La réunion

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La commission examine le rapport de la mission d'information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises (MM. Éric Coquerel et Jean-René Cazeneuve, rapporteurs).

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Mes chers collègues, j'ai le plaisir de présider cette commission ce matin, puisque notre président Éric Coquerel est rapporteur de la mission d'information dont nous examinons le rapport ce matin. Notre ordre du jour appelle en effet la présentation par MM. Jean-René Cazeneuve et Éric Coquerel du rapport de la mission d'information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises.

Pour enrichir la réflexion de la commission sur le sujet, en parallèle de ce travail de la mission d'information, une étude avait été demandée au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), qui a été remise fin juin et dont chaque membre de la commission a été destinataire.

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Nous avons effectué près de quatre mois de travail et réalisé une vingtaine d'auditions qui nous ont permis d'entendre près de 70 personnes, allant de représentants d'administrations, d'organismes de recherche, d'associations, d'entreprises, de syndicats, à des économistes, des avocats fiscalistes et des commissaires aux comptes.

Après avoir analysé et comparé toutes les différentes études existantes sur le sujet et sollicité l'expertise du CPO, qui a remis fin juin 2023 à la commission des finances une étude actualisée, nous vous présentons aujourd'hui le rapport d'information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises, que j'ai initié et dont je suis le corapporteur, avec le corapporteur Jean-René Cazeneuve.

Cette mission s'inscrit dans la lignée des travaux produits à l'automne dernier par la mission flash sur les entreprises ayant dégagé des profits exceptionnels pendant la crise. Celle-ci avait permis de revenir sur une étude de 2019 de l'Institut des politiques publiques (IPP), qui fut le point de départ de notre mission. Cette étude reposait sur les taux d'imposition implicites portant sur les entreprises entre 2005 et 2015. Le taux d'imposition implicite est un taux calculé en rapportant le montant de l'impôt payé au résultat d'exploitation de l'entreprise : il permet de déterminer l'imposition réelle des entreprises. L'étude de l'IPP de 2019 avait démontré que ces taux d'impositions implicites, avant report, étaient plus bas pour les grandes entreprises que pour les PME, avec respectivement des taux moyens de 17,8 % et de 23,7 % en 2015, soit près de 6 points d'écart.

Cet écart important nous a amenés à réaliser cette étude afin de se représenter l'ampleur et les causes de ce problème, et de déterminer les réponses à y apporter. Nous avons alors pu constater que les trois grandes études effectuées sur ce sujet (celle de la direction générale du Trésor en 2011, du CPO en 2017 et de l'IPP en 2019) confirment que le taux implicite de taxation des bénéfices des grandes entreprises était significativement inférieur à celui des entreprises de plus petite taille, au moins jusqu'en 2012, même avec des différences entre elles.

La version actualisée à notre demande de l'étude du CPO laisse apparaître une réduction sensible de cet écart avec le temps, bien qu'il persiste. Le différentiel entre grandes entreprises et PME ayant des résultats positifs, en termes de taux implicite avant crédits d'impôts, était selon eux de 1,6 point en 2017 contre 3,1 points selon la même méthodologie en 2014. C'est un calcul avant crédits d'impôt, alors que ces mécanismes avantagent les grandes entreprises.

Cette diminution, incontestable, est à nuancer pour plusieurs raisons. Tout d'abord, nous n'avons à disposition que cette actualisation du CPO mais pas celle de l'étude de l'IPP qui était notre point de départ et dont les résultats ne concernent que la période jusqu'en 2015. Or, en 2014, la méthodologie du CPO le conduisait à montrer un différentiel de 3,1 points entre taux des grandes et des petites entreprises, contre un différentiel de 4,4 points avec la méthodologie de l'IPP aux mêmes dates et avec les mêmes données. Ce qui peut laisser penser qu'une actualisation de l'étude de l'IPP conduirait à un écart probablement plus important que le 1,6 % du CPO.

Ensuite et surtout, plusieurs éléments me laissent penser que cet écart constaté a pu, depuis 2019 – dont datent les dernières données prises en compte par nos études – repartir à la hausse. D'abord, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui avait été mis en place en 2013, était selon la direction générale du Trésor le principal facteur explicatif de la diminution du taux implicite d'imposition, après crédit impôt, des PME en 2019.

Si l'on s'en tient au périmètre de l'imposition des entreprises, et qu'on n'élargit pas l'analyse à l'ensemble des prélèvements obligatoires, il est donc évident que la bascule du CICE en allégement de cotisations sociales en 2019 a dû conduire à rehausser les écarts de taux implicites entre petites et grandes entreprises. Selon le CPO, il est aussi probable que l'écart de taux implicite se soit accru entre 2019 et 2022, puisque la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés (IS) avait d'abord principalement concerné les petites entreprises (entre 2018 et 2019). À partir de 2020, son taux a été progressivement réduit à 25 % pour l'ensemble des bénéfices des entreprises, ce qui a eu pour effet d'abaisser de manière plus importante le taux implicite des sociétés de plus grande taille.

Un autre facteur laisse penser à une augmentation du différentiel ces dernières années : la suppression prévue de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En effet, celle-ci ne touchait que les entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 500 000 euros et le gain de la suppression de sa part régionale a bénéficié à 26 % aux plus grandes entreprises. Dans le détail, ce gain est capté aux deux tiers par les 10 000 plus grandes entreprises.

Enfin, le dernier indice pouvant suggérer une augmentation de ce différentiel est lié à la conjoncture économique actuelle. La hausse actuelle des taux d'intérêt pourrait en effet elle aussi renforcer ces écarts, puisqu'elle offre la possibilité d'imputer plus fortement les charges financières sur la base imposable des entreprises.

La déductibilité des charges d'intérêt est l'un des principaux facteurs explicatifs du différentiel d'imposition entre grandes et petites entreprises. En effet, comme les grandes entreprises empruntent plus et plus facilement que les PME, elles profitent bien plus qu'elles de la déductibilité des charges d'intérêts. En 2007, les grandes entreprises parvenaient ainsi à abaisser de 13,9 points le niveau de leur taux implicite, contre seulement 3,7 points pour les PME.

Ces effets, qui n'ont pas disparu, ont été peu à peu atténués entre 2007 et 2019 grâce à la mise en place d'un encadrement plus strict des modalités de déduction de ces charges, mais aussi, principalement, en raison de la baisse des taux d'intérêt. Cela nous ramène à l'inquiétude du CPO, que je partage, sur les conséquences des augmentations actuelles de ces taux d'intérêt.

L'autre grand facteur explicatif de ces différentiels de fiscalité se situe au niveau des dispositifs de type crédits et réductions d'impôts. Outre le CICE dont j'ai déjà parlé, l'autre crédit d'impôt qui fut au cœur de nos réflexions est bien entendu le crédit d'impôt recherche (CIR). Les auditions que nous avons menées ont confirmé que ce crédit d'impôt est difficile d'accès pour les petites entreprises en raison de la complexité des démarches à effectuer pour l'obtenir.

Les grandes entreprises, en revanche, en profitent à la fois parce qu'elles peuvent se permettre de consacrer du temps et du personnel à ces démarches, mais aussi en raison de leur plus grand volume de dépenses consacrées à la recherche. Les créances de CIR, qui s'élèvent à 7,2 milliards d'euros en 2021, bénéficient ainsi principalement aux grandes entreprises. Hier, la Cour des comptes rappelait que 83 % des bénéficiaires de ce CIR étaient les PME, mais qu'elles ne représentaient que 28 % des sommes allouées.

Nous avons également constaté que ce crédit d'impôt à lui seul permet aux grandes entreprises de diminuer leur taux implicite d'imposition net de 5,4 points, contre seulement 2,5 et 3,6 points pour les microentreprises et les PME. À titre d'exemple, le groupe Sanofi bénéficie du CIR à hauteur d'une centaine de millions d'euros par an, mais a pourtant supprimé des centaines d'emplois dans la recherche ces dernières années.

Notons également la réduction d'impôt mécénat, dont le coût est principalement concentré sur les grandes entreprises, qui ont bénéficié de 563 millions d'euros à ce titre en 2021.

Le différentiel de fiscalité entre entreprises est également nourri des dispositifs qui permettent à certaines entreprises des pratiques d'optimisation, d'évitement de l'impôt voire de fraude fiscale. Trois principaux instruments d'évitement fiscal par les multinationales nous ont été décrits par les économistes interrogés : la manipulation des prix de transfert dans les échanges entre filiales, qui est un des points saillants de notre mission d'information ; le transfert de dettes intragroupes dans des territoires à fiscalité faible ; la localisation des actifs incorporels (brevets, propriété intellectuelle de manière générale) dans des territoires à fiscalité faible.

Ces pratiques sont plus particulièrement l'apanage des grandes entreprises et surtout des multinationales aux structures complexes.

Au sein des entreprises du CAC 40, pour l'année 2021, il y avait ainsi une entreprise sur deux qui déclarait un montant d'IS inférieur à 18 millions d'euros, contre une moyenne de 191 millions au sein de ce même CAC 40. Il existe également des cas de multinationales aux bénéfices et dividendes très importants mais ne payant quasiment pas d'IS.

Parmi les dispositifs qui permettent de creuser l'écart entre les multinationales complexes et les autres, on trouve également le régime d'intégration fiscale ainsi que le régime « mère-fille ».

À ce constat s'ajoute le cas encore plus prononcé des multinationales dont le siège est à l'étranger, notamment aux États-Unis, mais aussi de certains secteurs comme celui du numérique qui favorisent le recours aux pratiques d'évitement, en raison de l'importance de leurs actifs incorporels, qui leur permettent de ne déclarer qu'une toute petite part de bénéfice sur leur chiffre d'affaires en France.

Face à cet ensemble de constats problématiques, il est utile de rappeler que des négociations sont en cours au niveau de l'OCDE pour tenter d'instaurer une imposition minimale des bénéfices des multinationales à un taux effectif de 15 %, à travers ce qu'on appelle le pilier 2. Mais sont prévues des exemptions, qui laissent penser que des dérogations seraient maintenues.

Nous avons établi douze préconisations communes qui visent à revoir les règles fiscales françaises (propositions 1 à 3), à appuyer les projets d'harmonisation fiscale au niveau européen et international à condition qu'ils permettent de lutter contre le dumping social et fiscal (propositions 4 à 7), à renforcer la transparence fiscale des entreprises (propositions 7 et 8) et à améliorer les différents types de contrôle et de lutte contre l'évitement et la fraude (propositions 9 à 12).

Dans nos conclusions respectives, nous avons mis en lumière un certain nombre de pistes. J'estime que nous ne devons pas attendre la fin des négociations sur les piliers 1 et 2 de l'OCDE pour agir et décider de politiques vis-à-vis de ces multinationales. Je propose de reprendre la taxation unitaire proposée par Gabriel Zucman, qui permet de corriger l'imposition en fonction du chiffre d'affaires dans chaque pays. Je propose également le renforcement des personnels de la direction générale des finances publiques.

