen a cependant prévu un mécanisme d'auto-apurement, qui permet à l'opérateur de ne pas être exclu s'il a pris des mesures pour empêcher la réitération des faits. Il peut s'agir, par exemple, d'un changement d'équipe dirigeante, d'une collaboration active avec les enquêteurs ou de toute autre mesure préventive.

Ce mécanisme d'auto-apurement ne s'applique jamais lorsque l'opérateur a expressément fait l'objet d'une peine complémentaire d'exclusion des marchés publics. De ce point de vue, le droit européen est vertueux et il respecte la séparation des pouvoirs. Quand le jugement de condamnation prévoit une peine d'exclusion, il n'est pas possible de s'en dispenser par l'auto-apurement. Si le jugement n'a pas prévu de peine, l'opérateur est en principe exclu, sauf s'il parvient à démontrer dans le cadre du mécanisme d'auto-apurement qu'il a pris des mesures correctrices pertinentes.

Le droit français était plus strict et ne prévoyait pas, dans tous les cas, un mécanisme d'auto-apurement. C'est pourquoi il a été jugé contraire au droit européen dans l'affaire Vert Marine. Désormais, les acheteurs publics et les autorités concédantes doivent appliquer l'arrêt Vert Marine et permettre aux opérateurs économiques de bénéficier du mécanisme d'auto-apurement. Ils le font aujourd'hui sans cadre juridique.

L'article 11 vise à corriger un défaut de transposition en étendant le mécanisme d'auto-apurement, comme le prévoient les directives « marchés publics » et « concessions ».

Ce dispositif est vertueux à trois égards. En premier lieu, il met en conformité le code de la commande publique avec la jurisprudence Vert Marine que les acheteurs publics et les autorités concédantes sont tenus d'appliquer.

Ensuite, il respecte le principe de séparation des pouvoirs car le mécanisme d'auto-apurement demeure impossible en cas de condamnation expresse à une peine complémentaire d'exclusion des marchés publics.

Enfin, il est de nature à inciter les opérateurs économiques à prendre des mesures correctrices pour empêcher la réitération des faits, et contribue ainsi à la moralisation de la vie des affaires.

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On ne peut pas imaginer que les entreprises puissent se dédouaner de leurs responsabilités en les reportant sur les salariés. Il leur suffira de trouver un lampiste et de le limoger pour prétendre ensuite avoir fait place nette ! Une équipe dirigeante pourra servir de fusible pour protéger les entreprises qui attentent à la loi de façon institutionnalisée.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL17 de M. Yoann Gillet.

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Nous demandons la suppression des alinéas 2 à 5 de l'article 11. Ces dispositions scandaleuses illustrent, une fois de plus, la complaisance de l'Union européenne à l'endroit des voyous en tous genres puisque la directive vise à assouplir les sanctions en matière de commande publique pour des infractions aussi graves que l'escroquerie, le blanchiment, l'abus de confiance, le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou celui d'êtres humains !

Une personne ou une entreprise exclue des contrats de la commande publique pour de telles infractions pourra ainsi voir son exclusion annulée, dès lors qu'elle a écopé d'un sursis ou qu'elle a fait l'objet d'un ajournement ou d'un relèvement de peine. Il en va de même si la personne ou l'entreprise a régularisé sa situation, payé ses amendes, collaboré avec les autorités et pris des mesures concrètes de nature à prévenir la commission de nouvelles infractions.

Surtout, ce dispositif fait peser la charge de l'appréciation du retour dans le droit chemin sur l'acheteur public, par exemple une commune. Imaginez-vous une commune se renseigner sur les moyens pris par une entreprise du CAC 40 pour régulariser sa situation après une condamnation pour entente sur un marché ? Cette disposition technocratique et lunaire alourdirait encore davantage la procédure de marché public, ce dont les collectivités, notamment les plus petites, se passeraient volontiers. Il est clair que Bruxelles, une nouvelle fois, se place du côté des voyous en col blanc et non de celui des Français.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement CL18 de Mme Émilie Chandler.

