Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 13h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 25 octobre 2023

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,

La séance est ouverte à 13 heures 33.

I. Non-renouvellement de l'autorisation du glyphosate au sein de l'Union européenne : examen de la proposition de résolution européenne (n° 1671 rect.) de Mme Delphine BATHO et plusieurs de ses collègues (Mme Delphine BATHO, rapporteure)

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Nous nous retrouvons aujourd'hui pour l'examen de deux textes. Nous allons commencer par une proposition de résolution européenne relative à la question du glyphosate de notre collègue Delphine Batho, nouvellement membre de la commission. Pour cette occasion, Delphine Batho va rapporter le texte dont elle est à l'origine tendant à prescrire le non-renouvellement de l'utilisation du glyphosate au sein de l'Union européenne. Chère collègue, je vous laisse la parole.

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Merci Monsieur le Président d'avoir permis l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de résolution dans un délai compatible avec la discussion en cours au niveau européen. Je voudrais remercier aussi tous les collègues de différents groupes qui se sont associés au dépôt de cette proposition de résolution.

Chers collègues, l'Union européenne doit se prononcer de façon imminente sur une nouvelle autorisation du glyphosate. Chacune et chacun se souvient des conditions dans lesquelles la France avait, à juste titre, voté contre le renouvellement de l'autorisation de cette substance en 2017.

Ce contexte était celui d'un doute sérieux et de vives inquiétudes sur le plan scientifique concernant les conséquences du glyphosate pour la santé humaine. Le Centre international de recherche sur le cancer, organisme de recherche fondé par le Général de Gaulle et référence internationale incontestée en matière de substance cancérogène, avait classé le glyphosate en mars 2015 comme cancérogène probable, qualification qui n'avait pas été retenue ni reconnue par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, dite EFSA, et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

Il y avait par ailleurs un problème démocratique évident, lié à la découverte des « Monsanto Papers » sur les stratégies d'influence de la firme concernée, rachetée en 2017 par Bayer, et la découverte que des pans entiers du rapport d'évaluation du BfR, organisme de recherche allemand travaillant pour le compte de l'EFSA, n'étaient autre que des copiés-collés des rapports de Monsanto.

Cette situation, et notamment la divergence entre les instituts scientifiques académiques et les agences européennes, aurait dû alimenter un débat démocratique légitime et approfondi, et déboucher sur une refonte profonde de la procédure d'évaluation des pesticides. Il n'en a rien été. Les recommandations de notre Assemblée, au travers du rapport remarquable de l'OPESCT de mai 2019 de nos collègues Philippe Bolo et Anne Genetet, n'ont pas entraîné de refonte du système.

Le débat sur l'autorisation de la substance glyphosate revient aujourd'hui dans des conditions qui sont en bien des points comparables à celles de 2017.

Il y a néanmoins des éléments nouveaux sur le plan scientifique.

En ce qui concerne les conséquences du glyphosate pour la santé humaine, le rapport de l'INSERM de juin 2021, qui fait autorité sur le sujet des impacts des pesticides sur la santé humaine, a confirmé les inquiétudes.

Le niveau de présomption d'un lien entre le glyphosate et un certain type de cancer, le lymphome non hodgkinien, pour les expositions professionnelles, a été relevé de « faible » à « moyen », l'INSERM parlant d'une « association significative ».

L'INSERM a aussi mis en évidence des dommages génotoxiques, l'induction d'un stress oxydant (qui participe aux pathologies neurodégénératives) et des propriétés de perturbation endocrinienne. Le fait que la polémique se centre sur le caractère cancérogène du glyphosate ne doit pas occulter d'autres effets sanitaires importants, dont la perturbation endocrinienne, une toxicité mitochondriale, un mode d'action épigénétique du glyphosate observé dans cinq études, des effets sur le microbiote, sur la base d'études dont l'EFSA n'a pas tenu compte et des effets neurotoxiques, qui ont été confirmés par une récente étude aux Etats-Unis

Par ailleurs, comme vous le savez, le Fonds d'indemnisation des victimes des pesticides (FIVP) a reconnu il y a un an un possible lien de causalité entre les malformations de Théo Grataloup et l'utilisation du glyphosate par sa mère lorsqu'elle était enceinte.

D'autre part, alors qu'en 2017 le débat portait seulement sur les conséquences sur la santé, les effets désastreux du glyphosate pour la biodiversité sont désormais au centre de l'attention.

L'élimination de la flore par le glyphosate, qui est un herbicide, a des conséquences directes sur les insectes et est donc l'une des causes de l'effondrement des populations d'insectes supposées. Sont aussi relevés un risque élevé pour les petits mammifères herbivores reconnus par l'EFSA elle-même, une toxicité chronique pour les espèces aquatiques et la contamination généralisée des masses d'eau. Le glyphosate entraîne aussi une pollution massive des sols, avec des effets négatifs sur les vers de terre, dont vous savez que la présence augmente de 25 à 30 % la productivité végétale par le rôle qu'ils jouent dans la décomposition de la matière organique et la fertilité des sols. Enfin, un risque pour les pollinisateurs est souligné par les études.

Sur une base scientifique, toutes les raisons de voter contre le renouvellement du glyphosate sont donc confirmées.

Sur le plan économique, le coût des bénéfices de son utilisation est inférieur aux coûts de ses conséquences qui sont de 2,3 milliards d'euros par an. Les alternatives agronomiques en termes de pratiques agricoles existent, même si elles nécessitent un très fort accompagnement des agricultrices et des agriculteurs.

Sur le plan juridique enfin, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 janvier 2023 concernant les néonicotinoïdes a une portée plus générale et souligne que la protection de la santé et de la biodiversité doit primer dans les décisions sur la productivité végétale.

La proposition de résolution que j'ai l'honneur de vous présenter, salue le vote de la France en 2017 et invite le Gouvernement à renouveler son opposition à l'autorisation du glyphosate.

La proposition de la Commission européenne actuellement en débat n'est en effet pas acceptable.

Elle propose une nouvelle homologation pour une durée de dix ans, et donc pour une période allant bien au-delà de l'objectif 2030 de diminution importante des pesticides dans l'Union européenne et ce pour tous les usages agricoles.

La proposition de la Commission européenne repose sur une évaluation de l'EFSA dont les bases n'ont pas été fondamentalement modifiées. L'agence estime elle-même que les données prises en compte sont lacunaires en ce qui concerne la biodiversité, mais aussi concernant des effets sur la santé humaine et notamment le microbiote intestinal ou des effets neurotoxiques.

Enfin, la proposition de la Commission européenne renvoie aux États membres, et donc à l'aval, le soin de prendre en compte ces préoccupations scientifiques dans la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits à base de glyphosate. Autrement dit cette proposition prévoit une régulation à la carte, selon les États membres, ce dont nous ne voulons pas.

Il ne s'agit pas de refaire le débat de 2018 sur l'interdiction ou non de la substance en France mais bien de débattre de la décision qui doit être prise de façon harmonisée à l'échelle européenne.

Le 13 octobre dernier, lors de la réunion du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l'alimentation animale (SCoPAFF), aucune majorité qualifiée (au moins quinze pays représentant 65 % de la population de l'UE) n'a été trouvée autour de la proposition de la Commission européenne. Neuf États membres ont voté contre ou se sont abstenus, notamment la France et l'Allemagne. On se souvient que c'est l'Allemagne qui en 2017 avait fait basculer la décision en faveur de la ré-autorisation. Un comité d'appel est convoqué pour le 16 novembre.

C'est dans ce contexte que la résolution qui vous est présentée invite la France à voter contre le renouvellement de l'autorisation du glyphosate et à se mobiliser, afin que le glyphosate soit interdit dans toute l'Union européenne et qu'un plan de sortie soit mis en œuvre.

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. Le sujet du glyphosate est très sensible et a donné lieu à de riches débats, notamment fin 2017 à l'occasion du précédent vote sur la ré-autorisation de cette molécule. Le sujet est revenu dans le débat public en France lors du travail de notre Assemblée sur la loi dite « EGalim » en 2018. Le Gouvernement avait annoncé vouloir mettre tout en œuvre pour assurer l'interdiction des principaux usages du glyphosate en 2021. Dans cette optique, une mission d'information parlementaire sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate a été lancée fin septembre 2018, mission présidée par notre collègue Julien Dive, et dont les co-rapporteurs étaient Jean-Baptiste Moreau et moi-même.

Dès le départ, la mission a choisi d'avoir une approche scientifique en privilégiant la confiance et non la défiance envers les agriculteurs. Deux ans plus tard, dans notre rapport final, nous avons pu rendre compte des évolutions observées. Oui, nos agriculteurs utilisent progressivement moins de produits phytosanitaires et moins de glyphosate. Nous avons noté que sous l'impulsion de la stratégie gouvernementale, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail n'a pas renouvelé les autorisations de mise sur le marché des usages pour lesquels il existe des alternatives sans inconvénients pratiques et économiques majeurs.

Concrètement, on n'utilise plus depuis 2021 en France de glyphosate entre les rangs de vignes ou d'arbres fruitiers, ni en grandes cultures lorsque la parcelle a été labourée. Ces interdictions se sont traduites par une baisse d'utilisation de l'ordre de 30 %. En parallèle, depuis 2021 davantage de moyens ont été attribués à la recherche d'alternatives, et un soutien financier, via un crédit d'impôt, est apporté aux exploitations qui renoncent à l'usage du glyphosate. Se passer du glyphosate, ce n'est pas aisé. L'exemple de l'agriculture de conservation des sols montre que se passer de glyphosate peut parfois être contreproductif sur le plan environnemental en termes de biodiversité et d'émissions de CO2.

Aujourd'hui, comme vous le savez les travaux d'évaluations sont poursuivis en Europe, pour mieux connaître l'impact des usages du glyphosate. L'Agence européenne des produits chimiques, qui étudie le danger des molécules, a conclu à l'absence de caractère cancérogène ou mutagène. L'Autorité européenne de la sécurité alimentaire, qui étudie les risques associés à l'exposition, dit ne pas avoir identifié de domaines de préoccupations critiques, ne s'opposant pas ainsi à renouvellement de l'approbation de cette molécule. Toutefois, l'EFSA souligne les lacunes d'évaluations des risques sur la biodiversité.

Au regard de toutes les données dont nous disposons, notre groupe se félicite du récent rejet de la proposition de la Commission européenne, d'autoriser dix ans de plus le glyphosate sans conditions de restrictions. Nous préférons la cohérence et l'exigence que le gouvernement porte depuis 2018 : on restreint les usages là où il y a des alternatives non chimiques et on amplifie la recherche pour développer ces alternatives. Nous pensons nécessaire que la France exige des autres pays européens un engagement à restreindre les usages, là où il y a une alternative, et nous pensons que dans ces conditions la durée de renouvellement pourrait elle aussi être discutée. En revanche, nous ne serons pas favorables à l'adoption de cette proposition de résolution, car nous refusons de laisser certains agriculteurs sans solutions. C'est aussi pour nous, une question de responsabilité politique.