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Je remercie à mon tour les différents contributeurs qui nous ont permis de dresser un constat commun, malgré des analyses et des conclusions différentes.

La présente mission d'information avait pour objectif de répondre à une interrogation assez simple : le constat fait il y a environ quinze ans d'une fiscalité pesant relativement plus fortement sur les petites entreprises que sur les grandes est-il toujours valable ? Dans quel sens a-t-il évolué, le cas échéant, et pour quelles raisons ?

De ce point de vue, le bilan est sans appel : sur les quinze dernières années, contrairement à certaines idées préconçues, toutes les analyses convergent pour montrer que les écarts de taxation entre catégories d'entreprises se sont largement réduits. En 2021, les prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises sont de 343,2 milliards d'euros, dont 151,5 milliards d'euros pour la fiscalité directe. Nous avons fait le choix de nous focaliser sur le taux implicite d'impôt sur les sociétés (60 milliards d'euros) pour mesurer l'évolution des différentiels de fiscalité.

Les études de la direction générale du Trésor, du CPO et de l'IPP parviennent toutes à la même conclusion sur la période étudiée (2005-2019) : le taux d'imposition entre PME et grandes entreprises s'est largement réduit dans tous les cas et le taux d'imposition des grandes entreprises a progressé de l'ordre de 5 points. Selon l'étude la plus récente (du CPO, en juin 2023), l'écart de taux implicite des entreprises bénéficiaires entre les PME et les grands groupes s'est contracté à seulement 1,6 point en 2019, contre 9,9 points en 2007.

Ce resserrement n'est pas le fait du hasard. Il est lié à de nombreuses et ambitieuses réformes intervenues depuis quinze ans. En effet, des dispositifs fiscaux légaux concernant notamment les grandes entreprises ont été encadrés et ont contribué au resserrement des écarts de fiscalité : la limitation progressive de la déductibilité des charges financières, notamment par la loi de finances initiale pour 2013 ; l'encadrement des modalités de reports des déficits ( carry back / carry forward ) par les entreprises au début des années 2010 ; le projet BEPS, lancé en 2013 et conduit par l'OCDE, constitué de quinze actions destinées à renforcer la lutte internationale contre les pratiques d'évasion fiscale ; l'évolution du droit fiscal de l'Union européenne, notamment à partir de 2011. Sept directives dites « Dac » sont ainsi venues renforcer le système fiscal européen, en matière d'échange automatique d'informations entre États membres, de lutte contre le blanchiment ou encore d'obligations de transparence pour les entreprises multinationales concernant les déclarations pays par pays.

Par ailleurs, les PME bénéficient d'une fiscalité avec des taux réduits ou des exonérations sur un certain nombre de taxes.

Plus largement, la fiscalité française s'est rapprochée de celle des autres pays européens. Si notre pays reste celui en Europe avec le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé en 2023, loin du paradis fiscal décrit par certains, il n'en demeure pas moins que la tendance est à la convergence.

Le taux normal d'IS est passé de 33,33 % à 25 % pour se rapprocher de la moyenne européenne. Le bilan comptable de cette réforme est positif : le rendement net de l'IS atteint aujourd'hui des niveaux record, avec 62,1 milliards d'euros en 2022, malgré la baisse du taux. Cette réduction de la charge fiscale a amélioré l'attractivité : pour la quatrième année consécutive, la France est le pays le plus attractif d'Europe pour les projets d'investissements étrangers. Le différentiel de fiscalité, de fait, est quelquefois plus important d'un secteur à un autre, selon le profil d'entreprise au sein d'un même secteur. La corrélation entre la taille d'une entreprise et l'imposition n'est plus aujourd'hui l'élément le plus déterminant.

La question de l'évitement fiscal a bien entendu été traitée dans le cadre de ce rapport. Rappelons à ce titre que la dynamique en matière de lutte contre la fraude fiscale est encourageante : grâce à l'excellent travail de l'administration fiscale et à la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, un montant record de 14,6 milliards d'euros a été récupéré au titre de l'année 2022.

Le plan de lutte contre la fraude, annoncé il y a peu par le gouvernement, traduit notre volonté de renforcer le contrôle fiscal des hauts patrimoines et des grandes entreprises. Augmentation du nombre de contrôles fiscaux, priorité donnée au contrôle des plus grands groupes, hausse des effectifs : jamais autant de moyens et d'ambition n'avaient été mis au service de la lutte contre ces modèles d'optimisation.

Si les études sur lesquelles se base ce rapport pour conclure à la diminution des différentiels de fiscalité entre entreprises ne vont que jusqu'à 2019, il est intéressant de se demander ce qu'il adviendra de ces différentiels par la suite.

Certains éléments pourraient générer une hausse éventuelle de ces écarts : la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés ; l'augmentation des taux d'intérêt depuis l'année 2022, qui aura pour conséquence l'augmentation des charges financières déductibles ; la suppression progressive de la contribution (CVAE), qui doit bénéficier principalement aux ETI, et dans une moindre mesure aux grandes entreprises.

A contrario, d'autres éléments permettent d'anticiper une poursuite du resserrement des différentiels de fiscalité. Je pense notamment aux initiatives en cours issues des travaux de l'OCDE. Le pilier 2, instaurant un taux minimum d'imposition des bénéfices à 15 %, doit être transposé dans notre droit national dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. Il convient également d'évoquer la baisse de la contribution foncière des entreprises (CFE), qui devrait bénéficier principalement aux micro-entreprises, ainsi que les mesures récentes en faveur des PME. Le taux réduit de 15 % a été étendu aux entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires n'excédant pas 10 millions d'euros, contre 7,63 millions d'euros antérieurement. Depuis la loi de finances pour 2023, ce taux réduit s'applique désormais à la fraction du bénéfice des PME inférieure à 42 500 euros, au lieu de 38 120 euros précédemment.

La mise en place progressive des directives Dac 6 et Dac 7 instaure respectivement une obligation de divulgation des montages d'optimisation fiscale par les intermédiaires et l'échange automatique de ces déclarations entre les États membres, ainsi que de nouvelles obligations déclaratives pour les opérateurs de plateforme. Je pense donc que nous allons vers un plus grand resserrement, qui se confirmera avec le temps.

Le bilan est positif. Même si ces différentiels se sont considérablement réduits, et même si les efforts d'harmonisation et de lutte contre la fraude fiscale sont au cœur des discussions à l'échelle de l'Union européenne et de l'OCDE, il nous paraît important de rester vigilants. Parce que la fraude et l'optimisation fiscales perdurent et se développent sous d'autres formes, il nous faut amplifier notre lutte contre celles-ci. C'est le sens des douze propositions que nous formulons. Je suis convaincu que les évolutions récentes et à venir en matière de lutte contre l'évitement fiscal et l'optimisation sont à la hauteur de l'enjeu.

Finalement, cette mission d'information permet de rendre justice à des réformes d'ampleur menées ces dernières années aux niveaux international et national, la plupart du temps discrètement sinon dans l'indifférence générale : leur impact sur notre fiscalité des bénéfices a été majeur. En la matière, les pouvoirs publics sont souvent taxés de naïveté, d'aveuglement et d'inaction face aux pratiques des multinationales.

Beaucoup de choses restent à faire et la vigilance et la fermeté doivent être mises en œuvre sans relâche. Mais le constat est en France celui d'une action nationale résolue, volontariste et multiforme depuis une quinzaine d'années pour faire contribuer les plus grandes entreprises à la hauteur de leur profitabilité effective. En matière de lutte contre l'optimisation et l'évasion fiscales, d'imposition minimale et d'égalité des entreprises devant l'impôt, ce rapport montre des progrès importants. Soyons actifs pour les conforter et les amplifier.

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Je remercie le président et le rapporteur général pour la qualité de ce travail, qui nous permet de répondre à un certain nombre de questions. Votre rapport constitue la démonstration implacable qu'il est possible de baisser un taux d'imposition tout en augmentant des recettes, comme en témoigne l'IS.

Ensuite, le deuxième enseignement est le suivant : les écarts de taxation entre les grandes entreprises et les PME se sont largement réduits, grâce à de nombreuses réformes ces quinze dernières années. Le troisième enseignement souligne que ce travail doit être poursuivi aux niveaux international et européen, comme en témoigne la taxation minimale à 15 % ou les efforts de transparence. Ce travail doit donc continuer, notamment à travers le projet Befit ( Business in Europe : Framework for Income Taxation ) et l'harmonisation des taux d'IS au niveau européen.

Je note néanmoins un dissensus entre les deux corapporteurs concernant la proposition du président Coquerel sur la progressivité de l'IS. Je pense que l'IS n'est pas le bon instrument pour traiter de la redistribution, à la différence de l'impôt sur le revenu et de la fiscalité du patrimoine. Enfin, vous avez rédigé de longs développements sur le contrôle fiscal. Le ministre Attal a annoncé le lancement d'un plan anti-fraude, avec un renforcement des moyens associés. Quel sera son impact, selon vous, notamment pour la lutte contre l'évasion fiscale des grandes entreprises ?

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C'est avec le plus vif intérêt et la plus grande attention que nous avons suivi les auditions et lu les conclusions issues de la présente mission d'information. Nous tenons donc à remercier les rapporteurs, MM. Cazeneuve et Coquerel, pour la qualité de ce rapport et la constructivité de nos échanges tout au long de cette mission.

Le rapport, comme celui du CPO, a révélé que les différences de taux d'imposition implicites des entreprises en France relèvent davantage d'une différence de secteur d'activité que de la taille des entreprises. Grâce à ce rapport, on remarque que l'écart de taux d'imposition implicite entre les grandes entreprises et les PME a baissé de 3,5 à 1,6 % et ne semble pas significatif. Cependant, lorsque l'on zoome sur les entreprises du CAC 40 et les PME, l'écart est beaucoup plus important, notamment dans le secteur du numérique et celui de l'énergie, et plus particulièrement pour les entreprises qui ont une activité à l'international.

De plus, il convient de rester vigilant sur la baisse de cet écart car la perspective d'un retour à la hausse est à craindre en raison de l'augmentation des taux d'emprunt et de la suppression de la CVAE. C'est pourquoi, le groupe Rassemblement National sera particulièrement attentif à l'évolution du contexte fiscal international dès cet automne, avec la proposition de directive Befit visant à harmoniser l'assiette de l'imposition des bénéfices des États-membres.

Messieurs les rapporteurs, une fois ce constat réalisé, la question de l'action se pose. Nous saluons la proposition numéro 12 des rapporteurs visant à renforcer les moyens humains et techniques du parquet national financier (PNF). En effet, en termes de lutte contre la fraude fiscale, nous ne pouvons pas attendre le deuxième pilier de l'OCDE comme le souhaiterait M. Attal. Elle doit être une priorité dès 2024, eu égard à l'état actuel du déficit budgétaire.

