Délégation aux outre-mer

Réunion du mardi 11 octobre 2022 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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delegation aux outre-MER

Mardi 11 octobre 2022

La séance est ouverte à dix-sept heures dix.

(Présidence de M. Moetai Brotherson, président de la délégation)

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Pour la première fois, une réunion de la délégation aux outre-mer se déroule à la fois en présentiel à l'Assemblée nationale et en visioconférence, pour ceux de nos collègues qui ne sont pas à Paris – c'est d'ailleurs mon cas.

Il est de tradition que la première personnalité auditionnée par notre délégation soit le ministre chargé des outre-mer. C'est pourquoi nous recevons aujourd'hui M. Jean-François Carenco.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre délégué. Je précise que cette audition fait l'objet d'une diffusion en direct sur le portail de l'Assemblée. La vidéo sera ensuite disponible à la demande.

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Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer

Je suis heureux d'intervenir devant la délégation aux outre-mer.

Notre travail consiste à faire en sorte que la République entière considère que l'outre-mer est sa chance, et que l'outre-mer entier considère que la République hexagonale est là pour appuyer ses transformations et son évolution. Telle est ma conviction, et je la défends partout.

Nous avons deux leitmotivs : la création de valeur – qui permettra de donner des perspectives, de l'emploi, de la richesse – et la lutte contre la vie chère. Mes autres axes de travail sont la fierté culturelle, pour les territoires et pour la République, ainsi que la responsabilisation et la différenciation – le ministre que je suis crois à l'une et à l'autre. Ma tâche est d'être derrière ceux qui font vivre ces territoires : les élus, les entreprises, les syndicats, les associations, les acteurs culturels. Dans mon esprit, le ministère des outre-mer a vocation à appuyer ce qui se passe, et non pas à faire à la place de tel ou tel.

S'agissant de la différenciation, je rappelle que des travaux démarrent sur l'adaptation de l'action publique, dans tous les domaines, pour la rendre plus efficace et exemplaire, au profit de nos concitoyens de l'ensemble des territoires ultramarins. Ce qui nous rassemble, c'est de croire que l'outre-mer peut et doit bien vivre. Mon ministère est là pour aider tous ceux qui y concourent.

Pour conclure, je tiens à citer Adolphe Thiers : « La République est le gouvernement qui nous divise le moins. »

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Merci, monsieur le ministre délégué, pour les arbitrages que vous avez obtenus : dans le projet de loi de finances pour 2023, le budget consacré aux outre-mer augmente de manière considérable, de 11 % ; 300 millions d'euros supplémentaires sont ainsi consacrés aux territoires ultramarins. C'est un signe fort que la République nous soutient, dans les problématiques qui nous sont propres. Pourriez-vous détailler la façon dont vous comptez engager ces crédits ?

Je relève notamment une augmentation du budget consacré au service militaire adapté (SMA). Cela permettra-t-il au régiment du service militaire adapté (RSMA) de Nouvelle-Calédonie de bénéficier d'une augmentation de ses effectifs ?

À Wallis-et-Futuna, l'État est compétent en matière de financement du minimum vieillesse. Or son montant s'établit à 15 000 francs Pacifique, ce qui est dérisoire, Wallis-et-Futuna étant probablement le territoire de la République où la vie est la plus chère. Comptez-vous revaloriser ce minimum vieillesse ?

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Jean-François Carenco, ministre délégué

Avec 2,935 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,758 milliards en crédits de paiement (CP) dans le projet de loi de finance pour 2023, le budget du ministère des outre-mer connaît effectivement une hausse de 11 % par rapport à 2020, précisément de 299 millions d'euros en AE et de 285 millions en CP.

L'effort budgétaire global de l'État outre-mer ne se limite pas, bien évidemment, à celui du ministère des outre-mer. Nous estimons qu'il s'élève, tous ministères compris, à 20 milliards d'euros en AE et à 21,7 milliards en CP en 2023, soit une augmentation de 500 millions d'euros en AE et en CP par rapport en 2022 – supérieure, donc, à la hausse de 300 millions pour le périmètre du ministère des outre-mer.

Tel que nous l'avons conçu, ce budget s'articule autour de quatre priorités.

La première : répondre aux préoccupations du quotidien, ce qui est indispensable. En relèvent le plan Eau en Guadeloupe, la lutte contre les sargasses, les moyens en faveur du logement et de la continuité territoriale, ainsi que la participation à l'initiative Kiwa, qui vise à lutter contre les effets du changement climatique dans le Pacifique. S'agissant du changement climatique, qui nous préoccupe, nous menons aussi un travail spécifique et approfondi concernant l'île de Miquelon.

Deuxième priorité : contribuer à la création de valeur sur chaque territoire. Je suis intimement convaincu que c'est de cette manière qu'on créera de la richesse et des emplois, qu'on luttera contre la vie chère et qu'on donnera une perspective aux jeunes qui, sinon, quittent les territoires. Je pense notamment à la Guadeloupe et à la Martinique.

Les contrats de convergence et de transformation devaient arriver à leur terme à la fin de l'année 2022. Mme la Première ministre a accepté de reporter l'échéance à la fin de l'année 2023, pour nous donner le temps de préparer la suite, solidement et tous ensemble. La contribution du ministère des outre-mer dans le cadre de ces contrats sera stable : 190 millions d'euros. Je discute avec l'ensemble de mes collègues pour que les autres ministères maintiennent leur participation à peu près au même niveau en 2023. Je pense notamment aux routes de Guadeloupe.

Les moyens du ministère en faveur de la diversification agricole seront doublés : les crédits versés à l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odeadom) passeront de 3 millions à 6 millions d'euros. S'y ajoutera la contribution de 45 millions du ministère de l'agriculture. Nous essayons en outre de mobiliser des crédits européens – ce n'est pas simple – dans le cadre du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei).

La compensation des exonérations de cotisations sociales, financée par le ministère des outre-mer, progressera de 203 millions. Cela me paraît traduire, malgré les difficultés, une évolution de l'emploi globalement favorable outre-mer.

Troisième priorité : renforcer l'ambition républicaine pour les habitants et grâce à eux.

Les RSMA seront dotés de 91 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, ce qui n'est pas négligeable : 80 jeunes en seront bénéficiaires et 10 volontaires techniques contribueront au renforcement des compétences. Chaque régiment recevra 1 ETP supplémentaire pour le renforcement des savoirs.

Notre intention est d'accueillir davantage de volontaires et de renforcer leurs compétences et leurs qualifications. Dans les discussions avec M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, j'avais demandé davantage de crédits. L'enveloppe sera abondée lorsque l'effectif atteindra l'objectif que nous nous étions fixé, à savoir 6 500 volontaires – nous en sommes à environ 6 200. Compte tenu des contraintes budgétaires, les crédits et les postes sont ajustés aux besoins, et il n'y a pas d'anticipation ; cela vaut pour l'ensemble du budget de l'État.

Le ministère continuera en outre à verser des subventions aux associations qui contribuent à renforcer la cohésion sociale et à faire baisser la violence dans les territoires. Je pense notamment à l'écoute des femmes.

Quatrième priorité : accompagner les collectivités territoriales. Nous avons stabilisé à 110 millions d'euros le financement du fonds exceptionnel d'investissement (FEI). L'aide aux collectivités territoriales se poursuit avec une augmentation significative, de 8 %, de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (Dacom). Rappelons que celle-ci s'ajoute aux financements « ordinaires » dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des différentes collectivités locales.

J'ai découvert hier le sujet du minimum vieillesse à Wallis-et-Futuna, lors d'un déjeuner de travail avec l'ensemble des élus du territoire. Un minimum vieillesse à 120 euros, je pense que ce n'est pas digne. À ce stade, je n'ai pas la réponse, mais je vais y travailler et essayer de me battre. S'il y a une mesure sociale prioritaire, c'est celle-là.

Traditionnellement, on oppose aux demandes de réévaluation des prestations à Wallis-et-Futuna le fait que l'on n'y paie pas d'impôt sur le revenu. Cette réponse ne saurait valoir en ce qui concerne le minimum vieillesse. Reste que des évolutions sont peut-être à envisager concernant l'impôt sur le revenu. Nous avons d'ailleurs discuté hier de l'effort que pourrait consentir le territoire.

