La réunion

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La commission des affaires économiques a procédé à l'audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique.

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Nous recevons pour la troisième fois, hors examen d'un texte législatif, Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. La présente audition s'imposait du fait de la très riche actualité concernant la fixation des prix de l'électricité.

Le 17 octobre dernier, les ministres européens de l'énergie sont parvenus à un accord, très attendu, sur la réforme du marché européen de l'électricité. La volatilité des prix, autorisée par les mécanismes actuels, rendait cette réforme indispensable, mais il s'agit d'un sujet très sensible pour nos partenaires allemands – j'ai pu le mesurer lorsque j'ai conduit, fin septembre, une délégation de huit députés de notre commission pour des réunions avec la commission de l'économie et la commission de la protection du climat et de l'énergie du Bundestag. Nous attendons donc que vous nous précisiez les contours de cet accord européen et que vous nous fassiez part des étapes suivantes, notamment des négociations en cours au sein du Parlement européen.

À la mi-novembre, le Gouvernement a dévoilé, en accord avec EDF, les grandes lignes du nouveau mécanisme de régulation des prix de l'électricité d'origine nucléaire devant succéder à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Comment ce nouveau mécanisme national s'articulera-t-il avec l'accord européen ? Pourriez-vous nous en détailler les modalités de mise en œuvre ?

Très attaché, comme vous le savez, à l'industrie française et à sa compétitivité, j'ai signé avec Olivier Marleix et Laurent Marcangeli, début octobre, une tribune dans la presse intitulée : « Pour un partage de la compétitivité nucléaire avec l'industrie ». Pouvez-vous nous convaincre que les réformes annoncées vont dans ce sens ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique

L'aboutissement des deux négociations, l'une, sur l'accord européen, l'autre, sur notre future régulation nationale du marché de l'électricité, est un apport majeur pour notre avenir énergétique. Le Président de la République s'y était engagé, nous l'avons fait.

Cet aboutissement constitue une réponse forte aux hausses record des prix de l'énergie et au bouleversement de nos circuits d'approvisionnement provoqué par l'agression de l'Ukraine par la Russie. Il est un élément essentiel pour bâtir la souveraineté énergétique de notre pays et reprendre le contrôle sur les prix de l'électricité, comme l'a souhaité le Président de la République.

Ces deux négociations vont de pair avec une stratégie énergétique consistant à produire massivement de l'énergie décarbonée – nucléaire comme renouvelable – et à poursuivre notre mobilisation générale en faveur de la sobriété et de l'efficacité énergétiques. Il n'y a pas d'autre chemin si nous voulons répondre aux besoins massifs d'électricité que susciteront demain notamment l'électrification des transports et la décarbonation de l'industrie – nous avons d'ores et déjà signé des contrats de transition écologique avec les cinquante sites industriels les plus émetteurs. Il n'y a pas d'autre chemin si nous voulons rester dans la course mondiale face aux États-Unis et à la Chine.

Une France souveraine, c'est une France qui maîtrise sa production et sa consommation d'énergie. Avec le Président de la République et la majorité présidentielle, nous avons posé les fondations pour bâtir cette souveraineté énergétique et concilier lutte contre le dérèglement climatique et compétitivité de notre pays.

Sur le plan européen, enfin, le nucléaire ne constitue plus un tabou à Bruxelles. C'était pourtant loin d'être évident, mais j'ai fait le choix de porter ce combat pendant que d'autres ne cessaient de prôner une sortie inefficace du marché européen de l'énergie. Casser le thermomètre ne fait pas tomber la fièvre.

Avec l'aide précieuse du groupe parlementaire européen Renew Europe, l'Alliance du nucléaire, que j'ai créée et qui rassemble quatorze États membres, a obtenu que le nucléaire soit reconnu comme une énergie indispensable à notre futur décarboné. Elle a réussi à faire adopter le principe de neutralité technologique dans des textes majeurs, comme la directive sur les énergies renouvelables ou la réforme du marché de l'électricité. Elle a supporté la filière nucléaire d'excellence, tant européenne que française, à travers la création d'une alliance industrielle pour les petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR), que la Commission vient d'annoncer, ou encore l'inclusion des technologies nucléaires dans le règlement pour une industrie à zéro émission nette.

Enfin, cette alliance a contribué à atteindre le triple objectif visé par la réforme de l'organisation du marché de l'électricité dans l'Union : premièrement, découpler les prix du gaz de ceux de l'électricité pour empêcher l'envolée des prix de l'électricité en cas de tension sur le marché des énergies fossiles – une situation que nous avons connue récemment ; deuxièmement, stabiliser les prix de l'électricité sur le long terme ; troisièmement, sécuriser nos approvisionnements énergétiques grâce à la solidarité européenne. Cet accord constitue donc une étape importante pour améliorer le fonctionnement européen et engager une réforme de notre régulation nationale dans les meilleures conditions.

Sur le plan national, nous vivons un point de bascule. Si notre pays a réussi le pari de décarboner sa production d'électricité grâce au choix historique de construire l'un des plus grands parcs nucléaires au monde, nous devons aujourd'hui décarboner l'ensemble de notre mix énergétique dans lequel les énergies fossiles, en majorité gaz et pétrole, représentent encore 60 % de la consommation d'énergie totale.

Pour réussir ce défi, nous disposons de quatre leviers très ambitieux : la sobriété, l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et le nucléaire. Refuser de mobiliser l'un de ces leviers pour des raisons idéologiques serait irresponsable, car cela compromettrait gravement l'atteinte de nos objectifs énergétiques et climatiques, et celle de notre souveraineté énergétique et économique.

En prenant 100 % du capital d'EDF, nous faisons de cette entreprise de service public le bras armé de notre politique énergétique. Nous choisissons de prolonger autant que possible la durée de vie de nos cinquante-six réacteurs existants, dans le respect de conditions de sûreté de haut niveau. Nous avons également lancé un programme de construction de six EPR2, et la mise à l'étude de huit unités supplémentaires. Ce programme constitue une nouvelle épopée industrielle. Il doit être une fierté pour notre pays, pour nos territoires, notamment pour les emplois que nous créerons grâce à cette relance. Nous renouons enfin avec l'esprit de la France des bâtisseurs.

Nous investissons également massivement dans l'amont et l'aval du cycle énergétique, ainsi que dans des projets de recherche et de mise au point de futurs réacteurs modulaires, pour que notre pays reste à la pointe technologique. J'ai d'ailleurs annoncé lundi, en marge du World Nuclear Exhibition (WNE), les noms des six lauréats de l'appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants » lancé dans le cadre du plan France 2030 et doté d'une enveloppe de 1 milliard d'euros. Au total, l'État soutient neuf projets innovants de nouveaux réacteurs modulaires ; d'autres sont en cours d'instruction.

C'est dans ce contexte que Bruno Le Maire et moi avons négocié avec EDF pour définir la régulation du marché de l'électricité qui succédera à l'Arenh en 2026. L'accord obtenu, actuellement en consultation publique, a trouvé un équilibre entre trois impératifs : le maintien de la compétitivité de notre industrie, la stabilisation des prix pour les ménages, la capacité pour EDF de poursuivre son développement et ses investissements.

À la différence de propositions de loi irresponsables, que votre commission a d'ailleurs légitimement rejetées, cet accord fixe des paramètres clairs. Il garantit un prix de l'électricité nucléaire moyen autour de 70 euros par mégawattheure (MWh) en euros de 2022. Ce prix constitue à la fois un gage de stabilité, de visibilité et de protection des Français et des entreprises.