C'est pourquoi nous souhaitons alerter la commission sur le manque de moyens humains et techniques du PNF et de tous les organismes qui participent à la lutte contre la fraude. En effet, si le montant moyen des droits éludés a augmenté de 10 % en 5 ans, le nombre des contrôles avec redressements a chuté lui de 15 %. À la vue des difficultés de recrutement que connaît le secteur, l'intelligence artificielle nous semble également une piste à ne pas négliger afin de gagner en efficacité.

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Je vous remercie pour ce travail intéressant et important. Il est vrai que l'environnement fiscal a énormément évolué ces dernières années. Il suffit de songer au CICE, à l'évolution de l'IS ou à la suppression de la CVAE. Cette dernière aura notamment un impact dans les années à venir.

L'une de vos propositions tend à rendre progressivement obligatoire pour les entreprises la publication des aides publiques. Or tout le monde peut déjà avoir accès aux comptes annuels des entreprises auprès du greffe du tribunal de commerce. Enfin, j'ai été déçue de ne pas trouver de proposition au sujet du CIR, dans la mesure où 50 % du crédit impôt recherche est capté par les grandes banques et les assurances. Cela pose question.

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Comme vous l'évoquez dans votre rapport, les PME bénéficient en France d'une fiscalité avec des taux réduits ou des exonérations sur un certain nombre de taxes. Je vous rejoins par ailleurs, Monsieur le rapporteur général, dans votre analyse à ce sujet. Ces dispositifs de taux et d'assiette réduits pour les PME ont permis de resserrer les différentiels de fiscalité entre entreprises et sont essentiels afin de soutenir les PME dans leur développement. Néanmoins, nous devons continuellement évaluer la pertinence des dispositifs existants et je salue votre proposition de mener une revue des taux réduits applicables aux PME. Sur ce sujet précis, avez-vous d'ores et déjà en tête des pistes d'évolution ?

Par ailleurs, le groupe démocrate propose de mieux circonscrire le dispositif en excluant de ce taux réduit les sociétés à prépondérance immobilière. Quel est votre avis sur cette proposition au regard de vos travaux dans le cadre de cette mission d'information ?

Vous abordez aussi dans votre rapport le régime-mère fille qui permet d'exonérer les dividendes versés à la société mère en échange de la réintégration d'une quote-part de frais et charges s'élevant à 5 %. Une de vos propositions porte sur l'évaluation des effets produits par les quotes-parts de frais et charges applicables dans le cadre du régime mère-fille. Dans un contexte de nécessaire rigueur budgétaire à laquelle nous sommes très attachés au groupe démocrate, ne pourrions-nous pas imaginer une évolution du dispositif permettant de capter plus de recettes fiscales tout en garantissant que celui-ci continue de favoriser la croissance interne des entreprises ? Ne pourrait-on pas réfléchir à une augmentation de la quote-part imposée dans le cadre d'une discussion à l'échelle européenne sur le sujet ? Par ailleurs, cette problématique a-t-elle été évoquée dans le cadre des auditions que vous avez réalisées ?

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Je vous remercie à mon tour pour la qualité de ce rapport, qui montre malgré tout une grande disparité de taux effectifs d'imposition : la moitié des grandes entreprises ont un taux effectif compris entre 7 et 27,5 %, contre un taux allant de 11 à 32 % pour la moitié des PME. Nous ne pouvons l'accepter, même si la tendance de l'écart est baissière.

Votre rapport montre qu'une grande partie de la disparité est liée au principe de déductibilité des intérêts d'emprunt, qui conduit de fait les grandes entreprises à bénéficier de plus grandes déductions d'intérêts. Pensez-vous qu'il faut davantage plafonner cette déductibilité ? En effet, une grande partie de nos grands groupes sont acquis ou consolidés par le mécanisme du leverage buy-out (LBO), qui implique un endettement important.

S'agissant de la lutte contre la fraude, pensez-vous nécessaire de doter le PNF de davantage de moyens pour qu'il puisse exercer sa mission ?

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Je retiens deux éléments qui me semblent particulièrement importants dans votre rapport. Il s'agit d'abord de la réduction sensible de l'écart de taxation selon la taille de l'entreprise, et ensuite du rapprochement de la fiscalité française de celles des autres pays européens, qui contribue à améliorer la compétitivité de nos entreprises. Ces efforts doivent être poursuivis.

Votre rapport souligne par ailleurs que nous devons rester vigilants sur les effets d'optimisation voire d'aubaine, de fraude et d'évitement fiscal, qui sont essentiellement le fait des grandes entreprises. Votre proposition numéro 10 suggère d'inciter ou de contraindre plus fortement les entreprises françaises à enregistrer leur propriété intellectuelle sur le territoire national. Par quels moyens pourrions-nous y parvenir ?

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Je remercie Messieurs les rapporteurs pour leur travail. La mission poursuivait, entre autres, l'objectif d'une meilleure compréhension des facteurs pouvant expliquer les différentiels de fiscalité entre entreprises afin d'identifier ceux qui peuvent être contestables et qui conduisent à une forme d'inéquité fiscale.

Outre les douze préconisations du rapport, visant à limiter ces écarts de fiscalité et à favoriser une taxation plus juste des entreprises, la question des différentiels de fiscalité doit être abordée en prenant en compte les niches fiscales et sociales dont bénéficient les différentes catégories d'entreprises et en effectuant une étude approfondie par secteur d'activité, car selon les secteurs le poids de la fiscalité n'est pas le même, entraînant d'importants différentiels.

La préconisation numéro 8 encourage à rendre progressivement obligatoire pour les entreprises la publication des aides publiques qu'elles perçoivent. Il s'agit là d'une démarche incitative vis-à-vis des entreprises, dans un souci de transparence. Nous l'approuvons. De notre point de vue, cette mesure devrait de prime abord être appliquée par l'administration qui reste souveraine dans l'attribution des différentes aides. Il serait par exemple de bon augure qu'elle fournisse à la représentation nationale le coût du CICE, dispositif qui à ce jour n'a jamais été évalué, pas plus que ne l'a été sa transformation en exonération de cotisations sociales.

Bien que la différenciation fiscale des entreprises soit un sujet complexe qui renvoie à la capacité des entreprises à se saisir des mécanismes prévus par la loi, voire à en exploiter les failles, une évaluation exhaustive des dispositifs prenant en compte les spécificités des différents secteurs d'activité permettrait de réduire les effets d'aubaine ou les erreurs d'approche.

La préconisation numéro 10 d'un renforcement des moyens humains et techniques du PNF et des services de lutte contre la fraude pourrait s'accompagner du renforcement des moyens des différents services de contrôle fiscaux et sociaux. Nous soutenons des différentiels de taxation justifiés par des politiques publiques cohérentes et nous nous opposons aux aménagements de dispositifs dérogatoires contraires à l'esprit des principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques.

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Je salue à mon tour le travail des rapporteurs. Leur rapport met en évidence que le différentiel d'imposition entre les entreprises se réduit ces dernières années, jusqu'en 2019, date des dernières données disponibles. On pourrait s'en féliciter si cette baisse ne provenait pas quasi exclusivement de la baisse du taux facial de l'IS. En effet, ce sont essentiellement les petites entreprises qui le payent.

Le traitement de la question du différentiel a donc été réalisé de manière moins-disante : baisser les impôts plutôt que de faire payer leur juste part à ceux qui s'y dérobent. La baisse de l'IS produit ainsi un effet pervers, puisqu'elle accroît un autre différentiel de fiscalité, celui entre les particuliers. En effet, l'IS est aujourd'hui quasiment le seul impôt payé par les 0,1 % de contribuables les plus fortunés, leurs revenus étant pour l'essentiel des revenus du capital stockés dans des holdings. La question ne peut être traitée à terme que par une réponse simple, comme l'encadrement des dépenses fiscales de l'IS (7,4 milliards en 2023).

Enfin, notre commission a déjà mené des travaux sur le CIR. Quand allons-nous nous en saisir ?

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La commission peut remercier nos rapporteurs d'avoir essayé d'éviter les débats purement idéologiques, pour privilégier une base objective.

Il manque peut-être dans ce rapport une réflexion en amont, sur le calcul du taux implicite d'imposition des bénéfices, qui correspond au rapport entre l'IS et l'excédent net d'exploitation (ENE). Ce dernier est défini comme l'excédent brut auquel sont soustraites les dotations aux amortissements et provisions. Il serait donc intéressant de savoir si toutes les entreprises qui déclarent un déficit ne perturbent pas nos calculs, qui sont uniquement effectués sur les entreprises à ENE positif. Un autre problème porte sur les petites entreprises et a trait au partage entre les dividendes et la rémunération des dirigeants, puisque les deux sont arbitrés. Pouvez-vous nous éclairer sur ces deux points méthodologiques ?

La déductibilité des charges financières explique la plus grande variabilité entre les taux implicites. En effet, les PME ne souhaitent pas avoir trop recours à l'endettement, pour des raisons d'indépendance. Les très grandes entreprises détenues par des milliers d'actionnaires n'ont pas du tout le même comportement et procèdent souvent à des optimisations. C'est donc la réduction des taux d'intérêt et le plafonnement de la déductibilité qui expliquent une bonne partie de la réduction des écarts. Ne faudrait-il pas aller plus loin ? Fondamentalement, la déductibilité même des charges financières est-elle une bonne idée ?

Ensuite, nous ne pouvons nous en sortir que par un accord international. Je vous trouve très modéré sur vos propositions, j'attendais un certain nombre de mesures phares. Que faut-il faire ?

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Je vous remercie pour votre travail. Vous avez indiqué que les écarts de fiscalité tenaient plus aux secteurs d'activité qu'à la taille des entreprises. C'est un peu paradoxal : quand nous avions voulu encadrer le CIR en fonction du secteur d'activité, pour notamment avantager le secteur industriel, il nous avait été répondu que cela ne serait pas possible, au titre des règles communautaires. Comment faudrait-il procéder pour encadrer et différencier la fiscalité en fonction des secteurs d'activité, compte tenu de la législation européenne ?

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Une des grandes difficultés de notre étude tient à la diversité des taux implicites. Par exemple, selon que l'on utilise des taux implicites avant ou après report, la situation change. Certaines entreprises annoncent des déficits, lesquels cachent en réalité des optimisations fiscales. Il conviendrait donc d'aller plus loin dans ce domaine.