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Je m'étonne que vous affirmiez devant nous avoir pris connaissance du sujet seulement hier, alors que je vous ai moi-même exposé le problème en juillet dernier, lors de mon premier déplacement à Paris. Vous n'en avez donc pas tenu compte.

En tout cas, vous avez raison, augmenter le minimum vieillesse fait partie des moyens pour lutter contre la vie chère. Vous parliez également de préserver les cultures. Il est vrai que, si l'on ne réagit pas dès aujourd'hui, notre population partira vers la Nouvelle-Calédonie ou Tahiti, voire vers la métropole. Vivre avec 120 euros par mois est impossible alors que Wallis-et-Futuna est sans doute le territoire de la zone pacifique où la vie de tous les jours est la plus chère. Il convient effectivement de trouver très rapidement un moyen d'y remédier.

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Jean-François Carenco, ministre délégué

J'ai pris mes fonctions le 4 juillet dernier et me suis rendu à La Réunion dès le 8. J'avais reçu un immense paquet de notes. Veuillez m'excuser de ne pas avoir repéré la vôtre, qui était effectivement fondamentale. Il faut soulever les questions au moment où l'on peut intervenir. C'est le moment, et nous allons le faire.

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Dans le cadre de l'élaboration de notre rapport spécial sur les crédits de la mission Outre-mer, Karine Lebon et moi-même avons auditionné ce matin Mme Isabelle Richard et M. Marc Demulsant, cadres de la direction générale des outre-mer (DGOM). Nous avons notamment abordé un sujet qui nous tient particulièrement à cœur : la vie chère dans les outre-mer. Il s'agit d'un problème structurel, qui ne fait qu'empirer du fait du contexte géopolitique et de ses répercussions sur l'économie, notamment l'inflation et la crise énergétique. Pour bon nombre de nos compatriotes ultramarins, accéder aux produits de première nécessité est devenu un combat de tous les jours.

Dans ce contexte, Karine Lebon a présenté un amendement tendant à réduire le taux de TVA à 0 % sur les produits de première nécessité en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Martin. Cette mesure serait de nature à redonner immédiatement du pouvoir d'achat aux habitants de ces territoires, qui subissent davantage les externalités négatives de l'inflation. Quelle est votre position de principe sur cet amendement ? Lors de l'audition de la DGOM, nous avons eu le sentiment que l'État ne souhaitait pas s'engager dans cette voie, sous prétexte qu'il revenait plutôt aux collectivités concernées, notamment à la Guadeloupe, de réduire le taux de l'octroi de mer sur ces produits de première nécessité – passant sous silence que cela fragiliserait davantage encore leurs finances.

Ma deuxième question porte sur la réintégration du personnel hospitalier suspendu. Lors de votre déplacement en Guadeloupe, vous avez rencontré une délégation du collectif. D'après les informations que je viens de recevoir, il y a en ce moment même quelques tensions au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre ; la police est présente sur place. Les soignants suspendus attendent une réponse depuis plus d'un an. Il n'y a pas d'écoute concernant leur réintégration.

Je sais que vous êtes animé d'une certaine volonté. À d'autres niveaux, malheureusement, on ne donne peut-être pas suite. Je réaffirme que nous sommes favorables à cette réintégration, le plus rapidement possible, parce que ce sont des familles qui souffrent : certaines ont perdu leur logement ; d'autres n'ont pas pu accompagner leurs enfants dans le cadre de leurs études. En tant que députés, nous sommes interpellés régulièrement. Pourriez-vous nous faire part d'une avancée favorable concernant cette demande de réintégration du personnel suspendu, qui est quelque peu oublié ?

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Jean-François Carenco, ministre délégué

J'évoquerai d'abord la question des agents hospitaliers. Je ne suis pas sûr que la manifestation de ce jour soit spontanée. Je crois qu'elle est liée à l'arrivée de mon directeur de cabinet, parti ce matin pour la Guadeloupe, à qui j'ai confié la mission de rencontrer, conformément à leur demande, les leaders de l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) – Gaby Clavier, Élie Domota et la secrétaire générale, Maïté Hubert M'Toumo. Je les ai d'ailleurs moi-même rencontrés il y a peu, et nous nous sommes parlé.

Mon directeur de cabinet traitera un second sujet, l'eau en Guadeloupe, avec un ordre du jour précis. Il rencontrera notamment Guy Losbar, président du conseil départemental, et Ary Chalus, président du conseil régional. Nous avons eu au préalable une rencontre d'une demi-journée à Paris avec Jean-Louis Francisque, président du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG).

S'agissant du personnel hospitalier, on progresse vers des solutions. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il y a une manifestation. Attendons le résultat de ces rencontres. J'ai obtenu un certain nombre de blancs-seings de la part de la Première ministre pour faire évoluer les choses. Je suis en contact avec le ministre de la santé, l'agence régionale de santé (ARS) et le directeur du CHU. Tout cela est lié aussi à la mise en service du nouveau CHU.

Je rappelle que le problème concerne quelque 150 agents hospitaliers. J'ajoute que l'ensemble du personnel soignant et des médecins du CHU – la quasi-totalité des chefs de service – est opposé à la réintégration. Il faut donc que l'on navigue entre les diverses positions et que l'on trouve une solution qui respecte l'avis des gens. On avance ; je ne veux pas en dire plus.

J'en viens à la TVA. Son taux est de 2,1 % sur les produits de première nécessité et de 8,5 % sur les autres produits. Son éventuelle réduction de 2,1 % à 0 % ne serait pas à la hauteur de l'enjeu et serait absorbée en un rien de temps. Par ailleurs, les problèmes qu'elle poserait l'emporteraient sur l'effet de baisse des prix pour nos concitoyens.

Il nous faut continuer à travailler sur la question de la vie chère et sur les moyens donnés aux personnes qui ont besoin de la solidarité de l'État. En matière de logement, nous avons plafonné à 2,5 %, au lieu de 3,5 %, l'augmentation de l'indice de référence des loyers. C'est une aide modeste, mais plus durable que la baisse de la TVA.

De manière générale, les populations ultramarines bénéficient de l'ensemble des mesures nationales en faveur du pouvoir d'achat : la reconduction de la prime Macron ; la suppression de la taxe d'habitation, qui est déjà presque totale dans les départements et régions d'outre-mer (Drom) ; le chèque énergie de 100 ou 200 euros ; l'indemnité inflation de 100 euros versée en décembre 2021 – sauf dans les territoires du Pacifique Sud, qui relèvent d'un régime différent.

Le bouclier tarifaire sur l'électricité est effectif depuis le 1er février dans l'ensemble des territoires ultramarins, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. L'aide exceptionnelle à l'acquisition de carburants – 15 centimes par litre entre avril et août ; 25 centimes depuis le 1er septembre, en principe jusqu'en novembre – est effective dans les Drom.

Je souhaite dire un mot de l'octroi de mer. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il n'y a qu'à le baisser. C'est un sujet beaucoup plus complexe que cela : d'une part, c'est une des ressources des collectivités – des régions et des communes, ces dernières percevant 80 % de son produit ; d'autre part, c'est un outil d'orientation de la politique économique. On ne peut pas être favorable à la création de valeur dans les territoires ou à une politique de qualité énergétique et environnementale et, dans le même temps, supprimer ou baisser indistinctement l'octroi de mer. On ne peut pas non plus supprimer les carburants au profit de l'électricité, en se privant au passage d'une taxe qui rapporte, sans réfléchir aux conséquences. Il faut envisager la politique fiscale dans son ensemble. Il est prévu que nous travaillions sur la question de l'octroi de mer tout au long de l'année 2023. C'est l'un des thèmes des discussions qui s'engagent avec l'ensemble des responsables ultramarins.

Le bouclier tarifaire énergétique joue un rôle important. L'énergie est un vrai sujet sur lequel nous travaillons. Je rappelle en outre la revalorisation de 4 % des aides sociales dans les Drom et à Saint-Pierre-et-Miquelon, y compris de deux prestations spécifiques aux outre-mer : le revenu de solidarité outre-mer (RSO) et le tarifaire unitaire de la prestation accueil et restauration scolaire (PARS), qui joue un rôle notable dans certains territoires.