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. Après l'interdiction des néonicotinoïdes pour les producteurs de betteraves, après l'interdiction du benfluraline pour les producteurs d'endives, l'Union européenne pourrait une fois de plus mettre en péril des secteurs entiers de notre agriculture avec une décision complètement infondée. La propagande écologiste a bien préparé le terrain puisqu'il y avait aujourd'hui une conviction intime pour la majorité de la population, que le glyphosate serait hautement cancérogène et que donc son interdiction doit être prononcée.

Or, ce n'est ni l'avis de l'Agence européenne des produits chimiques, ni de l'Agence française de sécurité alimentaire, ni de l'Institut fédéral allemand d'évaluation des risques, ni de l'Agence américaine de protection de l'environnement, et ni même de l'Agence japonaise de sécurité alimentaire, qui ont tous conclus que le niveau de risque ne justifie pas l'interdiction de la substance. C'est d'ailleurs la position également partagée par le Président de la République qui avait déclaré en 2018 qu'interdire complètement le glyphosate reviendrait à tuer certaines filières, avant de revenir sur sa promesse de 2017 qui visait à interdire l'usage du glyphosate d'ici 2021. Et puisqu'il faut tout de même être prudent, son utilisation est déjà extrêmement contrôlée en France : l'usage du glyphosate est réservé aux seuls agriculteurs dans des dosages stricts. Et cela parce que nous n'avons pas d'alternatives réalistes à proposer aux producteurs. Tout comme avec les néonicotinoïdes ou le benfluraline, interdire le glyphosate par précaution serait encore une fois condamner à mort nos agriculteurs.

Notre position est rationnelle, prudente et éloignée de toutes idéologies. Tant que nous n'avons pas d'alternatives réalistes pour nos agriculteurs, et puisque les risques ne sont pas avérés, nous refusons d'être les bourreaux de l'agriculture française. C'est pourquoi nous plaidons pour une autorisation limitée dans le temps, soit 5 ou 7 ans, le temps de trouver un produit de substitution. Il n'est pas question ici de donner un blanc-seing au glyphosate mais bien de ne pas prendre une décision hâtive qui tuerait ce qu'il reste de notre agriculture et qui livrerai notre souveraineté alimentaire, à des concurrents qui eux utiliseraient ce produit.

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. La France avait voté contre la ré-autorisation du glyphosate en 2017 : à peine 2 ans plus tard, rétropédalage d'Emmanuel Macron ! Hier, la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen a rejeté l'objection au renouvellement du glyphosate notamment à cause de l'abstention des macronistes et du RN. À La France Insoumise, nous nous engageons à supprimer l'utilisation du glyphosate dans l'agriculture. D'abord pour ses effets sur la santé. L'INSERM et l'OMS qui sont des organismes sérieux ont mis en évidence sa génotoxicité, la toxicité pour l'ADN, la neurotoxicité, la toxicité pour le cerveau, la reprotoxicité, la toxicité pour les reproductions et les effets de perturbation endocrinienne ou encore la mutotoxicité, la toxicité pour la production cellulaire. On peut ajouter la toxicité pour le macrobiote et les effets cancérogènes.

Les effets néfastes pour l'environnement ont été prouvés. Nombreux sont les insectes, micro-organismes et autres plantes qui peuvent être exposés à des herbicides par exemple quand des insectes sont présents dans la zone d'épandage, lorsque ces organismes mangent des proies qui ont elles-mêmes ingéré cette substance ou lorsque le glyphosate se retrouve dans les nappes phréatiques. Et puis il y a là un enjeu démocratique. La Commission européenne propose de ré-autoriser le glyphosate sur la base d'une expertise opaque rendue par deux agences européennes, l'Autorité européenne de sécurité des aliments et l'Autorité européenne des produits chimiques. Qui compose ces agences ? Qui contrôle leur action ? Le Parlement européen n'a aucun contrôle réel sur cette comitologie et les Parlements nationaux non plus. Alors que ces organismes imposent des décisions néfastes pour la santé et l'environnement, nous regrettons, à la France Insoumise, que cette décision ait été encore une fois actée au Parlement européen et nous nous engageons de nouveau à supprimer le glyphosate.

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. Le glyphosate est une question sensible qui est loin de faire consensus. On l'a vu au sein de notre Assemblée et au sein de notre communauté scientifique. Cette question peut être instrumentalisée par les défenseurs ou les détracteurs du glyphosate. On l'a vu avec les 5 400 « pisseurs du glyphosate » dont les plaintes ont été classées sans suite malgré le tapage médiatique. Il est donc nécessaire d'être prudent. La réalité, c'est qu'il n'existe pas toujours de substitut au glyphosate malgré la recherche. La réalité, c'est que plus qu'interdire il faut limiter l'utilisation du glyphosate. Cela a été fait pour les particuliers et dans certaines exploitations et certains types de cultures. L'apport de la technologie moderne permet grâce au GPS de cibler les quelques plantes qui sont des mauvaises herbes et mettent en danger la culture, par exemple le maïs. Plutôt que prôner une interdiction totale, il faut aller vers la recherche de substituts pour permettre de limiter l'utilisation du glyphosate.

Le quatrième point est la nécessité de ne pas sur-transposer. Il ne faut pas instaurer une distorsion de concurrence qui pénaliserait nos agriculteurs pour des raisons de politique intérieure. Tenons-nous en à la décision européenne. Faisons en sorte de ne pas arriver à une interdiction pure et simple, immédiate, sans solution de rechange qui ferait aussi peser un risque sur la souveraineté alimentaire de notre pays dans un contexte où la balance agricole française est déficitaire pour la première fois de son histoire. C'est pour cela que le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de résolution.

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. Cette proposition de résolution propose une interdiction totale du glyphosate dans l'Union européenne. Elle s'inscrit dans un contexte où les Etats membres discutent du renouvellement de son usage. Vous l'avez dit la proposition de renouvellement du glyphosate doit encore être examinée le 16 novembre par le comité d'appel après une absence de majorité le 13 octobre. Un accord entre les Vingt-sept semble pour le moment introuvable.

D'un côté le glyphosate soulève des inquiétudes sur la santé et sur l'environnement qui doivent être entendues. De l'autre, son utilisation s'est révélée essentielle dans la production agricole. S'il est crucial de réfléchir à des alternatives saines et durables, il n'est pas moins crucial de préserver notre agriculture à un moment où la guerre en Ukraine met à l'épreuve très sérieusement notre souveraineté alimentaire. Depuis plusieurs années, la France est engagée dans une voie de réduction du glyphosate. Nous dépensons 70 à 80 millions d'euros par an en crédits d'impôts pour ceux qui limitent leur utilisation du glyphosate. Et les ventes de substances avec des risques avérés sont proches de zéro avec une utilisation en baisse par rapport à la période 2015-2017. Nous nous dirigeons vers une interdiction totale du glyphosate à terme. Mais en attendant ne serait-il pas plutôt utile d'aller vers une harmonisation des conditions d'utilisation de ce produit sur les mêmes bases que celles que la France s'applique à elle-même ? Le gain écologique sera sûr, nos agriculteurs n'auraient plus à souffrir d'une concurrence au sein même de l'Union européenne à laquelle ils ne peuvent pas répondre les laissant ainsi dans l'impasse. On ne peut nier les impasses techniques du glyphosate, on doit donc l'utiliser quand il est impossible s'en passer. Je pense notamment à l'agriculture de conservation des sols. La proposition de résolution d'interdiction du glyphosate n'est donc pas en accord avec la position du groupe Démocrates qui prône l'utilisation du glyphosate si nécessaire et son interdiction lorsque cela est possible.

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Votre proposition de résolution pour une interdiction du glyphosate laisse peu de possibilités d'amender sauf à dénaturer totalement ce que vous proposez. Pourtant, il y a un vrai sujet à poursuivre la différenciation des usages comme l'a dit Jean-Luc Fugit. Il est clair qu'en grande culture, il paraît impossible de s'en passer. Alors que le maraîchage et l'agriculture de conservation des sols permettent de meilleurs usages. Contrairement à ce que vous dites, ces pratiques permettent de préserver les sols en évitant des labours profonds et de séquestrer le carbone.

Je ne dis pas qu'il ne faut pas se passer à terme de glyphosate. Il s'agit de voir comment on peut faire évoluer les pratiques de manière vertueuse en s'inspirant des meilleures pratiques. Il s'agira de trouver des alternatives permettant un système agronomique résilient tout en donnant aux exploitants les moyens de construire une économie pérenne. Il ne faut pas faire preuve d'idéologie d'autant que nos processus d'homologation de produits sont peu satisfaisants. Des produits qui ne sont pas cancérogènes probables mais certains sont autorisés sur le marché. Peut-être devrions-nous commencer par retirer ceux-là et vérifier comment les homologations sont obtenues. Par ailleurs, les vrais problèmes sont ceux de la sécurisation des entrants, tant au niveau azote que phosphate, et de l'angle mort de la production de protoxyde d'azote. Il ne faut pas se tromper de priorité.

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. « J'ai demandé au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France au plus tard dans trois ans ». Il y a six ans, la France votait contre le renouvellement de l'autorisation du glyphosate au sein de l'Union européenne. S'ensuivait cette promesse forte du Président de la République. Six ans plus tard, ma collègue Delphine Batho présente une proposition de résolution européenne visant à renouveler cette prise de position ainsi qu'à mettre en œuvre un plan de sortie alors même que la Commission européenne s'apprête à autoriser à nouveau son utilisation pour les dix ans à venir sans autre alternative.

Pour moi, mes collègues devraient être évidemment favorables à la poursuite de l'action de la France engagée il y a six ans. En effet, il s'agit de tenir compte de l'ensemble des études scientifiques publiées depuis lors, de donner une perspective claire aux agriculteurs en faisant primer les objectifs de santé humaine et de protection du vivant, conditions de notre existence, en transcendant les intérêts productifs d'une agriculture qui ne se relèvera pas de l'effondrement de la biodiversité. Entre 1990 et 2017, la consommation mondiale de pesticides a augmenté d'environ 80 %. La France se trouve sur le podium des pays qui autorisent le plus l'utilisation de pesticides. Leur usage a augmenté de 25 % entre 2011 et 2018.