Ensuite, la question du différentiel d'imposition par taille doit être relativisée pour différentes raisons. Il faudra voir les effets des mesures prises depuis 2019 sur les sociétés, mais tout laisse à penser qu'elles avantagent plutôt les grandes entreprises. De plus, la plupart du temps, les différents taux implicites qui nous servent de comparaison sont traités avant crédits d'impôt, ces derniers n'étant pas défalqués. Or l'écart du CIR va sans doute repartir à la hausse. Mais quelle que soit notre analyse sur la plus ou moins grande différence selon la taille des entreprises, nous avons identifié les mêmes facteurs de déséquilibre. La vraie distinction est celle entre les entreprises multinationales et les autres. En effet, des milliards d'euros échappent sans doute à l'impôt et cet enjeu est majeur pour l'État.

Madame Marie-Christine Dalloz, nous avons failli émettre une proposition commune sur le CIR. Ce crédit avantage de manière un peu trop importante les grandes entreprises et coûte 7 milliards. Le Conseil des prélèvements obligatoires a proposé trois scénarios de réforme, dont l'un permettrait de récupérer 2 milliards d'euros de recettes. Le gouvernement s'interroge aujourd'hui sur le report de la suppression de la CVAE, report auquel je ne suis pas opposé. Cependant, il semble tout aussi opportun d'envisager de récupérer 2 milliards sur le CIR, qui avantage surtout les grandes entreprises. C'est la raison pour laquelle j'ai effectué à titre personnel une proposition de réforme du CIR.

M. Philippe Brun a évoqué la déductibilité des charges financières. Une de nos propositions communes vise précisément à cibler ce sujet. Il importe en effet de réduire les écarts entre PME et grandes entreprises, mais aussi de traiter l'utilisation de cette déductibilité à des fins d'optimisation fiscale, notamment dans le cadre de holdings.

S'agissant du renforcement des moyens de la lutte contre la fraude et notamment du PNF, les personnes que nous avions interrogées nous ont toutes indiqué qu'elles éprouvaient des difficultés pour retenir les cerveaux, c'est-à-dire des gens du niveau des avocats fiscalistes des parties adverses. Nous préconisons le renforcement des moyens techniques et humains, notamment au niveau du PNF.

Madame Dalloz, les aides ne sont pas toutes rendues publiques. Par exemple, nous n'avons pas le droit de vous dire aujourd'hui quel est le montant du crédit d'impôt recherche dont a bénéficié Sanofi, car il s'agit d'une donnée couverte par le secret fiscal. Une plus grande transparence s'avère donc nécessaire en la matière.

S'agissant de la propriété intellectuelle, certaines entreprises françaises déplacent leur siège social de manière opportune, se localisant d'abord en France pour bénéficier de différents dispositifs comme le CIR avant de partir à l'étranger pour payer moins d'impôts sur les prix de transfert. Nous préconisons par exemple que cela ne soit plus possible. En la matière, nous pouvons d'ailleurs considérer que nous sommes très timides par rapport aux Américains, qui protègent beaucoup plus leurs sièges sociaux et leur propriété intellectuelle. Leur politique est moins libérale que la nôtre de ce point de vue.

Monsieur de Courson, je vous trouve un peu sévère quand vous considérez que nos propositions sont timides. Par exemple, nous estimons qu'il est nécessaire d'aller plus loin sur le pilier 2, qu'il faut continuer à renégocier. Nous nous déclarons également favorables à une harmonisation fiscale et sociale en Europe et nous formulons des propositions en matière de transparence fiscale. Nous proposons notamment d'étudier les possibilités d'un droit de contrôle des salariés renforcé concernant la politique fiscale de l'entreprise, en reprenant ici une proposition de la CFDT. De même, nous évoquons la possibilité de mener une revue des taux réduits d'impôt et de revoir la question de la quote-part pour frais et charges applicable dans le cadre du régime mère-fille.

Pour ma part, je suggère de ne pas attendre la fin de la négociation du pilier 2 et d'établir un dispositif, notamment à travers une taxe unitaire française.

Enfin, nous avions diagnostiqué le problème relatif aux dividendes et à la mise en place de holdings dédiés. Ces éléments, qui avantagent les grandes multinationales, ont aussi des implications sur l'enrichissement des milliardaires, comme l'étude de l'IPP l'a révélé.

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Notre rapport s'est effectivement déroulé dans un esprit constructif, au bénéfice de notre pays. Le plan anti-fraude dévoilé par Gabriel Attal consiste notamment à augmenter les effectifs de 2 500 personnes, en particulier avec des profils très recherchés aujourd'hui, à étendre le délai de reprise pour les actifs incorporels et à rendre opposable la documentation sur les prix de transfert.

La directive Befit vise à harmoniser les assiettes, mais de manière plus générale, au sein de l'OCDE et de l'Union européenne, il existe une réelle volonté de contrôler l'imposition des entreprises, d'éviter l'évasion fiscale, d'établir une imposition minimale et de territorialiser l'impôt. Nous nous inscrivons donc dans ce contexte global, qui n'est plus caractérisé par un laisser-aller. Cela va-t-il suffisamment loin ? Probablement pas, mais le rôle de la France est d'être moteur en la matière. En matière de prix de transfert, il existe par exemple aujourd'hui un principe de réciprocité, signe que la transparence progresse.

Madame Dalloz, vous avez raison : la CVAE bénéficie aujourd'hui plus aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) qu'aux PME. Mon intuition personnelle, qui mérite peut-être une mise à jour des études de l'IPP et de la direction générale du Trésor, est que ce resserrement va se poursuivre.

La publication des aides publiques est par ailleurs un sujet démocratique. Il est bien que l'on connaisse les différents types d'aide dont bénéficie chaque entreprise. Par ailleurs, le CIR et les autres crédits d'impôt viennent modifier les taux effectifs mesurés. Cependant, il faut les recadrer. Je vous ai parlé précédemment des 152 milliards d'euros d'impôts payés par les entreprises. Les deux principaux crédits d'impôt (CIR et mécénat), ne représentent que 8 milliards en comparaison. Cependant, cela ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur l'efficacité du CIR. Plusieurs études considèrent ainsi que le dispositif engendre un effet d'aubaine à partir d'une certaine taille d'entreprise. Enfin, les informations dont je dispose ne laissent pas apparaître que 50 % du crédit impôt recherche seraient captés par les grandes banques et les assurances.

Il ne convient pas de revenir sur le régime mère-fille, qui permet d'éviter la double imposition. En revanche, les paramètres peuvent être éventuellement modifiés. Mais nous devons avoir une approche européenne pour éviter un dumping fiscal. Pendant longtemps, une grande naïveté a prévalu en France, où l'on pensait qu'il suffisait d'imposer pour augmenter nos recettes. Nous déplorons la désindustrialisation massive de notre pays lors des quarante dernières années, mais elle est aussi liée à un décalage de notre politique fiscale par rapport à ce qui se faisait au niveau européen.

Monsieur Brun, il est vrai qu'une partie de la disparité est liée au principe de déductibilité des intérêts d'emprunt. Peut-être convient-il de conserver le principe mais de modifier les paramètres ? L'augmentation des moyens accordés au PNF constitue effectivement l'une de nos propositions. Notre administration fiscale est de très haut niveau et il convient de l'aider dans son travail.

Madame Magnier, les brevets relèvent des prix de transfert. La facturation des brevets s'effectue à partir du pays où ils sont domiciliés. Mais là aussi, il existe des règles, notamment en matière de réciprocité, grâce aux différentes directives qui ont été mises en place. Une incitation fiscale existe déjà sur les brevets en France et une entreprise comme TotalEnergies indique que l'intégralité de ses brevets sont enregistrés en France.

Madame Arrighi, le rapport d'évaluation sur le CICE réalisé par France Stratégie est assez précis.

Monsieur Tellier, la baisse de l'impôt sur les sociétés intervient après 2019, mais il n'explique pas ce qui s'est déroulé lors des dernières années. Le CIR est par ailleurs un élément d'attractivité de notre pays.

Monsieur de Courson, vous mettez le doigt sur la définition précise de l'impôt implicite. C'est la raison pour laquelle les différents instituts nous ont fourni des chiffres différents. Mais quelle que soit la définition utilisée, on constate un resserrement. Le rapport consacre d'ailleurs un long développement à ce sujet.

S'agissant de la fiscalité des grands patrons, il faut bien souligner que la majorité des entreprises du CAC 40 n'appartiennent pas à une personne ou à une famille. Ensuite, je suis favorable à regarder en détail la question des charges financières. Sur le plan international, il serait suicidaire pour notre économie de sortir du peloton. Notre rapport liste avec intérêt les directives qui conduisent à une meilleure harmonisation, même si je ne suis pas naïf : les phénomènes de contournement existent toujours.

Madame Pires Beaune, vous avez évoqué l'encadrement de la fiscalité par secteur d'activité, mais je ne suis pas sûr que cette fiscalité différente puisse être défendue d'un point de vue juridique. Je ne suis pas sûr que le rôle de l'État consiste à intervenir dans ce domaine, dans la mesure où il est normal que les taux de rentabilité diffèrent selon les secteurs, compte tenu des niveaux de concurrence et de la possibilité de localiser les activités économiques.

La commission autorise, en application de l'article 145 du règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information.

Puis la commission examine le rapport de la mission d'information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l'accession à la propriété (MM. Daniel Labaronne et Charles de Courson, rapporteurs).

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Nous en venons au second point de notre ordre du jour, qui est la présentation par Daniel Labaronne et Charles de Courson du rapport d'information de la mission d'information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l'accession à la propriété. Nous allons pouvoir écouter les rapporteurs nous présenter les conclusions de leur travail.

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En tout premier lieu, j'aimerais remercier mon collègue corapporteur Charles de Courson pour la qualité de son travail et de ses analyses. Je crois que notre travail en binôme a été fécond. J'aimerais aussi remercier l'ensemble des membres de la mission d'information qui ont nourri nos réflexions. De nombreux députés ont participé activement à nos travaux : Dominique Da Silva a aiguillé nos travaux sur la thématique du logement social et du logement des salariés. Sébastien Rome a contribué à nos réflexions sur les enjeux de rénovation du bâti dans les centres villes et centres bourgs. Philippe Lottiaux a également participé assidument à nos travaux. Nous ne serons pas d'accord sur tout, loin de là, mais ce travail collectif mérite d'être salué.

Le logement représente 38,2 milliards d'euros en 2021, hors dépenses d'administration, ce qui représente 1,5 % du PIB. Si ce niveau a été contenu depuis les années 2010, il reste très élevé. A titre de comparaison, l'Italie consacre 0,5 % de son PIB et l'Allemagne 0,45 % en faveur du logement. Et encore, ces chiffres n'incluent pas les dépenses fiscales, domaine dans lequel la France excelle. Une dépense publique élevée n'est pas un problème en soi. Mais c'est en revanche un problème de constater que les éléments d'évaluation sont tout à fait lacunaires. Une dépense aussi élevée que le taux réduit de TVA de 10 % pour les travaux d'amélioration et de transformation, qui représente une dépense fiscale de 4,5 milliards d'euros, n'a fait l'objet d'aucune évaluation depuis sa création. A-t-elle permis de lutter contre le travail non déclaré ? Contribue-t-elle à la création d'emplois ? Est-elle compatible avec la lutte contre le réchauffement écologique et la préservation de l'environnement ? Nous ne disposons d'aucun élément dans ces domaines.