Un gage de stabilité, d'abord, car il évitera de revivre une nouvelle envolée de prix. C'est un impératif majeur pour le pouvoir d'achat des Français, pour la compétitivité de notre économie et pour la réindustrialisation de notre pays. Ce prix couvrira aussi de façon soutenable l'ensemble des coûts du nucléaire existant ainsi que les investissements à venir, liés en particulier au programme nouveau nucléaire.

Un gage de visibilité, ensuite, car il permettra de développer des contrats de long terme. Il s'agit là d'une révolution, car les contrats actuels sont de court terme. EDF définira une politique commerciale adaptée aux besoins des différents consommateurs. Les industriels se verront proposer des contrats de partenariat de long terme prévoyant un partage des risques. EDF s'engagera à vendre sa production à moyen terme, sur quatre à cinq ans, ce qui permettra aux fournisseurs alternatifs de bâtir également des offres de long terme et les incitera à développer leurs propres capacités de production.

Un gage de protection des Français et des entreprises, enfin, car il instaure un mécanisme de redistribution des bénéfices au delà de niveaux de prix définis. Il s'agit, en d'autres termes, d'un mécanisme anticrise de nature à amortir une future hausse des prix, un bouclier tarifaire permanent qui ne pèse pas sur les finances publiques. Pour rappel, le bouclier tarifaire sur l'électricité a coûté 40 milliards d'euros.

Deux niveaux de prélèvement sont fixés : le premier, partiel, autour de 80 euros par MWh en euros de 2022, et le second, quasi-total, à partir de 110 euros par MWh en euros de 2022.

Cette nouvelle régulation corrige plusieurs défauts du marché tel qu'il fonctionne, qui ont lourdement pesé dans la crise énergétique. Elle permet d'abord de déconnecter le prix de l'électricité du prix du gaz, une aberration à l'origine de la flambée des prix de l'électricité, contre laquelle l'Arenh ne nous a pas protégés. Elle fait également en sorte que la redistribution bénéficie directement aux consommateurs : elle figurera sur sa facture, quel que soit le fournisseur, et il n'y aura pas de guichet réservé aux fournisseurs alternatifs comme c'est le cas actuellement. C'est une garantie de transparence vis-à-vis des consommateurs. Enfin, cette régulation préserve les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) pour les ménages et les petites entreprises. Ils seront étendus à toutes les TPE (très petites entreprises) puisque nous supprimerons le seuil de puissance maximale de 36 kilovoltampères (kVA). Cette évolution était très attendue.

Les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle régulation figureront dans la future loi relative à la souveraineté énergétique de la France, qui sera présentée en conseil des ministres en début d'année prochaine. D'ici là, nous aurons sans doute des occasions d'échanger sur ce texte.

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Nous en venons aux interventions des orateurs de groupe.

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Pour répondre à nos besoins croissants en énergie décarbonée, respecter nos engagements pour le climat et renforcer notre indépendance énergétique, la France agit. Nos objectifs pour 2050 sont ambitieux : construction de six nouveaux EPR, multiplication par dix de la capacité de production d'énergie solaire, déploiement de cinquante parcs éoliens en mer. Notre stratégie se fonde sur un mix énergétique décarboné composé du nucléaire et des énergies renouvelables en même temps. C'est le sens des deux lois votées à une large majorité par notre Parlement en début d'année. Dans ce cadre, la réforme du marché européen de l'électricité est bienvenue, d'autant plus que les Vingt-Sept ont entendu la position de la France. Le nucléaire aura ainsi toute sa place dans la stratégie européenne, permettant de sécuriser notre approvisionnement en énergie décarbonée et de reprendre le contrôle des prix de l'électricité. Quelles garanties avons-nous que ce compromis tiendra jusqu'au bout du processus législatif européen ?

Hier, aux assises de l'économie de la mer, le Président de la République a fait des annonces s'agissant de l'éolien offshore – un sujet qui vous est cher, madame la ministre. Il a confirmé le lancement en 2025 d'un appel d'offres pour la production de 10 gigawatts (GW), ce qui représente une dizaine de parcs qui seront mis en service d'ici à 2035. Il a également annoncé un investissement de 200 millions d'euros pour développer l'éolien flottant dans nos infrastructures portuaires. C'est une excellente nouvelle pour le respect de nos engagements, pour le climat, mais aussi pour notre économie et pour nos emplois. Le parc éolien de Saint-Brieuc a créé à lui seul plus de 1 700 emplois en France, dont 500 en Bretagne, et couvrira 9 % de la consommation énergétique bretonne.

Dans l'Hexagone, l'éolien en mer est la locomotive des énergies marines renouvelables. Il représente plus de 7 500 emplois et un chiffre d'affaires de près de 2 milliards d'euros l'année dernière. Il s'inscrit donc pleinement dans notre ambition d'atteindre le plein-emploi. Quelle méthode présidera à la construction des nouveaux parcs et quelles en seront les prochaines étapes ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

La réforme du marché de l'électricité est actuellement discutée en trilogues. Sans présumer l'issue des négociations, je peux dire que l'Alliance du nucléaire a clairement exprimé que l'équilibre du texte difficilement obtenu en Conseil européen ne saurait être remis en cause, notamment le fameux article 19 b. Il me semble que le Parlement souhaite renforcer certains éléments relatifs à la protection du consommateur, ce qui nous paraît tout à fait bienvenu pour ne plus connaître de situations de grande difficulté dans lesquelles s'étaient retrouvés les clients de fournisseurs d'électricité qui avaient soudainement disparu au moment de la crise.

S'agissant de l'éolien en mer, nous allons lancer le dialogue autour des documents stratégiques de façade (DSF) prévoyant la production de 45 GW en 2050, soit l'équivalent de treize EPR2. C'est dire l'importance de ce projet en termes de production électrique, sans parler des GW connectés. Cela représentera 25 % de notre mix énergétique à l'horizon 2050.

La loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables que vous avez votée nous fait gagner quelques années, mais, surtout, elle donne de la visibilité aux divers usagers de la mer – pêcheurs, transporteurs, acteurs du tourisme, collectivités locales –, et permet de planifier des projets. J'ambitionne de lancer, à partir de 2025, des appels d'offres pour un volume de 10 GW – l'équivalent de vingt parcs de Saint-Nazaire –, à connecter au réseau de transport d'électricité d'ici à 2035.

Par ailleurs, l'État consacre 50 millions d'euros dans le budget actuel à la recherche sur la biodiversité. Il s'agit de mieux la connaître pour réduire les risques des projets et disposer de données pour l'instruction des autorisations environnementales. Il accompagne également la filière éolienne pour lui donner de la visibilité et conforter les emplois dans un contexte où les décalages de projets et la difficile situation économique en Europe et dans le monde risquent d'entraîner des trous d'air dans les carnets de commandes. Je souhaite un pacte éolien capable de soutenir cette filière qui représente 30 % de la production européenne d'électricité.

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Après six ans de revirements et de contradictions, les Français nous en sont témoins, il nous est toujours impossible de comprendre le sens de votre politique énergétique. Alors qu'EDF accuse une dette de 64,5 milliards d'euros et que les factures d'électricité des Français ne cessent de s'alourdir, notre pays a plus que jamais besoin d'une ligne claire.

Inutile de rappeler les avantages précieux et uniques au monde de notre modèle de production électrique, la fameuse complémentarité de l'hydraulique et du nucléaire. Elle aurait dû suffire à nos besoins si, depuis quinze ans, vos prédécesseurs et vous n'aviez pas saboté la filière nucléaire. L'état de l'hydraulique nous inquiète tout autant aujourd'hui : elle ne saurait être bradée sous couvert d'ouverture à la concurrence.