Les dégâts engendrés par le glyphosate, plus connu sous le terme de « Roundup », produit phare de la firme Monsanto, détenue aujourd'hui par la firme Bayer, condamnée à verser des milliards de dollars à plus de cent mille victimes aux États-Unis, ne se comptent plus. Contrairement à l'évaluation du risque faite par l'Agence des produits chimiques, l'INSERM et d'autres agences parlent de liens significatifs en matière de perturbation endocrinienne, de reprotoxicité ou de neurotoxicité.

Chers collègues, la santé des personnes et celle des agriculteurs doit être notre priorité.

Par ailleurs cette proposition de résolution propose de maintenir une perspective claire pour le monde agricole, coordonnée au niveau européen, contrairement aux revirements permanents des politiques publiques. Ces allers-retours incessants, ces remises en cause des études scientifiques sont destructeurs pour la planification de la transition agricole ainsi que pour les agriculteurs. L'agriculture de demain nécessite un cap clair et ambitieux pour lui permettre de nourrir la France et l'Europe.

Quelle est cette pression folle qui nous fait ainsi faire volte-face ? Chers collègues, êtes-vous tributaires de nos concitoyens européens ou des lobbys ? On dénombre, en Europe, 57 % d'oiseaux en moins dans les milieux agricoles depuis quarante ans. Nous allons vers une extinction totale des insectes pollinisateurs d'ici la fin du siècle. En vingt ans, en raison des changements climatiques, les rendements agricoles au sein de l'Union européenne ont baissé de plus de 20 %. Il faut imaginer ce que seront les conséquences en chaîne sur nos sociétés de l'effondrement du vivant même en termes de souveraineté alimentaire.

Mes chers collègues, le sens de l'Histoire que représente le défi écologique, à un moment si crucial pour notre humanité, est de tenir le cap et de faire preuve de bon sens. La France ne peut pas, ne doit pas, céder aux lobbys phytosanitaires qui n'ont pas d'autres intérêts que la profitabilité à court terme et n'envisagent en aucune manière le mieux vivre des agriculteurs, la santé des personnes, des sols, ainsi que celle des écosystèmes.

La France doit choisir son camp, celui de l'intérêt général et du bon sens. Nous pouvons le faire aujourd'hui en votant cette proposition de résolution.

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La question de la dangerosité du glyphosate liée à une interdiction du renouvellement de son utilisation se trouve à nouveau examinée par notre commission. Désherbant le plus utilisé en France et dans le monde, le glyphosate a été inscrit, en 2002, sur la liste des substances actives approuvées au sein de l'Union européenne, autorisation renouvelée en 2017, pour cinq ans.

Je tiens à rappeler que lors de ce vote, en 2017, la France s'était prononcée contre l'autorisation de renouveler l'utilisation du glyphosate. Le 10 mars 2015, le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classait la substance active glyphosate comme cancérogène probable pour l'homme. Ce classement a ouvert une controverse durable concernant la sûreté du pesticide de synthèse le plus utilisé en France et dans le monde. L'EFSA a indiqué dans son dernier avis relatif à l'impact du glyphosate sur la santé humaine, la santé animale et l'environnement ne pas avoir identifié de domaines de préoccupation critique.

L'ANSES avait été mandatée, en 2016, pour évaluer le potentiel cancérogène de la substance. Ses conclusions précisaient que le niveau de preuve sur la potentialité cancérogène de la substance sur l'animal ou l'homme était relativement limité et ne permettait pas de proposer un classement du glyphosate en tant que substance cancérogène avérée ou présumée pour l'homme.

Toutefois, selon un grand quotidien français, une partie de l'expertise soutenant cette étude aurait disparu et le choix des questions posées aux experts biaisé. Aussi est-il important d'interdire un produit lorsque de forts soupçons de dangerosité existent.

En effet, l'article 168 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) oblige l'Union à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine. De plus, l'Union dispose de nombreux leviers pour assurer la sécurité sanitaire et alimentaire, qu'il s'agisse des traités ou accords commerciaux ou des règles coutumières du droit international. En l'espèce, il existe une obligation de diligence aux termes de laquelle les Etats sont tenus de mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition afin de prévenir les dommages de toutes activités placées sous leur contrôle. Cette obligation s'impose tant à l'Union européenne qu'aux Etats membres. Or, malgré les doutes et les lacunes contenus dans l'avis de l'EFSA autorisant l'utilisation du glyphosate, l'Union européenne le suit.

Si je me trouvais à la place de l'Union européenne, j'analyserais le problème dans l'autre sens. Nous sommes parfaitement conscients des enjeux économiques. Or, une étude publiée aux États-Unis démontre que les industriels, lorsqu'un produit est dangereux, abandonnent son utilisation plus rapidement que ne le font les autorités publiques, en raison de la peur de procès intentés ou du désintérêt affiché par les consommateurs pour son utilisation. Aussi les entreprises qui ont accès à des solutions techniques aux effets équivalents mais sans danger doivent-elles pouvoir les mettre en œuvre avec un échéancier de mise en conformité. Sans être une spécialiste du sujet, je n'ai pas trouvé de traces d'un programme européen qui financerait la recherche de tels substituts.

Notre groupe soutient le vote de cette proposition de résolution européenne.

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Oui, nous devons sortir de l'usage du glyphosate. Toutefois, revoir en profondeur nos méthodes de production ainsi que l'usage des pesticides ne relève pas d'une gestion de crise mais d'une trajectoire qui nécessite un temps long ! Et c'est l'agricultrice qui vous parle ! Nous sommes face à un triple défi pour préserver notre chaîne de valeur alimentaire et notre environnement, concilier la production agricole et nourrir la planète, conserver les ressources naturelles et in fine maîtriser les coûts pour une agriculture pérenne.

Cette réalité s'impose, nous devons nous adapter et revoir nos pratiques. Cette transformation, voyons-la comme un levier de progrès. Résoudre cette équation dans un contexte global de dérèglement climatique nous engage à poursuivre des transitions majeures ainsi qu'à assumer collectivement le prix de ces changements.

Il n'est pas concevable que seuls les agriculteurs en supportent le coût social et surtout sociétal. Dans cette quête de souveraineté, l'agriculture est source de solutions. Il faut rendre nos filières agricoles plus compétitives et produire mieux. Pour mettre fin à l'utilisation du glyphosate, trouvons des solutions pour assurer et nourrir mieux les 448 millions d'Européens.

J'ajouterai que, pour avoir rencontré l'une des directrices adjointes de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et après avoir écouté avec attention le discours sur l'État de l'Union de Mme von der Leyen, je m'inquiète sérieusement quant à la sécurisation de l'approvisionnement des denrées alimentaires en Europe.

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Mon propos sera davantage celui d'un viticulteur que celui d'un député. Ayant dû mettre en œuvre sur le terrain la réduction drastique de l'utilisation du glyphosate, je m'interroge sur certains discours de mes collègues très idéologiques et pourtant si éloignés de la réalité et des difficultés que l'on y rencontre.

Certaines études que vous avez citées, Mme la Rapporteure, ont été mal interprétées. Je pense à particulier à la décision rendue par le Fonds d'indemnisation des victimes, que vous n'avez visiblement pas lue. Cette décision ne fait état d'aucune étude, ou plus précisément l'unique phrase de motivation qui la fonde, ne s'appuie sur aucune étude scientifique alors que vous délégitimez des agences scientifiques qui prennent leurs décisions en s'appuyant sur l'analyse de milliers d'études scientifiques.

Concernant l'agriculture de conservation, lors de l'audition dans le cadre de la commission d'enquête relative à l'utilisation des pesticides, un jeune agriculteur a expliqué comment l'utilisation du glyphosate lui a permis de conserver des sols sains et vivants, riches en vers de terre. Mme Pochon aurait pu entendre ce témoignage si elle assistait aux auditions alors qu'elle est vice-présidente de cette commission d'enquête, ce qui démontre votre désintérêt pour les mesures scientifiques que par ailleurs vous soutenez. Pour preuve de l'aberration de ces mesures, certains viticulteurs utilisent la flumioxazine comme alternative à la diminution de l'utilisation du glyphosate, alors qu'il s'agit d'un désherbant classé CMR contrairement au glyphosate.

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. En premier lieu, je remercie ma collègue Delphine Batho pour avoir été à l'initiative de cette proposition de résolution que le groupe Ecologiste soutient pleinement. Il est urgent que le Parlement adopte une position en faveur du non-renouvellement au sein de l'Union européenne de l'utilisation du glyphosate. Le glyphosate est un produit nocif et dangereux pour la santé, classé comme cancérigène par l'OMS depuis huit ans. En témoignent les nombreuses condamnations de Monsanto, le plus grand scandale sanitaire de notre siècle !

Autoriser l'utilisation du glyphosate pour dix ans va complètement à rebours de l'Histoire, il est urgent de l'interdire ! Le glyphosate est également la pierre angulaire d'un système économique et industriel qui incite à un certain usage du monde et du vivant rendant dépendants nos agriculteurs et agricultrices de l'utilisation de l'agrochimie au lieu de les exhorter à s'engager dans une agriculture nourricière de proximité qui respecte la biodiversité. En France, pourtant plus de 60 000 exploitations agricoles pratiquent déjà des alternatives non chimiques au glyphosate.

Le cas du glyphosate est l'exemple même de l'absence de vision écologique du Gouvernement ainsi que de la lâcheté politique du Président de la République qui renonce à des batailles qui faisaient pourtant partie de son programme en 2017. Ce Gouvernement laisse les lobbys gagner et manifeste son mépris total pour la santé des agriculteurs ainsi que pour toutes les personnes exposées au glyphosate.

L'INSERM, l'INRAE, et les autres prestigieux instituts de recherche français ont unanimement conclu à la nocivité du glyphosate. Le Gouvernement ne fait-il pas confiance à ses scientifiques ? Que faut-il de plus pour que le Gouvernement sorte de l'hypocrisie ? D'un côté l'on fait confiance à la science pour trouver de futures alternatives technologiques, de l'autre, on ne lui fait pas confiance lorsque les scientifiques démontrent la nocivité et la dangerosité d'un produit qu'il faudrait interdire ? Pourriez-vous nous éclairer sur le rôle joué par les lobbys pour empêcher l'interdiction du glyphosate ? Selon vous, quel est leur rôle et quelle est leur influence sur le revirement de la position du Gouvernement sur le glyphosate ?

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En 2022, l'ECHA a réalisé une évaluation des dangers liés au glyphosate : le glyphosate ne répondait pas aux critères scientifiques pour être classé comme une substance cancérigène, mutagène ou reprotoxique.