Nous avons également été très étonnés du faible développement de la recherche économique : les économistes du logement en France sont si peu nombreux que nous avons presque réussir à tous les réunir dans une même salle. Il est urgent d'encourager le développement d'une recherche indépendante. Par ailleurs, beaucoup de chercheurs se heurtent au manque de données, notamment en matière fiscale. Il faut aujourd'hui développer l' open data en la matière.

Venons-en maintenant aux résultats d'ensemble. La bonne santé du logement en France semble devoir reposer sur la construction de logements neufs. Les chiffres sont parlants : nous construisons en moyenne 350 000 logements neufs par an en France. Ce chiffre est comparé aux 37 millions de logements existants, dont 30 millions en résidences principales, 3,5 millions en résidences secondaires et 3,5 millions en logements vacants. Les logements neufs représentent par conséquent moins de 1 % des logements en France. La rénovation du bâti existant devient à l'inverse un enjeu majeur, selon nous.

Alors certes, on nous dira que les logements vacants sont parfois difficiles à rénover, que de nombreux logements vacants sont dans des territoires où les gens ne veulent plus habiter. Mais notre priorité doit être donnée aujourd'hui à la remise des logements vacants sur le marché. Il s'agit à la fois d'augmenter l'offre locative abordable, répondre à l'impératif de sobriété foncière et participer à la rénovation énergétique.

Chers collègues, trop souvent on a considéré que la dépense publique devait régler le problème du logement. Or, l'expérience montre que cela ne suffit pas : il faut aujourd'hui agir sur le levier réglementaire, qui bien souvent renchérit le coût du logement. Il faut aussi faire appel aux capitaux privés, notamment pour la rénovation énergétique. La création d'une grande banque de place dédiée à la rénovation me paraît être une bonne idée pour massifier la rénovation énergétique des logements individuels ou collectifs, même si je reconnais que les banques commerciales commencent à prendre leur part dans le financement des rénovations privées.

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Je remercie à mon tour mon cher collègue corapporteur pour nos échanges constructifs, ainsi que les deux administrateurs qui nous ont grandement aidé dans la réalisation de ce rapport. Daniel Labaronne vient d'indiquer que la dépense publique ne peut seule régler la question du logement. Nous devons changer de méthode et cela passe par la territorialisation des dispositifs existant aujourd'hui en faveur du logement.

Territorialiser n'est pas seulement déconcentrer et décentraliser de façon uniforme de nouvelles compétences, même si on peut aller plus loin en la matière. C'est d'abord pouvoir donner aux acteurs locaux un pouvoir d'expérimentation et d'adaptation concernant les aides budgétaires et fiscales. Modifier les seuils, les plafonds d'aides, parfois même le calcul des aides pour mieux coller aux réalités locales.

Territorialiser consiste aussi à permettre d'adapter les zonages à l'échelle locale. On le sait, les zonages actuels ne sont plus du tout adaptés. Même avec une refonte des zonages, qui doit aboutir au plus vite, des critères nationaux ne permettent pas toujours de saisir les dynamiques à l'œuvre. Territorialiser a enfin pour objet d'inciter les collectivités locales à s'emparer des outils qui marchent : les collectivités locales peuvent bénéficier de la délégation des aides à la pierre. Celles qui mettent en œuvre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat ou des programmes d'intérêt général, connaissent une véritable dynamique en matière de rénovation.

Mais pour que les collectivités locales puissent s'engager encore davantage dans la prise en main de la politique du logement, encore faut-il qu'elles disposent de données locales fiables. Et ce n'est malheureusement pas le cas. Enfin, la territorialisation ne va pas sans la responsabilisation des collectivités territoriales : les conséquences budgétaires des modifications des zonages ou des modalités d'éligibilité et de calcul des aides ne doivent pas être assumées par l'Etat.

Nous venons de dresser à grands traits les principaux enjeux de la politique du logement qui correspondent à la première partie de notre rapport. La deuxième partie est quant à elle consacrée à différents dispositifs spécifiques. Premièrement, nous avons analysé les aides personnelles au logement qui représentent 40 % du montant total consacré au logement. Indéniablement, elles jouent leur rôle puisque le taux d'effort des 20 % des ménages les plus modestes est en France l'un des plus faibles de l'Union européenne. La contemporanéisation des aides, qui a été mise en œuvre à partir de 2021, constitue la principale réforme de ces dernières années, alliant rendement budgétaire et équité.

Un problème majeur demeure pour nous : des étudiants bénéficient des aides personnalisées au logement (APL) tout en permettant à leurs parents de bénéficier d'un avantage fiscal, comme la demi-part, la part fiscale entière ou la déduction de la pension alimentaire versée à leur enfant (plafonnée à 6 368 euros en 2023) lorsque celui-ci n'est pas rattaché à leur foyer fiscal. Un choix doit être fait aujourd'hui : soit les parents bénéficient de l'avantage fiscal, soit l'enfant étudiant bénéficie des APL. Je parlais de la territorialisation des aides : je crois qu'il pourrait être utile de permettre aux collectivités locales de moduler les plafonds de loyers à l'échelle intercommunale, à la hausse comme à la baisse, lorsqu'ils ne correspondent pas du tout à la réalité des loyers pratiqués.

Deuxièmement, nous nous sommes penchés sur les dispositifs de l'accession sociale à la propriété. A titre personnel, je regrette la disparition des APL accession : le montant budgétaire économisé a été relativement faible mais les effets sur la baisse de l'accession à la propriété des ménages les plus modestes ont été réels, comme le montre notre rapport. Concernant les prêts à taux zéro (PTZ), je comprends la nécessité de le recentrer d'un point de vue budgétaire le dispositif. N'oublions pas qu'une majeure partie des bénéficiaires du PTZ dans le neuf le sont en zone détendue. Je m'interroge aujourd'hui sur la portée qu'on souhaite donner à l'accès à la propriété : est-ce oui ou non une priorité de notre politique publique du logement ?

Le bail réel solidaire constitue un outil intéressant, mais il est complexe à mettre en œuvre et demande une stratégie foncière de long terme. Nous proposons d'augmenter les plafonds de loyers pour rendre davantage de ménages éligibles.

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Avec Charles de Courson, nous partageons un très grand nombre de constats. L'accession sociale à la propriété constitue peut-être le seul sujet sur lequel nos analyses divergent légèrement. Je ne suis vraiment pas sûr que le PTZ ait particulièrement donné satisfaction : selon le rapport de l'inspection des finances de 2019, le PTZ a un effet présumé décisif pour seulement 17 % de ses bénéficiaires. Dans la plupart des cas, il bénéfice à des ménages jeunes dont les revenus sont dynamiques et qui auraient pu accéder à la propriété, sans le PTZ, les années suivantes. Le recentrage du PTZ dans le neuf dans les zones tendues constitue en ce sens un bon compromis entre un outil utile pour le secteur et la nécessité de faire bon usage des deniers publics tout en luttant contre l'artificialisation des sols.

En dehors de l'accession sociale à la propriété, nous avons également porté notre attention sur le secteur social qui représente environ 6 milliards d'euros de dépenses publiques. Une dépense spécifique en faveur du logement social doit aujourd'hui être interrogée : il s'agit de l'exonération d'impôt sur les sociétés qui bénéficie autant aux bailleurs qui investissent qu'à ceux qui ne le font pas. Nous proposons de supprimer cette exonération et de la remplacer, à coût nul, par un dispositif ciblé sur les organismes qui investissent, par exemple, un crédit d'impôt sur les dépenses d'investissement.

Au regard des besoins en fonds propres pour faire face notamment aux besoins de financement pour la rénovation thermique, il faut que les bailleurs sociaux fassent feu de tout bois pour développer les ressources propres : la vente de logements sociaux en bloc doit aussi permettre de construire de nouveaux logements ou d'en rénover. Étendons cette possibilité aux logements PLUS pour les bailleurs qui le souhaitent. En cas de rénovation énergétique, il faut aussi systématiser le partage d'économies réalisées sur les charges entre le bailleur et le locataire.

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Le logement social est aujourd'hui confronté à une baisse très importante de la mobilité au sein de son parc. Dans ce contexte, il faut renforcer les règles visant à contraindre les ménages aisés à le quitter. Il faut baisser le plafond à partir duquel le supplément de loyer de solidarité (SLS) s'applique et le calculer à partir de l'écart entre le loyer de marché et les plafonds de loyer du parc social et diminuer le seuil à partir duquel une sortie du parc HLM est obligatoire. En région parisienne, les loyers de marché sont deux à trois fois supérieurs aux loyers des logements sociaux. Est-il normal que quelqu'un à 120 ou 140 % de revenus par rapport au plafond éligible ait un SLS aussi faible ? Nous proposons aussi d'abaisser le seuil à partir duquel la sortie du parc est obligatoire, qui est actuellement de 150 %.

Si on veut favoriser la mobilité, il faut aussi créer une offre abordable pour les ménages qui ne peuvent pas prétendre au logement social mais pour lesquels les loyers du marché sont trop élevés, notamment en zone tendue. Nous soutenons l'idée de renforcer le logement locatif institutionnel intermédiaire, en élargissant le nombre de communes éligibles, en assouplissant le cadre réglementaire, et en sollicitant l'épargne privée. Cependant, il faudra veiller à renforcer le contrôle a posteriori du respect des plafonds de loyers et de revenus.

Le soutien au logement locatif institutionnel s'impose car le dispositif « Pinel » n'a pas donné satisfaction et s'est révélé beaucoup trop coûteux. Ne revenons pas sur sa mort programmée à partir de 2025. À titre personnel, je reste cependant persuadé qu'il faut revoir de fond en comble la fiscalité locative : ces derniers temps, on a largement évoqué la fiscalité des meublés de tourisme, que nous devons évidemment aligner au minimum sur la fiscalité des meublés d'habitation.

Mais je crois qu'il faut aujourd'hui repenser le statut du propriétaire bailleur. Notre collègue Jean-Paul Mattei a partagé certaines propositions sur ce sujet. Elles devraient être expertisées. Elles visent à sortir de l'assiette de l'impôt sur le fortune immobilière (IFI) la valeur des nouveaux logements financés par des personnes privées pour faire du logement locatif, à mettre sous prélèvement forfaitaire unique les revenus fonciers liés à ces logements et à calculer les plus-values immobilières relatives à ces nouveaux logements selon des règles de droit commun.