En sous-investissant, en programmant la diminution drastique de la part du nucléaire et en fermant la centrale de Fessenheim, vous avez fait preuve d'une naïveté confondante – j'ose croire qu'il ne s'agit que de naïveté –, partagée d'ailleurs par nos collègues insoumis ou écologistes qui n'en guériront probablement jamais.

Dans la lignée des gouvernements qui se succèdent depuis vingt ans, vous avez laissé attaquer le nucléaire français par des pays où la production d'électricité est plus chère, mais surtout nettement plus polluante, comme l'Allemagne. Dans l'illusion de créer une concurrence, l'Arenh a contribué massivement à déstabiliser notre producteur historique – même Bruno Le Maire en convient aujourd'hui. Cependant, malgré sa nocivité, vous n'avez jamais voulu remettre en question ce dogme, alors que vous en auriez eu l'occasion depuis six ans.

En parallèle, vous avez encouragé et subventionné le développement hasardeux de l'éolien et du solaire alors même que ces énergies intermittentes nous rendent dépendants des centrales à gaz et à charbon.

Nous sommes à l'aube d'un défi industriel titanesque : la relance du nucléaire dans notre pays. Vous vous prévalez d'un nouvel accord sur les prix de l'électricité, dont les effets positifs pour les particuliers et les entreprises sont encore douteux, mais aussi de la reconnaissance par Bruxelles du nucléaire comme industrie verte. C'est bien, mais le chemin à parcourir reste très long.

Vous nous présentez aujourd'hui la fusion de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Bien réalisée, elle pourrait certes s'avérer utile mais, là encore, n'est-ce pas dérisoire au regard des quatorze réacteurs à construire ? Comment va-t-on les faire ? Alors que deux amendements devaient suffire à entériner cette fusion, le projet de loi contient maintenant dix-huit articles. Comment l'expliquez-vous ? Ne s'agit-il pas ici d'un énième coup de com' entre deux projets éoliens ?

En matière de ressources humaines, d'investissement et de logistique, la relance du nucléaire exige une mobilisation inédite et doit faire l'objet d'un consensus dans votre gouvernement et votre majorité. Pouvez-vous nous assurer que le nucléaire constitue bien, devant les énergies renouvelables, une priorité pour le Gouvernement ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

En parlant de six ans de revirements, vous faites référence, je pense, aux sincérités successives de votre présidente de groupe sur le nucléaire.

Nous sommes en effet au pouvoir depuis six ans, et nous avons relancé la filière du nucléaire : j'étais moi-même à la manœuvre lors du lancement de l'étude de Réseau de transport d'électricité (RTE) sur les différents scénarios possibles ; en 2020, le nucléaire figurait parmi les six secteurs prioritaires du plan de relance industrielle ; en 2021, nous avons présenté un scénario de relance du nucléaire dans la défense ; en 2022, le Président de la République en a fait un élément important de notre stratégie énergétique alliant sobriété, efficacité et développement des énergies renouvelables.

Vous qualifiez d'hasardeux le développement de l'éolien en mer : il faudrait vous mettre aux mathématiques ! Sans les énergies renouvelables, nous nous retrouverons face à un mur énergétique. Le « en même temps », c'est toute la cohérence de notre action politique.

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Dans ma circonscription, comme partout dans le pays, les files d'attente des Restos du cœur s'allongent à cause de l'inflation des prix de l'alimentation et de l'énergie, et vous inventez une nouvelle usine à gaz. Après avoir fanfaronné sur la grande victoire française obtenue dans la négociation européenne, vous avez fini par céder aux exigences contraires du PDG d'EDF, et vous vous obstinez à coller des rustines sur des mécanismes de marché.

En matière d'électricité, un marché ne peut fonctionner ni pour assurer la stabilité et la visibilité des prix, ni pour financer les investissements nécessaires, encore moins pour garantir l'égal accès à ce bien de première nécessité. C'est ce que nous ont dit les économistes et les représentants de consommateurs lors du colloque que nous avons organisé le 26 octobre dernier. Ces experts ont insisté sur l'ineptie de transformer les usagers en traders ainsi que sur l'inutilité des fournisseurs alternatifs, qui ne fournissent rien d'autre que la facture et dont l'existence même fait nécessairement monter les prix.

Pour remplacer l'Arenh, vous sortez de votre chapeau un tarif cible de 70 euros par MWh auquel EDF vendrait son énergie nucléaire à ces fameux fournisseurs et dont les dépassements au-delà de 80 euros seraient taxés pour être reversés au consommateur. Combien, pour qui, comment ? Nul ne le sait. Ce tarif maintient d'ailleurs un écart important entre un coût de production, dont la Commission de régulation de l'énergie (CRE) estime qu'il ne dépassera pas 57 euros du MWh sur la période 2026-2030, et un prix au consommateur dont le montant n'est pas garanti. Personne ne comprend, en effet, comment seront calculés les tarifs réglementés, qui, après avoir bondi de plus de 70 % en dix ans, grimperont encore de 10 % au 1er février prochain avant de disparaître. En réalité, ce tarif surévalué sert à financer la relance du nucléaire dont les résultats seront de toute façon trop tardifs pour décarboner notre économie d'ici à 2050.

Vous vous êtes entendue avec M. Rémont pour qu'EDF signe des contrats de gré à gré avec des entreprises électro-intensives qui investiraient dans les nouveaux réacteurs en échange d'un volume d'électricité et d'un prix stable sur plusieurs années. Le contribuable couvrira-t-il les éventuelles défaillances d'EDF auprès de ces gros clients ? À l'inverse, que se passera-t-il si un industriel fait faillite ? Ces contrats pourront-ils être conclus avec des entreprises étrangères ? Et si, comme l'hiver dernier, des délestages sont envisageables, va-t-on couper le courant aux ménages, PME et collectivités pour le réserver à ces gros clients, potentiellement étrangers ?

À rebours de vos mirages libéraux, nous proposons de revenir à un opérateur public national intégré, gérant toute la chaîne, de la production à la commercialisation. Cette maîtrise publique pleine et entière permettrait d'avoir des tarifs fondés sur les coûts de production réels, et un pilotage optimisé du système. Cela ne ferait nullement obstacle à nos échanges avec nos voisins et emporterait, à coup sûr, l'adhésion des salariés de l'opérateur historique.

Madame la ministre, votre gouvernement fait croire depuis des mois qu'EDF est nationalisée. Dites-nous donc ce qui empêcherait l'application de notre proposition si simple et évidente.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

D'abord, cette régulation fonde les tarifs sur les coûts de production réels et sur les investissements futurs. Lorsque vous les citez, vous oubliez de mentionner que les calculs de la CRE n'intègrent pas les investissements. Par contre, ils incluent un prix plancher, qui n'existe plus désormais ; or, cette mesure, qui fait baisser les factures, a un coût. Je ne rentrerai pas dans le détail du calcul, mais ainsi s'explique le prix de 70 euros par MWh. Au passage, je trouve étonnant que vous mettiez brusquement en cause EDF, après nous avoir tant reproché de mettre à genoux cette formidable entreprise de service public.

Ensuite, nous gardons les tarifs réglementés, et nous nous engageons à les étendre non seulement aux ménages – qui n'auront pas à se livrer à du trading –, mais aussi à toutes les TPE, même quand elles dépassent le seuil de 36 kVA.

