La réunion

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La séance est ouverte à quinze heures trente-cinq.

La commission auditionne Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.

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Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre disponibilité pour répondre à nos questions.

Nous avons entamé les travaux de cette commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et de ses organismes de gouvernance le 20 juillet dernier. L'Assemblée nationale a décidé de créer cette commission à la suite de très nombreuses révélations publiques de sportives et sportifs et de diverses affaires judiciaires ayant trait à la gestion de certaines fédérations. Nos travaux se déroulent selon trois axes : les violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport, les discriminations sexuelles et raciales et les problématiques liées à la gouvernance financière des organismes de gouvernance du monde sportif.

Vous avez été joueuse de tennis professionnelle et directrice générale de la Fédération française de tennis (FFT) à partir de mars 2021. Vous avez également fondé et présidé l'association Rénovons le sport français. Depuis 2022, vous êtes ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Vous connaissez de l'intérieur le fonctionnement d'une fédération et les relations entre elle et le ministère. Par ailleurs, vous avez eu à gérer des crises majeures au sein de plusieurs fédérations.

Nos travaux ont permis de mettre en avant le chemin parcouru depuis 2020. Tout le monde s'accorde à dire qu'il y a un avant et un après. Néanmoins, il apparaît clairement que nous ne sommes pas arrivés au bout de ce chemin. Notre objectif est donc de formuler des préconisations utiles sur ce sujet majeur.

Nous nous interrogeons sur la capacité du ministère des sports, dans le cadre de l'organisation qui est la sienne, à exercer les contrôles qui s'imposent sur les acteurs du monde sportif. Votre prédécesseure, Mme Roxana Maracineanu, a rappelé que la ministre devait veiller au contrôle strict du respect de la loi et des décrets, mais a pointé certaines difficultés. Disposez-vous des moyens de faire appliquer les textes qui existent déjà dans les domaines qui intéressent notre commission ? Nous nous posons des questions sur les capacités d'action concrètes du ministère à l'égard d'une fédération qui dysfonctionnerait.

Mme Maracineanu a souligné la volonté du ministère d'être exigeant à l'égard des délégations de service public données aux fédérations et de se donner les moyens de contrôler l'exécution de tels contrats. Cet objectif est-il atteint ? Disposez-vous, par ailleurs, des leviers nécessaires pour garantir que l'action du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) ou encore de l'Agence nationale du sport (ANS) vient compléter et non concurrencer celle du ministère ? Nous avons constaté des dysfonctionnements importants que l'État ne peut ignorer. Quels chantiers êtes-vous prête à ouvrir pour y remédier ? L'heure n'est-elle pas à un besoin accru d'État, garant de l'intérêt général ?

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale. Avant de vous laisser la parole, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Amélie Oudéa-Castéra prête serment.)

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques

Je vous remercie de me donner l'occasion d'échanger avec vous sur ces questions cruciales pour l'avenir du sport.

Depuis les premiers pas de votre commission, les témoignages que vous avez recueillis, en particulier les plus poignants d'entre eux, renforcent chez moi une double conviction. La première, c'est que le sport, à l'instar d'autres composantes de notre société, est le théâtre de violences, de dérives qui sont en elles-mêmes inacceptables et qui doivent être combattues avec d'autant plus de volontarisme qu'elles peuvent jeter l'opprobre sur tout un secteur, en abîmant parfois ou en décrédibilisant ce que le sport a d'essentiel à apporter à notre société. Ma seconde conviction, c'est que pour mettre un terme à ces violences, à ces dérives, mais aussi à leurs complices de toujours, l'omerta, la passivité, parfois même la complaisance et souvent l'inertie, nous devons rassembler les forces vives déterminées à lutter, appeler chacun à prendre ses responsabilités et ne rien laisser passer. C'est ce que je m'efforce de faire sans relâche depuis mon premier jour à la tête de ce ministère, le 20 mai 2022, et je sais que c'est aussi ce que vous vous efforcez de faire, à votre façon, depuis le 20 juillet dernier.

Votre commission a auditionné de nombreuses personnalités sur plusieurs enjeux majeurs qui sont autant d'impératifs pour le sport français : la lutte contre les violences, et tout particulièrement les violences sexuelles, la lutte contre toutes les formes de discrimination, la lutte contre d'autres formes d'atteinte à l'éthique ou à l'intégrité, sur le plan moral ou financier, et l'amélioration de la gouvernance des fédérations. Je rappellerai quelques-uns des combats qui ont été les miens, les avancées obtenues et la manière dont j'entends poursuivre mon action, en commençant par la bataille la plus vitale, la plus urgente, qui est celle contre les violences sexistes et sexuelles (VSS).

Ces dernières années, la déflagration « #MeToo » a permis d'amorcer une libération de la parole. Les pionnières qu'ont été Catherine Moyon de Baecque et Isabelle Demongeot ont été rejointes par Sarah Abitbol, Angélique Cauchy, Sébastien Boueilh et beaucoup d'autres victimes plus anonymes, à qui je veux redire mon admiration pour le courage qu'elles ont eu d'oser, un jour, briser le silence. Certaines de ces victimes ont témoigné devant vous, pour faire en sorte que d'autres n'aient plus à vivre, à leur tour, la solitude, la peur, la douleur, l'incompréhension, la colère, le cauchemar qui ont été les leurs. Merci à elles.

Leur combat est devenu notre combat. Face à ces révélations, l'État a pris ses responsabilités. Depuis 2020, sous l'autorité du Président de la République, les gouvernements successifs, ceux d'Édouard Philippe, de Jean Castex et aujourd'hui d'Élisabeth Borne, se sont mobilisés comme jamais sur ces questions. Je veux, bien sûr, rendre tout particulièrement hommage à ma prédécesseure, Roxana Maracineanu, pour avoir engagé comme elle l'a fait cette bataille.

Même s'il reste beaucoup de travail à faire, je veux souligner qu'une véritable révolution a été réalisée entre 2019 et 2022, avec la création de la cellule Signal-sports, la désignation d'une déléguée ministérielle à la lutte contre les violences dans le sport, les conventions organisées chaque année dans ce domaine, la constitution dans les fédérations sportives et les établissements sportifs d'un réseau de référents spécialisés, le développement et l'outillage du contrôle d'honorabilité, ainsi que l'inscription dans la loi de l'obligation de formation en matière de VSS dans le cadre de tous les diplômes d'État délivrés dans le champ de la jeunesse et des sports.

Dès mon arrivée, j'ai fait mien ce combat, en suivant une ligne claire, la tolérance zéro, en érigeant la lutte contre les violences sexuelles au rang de priorité pour mon ministère et en obtenant des moyens humains inédits – vingt effectifs supplémentaires en 2023 et trente-six dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, afin que les enquêtes aillent plus vite et que le contrôle des établissements sportifs soit renforcé.

J'ai fait preuve d'une fermeté totale lorsqu'il s'est agi de traiter des situations de crise au sein des fédérations, y compris les plus puissantes d'entre elles, comme la Fédération française de football (FFF), lorsqu'il a fallu taper du poing sur la table pour que les instances prennent leurs responsabilités, pour interpeller leurs présidents, pour lancer ou parfois relancer des inspections, en sollicitant plus que jamais l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) et en saisissant la justice, par la voie de l'article 40 du code de procédure pénale chaque fois que nous le jugions nécessaire. J'ai également milité pour une amélioration de l'articulation entre les procédures judiciaires, administratives et disciplinaires. Nous avons ainsi, avec le garde des sceaux, déployé pour la première fois des référents sport au sein des parquets grâce à la circulaire de mars 2023. J'ai, par ailleurs, impulsé la création de temps renforcés de prise de conscience, de mobilisation avec tous les acteurs du sport et les professions qui l'entourent, par exemple en ajoutant aux conventions annuelles un séminaire dédié à la question de l'enfant face aux violences dans le sport, qui a eu lieu début 2023.

Grâce à tout cela, nous avons déjà des acquis. Le 2 novembre, Signal-sports avait traité plus de 1 800 signalements, qui mettaient en cause plus de 1 200 personnes et ont donné lieu à 266 arrêtés d'interdiction d'exercer pris en urgence, à 126 arrêtés d'interdiction d'exercer pérennes et à 134 notifications d'incapacité d'exercer à la suite d'une condamnation pénale. Par ailleurs, nous avons amélioré la portée du contrôle d'honorabilité, en le systématisant de manière beaucoup plus rigoureuse pour tous les éducateurs sportifs professionnels et en l'étendant de manière plus effective à tous les bénévoles, notamment ceux en contact avec des mineurs. Le 6 novembre, plus de 1,2 million d'identités de bénévoles avaient déjà été contrôlées. J'ai en outre décidé de faire passer le nombre de contrôles d'établissements d'activités physiques et sportives (EAPS) de 3 900 à 6 000 en 2024, grâce aux renforts obtenus, ce qui représentera une hausse de 54 %.

Bien sûr, nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin, tant s'en faut. Le travail doit se poursuivre, suivant cinq axes prioritaires.

Il faut continuer à marteler l'obligation de signalement, pour que chacun comprenne que signaler ce type de violence n'est pas une option, mais une obligation, et responsabiliser chaque acteur de la chaîne, dans le sport amateur ou professionnel.

Nous devons mieux faire connaître le canal de Signal-sports, partout et tout le temps : c'est l'un des enseignements que nous tirons des travaux de votre commission.

On doit continuer à assurer une meilleure articulation entre les procédures et faire en sorte d'engager nos fédérations à aller au bout de leurs responsabilités en matière disciplinaire.

Il est nécessaire de parachever le système du contrôle d'honorabilité, pour mettre fin aux derniers angles morts, aux contournements qui peuvent encore exister çà et là.

Enfin, on doit mieux accompagner les victimes, tant dans leurs démarches judiciaires que dans leur reconstruction, en lien avec les associations et l'environnement familial, dont le rôle et la place doivent être respectés.

Au-delà des violences à caractère sexiste et sexuel, j'ai souhaité mener une action déterminée, résolue, contre toutes les formes de dérives dans le sport.

Cela concerne, d'abord, les maltraitances. Nous devons faire en sorte qu'elles soient éradiquées de notre culture de la haute performance, comme je l'ai exigé avec force dans la gymnastique.

En ce qui concerne la lutte contre les violences dans les stades, de nombreuses actions ont été engagées depuis un an en lien avec le ministère de l'intérieur, la Ligue de football professionnel (LFP), notamment grâce à une relance de l'Instance nationale du supportérisme, au renforcement du rôle des référents supporters et des policiers référents supporters visiteurs, à la systématisation des interdictions judiciaires de stade pour les infractions les plus graves en lien avec les manifestations sportives – violences physiques, provocation à la haine ou à la violence –, et à la création de deux nouveaux délits, l'entrée par force ou par fraude dans les enceintes et l'intrusion sans motif légitime sur l'aire de compétition.

J'ai souhaité, en outre, renforcer la lutte contre toutes les formes de discrimination en veillant à ce que les faits soient systématiquement relevés, les auteurs identifiés et les sanctions les plus sévères prononcées, et en formant 100 % des éducateurs sportifs à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine.

S'agissant de la lutte contre les violences dont sont victimes les personnes LGBT dans le sport, j'ai présenté le 17 mai un plan d'action extrêmement volontariste, reposant sur un appel à la mise en place d'instances dédiées au cœur des fédérations pour lutter contre ces discriminations, sur le modèle de la commission antidiscriminations et égalité de traitement (Cadet) dans le rugby, et la remontée systématique sur la feuille de match de tous les actes discriminatoires qui se produiraient dans les tribunes ou sur le terrain. J'ai écrit, le 12 octobre, à tous les dirigeants des clubs pour leur demander d'agir plus fortement afin de prévenir l'homophobie dans les stades, en lien avec les associations de supporters. J'ai demandé que les protocoles prévus lors des rencontres soient activés chaque fois que nécessaire, y compris en suspendant les matchs ou en les arrêtant en cas de chants homophobes. J'ai veillé, dans le même temps, à ouvrir la pratique sportive au plus grand nombre, dans une logique d'inclusion, par exemple en remettant le 9 septembre un agrément ministériel à la Fédération sportive LGBTQI+. Je ne laisserai donc pas dire un instant, par quiconque, que mon action en la matière serait partielle ou superficielle. J'ai fait, dans ce registre, beaucoup plus qu'aucun dirigeant sportif avant moi.

En ce qui concerne le harcèlement, j'ai souhaité que le sport prenne toute sa place dans le plan interministériel qui a été présenté le 27 septembre par la Première ministre, en y impliquant cinq familles d'acteurs : les éducateurs sportifs, les fédérations, l'IGESR, les centres d'entraînement et de formation, ainsi que les plateformes numériques.

Afin de promouvoir une intégrité totale dans le sport, j'ai œuvré dans deux autres domaines qui sont au cœur des missions de service public : en ce qui concerne la prévention et la lutte contre le dopage, j'ai veillé à doter l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) de moyens inédits et à parachever notre édifice juridique de protection ; j'ai également renforcé la lutte contre la manipulation des compétitions sportives.

Même si vos travaux ne portent pas spécifiquement sur ce point, j'ai souhaité qu'une action ferme et déterminée soit menée contre toutes les dérives séparatistes, grâce à un rehaussement des moyens affectés à cette question partout dans le champ sportif.

J'en viens à la question de la gouvernance des fédérations. Juste avant mon arrivée au ministère, une réforme importante avait été réalisée par la loi du 2 mars 2022, qui a prévu plusieurs améliorations relatives à la limitation des mandats, à la transparence, à la déontologie et à la vitalité démocratique, par le vote direct des clubs. J'ai accompagné chacune des fédérations dans la mise en œuvre effective de ces mesures. Dans le même temps, j'ai opéré une clarification des rôles et des responsabilités de l'ensemble des acteurs en recentrant mon ministère sur ses missions régaliennes et d'évaluation et en rendant beaucoup plus claires les frontières des compétences de la direction des sports et de l'Agence nationale du sport, notamment grâce à des protocoles détaillés.

Lors des crises que j'ai eu à traverser, je suis intervenue à chaque fois pour m'assurer du respect par chaque acteur de ses obligations et responsabilités et pour appeler au bon fonctionnement éthique et démocratique des instances. Nous avons mené collectivement un retour d'expérience sur ce qui peut, dans la vie fédérale, conduire à des défaillances ou au contraire les prévenir et les faire cesser.

Les crises de nature et de causes diverses que nous avons connues m'ont conduite à approfondir la réflexion sur le renforcement des institutions sportives. J'ai ainsi pris l'initiative d'installer, dès le 29 mars dernier, un Comité national pour le renforcement de l'éthique et de la vie démocratique. Sa présidence a été confiée à Marie-George Buffet et à Stéphane Diagana, à qui j'ai demandé des recommandations pour assurer une gouvernance du sport plus éthique, une meilleure vitalité démocratique et une protection renforcée des pratiquantes et des pratiquants, notamment contre toutes les formes de violence et de discrimination. Les préconisations de ce comité me seront transmises prochainement. Elles serviront, avec les conclusions de vos propres travaux, à apporter les modifications souhaitables au cadre juridique du sport français, en lien avec ses acteurs.

Sans préempter les conclusions de ce comité, je peux partager avec vous quelques-uns des principes directeurs qui, à mon sens, doivent guider les efforts pour améliorer la gouvernance des fédérations. Nous devons renforcer les comités d'éthique, nous assurer qu'il y a des contre-pouvoirs effectifs au cœur des instances, inscrire la protection des licenciés et la préservation de l'éthique, de l'intégrité au frontispice des missions des fédérations et au cœur du dialogue de gestion que nous avons avec elles, mais aussi améliorer les voies de résolution des conflits grâce à de bonnes cordes de rappel, démocratiques et juridiques, en cas de blocage des institutions ou de défaillance majeure de leurs dirigeants, et enfin mieux accompagner les petites fédérations, tout en renforçant le rôle du CNOSF.