Pourtant, cela ne suffit pas. L'inflation n'est pas exponentielle. Elle est plus faible outre-mer qu'en métropole. Elle s'établit globalement à 5,6 %, ce qui est beaucoup, mais moins que les 14 % ou 15 % que les plus anciens d'entre nous ont connus. En revanche, les prix alimentaires augmentent fortement.

Je veux essayer d'apporter deux réponses. Premièrement, nous travaillons sur le bouclier qualité prix (BQP). L'objectif est de stabiliser pour un ou deux ans le prix d'un panier familial de consommation, que nous nous efforçons en outre de rendre visible – il ne faut pas que les produits les moins chers soient placés tout en bas des rayons. J'ai bon espoir d'avancer sur le sujet. Les préfets y travaillent, et je rencontre beaucoup de grandes sociétés nationales pour leur demander d'y participer.

Deuxièmement, je reprends le combat sur la question des carburants. Je ne suis pas content de ne pas avoir réussi à faire appliquer la remise de 20 centimes consentie par TotalEnergies. Cela n'a été possible qu'à Mayotte. Le monopole qui approvisionne les Antilles et celui qui fournit La Réunion n'ont pas joué le jeu et ont fait croire aux pompistes qu'ils seraient directement affectés, ce qui était faux. Il faut que nous obtenions une évolution de ce système. Il n'est pas normal que les carburants soient aussi chers dans les Antilles et à La Réunion.

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Comme l'a indiqué M. Baptiste, je suis avec lui corapporteure spéciale pour les crédits de la mission Outre-mer.

Je suis effectivement favorable à une généralisation de la TVA à 0 % dans les outre-mer. En tout cas, je suis contente de vous entendre dire qu'une baisse de l'octroi de mer n'est pas nécessairement la solution, les collectivités locales ultramarines étant déjà prises à la gorge. Les rapports récents de la Cour des comptes et du Sénat, qui se fondent sur les dernières statistiques de l'Insee, nous alertent sur la dégradation de leur marge d'autofinancement en comparaison avec celle des communes hexagonales. Il faut vraiment se pencher sur la question.

La directrice générale par intérim de L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) est en poste depuis déjà plusieurs mois. Avez-vous une visibilité sur la date des nominations au conseil d'administration de Ladom et sur celle de la désignation du prochain directeur général ou de la prochaine directrice générale ?

L'actualité récente l'a de nouveau mis en lumière, il y a dans les outre-mer, particulièrement à La Réunion, des manquements dans la lutte contre les concentrations et les monopoles, qui expliquent en partie la cherté de la vie. Les difficultés tiennent surtout à l'absence de brigade interrégionale d'enquêtes de concurrence (BIEC) locale. Tandis que l'arc Antilles-Guyane dispose de sa propre BIEC, localisée à Fort-de-France, l'arc La Réunion-Mayotte dépend de la BIEC de Paris. Celle-ci est éloignée géographiquement, peu avertie des problématiques locales et surchargée par le traitement des fraudes parisiennes. La création d'une BIEC locale apparaît comme une mesure prioritaire, d'autant qu'elle serait peu coûteuse, puisqu'il y a déjà, à La Réunion, des agents prêts à agir, qui travaillent notamment au pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie (pôle C) de la direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Deets). Actuellement, ces agents peuvent enquêter mais non intervenir. De nombreuses affaires tombent sous le coup de la prescription du fait de la lenteur causée par la dépendance à la BIEC parisienne.

Nous saluons l'instauration du bouclier tarifaire. Toutefois, le relèvement du plafond de 11 points – il passera à 15 % contre 4 % précédemment – est beaucoup trop important. Compte tenu de la situation de précarité sociale, de nombreux foyers ultramarins ne pourront pas supporter la hausse des prix de l'énergie. En outre, le dispositif aurait pu contribuer davantage à la justice fiscale. Aucune progressivité n'est prévue ; ce sont donc les ménages les plus consommateurs – donc, bien souvent, les plus aisés – qui bénéficieront le plus de cette mesure.

Par ailleurs, le bouclier tarifaire n'est pas applicable aux entreprises ultramarines, pas même à celles qui exercent une mission de service public comme la distribution de l'eau. Dès lors, la hausse des coûts de fonctionnement se répercutera mécaniquement et les factures d'eau des consommateurs augmenteront de 15 % à 20 % dès janvier 2023. Le réflexe ultramarin n'est pas encore installé : on ne tient pas compte du fait que les sources d'énergie sont différentes dans les outre-mer – nous n'avons pas de centrale nucléaire pour nous fournir en électricité !

Je vous alerte : la hausse des factures d'eau de 15 % à 20 % ajoutée au relèvement du bouclier tarifaire de 4 % à 15 %, c'est beaucoup trop pour les ménages ultramarins.

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Mes questions ont trait à la continuité territoriale. La Guyane est un territoire enclavé en Amérique du Sud et compte huit communes dites isolées qui ne sont pas reliées aux autres par la route. Il faut que l'État prenne ces réalités en considération et compense cette situation.

Pour désenclaver les communes dites isolées, la collectivité territoriale de Guyane et l'État subventionnent deux lignes aériennes : entre Cayenne et Camopi ; entre Cayenne et Maripasoula. Toutefois, le nombre de 37 000 passagers par an inscrit dans la délégation de service public (DSP) a été très fortement sous-évalué. Un avenant doit être signé entre la collectivité et la compagnie Air Guyane, qui a obtenu le marché, pour passer à plus de 50 000 passagers par an. Tout le monde le sait, la Guyane connaît une très forte croissance démographique. Il faudrait que l'État augmente sensiblement sa participation pour permettre aux Guyanais qui n'ont pas de routes ou n'ont pas la possibilité de se déplacer par voie terrestre de le faire par voie aérienne.

Par ailleurs, la ligne entre Maripasoula et Saint-Laurent-du-Maroni n'est pas du tout subventionnée par l'État, alors qu'elle est très empruntée par les habitants de la vallée du Maroni et de l'ouest de la Guyane. Est-il prévu de bénéficier d'un apport supplémentaire de la part du ministère des outre-mer ?

J'en viens à la vie chère. Les prix appliqués aux produits alimentaires et de consommation sur le littoral ne sont absolument pas les mêmes que ceux pratiqués dans les communes dites isolées. La même bouteille de gaz achetée à 25 euros sur le littoral peut atteindre 100 euros dans ces communes. Compte tenu de la hausse des prix de l'alimentation, il est urgent qu'un geste soit fait à leur égard pour compenser cette différence de taille dans les prix appliqués sur un même territoire, simplement parce que les habitants n'ont pas la chance d'avoir accès à des infrastructures routières pour se déplacer.

Je souscris aux propos de M. Baptiste : il est urgent de réintégrer les soignants. La réalité de la Guyane n'est pas nécessairement celle de la Guadeloupe. Il n'y a pas d'opposition entre médecins, infirmiers et aides-soignants à ce sujet. Tous les soignants sont fatigués et certains quittent le territoire pour cette raison, y compris des puéricultrices. Je le répète, monsieur le ministre délégué : il y a urgence ! Je l'ai dit au ministre de la santé en juillet dernier, des personnes perdent la vie, notamment des enfants, parce qu'il manque des centaines de bras au sein du système sanitaire guyanais. Ce n'est pas une histoire contée, ce sont des faits.

Je peux comprendre que les autorités aient fait certains choix pour lutter contre la crise sanitaire au plus fort de celle-ci. Mais, au moment où nous parlons, comme je l'ai dit en juillet lors de la discussion générale du projet de loi relatif aux moyens de lutte contre l'épidémie, le maintien de l'obligation vaccinale pour ces personnels n'est justifié ni scientifiquement ni médicalement. J'ai fait savoir au ministre qu'il s'agit là d'une posture politique. Je peux aussi la comprendre, mais les réalités sont diverses sur le territoire français et l'on doit être capable de s'y adapter.

