Augmentation du salaire minimum — Texte n° 4782

Amendement N° 14 (Irrecevable)

Publié le 17 janvier 2022 par : M. Potier, M. Leseul, M. Vallaud, M. Aviragnet, Mme Battistel, Mme Biémouret, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, Mme El Aaraje, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Hutin, Mme Jourdan, M. Juanico, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, Mme Manin, M. Naillet, Mme Pires Beaune, Mme Rabault, Mme Rouaux, Mme Santiago, M. Saulignac, Mme Tolmont, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe, Mme Victory.

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I. - Ajouter un "I." au début du premier alinéa.

II. - Après le deuxième alinéa, ajouter les alinéas suivants :

"II. – Après le 1 de l’article 39 du code général des impôts, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. – Au sein de chaque entreprise, il est déterminé un plafond de rémunération. Pour chaque salarié et associé, la fraction de rémunération supérieure à ce plafond n’est pas prise en compte pour le calcul des dépenses de personnel déductibles en application du 1° du 1. Il en va de même des charges sociales afférentes à cette fraction de rémunération supérieure au plafond précité. La rémunération s’entend comme l’ensemble des rémunérations directes et indirectes du salarié ou associé.
« Un décret fixe le montant du plafond et les modalités d’application du présent 1 bis. »

III. – Au plus tard le 1er octobre 2022, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’impact qu’aurait eu l’application du II en 2021 sur le produit de l’impôt sur les sociétés et sur les entreprises et dressant un état des lieux de la conformité des politiques salariales des entreprises avec le dispositif prévu au I.

IV. – Le II entre en vigueur à compter du 1er janvier 2023."

III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la majoration du taux du 1° du B du 1 de l’article 200 A du code général des impôts.

IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 200 A du code général des impôts.

Exposé sommaire :

Le présent amendement vise à encadrer les écarts indécents de rémunération qui existent dans certaines entreprises par un mécanisme incitatif à la diminution des écarts de revenu : au‑delà d’un écart fixé par décret les rémunérations concernées et les cotisations qui y sont associées ne sont plus déductibles du calcul de l’impôt sur les sociétés.

En rendant visible le caractère vital de métiers mal rémunérés, l’épisode pandémique a permis d’ouvrir à nouveau un débat largement méprisé ces dernières décennies. L’échelle des salaires est un choix profondément politique qui traduit l’échelle de valeur d’une société. Dit autrement « cette pandémie nous montre que le travail ne peut être réduit à une marchandise », ni « les humains au travail [...] à des “ressources” » pour reprendre l’expression de Dominique Méda et de 7 autres chercheuses en sciences sociales dans une tribune dans Le Monde du 17 mai 2020.[1]

Limiter les écarts de salaire est donc constitutif du contrat social mais aussi de notre dessein économique et écologique commun. La démesure dans la concentration des richesses génère des modes de vie incompatibles avec un développement soutenable dans un monde aux ressources limitées : l’appât du gain et le consumérisme mimétique nous enferment dans une normalité marchande qui épuise nos vies et la planète. À l’inverse, poser une limite à la possession matérielle ouvre la voie à un rééquilibrage avec d’autres sphères de l’existence.

C’est aussi une question de saine économie. L’indécence, tout autant que l’indolence est un facteur de fragilisation de la conscience professionnelle et de l’esprit d’entreprise. Il n’y a pas d’effort sans justice sociale : une société plus égalitaire est aussi une société plus productive et plus créative.

Si le plaidoyer pour la réduction des inégalités économiques n’a jamais été aussi urgent, il s’inscrit dans une longue histoire des idées. Au Ve siècle avant J.‑.C, Platon considérait déjà qu’il revenait au législateur de fixer « les limites acceptables à la pauvreté » et préconisait un écart maximum de rémunération de 1 à 4. Au début du XXe siècle, le banquier John Pierpont Morgan estimait qu’un dirigeant d’entreprise ne devait pas percevoir plus de 20 fois la rémunération moyenne de ses salariés. Le contraste est saisissant entre ces mises en garde et les niveaux atteint par les inégalités économiques ces dernières décennies, aux États‑Unis, mais aussi en Europe. Le décrochage entre les très hauts revenus et le revenu médian observé par l’économiste Thomas Piketty va de pair avec l’augmentation du nombre de personnes sous le seuil de pauvreté, c’est‑à‑dire vivant avec moins de la moitié du revenu médian. A contrario de la théorie du ruissellement, établir ce lien nous permet de reconnaître les inégalités comme une des causes de la pauvreté.