En conclusion, vous l'avez compris, ma détermination est totale : je ne lâcherai rien, dans aucun des combats qui sont aussi les vôtres, qu'il s'agisse de lutter contre les violences et les discriminations ou de remédier aux défaillances observées dans la gouvernance ou le pilotage de nos fédérations. Je continuerai à regarder en face tout ce qui, dans notre modèle, mérite d'être réparé, corrigé ou amélioré, y compris au cœur de mon ministère, pour que le sport puisse tenir ses promesses, pour le libérer des maux qui le rongent encore trop souvent. La lutte pour l'éthique et l'intégrité est depuis des années au fondement même de mon engagement dans le sport.

Je souhaite aussi que nous ayons collectivement, dans cette démarche, le discernement ou la justesse nécessaire pour souligner ce qui va bien, ce qui va déjà beaucoup mieux et même ce qui est fort dans la gouvernance du sport français. Il y aurait beaucoup à dire, en effet, de l'engagement de nos 3,5 millions de bénévoles, de la vitalité de nos 180 000 clubs, dans les territoires, de la performance parfois exceptionnelle de nos équipes de France, du dévouement, de la probité et de l'engagement de tant de dirigeants dans les fédérations, les ligues, les comités et les clubs. Je continuerai, aux côtés de la représentation nationale, à fortifier le modèle sportif français. Il en a besoin et il le mérite.

Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions, après avoir précisé que je suis légalement tenue de ne pas évoquer des affaires judiciaires en cours et de ne pas méconnaître les obligations de déport qui sont les miennes.

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Je valide d'autant plus vos propos que je suis, dans ma commune, élue aux sports et bénévole dans un club : je remercie grandement le mouvement sportif et les nombreux bénévoles qui permettent de l'animer dans nos territoires. Vous avez mille fois raison de valoriser l'engagement de chacun.

Nos travaux sont sans appel au sujet de l'insuffisante visibilité de la cellule Signal-sports, même si nous reconnaissons, bien sûr, la volonté de votre prédécesseure, et la vôtre, d'agir dans ce domaine. La création de cette cellule était une très bonne chose : cela a permis d'envoyer un message fort aux victimes, pour favoriser les signalements et faire remonter les dysfonctionnements au sein des fédérations – nous en avons parlé ce matin avec Mme Bourdais. Cela étant, que faire pour donner plus de visibilité à cette cellule, qui fait son travail, non seulement en recueillant les témoignages, mais aussi en assurant un aiguillage vers les associations qui peuvent accompagner les victimes et les professionnels de santé ? Nous cherchons à faire en sorte que le plus grand nombre puisse avoir accès à cette cellule.

Le ministère peut-il imposer aux fédérations sportives l'affichage, dans l'ensemble des clubs, de la plaquette relative à la prévention des violences sexuelles dans le sport ?

M. David Lappartient a déclaré qu'il fallait que la cellule Signal-sports dispose de plus de moyens, sans quoi elle ne pourrait pas fonctionner. Mme Bourdais a évoqué ce matin des difficultés rencontrées par le passé et une situation tendue. Envisagez-vous de renforcer les moyens prévus ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

J'ai d'ores et déjà engagé plusieurs actions importantes pour renforcer la visibilité de Signal-sports. Le site internet du ministère a été totalement refondu grâce à l'intégration d'un encart, en haut à droite de la page d'accueil, qui permet de signaler les violences. Lorsque vous cliquez sur cet encart, des pages explicatives, comportant des vidéos et une « foire aux questions » (FAQ), aident à faire comprendre comment fonctionne la cellule Signal-sports et qui peut la saisir. Cette évolution complète d'autres initiatives qui avaient déjà été prises, comme la distribution de dépliants et la réalisation, en 2022, d'une vidéo.

J'ai en outre jugé, compte tenu des témoignages recueillis dans le cadre de votre commission d'enquête, qu'il était de mon devoir d'écrire une lettre au directeur général de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), ce que j'ai fait dès le 11 octobre dernier, et la directrice des sports a fait de même s'agissant de l'ensemble des établissements, le 9 novembre dernier, pour demander qu'il y ait un renforcement de l'information sur l'existence de la plateforme et ses modalités de fonctionnement et, au-delà des questions de communication, une amélioration de la pédagogie au sujet des circuits de signalement, des modalités de prise en charge des victimes et de la prévention de toutes les situations à risque.

J'ai également souhaité enclencher une vaste campagne de communication, qui commencera au tout début de l'année 2024, durant laquelle le sport sera la grande cause nationale – et la lutte contre les violences en fera partie intégrante. Cela se traduira notamment par la diffusion de nouveaux contenus, non seulement sur les réseaux sociaux mais aussi auprès des collectivités territoriales, afin d'accroître la visibilité des outils de signalement et d'accompagnement des victimes dans tous les lieux de pratique, ce qui inclut, effectivement, un affichage dans l'ensemble des clubs français.

S'agissant des personnels, j'ai demandé et obtenu des renforts : vingt pour l'exercice 2023 et trente-six pour 2024, ce qui représente une évolution sans précédent ces dernières années au ministère des sports. Un certain nombre d'emplois – quinze sur vingt – ont été pourvus et j'ai demandé, pour le reste, une accélération. S'agissant de l'allocation des trente-six prochains emplois, je veux que vingt soient dédiés aux violences à caractère sexiste et sexuel, et seize à des missions de pilotage et d'accompagnement plus transversales.

Je crois que la cellule Signal-sports, qui fait l'objet, au sein de l'administration centrale du ministère, d'une équipe spécifique, complétée par celle en charge du contrôle d'honorabilité, a désormais les moyens d'effectuer sa mission correctement. L'enjeu, à mes yeux, était plutôt de renforcer les services déconcentrés pour faire en sorte que beaucoup plus d'enquêtes puissent être déclenchées plus rapidement et ensuite conduites avec davantage de diligence et que le contrôle des EAPS soit mené avec plus de force, y compris pour ce qui est de l'effectivité des notifications, par les préfets, des incapacités ou des interdictions d'exercer.

L'existence de la plateforme est une force du sport français, qui a été soulignée par la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a des points de comparaison en la matière, et par la Défenseure des droits, qui présente le sport comme un exemple à suivre. Il y a, néanmoins, un enjeu d'appropriation qui doit nous conduire à accélérer l'action menée. Je me réjouis, par conséquent, qu'une proposition de loi déposée par M. Sébastien Pla et adoptée à l'unanimité par le Sénat le 15 juin tende à consacrer dans la loi une obligation administrative de signalement, du club au préfet et de la fédération au ministère, ce qui complétera l'obligation, déjà prévue par l'article 434-3 du code pénal, de saisir la justice lorsqu'on a connaissance de violences à l'encontre de mineurs, et l'article 40 du code de procédure pénale, qui oblige les autorités publiques à dénoncer les crimes et délits.

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Le périmètre de la cellule Signal-sports n'est pas très clair pour tout le monde. De nombreux signalements hors de son champ de compétences lui parviennent. Envisagez-vous d'étendre le périmètre de cette cellule à toutes les violences et discriminations ? Je pense au racisme et à l'homophobie. Certaines associations nous ont dit que leur témoignage était resté sans réponse jusqu'à la veille de leur audition ici même.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Il est très important de marteler, s'agissant de Signal-sports, le principe du « tout sauf » qui s'applique. De quoi s'agit-il ? Signal-sports doit tout embarquer sauf ce qui, en matière de violences à caractère sexiste et sexuel, relève des rapports entre particuliers, c'est-à-dire entre licenciés ou pratiquants, et des rapports entre sportifs, car cela relève d'autres procédures, judiciaires dans un cas, judiciaires et/ou disciplinaires dans l'autre. Cela doit être parfaitement clair pour chacun des acteurs, et l'obligation de signalement qui sera peut-être consacrée par la loi y contribuera.

S'agissant des discriminations, mon sentiment est que l'action de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), du Défenseur des droits et des tribunaux permet d'absorber le flux, dès lors que l'ensemble des instances, les ligues professionnelles, les fédérations et les instances disciplinaires, vont jusqu'au bout de leurs responsabilités. Nous avons renforcé l'arsenal législatif et juridique prévu pour la dénonciation de ces discriminations, et nous avons inscrit la formation contre ces discriminations au cœur du pilotage des diplômes jeunesse et sport. En la matière, c'est d'abord une volonté et un sursaut collectif sur le plan culturel qu'il convient de favoriser.

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Pouvez-vous nous répondre par « oui » ou par « non » ? M. Olivier Klein, qui est à la tête de la Dilcrah, nous a dit avoir demandé une extension du périmètre de la cellule au racisme et aux discriminations. Le confirmez-vous ? Si c'est le cas, quelles suites seront données à cette prise de position ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

J'ai lu et entendu que cette demande avait été formulée dans le cadre de vos travaux, mais elle ne m'a pas été adressée personnellement. Mon sentiment est que l'urgence est de permettre à Signal-sports d'aller jusqu'au bout du sujet des violences à caractère sexiste et sexuel, des violences liées à la maltraitance physique ou psychologique et qu'il est préférable de s'appuyer sur les instances existantes, disciplinaires et judiciaires, pour la lutte contre les discriminations, mais je suis ouverte à la poursuite d'une réflexion dans le cadre de vos travaux et de ceux du Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, qui rendra également des conclusions.

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Ce que je comprends, madame la ministre, c'est que vous n'êtes pas forcément favorable, maintenant, à un élargissement du périmètre de travail de la cellule Signal-sports. Seulement, cette demande a été formulée, dans le cadre de nos travaux, par la Dilcrah et des associations, qui souhaitent que tous les signalements arrivent à cette cellule. Les autres instances auxquelles vous vous êtes référée n'existent pas partout ou, en tout cas, toutes les fédérations ne traitent pas les signalements et les affaires de la même manière. Certaines associations nous ont dit qu'elles avaient obtenu des réponses de la cellule Signal-sports, notamment au sujet de faits en lien avec des actes d'homophobie, la veille de leur audition. Cela veut dire que ce qui est demandé est, quelque part, possible : on peut faire de tels signalements. La question est de savoir si on est prêt à élargir leur traitement à d'autres champs que celui des VSS.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Je comprends votre question, mais je redis que nous ne laissons pas de côté ces discriminations lorsque des signalements nous parviennent par la plateforme. Ils sont pris en charge et intégrés dans les circuits de traitement, mais je pense qu'il faut avoir des priorités. Quand on voit l'ampleur des défis qui demeurent en matière d'éradication des violences à caractère sexiste et sexuel, il me semble qu'elles doivent rester la priorité en matière de traitement, tant à l'échelon central qu'à l'échelon déconcentré, en complément d'autres sujets pour lesquels j'ai demandé la vigilance la plus extrême, notamment le repérage des signaux faibles de séparatisme. S'agissant des questions de discrimination, nous prenons notre part, nous ne laissons pas les remontées sans réponses, mais ce sont les instances disciplinaires et la justice, quand elle est saisie, y compris par la voie de l'article 40, si nécessaire, qui doivent être mises en avant le plus possible.

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Je pense que c'est là qu'il y a une vraie difficulté : le fait de ne pas laisser ces affaires sans traitement, mais sans dire explicitement que la cellule prend en charge les questions de discrimination, d'homophobie ou de racisme, crée une confusion, y compris pour les associations. Certaines sollicitent la plateforme Signal-sports à la suite d'actes homophobes, par exemple, et elles obtiennent une réponse, mais l'information n'est pas diffusée. Normalement, cette cellule ne prend pas en charge les signalements concernant des actes d'homophobie ou de racisme.

Ce que j'essaie de dire, c'est que soit la cellule ne prend en charge que les VSS, et dans ce cas il faut clairement l'indiquer, en disant, notamment, aux associations qu'elles ne doivent pas s'adresser à Signal-sports mais à d'autres instances pour le traitement d'autres affaires, soit on décide d'élargir le périmètre de la cellule et on indique à tout le monde qu'il faut l'utiliser pour les signalements. L'entre-deux manque de clarté. Si les associations peuvent saisir Signal-sports, mais que ce n'est pas tout à fait vrai en réalité, cela crée beaucoup de confusion.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Je comprends votre question, mais j'ai plutôt une lecture inverse de la situation. Je crois au contraire qu'il est très clair qu'une priorité absolue est donnée au traitement des violences dans le cadre de Signal-sports mais que nous faisons quand même le travail si jamais nous remontent, par cette plateforme, des cas de discrimination : nous faisons en sorte qu'ils puissent être traités par les acteurs qui en ont la compétence à titre principal. Nous avons choisi un système de « et », si je puis dire, qui permet d'éviter, par respect pour les victimes, un vide total de prise en charge.

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Vous comprenez ma question, et je comprends votre réponse, mais vous avez commencé vos propos en disant que vous vouliez clarifier les rôles et les missions de chacun. La Dilcrah nous a expliqué qu'elle avait demandé un élargissement du périmètre de la cellule et des associations nous ont dit qu'elles avaient fait des signalements d'actes d'homophobie auxquels la cellule avait répondu, alors qu'elle n'est visiblement pas censée, selon les textes en vigueur, prendre en charge les signalements de faits de racisme, d'homophobie ou de discrimination. Tout cela contribue à créer de la confusion.

Puisque l'objectif est de clarifier les rôles et les missions de chacun, nous pensons qu'il faut le faire pour la cellule Signal-sports : soit elle prend en charge toutes les formes de violence, quelles qu'elles soient, de racisme, de discrimination ou d'homophobie, soit elle se limite aux violences. Dire qu'il y a une priorité, celle des violences, mais que les associations qui seraient au courant, qui savent, peuvent « toquer » à la porte de Signal-sports pour obtenir des réponses, cela manque vraiment de clarté.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Puisque je suis précisément attachée à la clarté des rôles et des responsabilités, je vous dis, et je l'assume, que la priorité de Signal-sports est la lutte contre les violences. Quels sont, en la matière, nos ennemis ? Ce sont l'omerta, la passivité, la complaisance. Nous devons donc mener des enquêtes, avec toute la diligence et la fermeté nécessaires. S'agissant des discriminations, quelle est la question ? Quand il y a des gestes antisémites, des cris de singe dans les tribunes, tout le monde le voit ou l'entend, mais personne n'agit en aval ! Il ne s'agit donc pas de révéler des faits, mais de les traiter, de les éradiquer. On saisit la justice, les commissions disciplinaires, et on doit, comme je l'ai fait, faire évoluer l'arsenal législatif pour que des interdictions judiciaires de stade soient prononcées et que ces abrutis n'aient plus de place dans les enceintes sportives. La question est fondamentalement différente.

Quand une victime est perdue, oui, je fais en sorte qu'elle ne soit pas complètement laissée sur le bord de la route. Je ne dis pas qu'il faut zéro traitement du signalement parce qu'on n'a pas emprunté le bon canal. On prend en charge le signalement, on le remet dans les circuits idoines.

S'agissant du reste, de la lutte contre les discriminations, on applique les protocoles prévus, les interdictions judiciaires, administratives ou commerciales de stade, on organise des réunions avec les associations de supporters et des ateliers de sensibilisation avec les associations qui prennent en charge les victimes, on désigne partout des référents pour ces questions, on utilise l'article 40 du code de procédure pénale quand c'est nécessaire – nous l'avons fait à chaque fois, avec la Dilcrah, lors des épisodes récents – et on travaille sur les évolutions culturelles pour favoriser l'inclusion. J'ai investi beaucoup de temps sur ces sujets, y compris lorsque je suis allée au Qatar, je me suis mobilisée personnellement, en disant, lorsqu'elles l'étaient, que les choses étaient inacceptables, en œuvrant pour qu'il y ait des tournois inclusifs au cœur de la Coupe du monde de rugby et organisant des ateliers dédiés, le 17 mai 2023, pendant une journée entière.