Si aucun geste n'est fait, le risque est grand que la situation se dégrade fortement dans les jours et semaines à venir. Tout ce que je vous rapporte, monsieur le ministre délégué, ce sont des faits, que vous pouvez vérifier. Il est urgent que le ministère des outre-mer prenne en compte les réalités des territoires ultramarins.

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J'adhère totalement aux propos de M. Rimane. Le suspense n'a que trop duré. Nous avons bien compris qu'il y a des échanges sur la situation des soignants non vaccinés suspendus, que vous avez pris le dossier à bras-le-corps, que vous discutez avec les autres instances de l'exécutif – le ministère de la santé, Matignon, l'Élysée – et qu'il y a peut-être des sensibilités différentes. Nous savons que vous avez des solutions dans la manche ou sous le coude. Nous demandons à les connaître, monsieur le ministre délégué. Nous voulons savoir quand nos soignants seront réintégrés. Donnez-nous s'il vous plaît des réponses claires et des dates, sans flou.

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La réalité en Guyane, c'est que des soignants suspendus travaillent, car les directeurs d'hôpitaux ne savent pas faire autrement. C'est une inégalité de traitement : de nombreux soignants ont été suspendus et, depuis plus d'un an, ne peuvent pas travailler et se retrouvent sans rémunération. Comment explique-t-on cela dans une république qui se dit égalitaire ? On s'adapte à la situation, mais en piétinant le droit ! Il vaudrait mieux régler le problème en abrogeant une disposition législative qui n'a aucun sens.

D'autant que la Guyane est un désert médical. Les soignants viennent pour six mois et repartent. Comment faire fonctionner un établissement sanitaire ou médico-social avec un tel turnover ? Il n'y a pas de continuité des soins. Régulièrement, mon collègue vient de le dire, des personnes décèdent. Tout cela parce qu'on ne veut pas prendre une décision politique qui ne coûterait rien dans les établissements publics, puisque ces postes sont budgétés.

Monsieur le ministre délégué, vous avez énuméré vos axes de travail – création de valeur ; fierté culturelle ; responsabilisation et différenciation – et fait valoir que les crédits augmentaient de 8 % dans le projet de loi de finances. Comment pouvez-vous nous dire cela ? En Guyane, territoire grand comme le Portugal ou l'Autriche, où la croissance démographique est aussi forte, où les problématiques et les enjeux sont aussi importants, on ne peut pas se contenter de traiter les choses avec des pourcentages !

Vous avez vu ce qui se passe : régulièrement, des personnes se font tuer ; l'insécurité est ingérable ; les pouvoirs régaliens sont en échec total. Nous allons vers une explosion sociale. Celle-ci a d'ailleurs déjà commencé.

À cela s'ajoute l'insécurité énergétique : des centrales qui ne fonctionnent pas ; des milliers de personnes sans électricité pendant plusieurs jours, hier à Maripasoula, aujourd'hui à Grand-Santi ; deux blackouts généraux au mois d'août. Où voit-on cela ? Où allons-nous ? La centrale thermique du Larivot est censée assurer à l'avenir 40 % de la production, mais nous sommes en sursis : nous attendons une décision, de tribunal en tribunal. La construction de cette centrale a été décidée il y a quinze ans !

Mon collègue l'a dit, les gens ne peuvent pas circuler. Il faut ouvrir les grands chantiers, monsieur le ministre délégué ! La Guyane est un grand pays ! Il n'est pas possible d'en rester à la logique du territoire de l'Inini, de mettre sous cloche un territoire de 8,3 millions d'hectares sous des régimes de parc, de réserve ou de Znieff – zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique –, alors qu'il dispose de nombreuses ressources, notamment minières, halieutiques et forestières. Rendez-vous compte que c'est précisément au cœur du parc national que se déroulent les opérations clandestines d'orpaillage, le pillage de nos ressources aurifères !

En fait, on marche à l'envers depuis près de trente ans ! Je sais que cela ne relève pas uniquement de vous, monsieur le ministre délégué. Il faut que le Président de la République lui-même prenne la mesure du problème.

Autre exemple : comme la Guyane ne dispose pas de plateaux techniques sanitaires sur son territoire, on évacue les malades à l'extérieur, ce qui coûte des fortunes, compte tenu du tarif des billets d'avion. Les problèmes se cumulent. Nous en parlerons demain, puisque nous devons nous voir. Les enjeux en Guyane sont immenses : dans dix ou quinze ans, nous arriverons à 500 000 habitants, et il faudra bientôt se placer dans la perspective d'une population de 1 million d'habitants sur un territoire comme le nôtre.

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Jean-François Carenco, ministre délégué

Je connais par cœur la situation que vous venez de décrire. Pour votre part, vous ne voulez pas voir ce que nous essayons de faire. Nous en parlerons effectivement demain, monsieur Castor.

Le président de la collectivité territoriale de Guyane ne m'a pas saisi au sujet des lignes intérieures. Or c'est lui qui signe la convention avec le transporteur. Même si l'État apporte un financement, je n'ai pas à intervenir dans les relations entre la collectivité et une compagnie privée. Je m'interdis même de le faire.

Hors assurances sociales, dépenses hospitalières, dispositifs de défiscalisation et fonds européens, l'effort total de l'État en faveur de la Guyane s'est élevé à 2,5 milliards d'euros en 2021. Vous pouvez estimer que ce n'est pas suffisant, mais j'aimerais que l'on parte de cette réalité. Cet effort concerne notamment les routes et le financement de la collectivité.

Au cours des dernières années, je me suis battu pour faire aboutir le projet de la centrale de Larivot, d'abord en tant que président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), puis en ma qualité de ministre délégué chargé des outre-mer. Je respecte le droit et la loi, donc les décisions du tribunal administratif de la Guyane, qui s'est opposé, par quatre fois, à la construction de la centrale. Chaque fois, le gouvernement a fait appel, avec l'appui de la collectivité. Nous venons de gagner. Plutôt que de se chamailler, nous devrions nous en réjouir ! Je pense que nous sommes arrivés au bout des recours et que nous sommes enfin prêts à démarrer.

Vous l'avez dit à juste titre, les normes environnementales, qu'elles soient françaises – applicables en matière de construction ou dans le parc national de la Guyane – ou européennes, ne sont pas adaptées aux réalités. Le Président de la République l'a dit clairement le 7 septembre dernier. Nous avons plusieurs mois devant nous pour faire évoluer les normes françaises et nous battre pour obtenir l'adaptation de certaines normes européennes en application de l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Nous allons rencontrer le président de la collectivité territoriale de Guyane, M. Gabriel Serville, le 19 octobre prochain. Progressons ensemble sur tous ces sujets. Mais il y a un équilibre et des normes. Si les fonds européens cessaient d'être versés en Guyane à cause d'un manquement de notre part, cela n'améliorerait guère la situation.

S'agissant du personnel hospitalier, mon objectif est d'obtenir un accord avec l'UGTG ; c'est ce qui compte. Mon directeur de cabinet est parti ce matin pour la Guadeloupe et la négociation va avoir lieu dans la semaine. Je n'en dirai rien ; ce ne serait pas de bon aloi. À ce stade, je me suis concentré sur la Guadeloupe, mais j'entends ce que vous dites sur le manque de personnel hospitalier en Guyane. Je veux d'abord réussir en Guadeloupe.

Madame Lebon, nous allons fusionner Ladom et la délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer (Diecfomvi). Nous nous sommes mis d'accord, au sein du gouvernement, sur le nom du futur président de Ladom, et il devrait y avoir, d'ici à trois semaines, un nouveau directeur ou une nouvelle directrice.

Ladom finance près de 20 000 billets d'avion par an. Mais elle ne peut pas être simplement un guichet ou une agence de voyages. Je souhaite qu'elle travaille sur la formation et la culture. Si elle développe une vraie politique, nous pourrons éventuellement augmenter ses moyens.

À La Réunion, il n'y a effectivement pas d'équipe dédiée à la lutte contre les concentrations et les monopoles. J'ai écrit à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour lui demander d'en envoyer une. J'espère obtenir une réponse positive.