En juillet 2023, l'EFSA a publié une évaluation des risques associés à l'impact du glyphosate sur la santé humaine, la santé animale et l'environnement, qui n'a pas relevé d'éléments critiques. Je vous invite tous à regarder avec attention les résultats de ces travaux. Dans le même temps, l'ANSES a conclu à l'impossibilité de substituer au glyphosate une méthode alternative non chimique pour la culture de la vigne notamment dans les parcelles non mécanisables, vignes installées en forte pente, en terrasses ou sols caillouteux, vignes mères de porte-greffe. Le remplacement du glyphosate sous le rang est également impossible pour les cultures buissonnantes, petits fruits et noisetiers. Quant aux alternatives mécaniques, elles présentent un inconvénient majeur.

Dans le cadre de la mission sur le glyphosate dont notre collègue Jean-Luc Fugit était co-rapporteur, les surcoûts annuels liés aux alternatives au désherbage chimique pour les productions où elles existent ont été évalués à un maximum de 432 euros par hectare.

Que proposez-vous à nos agriculteurs quand il n'existe pas d'alternative au glyphosate ? Et lorsque des alternatives existent dont le coût est significatif pour les agriculteurs, que proposez-vous pour leur prise en charge afin de ne laisser aucune exploitation agricole dans une impasse technique ou financière ? La proposition de résolution ne traite aucun de ces points : c'est dommage et absolument pas à la hauteur des enjeux !

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Je me demande, en entendant les défenseurs autoproclamés des agriculteurs et agricultrices, pour lesquels l'utilisation du glyphosate serait à la fois inévitable et un bienfait pour l'agriculture, quelle réponse ils feraient aux agriculteurs ayant manifesté il y a quelques jours. Car il n'existe pas non plus de consensus sur le glyphosate dans le monde agricole. Que répondent-ils à Dominique Marchal, céréalier, exploitant à Serres, en Meurthe-et-Moselle, chargé de l'épandage des pesticides et herbicides sur son exploitation, dont le cancer développé à quarante-quatre ans a été le premier à avoir été reconnu comme maladie professionnelle ? Vice-président de l'Association Phyto Victimes, fondée en 2011, la responsabilité de Monsanto a été reconnue dans le déclenchement de sa maladie.

Que répondent-ils à Bernard Maurel, ancien agriculteur, dont le nombre de lymphocytes dans son corps a augmenté fortement depuis qu'il a utilisé du glyphosate.

Le glyphosate ne protège pas la santé des agriculteurs et des agricultrices, il est néfaste pour la santé humaine et environnementale et les agriculteurs sont les premiers exposés.

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Je suis moi aussi agricultrice. Si je prends la parole, c'est pour exprimer ma vive inquiétude autour du débat européen sur le glyphosate. Après des années de controverse sanitaire et environnementale, nous ne parvenons pas encore à affirmer une réalité pourtant démontrée par un corpus scientifique solide : le glyphosate est une substance cancérogène probable, génotoxique, reprotoxique, perturbateur endocrinien toxique et neurotoxique. Au-delà de la santé humaine, il affecte aussi les écosystèmes terrestres et aquatiques. Si les institutions sanitaires européennes ont tant de mal à l'affirmer, c'est qu'elles prennent en considération un nombre plus restreint d'études, notamment d'origine industrielle, contrairement à l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Il ne s'agit plus aujourd'hui d'un débat technique, mais éthique. J'aimerais affirmer mon soutien en faveur d'une position diplomatique forte : que la France s'oppose à la réautorisation du glyphosate à l'échelle européenne, sauf dans des cas de figure très restreints où aucune alternative économique viable n'existe. Nous devons réaliser que sans écosystème résilient, nous perdrons tout.

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Merci chers collègues pour vos interventions. Je vais reprendre un certain nombre de points qui sont extrêmement importants.

Monsieur Fugit a dit qu'il y avait un recul de l'utilisation du glyphosate en agriculture en France. Aucun chiffre public officiel ne permet à l'heure actuelle de l'étayer. Nous avons auditionné, pour la préparation de ce rapport, le directeur de cabinet du Ministre de l'agriculture. Nous lui avons demandé la communication de ces données qui ne sont pas publiques et encore provisoires. Elles ne nous ont pas été transmises. Rien ne permet de confirmer votre affirmation, qui peut être vraie comme fausse. D'autre part, à l'échelle européenne, nous venons d'avoir confirmation, par la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, qu'il n'existe aucune donnée publique depuis 2017 sur l'évolution de la consommation de glyphosate par pays. Cela pose un vrai problème de transparence. Je veux bien entendre qu'il y aurait eu une diminution de l'usage du glyphosate en France, que celle-ci, après avoir fortement augmenté, rejoindrait actuellement les quantités utilisées à la fin des années 2000 en France. Simplement, ces chiffres ne sont pas dans le rapport puisque nous n'en avons pas eu communication officielle.

D'autre part, pour faire suite à bon nombre de remarques de mes collègues, je dois dire que l'INSERM est un organisme scientifique qui fait référence de façon incontestable. L'Assemblée nationale et le Sénat ont produit un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESC) qui analyse la manière dont les agences réglementaires évaluent un certain nombre de substances, en se basant sur les données des industriels, plutôt que celles de la littérature académique, qu'elles considèrent moins pertinentes ou importantes. Les données des industriels ne sont par ailleurs pas rendues publiques. Il s'agissait déjà d'un problème en 2017, alors aggravé par le fait que le rapport de l'EFSA était un copier-coller des documents de Monsanto. En ce qui concerne les impacts sur la santé humaine, c'est l'INSERM qui fait référence. Je ne crois pas que cela puisse être contesté.

Le représentant du Rassemblement National semblait regretter l'interdiction des néonicotinoïdes qui tuent les abeilles. Ce point de vue en dit long sur les conceptions du Rassemblement National relatives aux impacts d'un certain nombre de substances pour la biodiversité et la santé humaine.

Je remercie Madame Oziol pour ses interventions et son soutien à la proposition.

Monsieur Dumont, vous avez évoqué un point extrêmement important, à savoir le fait qu'il ne fallait pas sur-transposer, mais plutôt s'en tenir à la décision de l'Union européenne. La décision qui est en cours à l'échelle européenne ne va pas dans le sens de la logique évoquée par un certain nombre de collègues, de prévoir des restrictions d'usage ou du ciblage. La proposition de la Commission européenne créerait précisément ce que Monsieur Dumont vient de dénoncer. Elle renvoie aux États membres le soin, dans les procédures nationales d'homologation des produits à base de glyphosate, de remédier aux lacunes scientifiques concernant les aspects neurotoxiques et relatifs au microbiote intestinal, ainsi qu'à l'absence de méthode d'évaluation harmonisée des conséquences pour la biodiversité. Autrement dit, la proposition européenne générera la situation que vous mentionnez, c'est-à-dire une distorsion entre les pays européens au détriment de nos agriculteurs, ce qui n'est pas souhaitable.

Je remercie Madame Thillaye d'avoir évoqué le contexte général dans lequel s'inscrit cette question du glyphosate. Je mentionnerai également le Pacte Vert et les discussions en cours sur le règlement sur l'utilisation durable des pesticides (dit règlement SUR). Il n'est à mon sens pas concevable que le glyphosate soit ré-autorisé pour dix ans tandis que l'orientation générale d'autres réglementations en cours de discussion à l'échelle européenne vont dans le sens d'une élimination des substances les plus préoccupantes et d'une réduction drastique des usages de produits phytopharmaceutiques de 50 %.

A été évoqué le fait que l'utilisation du glyphosate serait essentielle à l'agriculture et à la sécurité alimentaire, et que nous nous dirigerions à terme vers une interdiction. Pour l'instant, ce qui est proposé est plutôt une ré-autorisation sans aucun horizon de sortie du glyphosate ou d'interdiction future. En ce qui concerne la sécurité alimentaire, je voulais rappeler à quel point celle-ci dépend de la bonne santé de la biodiversité qui serait mise en danger en cas d'introduction de substances dangereuses.

Merci à Monsieur Alfandari d'avoir rappelé les failles dans les procédures européennes actuelles d'évaluation. Plusieurs d'entre vous ont évoqué l'agriculture de conservation des sols. 4 % des terres agricoles utiles en France ne sauraient justifier l'autorisation d'une substance pour les 96 % de la surface utile restante.

S'agissant du climat, il est extrêmement important de comprendre que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, l'anthropocène, qui impose de traiter ensemble les enjeux du changement climatique et de la réduction de l'effet de serre, de la santé humaine et de la biodiversité. Il est une aberrant de penser que l'on va mieux lutter contre l'effet de serre en utilisant des produits qui ont des conséquences néfastes pour la santé humaine ou pour la biodiversité.

Merci à Madame Pochon d'avoir rappelé que le Président de la République, après des mouvements divers sur le statut du glyphosate à l'échelle française, avait appelé à une décision européenne de sortie du glyphosate. Merci d'avoir aussi rappelé la puissance des intérêts économiques des firmes de l'agrochimie impliquées dans la décision dont nous débattons.

Madame Karamanli a rappelé la problématique du rapport de l'ANSES de 2016. Je veux aussi souligner qu'en 2015, lorsque le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé le glyphosate comme cancérogène probable, sa décision concernait en réalité trois substances : le glyphosate, le diazinon et le malathion. Le diazinon et le malathion ont, dans un délai court, été sortis du marché. Il n'y a que le glyphosate, reconnu comme cancérogène probable par le CIRC, qui reste aujourd'hui autorisé. Il n'y a eu ni débat ni contestation du caractère cancérogène des deux autres substances. Je rappelle que l'article premier du règlement européen concernant les pesticides indique que la règle est celle du principe de précaution. Lorsqu'il y a un débat scientifique sur les effets d'une substance, on doit faire prévaloir la protection de la santé humaine et de la biodiversité.

Madame Le Peih a dit qu'il n'était pas concevable que les agriculteurs et les agricultrices supportent le coût des décisions concernant les substances. C'est un point de vue que je partage. Les agriculteurs n'ont pas pris la décision d'autoriser telle ou telle substance. Ils font avec les produits autorisés par les pouvoirs publics que ce soit en France ou à l'échelle européenne. Ils n'ont donc pas à porter le fardeau de cette responsabilité. C'est la raison pour laquelle ma position n'a jamais été de maintenir l'autorisation de la substance tout en demandant aux agriculteurs sur le terrain d'en arrêter l'usage. Si une substance est dangereuse, elle doit être interdite. Les changements profonds des pratiques agricoles sont possibles puisqu'il y a en France 60 000 exploitations en agriculture biologique, qui travaillent déjà sans glyphosate. Ces changements doivent être soutenus par les aides de la Politique Agricole Commune, mais aussi par d'autres dispositifs.