En la matière, ce ne sont pas les outils, les leviers, qui manquent, mais un sursaut. Ce qui est intolérable ne doit pas seulement faire l'objet de marches, mais aussi d'une action systématique. Il faut expliquer aux associations de supporters que lorsqu'il y a des chants homophobes, même si elles ne sont peut-être pas elles-mêmes homophobes, cela blesse profondément des gens et que ces comportements ne sont plus possibles en 2023. Il faut retirer ces mots, ces couplets, ces refrains. J'ai fait bouger ces acteurs comme personne ne l'avait fait auparavant : je les ai reçus au ministère des sports, deux soirs, pour leur parler, les écouter, les comprendre et avancer ensemble.

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Merci, madame la ministre, pour votre engagement sur toutes ces questions, qui est salué d'une manière assez unanime.

Votre échange avec Mme la rapporteure était intéressant. L'objectif est le même des deux côtés : il s'agit d'améliorer notre arsenal juridique, notre capacité de réponse et de prise en compte des remontées. On doit se tourner vers Signal-sports lorsqu'une révélation doit être faite, dans un milieu où il est parfois très difficile de libérer la parole. Dans d'autres cas, il n'y a pas lieu de révéler des faits, puisqu'ils se déroulent à la vue de tous. Nous nous apercevons néanmoins, dans le cadre de nos travaux, que bien que les choses se passent devant les yeux et à la connaissance de tous, il y a assez peu de réponses.

Vous avez dit, madame la ministre, à plusieurs reprises, que vous aviez appelé les uns et les autres à exercer leurs responsabilités, mais force est de constater qu'il y a encore trop de trous dans la raquette. Avez-vous donc des pistes de réflexion pour responsabiliser encore plus les acteurs ? Un exemple a été évoqué devant nous l'autre jour, celui de chants homophobes que toutes et tous pouvaient constater, car il suffisait d'être au stade, de regarder son écran ou d'écouter sa radio pour les entendre. Malgré cela, il n'y a pas eu de suspension ni d'arrêt du match : ceux à qui il appartenait de faire cesser ce qui constitue tout même un délit n'ont pas exercé leur responsabilité. Comment faire lorsque des faits sont ainsi commis au vu et au su de tout le monde, mais que ceux qui ont la charge de faire respecter la loi – la loi du sport et la loi de notre République – ne le font pas ?

J'en profite pour revenir sur une des propositions que nous avons formulées, Stéphane Peu et moi, dans notre rapport sur l'impact des Jeux olympiques et paralympiques. Je pense à notre recommandation n° 47, qui fait un peu écho à ce que vous avez dit tout à l'heure lorsque vous avez parlé de la loi qui a amélioré la vie démocratique dans nos fédérations et de la proposition de loi de M. Pla, qui a été adoptée au Sénat. Nous avons recommandé, dans le cadre de nos travaux, la création d'une autorité de régulation et de contrôle qui serait une autorité administrative indépendante (AAI), sur le modèle de l'AFLD, et qui serait dotée de pouvoirs de contrôle et de sanction afin d'assurer l'éthique et la transparence dans le sport. Nous verrons ce que donneront les travaux qui sont menés actuellement par le comité coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana, mais l'idée de créer une AAI coiffant tous les comités d'éthique des fédérations et dotée d'un véritable pouvoir de contrôle et de sanction vous semble-t-elle une piste de réflexion intéressante ?

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Je crois que ces questions vous touchent, madame la ministre, comme tout le monde. Il était néanmoins légitime que notre commission d'enquête, qui arrive à la fin de ses travaux, voie le jour : les nombreux témoignages que nous avons reçus, de la part de victimes de VSS et de discriminations en tout genre, racistes ou homophobes, par exemple, montrent qu'une véritable omerta règne dans ce pan de la société, bien que certaines fédérations sportives soient plus vertueuses que d'autres – je ne les mets pas toutes dans le même panier.

Certains acteurs peuvent se sentir esseulés. Nous avons récemment assisté à la projection d'une série autour de l'ancien footballeur Ouissem Belgacem, qui a révélé son homosexualité. Il n'a eu aucun soutien de la Fédération française de football pour travailler sur ces questions pourtant importantes : il n'a été contacté que par des clubs agissant de leur propre initiative, chacun de son côté, ce qui est assez révélateur. On sait mener des actions de LGBT- washing, comme on dit, ou d'antiracisme- washing – on organise de temps en temps un atelier, ou une démonstration médiatique qui reste ponctuelle –, mais on reste très en retard pour ce qui est du travail de fond.

Lors de cette projection, le collectif Rouge Direct, qui lutte contre l'homophobie dans les stades, nous a dit qu'il cessait ses activités après avoir été harcelé, notamment sur les réseaux sociaux, à la suite des événements qui se sont produits lors du match Lyon-Marseille. Ce collectif a regretté que vous ne lui ayez pas apporté un soutien public. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Vous avez dit à ce collectif qu'il devait s'adresser à la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos). Ce combat, si symbolique, ne mérite-t-il pas, malgré toute la bonne volonté dont vous vous réclamez, des engagements plus forts ? Il faudrait, à l'égard d'un certain nombre de responsables de fédération, je vais le dire franchement, mettre les points sur les i. Certains de ceux que nous avons auditionnés étaient, pardonnez-moi l'expression, complètement « à la ramasse » sur les problèmes de discrimination qui existent dans notre société. Il faudrait taper du poing sur la table. Comment comptez-vous faire pour remettre d'équerre ce qui ne va pas dans certaines fédérations ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Comment continuer à renforcer la lutte contre les actes discriminatoires, notamment homophobes ? S'agissant du foot, je demande régulièrement un r eporting chiffré, ligne par ligne. On a ainsi recensé 202 sanctions prises par la commission de discipline, sur 175 matchs – 106 rappels à l'ordre, 61 amendes avec sursis, 34 amendes fermes et une fermeture de tribune, 95 % des faits sanctionnés étant des discriminations homophobes. Je m'intéresse en particulier au taux de complétude, car c'est ce qui compte.

J'agis. Il y a des protocoles, y compris, même si on les critique souvent, du côté de la Fédération internationale de football (Fifa) et de l'Union des associations européennes de football (Uefa). En cas de paroles, de chants, de cris indécents dans les tribunes, on interrompt le match et le speaker appelle les gens à faire preuve de décence, puis le match peut reprendre. Si cela recommence, un nouveau rappel à l'ordre a lieu et le match peut s'arrêter dès ce moment-là. Après un troisième rappel à l'ordre, le match est définitivement arrêté.

J'ai pris des positions fermes après le match entre le Paris Saint-Germain (PSG) et l'Olympique de Marseille (OM). On se souvient tous de ce funeste dimanche soir, où ces chants ont duré un quart d'heure – un quart d'heure ! Qu'ai-je dit ? Qu'on appliquait les protocoles. Combien de gens m'ont alors ri au nez, combien ont écrit à mon cabinet pour dire : « Mais pour qui se prend-elle ? Elle veut nous apprendre la vie ? » Ces protocoles sont faits pour être appliqués.

J'ai également passé du temps avec les associations de supporters. Je les ai écoutées, j'ai compris leur perspective, leurs dilemmes, leurs combats et la manière dont on pouvait réussir à atteindre des objectifs qui sont partagés, en s'y prenant de manière intelligente, pour que ça passe, pour qu'un changement culturel se produise. Voilà ce que j'ai construit avec les associations. C'est dans le respect, dans le dialogue qu'on fait avancer les choses. Des membres de l'assemblée générale de l'Association nationale des supporters – des leaders de formations – m'ont écrit dans la foulée plusieurs SMS pour me dire que c'était la première fois qu'ils avaient, enfin, des échanges de cette nature, et ils m'ont remerciée d'avoir fait bouger les lignes.

Je ne vais rien lâcher. Je vais continuer à faire remonter les signalements par les feuilles de match, à faire ce que j'ai dit que je ferai en ce qui concerne la mise en place, dans les grandes fédérations, de commissions spécialement dédiées à ces questions, à l'image de la CADET, dans le rugby, et à prendre contact avec les clubs pour leur demander d'exercer leurs responsabilités, en désignant des référents chargés de la lutte contre l'homophobie et en assumant leur rôle en matière d'interdictions commerciales de stade. Il faut continuer à agir, parce que ce n'est plus possible ainsi.

Je me réjouis que Kévin N'Doram, qui s'était comporté comme un idiot, qui avait été irrespectueux, indécent dans ses propos, ait encadré une session d'entraînement avec les PanamBoyz & Girlz United, à Paris, il y a deux jours. Je suis heureuse qu'il ait dit qu'il se sentait un peu moins bête grâce à cela, qu'il avait le sentiment de réparer un peu l'erreur qu'il avait commise, et qu'il se rende compte de celle-ci. Je veux poursuivre ce dialogue, ce vivre-ensemble qui vient.

J'enchaîne avec la question concernant Rouge Direct. J'ai reçu des membres de ce collectif au ministère le 31 août. J'ai été heureuse de cet échange, long et constructif, dans lequel je leur ai demandé de m'exposer leurs solutions. Ils m'ont parlé des expériences qu'ils avaient analysées à l'étranger, etc. Une de leurs solutions a tout de suite retenu mon attention, celle qui consiste à mettre des observateurs dans les tribunes, parce que parfois, quand des chants homophobes sont entonnés dans les gradins, l'arbitre ne les entend pas, car il est sur le terrain, loin des tribunes, et concentré sur autre chose. Je leur ai dit qu'il fallait évidemment appliquer cette proposition, qui va complètement dans le sens de ce que j'avais précédemment demandé, à savoir qu'il y ait une remontée, sur la feuille de match, de tous les incidents, pour qu'ils soient retracés et comptabilisés. Seulement, la question était de savoir ce qu'on pouvait faire quand on n'avait pas entendu ces chants. Je me suis donc tout de suite trouvée complètement alignée avec les recommandations de Rouge Direct. Sur ce point, nos combats sont aussitôt devenus communs. Je ne leur ai pas seulement dit que c'était bien, que ça allait, pour moi, dans le sens de l'histoire : j'ai demandé à mon cabinet d'enchaîner, et il a tout de suite pris contact avec les équipes de Metz et de Saint-Étienne – deux des quatre endroits recommandés par Rouge Direct – et nous avons enclenché le travail.

Là non plus, je ne vais pas lâcher. On va avancer. Des observateurs indépendants dans les tribunes feront remonter les faits à l'arbitre pour qu'il les reporte sur la feuille de match, y compris lorsqu'il n'a pas entendu ce qui se passait, parce que c'était partiel ou furtif. Même quand ils sont furtifs, ces actes doivent être punis.

Que s'est-il passé avec Rouge Direct ? J'ai écrit une lettre, dans laquelle j'avais réussi à embarquer, ce qui était historique, le président de la FFF, celui de la LFP et ma collègue Bérangère Couillard. Nous y exigions des dirigeants des clubs qu'ils agissent, en désignant des référents, en faisant cesser, en lien avec les associations de supporters, quand c'est nécessaire, les chants homophobes et en supprimant certaines paroles. Mais qu'ai-je donc eu le malheur d'écrire ? J'ai souligné que des ateliers de sensibilisation pouvaient être utiles. Ne le sont-ils pas, quand on voit ce que font Yoann Lemaire et Foot Ensemble, ou Kévin N'Doram, et quand on sait les effets que cela produit sur le terrain ? Que me reproche-t-on ? Est-ce d'avoir évoqué ce levier-là ? On s'est mis soudainement à dire que je ne tenais pas mes engagements, mais pourquoi ? Je veux travailler avec tout le monde, moi. Quand on s'appelle « collectif Rouge Direct », on ne doit pas diviser. Il faut additionner les forces, les leviers, les mobilisations, parce que c'est ainsi qu'on atteindra l'objectif d'éradiquer de nos stades et du sport les actes discriminatoires. Or Rouge Direct s'est mis à dire pendant des semaines que je ne tenais pas mes engagements et que je ne faisais pas ceci ou cela… Je ne me laisse pas dicter les modalités de mon action, car je suis une femme politique. Je mets les choses sur la table, j'étaie mes propositions, j'écoute ce qu'on me dit et ensuite je fais ce que j'ai dit.

Lorsque les membres de Rouge Direct ont été victimes d'attaques absolument inadmissibles sur les réseaux sociaux, j'ai demandé, dans l'heure qui a suivi, qu'on prenne contact avec eux, ce qui a été fait dans l'après-midi, pour voir si cela allait à peu près, s'ils n'étaient pas trop traumatisés. On leur a dit qu'il y avait une façon de signaler un tel cyberharcèlement, en s'adressant à Pharos, et ils ont répondu que leurs avocats avaient déjà cet élément en tête. Quand la plateforme Pharos est saisie, c'est l'équivalent, s'agissant des effets vis-à-vis de la justice, d'un recours à l'article 40, et je n'avais donc pas à faire un signalement. Par ailleurs, cette procédure ne sert pas à exiger d'une autorité publique qu'elle témoigne de certains faits, on peut saisir soi-même la justice. Je me suis assurée – c'est la première chose que j'ai faite – que Pharos avait effectivement pu être saisie, pour que les voies pénales soient activées.

Je me suis tenue aux côtés des membres de Rouge Direct, et je continuerai à le faire pour que les recommandations qu'ils ont impulsées, et auxquelles je crois, puissent être mises en œuvre. Je continuerai également à faire en sorte que des ateliers de sensibilisation aient lieu, car c'est tout aussi important. Les attaques dont les membres de Rouge Direct ont été l'objet sur les réseaux sociaux sont inadmissibles, je l'ai dit dans un tweet. J'ai également indiqué que je ne les avais pas laissé tomber, car c'était inexact, et j'ai mentionné Pharos parce que c'est une voie à suivre pour saisir la justice. Je les appelle à persévérer. Je veux qu'ils continuent leur action, comme l'ensemble des associations qui ont décidé, depuis des années, de se mobiliser. Aucun de nous ne doit céder au découragement. En tout cas, ma détermination à agir, à leurs côtés et aux côtés des autres acteurs, restera pleine et entière.

Je comprends, par ailleurs, que la question de la création d'une grande autorité placée au-dessus des fédérations se pose. Cependant, avec l'expérience et le recul qui sont les miens, compte tenu des situations de crise que j'ai eu à gérer, je pense que le meilleur service à rendre aux fédérations, c'est d'exiger d'elles qu'elles aillent jusqu'au bout de leurs responsabilités en matière disciplinaire, dans tous les domaines. En cas de violences à caractère sexiste et sexuel, il ne faut pas se contenter de licencier des gens ou de les muter, parce qu'on ne fait ainsi que déplacer les problèmes. On doit aller jusqu'au bout des procédures disciplinaires, en lien avec l'administration et la justice.

Dans la même logique, des dispositions exigent, depuis 2017, des présidents des fédérations qu'ils déclarent leurs éventuels conflits d'intérêts. La loi du 2 mars 2022 a renforcé le dispositif en l'étendant aux vice-présidents, aux trésoriers et aux secrétaires généraux des fédérations, que j'accompagne pour que cette mesure soit effective. Nous avons, par ailleurs, la loi Sapin 2, l'Agence française anticorruption (AFA), la brigade de répression de la délinquance économique, celle de répression de la délinquance fiscale, les audits financiers réalisés par l'IGESR et, s'il le faut, par l'Inspection générale des finances (IGF), et il y a aussi la Cour des comptes, les comités d'éthique et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Nous sommes donc bardés d'institutions qui peuvent traiter, quand on le leur demande, les questions qui se posent. Faisons en sorte que chacun prenne ses responsabilités, en occupant toute sa place dans la chaîne, avant d'imaginer la création de machins qui auraient pour effet de retarder un certain nombre d'actions et de reporter, de diluer les responsabilités. Ce n'était pas forcément vrai il y a quelques années, quand tout cet édifice n'avait pas été construit, mais je pense que nous avons aujourd'hui tout ce qu'il faut pour que le sursaut nécessaire puisse se produire dans la vie fédérale. Par ailleurs, n'oublions pas que les responsabilités sont bien exercées dans bien des endroits, par des gens qui font leur métier avec probité, décence et dévouement.