La concurrence est un sujet important, notamment à La Réunion. Les monopoles sont en quelque sorte des entreprises qui ont trop bien réussi, souvent après une phrase duale. Pour lutter efficacement contre eux, il faut effectivement faire respecter un certain nombre de règles de concurrence – d'où l'importance d'une brigade locale –, mais il faut aussi et surtout, à mon sens, que d'autres entreprises naissent, se développent et créent de la richesse.

J'ai d'ailleurs un débat avec les élus de La Réunion, notamment avec Mme Huguette Bello, présidente du conseil régional, à propos du rachat des quatre magasins de Run market. Mme Bello estime qu'il faut une solution réunionnaise. Dans ce cas, c'est l'un des deux monopoleurs locaux qui va en prendre le contrôle. Pour ma part, je préférerais que l'on choisisse un acteur extérieur, qui apporterait un peu d'air.

Sur l'eau en Guadeloupe, j'espère que nous obtiendrons dès cette semaine des résultats importants.

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Il faut régler au plus vite le problème des soignants suspendus, notamment en Guadeloupe, même si nous mesurons à quel point c'est délicat. Vous avez évoqué un lien avec l'ouverture du nouvel hôpital. Or, si les informations dont je dispose sont justes, celle-ci n'interviendra pas avant deux ans.

Nous nous réjouissons que les choses avancent avec l'UGTG. Néanmoins, nous aimerions, en tant que responsables, avoir davantage d'informations. Nous sommes parfois gênés : l'UGTG sort optimiste des rencontres qu'elle a avec vous, et nous, élus de Gaudeloupe, n'avons pas connaissance des avancées obtenues. Nous apparaissons comme ceux qui ne défendraient pas les suspendus. Les syndicats semblent dire que nous ne servons pas à grand-chose, en dépit de nos interventions en commission, en séance publique et auprès des ministres, du Premier ministre et du Président de la République lui-même.

En tout cas, pour bâtir l'avenir de la Guadeloupe, il faut au préalable trouver et mettre en œuvre des solutions à deux problèmes : celui de l'eau et celui des soignants suspendus.

Dans le bleu budgétaire, un long passage est consacré à Ladom et à ses missions. J'apprécie ce que vous avez dit : Ladom doit réaliser avec le ministère et le pays Guadeloupe, dans toutes ses composantes, un travail sur la formation, en partant de la réalité guadeloupéenne. Par ailleurs, en 2020 et 2021, le RSMA n'a pas consommé tous les emplois inscrits dans les budgets. Il y a donc là un coup d'accélérateur à donner.

Après toutes les crises que vient de connaître la Guadeloupe – crise sanitaire, crise sociale, ouragan Fiona – et après le vote de ce budget – qui prévoit certes des mesures en faveur de la création de valeur et le réabondement du Fonds outre-mer au service de nos collectivités –, il conviendrait de travailler à des solutions valables pour l'ensemble des territoires, même si chacun d'entre eux présente des particularités. Comment poser – enfin ! – les rails du développement de nos territoires ? Vous les connaissez aussi bien que nous, pour avoir été préfet dans plusieurs d'entre eux. Le temps est arrivé – le temps démocratique, le temps de l'histoire – pour que ces territoires cessent de baigner dans le sous-développement.

Je pense notamment aux hôpitaux, qui sont tous en difficulté – je le sais pour avoir présidé la fédération hospitalière de la Guadeloupe. Or ils ont été dirigés tantôt par des Guadeloupéens, tantôt par des personnes qui venaient de l'hexagone. Chaque année, nous nous battons pour modifier les coefficients correcteurs géographiques, mais nous avons rarement été entendus.

Malgré ce que vous en avez dit, l'inflation est galopante. Vous savez vous-même ce que sont les prix dans les Antilles. Or, si j'ai bien compris votre propos, il va falloir attendre encore avant que les travaux sur le BQP aboutissent ? Tant que les prix resteront aussi élevés et que nous ne retrouverons pas la maîtrise du tarif des carburants – la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara) fait la pluie et le beau temps en la matière –, la situation demeurera explosive.

Depuis notre échange à Capesterre-Belle-Eau, y a-t-il eu des avancées concernant le traitement de l'après-Fiona ?

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Jean-François Carenco, ministre délégué

Si les effectifs du RSMA n'ont pas progressé en 2021 et 2022, c'est notamment en raison de la crise du covid. Précisons que, pour entrer dans l'armée, il faut être vacciné ; or on est moins vacciné en Guadeloupe qu'ailleurs. En 2023, le budget consacré au SMA augmentera de 30 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.

Il nous faut effectivement régler le problème de l'eau et celui des soignants, sans quoi le débat ne sera pas serein.

Je fais attention à ce que je dis publiquement à propos des négociations avec les responsables de l'UGTG car, la dernière fois que je les ai rencontrés, le porte-parole de l'UGTG n'a pas rapporté exactement mes propos. C'est pourquoi j'ai préféré envoyer mon directeur de cabinet pour discuter. Je pense que nous allons progresser, même si c'est très difficile car, je le rappelle, l'ensemble des responsables hospitaliers et du personnel soignant ainsi que la Haute Autorité de santé (HAS) sont opposés à toute évolution en ce qui concerne la réintégration.

S'agissant du BQP, j'ai dit que nous allions essayer de conclure les discussions rapidement pour stabiliser les prix pendant un an ou deux.

J'en viens à la question de l'eau. Il y a une dizaine de jours, M. Jean-Louis Francisque, président du SMGEAG, a passé une matinée avec moi, mon directeur de cabinet et les services. Nous avons élaboré avec lui un plan en neuf questions qui appellent des réponses – en cela, j'ai peut-être excédé mon rôle, car il ne s'agit pas d'une compétence de l'État. Dans les quatre jours qui viennent, mon directeur de cabinet va aborder très précisément ces neuf questions en Guadeloupe. Nous allons essayer de faire partager les réponses à l'ensemble des partenaires.

Je maintiens qu'à ce stade, il s'agit d'un problème non pas financier, mais d'organisation. C'est pourquoi nous avons envoyé des ingénieurs. Les difficultés les plus importantes se concentrent à Sainte-Rose et à l'est de Grande-Terre, après Sainte-Anne et Saint-François ; la situation est meilleure à Basse-Terre et à Capesterre-Belle-Eau. En tout cas, je pense qu'il y aura un avant un après-Fiona, tout le monde l'a bien compris. Sur la question des sargasses, l'ensemble des acteurs en Guadeloupe a fait preuve de cohésion, et on avance bien. Il nous faut bâtir la même cohésion – je relève qu'elle s'est accrue – et la même volonté commune sur la question de l'eau.

Une fois réglés le problème des soignants et celui de l'eau, que va-t-on faire ?

Le 7 septembre dernier, le Président de la République a lancé des travaux pour faire suite à l'appel de Fort-de-France. Toutes les parties se sont mises d'accord pour y consacrer l'année 2023. J'ai pris un mois pour écouter et écrire une lettre portant sur la méthode de travail. Je l'ai signée et elle sera prochainement cosignée par Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Nous avons donc l'année 2023 pour recenser et classer l'ensemble des investissements dont nous avons besoin dans l'ensemble des outre-mer. En Guadeloupe, par exemple, il faudra prendre en charge une quarantaine de ponts, notamment sur les routes communales.

Ensuite, il faut que l'on définisse, pour chaque territoire, l'optimum économique que l'on veut atteindre en dix ou quinze ans, notamment les secteurs à développer. En font partie, de toute évidence, un tourisme bien pensé et la production agricole. Ainsi, que veut dire développer le tourisme à la Guadeloupe et à la Martinique, qui accueillent chacune 850 000 touristes par an, tandis que la République dominicaine voisine en accueille 10 millions ? Il faut travailler sur les croisières, ce qui implique de travailler sur les infrastructures portuaires, pour que les bateaux puissent accoster dans des eaux propres. Il faut aussi travailler avec l'ensemble des acteurs locaux pour que les touristes achètent, d'où l'idée de zones hors taxes dans les ports. En Guadeloupe, Rodolphe Saadé, président-directeur général de CMA CGM, a ouvert un système d'entreprises high tech, que je vais visiter.