Monsieur de Fournas a une interprétation inexacte de la décision du Fonds d'Indemnisation des Victimes des Pesticides (FIVP) dont vous trouverez les références exactes dans le rapport. Les experts du FIVP se sont bien basés sur plusieurs études relatives aux effets tératogènes de produits à base de glyphosate pour prendre la décision d'indemnisation. Vous avez ensuite prétendu que la proposition de résolution, comme mes propos, délégitimaient la science. C'est exactement l'inverse. Un rapport très complet de l'OPESC sur ce sujet est extrêmement clair sur ce point.

Merci à Madame Laernoes d'avoir rappelé les alternatives existantes. Je fais effectivement confiance à la connaissance scientifique indépendante, et non aux études financées par les industriels et dont les données ne sont pas publiques.

Je voudrais enfin remercier Madame Le Feur pour ce qu'elle a rappelé sur l'état des connaissances scientifiques, l'enjeu éthique et les alternatives existantes. Cela montre que ce débat peut traverser l'ensemble de nos groupes.

En conclusion, la France en 2017 avait voté contre l'autorisation du glyphosate, et elle doit à nouveau voter contre. La proposition de la Commission européenne est parfaitement inacceptable. On ne peut pas être ni pour ni contre l'autorisation d'un poison. C'est la limite de ce qui a été évoqué par certain et certaines d'entre vous sur les logiques de restrictions d'usage. Si un produit pose un problème, on l'interdit. On ne peut pas juste en réduire un petit peu la quantité utilisée. L'abstention de la France est à mes yeux regrettable. Elle cache une vraie décision, qui est d'être pour le renouvellement de la substance. L'abstention est pour moi le pire vote possible, et la France doit avoir le courage de voter contre.

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. Je me permets de prendre à nouveau la parole en raison de la réponse partielle de Madame la rapporteure à la question que j'ai évoquée tout à l'heure. On peut ne pas passer sous silence une stratégie de sortie progressive mise en place en 2017 et le rapport de la mission parlementaire. Il n'est pas vrai que la situation serait la même en 2023, qu'en 2017. Il est choquant que vous laissiez entendre que nous serions soumis à des lobbies.

Le rapport de la mission parlementaire a publié en 2020 des chiffres sur l'évolution de l'utilisation du glyphosate qui figurent sous une forme actualisée, sur le site du ministère de l'agriculture. Ces données font apparaître qu'il y a moins d'usage du glyphosate en 2021 et 2022 par rapport à 2016 et 2017.

Je voudrais également rappeler que nous avons accompagné les agriculteurs avec la mise en place d'un crédit d'impôt de 2 500 euros voté fin 2020 pour 2021-2022. Ce crédit d'impôt a bénéficié à 17 923 foyers fiscaux pour un montant de 45 millions d'euros. Ne disons pas que nous ne faisons rien et que nous ne les accompagnons pas.

La position du groupe Renaissance n'est pas de défendre le glyphosate, mais de sortir progressivement de l'usage de cette molécule, et de ne pas laisser nos agriculteurs sans solution. Il faut remplacer le glyphosate par des techniques culturales, et c'est déjà ce qui a été fait partiellement.

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En grande culture, la suppression du glyphosate, entraînerait une chute drastique des rendements et un recours accru aux moyens mécaniques qui représenteraient beaucoup plus d'émissions carbone. Le principe de précaution doit être apprécié de manière multidimensionnelle. L'enjeu est de faire évoluer les pratiques professionnelles,

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Je voudrais dire à notre collègue Jean-Luc Fugit, que je ne m'inscris pas dans une logique d'interdiction du glyphosate pour qu'il soit remplacé par une molécule qui poserait tout autant problème. Je vous dis que les chiffres officiels du BNVP qui sont publiés, ne sont pas aujourd'hui présentés pour l'année 2022. Par conséquent, je vous informais du fait que j'ai cherché les données permettant de vérifier l'affirmation de juillet dernier du Ministre de l'agriculture selon lequel il y avait une diminution de 27 % de l'usage du glyphosate. Je vous dis simplement que cette donnée n'est pas complète, n'est pas officielle et n'est pas en ligne. J'ai demandé qu'on nous la communique mais il s'agit d'une donnée provisoire et les données officielles définitives n'existent pas.

Pour finir, je dirais que l'enjeu est d'être pour ou contre le renouvellement de l'autorisation du glyphosate à l'échelle européenne. S'abstenir dans un contexte de montée du populisme et du complotisme est une manière pour les responsables politiques de se dérober à une décision qui a un impact sur la santé humaine et sur la biodiversité. La position de la France de s'abstenir n'est pas acceptable.

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Merci Madame la rapporteure. Aucun amendement n'ayant été déposé, je soumets au vote la proposition de résolution européenne.

La proposition de résolution européenne est rejetée.

II. Bilan des accords de libre-échange : examen du rapport d'information (M. Thomas MENAGÉ et Mme Lysiane METAYER, rapporteurs)

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Réaliser le bilan des accords de libre-échange de l'Union européenne n'a pas été chose facile. D'abord parce que ce bilan n'était pas circonstancié à un champ spécifique et que nous avons décidé de n'en exclure aucun. Mais également parce que cela aurait demandé des moyens de contrôle et un temps bien supérieurs à ceux dont nous disposions.

Ceci étant dit, nos auditions nous ont permis de dresser plusieurs constats. Rédiger ce rapport nous a en effet conduits à rencontrer de très nombreux interlocuteurs, qu'il s'agisse de l'Organisation mondiale du commerce, de parlementaires européens, de représentants d'associations de consommateurs, de chercheurs ou encore de syndicats. Je veux ici les remercier pour la qualité de nos échanges.

Voici les éléments dont je veux vous faire part sur le réseau d'accords de libre-échange de l'Union européenne.

L'Union européenne est, à ce jour, signataire de 42 accords de libre-échange regroupant 74 États partenaires répartis sur l'ensemble des cinq continents. Cela fait, de très loin, de l'Union européenne la puissance ayant conclu le plus grand nombre d'accords de libre-échange au monde. De fait, la participation de l'Union à de tels accords est nettement supérieure à celle des autres puissances commerciales. Le Mexique par exemple, qui est la troisième puissance en termes d'accords conclus, en compte moitié moins que l'Union européenne. Ce réseau d'accords va en s'amplifiant, puisque l'Union européenne a conclu plusieurs accords de libre-échange durant la décennie écoulée. C'est le cas avec la Corée du sud, le Canada, Singapour, le Japon ou encore le Vietnam. Il devrait continuer à grandir du fait des négociations en cours.

Je veux toutefois souligner un véritable changement de paradigme au cours de ces dernières années de la stratégie commerciale européenne, qui consiste à considérer désormais comme tout aussi important de veiller à ce que les accords déjà signés aient des retombées économiques concrètes pour les entreprises européennes que de chercher à conclure de nouveaux accords. Le fait que l'accord avec la Nouvelle-Zélande soit le premier accord de libre-échange conclu par la Commission von der Leyen, trois ans après l'entrée en vigueur de cette dernière, est révélateur de cette nouvelle attitude. Cette nouvelle stratégie est notamment confiée à un français, Denis Redonnet, dont je veux saluer ici l'action.

Je laisse à mon collègue la partie plus critique de notre bilan et tiens moi à insister sur les aspects positifs de celui-ci car le réseau d'accords de libre-échange que je viens de vous présenter est, je le crois, mis au service des citoyens et entreprises de l'Union européenne.

Le poids économique de l'Union européenne lui confère en effet un avantage dans les négociations. Lorsque l'Union européenne négocie avec un partenaire un accord de libre-échange, c'est l'accès à un marché de 448 millions de consommateurs, et plus de 500 millions jusqu'à récemment avant le départ du Royaume-Uni, qu'elle laisse entrevoir. Seuls deux pays au monde, la Chine et l'Inde, disposent d'une population supérieure. Toutefois, les revenus par habitant de ces deux pays sont bien moindres que celui d'une majorité des consommateurs de l'Union européenne. C'est bien là que réside un autre avantage déterminant du marché unique : les consommateurs ne sont pas seulement nombreux, mais aussi plus riches que dans l'écrasante majorité du monde.

Outre cet avantage dans les négociations, les accords de libre-échange, une fois conclus, conduisent à un accroissement des échanges avec les partenaires commerciaux, et donc à une hausse des exportations européennes, ce qui bénéficie à nos entreprises. À titre d'exemple, sur la période 2011-2019, les exportations européennes de biens vers la Corée du Sud ont augmenté de 45 %, passant de 35 milliards d'euros à 50 milliards d'euros. Les consommateurs bénéficient eux aussi de ces accords, qui augmentent leur pouvoir d'achat et leur donnent accès à des produits plus variés.

Je tiens également à souligner que les accords de libre-échange ne sont pas des instruments utiles uniquement sur un plan commercial, mais revêtent de plus en plus un caractère stratégique. À l'heure où l'Union européenne cherche à diversifier ses sources d'approvisionnement, de tels accords constituent une réponse. Ils sont aussi l'occasion de nous garantir un accès à des matières premières qui nous font cruellement défaut, comme les terres rares.

Ce satisfecit ne saurait m'empêcher de formuler quelques recommandations, car tout n'est pas parfait. Il nous paraît d'abord indispensable d'améliorer les études d'impact ex-post des accords de libre-échange aux niveaux national et européen. Comment, en effet, bien négocier de futurs accords sans savoir quels ont été les retombées des accords précédemment conclus ? Il nous semble ensuite nécessaire d'améliorer la communication autour des accords de libre-échange, afin de permettre une plus grande appropriation de ces accords par nos entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, ou encore de conditionner la baisse des droits de douane sur les produits importés à l'obtention de résultats tangibles en matière environnementale, sociale et en matière de garantie des droits fondamentaux.

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Ces auditions successives nous ont permis de mettre en perspective des polémiques récurrentes liées aux accords de libre-échange et le regard des spécialistes du sujet.

D'emblée, je veux indiquer que le champ du rapport était trop étendu : chaque thématique aurait pu faire l'objet d'un rapport à part entière. Notre expérience nous invite à être collectivement vigilants lorsque nous déciderons de l'intitulé des rapports futurs afin de pouvoir fournir des travaux de qualité. Une autre difficulté à laquelle nous avons été confrontés a été que de nombreux accords majeurs ont été conclus ces dernières années, qui furent en outre des années marquées par l'épidémie de Covid-19 qui a conduit à une restriction drastique des échanges. Il était donc peut-être un peu tôt pour réaliser un tel bilan car nous manquions de recul. De plus, j'ai été frappé de la difficulté à obtenir des chiffres précis sur les échanges résultants des accords en vigueur. Un certain nombre de nos interlocuteurs ont partagé ce constat de l'existence de zones d'ombre, de l'absence de monitoring, qui ne nous permettent pas d'appréhender de façon précise l'impact de ces accords.