Je comprends très bien, encore une fois, qu'une question puisse se poser, car nous avons connu trop de crises, et je suis sûre que cela fera partie des points abordés par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana, comme l'avait fait le CNOSF, mais il me semble que la priorité est plutôt de faire jouer aux instances tout le rôle qui leur revient.

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Je commencerai par vous faire part de ma surprise : l'une des recommandations du rapport Rénovons le sport français, que vous avez remis à Mme Laura Flessel, était de « mettre en place un contrôle de l'éthique externe au mouvement sportif ». À un moment, vous avez donc estimé qu'il était nécessaire de disposer d'un organisme, d'un comité ou d'un dispositif extérieur permettant d'exercer ce contrôle.

Vous avez beaucoup parlé de l'homophobie et du racisme dans les stades. Certes, tout le monde peut être témoin des chants, des actes ou des propos tenus en ces lieux ; il est toutefois important de rappeler que ces comportements ne se limitent pas aux stades. Notre commission d'enquête a auditionné des personnes victimes de racisme dans d'autres cadres – je pense à un entraîneur de rugby que l'on a traité de « mangeur de bananes » et à des sportifs ayant subi des actes homophobes ailleurs que dans des stades.

J'insiste une nouvelle fois sur l'importance de la clarification des outils mis à la disposition des victimes. M. Éric Arassus nous a raconté qu'il avait lui-même signalé des faits d'homophobie à la cellule Signal-sports, qui l'a contacté la veille de son audition par notre commission d'enquête. Nous lui avons demandé pourquoi il avait obtenu des réponses alors que ces faits n'entraient pas dans le périmètre de Signal-sports, qui se limite aux violences sexuelles et sexistes. Il nous a répondu ceci : « C'est intéressant car on nous a toujours dit que le sujet relevait de Signal-sports. Je crois savoir que cette cellule n'est aujourd'hui composée que de quatre personnes, ce qui est peu. Nous pensons qu'il faut mettre plus de moyens. Si l'homophobie ne fait pas partie de Signal-sports, c'est intéressant de l'apprendre aujourd'hui […]. » Ainsi, des associations œuvrant dans ce domaine depuis de nombreuses années ont fait appel à Signal-sports sans avoir été informées que de tels agissements ne relevaient pas de cette cellule. Mais vous nous avez répété tout à l'heure que le périmètre de Signal-sports ne serait pas forcément élargi.

Enfin, vous avez dit à plusieurs reprises que les protocoles étaient faits pour être appliqués. À qui revient-il de faire en sorte qu'ils le soient ? Vous êtes ministre des sports. Or, depuis le début de nos auditions, nous avons le sentiment que personne ne contrôle l'action des fédérations, a fortiori l'application des protocoles par ces dernières.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Effectivement, la mise en place d'un contrôle de l'éthique externe au mouvement sportif faisait l'objet de la recommandation n° 24 du rapport Rénovons le sport français. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé ma réponse à M. Mazars en expliquant que ma position avait mûri du fait de mon expérience, du recul que j'ai pris et des crises que j'ai dû gérer ces derniers mois. Mon point de vue a aussi évolué parce que le droit lui-même a évolué. J'ai souhaité rappeler la mise en œuvre de la loi Sapin 2, le déploiement des contrôles de l'AFA dans un certain nombre de fédérations – du golf au football, en passant par le tennis –, ainsi que le renforcement des obligations déontologiques et de prévention des conflits d'intérêts par la loi du 2 mars 2022. Heureusement que les choses ont avancé ! En cette fin d'année 2023, ce serait manquer de respect au législateur que de ne pas tenir compte de tout ce qu'il s'est échiné à mettre en place. Les choses ont bougé : nous disposons aujourd'hui d'un arsenal permettant de nous assurer que de telles situations ne peuvent se reproduire.

Je le répète, des protocoles de lutte contre les discriminations sont appliqués sous le contrôle de la LFP et de sa commission de discipline, qui connaissent ma position à ce sujet. J'ai avec elles des échanges suivis, en toute transparence, comme avec les associations nationales de supporters, dans le cadre de l'Instance nationale du supportérisme que j'ai relancée, élargie, renforcée et animée. La justice peut être saisie, puisqu'il est désormais reconnu que des propos homophobes gravement discriminatoires constituent un délit. Elle a la possibilité de prononcer une peine complémentaire systématique d'interdiction judiciaire de stade pour cinq ans – une peine qui peut se combiner à des interdictions administratives.

Vous avez parfaitement raison de souligner que ces discriminations dépassent le cadre des stades et qu'elles concernent aussi la vie quotidienne des clubs. C'est la raison pour laquelle j'ai pris, le 30 janvier dernier, aux côtés de la Première ministre, un engagement très important : désormais, 100 % des éducateurs sportifs seront formés à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations. Concrètement, un module obligatoire sera intégré dans la formation des 28 000 stagiaires se préparant chaque année à l'un des 290 diplômes d'État proposés dans le domaine de la jeunesse et des sports. Nous avançons donc vers une plus grande sensibilisation, mobilisation et responsabilisation des acteurs du système, jusque dans les cellules de base du sport français que sont les clubs. Nous devons continuer dans ce sens.

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M. Lappartient semble indiquer que vous ne faites pas preuve de suffisamment de fermeté à l'égard des fédérations qui ne respectent pas la loi : « Il est […] inacceptable que 17 % des fédérations n'aient pas [de comité d'éthique] alors qu'il s'agit d'une obligation légale. À cet égard, je trouve que les fédérations qui n'en ont pas devraient être mises en demeure sous peine de perdre leur délégation ou ne plus être éligibles aux financements publics. » Mme Bourdais a rappelé que l'animation de ces comités d'éthique relevait du CNOSF, lequel nous a pourtant renvoyés vers le ministère des sports. Je repose donc ma question : qui contrôle, et qui est responsable de quoi ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Dans la loi du 2 mars 2022, qui a été défendue par certains députés ici présents, auxquels je veux rendre hommage, est affirmée haut et fort l'obligation, pour chaque fédération sportive de notre pays, de se doter d'un comité d'éthique. Sur les quatre-vingt-six fédérations ayant fait l'objet d'une délégation en 2022, seules deux n'ont pas encore mis en place un tel comité : les fédérations françaises de ballon au poing et de course camarguaise. J'espère qu'elles pourront le faire rapidement – c'est en tout cas l'invitation que je leur adresse avec beaucoup de cœur. Je réponds donc à M. Lappartient que le taux de carence n'est pas de 17 %, mais de 2,3 %.

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Est-ce vraiment la loi de 2022 qui prévoit l'obligation de mettre en place un comité d'éthique ? Il nous semble que c'est plutôt celle de 2017.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

C'est la loi de 2022. En 2017, le législateur a imposé aux présidents de fédération de transmettre à la HATVP des déclarations d'intérêts et de patrimoine – un dispositif qu'il a étendu aux vice-présidents, trésoriers et secrétaires généraux en 2022.

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La loi de 2017, que j'ai sous les yeux, évoque déjà les comités d'éthique.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

L'obligation a été affirmée dans la loi de 2022, mais la création de ces comités est heureusement antérieure.

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Madame la ministre, vous venez d'évoquer la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. Vous êtes également revenue, dans votre propos initial, sur les avancées en matière de gouvernance des fédérations – je pense notamment à la limitation du nombre de mandats, ou encore à la vitalité démocratique de ces organisations, favorisée par une plus grande participation de leurs adhérents à la désignation des instances dirigeantes. Notre attachement au titre II de la loi du 2 mars 2022 s'explique par notre volonté de mettre fin à certaines omertas et de pallier la prise en compte insuffisante de certaines questions.

Vous ne serez pas étonnée que je veuille appeler votre attention sur la question de la parité. Le principe d'une parité intégrale a été adopté, mais sa mise en œuvre se fait attendre puisqu'il ne s'imposera au niveau national qu'à partir de l'année prochaine et au niveau infranational qu'à partir de 2028. Le défi est important : au niveau régional, il faut trouver 3 000 femmes susceptibles d'occuper des postes dans les instances dirigeantes. Avez-vous l'impression que les fédérations se sont mises en ordre de bataille pour préparer les échéances de 2024 et de 2028 ? Plus globalement, voulez-vous souligner certaines avancées en matière de gouvernance permises par la loi du 2 mars 2022 ?

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Je vous remercie d'avoir rappelé les aspects positifs du système, mais notre commission d'enquête s'attache à ses dysfonctionnements.

Je ne peux pas vous laisser dire que vous souhaitez que Rouge Direct continue son action. Le collectif a annoncé hier l'arrêt total de ses travaux, du fait des menaces qu'il a subies à la suite de ses activités de lanceur d'alerte. Chacun est libre de qualifier leur action comme il l'entend, mais les membres de Rouge Direct ont au moins le mérite d'être les seuls à avoir réussi à entraîner derrière eux l'ensemble des associations et centres LGBT de France, dans le cadre d'un travail régionalisé, délocalisé dans chacun des clubs. C'est grâce à eux, grâce à leurs ressources, et pas seulement grâce à votre volonté politique, qu'a pu être réalisé le travail de prévention et de formation avec les clubs.

Depuis février 1936, le Conseil d'État considère que « même dans le cas où les ministres ne tiennent d'aucune disposition législative un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité ».

L'homophobie n'est pas un délit, c'est un crime. Un propos homophobe est sanctionné comme un crime. Il faut donc dénoncer certains propos proférés dans les stades et en dehors – je remercie Mme la rapporteure d'avoir rappelé que ces agissements ne se produisaient pas uniquement dans les stades et que les personnes LGBTQI rencontraient des difficultés pour entrer dans les clubs. Je pense notamment à ce chant des supporters de Marseille, que le patron de la FFF a qualifié de folklorique : « Il faut les tuer, ces pédés… » Or, du point de vue administratif, la personne au-dessus de la FFF, c'est vous, madame la ministre. Vous êtes la patronne des fédérations, et c'est pour cela que Rouge Direct a plus ou moins pris ses distances.

Nous voilà donc confrontés à la disparition de ce collectif qui effectuait un travail d'alerte et qui reconnaît lui-même avoir pu travailler avec vous. Je vous contredirai sur un point : la proposition de Rouge Direct afin de lutter contre l'homophobie dans les stades repose sur une équipe tripartite d'observateurs venant des centres LGBT, des services d'ordre des clubs et des services de l'État chargés de la lutte contre le hooliganisme. J'espère que l'expérimentation envisagée pourra aller jusqu'au bout. Peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions sur ce point.

Une question se pose par ailleurs : quand le patron de la LFP affirme que la sanction contre les actes homophobes dans les stades est inefficace, contredisant vos propres propos – vous n'êtes pas opposée à la sanction –, il convient de le rappeler à l'ordre et de faire respecter le droit. Je le répète : l'homophobie et le racisme ne sont pas des délits, mais des crimes.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

J'ai toute confiance dans les dirigeants de Rouge Direct pour prendre les décisions qu'ils jugent appropriées. J'ai dit dans mon dernier tweet que leur cause était noble. Nous avons besoin que les associations dont l'objet est de lutter contre toutes les formes de discrimination poursuivent leur action. Ce message s'adresse à l'ensemble d'entre elles : Foot Ensemble, Ovale Citoyen, les Coqs festifs, PanamBoyz & Girlz United et SOS Homophobie réalisent un travail remarquable. Dans cette fameuse lettre qui m'a été reprochée par Rouge Direct, je souligne que leur action est utile et nécessaire.

Revenons aux faits qui se sont produits lors des matchs entre le PSG et l'OM et entre Montpellier et Rennes. Vous m'avez adressé une longue tirade m'enjoignant de prendre mes responsabilités. Or, dès le lendemain matin, avec Olivier Klein, nous avons transmis au parquet deux signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Action, réaction ! Nous agirons de la sorte aussi souvent que nécessaire.

Je n'ai pas entendu les dirigeants de la LFP dire que les sanctions étaient inefficaces. Je ne crois pas qu'ils aient eu l'outrecuidance ou la bêtise de dire cela : ce serait nier leur propre rôle. Cela ne leur ressemble pas. Je pense au contraire qu'ils ont conscience de la nécessité d'exercer leur pouvoir disciplinaire.

J'en viens au mouvement plus positif de féminisation des instances dirigeantes du sport français, qui est en train de s'opérer. La loi de 2022 pose un principe de parité des instances nationales d'ici à 2024 et des instances régionales d'ici à 2028. Nous avons besoin que 400 femmes soient au rendez-vous de 2024 – cet indicateur est de ceux que je surveille comme le lait sur le feu. Un premier groupe de 150 femmes a été identifié et formé par le CNOSF. Une seconde promotion de 150 femmes est en train d'être formée : elle le sera totalement en septembre 2024, au lendemain des Jeux olympiques et paralympiques. Il reste donc 100 femmes à identifier dans les territoires et à former avant le début de l'année 2025, date du renouvellement des instances des fédérations. À l'échelon régional, 3 600 femmes doivent être trouvées : un certain nombre de fédérations en ont déjà identifiées, d'autres doivent accélérer le mouvement. Mon souhait le plus cher est évidemment que la grande cause nationale 2024 et les Jeux olympiques et paralympiques donnent à un nombre croissant de femmes et de jeunes l'envie de rejoindre les rangs des bénévoles. Je rappelle que le sport est le premier secteur d'engagement en France, et je pense que les perspectives réjouissantes dans ce domaine nous permettront de garder cette place.

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Après vérification, je confirme que la loi de 2017 a prévu l'obligation, pour les fédérations sportives, de mettre en place des comités d'éthique. La loi de 2022 a précisé qu'ils devaient être indépendants. Si je vous ai posé plusieurs fois cette question, c'est parce qu'il nous semblait assez illogique que, depuis 2017, certaines fédérations ne se soient toujours pas dotées d'un tel comité. Certes, vous nous dites que seules deux d'entre elles ne se sont pas conformées à cette obligation ; il n'empêche que six ans, c'est un peu long !

Notre commission d'enquête a auditionné de très nombreux présidents, directeurs techniques nationaux (DTN) et directeurs généraux de fédération. La très grande majorité d'entre eux a fait preuve, au mieux, d'une totale méconnaissance des dispositifs mis en place au sein de leur fédération pour lutter contre les VSS, l'homophobie et les discriminations ; au pire, nous avons déploré des inexactitudes voire des parjures. Comment expliquez-vous cette situation alors que votre prédécesseure, Mme Maracineanu, avait fait de la lutte contre les VSS un thème majeur de son action et que la directrice des sports, Mme Bourdais, est l'une des spécialistes reconnues de cette question et qu'elle dirige encore la cellule ministérielle chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans le sport ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Certains responsables ont montré qu'ils étaient au fait de ces procédures – vous l'avez encore vu ce matin. Il ne faut pas caricaturer. Certaines auditions ont en effet été décevantes, pour ne pas dire catastrophiques. Cela montre qu'il faut absolument renforcer l'implication des fédérations, à leur plus haut niveau, dans la lutte contre les VSS. La seule chose qui peut nous rassurer est que les équipes dont c'est le métier à temps plein sont bien au fait de ces sujets. Je rappelle que nous avons mis en place, dans toutes les fédérations et dans tous les établissements publics du ministère, des référents spécialisés sur ces questions. En outre, la loi du 2 mars 2022 a non seulement affirmé l'indépendance des comités d'éthique, mais également prévu la formation de l'ensemble des éducateurs à la lutte contre les VSS. Il faut continuer à faire de la pédagogie, et je pense que votre commission d'enquête aura fait œuvre profondément utile en la matière.