Vous avez raison de signaler que certains fournisseurs alternatifs n'ont pas développé de nouvelles capacités de production. Ce système de régulation les y incitera, et renforcera également la protection des consommateurs face à des pratiques inacceptables de leur part.

Enfin, l'effacement fait évidemment partie des contrats : sans cela, il n'y aurait pas de partage des risques.

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Pendant le précédent quinquennat, nous vous avions reproché de ne pas remettre en cause le désengagement nucléaire de la France commencé sous François Hollande, qui nous a conduits à la situation actuelle d'envolée des prix de l'électricité. Nous nous réjouissons donc de votre changement de politique nucléaire, que nous appelions de nos vœux. Or notre programmation pluriannuelle de l'énergie n'a toujours pas été corrigée. La filière entière a besoin de visibilité. Vous annoncez pour janvier prochain la loi sur la souveraineté énergétique : quel en sera le calendrier d'examen et quand prévoyez-vous son adoption définitive ?

Concernant l'accord entre EDF et le Gouvernement sur le prix de l'électricité à partir de 2026, le mécanisme de captation de la rente d'EDF reste encore très flou et rend imprévisible le prix facturé aux Français. Que répondez-vous aux inquiétudes grandissantes des industriels qui préféreraient un système de régulation ex ante et à la critique du manque de transparence autour de l'élaboration de cet accord, qui ne comporte d'ailleurs aucune garantie de séparation des activités de producteur et de fournisseur d'EDF ?

Les 70 euros par MWh seront-ils valables pour un, deux ou dix ans ? Seront-ils réévalués en fonction des coûts du marché ? En partant de ce tarif, à production constante d'électricité, quelles sont les projections en milliards d'euros pour les futures réserves financières d'EDF et quels seront les effets en matière de désendettement ?

Enfin, l'Union européenne cherche 584 milliards d'euros pour financer la modernisation de ses réseaux électriques d'ici à 2030. En France, le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe) va donc augmenter. A-t-on une idée du coût total sur la facture finale du consommateur de l'augmentation du Turpe couplée au financement de la production nucléaire ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

À partir de 2026, sur l'ensemble de la production nucléaire, le prélèvement de la rente sera de 50 % au-delà de l'équivalent de 80 euros du MWh, tarif 2022, et d'un peu plus de 90 % au-delà de l'équivalent de 110 euros du MWh. Le tarif n'évolue pas en fonction des coûts du marché, mais en fonction des coûts de production. Ceux-ci prennent en compte un niveau de productible à 330 euros du térawattheure (TWh), ainsi que l'ensemble des investissements dans le grand carénage et les centrales existantes, autrement dit le tout-venant, et une partie de l'investissement dans le nouveau nucléaire. Voilà comment sont construits ces 70 euros du MWh ; nous tenons ici la promesse du Président de la République d'indexer le tarif de l'électricité sur ses coûts de production.

Nous nous employons à calmer les inquiétudes. Il est évident que les tarifs d'un acteur important du marché doivent respecter les impératifs légaux de transparence et de réplicabilité. La CRE y veille.

Vous mentionnez que les activités de production et de commercialisation d'EDF ne sont pas séparées. Nous demandez-vous de découper EDF en plusieurs morceaux ? Bruno Le Maire lui-même a pourtant bien annoncé la fin du projet Hercule.

Vous avez raison, l'augmentation du tarif des réseaux entrera en ligne de compte dans les années qui viennent. Toutefois, les investissements s'étendront sur les dix-sept prochaines années, ce qui réduira l'augmentation à quelques euros par an. Là encore, elle se fondera sur les coûts de production, qui doivent donc être les plus compétitifs possible. Autrement dit, il faut produire le plus de nucléaire possible.

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Je salue, au nom de mon groupe, les accords extrêmement importants conclus ces dernières semaines sur la réforme du marché européen de l'électricité et sur les futurs prix du nucléaire. La France a ainsi démontré que l'Union européenne reste un espace dans lequel il est possible de discuter de nos règles communes pour que chacun en tire profit. Nous faisons surtout la preuve que la France demeurera une puissance économique de premier plan, dotée d'une énergie bon marché, grâce au nucléaire et aux investissements dans les énergies renouvelables.

L'accord trouvé avec EDF ne correspond pas exactement aux fameux contrats pour la différence (CFD) négociés dans le cadre de l'accord européen, car on n'y retrouve pas le prix plancher. Qu'en est-il de vos discussions avec la Commission européenne à ce sujet, notamment sur les deux points qui appellent aujourd'hui des précisions : la redistribution des sommes captées au-dessus des deux seuils de 70 et 110 euros du MWh, et les relations avec les distributeurs alternatifs ?

Pour finir, je me réjouis de l'accord avec EDF sur les tarifs réglementés de vente pour les TPE, qui annule les seuils précédemment fixés à une puissance de 36 kVA, à un maximum de 10 salariés et à moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cela évitera à nos boulangeries, commerces de proximité encore présents dans nos villages, de subir cette hausse et de la répercuter sur nos concitoyens.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

Les CFD sont optionnels pour les installations nucléaires existantes, et ils s'appliquent seulement en cas d'aides de l'État. L'accord trouvé avec EDF respecte ainsi l'esprit de l'accord conclu au niveau européen, qui est de prolonger la maturité et de diminuer la volatilité de nos contrats d'électricité. Au niveau européen comme français, l'objectif est de diminuer la dépendance des systèmes électriques européen et français aux prix du fossile, inciter à augmenter la production d'énergie décarbonée pour faire baisser les prix, et enfin donner de la visibilité aux acteurs industriels et aux producteurs d'énergie. Ces éléments sont bien respectés dans les deux accords conclus au niveau européen et avec EDF.

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Il y a quelques semaines, lors de son audition, M. Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a laissé entendre que d'autres entreprises qu'EDF pourraient demain exploiter des réacteurs nucléaires, classiques ou SMR. La recherche est une chose, l'exploitation en est une autre. Pouvez-vous nous rassurer en nous confirmant qu'EDF détient bien le monopole d'exploitation sur le futur parc électronucléaire ?

L'accord post-Arenh avec EDF sur les prix de l'électricité est interprété différemment par les spécialistes, certains considérant que le mécanisme retenu est soumis à la réglementation sur les aides d'État. Quelle est votre analyse de ce dispositif ? Si la Commission européenne considérait cet accord comme contraire à la réglementation en la matière, quel serait votre plan B ?

Que répondez-vous à ceux qui regrettent le manque de transparence et craignent le caractère imprévisible des prix et de la facture des consommateurs ?

Les clauses de revoyure semblent déjà prévues, ce qui laisse supposer que cet accord n'intègre que partiellement, à ce stade, le financement du nucléaire futur, voire du grand carénage, selon l'ASN. Que recoupe précisément le niveau de prix annoncé aujourd'hui ?

Comment seraient réparties les sommes reversées par EDF à l'État au-delà des 70 euros du MWh ? Elles iraient aux consommateurs, avez-vous dit : lesquels ? Particuliers, collectivités, entreprises, électro-intensifs ? Quelle serait l'étendue de cette mesure ?

S'agissant des fournisseurs alternatifs, confirmez-vous la fin des dispositifs spécifiques les concernant, et qu'ils devront s'approvisionner soit sur les marchés, soit sur leurs propres productions ?

Nous ne trouvons pas, dans la stratégie française pour l'énergie et le climat mise en consultation publique, les conditions nécessaires pour accélérer fortement la production des énergies renouvelables sur la période 2025-2035. Or, à ce moment, nous ne disposerons pas encore du nouveau parc nucléaire, et la prolongation du parc actuel, que nous souhaitons, reste incertaine. Comment comptez-vous garantir la sécurité d'approvisionnement ?