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J'en termine en évoquant un opérateur important dans cette politique publique du logement, Action Logement. Avec Charles de Courson, nous saluons la nouvelle convention quinquennale qui permettra de mobiliser 14,4 milliards d'euros entre 2023 et 2027. Le groupe Action Logement est né il y a six ans. Les critiques nombreuses adressées au groupe – les frais de gestion seraient trop élevés, la gouvernance serait opaque – doivent aussi être nuancés au regard de la jeunesse de cet acteur. Action Logement a su répondre présent en investissant plus de 24 milliards d'euros en cinq ans. Son rôle va croître encore avec l'élargissement de la garantie Visale ou le développement du logement locatif intermédiaire institutionnel.

Cela dit, la question du lien direct entre la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) et le logement des salariés est toujours posée. L'effort des entreprises est-il suffisamment ciblé vers les salariés ? Les entreprises sont-elles en mesure de savoir où va leur argent ? Nous soutenons l'idée d'un recentrage d'Action Logement à partir de 2027 sur son objectif premier : aider les salariés à se loger.

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Je vous remercie pour ce travail important. Je considère que la question du logement est devenue encore plus centrale qu'au début de cette mission. Cette question constitue sans doute la prochaine « bombe » dans ce pays, tant les difficultés sont grandes, notamment en termes d'accession à la propriété et de rénovation.

Parmi les mesures d'économies qui pourraient être proposées dans le prochain projet de loi de finances, plusieurs concernent le secteur du logement. Je suis assez d'accord pour la suppression de la niche Pinel, mais il faut s'interroger sur l'attribution de moyens supplémentaires, notamment pour les logements sociaux.

La remise sur le marché des logements vacants constitue effectivement un grave problème, notamment dans les zones tendues. Comment peut-on corriger la situation ? Ensuite, j'ignore si la proposition de dérogation pour les collectivités locales en matière d'outils fiscaux et budgétaires concerne également les zones tendues en raison de leur nature touristique. Nombre de résidents de ces zones ne peuvent plus continuer à vivre « chez eux », compte tenu du prix des logements.

Vous indiquez d'un côté que la France dépense beaucoup plus pour le logement que ses voisins européens, environ 1,3 % du PIB. Mais simultanément, vous indiquez que les données comparatives ne sont pas fiables. Sommes-nous vraiment sûr que la France dépense plus que ses voisins européens en la matière ?

Vous proposez que les économies d'énergie liées à une opération de rénovation énergétique soient mieux partagées entre le bailleur social et le locataire. Est-il vraiment souhaitable que, dans un contexte de hausse du coût de l'énergie, un ménage modeste du parc social assume une hausse supplémentaire de son loyer ? Ne faut-il pas juste aider davantage les bailleurs sociaux à rénover ?

Enfin, vous souhaitez supprimer l'exonération d'IS dont bénéficient les bailleurs sociaux pour la remplacer par un crédit d'impôt. Quels seraient l'assiette et le taux de ce crédit d'impôt ? S'agissant de la rénovation thermique et des aides proposées par l'État, avez-vous envisagé la piste de prêts hypothécaires remboursables au moment de la revente ou du décès des personnes plutôt que des subventions « sèches », en tout cas pour certains propriétaires ?

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Nous avons découvert que le nombre de logements vacants s'est considérablement accru en France : il a augmenté de plus d'un million pour atteindre 3,2 millions contre 2 millions il y a quinze ans. Les causes sont multiples. Certains de ces logements ne disposent pas de conditions de confort suffisantes leur permettant d'être loués. Les phénomènes d'indivision et de succession doivent également être mentionnés.

Par ailleurs, le pourcentage de logements vacants est en moyenne de 6 %, mais il est très variable selon les zones. Cependant, l'augmentation globale du taux de vacance concerne aussi les zones tendues, par exemple en raison du coût de réhabilitation et de remise aux normes. Il nous semble donc nécessaire d'approfondir ce sujet, dans la mesure où la rénovation des logements coûte moins cher que la construction de logements neufs.

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La vacance est effectivement un phénomène complexe et multicausal, en raison de l'âge des propriétaires, de l'emplacement des logements ou de la difficulté de procéder aux rénovations.

Cependant, nous pensons que le plan national de lutte contre les logements vacants initié en 2021 n'est pas suffisamment connu, porté et déployé. Face à la problématique mise en avant par la filière du bâtiment et les promoteurs concernant les logements neufs, nous estimons que ces derniers ne sont qu'une des composantes de la situation. En effet, l'importance des logements vacants est indéniable. Si 10 % de ces logements vacants étaient mis sur le marché, cela correspondrait au nombre des 350 000 logements neufs produits en moyenne chaque année.

Par ailleurs, les EPCI qui ont la compétence en matière de logement et doivent mettre en place des programmes locaux de l'habitat, peuvent conventionner avec l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour mettre en place des opérations programmées de l'amélioration de l'habitat (OPAH). À ce niveau fin et territorialisé, il est possible de repérer les logements indignes, les logements insalubres et les logements vacants. On nous a indiqué que ce type d'opérations portées par l'Anah fonctionnait bien. Il est donc possible d'allier une approche « macro » à une approche « micro », plus territorialisée.

M. le président Coquerel, nous traitons la question de la fiscalité des logements meublés. Les données internationales ne sont pas toutes harmonisées et un rapport de l'IGEDD sur la comparabilité des données statistiques en matière de politiques publiques du logement sera d'ailleurs publié cet automne. Lorsqu'un logement HLM sera rénové, des économies seront obtenues en volume, mais la facture restera la même, compte tenu de la hausse des coûts l'énergie.

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Cet aspect ne concerne pas que les logements sociaux mais l'ensemble des logements loués. La loi le permet, mais cela est peu appliqué, en raison de la complexité du dispositif. Il faut ainsi signer une convention préalable aux travaux pour se mettre d'accord sur le partage des économies entre le propriétaire et le locataire.

Je rappelle que les aides en faveur des économies d'énergie sur les logements sociaux sont considérables par rapport aux logements non sociaux, qui sont à la fois plus nombreux et dont l'état est plus dégradé. Nous sommes parmi les trois nations qui investissent le plus de fonds publics dans le logement. À ce titre, les APL sont l'un des facteurs les plus importants du différentiel, puisqu'elles sont modestes voire inexistantes dans certains pays.

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M. le président, l'exonération d'impôt sur les sociétés représente un montant de 800 millions d'euros pour l'État. S'agissant des prêts hypothécaires, le prêt accession rénovation (PAR) fonctionne mal : seulement 137 dossiers ont été déposés l'année dernière, en raison des conditions d'octroi restrictives. Dans la proposition que je formule en faveur d'une grande banque de la rénovation énergétique, à l'image de la BPI, il serait imaginable que cela soit adossé sur des prêts hypothécaires. Le bénéficiaire paierait les intérêts, et un remboursement du capital avancé pour l'opération de rénovation interviendrait au moment de la cession ou de la succession.

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Je souhaite revenir sur l'idée de la substitution de l'exonération d'IS par un crédit d'impôt pour un montant équivalent. S'agissant de l'assiette, l'idée est que le crédit d'impôt porterait sur un pourcentage des investissements, comme par exemple les travaux neufs. Il n'est pas normal que des organismes logeurs qui n'investissent plus, parfois d'ailleurs car ils ne disposent pas de terrains constructibles mais parfois aussi par simple inaction comme dans le cas des « dodus dormants », bénéficient de cette exonération. En droit constitutionnel français, une exonération doit avoir une contrepartie. Aujourd'hui, quelle est la contrepartie d'une exonération d'IS d'un organisme qui investit peu ou pas ? Il n'y en pas.

Nous proposons de remplacer ce mécanisme par un crédit d'impôt qui « dope » les organismes logeurs qui vont de l'avant et investissent. L'exonération fiscale doit être utile.

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Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du rapport, riche et précis, présenté par les rapporteurs Labaronne et de Courson. Mon intervention porte sur trois points évoqués dans votre rapport. Le premier concerne les taux réduits de TVA à 10 % pour les travaux d'amélioration et de transformation qui représentent une dépense de 4,5 milliards d'euros. Comme la Cour des comptes l'a rappelé à plusieurs reprises, votre rapport pointe que les éléments d'évaluation de cette dépense sont tout à fait lacunaires et ne permettent pas de savoir si les objectifs recherchés, tels que la lutte contre le travail non déclaré et la rénovation énergétique, sont atteints. Pire, selon la Cour des comptes, ces dépenses seraient disproportionnées par rapport aux objectifs. Vous proposez donc à juste titre une véritable évaluation de ces dépenses, vos auditions vous ont-elles permis de faire émerger des pistes pour rationnaliser cette dépense ?

Le deuxième point concerne les APL en faveur des étudiants qui représentent un dispositif de soutien important, dont le coût est évalué à 1,5 milliard d'euros par an et qui sont versés sans conditions de ressources. Ce régime dérogatoire spécifique soulève la question de l'équité entre familles modestes et familles aisées qui bénéficient de la même façon de l'APL et de l'avantage fiscal. Votre mission vous a-t-elle permis d'évaluer le nombre de familles concernées ? Seriez-vous favorable à un fléchage de ce dispositif sous condition de ressources ?

Enfin, ma dernière question concerne le nombre de logements vacants qui a augmenté de 55 % en quinze ans, atteignant 3,2 millions en 2022. La remise sur le marché de ces logements, notamment à travers leur rénovation, demeure donc un chantier majeur. En ce sens, la taxe sur les logements vacants s'applique de droit depuis le 1er janvier 2023 dans toutes les communes qui connaissent des tensions locatives, dont notamment les communes touristiques. Pensez-vous cette taxe est suffisante dans sa forme actuelle ? Avez-vous pu éventuellement identifier d'autres pistes permettant une remise sur le marché locatif plus efficace des logements concernés ?

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Je voudrais tout d'abord saluer le travail de qualité réalisé par les rapporteurs, à l'issue de nombreuses auditions. Nous pouvons partager beaucoup d'éléments de ce rapport, d'abord sur le constat d'une politique pas assez évaluée et à l'efficacité discutable, mais aussi sur plusieurs propositions. Je ne les citerai pas toutes, mais mentionnerai la pause réglementaire, la révision du zonage et la territorialisation, la réduction du délai de non-taxation des plus-values et, plus largement, le fait de refaire de l'accession, notamment sociale, à la propriété un enjeu politique majeur, sur les mesures pour permettre une meilleure rotation du parc social, la relance du logement intermédiaire ou encore la refonte de la fiscalité de la location.

Cependant, nous avons plusieurs désaccords et regrettons l'absence de certains sujets. Je retiendrai trois points de désaccord. Tout d'abord, si la réduction du nombre de logements vacants doit être recherchée, comme le souligne le rapport, la construction neuve ne peut pas être considérée comme une « infime part » de la problématique. Elle a au contraire toute sa place et doit être relancée. La question des logements vacants doit par ailleurs s'accompagner d'une politique de lutte contre la désertification de certains territoires et de mesures pour redonner aux propriétaires l'envie de louer.