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Personne ici n'a l'intention de caricaturer les auditions menées par la commission d'enquête. Cependant, depuis que nous avons commencé nos travaux, il y a quelques mois, nous avons entendu des dirigeants de fédération qui ne connaissent pas les dispositifs existants, qui mettent plusieurs mois à effectuer des signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, qui ne vérifient pas que ces signalements ont bien été transmis au parquet, qui ne font pas remonter les incidents, qui ne prennent pas les victimes au sérieux, qui ne déclenchent pas d'enquête lorsqu'ils prennent connaissance de certains faits… Ainsi, quand on évoque de graves dysfonctionnements dans certaines fédérations, on est loin de la caricature ! Je suis assez étonnée de vous entendre présenter la situation de manière inversée. Certes, il y a des fédérations qui font très bien leur travail, qui traitent ces sujets avec sérieux, mais vous dites vous-même ici que vous ne voulez rien lâcher et que vous serez intraitable face aux dysfonctionnements constatés. Or, lorsque nous portons ces dysfonctionnements à votre connaissance – du reste, vous avez pu visionner nos auditions –, vous considérez que nous sommes dans la caricature. Je trouve, pour ma part, que vous minimisez ces dysfonctionnements. Je le répète, certaines auditions ont été vraiment catastrophiques, extrêmement inquiétantes. De quels leviers votre ministère dispose-t-il pour remédier à cette situation ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Puisque vous aimez être précise en droit, madame la rapporteure, j'insiste sur le fait que les instances prévues par la loi de 2017 n'étaient pas des comités d'éthique, mais des « comités dotés d'un pouvoir d'appréciation » sur un ensemble de matières. C'est bien l'article 39 de la loi du 2 mars 2022 qui a prévu la mise en place obligatoire de comités d'éthique indépendants.

Jamais je n'ai prononcé le mot « caricature ».

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

J'ai dit : « Il ne faut pas caricaturer. » Je n'ai pas dit que la commission d'enquête avait caricaturé les faits.

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Mais c'était en réponse aux propos de Mme la rapporteure !

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

J'ai devant moi l'intégralité des comptes rendus des auditions de la commission. J'en ai lu 96 %. J'ai donc pu me faire ma propre opinion sur les personnes s'étant montrées imprécises ou, au contraire, excellentes, probantes, démonstratives.

Faut-il poursuivre l' aggiornamento, la transformation culturelle du monde des fédérations ? La réponse est oui. Nous ne serions pas ensemble, dans cette salle, si nous ne partagions pas cette conviction. C'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'il fallait marteler l'obligation de signalement aux autorités administratives et que la proposition de loi Pla était une bonne chose dans la mesure où elle vise à consacrer cette obligation sur le plan législatif.

J'ai dit à quel point il fallait encore faire monter en puissance le contrôle d'honorabilité et embarquer dans cette démarche toutes les fédérations afin que plus personne n'échafaude de stratégies de contournement, en prétendant par exemple qu'une licence « dirigeant » permet d'échapper aux fourches caudines du contrôle d'honorabilité. Je suis la première à dire qu'il faut tout faire pour licencier les bénévoles qui se trouvent, sur le bord du terrain, en contact régulier avec des mineurs afin de les inclure dans le champ du contrôle. Je veux aussi normaliser certaines professions – comme celle de recruteur bénévole, y compris pour le football – qui se situent aujourd'hui dans une zone grise, dans une zone de non-droit où il n'y a ni formation ni exigences réglementaires. Maintenant que le système d'information et de contrôle de l'honorabilité a été mis en place, il doit pouvoir s'appliquer au plus grand nombre d'acteurs du sport afin de rendre cette action de prévention la plus efficace possible. Je ne peux pas être davantage alignée sur vos conclusions. Je ne peux pas faire plus que de souligner l'ensemble de ces éléments.

De la même façon, il faut que les fédérations aillent au bout de l'exercice de leurs pouvoirs disciplinaires. J'ai même envie que, dans les cas les plus graves, les violeurs et les multirécidivistes n'aient plus du tout la possibilité d'obtenir une licence. J'entends dire que la pratique sportive relève de la liberté individuelle et qu'un condamné ayant purgé sa peine doit pouvoir faire du sport dans un club, mais ce n'est pas vraiment mon point de vue.

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Je salue les propos que vous avez tenus dans votre intervention liminaire, votre engagement et votre détermination à lutter pied à pied contre les VSS, entre autres.

Je vais peut-être prolonger les propos de Mme la rapporteure. Cette commission d'enquête a été créée pour identifier les dysfonctionnements des fédérations sportives. J'imagine que vous avez pu prendre connaissance des auditions que nous avons menées, en particulier de celles de certains responsables de fédérations françaises de sport – et pas des moins puissantes. Nous avons très régulièrement fait face à une forme d'irresponsabilité, les uns et les autres rejetant la faute sur les absents – j'ai eu l'occasion de le redire ce matin. Cela dit quelque chose du monde sportif.

J'espère vraiment que cette commission, qui va vers la fin de ses travaux, aura fait œuvre utile et que vous en tirerez des enseignements. Elle a montré la nécessité de retisser les liens entre le ministère et certaines fédérations – le problème ne date pas de votre nomination. Vous l'avez dit dans votre propos liminaire, il y a une forme d'omerta, une forme d'impunité chez un certain nombre de dirigeants qui prétendent n'être absolument pas au courant de ce qui s'est passé pendant des décennies au sein de leur fédération. Malgré tout ce que vous avez dit et mis en œuvre, malgré votre engagement et votre détermination, je ne vois pas très bien comment ce changement de braquet nécessaire et impérieux va pouvoir s'opérer.

Ma deuxième question est née de l'audition, ce matin, du président et du directeur général de la Fédération française de judo, qui nous ont indiqué avoir reçu 180 signalements en tous genres, dont 95 de VSS. Lorsque je leur ai demandé s'ils savaient ce qu'il était advenu de ces éducateurs et de ces encadrants, ils n'ont pas su me répondre. Je voulais porter cette situation incompréhensible à votre connaissance : on ne sait pas si des auteurs de faits graves, qui remontent à quelques années, exercent encore des fonctions dans le monde du judo ou dans d'autres fédérations. Que peut-on faire pour que de telles situations ne se reproduisent plus ?

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Beaucoup de choses ont été dites, et je rejoins les propos de Stéphane Buchou s'agissant des relations entre le ministère des sports et les fédérations. Alors que nous allons accueillir les Jeux olympiques et paralympiques, qui seront suivis, nous l'espérons tous, de beaucoup d'autres grands événements, nous devons tisser un lien beaucoup plus fort avec les fédérations sportives. J'ai travaillé avec bon nombre d'entre elles, en tant qu'élu local, pendant de nombreuses années, et je sais que ce n'est pas facile pour elles tous les jours.

Je vous remercie des propos plutôt clairs que vous avez tenus tout à l'heure concernant Rouge Direct. Alors que nous avons beaucoup parlé de la lutte contre l'homophobie, j'aimerais évoquer avec vous la question du racisme, qui est un véritable fléau. Une chape de plomb pèse sur le milieu sportif, et je sais de quoi je parle. Il y a quelques jours, le Gouvernement a fait un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale concernant l'agression que j'ai subie à Hayange, mais derrière moi se cachent beaucoup d'autres victimes – je l'ai vu en tant qu'adjoint au sport.

Depuis plusieurs années, le Gouvernement s'est résolument engagé dans la lutte contre toute forme de radicalisation dans les clubs. J'ai moi-même été amené à prendre certaines mesures nécessaires, sans avoir forcément besoin de l'aide de l'État à l'époque.

Mais revenons au racisme, qui est, je le répète, un véritable fléau. La haine se diffuse partout dans notre société, dans un grand nombre de structures, y compris au sein de l'éducation nationale – cela m'a été rapporté très récemment, lors d'une réunion publique, par plusieurs syndicats et représentants d'élèves. Le monde du sport n'échappe pas à ce fait social majeur.

Il faut également lutter contre les prêcheurs de haine, de plus en plus nombreux dans les clubs sportifs. Vous avez exprimé tout à l'heure la volonté de vous y attaquer, et vous avez d'ailleurs déjà pris des mesures relatives à la formation des éducateurs – je pense effectivement que la résolution du problème passe par là. Au vu des auditions de notre commission d'enquête et de l'expérience qui est la mienne, j'ai le sentiment que nous nous trouvons devant un phénomène de grande ampleur, même s'il est toujours difficile de le mesurer précisément. Au-delà de la formation absolument nécessaire des éducateurs, des bénévoles et des dirigeants, entendez-vous prendre d'autres mesures ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Les remarques de M. Buchou me conduisent à évoquer une autre évolution essentielle que j'ai souhaité insuffler à la direction des sports, à savoir le renforcement du dialogue de gestion avec les fédérations. Aujourd'hui, on réclame à ces dernières de nombreux documents : projet sportif fédéral, projet pluriannuel de performance, déclinaison des principes essentiels de la République, etc. Il est nécessaire de mener avec elles un dialogue serré, exigeant, précis, assis sur des chiffres et des indicateurs de performance. Cela permet notamment de cartographier les risques, de connaître les problèmes, les vulnérabilités et l'historique de chaque fédération, et de savoir ce qu'il faut essayer de réparer. Tous ces éléments sont analysés en lien avec l'Agence nationale du sport, ce qui peut parfois nous amener à revenir sur l'attribution de certaines subventions. Il existe des cordes de rappel. Avant d'attaquer une fédération au bazooka en lui retirant sa délégation, ce qui constitue une punition collective, divers moyens permettent de nous assurer que chacun fait bien son travail. C'est cette culture-là que je veux inscrire au cœur de la direction des sports.

Quand je suis arrivée au ministère, beaucoup d'agents étaient un peu tristes ou abattus parce qu'ils avaient perdu un certain nombre de compétences au profit de l'Agence nationale du sport. Je leur ai recommandé de voir en cette évolution une opportunité de mieux assurer leurs missions régaliennes, celles où l'État est attendu. Je leur ai dit que c'était l'occasion rêvée de renforcer le dialogue de gestion et l'évaluation du travail effectué par les opérateurs, et je me suis battue pour obtenir une augmentation des effectifs leur permettant de bien assurer ces missions régaliennes.

Aujourd'hui, je sollicite l'IGESR plus fortement que jamais. Depuis mon arrivée, le 20 mai 2022, seize audits ont été menés – dix dans le cadre des contrôles récurrents, six ad hoc –, et je ne compte pas le nombre de saisines du parquet national financier au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. J'active le système pour que chacun aille au bout de ses missions.

S'il faut renforcer un peu plus les choses, en matière de cordes de rappel, et s'il faut inventer une forme d' impeachment – je viens de prononcer un gros mot – à l'encontre d'un président de fédération qui emprunterait une voie absolument inacceptable, pour ne pas devoir attendre trois mois avant d'obtenir sa démission, je le ferai avec vous, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire. Il conviendrait de limiter cette procédure aux cas les plus graves, aux situations de blocage des institutions, car il faut d'abord et avant tout laisser les instances jouer leur rôle ; mais si elles ne le font pas, pour telle ou telle raison, alors nous devrons peut-être aller jusque-là. Si cela peut permettre de fortifier notre modèle sportif, allons-y !

Le général de Gaulle a eu le génie d'inventer un système où l'État joue pleinement son rôle tout en laissant le mouvement sportif autonome – et non indépendant, comme je me suis fait un plaisir de le rappeler à la FIFA lorsqu'elle me reprochait de regarder d'un peu trop près les agissements de Noël Le Graët. Les fédérations, autonomes, sont délégataires d'un service public dont le titulaire est l'État, sous le contrôle des Français et de la représentation nationale. Ce système équilibré est assez génial. Il doit continuer de fonctionner. Il a à son actif de nombreuses réussites que j'ai évoquées tout à l'heure, y compris en matière de performances sportives. On ne dit pas assez que notre pays est l'une des meilleures nations sportives du monde, si ce n'est la meilleure, dans le domaine des sports collectifs.

Ceux qui trahissent le système, qui ne font pas leur boulot, nous devons les empêcher de continuer de nuire en les attrapant par les bretelles. Pour ce faire, nous devons activer tous les dispositifs que vous, législateurs, avez mis entre nos mains. Nous devons mobiliser tout ce que notre République compte d'organes indépendants, de cours, d'inspections, de missions d'expertise et d'audit.

Tout ce que je viens de dire s'applique de la même manière à la lutte contre le racisme.

J'ai même envie d'aller plus loin. Si je me bats, sur ces sujets, avec vous, c'est parce que je veux libérer le sport de ses maux. C'est parce que je pense que le sport compte parmi les ingrédients susceptibles de rendre la société meilleure, plus solidaire, plus fraternelle. La pratique d'un sport, a fortiori d'équipe, dans un club, permet d'apprendre la mixité, l'inclusion, le partage et le vivre ensemble dans une France bigarrée. Je me suis parfois agacée en disant que le sujet n'était pas « balance ton sport », mais « balance ceux qui salissent, abîment et détruisent le sport ». Le sport, lui, fait partie des solutions pour notre société. C'est la chance que nous avons avec les Jeux et la grande cause nationale. Nous allons essayer, tous ensemble, d'être au rendez-vous.

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Je rebondis sur la question des indicateurs de suivi de l'activité des fédérations. Les magistrats de la Cour des comptes que nous avons auditionnés ont jugé à juste titre que ces documents étaient trop généraux et ne tenaient pas suffisamment compte des spécificités des fédérations. On est bien loin d'indicateurs précis permettant d'identifier les problèmes de chaque fédération et de proposer des solutions.

Mme Bourdais nous a indiqué qu'il n'était pas exclu de ne pas renouveler, à la fin de l'année 2024, la délégation accordée à certaines fédérations qui ne respectent pas leurs obligations. Quelques fédérations ont visiblement été déjà identifiées. Nous le confirmez-vous ?

Lorsque nous l'avons interrogée sur le caractère très vague et peu prescriptif des contrats signés en mars 2022, Mme Bourdais a reconnu que ces documents avaient été rédigés dans l'urgence et qu'ils ne constituaient qu'un premier jet. Cela est d'autant plus regrettable que l'imprécision des obligations et objectifs figurant dans ces contrats peut fragiliser juridiquement une décision de retrait de délégation.

Pour suivre efficacement le travail des fédérations, nous avons besoin d'indicateurs précis. Or il semble qu'ils ne le soient pas – c'est en tout cas ce qu'a dit la Cour des comptes et ce qu'a reconnu la directrice des sports.

Ne faudrait-il pas introduire dans les contrats de délégation des clauses relatives à l'obligation d'intégrité et d'exemplarité des dirigeants de fédération ? Cela permettrait d'aller dans le sens que vous avez proposé, en contraignant certains responsables à quitter leur poste si leur comportement pose problème.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Venant de la Cour des comptes, j'ai une culture très quantitative. Mes dossiers sont bourrés de chiffres. Mes équipes savent que, lorsqu'il me manque un chiffre, je le réclame jusqu'à l'obtenir. Je ne peux donc pas vous laisser dire que le sport français manque d'indicateurs : il y en a partout, et beaucoup sont d'ailleurs publics – ils figurent dans les publications de certains services de référence de nos ministères comme l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep). Nous pouvons donc établir, documenter ou factualiser tout ce que nous voulons.

Vient ensuite la question de la volonté. Je vous renvoie à mes propos relatifs au dialogue de gestion et à la démarche que j'ai demandé à la directrice des sports d'engager : à l'issue de chaque rendez-vous dans le cadre du dialogue de gestion, un courrier est adressé au président de la fédération concernée afin que soient explicités les progrès demandés.

Je l'ai dit tout à l'heure, il y a pléthore de documents : projets sportifs fédéraux, projets pluriannuels de performance, documents sur l'éthique et l'intégrité en application du contrat d'engagement républicain, audits… N'utilisons pas davantage de papier : il suffit de relever, dans les documents existants, tous les éléments qui étayent des dysfonctionnements, et de ne jamais lâcher l'affaire. Établir une cartographie des risques permet de savoir sur quoi il faut mettre l'accent et dans quelle fédération. Il convient ensuite de suivre l'évolution de la situation : c'est le sens des audits permanents de l'IGESR et des audits ponctuels que j'ai lancés ou parfois relancés dans certaines fédérations – vous voyez à quoi je fais référence.