Dans le cadre du passage du régime concessif de l'hydroélectricité au régime d'autorisation, comment traiterez-vous la spécificité de la concession du Rhône ?

Enfin, la loi de souveraineté que vous évoquez est-elle bien la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

Je vais répondre aux questions qui n'ont pas déjà été posées.

Si les réacteurs dont vous évoquez l'exploitation sont les SMR, je vous rassure, il n'y en aura sans doute aucun de connecté avant 2030. L'objectif de la LPEC et de la stratégie française « énergie-climat » est en effet de couler le premier béton des SMR en 2030. Le législateur de 2030 ou 2040 prendra position sur leur exploitation.

Comme vous l'avez constaté, les curseurs sont poussés au maximum pour chaque énergie renouvelable, mais avec toujours un pied de pilote. J'accepte volontiers que la filière photovoltaïque triple son rythme de déploiement, mais je ne peux faire prendre des risques au pays si elle ne fait que le doubler – ce qui serait déjà une jolie performance. Je pousse plutôt un système de cliquet.

S'agissant de l'hydroélectrique, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) est bien concernée et nous regardons avec elle comment traiter la complexité particulière que constitue son triple objet de service public.

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L'ASN nous a dit avoir déjà reçu des demandes d'exploitation, qu'elle ne pouvait pas exclure car la loi ne prévoit pas de monopole d'exploitation. On ne peut donc pas interdire à l'ASN d'examiner un dossier, notamment pour des procédés industriels décarbonés, qui utiliseraient des SMR ou d'autres technologies nucléaires.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

Au reste, il est difficile d'interdire dans la loi l'exploitation de procédés qui n'existent pas encore. Laissons les recherches se poursuivre avant d'organiser les modalités d'exploitation, d'autant plus que ces porteurs de projets peuvent être des laboratoires publics. Il serait prématuré, à ce stade, de se priver de solutions innovantes en fermant le marché ; ce serait même une grave erreur. N'allons pas plus vite que la musique.

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L'objet de cette audition m'étonne et le mépris affiché envers les parlementaires me met en colère.

Je suis surprise des tergiversations autour de la stratégie nationale « énergie-climat » ou de la LPEC. Certains parmi nous ont contribué au groupe de travail et nous n'avons reçu aucune information sur le calendrier parlementaire. Au regard des enjeux énergétiques et climatiques, ces travaux devraient constituer une priorité absolue pour le Gouvernement – il n'en est rien. La consultation ouverte le 22 novembre dernier sur la politique énergétique française concerne en réalité l'adaptation française aux obligations européennes. De plus, elle ne durera que trois semaines. Pensez-vous sérieusement que cette durée suffira pour concerter correctement une feuille de route énergétique et climatique pour la France ? Allez-vous étendre cette consultation à un processus démocratique ou s'agit-il d'une manière de nous mettre devant le fait accompli, comme sur de nombreux sujets ?

Un projet de loi sur la production énergétique devrait compléter la consultation. Là aussi, surprise : depuis des mois, nous vous interpellons sur le calendrier et sur une loi de programmation sur l'énergie et le climat, qui aurait déjà dû faire l'objet d'un débat parlementaire. Vous brandissez maintenant une loi de souveraineté ou de production énergétique – on ne sait. Mais où traite-t-on du climat ? Où traite-t-on de la sobriété et de l'efficacité énergétiques ? Comment peut-on faire l'impasse sur les enjeux climatiques ?

S'agissant de la sûreté du nucléaire, le président de l'ASN a été auditionné par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et par celle des affaires économiques, mais nous n'avons pas eu la chance de vous entendre sur le sujet. J'entends que vous ne voulez pas prendre le risque que le photovoltaïque n'atteigne pas ses objectifs, mais la prolongation des centrales et la construction de nouveaux EPR ne vous posent pas de problème : il faut foncer, quitte à brader la sûreté du nucléaire.

En matière de rénovation, vous avez fait des annonces, mais les crédits ne sont pas à la hauteur des objectifs. Si cela signifie que vous donneriez la priorité, de manière structurelle, à la réduction de notre consommation, c'est inquiétant.

La réforme du marché de l'électricité européen, qui agit très directement sur les factures des Françaises et des Français, présente des motifs de satisfaction, mais aussi des points extrêmement négatifs, à commencer par les manigances de la France concernant le nucléaire. J'y reviendrai dans une question complémentaire.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

Je ne sais pas si l'on peut parler de mépris alors que mon cabinet, comme il l'a fait pour tous les participants à ce groupe de travail, vous a appelée précisément pour vous faire part du calendrier et des prochaines étapes de la stratégie française « énergie-climat ».

Les enjeux climatiques, nous n'en parlons pas, nous agissons. Les émissions de gaz à effet de serre de la France ont baissé de 2,7 % l'année dernière et de 4,3 % sur le premier semestre 2023 – c'est, semble-t-il, la meilleure performance des pays du G20.

Je ne peux vous laisser dire qu'il n'y a pas eu de concertation sur la stratégie française « énergie-climat » alors que la Commission nationale du débat public (CNDP) en a conduit une qui a duré six mois, après avoir consacré quatre mois à construire, avec toutes les parties prenantes, des propositions dont nous avons repris l'essentiel. Votre présentation est extrêmement biaisée.

Enfin, la LPEC comprend un volet de programmation énergétique – cela répond également à Mme Battistel.

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La période que nous venons de traverser a démontré à quel point le libéralisme dans le secteur de l'énergie n'a pas permis de faire face à l'explosion des prix, à la spéculation, à la concurrence déloyale, à la menace de délestage, au manque de main-d'œuvre, aux besoins d'investissements. Le glas a sonné pour cette libéralisation.

Vous avez augmenté la part de l'État à 100 % du capital d'EDF ; vous trouvez une utilité aux tarifs réglementés ; vous relancez, bien que tardivement, la filière nucléaire. « Tout va très bien, madame la marquise », pourrait-on dire. Pourtant, le député de Penly que je suis reste inquiet.

Je salue l'énergie que vous avez déployée pour trouver un accord à l'échelle européenne. Mais si la reine est morte, le marché reste roi. Vous donnez les moyens à EDF d'investir sur les carénages et sur le nucléaire du futur – bien que vous ne nous répondiez guère sur les réseaux –, mais le marché continue de s'emparer du secteur de l'énergie. Je n'ai toujours pas compris comment fonctionnerait votre mécanisme de redistribution en cas de prix favorables à EDF, ni comment les prix seraient stabilisés. Bruno Le Maire, qui nous annonce des hausses de tarif de 10 % à 20 % en septembre, les exclut en novembre : que croire ?

Je crains également qu'après avoir libéralisé la demande en créant une concurrence artificielle sur la fourniture énergétique, vous n'ayez pas renoncé à libéraliser la production. Vous avez récemment déclaré dans Le Monde que « le système énergétique doit être reconstruit en changeant de philosophie. Il était jusqu'à présent très centralisé autour de quelques centaines de sites de production et de quelques grandes entreprises qui les pilotent ; à l'avenir, des dizaines de milliers de sites seront à la fois producteurs et consommateurs ». Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? S'agit-il d'appliquer au nucléaire l'anarchie qui a démontré son inefficacité sur les énergies renouvelables ?