Ensuite, le recentrage du prêt à taux zéro, que vous validez, alors même que c'est bien aujourd'hui, quand les taux remontent, que ce prêt est utile. Le « recentrage », qui exclut à tort le neuf, donne l'impression que le gouvernement vous prête un parapluie quand il fait beau mais le reprend quand il pleut.

De plus, nous ne pouvons pas valider la suppression du dispositif Pinel, même s'il avait ses défauts, sans solution de remplacement telle que la création d'un statut du propriétaire bailleur évoqué à juste titre dans le rapport, et surtout en pleine crise de la construction. Cette crise est d'ailleurs un des trois thèmes dont on peut regretter l'absence dans le rapport. On ne peut pas faire comme si elle n'existait pas, elle est majeure et préoccupante, et il eût été intéressant de proposer quelques mesures conjoncturelles d'urgence pour relancer la construction. Ensuite, la question des impacts des diagnostics de performance énergétique (DPE) et du risque de sortie de centaines de milliers de logement du marché de la location aurait méritée d'être abordée.

Enfin, il semble indispensable aujourd'hui de trouver des mesures encourageant les maires à construire, comme le reversement d'une part de la TVA, qu'on ne peut balayer d'un revers de main, et aussi pour les encourager à construire du logement social, ce qui nécessite de leur donner un plus grand pouvoir en termes d'attribution, au bénéfice des demandeurs locaux. C'est aujourd'hui indispensable.

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Le travail des rapporteurs met en lumière l'existence de nombreux dispositifs qui ne bénéficient pas d'évaluation et ne répondent pas à l'urgence à laquelle font face 3,8 millions de personnes qui sont mal logées en France.

Les acteurs du logement ont indiqué que le gouvernement n'était pas à la hauteur des dispositions qu'il est nécessaire de mettre en place. Pour ma part, je me suis donné comme mission d'alerter sur le sujet des logements anciens au cœur des centres-villes anciens. On y trouve du logement social « de fait », c'est-à-dire du logement insalubre, mais qui est immédiatement accessible, peu onéreux et proche de nombreux services accessibles.

Je propose l'expérimentation de baux réels solidaires (BRS) dans les centres-villes anciens. Ils présentent plusieurs avantages, dont la rénovation globale et une mixité de logements. Il est également nécessaire d'avoir un taux de TVA identique, qu'il s'agisse de la rénovation d'un local commercial ou du logement situé au-dessus. Vous n'avez pas suffisamment parlé de la question du foncier. Quelles sont les différentes difficultés, mais aussi les réponses existantes pour traiter cette question majeure du foncier ?

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Votre rapport intervient à un moment où la construction de logements est quasiment à l'arrêt et il importe donc de ne pas minorer la part de logements neufs à l'avenir. De fait, le logement devient bien souvent une assignation à résidence, quand il était question naguère d'un « parcours résidentiel ».

Ensuite, depuis un certain temps, il existe un décalage croissant entre les aspirations des Français (l'accession à la propriété et la maison individuelle) et les politiques publiques, qui promeuvent l'inverse, comme la fin du PTZ. Par ailleurs, vos propos sur la territorialisation me semblent pertinents. J'insiste sur le découragement des propriétaires bailleurs, à travers l'IFI, l'absence de flat tax et la montée de l'impôt foncier qui se substitue à la disparition de la taxe d'habitation. Nous constatons enfin l'échec de MaPrimeRénov, dont la mécanique doit être modifiée.

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Le rapport que vous nous présentez aujourd'hui mentionne que des dépenses fiscales importantes n'ont pas fait l'objet d'évaluations notables depuis plus de dix ans, à l'instar du taux réduit de TVA pour les travaux d'amélioration, qui représente plus de 4,5 milliards d'euros de dépenses. D'après vous, comment pouvons-nous renforcer l'évaluation des dispositifs et mettre en place des mécanismes plus rigoureux pour mesurer leur impact réel sur les objectifs fixés ? De plus, il semblerait que la recherche économique soit limitée ce qui ne facilite pas le travail d'évaluation, comment promouvoir et développer la recherche dans ce domaine selon vous ?

D'autre part, comment envisageriez-vous d'adapter et de redéfinir les critères d'éligibilité du PTZ afin de garantir une véritable accessibilité pour les ménages modestes, notamment en ce qui concerne les plafonds de ressources, les zones géographiques éligibles et les conditions de remboursement ? D'après vous, quelles mesures ou dispositifs complémentaires permettraient de stimuler l'accession sociale à la propriété et favoriser une relance durable du secteur immobilier ?

Enfin, vous savez que la crise que traverse aujourd'hui le secteur du logement est un sujet de préoccupation majeur du groupe démocrate. Alors qu'il y a quelques jours une mission d'information a été lancée sur le sujet grâce à notre droit de tirage pour approfondir les nouveaux dispositifs à envisager de manière transversale, nous avions déjà proposé dans le cadre du PLF pour 2023 des mesures fiscales en faveur du logement, comme la création d'un statut de l'investisseur immobilier. Il s'agirait de faire en sorte que ce statut permette de bénéficier de la flat tax pour l'imposition des revenus fonciers sous conditions écologiques et sociales. Une autre de nos propositions serait de retirer de l'assiette de l'IFI les biens loués à plus d'un an répondant à des critères environnementaux et sociaux afin d'encourager l'épargne placée dans l'immobilier vers des produits plus vertueux. Que pensez-vous de ces deux propositions ?

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Votre rapport démontre que la multiplicité des dispositifs résulte du renoncement de l'État à mener par lui-même une politique du logement et la délègue à un certain nombre d'acteurs, qu'ils soient privés ou publics. Une des pistes consisterait donc à faire assumer par l'État une telle politique, notamment pour les biens vacants, particulièrement dans la ruralité. En effet, je ne crois pas à l'idée selon laquelle on arriverait à résoudre les très nombreuses vacances par le simple truchement de politiques d'aménagement de l'habitat.

Parmi les 3,2 millions de biens cités par M. de Courson, la très grande majorité figurent dans les centre-bourgs ruraux, mais les communes et les offices n'ont pas les moyens de les rénover et les promoteurs ne s'y intéressent pas. À Louviers, le taux de vacance des logements est par exemple de 12 % en centre-ville. Il est donc nécessaire de créer une agence nationale de rénovation rurale, qui permettrait de mener à bien une politique du logement ambitieuse.

Par ailleurs, je souscris aux propositions qui sont faites en matière d'APL et de territorialisation. Quelle est votre position sur la taxation des loyers implicites des propriétaires occupants ? À quoi le pic de vacance des logements sur les périodes 2006-2011 et 2011-2016 est-il attribué ?

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Vous observez dans la première partie du rapport que le coût du logement en France est élevé et comporte des aides à la pierre et des aides à la personne. Parmi ces niches fiscales avec TVA réduite, l'une d'entre elles avait été imaginée pour lutter contre le travail au noir. Les 40 milliards évoqués rassemblent un grand nombre d'éléments, avec des objectifs parfois différents.

Ensuite, un certain nombre de vos propositions coûtent également très cher. Cela semble dire qu'on ne peut agir sur le logement qu'en lui associant de la dépense publique. M. Labaronne propose la création d'une banque de rénovation énergétique, mais il faudra bien sortir du cash et les hypothèques ne sont pas gratuites.

Vous proposez également de donner une seconde vie au patrimoine HLM lorsqu'il a plus de quarante ans, en l'exonérant de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui constitue une recette pour les communes et les intercommunalités, mais qui compensera ? Sans doute l'État. Une autre de vos propositions porte sur la nécessité de soumettre à l'impôt sur les sociétés les organismes HLM, mais peut-être faudrait-il leur retirer la réduction du loyer de solidarité (RLS).

Je partage votre point de vue sur la nécessité de territorialiser les politiques du logement et l'on s'aperçoit que les maires disposent des documents de programmation dans ce domaine. Pourquoi n'êtes-vous pas allés jusqu'à imaginer la décentralisation de la compétence logement et hébergement ?

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Vous notez que le nombre de logements vacants a augmenté de 55 % entre 2005 et 2021 et préconisez de fixer comme objectif prioritaire la remise sur le marché de logements vacants. Que proposez-vous pour y parvenir, hormis la suppression des conditions de ressources encadrant le prêt avance rénovation ? L'augmentation de la taxe sur les logements vacants ne fait-elle pas partie des solutions ?

Ensuite, les réformes mises en œuvre depuis 2017 ont conduit à une diminution de 4 milliards d'euros des APL, que nous déplorons compte tenu des difficultés des ménages. Vous préconisez de clarifier le non-cumul de l'avantage fiscal des parents et le bénéfice des APL pour les enfants étudiants. Nous ne pouvons que soutenir cette proposition mais regrettons que vous ne fassiez aucune préconisation pour redéployer ces économies et augmenter les APL.

Enfin, le nombre de demandes de logement social est en constante augmentation (+7 % par rapport à 2021). Cette hausse s'explique en partie par la baisse du taux de rotation au sein du parc social. Vous préconisez de baisser les seuils de ressource à partir desquels s'appliquent les surloyers mais avez-vous d'autres recommandations ? Surtout, il faut encourager la rénovation et parfois la construction de logements sociaux. Quelles sont vos propositions, au-delà du crédit d'impôt sur les investissements, qui risque fort de se traduire surtout par une nouvelle ponction sur les bailleurs sociaux, puisque vous proposez de supprimer l'exonération d'IS dont ils bénéficient.

En conclusion, même s'il faut souligner l'intérêt de nombre de vos propositions, nous regrettons que votre rapport soit essentiellement orienté vers les économies à réaliser en matière de dépenses publiques sur le logement et non vers la réponse nécessaire à apporter aux ménages qui sont de plus en plus nombreux à ne pas pouvoir se loger décemment, surtout en région parisienne.

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Le dispositif Pinel est très critiqué mais j'entends de nombreux professionnels me dire le contraire. Selon eux, il est indispensable pour favoriser la politique du logement et il a rapporté des rentrées fiscales non négligeables.

Ensuite, je souhaite évoquer les zones tendues, notamment en Corse où la population augmente de 4 000 à 5 000 habitants chaque année. Il existe des retards en matière de politique du logement, mais il faut également déplorer une spéculation extraordinaire que vous ne soupçonnez même pas. Cette spéculation est un bulldozer qui ravage tout, y compris les rapports sociaux. Je ne reconnais plus le village dans lequel je vis. Existe-t-il des moyens permettant de favoriser le logement tout en maîtrisant la spéculation ? Il existe bien d'autres réponses, mais elles ne sont pas très légales.

