Démocratie plus représentative responsable et efficace — Texte n° 911

Amendement N° CL151 (Retiré)

Publié le 29 juin 2018 par : M. Hetzel, M. Straumann, M. Cattin, M. Herth, M. Reiss, M. Becht, M. Schellenberger, M. Di Filippo, M. Fuchs, M. Reitzer, M. Furst.

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Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« II. – Les intérêts propres des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin sont pris en compte par le maintien et le développement du droit particulier à ces départements. »

Exposé sommaire :

Cette formulation vise à reconnaître au plan constitutionnel, donc d'une manière qui s'impose au Conseil constitutionnel, l'existence d'intérêts propres qui justifient le développement d'un droit particulier, le législateur étant compétent pour reconnaitre ces intérêts propres et décider quelles législations particulières ceux-ci justifient.

En effet, de 1918 à 1970, la question de la constitutionnalité du droit local d'Alsace et de Moselle ne s'est pas posée. La doctrine s'est intéressée au problème à partir de la décision du Conseil constitutionnel sur la liberté d'association (Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971). Les questions soulevées portaient cependant essentiellement sur la constitutionnalité de certaines dispositions particulières du droit local et sur l'hypothèse d'une abrogation tacite de telles dispositions par la Constitution en raison du caractère postérieur et contraire de cette dernière.

Il était par contre largement admis que le droit local n'était pas contraire à l'idée d'unité nationale puisque son législateur est le législateur national.

La principale difficulté tient à une interprétation de plus en plus stricte du principe d'égalité au plan territorial. La décision SOMODIA (Décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011) est fondée essentiellement sur le principe constitutionnel d'égalité. Ce principe est compris comme impliquant l'uniformité territoriale de la loi. Il peut être porté atteinte à ce principe pour des motifs d'intérêt général ou s'il est reconnu que certains territoires se trouvent dans des situations différentes de celle pour laquelle la règle générale a été adoptée. Mais, le Conseil constitutionnel semble considérer qu'aucune considération d'intérêt général, ni aucune situation spécifique ne justifie l'existence d‘un droit particulier pour l'Alsace-Moselle, contrairement à ce qu'il a admis par exemple pour la Corse (Décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991). Ce droit est donc dans son principe contraire à la Constitution.

Toutefois, le Conseil constitutionnel admet que la volonté répétée du législateur de maintenir ce droit en vigueur a créé un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » dont le contenu est le suivant : « des dispositions législatives et réglementaires particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle peuvent demeurer en vigueur ; à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi ».

Il en résulte qu'une modernisation autonome du droit local n'est plus possible. Celui-ci ne peut évoluer que dans le sens d'un rapprochement avec le droit général. Ceci laisse encore une marge de manœuvre ouverte par l'interprétation du concept de rapprochement. Par exemple, la réforme du régime local d'assurance maladie, dans le sens d'un cofinancement des employeurs, rapprocherait ce système de celui institué par la loi du 14 juin 2013. Mais, les autorités ministérielles considèrent désormais que toute modification du droit local serait contraire à la Constitution.

De façon plus générale, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a créé une grande insécurité juridique. En effet, cette jurisprudence a un caractère rétroactif et s'applique à toutes les modifications passées du droit local, ainsi que l'a montré une décision du Conseil constitutionnel déclarant non conforme à la Constitution une modification du droit local des assurances datant de 1991 (Décision n° 2014-414 QPC du 26 septembre 2014). Or, la part des dispositions du droit local qui ont fait l'objet de modifications de la part du législateur ou de l'autorité règlementaire français est considérable. Il est très difficile de savoir lesquelles de ces modifications pourraient être remises en cause dans le cadre d'une QPC.

Si le Conseil constitutionnel a réaffirmé le caractère provisoire du droit local en tant que législation transitoire, il apparaît, 100 ans après le retour de l'Alsace-Moselle à la France, que le travail d'unification législative a été très largement réalisé et que les dispositions de droit local qui subsistent sont essentiellement celles pour lesquelles, dans la situation actuelle, aucune unification n'est en vue, car les populations des trois départements ne veulent pas d'une extension du droit général et les populations des autres départements ne veulent pas d'une extension du droit local (livre foncier, échevinage, cultes , etc.).

Il en résulte qu'une part importante des dispositions de droit local pour lesquelles aucune unification n'est en vue est frappée à la fois d'immobilisme et d'incertitude juridique quant à leur constitutionnalité.

Cette situation est d'autant plus paradoxale qu'un consensus existe sur l'utilité d'un droit à la « différenciation territoriale ». Tel est le sens d'une des dispositions du projet de loi constitutionnel. Cette différentiation est largement admise pour les collectivités d'Outre-Mer. Elle est reconnue pour la Corse. Elle est pratiquée au plan de l'organisation de certaines collectivités territoriales (ex : statut particulier de Paris ou Lyon). Elle est mise en œuvre par le législateur dans certains domaines (chasse, ouvertures dominicales, lois Littoral ou Montagne, etc.).

Mais, le projet gouvernemental de réforme constitutionnelle ne comporte pas de réponse pour le droit local alsacien-mosellan. La nouvelle formulation de l'article 72 prévoit que « sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, la loi peut prévoir que certaines collectivités territoriales exercent des compétences, en nombre limité, dont ne disposent pas l'ensemble des collectivités de la même catégorie ou, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, elles peuvent déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ». On pourrait penser que si le législateur peut autoriser des collectivités territoriales à développer des normes territoriales spécifiques, il devrait pouvoir lui aussi développer de telles normes pour faire évoluer le droit local. Mais, un très grand nombre de dispositions de droit local mettent en cause des « conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti », telles que ces notions sont interprétées par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat, qui en ont une conception très large.Dès lors, pour éviter la sclérose du droit local, une autre modification constitutionnelle est nécessaire et c'est l'objet du présent amendement. L'objectif recherché est de transformer le droit local d'une législation provisoire figée et source d'incertitudes juridiques en un droit territorial moderne dans l'esprit d'une différenciation territoriale, facteur de souplesse et de capacité d'adaptation.

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