En 2018, la rémunération annuelle moyenne des patrons du CAC40 atteignait 5,77 millions d’euros, soit une hausse de 12 % par rapport à l’année précédente. Alors que le salaire minimum interprofessionnel de croissance stagne, l’écart se creuse : en 2015, les patrons du CAC40 gagnaient en moyenne 240 fois le SMIC, en 2018, cet écart est de 277[2]. La même année, le PDG du groupe Sanofi, grand groupe pharmaceutique français, gagnait quant à lui plus de 343 fois le salaire moyen d’un aide‑soignant. Ce dernier écart est d’autant plus injustifiable qu’il s’appuie en l’occurrence sur le socle d’une sécurité sociale qui incarne le caractère commun de la santé publique.

Dans une note rédigée pour la Fondation pour la Nature et l'Homme en 2013 ([5]), M. Gaël Giraud et Mme Cécile Renouard, auteurs de l’ouvrage Le Facteur 12, Pourquoi il faut plafonner les revenus, déconstruisent la justification économique de telles rémunérations[3] :

« Contrairement à l’opinion répandue parmi les élites françaises, un salaire élevé n’est pas synonyme d’efficacité accrue. Il n’existe pas de marché parfait et complet des hautes rémunérations, qui allouerait équitablement le risque et le capital. De plus, le travail socialement utile n’est pas valorisé à sa juste mesure. Dès lors, les hautes rémunérations ne sont fixées ni selon la logique d’un marché du travail concurrentiel, ni en fonction de la logique contributive. »

Tout nous invite donc à agir de façon préventive, en résorbant les inégalités directement à la source de la distribution des revenus. En effet, alors que l’impôt peine à atténuer la toxicité des effets de concentration de la richesse, notre proposition est facteur d’assainissement et d’efficacité pour l’économie.

Tandis que le partage inique de la valeur produite induit une désolidarisation effective au sein de l’entreprise, le fait de poser une limite aux écarts de revenu génère une solidarité mécanique entre les dirigeants et l’ensemble des salariés reconnus comme partie constituante de celle‑ci.

L’efficacité tient également à la part importante du revenu réinvesti dans l’économie réelle par les ménages les plus modestes, là où les plus aisés n’en dépenseront qu’une fraction.

Redistribuer la valeur ajoutée au sein de l’entreprise, c’est permettre à chacun de consommer mieux en ayant l’opportunité de prendre en considération des éléments de responsabilité sociale et environnementale. Partager équitablement le fruit du travail, c’est permettre de soutenir l’économie productive, plutôt que d’alimenter les bulles spéculatives sur les marchés financiers. C’est financer l’avenir sans creuser la dette privée et publique. C’est affirmer le lien entre justice sociale et économie durable.

Le sujet est mondial et le chantier a vocation à être européen. Nous voulons cependant que la France, sans attendre, accomplisse un premier pas dans la lutte contre les rémunérations excessives. La réduction des inégalités est la grande matrice politique de ces prochaines années, toutes nos politiques doivent y concourir avec détermination au risque de voir nos valeurs politiques et notre contrat social emportés.

Engager ce processus législatif, c’est choisir la common decency (la décence commune) de Georges Orwell contre le there is no society (la société, ça n’existe pas) de Mme Margaret Thatcher. C’est mettre l’humain au centre de l’économie et affirmer la primauté de la démocratie sur la loi du marché. Sur une planète aux ressources finies, la révolution c’est le partage.

[1] Battilana J., Cagé J., Ferreras I., Herzog L., Landemore H., Méda D., Tcherneva P. (2020, 15 mai), « Il faut démocratiser l'entreprise pour dépolluer la planète », Le Monde.
[2] Bezat J.-M. (2019, 7 novembre), « Les PDG du CAC 40 ont gagné en moyenne 277 fois le smic en 2018 », Le Monde.
[3] Giraud G., Renouard C. (2013, novembre), « Limiter les écarts de rémunération. Un enjeu d’efficacité économique et de justice écologique et sociale », Note pour la Fondation pour la Nature et l’Homme.

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