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Je veux également saluer la qualité de votre rapport de 200 pages, mais aussi le travail de la mission d'information à laquelle j'ai eu plaisir de participer. Ce rapport est une référence utile pour appréhender la complexité des mécanismes de dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement. Vous connaissez mon intérêt particulier pour le lien emploi-logement en faveur des salariés les plus modestes et le logement social qui bat des records de demandes. Une des recommandations de ce rapport préconise une réflexion autour d'un recentrage des emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) sur le besoin des entreprises contributrices en faveur de leurs salariés.

Il est rappelé que 253 000 entreprises d'au moins dix salariés, soit 17 millions de salariés peuvent potentiellement bénéficier des emplois de la PEEC. En 2022, le groupe Action logement a délivré 805 000 aides et services aux salariés de ces entreprises pour 1,3 milliard d'euros dont 105 241 attributions locatives, soit seulement 0,6 % de la cible de salariés.

Or les ressources totales de la PEEC en 2021, incluant les retours de prêts, s'établissent à près de 2,6 milliards d'euros, soit le double des moyens délivrés l'année suivante. Cette réflexion pour un recentrage de la PEEC que vous appelez de vos vœux est pour moi une priorité. Comment et quand engager cette réflexion pour qu'un maximum de salariés soient concernés ?

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Je m'associe aux remerciements adressés à nos deux corapporteurs. Vous n'avez pas évoqué le Portrait social édité en 2021 par l'Insee au sujet du logement. Il y est indiqué que 24 % de ménages détiennent 68 % des logements et que 3,5 % des ménages détiennent la moitié des logements en location. Que vous inspire cette concentration, qui doit beaucoup aux niches fiscales supportées par le budget de l'État ?

Ensuite, je suis totalement opposée au recentrage du PTZ. Dans la métropole de Clermont-Ferrand qui regroupe 21 communes, seules deux d'entre elles sont éligibles au PTZ. En conséquence, le PTZ agit sur le prix des loyers et fait encore augmenter le prix du foncier. Cette métropole est frontalière d'une communauté d'agglomérations qui n'est pas éligible au PTZ. Pourtant, pas une semaine ne se passe sans que quelqu'un ne vienne dans mon bureau pour soutenir une demande de logement sur cette agglomération. Il faut faire preuve de cohérence : soit on supprime le PTZ pour tout le monde, soit on le propose à tout le monde.

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Avez-vous réfléchi à un dispositif en remplacement de l'aide Mobili-Pass, qui va disparaître ? Je souhaite également évoquer les avantages fiscaux dont bénéficient la location meublée touristique de courte durée. En zone de montagne, une disparition de l'abattement pourrait entraîner des conséquences dramatiques. Par ailleurs, j'aime l'idée qui consiste à défendre le maire-bâtisseur.

Enfin, avez-vous regardé la différence de fiscalité sur les frais de notaires entre les marchands de biens et les autres acquéreurs ? Sur certaines grosses opérations de réhabilitation, la différence est telle qu'elle se chiffre en millions, empêchant certaines collectivités d'intervenir par manque de moyens.

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Le taux réduit de TVA à 4,5 % sur les travaux de rénovation énergétique (2 milliards d'euros) n'est pas le seul : il convient aussi de mentionner le taux réduit de 10% pour les travaux entrepris sur les logements de plus de deux ans (4 milliards), le taux réduit de 10 % pour certaines opérations relatives aux logements locatifs sociaux, le taux réduit de 5,5 % pour le prêt social location-accession. Au total, 10 milliards d'euros de réduction de taux de TVA n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque évaluation. Nous plaidons en faveur de la réalisation d'une étude sérieuse dans ce domaine. À cet égard, nous avons appris que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) allait effectuer une étude, qui sera publiée à l'automne et dont les conclusions devront être scrutées.

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Sur ce sujet, un immense problème d'évaluation de la baisse des taux de TVA est patent. La question porte en réalité sur les bénéficiaires de ces baisses. Certains considèrent que les petites baisses sont captées par les producteurs ou les distributeurs. La grande difficulté consiste donc à savoirs si la baisse du taux de TVA entraîne réellement une baisse du prix de revient TTC. De fait, les études économiques montrent une captation, souvent de la part des producteurs. Le rapport du CPO nous met en garde sur la manipulation des taux de TVA qui n'aboutissent pas à l'objectif poursuivi.

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Ensuite, vous avez été nombreux à évoquer les logements vacants, pour lesquels il existe deux taxes. Dans le détail, les conditions sont tellement restrictives que les taxes ne sont pas ou peu opérationnelles. Je plaide donc pour la mise en place d'un dispositif fiscal très dissuasif, notamment à l'occasion de la loi de finances.

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La taxe sur les logements vacants pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, elle ne peut être levée que dans des zones tendues. Or les logements vacants sont répartis un peu partout sur le territoire. Ensuite, le niveau de la taxe n'est pas dissuasif, notamment lorsque l'on le compare à un loyer mensuel. Certains plaident en faveur d'une forte augmentation, pour contraindre les intéressés à vendre. Mais le problème est plus compliqué, compte tenu de la diversité des raisons expliquant les vacances.

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Dans le cadre du plan de relance, un dispositif a été mis en place pour aider les maires densificateurs. En 2022, l'aide a été ciblée vers les communes qui construisaient beaucoup, mais seulement 530 communes sur les 1 070 qui s'étaient engagées en 2022 ont bénéficié de cette aide. Seulement 141 millions ont été dépensés : la carotte budgétaire n'est pas suffisante pour inciter les maires à construire. D'autres raisons inhibent les maires dans leur démarche de construction.

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Notre rapport s'interroge pour savoir si le système fiscal français incite à la rétention foncière. Dans le cadre d'une réflexion d'ensemble, ne faudra-t-il pas remettre dans le droit commun les plus-values foncières ? Je partage l'opinion de notre collègue Mattei, mais dans une réforme d'ensemble.

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La question d'une agence nationale de rénovation rurale a été évoquée par certains d'entre vous. J'estime que la capacité d'offres de logement ne doit pas se limiter uniquement au développement des zones économiques. Il faut aussi s'intéresser à la question du logement en milieu rural.

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La création d'une agence nationale n'est pas forcément la panacée pour effectuer ce travail de dentelière. Je pense qu'il faut plus s'appuyer sur les élus locaux, à travers des opérations renforcées, c'est-à-dire cette idée de territorialisation, qui est partagée par de nombre de courants politiques. Les possibilités existent mais il faut les amplifier. Je ne pense pas pour autant qu'il faille aller jusqu'à la décentralisation, dans la mesure où l'État a une responsabilité en matière de fiscalité nationale.

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La question du statut de propriétaire bailleur a été évoqué par certains d'entre vous. Ce dispositif serait très coûteux (4,5 milliards d'euros) et l'efficacité des effets de leviers est difficilement mesurable. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas retenu ce dispositif dans nos recommandations, qui sont au nombre de quarante.

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La taxation des loyers implicites existait jusqu'en 1963. Mais aujourd'hui, vouloir taxer les loyers fictifs entraînerait une révolution. Au-delà, une question essentielle consiste à savoir s'il faut encourager l'accession à la propriété. J'en suis persuadé pour des raisons économiques, mais aussi sociales de responsabilisation. En résumé, je pense que dissuader l'accession à la propriété est une mauvaise idée.

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M. Brun a évoqué la question de l'État délégataire. Dans mon territoire, un grand acteur privé du logement, qui a d'ailleurs été député pendant un certain nombre de mandats, estime qu'il faudrait nationaliser la question des HLM et faire en sorte qu'ils soient sous la responsabilité et l'autorité des préfets.

M. Jolivet, nous proposons effectivement de nouvelles dépenses, mais également des pistes d'économies. La banque de rénovation ne coûte pas nécessairement beaucoup d'argent. La proposition d'exonération de taxe sur le foncier bâti pour les opérations de seconde vie coûterait de l'argent, mais serait un moyen d'inciter les maires à s'engager dans cette direction. Enfin, le RAS coûte 1,3 milliards d'euros mais il est piloté à Bercy.

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Aujourd'hui, l'exonération d'IS est estimée à 800 millions d'euros, contre un peu plus d'un milliard il y a cinq à six ans.

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Mme Sas, notre rapport ne se préoccupe pas uniquement d'économies, mais surtout d'une meilleure efficacité de la dépense publique. Nous nous préoccupons également de certaines questions d'équité (APL contre la demi-part fiscale par exemple) et cherchons à mettre en évidence des priorités sur la politique publique du logement. Nous essayons de proposer des outils sur la question de la rénovation énergétique. Mais notre rapport ne porte pas spécifiquement sur cette dernière question. Nous nous sommes concentrés sur les dépenses budgétaires et fiscales en lien avec le logement.

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La loi sur le DPE est inapplicable et devra être modifiée. Par exemple, à Paris intramuros 40 % des logements sont de classe E, F ou G.

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Des questions ont porté sur la fiscalité. En fin de compte, le logement est beaucoup taxé et fait l'objet d'un grand nombre d'exonérations fiscales. Ne pourrait-on pas adopter une approche plus simple et plus efficace, qui consisterait à la dois à moins taxer le logement et à moins exonérer ? À ce titre, un certain nombre de niches fiscales s'éteignent à la fin de l'année et il serait opportun de nous mettre d'accord pour ne pas les proroger.

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Selon les notaires que nous avons interrogés, le dispositif Pinel enrichit les promoteurs : un logement « pinelisé » est plus cher qu'un logement équivalent du parc privé.

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Mme Ferrari, je crains qu'un dispositif ciblé « zone de montagne » ne soit pas constitutionnel. M. Castellani, de nombreuses études ont montré que le dispositif Pinel n'avait pas atteint les objectifs initiaux. Les évaluations ont montré qu'il fallait y mettre un terme.

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La plupart de groupes partagent notre analyse sur l'APL. Mais je me rappelle qu'il y a vingt-cinq ans, nous avions déjà essayé de faire passer cette mesure, que la commission des finances avait appuyé. Mais nous nous étions faits rabroués par nos collègues en séance publique, et le gouvernement ne nous avait pas suivi.

S'agissant des meublés touristiques, nous ne proposons pas la suppression des 71 %, mais de les ramener aux 50 % des meublés non classés. Le problème des plafonds doit aussi être évoqué, puisqu'ils sont très élevés pour les meublés touristiques et beaucoup moins pour les meublés non touristiques.

Enfin, nous n'avons pas abordé la question de la fiscalité des marchands de bien dans notre rapport. Mais la question de l'éligibilité au droit de préemption urbain fait également partie de l'équation.

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Je vous remercie pour le travail effectué.

La commission autorise, en application de l'article145 du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 9 heures

Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, Mme Christine Pires Beaune, M. Sébastien Rome, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - M. Manuel Bompard, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, Mme Stella Dupont, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic, M. Charles Sitzenstuhl

Assistait également à la réunion. - M. Pierre Cordier