Nos fédérations savent exactement ce qu'elles ont à faire. Elles doivent remplir une triple mission : former des champions, développer la pratique sportive, être exemplaires en matière d'éthique et d'intégrité. Elles connaissent très bien les différents aspects de cette dernière mission, que nous avons balayés ensemble : la lutte contre les violences à caractère sexiste et sexuel, les maltraitances, le racisme, l'antisémitisme, les discriminations anti-LGBT, le dopage, la manipulation des paris sportifs… Tout cela est parfaitement clair. Pour avoir été au cœur d'une fédération, je peux vous assurer que, quand on veut traiter un sujet et atteindre l'objectif ambitieux fixé par le législateur, on dispose d'absolument tous les leviers pour le faire.

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La Cour des comptes n'est visiblement pas de votre avis puisqu'elle indique, dans son rapport, que les indicateurs sont imprécis.

De quelle manière les contrôles sont-ils effectués ? Se basent-ils sur des éléments déclaratifs ou s'agit-il de contrôles sur pièces ?

Enfin, dans le cadre de la revue permanente, l'IGESR est censée contrôler régulièrement l'ensemble des fédérations. Or il nous est apparu que certaines n'avaient pas fait l'objet de contrôles depuis de nombreuses années : ainsi, le dernier contrôle subi par la Fédération française de handball remonte à plus de quinze ans.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Je vais être plus précise. L'ensemble des indicateurs que j'ai évoqués ne figurent pas dans les contrats de délégation ; ils sont produits par les fédérations et communiqués dans le cadre de documents visant à décliner ou à étayer ces contrats. Il faut établir une sorte de hiérarchie des documents, et certains principes sont parfois beaucoup plus clairs lorsqu'ils sont exprimés de manière succincte.

Les documents que je vise sont les projets sportifs fédéraux ainsi que les stratégies en matière d'éthique et d'intégrité déclinant les obligations fixées par le contrat de délégation et le contrat d'engagement républicain signés par chaque fédération. Nous sommes capables de les truffer d'indicateurs – nous devons d'ailleurs veiller à ce qu'il n'y en ait pas trop afin de ne pas noyer tous ces chiffres. Je pense aussi aux projets pluriannuels de performance et au Sport Data Hub, le système d'information de l'Agence nationale du sport où remontent l'ensemble des données des fédérations. Quand je veux un chiffre, je l'obtiens !

Nous devons maintenant chercher les angles morts de nos dispositifs juridiques et de certaines modalités de contrôle. Cela explique toute l'attention que je porte au contrôle d'honorabilité. Je ne peux pas accepter que certaines fédérations considèrent qu'une licence « dirigeant » permet d'échapper à ce contrôle. Tous les dirigeants et tous les bénévoles au contact des mineurs doivent y être soumis. Il faut être clair et responsable.

J'en viens à votre remarque sur le suivi des fédérations. Depuis mon arrivée au ministère, j'ai diligenté seize audits, et je n'en ai pas laissé un seul dans un coin lorsque j'ai commencé à percevoir un risque. La Fédération française de handball méritera certainement d'être contrôlée, mais depuis dix-huit mois que j'exerce mes fonctions, elle ne m'a pas paru défaillir sur quelque aspect que ce soit. Confrontée à un problème de pédocriminalité, elle l'a traité dans les deux jours suivant son apparition. S'agissant de la lutte contre les VSS et de la parité, elle compte parmi les fédérations exemplaires. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose que les contrôles visent prioritairement les endroits où il y a des problèmes : c'est plutôt, me semble-t-il, une bonne allocation des moyens publics et de l'argent du contribuable, qui ne sont pas illimités.

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Personne ici n'a mis en cause la Fédération française de handball. J'ai simplement indiqué qu'elle n'avait pas fait l'objet de la revue permanente ni d'autres contrôles menés par l'IGESR depuis quinze ans.

Je n'ai pas très bien compris où sont inscrits les indicateurs. Dans le contrat de la FFF, par exemple, je ne vois quasiment rien qui concerne les VSS. Par ailleurs, qui définit ces indicateurs ? J'ai cru comprendre, dans vos propos, que les fédérations les faisaient remonter, mais il ne me semble pas convenable qu'elles décident elles-mêmes de la façon dont sera évalué leur travail.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Les fédérations produisent trois types de documents : les projets sportifs fédéraux, soumis à l'Agence nationale du sport et au ministère des sports ; les projets pluriannuels de performance, qui portent sur la stratégie de haut niveau ; les documents étayant le respect des principes fondamentaux de la République, que Roxana Maracineanu a demandé aux fédérations d'élaborer lorsque le contrat d'engagement républicain a été mis en place – la fédération à laquelle j'appartenais à l'époque a rédigé un tel document de manière très précise et détaillée, mais je sais que d'autres ont davantage rechigné. Dans ces documents figurent les engagements des fédérations au titre de leurs trois missions centrales : le développement de la pratique, le haut niveau, l'éthique et l'intégrité.

Je ne dis pas qu'il ne faut pas renforcer certains contrats de délégation – la directrice des sports vous a expliqué que cela ferait partie des prochains travaux qu'elle engagera à ma demande –, mais je répète que nous ne manquons pas de visibilité sur les activités des fédérations. Il faut simplement qu'elles assurent correctement les missions qui sont les leurs.

Je vois bien, dans les chiffres que j'ai devant moi, dans quelles fédérations le nombre de signalements est anormalement bas au regard du nombre total de licenciés. Je dispose de données absolues et de données rapportées à la base de licenciés : cela permet de comprendre beaucoup de choses. Il en est de même en matière de contrôle d'honorabilité : je peux décompter ligne par ligne, fédération par fédération, le nombre d'identités rentrées dans le système d'information dédié « SI Dépose ».

Ce que je vous dis là, je le dis aussi à mes équipes au ministère des sports. Elles ont tous les éléments nécessaires pour effectuer le contrôle régalien et l'évaluation jusqu'au bout. Il faut pousser plus fort et ne rien laisser passer.

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Savez-vous combien de temps de travail les conseillers techniques sportifs (CTS) de la FFF consacrent aux VSS ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Cet enjeu fait partie du travail des CTS, mais il est loin d'épuiser le champ de leurs missions ! Ce qui importe, à mes yeux, c'est que les référents dédiés, spécialement recrutés et formés à ces sujets, y consacrent 100 % de leur temps.

S'agissant plus particulièrement de la FFF, j'ai demandé il y a quelques jours un point sur la mise en œuvre des préconisations résultant de l'audit sur les VSS à Clairefontaine. Il y a encore du travail à accomplir, et les membres de la FFF le savent. C'est tout le sens de leur plan d'engagement sociétal. L' aggiornamento s'accélère, mais la fédération part de loin.

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Le tableau de suivi tenu par la direction des sports révèle que, sur les 41 CTS que compte la FFF, 40 ne consacrent aux VSS qu'entre 2 % et 3 % de leur volume total d'activité. Ainsi, le cadre référent VSS de la DTN de la FFF figure dans ce tableau à hauteur de 2 % de son temps de travail.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Vous connaissez toute l'étendue des missions des CTS.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Quand on est référent VSS, spécialement formé, comme c'est le cas à la FFT où j'ai mis en place un tel système, j'espère bien qu'on consacre 100 % de son temps aux sujets d'éthique et d'intégrité.

Un CTS peut avoir des missions variées : il peut être DTN, entraîneur fédéral, entraîneur physique, chargé de l'analyse vidéo… Il n'est donc pas forcément anormal que certains CTS exercent très peu de missions liées aux VSS. Polyvalents, ils peuvent assurer des missions de formation, de détection, de développement de la pratique sportive, d'accompagnement des sportifs de haut niveau… Vous ne regardez donc pas le bon indicateur.

En revanche, je vous rejoins totalement sur le fait que, lorsqu'une fédération déclare un référent VSS, elle doit préciser si cette personne l'est à temps plein ou, le cas échéant, dans quelle quotité. Et il ne faut pas que ce soit une blague ! Si un référent VSS identifié comme tel ne consacre à ce sujet que 1 %, 2 % ou 3 % de son temps de travail, c'est qu'il y a maldonne.

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Je tiens à vous remercier, madame la ministre, pour tous les éléments très précis que vous nous avez présentés.

Il existe, dans certains milieux sportifs, d'autres formes de dérives qu'il faut combattre, comme les phénomènes de radicalisation et de séparatisme. Quelles actions menez-vous pour garantir le respect total du contrat d'engagement républicain ?

En outre, comment comptez-vous renforcer le contrôle d'honorabilité ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

En matière de lutte contre la radicalisation, là aussi, nous disposons de chiffres et d'outils – encore faut-il vouloir s'en emparer. Sur les 3 449 clubs ayant récemment fait l'objet d'un contrôle, de mémoire, nous n'avons identifié que 0,8 % de signaux faibles de séparatisme. Certes, c'est toujours trop.

Nous avons mis en place des référents « éthique et intégrité » dans les fédérations et formé 160 cadres du ministère des sports à ces sujets. J'ai demandé aux fédérations, qui disposent de 39 postes dédiés à ces enjeux, de renforcer les moyens qu'elles leur attribuent. Après analyse, nous avons considéré que 11 d'entre elles présentaient des risques spécifiques : je les ai donc engagées dans une démarche menée en lien avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Grâce aux renforts obtenus, j'ai décidé de porter le nombre de contrôles à 6 000 l'année prochaine. À chaque fois que cela sera nécessaire, nous fermerons les établissements et couperons les subventions – nous l'avons fait récemment avec la région Île-de-France, pour des clubs de basket. Nous ne tolérons aucune velléité de séparatisme, car ce comportement est la négation même des valeurs du sport.

Sur le contrôle d'honorabilité, deux séries d'actions doivent être entreprises. Tout d'abord, je souhaite que la proposition de loi du sénateur Sébastien Pla, votée à l'unanimité par le Sénat le 15 juin dernier, soit examinée par l'Assemblée nationale le plus rapidement possible. Ce texte sanctuarise l'obligation de signalement aux autorités administratives ; il comble un vide juridique en posant un nouveau principe d'interdiction d'exercer, prononcée par le préfet à l'encontre d'un exploitant d'EAPS ; il prévoit l'interdiction d'exercer d'une personne condamnée et inscrite au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv) tenu par le ministère de la justice, même si son bulletin numéro 2 (B2) du casier judiciaire a été effacé. Avec le sénateur Pla, nous avons travaillé en lien avec des associations de victimes, notamment celle de Sarah Abitbol.

Je veux aller plus loin car je me rends compte, en particulier grâce à vos travaux, qu'une transformation culturelle est nécessaire dans les fédérations. Je compte donc demander à la trentaine de fédérations, souvent petites, qui n'ont encore enclenché aucune démarche de le faire très rapidement. Nous avons déjà trop attendu. Puisque nous avons inscrit, à la fin de l'année 2021, le contrôle des éducateurs bénévoles dans le traitement de données à caractère personnel, « SI Honorabilité », je veux que les bénévoles qui tiennent la buvette, accompagnent les enfants le week-end et sont régulièrement au bord des terrains soient pourvus d'une licence pour qu'ils entrent dans les fichiers et soient soumis au contrôle d'honorabilité. Quand ce dernier aboutit à une notification d'interdiction d'exercer ou d'incapacité d'exercer après une décision judiciaire, il faut contrôler l'effectivité de ces mesures à l'entrée comme au départ des clubs, afin d'éviter, chez les éducateurs professionnels comme bénévoles, le moindre nomadisme de l'évitement.

Les travaux menés par cette commission d'enquête depuis quatre mois doivent nous conduire à dire aux fédérations que, dans l'exercice de leur pouvoir réglementaire, elles ne pourront plus octroyer de licence à quiconque se sera rendu coupable de faits très graves. Il y a actuellement plus de 1,2 million d'identités de bénévoles contrôlées : il faut monter en puissance pour combler toutes les brèches du système.

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Nous sommes d'accord avec plusieurs points de votre intervention sur le contrôle d'honorabilité : nous avons également constaté que des personnes signalées par le croisement de fichiers avaient tout de même obtenu une licence et avaient pu exercer auprès de jeunes enfants. Il y a donc des choses à revoir.

Vous avez été élue au comité directeur de la FFT le 13 février 2021, sur la liste « Ensemble pour un autre tennis » de Gilles Moretton, l'actuel président la fédération, puis vous avez été nommée le 5 mars 2021 à la direction générale. Des DTN deviennent parfois présidents de fédération, mais il est rare de passer d'un mandat d'élu au statut de salarié quelques jours après une élection. Dans quel cadre cette évolution s'est-elle produite ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

La vraie réponse est celle-ci : il y a des moments dans la vie où on fait des petits coups de folie. Ce fut un moment très singulier où j'ai décidé qu'une carrière de cadre dirigeant d'une grande entreprise n'était pas totalement faite pour moi ; je viens du monde du sport et j'avais envie d'y retourner pour en faire mon métier. Cela prend parfois un peu de temps, puis on se dit un jour que l'on a le droit de laisser vivre ce petit grain de folie. Je n'ai pas regretté un instant ce choix.

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Vous ne répondez pas tout à fait à la question, qui portait sur le caractère courant ou rare du passage d'élu à directrice générale d'une fédération.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Il ne me semble pas que cela soit très fréquent. En général, un mandat d'élu est exercé en complément d'une activité professionnelle, ce qui a été mon cas pendant les quelques semaines où j'ai continué à diriger le digital de Carrefour. J'ai rapidement décidé de m'occuper à temps plein des affaires de la fédération. Varier les expériences professionnelles – je connais votre sensibilité à la question de la possibilité pour un DTN de devenir président d'une fédération – et prendre un sujet qui nous tient à cœur sous différents angles sont une source d'enrichissement, dès lors que les bons garde-fous, les délais de carence adaptés et la régularité dans les dépenses de campagne sont présents. Je souhaite que la vie professionnelle soit riche, diverse et multiple et que le sport français puisse compter sur de nombreuses forces vives provenant d'horizons variés.

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Quelle procédure de recrutement avez-vous suivie pour devenir directrice générale de la FFT ? Les sénateurs Alain Fouché et Jean-Jacques Lozach ont préconisé, dans une mission d'information, l'instauration de jurys de recrutement pour les hauts postes de l'encadrement fédéral et d'une transparence sur les rémunérations. Qu'en pensez-vous ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Ce sont le président, le vice-président, le secrétaire général et le trésorier de la FFT qui m'ont approchée pour me proposer de prendre le poste de directrice générale. Gilles Moretton m'en avait déjà parlé à plusieurs reprises dans les semaines ayant précédé mon acceptation : j'avais décliné sa proposition à deux reprises, mais il a persévéré ; j'ai pris du recul, je suis partie en vacances, j'ai réfléchi puis j'ai accepté. J'ai aussitôt démissionné de mon mandat d'élue et j'ai pris mes nouvelles fonctions le 5 mars, après avoir mis au point les termes de mon contrat de travail et les éléments de ma rémunération avec le quatuor d'acteurs que j'ai évoqué, dans des conditions de totale transparence vis-à-vis de la direction des ressources humaines de la FFT.

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Concernant votre salaire de directrice générale, votre déclaration de revenus à la HATVP ne correspond pas aux affirmations du président auditionné par cette commission d'enquête, qui nous a indiqué que vous aviez accepté une rémunération trois fois inférieure à votre salaire précédent pour occuper les fonctions de directrice générale.