Pour créer de la valeur, il faut de l'argent. L'année 2023 est aussi l'occasion de travailler ensemble sur la question des fonds européens. Je souhaite que nous nous mettions d'accord avec le président Chalus pour qu'une grande partie de ces fonds – pas nécessairement l'intégralité – finance des investissements productifs. Peut-être conviendrait-il de même d'orienter prioritairement les dispositifs de défiscalisation vers les investissements productifs.

Tous les sujets que je viens d'évoquer devront faire l'objet de documents particuliers que je souhaite annexer au futur contrat de plan – désignation que je préfère à celle de « contrat de convergence ». Cette méthode vaut pour tous les Drom. Je suis confiant : je pense que l'on parviendra à définir quelques axes et quelques transformations et, le moment venu, à adapter en conséquence les normes françaises et européennes – le caractère inadapté de certaines normes que j'évoquais tout à l'heure à propos de la Guyane est également une réalité dans les autres Drom. Tel est l'objet des travaux lancés le 7 septembre. Nous verrons comment les choses évoluent. Il n'y a pas de miracle, il y a simplement du travail.

Je remercie en tout cas l'ensemble des élus de la Guadeloupe de s'être rassemblés sur la question des sargasses et sur celle de l'eau.

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Le pont de secours de Dzoumogné vient d'être livré à Mayotte. Je tiens à saluer les efforts de services de l'État, mais je m'étonne que ce pont, qui était sur une étagère à La Réunion, n'ait qu'une seule voie, contrairement à ce que nous avions demandé et à ce qui figurait dans la lettre que vous m'aviez adressée, monsieur le ministre délégué : l'État s'était engagé à construire un pont à double sens de circulation muni d'une passerelle piétonne. Ce pont a vocation à remplacer un ouvrage temporaire en place depuis plus de vingt ans. À Mayotte, le temporaire nous inquiète, car il a le don de durer.

Je le dis avec d'autant plus de franchise que les échanges avec M. Thierry Suquet, préfet de Mayotte, sont particulièrement difficiles. Il m'a rappelé à plusieurs reprises qu'il était l'État et qu'il était seul décisionnaire. Lorsque je lui ai rappelé l'engagement que vous aviez pris par écrit, je n'ai obtenu de lui aucune clarification concernant l'exécution de cet engagement – ni sur le budget ni sur les délais. J'ai dû lui expliquer longuement avec d'autres élus que la question du foncier autour du site où doit être installé le pont à deux voies n'était pas réglée, contrairement à ce qu'il déclarait. C'est le désenclavement de tout le nord de l'île de Mayotte qui est en jeu. Le représentant du gouvernement ne nous a donné aucune perspective, ce qui inquiète les élus et la population au plus haut point.

J'en viens à la question connexe des infrastructures routières. Mayotte ne compte que quatre routes nationales, et l'une d'entre elles, située elle aussi dans le nord de l'île, est en train de s'affaisser à cause de l'humidité. Des dizaines de milliers de personnes se retrouvent enclavées, plus encore que d'habitude. Or, dans les discussions qui se mènent à Paris, je n'entends parler d'aucun projet routier pour Mayotte. Nous, Mahoraises et Mahorais, passons des heures, sur une île qui ne fait que 375 kilomètres carrés, pour parcourir vingt kilomètres, parce que nous n'avons que des routes à une voie, au mieux à deux voies. L'État n'investit pas. En 2018, à l'issue du conflit social, on nous avait promis une route de contournement, une route littorale, une route collinaire. Rien n'a été fait ; nous n'avons pas avancé d'un pouce sur la question des infrastructures routières.

Je me félicite de vos annonces quant au BQP sur un panier de 300 produits à La Réunion. À Mayotte, il est question de 70 produits seulement, et le BQP n'est toujours pas en vigueur. Le pack d'eau se paie 10 euros. Nous nous retrouvons sur une île, beaucoup plus petite, avec trois importateurs et un préfet incapable de mener une discussion, même pour 70 produits. D'après les chiffres publiés par l'Insee en juillet dernier, les prix alimentaires sont plus élevés de 42 % à Mayotte que dans l'hexagone, et l'inflation est de 6 %. Je m'alarme de la lenteur du travail sur ce panier minimal de 70 produits – pas 300 ! Sur une île qui connaît une très grande pauvreté, c'est une question de survie.

L'un des éléments de la vie chère est le prix du billet d'avion. Tous les transporteurs aériens font valoir que le kérosène est beaucoup plus cher à Mayotte qu'à La Réunion, ce qui justifie selon eux ce prix. Nous avions évoqué cette question ensemble, monsieur le ministre délégué. Vous avez eu une discussion avec M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, entreprise qui détient un monopole absolu à Mayotte. Où en est-on sur cette question du kérosène ?

Par ailleurs, dans la mesure où nous importons tous nos produits, nous sommes dépendants du prix des containers, qui a connu une inflation délirante. M. Saadé s'est très habilement exclu de toute discussion sur les superprofits, alors même que CMA CGM en a réalisé. Je signale que le Congrès des États-Unis a ouvert une enquête sur les ententes dans le domaine des transports maritimes. La question sera donc soulevée, et elle concerne tous les territoires ultramarins insulaires, qui dépendent des importations. Je vous invite à réfléchir à un bouclier contre la hausse du prix des containers.

CMA CGM bénéficie d'un tête-à-tête, que certains trouveraient toxique, avec le gouvernement. Comme à M. Pouyanné, le minimum serait de demander à M. Saadé de consentir un effort. Il ne faut pas se moquer du peuple avec des baisses de quelques centaines d'euros alors que les hausses ont atteint plusieurs milliers d'euros ! Nous ne pouvons plus ni construire ni avancer, sachant que l'augmentation du prix des containers n'a pas encore été totalement répercutée sur les prix à Mayotte, lesquels vont donc connaître une hausse explosive.

Il y a quelques semaines, devant l'Assemblée générale des Nations unies, le président des Comores, M. Azali, a de nouveau revendiqué la souveraineté sur Mayotte. Pourquoi notre diplomatie reste-t-elle silencieuse ? J'ai interpellé Mme Colonna à plusieurs reprises. Paris n'a pas dit un mot pour réaffirmer que Mayotte est française, pour défendre ce territoire qui est français depuis 1841.

Je n'ose imaginer qu'il y ait le moindre doute sur le fait que Mayotte est française. Mais lorsqu'un État hostile, qui envoie toute sa population coloniser Mayotte, fait une telle déclaration, je voudrais qu'on ait le courage à Paris de défendre ses propres concitoyens. Il ne sert à rien de gesticuler pour défendre les Ukrainiens et les autres peuples opprimés lorsqu'on n'est pas capable de défendre ses propres ressortissants. Je vous demande, monsieur le ministre délégué, de répondre à M. Azali.

Je termine par l'insécurité. C'est une tragédie qui s'annonce. Malgré les annonces et les efforts consentis par M. Darmanin – je les reconnais –, nous ne voyons pas d'amélioration au quotidien sur le terrain. Je reprends les termes de l'appel des maires de Mayotte, qui viennent la semaine prochaine à Paris : nous attendons de l'État des mesures choc et un message très clair qui ramène la paix et le calme à Mayotte. Il ne se passe pas un jour sans que se produisent des émeutes ou des affrontements avec les forces de l'ordre, ni sans qu'un bus scolaire, transportant des enfants mineurs, soit attaqué ou caillassé sur le chemin de l'école. Il faut prendre la mesure du traumatisme que vit Mayotte !

La légèreté avec laquelle le sujet est abordé à Paris est non seulement en train de nous coûter des vies, mais aussi d'hypothéquer l'avenir de Mayotte. Le problème dépasse d'ailleurs la question des renforts. Certes, il y a eu un effort en la matière, mais compte tenu du retard pris, cela reste insuffisant : la violence continue à augmenter. Et qu'on cesse de nous dire qu'on ne peut pas peut mettre un flic derrière chaque habitant ! À Mayotte, le nombre d'uniformes rapporté à la population est bien inférieur à la moyenne nationale.