Avec les Marcheurs, c'est comme avec Bigflo et Oli : ça va trop vite ; il faut accélérer et simplifier sans cesse. Ne confondons pas vitesse et précipitation ! Je suis un défenseur du nucléaire, mais d'un nucléaire transparent, démocratique, sûr. Or rien ne prouve qu'avec la vitesse, votre réforme nous garantira tout cela.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

Si je dis que notre futur système électrique comprendra des milliers de sites de production, c'est parce qu'il suffit d'installer un panneau photovoltaïque sur une toiture pour devenir producteur d'électricité. Peut-être voulez-vous empêcher la réalisation des milliers de projets d'énergies renouvelables qui voient le jour chaque année dans notre pays ? Cette intention politique me semble légèrement décalée pour votre groupe NUPES.

Au sujet des prix de l'électricité, vous confondez l'estimation par la CRE de l'augmentation selon le tarif réglementé actuel – en septembre, elle était de 10 % à 20 %, et a d'ailleurs baissé depuis – et le plafonnement que Bruno Le Maire et moi-même avons constamment annoncé à 10 %, car c'est ainsi qu'est structuré le bouclier électricité. Nous maintiendrons cette protection en 2024.

La redistribution reprend le fonctionnement très simple déjà appliqué avec les dispositifs de l'amortisseur électricité et du bouclier tarifaire : c'est automatisé sur la facture.

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Mme Battistel l'a dit, beaucoup pensent que la Commission européenne pourrait considérer ce dispositif comme une aide d'État, et l'invalider. Comment réagirait le Gouvernement ?

N'y voyez pas de provocation, nous pensons que la Commission pourrait être tentée, en contrepartie de ce dispositif, de demander une scission des activités d'EDF afin de libéraliser le marché. Cela nous rappellerait le projet Hercule. Qu'en pensez-vous ?

Vous avez cité les trois axes fondamentaux de l'accord européen : décorréler les prix de l'électricité de ceux du gaz, stabiliser les prix de l'électricité, sécuriser l'approvisionnement. Je ne comprends pas bien quelles sont nos garanties pour que les prix restent stables.

Enfin, nous avons beaucoup parlé ces derniers temps de la fusion de l'ASN et de l'IRSN. On a évoqué la nécessité de remédier aux problèmes de doublons, aux manquements et autres crises, mais je tends à penser que cette fusion a plutôt à voir avec la loi d'accélération du nucléaire et que c'est la perspective d'accélération des procédures qui vous conduit à prendre cette décision. Avez-vous évalué les gains de temps que cette nouvelle organisation administrative indépendante permettrait d'obtenir ? Pouvez-vous nous garantir que cette fusion ne se fera pas au détriment de la transparence et de l'exigence de sécurité à laquelle nous sommes tous très attachés pour la filière du nucléaire ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

Le dispositif ne comporte pas d'aide d'État – ce serait le cas s'il y avait un prix plancher. Il ne s'agit ici que de redistribuer ce qui est pris. Il est cependant de la responsabilité d'EDF que les contrats garantissent la transparence et la réplicabilité, un point dont s'assure la CRE et sur lequel la Commission européenne pourrait nous interroger. Ce dispositif est donc autant une aide à EDF que l'impôt sur le revenu est une aide au contribuable.

La fusion de l'ASN et de l'IRSN induira en effet des gains de temps. Vous avez assisté hier à une réunion de travail avec moi et les élus. Un participant a expliqué que, après que les problèmes de corrosion sous contrainte ont été réglés, trois à quatre mois ont été perdus pour la reconnexion au réseau du deuxième réacteur de Civaux pour des raisons de procédure entre l'ASN et l'IRSN. Ce renvoi permanent entre deux institutions est un problème, pas seulement quand on veut accélérer, mais aussi quand il faut traiter beaucoup de dossiers.

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Comment l'accord européen sur le prix de l'électricité profitera-t-il aux industriels, notamment pour leur compétitivité face à des industriels étrangers, y compris de pays voisins ?

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Comment seront financés les 150 à 200 milliards d'euros d'investissements du groupe EDF ? Il faudrait 50 milliards pour prolonger de vingt ans le parc existant, 50 milliards pour construire les six EPR – en espérant que ce coût ne double pas – et 50 milliards, voire 80, pour les réseaux. Quelle évolution des prix envisagez-vous pour faire face à ces besoins considérables ?

Vous justifiez la fusion de l'ASN et de l'IRSN par l'accélération des délais. Or une convention entre ces deux institutions fixe des délais qui ont toujours été respectés en ce qui concerne l'IRSN.

Pensez-vous bon que la recherche dépende d'une seule institution, ce qui serait unique au monde ? Toutes les autres institutions font appel à des sous-traitants.

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Je vous confirme n'avoir jamais été contactée par votre cabinet à propos de la stratégie « énergie-climat ».

Concernant les prix de l'électricité, on a reproché aux 42 euros du MWh de l'Arenh d'avoir été fixés au doigt mouillé ; il semble que les 70 euros du MWh aient été décidés de la même manière. Pourquoi le second seuil pour le plafonnement de la rente a-t-il été fixé à 110 euros du MWh ? Ce prix est supérieur à celui évalué par la CRE. Est-ce vraiment aux Français de payer pour tout, le remboursement de la dette d'EDF et le financement des nouvelles centrales nucléaires ?

Les mécanismes de redistribution sont extrêmement flous. Pouvez-vous assurer qu'ils bénéficieront principalement aux consommateurs d'énergie les plus précaires, et non aux plus gros ? Les fournisseurs avec qui j'en ai parlé m'ont dit ne pas savoir comment les mettre en œuvre.

Enfin, les fournisseurs alternatifs sont consultés sur cet accord une fois vos annonces faites ! Leur avis vous importe-t-il quelque peu ou avez-vous déjà tout arrêté à l'avance ?

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Nous avions joint nos efforts, Sébastien Jumel et moi, pour nous opposer au démantèlement d'EDF ; je constate que cette réforme peut y conduire.

Le Turpe va peut-être augmenter. A-t-on une idée du coût sur la facture finale du consommateur du Turpe additionné au financement de la production nucléaire ? C'est une question très importante pour les Français.

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S'agissant de la fusion de l'ASN et de l'IRSN, lors de nos discussions sur l'accélération du nucléaire, nous avions soulevé plusieurs points de vigilance : publicité des avis, transparence des décisions, indépendance des branches expertise-recherche vis-à-vis de celles de décision, séparation éventuelle de la recherche entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire. Vous avez levé ces inquiétudes dans votre futur projet de loi. Pourriez-vous néanmoins préciser comment cette fusion entre ces deux organisations assurera l'indépendance et l'objectivité des chercheurs vis-à-vis des décideurs ?

Les liens entre nucléaire civil et nucléaire militaire sont essentiels. Le rattachement de la recherche militaire au ministère des armées mettrait fin à la facilité de coopération. Comment envisagez-vous de la faire subsister ?

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J'ai, moi aussi, une question sur la dissolution de l'IRSN dans l'ASN. Elle est différente de celle que je vous ai posée voilà quinze jours en séance, car je redoute de recevoir la même non-réponse.

Plusieurs organismes ont rendu leur avis. Il est défavorable pour le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et pour le Conseil supérieur de la fonction publique d'État (CSFPE). Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) et le Conseil supérieur de l'énergie (CSE) ont émis des réserves, ce que fera sans doute aussi le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) qui se prononcera demain.

Vous avez snobé, hier, la trente-cinquième conférence des commissions locales d'information (CLI), qui s'est opposée à cette fusion ; la veille, vous aviez annulé au dernier moment votre rencontre avec les salariés de l'IRSN, leur laissant une ardoise de plusieurs dizaines de milliers d'euros pour l'organisation de cet événement. Ils se sont sentis méprisés. Si l'on voulait braquer tous les acteurs indispensables à cette réorganisation, on ne s'y prendrait pas autrement. Ma question est donc simple : que cherchez-vous ?