Ces montants étant publics, je peux en faire état : vous avez déclaré à la HATVP une rémunération de 590 947 euros en 2020, de 582 109 euros pour la période couvrant les mois de janvier à mai 2021 lorsque vous travailliez dans le groupe Carrefour, de 356 444 euros à la FFT pour le reste de l'année 2021, et de 165 737 euros en 2022. Ces chiffres laissent à penser que vous n'avez pas divisé par trois votre rémunération entre Carrefour et la FFT : d'où proviennent donc les montants que nous a indiqués le président de la Fédération française de tennis ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Le président de la FFT n'a pas menti et je n'ai pas non plus menti dans ma déclaration à la HATVP. Nous pouvons revenir sur ces sommes si vous le jugez utile. Souhaitez-vous que j'en dise davantage ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Lorsque j'étais directrice exécutive et membre du comité exécutif (Comex) de Carrefour chargée de la transformation digitale, de la data et de l'expérience client – responsabilités importantes dans la grande distribution –, je percevais, tout compris, un salaire de l'ordre de 1,4 million d'euros par an : 400 000 euros en brut de salaire fixe, 400 000 euros en brut de rémunération variable à 100 % et une dotation en actions de performance représentant, au cours de l'action de l'époque, environ 600 000 euros – 40 0000 actions de Carrefour à un cours d'environ 15 euros l'unité. Au maximum de la performance, avec un bonus intégral, ma rémunération atteignait 1,4 million.

Lors de la discussion de ma rémunération à la FFT, on m'a proposé un fixe de 400 000 euros brut et un bonus pouvant aller jusqu'à 100 000 euros, soit une rémunération maximale possible de 500 000 euros, montant à comparer avec celui de 1,4 million d'euros de Carrefour : si l'on ajoute les régimes de prévoyance, qui sont plus développés dans les entreprises privées que dans les fédérations sportives, on atteint bien un rapport de 1 à 3 entre ma rémunération à la FFT et celle de Carrefour, comme l'a évoqué Gilles Moretton.

Alors, pour attaquer une déclaration d'intérêts et une déclaration de patrimoine à la HATVP, encore faut-il les lire jusqu'au bout. Il y a des talents dans les secteurs du digital et de la technologie, dont une partie importante de la rémunération provient d'actions octroyées en fonction de la performance – cette part représentait 45 % de ma rémunération. Les montants sont indiqués à la quatrième page de ma déclaration d'intérêts ; ils figurent également à la quatrième page de ma déclaration de patrimoine : « 40 000 actions obtenues via des plans d'actions gratuites pour un montant total de 694 540 euros ». Les salaires indiqués dans ma déclaration d'intérêts sont des montants nets : il faut savoir passer du brut au net et tenir compte des décalages de trésorerie – le versement s'effectue souvent l'année suivant celle dont les résultats sont attachés au bonus.

Puisque je savais que cette question suscitait une certaine excitation, j'ai refait à l'euro près les calculs et je ne renie aucun chiffre ni aucune virgule : ces déclarations sont exactes, les montants nets correspondent parfaitement aux attestations de rémunérations brutes et le rapport de 1 à 3 est juste. J'ai en effet renoncé aux deux tiers de mes émoluments pour ma passion dans le sport. À la FFT, ma rémunération était très proche de celle de mon prédécesseur, mais dans mon cas, elle a fait l'objet – comme c'était mon souhait car c'est ma culture de l'entreprise privée – d'indicateurs de performance extrêmement détaillés pour l'attribution du bonus, lesquels ont été documentés dans les systèmes d'information des ressources humaines, pour la première fois de l'histoire de la FFT.

Je ne sais pas si l'on peut faire preuve de plus de méthode et de plus d'éthique sur le sujet.

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Pour vous rassurer, cette question n'excite la curiosité de personne ici ; par ailleurs, nous sommes tout à fait capables de lire les documents auxquels vous faites référence, mais nous avons posé des questions précises au président de la FFT, qui nous a apporté des réponses peu détaillées. Voilà pourquoi il nous semblait intéressant de vous interroger pour obtenir les précisions qui nous manquaient.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Cette rémunération de 500 000 euros doit se comparer aux 100 millions d'euros dégagés par la FFT grâce à son modèle économique particulièrement performant lié au tournoi de Roland-Garros. À la Fédération, j'ai augmenté les effectifs, diminué les coûts, trouvé de nouveaux partenariats et créé de la valeur économique et financière pour cette institution qui ne touche pas le moindre euro de subvention publique ([1]). Elle peut donc payer ses talents et ses dirigeants à ce niveau de rémunération, sous réserve, encore une fois, que les personnes atteignent des objectifs de performance précis, étayés et contrôlés dans le cadre d'entretiens d'évaluation de performance – j'ai d'ailleurs souhaité en avoir deux par an et non un seul pour mon évaluation.

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Il n'est pas question de remettre ici en cause le travail que vous avez effectué en tant que dirigeante de la FFT, mais comprenez que l'on puisse s'interroger sur le fait qu'une dirigeante perçoive 500 000 euros par an quand de très nombreux clubs amateurs, par exemple dans ma ville de Toulouse, sont exsangues et ne peuvent même pas payer les équipements les plus élémentaires. Pensez-vous qu'il faille remédier à cette situation ? Nous défendons un rapport maximal de 1 à 20 entre les rémunérations les plus basses et les plus hautes dans l'entreprise, ce principe pouvant être étendu aux fédérations sportives. Les personnes payées au Smic peuvent être heurtées : qu'en pensez-vous ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Je vous remercie de me poser la question, qui a motivé ma dernière intervention. Je comprends très bien qu'une rémunération de 500 000 euros puisse paraître élevée par rapport aux standards de vie des Français et de rémunération dans le sport. Peu de fédérations peuvent se permettre de proposer cette rétribution ; la FFT peut le faire grâce à son modèle économique et à la manne de Roland-Garros, qui dégagent une marge brute d'autofinancement de 100 millions d'euros. Ce tournoi est l'une des compétitions sportives les plus rentables au monde, comme Wimbledon en Angleterre, l'US Open à New York, l'Open d'Australie à Melbourne ou d'autres grands événements sportifs. Le contribuable ne finance aucunement cette rémunération ; le niveau global des salaires de l'ensemble des cadres et des personnels de la FFT est plus élevé que celui de la très grande majorité des acteurs du sport.

L'argent n'a jamais été mon moteur. En entrant au Gouvernement, ma rémunération a encore fortement diminué, mais ma boussole est l'investissement que je mets dans cette fonction passionnante : si je rapporte mon salaire actuel au volume d'heures que je m'enfourne chaque semaine – je bosse le jour, la nuit et le week-end –, je ne suis pas bien payée, mais ce n'est pas grave car je remplis une mission fondamentale dans un moment important pour le pays et je suis passionnée par mes responsabilités auxquelles je me consacre entièrement.

Il ne faut pas culpabiliser de percevoir de hautes rémunérations dans des grands groupes qui en ont les moyens quand on apporte une expertise rare et recherchée. Les salaires diminuent, tout en restant élevés, lorsque l'on bascule dans le monde sportif, cette contraction se poursuivant à l'occasion du passage dans la sphère politique.

La notion de bonus a un sens à mes yeux, d'où l'importance des démarches de performance : rien n'est acquis en termes de rémunération. Dans le privé, mes émoluments étaient massivement assis sur des actions de performance et des bonus aléatoires ; à la FFT, j'ai souhaité que 20 % de mon revenu soit variable et soumis à des indicateurs quantitatifs de performance : je n'aurais pas perçu le moindre euro en complément de la partie fixe de mon salaire si je n'avais pas rempli les objectifs.

Je veux développer les modèles économiques du sport pour que ses acteurs soient mieux rémunérés, car la valeur créée est insuffisamment reconnue. L'une des limites du système capitaliste actuel est de ne pas rétribuer les personnes au juste niveau de leur utilité sociale. Ce que je pourrais faire, à ma petite mesure, pour que des talents et des actions fondamentales dans le champ du sport soient mieux récompensés, je le ferai ; de la même manière, je continue à soutenir le renforcement du modèle des acteurs économiques, jusqu'aux start-up, comme je l'ai fait lundi matin en visitant un atelier dédié à la « sportech ».

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Vous dites que vous avez choisi de rejoindre la FFT et nous aussi, nous avons choisi de devenir députés, ce n'est pas un travail subi ; or la plupart de nos concitoyens subissent leur travail et ne l'exercent que parce qu'ils doivent rapporter de l'argent pour manger – leur emploi est d'ailleurs souvent exténuant physiquement. Les bénévoles donnent leurs jours et leurs nuits entre leur travail et leur engagement ; ils évoluent dans des clubs qui n'ont parfois même pas les moyens d'engager un entraîneur. Je ne doute ni de votre implication, ni de votre passion, mais une grande partie des bénévoles sont dans le même état d'esprit que vous.

Les gains que perçoit la FFT grâce au tournoi de Roland-Garros ne devraient-ils pas contribuer au tennis mais également à d'autres fédérations et acteurs du monde du sport, qui rencontrent des difficultés financières ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

C'est une question très vaste et très importante. Je souhaite que notre société rémunère plus justement les différents corps professionnels dont l'utilité sociale est grande. Pendant la Coupe du monde de rugby, j'ai voulu marquer de manière symbolique ma reconnaissance infinie pour le monde des soignants par de petits gestes anecdotiques, qui sont venus compléter d'autres initiatives du Gouvernement loin d'être anecdotiques.

La capacité de certaines fédérations à dégager de la marge brute d'autofinancement bénéficie, par ruissellement, au développement des clubs et des filières de haut niveau. L'engagement bénévole est exceptionnel car il repose sur la générosité du dévouement et de l'investissement. Dès l'âge de 20 ans, j'ai été bénévole au service de ma fédération : j'étais chargée de la reconversion des sportifs de haut niveau ; j'ai ensuite occupé de nombreuses fonctions bénévoles puis j'ai créé une association avec des amis dans laquelle nous donnions gratuitement de notre temps pour le sport français. Je n'en tire aucun mérite, nous le faisions car nous étions passionnés et investis. Je veux que les bénévoles obtiennent partout en France la reconnaissance de leur action et la validation des compétences qu'ils ont développées dans leur compte personnel de formation (CPF) et leur compte d'engagement citoyen (CEC). Je travaille ardemment sur la validation des acquis de l'expérience en vue de la journée du bénévolat, le 5 décembre prochain : nous devons mieux remercier les bénévoles de leur engagement, car ils sont mus par le désir de transmettre et le plaisir d'être au contact des autres et de la jeunesse ; ma tâche est de les décharger des obligations administratives.

Derrière des rémunérations viennent des diplômes, des formations et des expériences professionnelles ; l'un des progrès essentiels que notre société doit accomplir dans les années et décennies à venir consiste à reconnaître plus justement la contribution au bien commun des différents acteurs.

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M. Jean Lapeyre, directeur juridique de la FFF, a fini par reconnaître la semaine dernière, après une heure et demie d'audition, que l'on savait depuis longtemps que M. Noël Le Graët avait des relations hors code avec les femmes. À quel moment et par qui avez-vous été informée de ces problèmes à la FFF ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Pour être informée de problèmes à la FFF, il m'a suffi de voir la réaction de Noël Le Graët devant les conditions de vie des salariés de l'hôtel où l'équipe de France allait loger au Qatar pendant la Coupe du monde : « Ce n'est pas insoluble, c'est un coup de peinture. Il y a encore le temps de réparer ça. Il y a deux réchauds à gaz, qui sont peut-être à changer. » Il était évident que le président de la Fédération était totalement hors-sol.

Il a fallu que l'IGESR mène une enquête indépendante, à charge et à décharge, auditionne et récolte des témoignages, gagne la confiance de certaines victimes ou victimes présumées pour que celles-ci acceptent de briser l'omerta. Dans ce genre de contexte, des personnes ont essayé de me dire des choses et de me parler, comme cela avait déjà été le cas dans d'autres domaines comme le rugby : je suis accessible, les gens me connaissent et j'évolue dans le monde du sport depuis plusieurs années.

Lorsque l'IGESR a décidé de déclencher la procédure de l'article 40 du code de procédure pénale, j'ai bien souligné dans chacun de mes éléments de langage qu'il reviendrait au procureur de qualifier pénalement les faits dont il s'agissait. Lors de la conférence de presse organisée pour la remise des conclusions de l'IGESR, j'ai repris les termes de l'Inspection, à savoir l'existence de propos ou de SMS les uns ambigus, les autres à caractère sexuel ; j'ai toujours veillé à utiliser toute l'information dont nous disposions et à rester à ma place, sans me poser en juge, pour laisser les autorités prendre leurs responsabilités. La justice rendra ses conclusions lorsqu'elle sera prête. Les instances du football, notamment le comité exécutif et le conseil d'éthique, en sont arrivées à dire qu'elles souhaitaient la démission de Noël Le Graët, parce que celui-ci n'avait plus la légitimité suffisante pour piloter la fédération.

J'espère avoir répondu à l'intégralité de votre question.

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Mme Florence Hardouin nous a dit qu'elle avait eu un entretien avec vous, au cours duquel elle vous aurait décrit les comportements inappropriés de M. Noël Le Graët.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

C'est exact : elle a souhaité me voir et je l'ai écoutée. Je n'étais pas responsable de l'audit, donc j'ai toujours demandé aux femmes qui me parlaient de s'exprimer également dans le cadre juridique prévu pour recueillir leur parole, car celui-ci présentait des garanties de formalisation de leur témoignage et de préservation de l'anonymat de leur déclaration. Caroline Pascal, cheffe de l'IGESR, Patrick Lavaure, responsable du collège « Jeunesse, sports et vie associative », et leur équipe de trois inspecteurs ont mené cet audit de manière exemplaire.

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Nous l'avons souvent entendu lors des auditions de la commission d'enquête, plusieurs personnes sont au courant de faits répréhensibles mais ne les dénoncent pas ou n'adressent pas de signalement : ce fut le cas à la FFF, où tout le monde, d'après M. Lapeyre, connaissait les comportements hors code de M. Le Graët. Que se passe-t-il pour toutes ces personnes qui étaient informées et qui n'ont effectué aucun signalement ? Certaines d'entre elles travaillent toujours à la FFF – et ce constat s'applique à d'autres fédérations.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Une enquête judiciaire est en cours : ces personnes peuvent encore être entendues.

Que voulez-vous que je vous dise ? J'espère que ces précédents nous rendront tous collectivement meilleurs, plus aguerris, plus affûtés ; tout le monde a vu que la main de la ministre ne tremblerait pas si de tels agissements venaient à se reproduire.

Puisque vous m'en donnez l'opportunité, je veux redire que le signalement n'est pas une option mais une obligation morale et même pénale lorsque les victimes présumées sont des mineurs. Qui est détenteur de l'autorité publique a l'obligation juridique d'adresser un signalement, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Un président de fédération dirige une instance délégataire de service public, il est donc détenteur de l'autorité publique et relève donc du champ de l'article 40.

Je ne peux que me féliciter que la proposition de loi de Sébastien Pla pose l'obligation de signalement des clubs vers les préfets et des fédérations vers le ministère. Il importe de rappeler que, depuis 2018, il n'est jamais trop tard pour se réveiller : en effet, le délai de prescription des faits les plus graves contre les mineurs ne court qu'à partir du moment où ces faits auraient dû cesser et dure six ans. Puisque vous m'en donnez l'occasion, je lance un appel à tous ceux qui ont vu des choses ou en suspectent, de faire un signalement ; cela ne signifie pas que l'on accuse, cela signifie que l'on donne la possibilité d'ouvrir une enquête et d'effectuer des vérifications avec toute la diligence nécessaire. Signaler, c'est sauver des vies.

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Roxana Maracineanu a indiqué à la commission d'enquête qu'un président ne pouvait plus dire qu'il ne savait pas ce qu'il se passait dans un club et que tout remontait désormais en centrale, de manière à ce que la ministre connaisse tous les sujets. Pensez-vous que cet objectif soit atteint ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Je bénéficie de la transparence absolue de la direction des sports, dans le respect, qui doit lui-même être absolu, du contradictoire, des droits de la défense et du nécessaire anonymat des procédures judiciaires en cours.