Pour autant, sur un plan strictement commercial, l'examen des données statistiques est, à mes yeux, accablant. Sur ce point, nous ne partageons pas nos constats avec ma co-rapporteure. Alors que l'objectif premier des accords de libre-échange conclus par l'Union européenne est de conduire à une hausse des échanges, pour la France, on peut constater en prenant connaissance des graphiques en annexe de ce rapport qu'il n'en est rien. Selon moi, les très rares cas où il existe des hausses consécutives à la conclusion des différents accords de libre-échange ne sont souvent que le reflet de dynamiques préexistantes. Pire, quand on regarde en détail ces rares hausses, la France n'est jamais le pays qui en bénéficie. Dans de nombreux cas, la balance commerciale semble même se détériorer a posteriori des accords. Mais une fois encore, il nous manque énormément de recul pour l'affirmer de manière indiscutable.

En matière de pouvoir d'achat, les avantages supposés de la hausse du commerce international ne sont pas non plus évidents. Une de nos interlocutrices, qui est représentante au niveau européen des associations de consommateurs, nous a indiqué qu'il n'y avait, selon elle, pas d'effets prouvés des accords de libre-échange sur la baisse des prix.

Il serait faux de dire que personne ne tire profit de ces accords. Mais, comme souvent au sein de l'Union européenne, certains en tirent profit plus que d'autres, voire au détriment des autres. Il n'y a qu'à regarder les balances commerciales des différents États membres pour s'en convaincre, tout particulièrement celle de l'Allemagne. De même, je reconnais que certains secteurs voient leur activité dopée par les accords de libre-échange, notamment ceux qui produisent des denrées auxquels de tels accords permettent de bénéficier d'indications d'origine protégée à travers le monde. Toutefois, les accords contribuent, selon moi, davantage à mettre en difficulté certains de nos producteurs qu'à en soutenir. Je pense notamment aux agriculteurs, et en particulier aux éleveurs, qui sont confrontés à un empilement d'accords qui ne cesse de les fragiliser alors qu'ils n'en ont pas vraiment besoin compte tenu du contexte.

Les critiques que l'on peut adresser aux accords de libre-échange ne s'arrêtent malheureusement pas là. On nous présentait communément ces accords comme la panacée, mais force est de constater qu'ils présentent de nombreux défauts. Par exemple, il faudra m'expliquer comment on peut sérieusement lutter contre le dérèglement climatique et, en même temps, accroître les échanges avec des pays aussi lointains que le Canada ou la Nouvelle-Zélande. Dans la continuité, je ne comprends toujours pas comment il est possible de concilier la position du gouvernement qui est favorable au Mercosur, et la position des 86 membres du groupe Renaissance qui ont voté la proposition de résolution de l'Assemblée nationale relative à cet accord, dont le contenu invite pourtant le gouvernement à exprimer l'opposition de la France à sa ratification en l'état auprès de la Commission européenne.

On nous a également rapporté qu'en amont de la négociation de certains accords de libre-échange, la Commission européenne avait eu recours à des cabinets de conseils privés qui se refuseraient à être trop critiques de peur de ne pas être sollicités à nouveau par la Commission. Les constats sont donc souvent faussés dès l'origine.

En matière d'aveux chocs, je pourrais également vous citer les propos de notre ministre du commerce extérieur qui a reconnu qu'il était aujourd'hui impossible de contrôler l'ensemble des produits importés. Or, je tiens à rappeler que l'Union européenne commerce essentiellement, si ce n'est exclusivement, avec des pays moins exigeants qu'elle sur le plan normatif. Je tiens à vous rappeler, par exemple, l'existence d'un accord de libre-échange avec le Vietnam, pays dans lequel l'emploi des enfants est encore monnaie courante, ou encore d'un accord avec la Colombie, pays dans lequel des centaines de syndicalistes sont assassinés. Je pourrais aussi évoquer les carences démocratiques lors du processus de négociation, mais j'en viens maintenant aux recommandations.

Je suis heureux que nous soyons parvenus à formuler avec ma collègue des recommandations communes malgré l'opposition ferme de nos groupes politiques respectifs sur cette question. En dépit de mon opposition personnelle générale sur ces accords de libre-échange, ces recommandations sont pour moi une manière de limiter leur impact négatif en cas de ratification future. Parmi celles-ci, je peux vous citer la volonté de conditionner la ratification des accords de libre-échange à celle des conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT) et de l'accord de Paris sur le climat par le pays ou la région cocontractant. Je peux également vous citer la volonté de définir des modalités de calcul du bilan carbone des accords de libre-échange, celle d'imposer des clauses de revoyure qui devront être enclenchées sous peine de suspension de l'accord ou encore celle d'impliquer davantage les parlements nationaux. En particulier, une mesure vous concerne toutes et tous, chers collègues : la recommandation visant à permettre aux députés et sénateurs français membres des commissions des affaires européennes de bénéficier d'un égal accès à l'information relative à la politique commerciale menée par l'Union à celui dont bénéficient les eurodéputés, notamment en période de négociation.

Je regrette toutefois que certaines recommandations soient restées non partagées. Je pense notamment à l'interdiction du transport d'animaux vivants dans les accords de libre-échange. Je pense que l'on aurait pu trouver un consensus sur ce point. Néanmoins, je suis heureux de voir que ma collègue a fait le choix hier de rejoindre trois autres recommandations que je défendais. Je pense notamment à celle visant à attribuer à une autorité indépendante, comme la Cour des comptes européenne, la conduite des études d'impact ex ante ou ex post, ou encore celle visant à instaurer un « carbone score » aux produits importés pour mieux informer les consommateurs.

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L'Union européenne se positionne parmi les principales forces économiques mondiales, en grande partie grâce à son réseau d'accords de libre-échange, qui est inégalé à l'échelle de la planète, avec plus de 40 accords de libre-échange conclu impliquant 74 États partenaires. Cette réalisation place de loin l'Union européenne en tête des puissances qui ont signé le plus grand nombre d'accords de libre-échange à l'échelle mondiale. Ces accords jouent un rôle crucial dans la promotion du commerce international, avec un accès à un marché de 448 millions de consommateurs.

Cependant, dans le contexte actuel de montée du protectionnisme, des doutes sur les bénéfices réels de ces accords subsistent. En ce qui concerne l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, il suscite des débats pour le moins passionnés. Alors que certains voient en cet accord une opportunité d'élargir nos relations commerciales avec des pays d'Amérique du Sud, et qu'il semble déjà bénéficier aux secteurs du vin, des spiritueux ou encore à la filière laitière, d'autres craignent un risque futur d'effets cumulatifs qui seraient négatifs, notamment pour le secteur agricole. Parmi ces risques, et comme évoqué dans votre rapport, figure la concurrence déloyale : les agriculteurs des pays partenaires produiraient des denrées sans respecter les normes sanitaires et phytosanitaires de l'Union, sans que cela n'empêche leur importation sur le sol européen. D'autres risques environnementaux, sociaux ou encore de protection du consommateur, ne permettent pas aujourd'hui d'affirmer que cet accord est bénéfique pour notre Union. Il semblerait donc que l'opinion publique soit mitigée sur cet accord de libre-échange avec le Mercosur.

Quelle est votre opinion sur l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur ? Plus précisément, comment pouvons-nous garantir que les normes environnementales et les normes sociales soient respectées et que les avantages économiques soient équilibrés pour tous les acteurs qui sont impliqués ?

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Ce rapport rassemble et présente un très grand nombre d'informations de manière factuelle et ses recommandations sont particulièrement stimulantes.

Dès la première phrase de l'introduction de ce rapport, le ton est donné : les accords de libre-échange de l'Union européenne n'ont eu de cesse de susciter la polémique. En effet, depuis l'Accord économique et commercial global (CETA), avec son cortège de déséquilibres commerciaux et l'établissement de procédures de recours accordant un rôle excessif aux entreprises multinationales aux dépens des États, en passant par le projet d'accord de libre-échange avec le Mercosur, ces accords, aboutis ou non, révèlent deux faiblesses majeures pour l'Union européenne et pour ses pays membres.

La première faiblesse est l'aspiration totalitaire de la Commission européenne, tentée mécaniquement d'abuser de sa position de négociatrice principale de tels accords. Cette position aboutit d'ailleurs systématiquement, à l'issue des négociations menées, au scepticisme des pays tiers, d'une part, et aux oppositions des États membres de l'Union européenne, d'autre part.

La deuxième faiblesse réside dans la difficulté croissante que les pays membres ont à mener avec cohérence à moyen et long terme des politiques nationales de promotion du commerce extérieur et de développement économique à l'export. Observons le projet d'accord sur le Mercosur. Depuis la fin des négociations en juin 2019, plusieurs pays ou régions de l'Union européenne s'y sont opposés : les Pays-Bas, l'Autriche, l'Allemagne, la Wallonie, la région de Bruxelles-Capitale, la Slovaquie, la Bulgarie, la Lituanie, le Luxembourg et la Roumanie. Le 13 juin dernier, notre Assemblée nationale a adopté à une large majorité, dont la minorité présidentielle, la résolution n°132 qui précise qu'il faut faire savoir publiquement à la Commission européenne et au Conseil que la France s'oppose à l'adoption séparée du seul volet commercial de l'accord, et que l'accord conclu dans son intégralité devra donc être soumis à un vote à l'unanimité des États membres, puis à un vote au Parlement européen et une ratification par l'ensemble des États membres selon la procédure prévue au niveau national.

Quelques questions s'imposent. Où en sont les négociations après l'échec d'Emmanuel Macron avec le Brésil les 13 et 14 septembre derniers ? Quid des oppositions des pays membres de l'Union européenne ? Quid de la résolution votée par les députés français ? Enfin, la procédure de négociation de ces accords ne mériterait-elle pas de recadrer le rôle de la Commission européenne ?

Deux aspects méritent d'être interrogés quant à la politique de commerce extérieur et de diplomatie économique de la France. Il faut éviter de concentrer et centraliser les efforts des services opérateurs de l'État en matière de commerce extérieur, mais plutôt les coordonner. Il faut également soutenir la prospection de tous les agents concernés dans les pays hors de l'Union européenne. En ce sens, les rapporteurs pourraient-ils préciser autant que faire se peut les recommandations n°5 de M. Ménagé et n°2 de Mme Métayer vis-à-vis de la politique commerciale de la France ?

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Merci monsieur le président et merci aux deux rapporteurs pour ce bilan des accords de libre-échange. Je pense que la discussion que nous allons avoir va nous servir de point d'appui et nous donner des éléments précieux à tous en amont des élections européennes à venir.