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Il tend à compléter une modification apportée par le Sénat à l'article 11 et à introduire des corrections légistiques pour améliorer la lisibilité du code de la commande publique.

Tout d'abord, il conserve l'apport du Sénat pour que les mesures correctrices présentées par un opérateur économique fassent l'objet d'une évaluation qui tienne compte de la gravité de l'infraction, mais en le complétant pour qu'il soit également tenu compte des circonstances particulières de la commission des faits. Le but est que la rédaction de l'article soit la plus proche possible de la formulation des directives, pour ce qui concerne tant les mesures correctives que les critères d'évaluation.

Ensuite, il procède à des aménagements légistiques dans le code de la commande publique pour éviter une redondance de certaines dispositions résultant de l'extension du mécanisme d'auto-apurement.

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La souplesse a des limites, et les peines d'exclusion doivent être dissuasives. Nous avons déposé un amendement pour préciser les critères permettant d'apprécier la fiabilité d'un opérateur concerné par les cas d'exclusion, : en cas de récidive, l'exclusion serait automatique. Cet amendement tombera si celui de la rapporteure pour avis est adopté.

La commission adopte l'amendement. En conséquence, l'amendement CL1 de M. Hervé Saulignac tombe.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 modifié.

Article 17 : (Article L. 115-7 [nouveau] du code général de la fonction publique) Information des agents publics sur les règles essentielles relatives à leurs fonctions

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 17 non modifié.

Article 18 : (article L. 6152-4 du code de la santé publique) Information des praticiens hospitaliers sur les règles essentielles relatives à leurs fonctions

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 18 non modifié.

Article 25 : (article L. 221-3 du code de l'action sociale et des familles) Actualisation des fondements juridiques européens des demandes de coopération des services de l'aide sociale à l'enfance

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 25 non modifié.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiés.

Puis, la Commission examine, en application de l'article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique (n° 682) (M. Thomas Cazenave, rapporteur).

Le tableau ci-dessous récapitule les décisions de la Commission :

Article

Amendement

Auteur

Groupe

Sort

1er

3

M. COULOMME Jean-François

La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Repoussé

1er

9

Mme REGOL Sandra

Écologiste - NUPES

Accepté

1er

10

Mme REGOL Sandra

Écologiste - NUPES

Repoussé

1er

4

M. COULOMME Jean-François

La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Repoussé

1er

6

Mme REGOL Sandra

Écologiste - NUPES

Repoussé

1er

7

Mme REGOL Sandra

Écologiste - NUPES

Repoussé

1er bis

2

Mme FAUCILLON Elsa

Gauche démocrate et républicaine - NUPES

Repoussé

1er bis

18 (CL1)

Commission des lois

Renaissance

Adopté

ap. 1er bis

8

Mme REGOL Sandra

Écologiste - NUPES

Repoussé

2

12

M. CAZENAVE Thomas

Renaissance

Accepté

2

13

M. CAZENAVE Thomas

Renaissance

Accepté

2

14

M. CAZENAVE Thomas

Renaissance

Accepté

ap. 2

17

M. CAZENAVE Thomas

Renaissance

Accepté

ap. 2

19 (CL2) (sous-amendement au 17)

Commission des lois

Renaissance

Adopté

ap. 2

16

M. CAZENAVE Thomas

Renaissance

Accepté

ap. 2

5

M. COULOMME Jean-François

La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Repoussé

ap. 2

1

Mme FAUCILLON Elsa

Gauche démocrate et républicaine - NUPES

Repoussé

La séance est levée à dix-huit heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Elsa Faucillon, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, Mme Julie Lechanteux, Mme Gisèle Lelouis, Mme Marie-France Lorho, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Philippe Pradal, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, Mme Andrée Taurinya, M. Roger Vicot

Excusés. - M. Ian Boucard, M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, M. Didier Lemaire, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Davy Rimane, M. Jean Terlier

Assistait également à la réunion. - M. Bruno Studer