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Je suis surpris par le coût annoncé. Nous en reparlerons.

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Les Français doivent payer de plus en plus cher pour se chauffer, notamment ceux qui se chauffent à l'électricité ; la conséquence en est qu'ils sont de plus en plus nombreux à souffrir du froid – leur nombre a doublé en deux ans, pour atteindre 26 % de la population. Ce qui m'inquiète, c'est que je ne vois rien dans votre politique qui endiguerait cette spirale de précarité énergétique. L'accord avec EDF aboutit finalement à une augmentation des tarifs de l'électricité de 70 % ; la réforme du marché européen de l'électricité ne limite pas les superprofits des multinationales de l'énergie.

Parmi vos mesures, lesquelles permettront aux Français de mieux se chauffer et de ne pas avoir froid cet hiver ?

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Dix mois après le vote de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, les décrets d'application concernant l'agrivoltaïsme ne sont toujours pas parus et, dans les préfectures, les procédures définissant les zones d'accélération sont encore à l'étude.

Avec Éric Bothorel, nous avions trouvé un compromis entre le groupe socialiste et la majorité pour donner des principes clairs au déploiement d'une énergie photovoltaïque protégeant les terres agricoles et donc notre souveraineté alimentaire. La planification devait revenir aux intercommunalités, en dialogue avec la préfecture. Pour trouver ce compromis, il a fallu composer, en commission mixte paritaire (CMP), avec une droite sénatoriale favorable à une planification communale – une hérésie terminologique. Aujourd'hui, nous constatons combien nous avions raison : leurs compétences en économie et en énergie font que les intercommunalités doivent être pilotes.

La loi de souveraineté que vous annoncez permettra-t-elle de corriger le résultat gribouille qui est sorti de CMP, contre notre gré ? Créera-t-elle des instruments de planification conformes à ce que nous faisons dans nos territoires en matière de développement ?

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Le dispositif amortisseur électricité a fait ses preuves pour les collectivités et les entreprises. Est-il prévu de le prolonger dans les années à venir ?

Pouvez-vous nous en dire davantage sur l'état d'avancement des discussions, lancées par la France, rendues complexes par l'Allemagne, concernant l'alignement des prix du gaz et de l'électricité au niveau européen ?

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Madame la ministre, vous m'avez répondu par une pirouette sur le monopole d'EDF. Je vous interrogeais, non pas sur les énergies renouvelables mais sur les SMR. Le président de la commission a pris soin de dire qu'en l'état du droit, l'ASN ne pouvait pas nous répondre autrement, mais c'est vous qui faites la loi… enfin, c'est le Parlement, à l'initiative du Gouvernement. Vous avez tout de même prévu un projet pluriannuel et une loi de programmation sur l'énergie. Envisagez-vous, à la faveur d'une vision globale cohérente et stratégique sur la relance du mix énergétique, de réaffirmer le monopole d'EDF sur les SMR ? Bien sûr que la loi est faite par les députés, mais le Gouvernement peut avoir un avis sur sa nature.

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M. de Courson et moi-même avons sursauté quand vous avez dit que le Gouvernement faisait la loi.

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Du fait du retard du décret, certains projets d'énergies renouvelables, pris entre deux réglementations, sont mis en attente dans les préfectures. Nous avons des remontées en matière de photovoltaïque, notamment.

Le Conseil supérieur de l'énergie (CSE) a voté pour une diminution du seuil concernant l'hydroélectrique. Que comptez-vous faire ?

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Quelles seront les principales orientations du projet de loi que vous présenterez sous peu ? La souveraineté en sera-t-elle bien le cœur ? Politiquement, c'est indispensable, car elle fait l'objet d'un large consensus entre la plupart des groupes politiques. C'est aussi un moyen de sortir de l'opposition entre sobriété et production – nous aurons besoin à la fois d'être plus sobres et de produire beaucoup plus d'énergie décarbonée – et entre vision libérale et communiste du marché de l'électricité, puisque nous avons besoin que les entreprises cofinancent le nucléaire et les autres sources d'électricité.

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En évoquant dans sa question plusieurs dizaines de milliers d'euros dépensés pour une réunion organisée par l'IRSN, M. Laisney m'en a inspiré d'autres : quel en a été le coût de réservation, sur quel poste a-t-il été inscrit et qu'est-ce qui peut justifier un tel montant pour une réunion organisée par un établissement public ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

Monsieur Laisney, j'ignore comment vous pouvez disposer de l'avis du CNTE, puisque je viens de le quitter, avec Mme Laernoes, et il n'avait pas terminé son examen.

Plusieurs de vos autres affirmations sont inexactes. Le CSFPE s'intéresse à l'aspect statutaire de la réforme, pas à celui de la sûreté nucléaire. Je n'ai pas snobé la CLI ; je devais ce jour-là représenter le Président de la République au salon mondial du nucléaire civil (WNE), en compagnie du commissaire européen Thierry Breton et de mes homologues tchèque et roumain. Hier soir, de vingt heures à vingt-deux heures, j'ai réuni les présidents de CLI pour faire un point sur le projet de loi sur le nucléaire – Mme Petel et M. Saint-Huile étaient d'ailleurs présents et peuvent en témoigner. Je rencontrerai les salariés de l'IRSN la semaine prochaine et nous organiserons nous-mêmes la réunion pour qu'elle ne coûte pas 140 000 euros. C'est l'institut qui avait organisé la réunion ; chaque organisateur a son fonctionnement mais il est sans doute possible d'être plus sobre.

Monsieur Martinet, je ne sais pas d'où vous sortez cette augmentation de 70 %. Il ne faut pas confondre 42 euros sur une partie de la production nucléaire et un prix moyen de 70 euros du MWh sur tout le nucléaire ; ce sont deux tarifs différents. Aujourd'hui, avec le gel des TRVE, la composante électricité du prix que paient les ménages s'élève à 110 euros.

Que fait le Gouvernement pour aider les Français à passer l'hiver ? Il prend en charge 37 % de la facture : c'est le bouclier électricité, que nous prolongeons l'année prochaine pour que la facture n'augmente pas de plus de 10 %.

Monsieur Potier, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont en effet très mobilisés dans le travail de planification énergétique, et je les en remercie. Un décret n'est pas nécessaire au stade de la définition des zones d'accélération. Il en faut un, en revanche, pour les installations agrivoltaïques. Je présenterai demain, avec le président des chambres d'agriculture, un guide de mise en œuvre de l'agrivoltaïsme élaboré par ces mêmes chambres, qui comporte des recommandations adaptées à chaque département. Quant au décret, il sera transmis au Conseil d'État dans les prochains jours, pour une publication prévue au mois de janvier 2024.

La planification est en cours. Les communes prennent déjà les premières décisions concernant les zones d'accélération. Elles ne sont, en effet, pas toujours assez armées en ingénierie ou en effectifs pour mener à bien cet exercice difficile ; aussi ai-je sollicité l'association Intercommunalités de France pour venir en aide à celles qui font partie d'une intercommunalité. Reste que le Parlement a tranché et je respecte sa décision. Peut-être aurait-elle été différente si elle avait été prise quelques mois après les élections sénatoriales, mais ce que la loi a fait, la loi peut le défaire.