Nous partageons l'analyse des limites du système actuel du commerce international qui est malheureusement toujours défendu avec obstination par la Commission européenne et le gouvernement français malgré de grands discours sur la relocalisation et le protectionnisme européen, en partie sous la pression de l'Allemagne.

Des accords sont en vigueur avec 77 pays, 24 sont en train d'être adoptés et 5 autres sont en cours de négociation. Nous répétons qu'il s'agit là d'une folie, notamment au niveau social, avec l'exercice d'un grave dumping dans certains secteurs de la part de certains pays. C'est aussi une folie écologique basée sur le grand déménagement du monde. Au cours de la mandature précédent j'avais participé à une mission d'information sur la problématique du développement durable et constaté sa non prise en compte manifeste dans la politique commerciale. Enfin ce système commercial est problématique sur le plan des droits humains, comme le montre l'exploitation des travailleurs dans des conditions sociales et environnementales catastrophiques, économiquement nécessaire pour certains États afin de rester compétitif dans ce système globalisé.

C'est pour toutes ces raisons que l'opposition aux accords de libre-échange grandit. Plus de 2 000 collectivités européennes se sont déclarées hors TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement) ou CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement). En 2015, trois millions de citoyens provenant de vingt-cinq pays européens avaient signé une initiative contre ces accords.

Nous le disons : plus aucun accord de libre-échange destructeur pour la planète et les droits humains ne doit rentrer en vigueur à compter de ce jour. La Wallonie avait montré en 2016 qu'il était possible d'intervenir. Elle avait alors réussi à retarder l'application de l'accord du CETA en 2016. La Commission avait réagi en séparant l'accord en une partie simple et une partie mixte pour pouvoir quand même appliquer la partie simple ce qui pose un problème démocratique important. Nous souhaitons donc que la France utilise son droit de véto à ce type d'accord et je souhaite que lors de la discussion de ce jour les rapporteurs abordent ce sujet. Je vous remercie.

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. Merci monsieur le président et merci aux deux rapporteurs également. La densité du rapport révèle le contraste que représente l'Union européenne. Elle est, d'un côté, un formidable espace de commerce et d'échange y compris avec de nombreux pays extra-européens, malgré les barrières géographiques, culturelles et l'éloignement : nous pouvons être fiers d'avoir réussi à nouer autant de partenariats. De l'autre, l'Union voit aussi des craintes se formuler et nous devons y répondre.

Je voudrais formuler une remarque au sujet des recommandations que vous avez rédigées. Deux d'entre elles me semblent aller dans le bon sens : celle concernant le parallèle que vous avez dressé avec l'accord nord-américain en expliquant que nous pourrions diligenter une enquête et vérifier si sur le long terme nos partenaires respectent leurs obligations commerciales et celle au sujet du bilan carbone et la nécessité de mieux l'évaluer.

Ma question concerne le solde commercial français. Vous nous dîtes que le solde de la France est déficitaire depuis 2003, qu'il est même le plus déficitaire de l'Union européenne. Votre rapport associe cette dégradation de notre solde commercial à la désindustrialisation du pays alors que certains propos du rapport pointent directement les accords commerciaux comme étant responsables de cette même désindustrialisation. Je voudrais rappeler que la désindustrialisation est multifactorielle, la tertiarisation de l'économie joue également un rôle. Je voudrais aussi dire que soutenir la réindustrialisation c'est soutenir l'engagement qui a eu lieu depuis six ans sous l'impulsion du Président de la République et de la majorité. Nous sommes fiers de notre bilan. 100 000 emplois ont été créés et 300 usines ont rouvert. Ma question est la suivante, alors que l'Allemagne et l'Italie semblent tirer profit des accords de libre-échange, quels leviers faudrait-il selon vous activer pour que la France bénéficie elle-aussi d'une dynamique positive et redevienne excédentaire ?

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. Merci monsieur le président, et à vous aussi madame et monsieur les rapporteurs. J'ai apprécié la manière stimulante dont le rapport traitait de ce sujet souvent présenté de manière aride. J'ai deux questions à vous poser.

Il y a quelques années j'avais été co-auteure d'un rapport d'information sur les négociations du cycle de Doha dans cette commission et l'avenir de l'Organisation mondiale du commerce. À l'époque, une réflexion sur la mise en place de mécanismes de compensation multilatérale avait été suggérée entre les États excédentaires et déficitaires. Cela aurait permis de lier les problématiques commerciales, à celles de la dette et des finances. Pensez-vous qu'un tel modèle aurait sa place dans le cadre des accords de libre-échange de l'Union européenne ?

Ma deuxième question, concerne les enjeux sanitaires et environnementaux. Au sujet du dumping social et environnemental, vous suggérez d'assurer le caractère contraignant des objectifs inclus dans les accords en prévoyant à la fois des sanctions en cas d'irrespect et des mesures plus incitatives en liant les progrès effectifs aux droits de douane. Avez-vous des exemples montrant l'efficacité de telles mesures ? Quels biais avez-vous identifiés dans ce domaine ?

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. Je constate que les conclusions du rapport apparaissent de manière clivante. Je formulerai trois remarques et interrogations.

Premièrement, nous avons un nouveau rapport sur le bilan des accords de libre-échange mais les critiques restent immuables. L'intérêt de l'ouverture des échanges internationaux, en particulier pour certains secteurs comme l'agriculture, n'est toujours pas réinterrogé par les pilotes européens des négociations commerciales. L'aveuglement libéral de la Commission, qui semble être la dernière courroie de transmission de l'OMC, porte directement atteinte à nos engagements climatiques, à nos droits sociaux, à nombre de nos intérêts industriels. Alors qu'il est impératif de repenser entièrement nos systèmes de production et d'échange, ne serait-ce que pour tenir nos objectifs contenus dans l'accord de Paris, il n'y a aucune remise en cause de la structure du commerce international, qui devrait se fonder sur les complémentarités de production et la coopération entre les États plutôt que sur la simple compétitivité-prix. Le monde a besoin d'accords et de traités de maîtrise des échanges visant la satisfaction mutuelle des besoins humains et sociaux, l'émergence de nouveaux modes de production et de développement, la préservation des écosystèmes et la souveraineté alimentaire. Pas d'accords de libre-échange. Qu'en pensez-vous ?

Deuxième remarque : l'opacité continue de régner sur le contenu de ces négociations commerciales pilotées par la direction générale du Commerce. Opacité maintes fois dénoncée, mais chaque fois renforcée ! Ainsi, dans quelques jours, la Commission devrait annoncer, en grande pompe, la conclusion d'un nouvel accord de libre-échange avec l'Australie ! Accord qui prévoirait, semble-t-il, des quotas d'importation, à droits de douane nuls ou réduits, de 20 000 tonnes supplémentaires minimum de bœuf et d'agneau australiens. Personne ne peut savoir exactement ce qu'il y a dans cet accord puisque même les députés européens ne peuvent avoir accès aux éléments de la négociation. Le secteur agricole est, comme quasiment à chaque fois, la victime permettant la conclusion du deal pour les autres secteurs. Aussi je souhaiterais connaître votre position sur l'exclusion du secteur agricole du cadre des négociations commerciales, seule mesure à même de ne pas faire de nos éleveurs et agriculteurs les victimes permanentes du dogmatisme libéral.

Troisième remarque : un volet du rapport est consacré à l'enrobage « développement durable » des nouveaux accords, dits de troisième génération. Je dis « enrobage » car les quelques lignes qui y sont consacrées ne sont pas pour nous rassurer. L'opposabilité supposée de l'accord de Paris dans les relations commerciales ouvertes par ces nouveaux accords de libre-échange, dont l'accord UE-Nouvelle-Zélande serait le pionnier, ne convainc pas grand monde. On se demande bien quels moyens pourront être mis en œuvre pour en contrôler l'efficacité alors qu'ils n'existent pas. De la même façon, les exigences les plus fondamentales pour le secteur agricole de respect des principales normes d'élevage imposées aux éleveurs européens ne sont toujours pas posées comme condition d'accès à notre marché dans les ALE, à travers des clauses miroirs ou mesures miroirs. Au final, c'est toujours plus de viande importée traitée aux antibiotiques avec toujours plus de fruits et légumes traités avec des substances interdites en Europe et l'absence de tout contrôle sur la production à l'étranger. Le Président de la République ne respecte pas son engagement sur l'introduction des clauses miroirs dans les ALE.

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. Je voudrais enfoncer le clou de l'intervention de Mme Obono et je reviendrai sur l'ALE signé avec la Nouvelle-Zélande. Cet accord conclu en juin 2022 vise l'accélération et l'intensification des échanges commerciaux alors même que les producteurs agricoles se disent affaiblis par la multiplication des ALE et le grand déménagement du monde. Ils sont affaiblis par la concurrence déloyale imposée qui a aussi des conséquences environnementales, sociales et sanitaires. Avec cet accord, 164 000 tonnes de viande ovine, 10 000 tonnes de viande bovine, 330 000 tonnes de beurre et 25 000 tonnes de fromage néozélandais exemptés ou presque de droits de douane pourront être exportées vers l'Union européenne chaque année. Dans le même temps, la France a, en dix ans, perdu 24 % de ces agriculteurs dans la production laitière : la production a ainsi diminué et la France a dû augmenter ses importations. Nous avons du mal à suivre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen qui vantait un accord pionnier, ambitieux, historique qui ferait des deux partis des leaders internationaux en matière de respect des normes environnementales. Nous ne sommes guère convaincus. Quels sont les arguments pour étayer cette affirmation ?

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. Ma question porte sur la recommandation n°8 de monsieur Ménagé qui appelle à extraire les filières agricoles du champ d'application des futurs ALE. Selon le dernier rapport de FranceAgriMer, notre pays est le sixième exportateur agricole mondial et des filières entières dépendent de leurs exportations. Ces mêmes exportations représentent 40 % des ventes de la filière laitière et 32 % des ventes de la filière viticole. Les exportations hors Union européenne comptent pour un tiers de ce total. Le CETA, pourtant décrié, a entraîné une augmentation des exportations de viande françaises vers le Canada de l'ordre de 30 %. Alors que la viande canadienne était censée envahir notre marché, nous exportons trois fois plus que ce que nous importons. Il est vrai que les ALE peuvent déstabiliser certaines branches en rendant plus compétitifs les produits agricoles importés transformés notamment. Les recommandations de Lysiane Métayer visent un rééquilibrage en accompagnant mieux les agriculteurs en difficulté en amont sur la base d'études d'impact tout en exploitant leurs intérêts offensifs, cela me paraît intéressant. Votre solution en revanche monsieur Ménagé me paraît plus radicale. D'où ma question, pourquoi pensez-vous que les inconvénients des ALE surpassent les bénéfices pour notre agriculture, au point qu'ils faillent l'exclure totalement des accords ? Enfin, comment mitiger les conséquences pour les secteurs sinistrés ?