Si des décisions ne sont pas prises, ce n'est pas faute d'information ou de capacité d'agir, d'où mon appel à ce que chacun assume, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, administratif ou judiciaire, ses responsabilités jusqu'au bout. Notre droit est assez bien fait.

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Nous avons beaucoup entendu parler du Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) ces derniers mois. Comment jugez-vous, en tant que ministre chargée des Jeux olympiques et paralympiques 2024, les informations relatives au montant et au montage financier de la rémunération du président du Cojop ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Le montant de la rémunération correspond au plafond applicable aux émoluments des dirigeants des établissements publics, fixé autour de 400 000 ou 500 000 euros.

Les modalités ont été vues par l'ensemble des instances qui avaient à en connaître : le contrat est documenté et tracé dans les systèmes d'information du service des ressources humaines du Cojop ; les organes internes d'audit et de contrôle en matière déontologique, qui sont au cœur de la gouvernance du Cojop, ont également participé au processus de fixation des rémunérations. Le président du comité d'éthique est Jean-Marc Sauvé, qui figure parmi les plus éminents hauts fonctionnaires que notre État ait pu compter. Les procédures ont été calibrées et auditées ; je n'ai pas, en tant que ministre, de commentaire supplémentaire à formuler.

Le contrôle du Cojop, comme celui de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), est multidimensionnel. Le Cojop fait probablement partie des entités les plus contrôlées de France, ce qui est normal. À chaque fois qu'elles ont été sollicitées, les équipes ont totalement coopéré avec la justice, laquelle effectue son travail sans entrave et avec la diligence qu'elle juge nécessaire.

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L'Insep est le seul établissement public placé sous le contrôle du ministère chargé des sports. Plusieurs d'entre nous ont été très surpris par les propos des responsables de l'Institut, que nous avons auditionnés pendant deux heures. Très peu préparés, ils se sont montrés imprécis, inexacts et ont même apporté des réponses contradictoires, notamment dans les domaines de la sécurité et de la lutte contre les VSS. Notre visite sur place a confirmé que l'Institut ne s'était doté d'aucun plan stratégique et opérationnel sur ces questions et que la sécurité devait être grandement améliorée.

La présidente de la commission d'enquête et moi-même vous avons adressé un courrier à ce sujet, mais nous n'avons obtenu aucune réponse à ce jour. Avez-vous des éléments à nous transmettre sur les interrogations que nous avons fait porter à votre connaissance ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Absolument. Je vous remercie de ce courrier, daté du 10 octobre et enregistré par le bureau des cabinets le 16 octobre. Je vous dois et je vous ferai une réponse écrite, qui est en cours d'élaboration.

La directrice des sports le sait, cette lettre ne m'a pas fait plaisir et je n'ai pas envie d'en recevoir d'autres du même genre. Vous avez eu raison d'avoir soulevé les points qui vous ont préoccupées. Pour vous montrer que notre détermination est commune sur ces sujets, j'ai, dès le 11 octobre, avant d'avoir reçu votre lettre, fait écrire un courrier par la directrice des sports au directeur général de l'Insep pour lui demander de renforcer fortement son action dans le champ des VSS, notamment dans les procédures d'alerte, les signalements, les communications, les explications sur les modalités de prise en charge des victimes, la prévention des situations à risque et la systématisation de la formation de tous les publics.

Dans les jours qui ont suivi, j'ai fait un point détaillé avec la sous-directrice suivant le pilotage de ces sujets, afin de recenser tous les leviers que nous devons renforcer à l'Insep, mais aussi dans les établissements. Un plan d'action complet est en train d'être finalisé dans ce domaine : il ira jusqu'à décliner, au cœur de la convention d'objectifs et de moyens (COM) de l'Insep et des conventions de collaboration entre l'Insep et les différentes fédérations, ces exigences, afin de construire un maillage juridique serré et d'augmenter le niveau d'exigence et de mobilisation de l'ensemble des outils déployés.

Je sais qu'il vous est revenu que le déclenchement de l'article 40 par le directeur général de l'Insep, à la suite des accusations d'agressions sexuelles formulées par Claire Palou, était intervenu avant son audition par votre commission d'enquête. Il a d'ores et déjà pris la décision de multiplier par deux la taille de la cellule chargée de la lutte contre les violences.

J'ai rappelé à la directrice des sports et à la sous-directrice responsable du contrôle de ces établissements que je voulais que les procédures disciplinaires soient conduites avec davantage d'exigence. Dans l'affaire Palou, je n'ai pas compris que la commission de discipline n'ait pas elle aussi été saisie. Je l'ai dit tout à l'heure, l'articulation entre les procédures administratives, judiciaires et disciplinaires est essentielle et fait la force de notre dispositif. Saisir la justice est insuffisant dans ce type de circonstances : il faut aller au bout des responsabilités en matière disciplinaire.

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Étiez-vous informée de l'existence de dysfonctionnements de ce type à l'Insep ? Aviez-vous été alertée avant l'audition des responsables de l'Institut sur la façon dont les directives de lutte contre les VSS étaient mises en œuvre et dont l'instrument de l'article 40 était compris ?

Claire Palou avance plusieurs raisons à l'absence de sanction disciplinaire, dont le fait que la personne mise en cause avait une chance d'obtenir une médaille aux Jeux olympiques et paralympiques.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Je n'ai pas reçu d'alerte spécifique sur l'Insep. Là encore, il faut faire preuve de proportion : la parole s'est libérée et l'écoute s'est développée ces dernières années, donc nous aurions entendu parler d'éventuels problèmes à l'Insep. Des rumeurs me sont ainsi parvenues depuis la FFT ou la Fédération française de rugby (FFR), mais aucune depuis l'Insep. Pourtant, l'Institut accueille, année après année, des générations de jeunes champions et de jeunes hauts potentiels sportifs.

Cela étant dit, il y a eu des dysfonctionnements : il faut les traiter et en tirer des leçons, c'est ce que nous avons fait avec ce courrier. Le plan d'action du directeur général est attendu pour le prochain conseil d'administration, qui se tiendra avant la fin de l'année.

Les médailles, c'est bien, mais pas à tout prix, surtout pas celui du renoncement à nos valeurs et à nos convictions. Nous n'œuvrons pas que pour le court terme mais également pour le long, donc l'exemplarité est un impératif. Personne n'est protégé dans le sport français, surtout pas par la ministre. Les champions ont un devoir d'exemplarité car ils inspirent la jeunesse. Il n'y a ni système de protection, ni vache sacrée, il y a seulement des humains qui doivent être respectés. Je ne défends pas la quête de résultat à tout prix : je m'insurge ainsi contre une certaine idée de la haute performance, par exemple dans la gymnastique ; le sport, ce n'est pas de la sueur, du sang et des larmes, ce n'est pas de la violence ni de la destruction au nom de l'exigence, c'est du sens et de l'âme. La véritable exigence est celle qui embarque la bienveillance et le respect du sportif.

Nice figure parmi les équipes en tête du championnat de France de football, mais je n'ai pas hésité à dire que la publication de Youcef Atal sur ses réseaux sociaux appelant à la violence et cautionnant le terrorisme était inacceptable. Il n'y a pas de vache sacrée : quand Mahiedine Mekhissi a commencé à avoir, sur les réseaux sociaux, des propos consternants tellement ils étaient déplacés, je n'ai pas hésité à élever la voix pour dire qu'une telle attitude n'était pas possible, alors qu'il s'agit d'un ancien athlète ayant remporté plusieurs médailles olympiques. L'exemplarité est trop importante, personne n'est protégé et personne ne doit l'être.

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L'ANS a été créée pour être un opérateur de l'État ; pourtant, il ressort de différentes auditions que l'Agence semble se substituer au ministère des sports, aux fonctionnaires placés par l'État au sein des fédérations comme les DTN, et aux établissements publics reconnus dans le champ de la performance, comme l'Insep. Comment assurez-vous le contrôle des actions de l'ANS par les services de votre ministère ?

Quels sont les critères de sélection qui prévalent pour les attributions financières de l'ANS ? Quels sont les indicateurs d'évaluation de l'efficacité de l'utilisation des crédits octroyés à l'Agence ? L'audition de ses représentants n'a pas apporté de réponses claires à ces questions. Quelles procédures sont mises en place avec l'ANS pour garantir la bonne utilisation de ces subventions ? Les pièces justificatives sont-elles régulièrement contrôlées par le ministère des sports ?

Sur les fonds de l'ancien Centre national pour le développement du sport (CNDS), une partie de l'action d'évaluation de l'ANS est déléguée aux fédérations pour attribuer des financements aux clubs : n'y voyez-vous pas un problème de gouvernance ou, à tout le moins, d'indépendance ?

Quel est le rôle de l'ANS dans les COM des fédérations ?

L'Agence finance-t-elle des actions de lutte contre les VSS ? Si tel est le cas, quels objectifs le ministère fixe-t-il ? Quels contrôles avez-vous mis en place ? Quel en est le bilan ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Quand j'ai pris mes fonctions, j'ai organisé un séminaire à l'Insep, qui s'est tenu dès le 18 juillet 2022, pour redéfinir clairement les rôles et les responsabilités de chacun. J'ai demandé à mes équipes de réaliser, à destination des acteurs du sport français, des schémas très clairs montrant les liens contractuels entre les différents acteurs – direction des sports, ANS, Insep, centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps), établissements, fédérations et structures faîtières que sont le Comité paralympique et sportif français (CPSF) et le CNOSF. J'ai posé le principe selon lequel la direction des sports était chargée du régalien, donnait les grandes orientations stratégiques et procédait à l'évaluation, quand l'ANS était l'opérateur des politiques publiques sportives.

À ce titre, l'ANS pilote le programme Ambition bleue sur la haute performance et celui visant à développer les clubs et la pratique sportive dans les territoires. Ces deux programmes stratégiques font l'objet d'une contractualisation entre l'Agence et les fédérations, laquelle prend différents visages selon le champ concerné : ce sont les projets pluriannuels de performance pour le haut niveau et les projets sportifs fédéraux pour la partie développement. Il y a en outre un chapeau commun qui expose le projet fédéral. Enfin, il y avait un quatrième document, demandé par Roxana Maracineanu à la fin de l'été 2021, qui déclinait les engagements en matière éthique, au titre du respect du contrat d'engagement républicain (CER).

À partir de cette contractualisation, qui repose sur une vision que propose la fédération à l'Agence compte tenu des impulsions stratégiques de cette dernière, plusieurs indicateurs sont élaborés et des financements sont attribués – les critères sont, par exemple, le nombre d'athlètes présentés aux Jeux olympiques et paralympiques ou le nombre de ceux éligibles aux aides personnalisées, c'est-à-dire ceux qui sont accompagnés, sur le plan socioprofessionnel, par des contrats d'insertion professionnelle, des conventions d'aménagement d'emploi, des contrats de mécénat ou des contrats d'image, dans le cadre du pacte de performance.

Dans le champ fédéral, la nouvelle philosophie, qui diffère de celle de l'époque du CNDS, prévoit que l'ANS délègue la gestion des enveloppes et qu'il revient aux fédérations de les décliner dans les clubs, territoire par territoire. Les fédérations sont responsabilisées sur l'allocation financière des moyens qui leur sont dévolus par l'Agence vers les ligues, les comités et les clubs.

Dans le cadre du dialogue de gestion et du suivi par l'Agence du respect de ces différents documents, une évaluation est effectuée et les financements peuvent être ajustés, à la baisse comme à la hausse. D'autres éléments sont pris en considération : la fédération est-elle engagée dans les Jeux d'hiver ? Dans les Jeux d'été ? Quelle est la priorité du moment ? Combien d'entraîneurs peuvent-ils émarger au titre du plan COACHS déployé par l'ANS – cet élément se trouve au cœur des projets pluriannuels de performance des fédérations ? Quels sont les contrats de préparation olympique que de grands entraîneurs ont signés, en complément du plan COACHS, dans le cadre du plan Ambition bleue ? Tout un maillage conventionnel d'objectifs et de suivi est déployé.

J'ai demandé à la direction des sports d'impulser, dans les matières dont elle est responsable ou dans lesquelles elle exerce une tâche d'évaluation, un dialogue de gestion avec chaque fédération, lequel repose sur des rendez-vous débouchant sur la matérialisation, dans une lettre, de tous les points qui demandent, selon une matrice des risques, un renforcement des actions ou du suivi. Ce dialogue de gestion était éteint : on se contentait d'échanger des documents que les services ne lisaient pas ou insuffisamment. Nous voulons que le pilotage humain soit animé d'un sens, orienté vers des priorités assumées et qu'il assure le suivi des actions menées. Cette philosophie doit imprégner les relations entre le ministère et ses établissements publics, d'où le renforcement des contrats de performance et des COM. Vous ne pouvez pas imaginer le soin et le temps que mes équipes et celles du CPSF et du CNOSF ont consacrés au renouvellement, tout récent, des COM. Nous pouvons vous transmettre ces documents, qui comportent des indicateurs très précis et des tableaux Excel revus de nombreuses fois par les équipes, puis par les dirigeants de ces instances et par moi-même pour nous assurer que les moyens étaient correctement fléchés et priorisés afin d'être au rendez-vous des Jeux olympiques et paralympiques ainsi que du développement de la pratique sportive qui doit en être l'héritier – tout cela sans perdre de vue le régalien. Plusieurs millions d'euros de financement sont pilotés de cette manière.

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Comment s'exerce le contrôle de la ventilation des subventions ? Est-ce un contrôle sur pièces destiné à vérifier que les actions ont bien été mises en œuvre ? Ou est-il simplement déclaratif ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Des entretiens sont menés et les comptes des fédérations sont produits à chaque fois que l'ANS l'exige. En outre, le dialogue de gestion est un moment humain d'échange, qui complète le suivi des COM par la direction des sports. J'ai remis de l'énergie dans ce dialogue de gestion depuis un an, mais nous n'avons pas encore atteint la cible et nous devons monter en puissance. Nous y parviendrons en nous appuyant sur une bonne cartographie des risques, qui nous permet de traquer les points de vulnérabilité de chaque fédération : et là, on ne lâche pas.

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Comment contrôle-t-on la mise en œuvre des actions fléchées et financées ? Lors de l'entretien de gestion, les responsables se contentent-ils de déclarations ou doivent-ils apporter des éléments attestant le déploiement des actions ciblées ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Des éléments sont fournis. En outre, un bureau de la direction des sports est dédié au suivi des fédérations et un autre à celui des établissements : leurs agents demandent régulièrement la production de documents de suivi s'intégrant au document-maître que j'ai décrit tout à l'heure. Claude Onesta, Yann Cucherat et leurs équipes chargées de la haute performance mènent des entretiens réguliers avec les fédérations, afin de faire le point sur l'avancée des priorités inscrites dans les projets de performance.

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L'ANS finance-t-elle des actions de lutte contre les VSS ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Oui, à hauteur d'environ 3,3 millions d'euros, en complément des moyens mobilisés par la direction des sports – l'enveloppe s'élève à 600 000 euros – pour accompagner les associations de victimes.

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Madame la ministre, nous vous remercions pour votre disponibilité, cette audition ayant duré plus de trois heures. N'hésitez pas à nous adresser des compléments si vous souhaitez nourrir davantage les travaux de notre commission d'enquête, notamment les propositions qui en sortiront.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Je vous remercie beaucoup de contribuer à nous faire progresser.

La séance s'achève à dix-huit heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Quentin Bataillon, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Stéphane Buchou, Mme Céline Calvez, M. Hadrien Ghomi, M. Andy Kerbrat, M. Stéphane Mazars, Mme Sophie Mette, M. François Piquemal, Mme Sabrina Sebaihi

Excusée. – Mme Soumya Bourouaha