Monsieur Marchive, nous devons en effet donner de la visibilité aux entreprises pour l'année prochaine. Nous allons prolonger la garantie du plafond à 280 euros par MWh pour l'ensemble des contrats souscrits par les petites entreprises. Nous allons également prolonger l'amortisseur, avec une couverture du coût de l'électricité de 75 % déclenchée à partir d'un seuil relevé à 250 euros par MWh et sans le plafond de 500 euros que certains se voyaient imposer, et cela pour les contrats signés avant le 30 juin 2023, au moment où les prix de l'électricité étaient au plus haut. Il s'agit d'un véritable effort du Gouvernement pour « nettoyer » la situation des dernières entreprises encore tenues par des contrats très lourds pour les années 2024 et 2025.

J'en profite pour annoncer que le bouclier sera également prolongé pour les logements collectifs.

Monsieur Bouyx, l'accord européen permet trois choses. Tout comme en France, il oblige le marché européen à donner des signaux de long terme et de la maturité aux contrats : plus ils se rapprochent de cinq ans, moins les prix sont volatils et sensibles à une augmentation ponctuelle des coûts d'une énergie fossile due à un incident, comme une raffinerie qui brûle à l'autre bout du monde. Le prix de l'électricité reflète alors mieux la réalité des coûts de production – c'est en tout cas l'objectif –, ce qui donne de la visibilité aux producteurs et aux industriels pour leur processus de décarbonation par l'électrification.

Les clauses de protection du consommateur sont également renforcées par l'obligation faite aux fournisseurs, soit de s'adosser à la production physique, soit de se fixer des ratios prudentiels pour pouvoir respecter leurs engagements en matière de volumes à livrer.

Monsieur de Courson, le prix de 70 euros du MWh couvre le carénage et le nouveau nucléaire, mais pas les réseaux, qui sont, eux, financés par le Turpe – celui-ci a vocation à évoluer grosso modo au rythme de l'inflation, hors période de crise, aux alentours de 2 %, monsieur Bazin. Les 70 euros du MWh représentent donc la réalité des coûts du nucléaire français. Ils permettent de ne pas augmenter la dette qu'EDF a endossée en maintenant des prix de l'électricité très bon marché quand d'autres opérateurs profitaient de cette manne pour se désendetter.

Une convention existe en effet entre l'ASN et l'IRSN ; elle comprend neuf accords-cadres et est négociée tous les cinq ans. De plus, une négociation a lieu chaque année pour définir l'allocation prioritaire des ressources et des moyens. Dans une configuration semblable d'une année sur l'autre, le système fonctionne, mais lorsque la charge de travail évolue et nécessite une adaptation au gré des changements de priorité des dossiers, la négociation doit devenir permanente. C'est pourquoi nous proposons, comme cela se fait d'ailleurs naturellement, de regrouper toutes les personnes chargées de la même mission au sein d'une entité unique. La définition des priorités, qui relève de la simple gestion d'une mission de service public, sera conduite en interne. Elle permettra d'écourter les délais de réponse en évitant la concertation avec l'autre entité chaque fois qu'une nouveauté se produira. Pour reprendre l'exemple de Civaux, plusieurs mois ont été perdus pour la reconnexion d'un réacteur au réseau du fait de cette coordination forcément imparfaite entre l'ANS et l'IRSN, chaque entité ayant son propre comité de direction et poursuivant un intérêt social différent. Toutes deux ont pourtant les mêmes missions et devraient donc être au service du même intérêt social.

Vous vous interrogez sur la viabilité économique des SMR. L'avenir nous le dira ; nous en sommes au stade de la recherche-développement et de l'innovation. Je ne saurais vous dire si la pyrogazéification sera compétitive, mais je soutiens cette innovation, car c'est le rôle de l'État de « dérisquer » ce type de projet et de préparer l'avenir, en matière d'énergies renouvelables comme de nucléaire. On peut penser que le projet Nuward, plus avancé et mobilisant des technologies moins disruptives que d'autres projets, serait à même d'atteindre un équilibre économique.

Madame Laernoes, je vous renvoie aux documents de concertation qui explicitent la redistribution : celle-ci est visible directement sur la facture du consommateur et tient compte de son profil de consommation quotidien, conformément aux dispositions réglementaires du marché européen de l'électricité.

Je le répète, la dette d'EDF est liée à son engagement pour fournir les Français en électricité. C'est le prix du service public et c'est aussi celui des difficultés à produire de l'électricité ces dernières années. Nous travaillons donc sur la performance opérationnelle d'EDF.

Nous discutons, bien évidemment, avec les fournisseurs alternatifs des questions de « plomberie », de transparence, de réplicabilité. Ils ont fait un travail formidable, l'année dernière, pour installer en deux mois l'amortisseur et le bouclier énergétique. Nous avons maintenant deux ans pour reprendre avec eux le travail de tuyauterie. Je les ai d'ailleurs réunis la semaine dernière, pendant deux heures.

Madame Petel, l'indépendance des chercheurs dans la nouvelle organisation est garantie par le statut d'autorité administrative indépendante (AAI) de l'entité future, qui se verra conférer par la loi l'ensemble des attributions et prérogatives d'un organisme de recherche, comme le recrutement de ses chercheurs, thésards et post-doctorants. Nous y avons travaillé en concertation avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

En matière de sûreté nucléaire, nous allons plus loin que les recommandations internationales, qui visent l'indépendance vis-à-vis des opérateurs. Nous, nous l'assurons vis-à-vis du Gouvernement, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas pour l'IRSN, qui est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), sans gouvernance indépendante. En devenant une AAI, il obtient cette indépendance pleine et entière non seulement par rapport aux opérateurs, ce qui était déjà le cas, mais aussi par rapport au Gouvernement. La déontologie de l'ASN, et généralement d'une AAI, est très observée. L'IRSN connaissait davantage de mouvements et gagnera donc en indépendance.

La recherche implique également des acteurs industriels. C'est un aspect très important que nous entendons maintenir en l'entourant de règles déontologiques. Lorsque les recherches sont faites avec des acteurs internationaux, il n'y a pas de problème car il n'y a pas de relation de contrôle ; sinon, les règles de déontologie auxquelles nous travaillons s'avèrent nécessaires.

Monsieur Armand, vous avez raison, la souveraineté énergétique est bien au cœur de ce projet de loi. Qu'on l'appelle loi de programmation, de régulation ou de protection du consommateur, au fond, il s'agit d'affronter le mur énergétique qui nous attend en 2030, en prenant maintenant des décisions qui ne nous mettent pas demain dans une situation d'hiver énergétique. Vous y avez travaillé dans la mission transpartisane que vous avez conduite avec Raphaël Schellenberger, et nous voulons en parler avec le Parlement, que je sais très engagé sur le sujet, Sénat comme Assemblée nationale. C'est parce que nous aurons ces quatre piliers de sobriété, d'efficacité, d'énergies renouvelables et de nucléaire que nous pourrons assurer la souveraineté électrique et énergétique de notre pays.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 29 novembre 2023 à 15 heures

Présents. – M. Antoine Armand, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, M. Éric Bothorel, M. Bertrand Bouyx, M. Romain Daubié, M. Frédéric Falcon, M. Éric Girardin, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, Mme Annaïg Le Meur, M. Bastien Marchive, M. William Martinet, M. Nicolas Meizonnet, Mme Anne-Laurence Petel, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Benjamin Saint-Huile

Excusés. – Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. André Chassaigne, M. Perceval Gaillard, Mme Hélène Laporte, M. Hervé de Lépinau, M. Philippe Naillet, M. Jérôme Nury, M. Charles Rodwell, M. Stéphane Travert, M. Stéphane Vojetta, M. Jiovanny William

Assistait également à la réunion. – M. Charles de Courson