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Marie-Pierre Vedrenne, députée européenne

. La France défend des positions spécifiques en matière commerciale. Le principe est de défendre nos intérêts, la réciprocité et la cohérence entre toutes les politiques publiques.

J'aimerais rétablir quelques vérités : si le Mercosur n'est pas voté à l'heure actuelle, c'est parce que la France s'y est opposée, notamment par ma voix au Parlement européen. La réciprocité est un point essentiel, comme les mesures miroirs ou le respect de l'accord de Paris. Notre objectif est plutôt d'avoir des accords, mais à condition de les sculpter pour les rendre acceptables.

Ma question s'adresse à Thomas Ménagé : comment concilier le fait de vouloir porter des mesures miroirs et celui de ne plus inclure l'agriculture dans les accords de commerce ?

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Je vais d'abord répondre à la question sur le Mercosur. Je soutiens la position du gouvernement sur ce point. La France attend que l'accord soit plus ambitieux et aligné sur nos engagements. Cette attente s'exprime à travers trois conditions : inclure l'accord de Paris comme clause essentielle, modifier le chapitre consacré au commerce et au développement pour l'aligner avec nos plus hauts standards et renforcer les mesures miroirs pour protéger nos producteurs d'une concurrence déloyale.

Ces conditions prennent en compte des critiques légitimes dirigées contre les accords précédents. Il ne faut pas perdre de vue l'enjeu stratégique d'un tel accord. Si nous laissons la volonté des États du Mercosur de conclure un partenariat sans réponse, qui le conclura à notre place ? La Chine vient de conclure un accord de libre-échange avec le Nicaragua, et a signé plusieurs accords avec les États d'Amérique centrale et du Sud.

S'agissant de l'agriculture, la fermeture totale de ce secteur au libre-échange aurait des conséquences bien pires que l'impact négatif existant sur certaines branches. Cela est particulièrement vrai pour la France, puissance agricole exportatrice : nos productions sont reconnues et appréciées dans le monde entier. Le secteur des vins et spiritueux exporte un tiers de sa production, le secteur laitier exporte 40 % de sa production. Les secteurs des céréales et de la viande sont aussi exportateurs.

Néanmoins, derrière les chiffres, les vies des exploitants peuvent être bouleversées. Je formule donc une double recommandation pour prendre en compte ces intérêts contradictoires. Il faut d'abord accompagner les filières sensibles, par la production d'études d'impact précises, afin de conseiller au mieux les exploitants et d'anticiper les changements structurels. Par ailleurs, sur la prise en compte des intérêts offensifs, les acteurs concernés font déjà un énorme travail, reçoivent une aide de l'Union européenne, et méritent d'être plus entendus dans leurs revendications. Dans tous les cas, il faut une prise en compte de ce double enjeu dans le plan stratégique national français de la PAC, en impliquant tous les acteurs concernés : ministères, FranceAgriMer, les organisations professionnelles, les chambres d'agriculture, … La France doit jouer sur les deux tableaux pour préserver sa diversité d'exploitations, tout en permettant aux filières les plus compétitives de bénéficier des meilleures perspectives internationales.

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Mme Klinkert a admis qu'il y avait un doute sur les bénéfices réels de ces accords : c'est aujourd'hui une sorte de consensus parmi nous.

Il me semble impossible de garantir le respect des normes environnementales, puisqu'il est déjà impossible de maîtriser précisément ce qui entre sur le territoire de l'Union. M. Stéphane Ambec, que nous avons auditionné, a démontré que la première version de l'accord avec le Mercosur aurait des conséquences climatiques plus lourdes que les retombées économiques. Il y aurait des bénéficiaires, mais ce sont toujours les mêmes filières qui seraient les grands perdants : la filière bovine et la filière ovine, que je propose d'exclure des accords.

Pour répondre à Mme la députée Ménache, la recommandation n°5 que je porte vise à définir, via une loi d'orientation économique pour la France, une stratégie à long terme avec des objectifs en matière de commerce extérieur et de souveraineté économique. Je ne suis pas contre le commerce international. Toutefois, il y a aujourd'hui une nécessité de réduire nos dépendances aux exportations en soutenant et en structurant certaines filières. Je ne propose pas cela pour les avocats ou les goyaves, mais pour les produits que nous pourrions développer sur notre sol.

Concernant la question de Madame Obono, j'ai une proposition équivalente à l'instauration d'un droit de véto : permettre à chaque État de ratifier ces accords par référendum.

Concernant sa proposition de conditionner les accords de libre-échange au respect des droits humains, nous portons une proposition consistant à obliger le pays partenaire à ratifier les accords de l'OIT. On ne peut pas tolérer d'importer des produits de pays où des enfants travaillent, ou d'États où des syndicalistes ont été tués.

Concernant la question de Mme Morel, certains pays bénéficient plus des accords de libre-échange que d'autres. Est-ce parce que les accords sont davantage pensés pour certains pays, par exemple l'Allemagne ? C'est ce que je crois. Mais cela est lié à une méconnaissance de nos ETI, de nos PME des perspectives qui leur sont offertes. Je partage le fait que le déficit commercial n'est pas seulement lié aux politiques commerciales, mais aussi à une désindustrialisation et des années d'échec de politique économique.

Concernant la question relative aux mécanismes de sanctions, nous avons pu comparer ce qui se fait en Europe avec l'ALENA qui comporte des mécanismes de réponses et de sanctions rapides, avec le rétablissement de barrières tarifaires.

Concernant la question de Madame Karamanli sur la compensation multilatérale entre les États, c'est un sujet qui pourrait être discuté mais sur lequel nous n'avons pas travaillé.

Concernant l'agriculture et la question de monsieur Chassaigne, nous ne souhaitons pas stopper le commerce international, mais exclure les filières sensibles des accords de libre-échange. Rien n'empêche éventuellement de conclure des accords ad hoc en parallèle. Il faut un moratoire pour protéger nos éleveurs et agriculteurs.

Concernant la question de Madame Oziol sur l'accord avec la Nouvelle-Zélande, la commission INTA du Parlement européen a approuvé ce projet d'accord hier, et je le regrette. Il m'est difficile de vous fournir davantage de réponses sur le fond de l'accord, qui est négocié par Mme von der Leyen que je ne soutiens pas.

Concernant la question de Mme Vedrenne, les recommandations que nous portons sont à mes yeux des solutions de second rang : si de nouveaux accords sont conclus, je souhaite évidemment qu'il y ait des clauses miroirs, pour protéger nos agriculteurs. Mais l'objectif idéal est de ne plus conclure ces accords, car leur bilan est accablant. Ce qui est le plus clair dans ce rapport, ce sont les statistiques en annexe, qui montrent qu'un accord de libre-échange améliore la balance commerciale de l'Union européenne, mais pas celle de notre pays. Ces accords ne sont donc pas adaptés à la France.

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Je voudrais revenir sur les conséquences économiques, sociales et sanitaires des accords de libre-échange. Près de quatre millions d'emplois dépendent de nos exportations, représentant 13 % de l'emploi. Sur les conséquences environnementales, leur évaluation est évidemment difficile en raison d'un problème de causalité. Les mesures miroirs tel que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières doivent toutefois permettre d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris. D'un point de vue sanitaire, je voudrais relever qu'il faudrait plus de contrôle des produits provenant d'un État membre : il est donc nécessaire de donner davantage de cohérence à l'action des États. La création d'une Union douanière européenne doit répondre à ce sujet.

Concernant la critique du manque de transparence, je souhaiterais relever qu'aucune organisation internationale n'est plus transparente que l'Union européenne, qui publie ses mandats de négociations, des rapports de suivi, effectue des consultations publiques et soumet pour approbation le projet d'accord au Parlement européen. Le niveau de transparence dépend évidemment du partenaire, qui choisit de son côté ce qui doit être publié.

Concernant le contrôle, différents mécanismes existent. Il y a d'abord le contrôle diplomatique, avec la constitution de comités mixtes. Il existe également des mécanismes de règlement des différends, activés avec succès dans le cadre du CETA. Le droit international autorise aussi des sanctions et des mesures de rétorsion commerciale. L'Union pourrait aller plus loin en la matière, en instaurant un contrôle sur place au sein des traités. Cela fait partie de nos recommandations.

Pour ma part, je soutiens les accords de libre-échange qui sont une force pour l'intérêt collectif de l'Union européenne, bien plus important que les intérêts particuliers des États membres.

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Sur la question de Mme Le Peih, qui s'interroge sur les avantages et les inconvénients de ces accords pour l'agriculture, je suis conduit à recommander une exclusion de ce secteur des accords : il est très difficile de faire une comparaison entre les filières, notamment en raison des appellations d'origine protégées, comme en matière laitière, mais il y a toujours les mêmes gagnants et les mêmes perdants. On pourrait penser à des mécanismes de compensation, si l'exception agriculturelle n'est pas retenue.

Concernant le mécanisme de contrôle, je crois, comme ma co-rapporteure, qu'il faut que l'Union puisse aller contrôler sur place les entreprises des États partenaires. Tous les États n'ont pas d'entités de contrôle du même niveau que dans l'Union européenne.

Entre 2000 et 2023, les importations ont augmenté de 87 % dans l'Union, alors que l'augmentation des exportations n'a été que de 55 %. Cela n'est pas uniquement dû aux accords de libre-échange, mais ces accords n'ont pas permis d'améliorer l'accès à l'export pour les entreprises françaises.

La France est bien seule au sein de l'Union européenne à défendre une autre façon de conclure des accords de libre-échange. Contrairement à ma co-rapporteure, je ne pense pas que le collectif au sein de l'Union doive l'emporter sur le fait que notre économie nationale pâtit de ces accords.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

La séance est levée à 15 heures 39.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Henri Alfandari, M. David Amiel, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Delphine Batho, M. Pierrick Berteloot, Mme Chantal Bouloux, Mme Pascale Boyer, M. André Chassaigne, Mme Annick Cousin, Mme Laurence Cristol, M. Pierre-Henri Dumont, M. Jean-Luc Fugit, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Brigitte Klinkert, Mme Julie Laernoes, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, M. Denis Masséglia, Mme Yaël Menache, M. Thomas Ménagé, Mme Lysiane Métayer, Mme Louise Morel, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, Mme Anna Pic, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. – M. Frédéric Petit, M. Charles Sitzenstuhl

Assistaient également à la réunion. – M. Grégoire de Fournas, Mme Sandrine Le Feur, Mme Marie Pochon et Mme Marie-Pierre Vedrenne (députée du Parlement européen).