La question de l'insécurité est liée à celle de l'immigration clandestine, puisque 90 % des détenus du centre pénitentiaire de Majicavo sont des ressortissants comoriens. Je demande de nouveau ici le déploiement d'un patrouilleur outre-mer (POM) à Mayotte. Pour lutter contre l'immigration clandestine dans l'océan Indien, on a envoyé un POM à La Réunion, alors que le problème se pose à Mayotte ! J'invite le gouvernement à consulter une carte géographique. Nous avons besoin qu'il développe la base de la marine nationale à Mayotte et y déploie un POM.

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Vous avez parlé à juste titre de fierté culturelle, mais il y a aussi la fierté économique. Nos industries et nos entreprises font la fierté de nos territoires et, au-delà, de la France dans son ensemble.

Les produits bancaires sont plus chers dans nos territoires que dans l'hexagone, et les frais bancaires y sont aussi plus élevés. Autrement dit, il revient plus cher d'y être client d'une banque. Malgré les efforts réalisés entre 2010 et 2021, la situation n'évolue guère. Cette disparité tient notamment à l'absence de concurrence. Il y a certainement quelque chose à faire en la matière.

Qui plus est, les jeunes ultramarins ont du mal à obtenir des prêts bancaires. C'est insupportable ! Pour pouvoir créer une entreprise, investir et créer de la valeur, les porteurs de projet doivent nécessairement passer par une banque située à Paris, à Bordeaux ou ailleurs, mais pas dans leur territoire. Même en procédant ainsi, ils ne sont pas certains d'obtenir un crédit, car il leur faut alors des garanties non pas chez eux, mais en France hexagonale. On demande aux jeunes de créer leur entreprise, de créer de la valeur, mais ils ne peuvent pas obtenir de financement ; telle est la réalité.

Allez-vous prendre à bras-le-corps la question du prix des produits bancaires et des frais bancaires dans nos territoires ? Avez-vous des pistes de réflexion pour les ramener au niveau qui est le leur dans l'hexagone ?

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Monsieur le ministre délégué, je sais toute la valeur que vous attachez à la parole de l'État. La loi pour le développement économique des outre-mer, dite loi Jégo, avait planifié la disparition progressive de l'indemnité temporaire de retraite (ITR) dans les territoires du Pacifique. Des grèves relativement importantes avaient eu lieu en 2008, et le protocole de fin de conflit, signé par l'un de vos prédécesseurs, prévoyait un système compensatoire à la vie chère afin d'éviter un décrochage trop marqué entre le dernier traitement et la première pension. La disparition progressive de l'ITR crée des inégalités entre les générations. Il a été décidé, avec votre prédécesseur, M. Lecornu, de tenir une série de réunions de travail avec les syndicats et les acteurs concernés pour réfléchir à la mise en œuvre du système compensatoire. La première et, à ce stade, dernière réunion de la série a eu lieu le 15 mars 2022. Comptez-vous reprendre le flambeau et continuer à honorer la parole de l'État en organisant de nouvelles réunions à ce sujet dans les semaines et les mois qui viennent ?

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Jean-François Carenco, ministre délégué

Vous l'avez rappelé, monsieur le président, une première réunion relative à l'extinction de l'ITR a eu lieu en mars 2022. Nous allons poursuivre le processus, mais il faut que des parlementaires soient désignés pour ce faire. La balle est dans votre camp : je vous suggère de saisir la présidence de l'Assemblée nationale. Pour ma part, je n'interviendrai pas, compte tenu de la séparation des pouvoirs. Il faut que nous nous réunissions avant la fin de l'année 2022.

Monsieur William, je vous remercie de m'avoir signalé la question des tarifs bancaires en Martinique. L'un de vos collègues m'avait par ailleurs saisi à propos des tarifs des colis postaux, qui sont incompréhensibles, dans l'ensemble des territoires. Nous avons convoqué et sermonné le directeur compétent de La Poste, qui nous a dit avoir bien conscience du problème. J'attends sa réponse.

Pour soutenir les créateurs d'entreprise, le ministère des outre-mer bonifie les prêts de la Banque publique d'investissement (BPIFrance), qui sont distribués assez largement. Je rencontrerai dans les jours qui viennent M. Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIFrance. Nous subventionnons en outre l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), France Active et le réseau Initiative France. Je dois rencontrer M. Guillaume Pepy, président d'Initiative France, pour évoquer l'extension de son activité.

Quant à la nécessité de se rendre à Paris pour décrocher un prêt, elle vaut tout autant pour les jeunes entrepreneurs de Lozère – certes, c'est moins loin.

Madame Youssouffa, je suis choqué que l'affaire du pont de Dzoumogné ait été traitée comme elle l'a été. Je reviendrai vers vous à ce sujet.

De manière générale, le système de circulation ne fonctionne plus à Mayotte. J'ai engagé la venue d'équipes du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) qui étaient en Guadeloupe pour inspecter les ponts après le passage de l'ouragan Fiona. J'aurai prochainement un rendez-vous à ce sujet avec M. Pascal Berteaud, directeur général du Cerema.

Les personnes qui travaillent à Mamoudzou sont obligées de faire quatre heures de route le matin et autant le soir. Cette situation n'est pas tenable. Il faut travailler sur les déviations, poursuivre le projet Caribus et envisager peut-être des modes de transport nouveaux, par exemple un téléphérique.

Après ma discussion avec M. Pouyanné, TotalEnergies a fait des efforts sur le prix de l'essence à Mayotte. En revanche, l'entreprise dit ne pas être à même d'agir sur celui du kérosène. Autrement dit, nous avons gagné sur le premier point, mais essuyé un échec, pour l'instant, sur le second.

Le prix des billets entre l'hexagone et les territoires ultramarins a effectivement augmenté de manière considérable, de près de 30 %. Je travaille avec les compagnies Air France et Air Austral. Je recevrai la semaine prochaine la présidente-directrice générale d'Air France pour évoquer la desserte de l'ensemble des outre-mer. Nous verrons comment les compagnies répondent à notre appel à faire des efforts.

La déclaration du président Azali m'a fait sourire. Cela ne vaut pas la peine de répondre à de telles élucubrations ; voilà ce que j'ai pensé à titre personnel. La situation des îles du canal du Mozambique m'inquiète davantage. S'il est nécessaire de réaffirmer publiquement que Mayotte est indéfectiblement liée à la République, je le fais volontiers, et avec plus de force encore que vous-même. C'est gravé dans le marbre. Je demanderai néanmoins à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères de faire éventuellement une réponse publique.

Vous ne pouvez pas dire que rien ne se passe en matière de lutte contre l'insécurité. M. Darmanin est précisément en train de travailler sur les questions de sécurité – des dispositions figurent déjà dans le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) –, de nationalité, d'immigration et de lutte contre l'immigration irrégulière. Sur ce dernier point, je partage l'idée que la situation est ahurissante. Le ministre consulte des députés, et je lui proposerai de rencontrer les maires de Mayotte le 19 octobre. Je ne vais pas m'exprimer ici et vous propose d'attendre les annonces de M. Darmanin. La réponse qu'il a commencé à préparer sera forte, probablement plus forte qu'elle ne l'a jamais été. Vous pouvez l'interroger à ce sujet.

Je suis tout à fait disposé à vous revoir rapidement pour évoquer notre action sur toutes les questions relatives à Mayotte.

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En juin 2021, la délégation aux outre-mer a publié un rapport d'information sur l'enseignement dans les outre-mer dans les territoires en dépression démographique. Il soulignait que l'illettrisme est trois fois plus important en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion que dans l'hexagone. Dans ces trois territoires, près de 30 % des jeunes de 16 à 26 ans rencontrent de grosses difficultés de lecture.

Le rapport évoquait la nécessité d'apporter des améliorations sur de nombreux points : maintenir le nombre de postes d'enseignants malgré la dépression démographique ; renforcer l'appui aux devoirs ; accroître le nombre de classes Ulis – unités localisées pour l'inclusion scolaire ; réduire la fracture numérique ; augmenter le nombre d'internats ; rénover les bâtiments scolaires, souvent vétustes ; rendre accessibles à toutes les familles les fournitures scolaires, dont le coût est trois fois plus élevé que dans l'hexagone ; adapter le calendrier scolaire aux conditions climatiques.

Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous indiquer vos priorités et les moyens que vous envisagez de mettre en œuvre pour améliorer le niveau des élèves dans les outre-mer ?

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Je souhaite aborder la question du financement des collectivités locales.

Le gouvernement a décidé d'augmenter le point d'indice de la fonction publique de 3,5 % à compter du 1er juillet 2022. Le coût de la mesure a été estimé à 1,136 milliard d'euros en 2022 et à 2,272 milliards en 2023. Cette revalorisation, pourtant inférieure à celle demandée par les syndicats, est financée par les collectivités employeurs, déjà largement mises à contribution. Elle pèsera fortement sur leurs finances, alors que la fin de l'année est difficile : l'épargne brute devrait connaître un repli de 4,4 % en 2022 en raison de l'inflation, les dépenses de fonctionnement progressant plus vite que les recettes.

Les collectivités sont évidemment favorables à la revalorisation du traitement des agents publics. Il serait cependant légitime que cette décision gouvernementale soit assortie de compensations financières. Le mécanisme d'aide prévu par la loi de finances rectificative pour 2022 est bien trop restreint. Quelle sera donc la compensation pour les collectivités ?

Outre-mer, la grande majorité des agents publics sont des agents contractuels rémunérés sur la base du Smic. Les obligations d'augmentation du Smic ont eu des conséquences très importantes sur le budget des collectivités locales ultramarines, sans commune mesure avec la revalorisation du point d'indice. Monsieur le ministre délégué, seriez-vous favorable à ce qu'outre-mer, l'évolution de l'épargne brute soit appréciée en prenant en compte les augmentations du Smic appliquées en 2022 ?

Les élus locaux ne peuvent assumer les décisions nationales sans de nouvelles ressources pour compenser justement les dépenses qui en résultent. Sinon, ce seront en définitive les citoyens qui en paieront le prix, soit par une dégradation de la qualité des services publics – malheureusement, c'est presque déjà le cas –, soit par une hausse de leurs impôts.

Je reviens sur la réintégration du personnel soignant. La Réunion est le département français où le taux de surmortalité constaté ces derniers temps est le plus élevé. J'ignore si cela est lié au manque de personnel – n'étant pas scientifique, je ne suis pas en mesure de le dire. En tout cas, il y a là un problème particulier à nos territoires.

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Les billets d'avion entre l'hexagone et les territoires ultramarins sont trop chers. Et la raison n'en est pas la guerre en Ukraine ou le prix du kérosène ! Depuis Paris, un vol all inclusive pour la République dominicaine est moins cher qu'un vol sec pour la Martinique, alors que la distance est la même. Il y a donc autre chose derrière l'augmentation des tarifs.

Vous avez pris des engagements en ce qui concerne les tarifs des colis postaux. Rappelons à quel point cette réalité est terrible. Ceux qui ont payé l'envoi de colis au prix fort, avec une taxation indue, seront-ils remboursés un jour ? La « profitation » profite toujours aux profiteurs !

Je tiens à évoquer la situation des jeunes en formation professionnelle qui recherchent un stage en alternance dans une entreprise. Sur nos territoires micro-insulaires, il y a un nombre limité d'entreprises, et celles-ci, souvent exsangues, n'ont pas les moyens d'embaucher ces jeunes. Cela provoque des dégâts incommensurables. La seule solution pour ces jeunes, qui ont pourtant déjà commencé une formation sur place, est de partir. Mais, en France hexagonale, les Antillais, les Arabes et les Africains sont toujours les derniers de leur promotion à trouver des entreprises prêtes à les accueillir. Telle est la réalité que vivent nos enfants – c'est le cas de mon fils, qui étudie à Paris – et beaucoup d'entre eux se découragent.

Vu l'explosion de la violence, la délinquance, l'oisiveté de nos jeunes, il serait de bonne politique d'adresser des signaux à ceux qui s'accrochent et cherchent à obtenir des diplômes, pour s'épanouir à terme dans la vie. Si l'on entend tenir compte des handicaps qui leur sont imposés, il faut aller bien au-delà de ce qui existe. Selon moi, le gouvernement doit intervenir massivement pour aider les entreprises à embaucher ces jeunes en alternance le temps de leur formation.

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Jean-François Carenco, ministre délégué

Monsieur Nilor, nous devons combattre ensemble le racisme, en permanence. Cela me paraît relever de l'évidence.

Je ne peux pas vous laisser dire publiquement que La Poste est un « profiteur » ! C'est un petit racisme à l'envers. Et je n'aurai aucun succès dans mes démarches auprès d'elle si j'emploie de tels termes.

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La grève de 2009 s'est élevée précisément contre la profitation. C'est pourquoi j'ai employé le terme « profiteur ». Je n'accuse pas particulièrement La Poste, et n'y voyez aucun trait de racisme à l'envers. C'est un peu facile de répondre par une telle pirouette, monsieur le ministre délégué, alors que vous savez que je ne tiens jamais de tels propos. La profitation existe bel et bien, et ce sont les plus défavorisés qui la subissent, car c'est une des raisons de la vie chère.

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Jean-François Carenco, ministre délégué

Les tarifs sont calculés de manière absurde, j'en conviens, mais il n'y a pas de profitation de la part de La Poste. Je peux comprendre que l'on emploie le terme de manière générale, pas que l'on qualifie une entreprise publique comme La Poste de « profiteur ». Mais ce n'est probablement pas ce que vous avez voulu dire.

La formation en alternance est un sujet important. En 2022, l'aide à l'apprentissage sous une forme ou une autre a concerné 127 000 personnes, ce qui est appréciable. Ladom, qui finance les voyages, doit mieux cibler son action et se concentrer sur la mobilité pour les stages et les études. Il existe sept ou huit systèmes différents d'aide aux jeunes en formation. Je plaide pour une rationalisation et une plus grande lisibilité.

Il serait préférable que les jeunes trouvent des stages sur place – c'est tout l'enjeu du développement de l'économie et des entreprises de ces territoires, que nous avons évoqué – mais il faut aussi les aider, vous avez raison, à trouver des stages en France hexagonale.

S'agissant des finances des collectivités locales, monsieur Ratenon, je rappelle que la loi de finances pour 2022 prévoit la compensation de la moitié de l'impact de l'inflation et de l'augmentation du point d'indice. Par ailleurs, l'inflation a des répercussions positives sur les recettes de l'octroi de mer, qui progressent beaucoup plus que le budget de l'État. Je m'en félicite. Cette augmentation s'ajoute donc à la compensation qui sera appliquée. Partageons l'effort, puisque les recettes sont elles-mêmes partagées. L'État n'a pas vocation à compenser chaque dépense.

Je le redis, il n'est pas question de toucher de manière précipitée à l'octroi de mer sans une réflexion globale sur les recettes des collectivités locales et sur l'utilité de l'octroi de mer comme outil d'orientation de l'économie. À ce stade, il procure des recettes dynamiques, qui doivent permettre de financer une partie de l'effort des collectivités locales.

En matière d'éducation, madame Piron, la situation n'est effectivement pas des meilleures. En 2020, la proportion de jeunes en difficulté de lecture était en moyenne de 39,9 % dans les Drom : 25,4 % à La Réunion ; 27,9 % en Martinique ; 28,6 % en Guadeloupe ; 46,6 % en Guyane et 71 % à Mayotte.

La totalité des écoles et collèges de Mayotte relèvent du réseau d'éducation prioritaire (REP). C'est également le cas de tous les collèges de Guyane, sauf un. Nous allons de nouveau réfléchir, avec le ministère de l'éducation nationale, à la classification de tel ou tel territoire en éducation prioritaire. Je rappelle que cette classification permet aux établissements concernés de bénéficier d'une plus grande mobilisation des dispositifs d'accompagnement éducatif, du dédoublement des classes de CP et de CE1 ainsi que d'un régime indemnitaire plus favorable pour les personnels qui y sont affectés.

Nous avons programmé des places d'internat supplémentaires destinées aux élèves qui vivent dans des zones éloignées ou enclavées. Deux programmes d'investissements d'avenir (PIA) ont permis de financer la création ou la réhabilitation lourde d'internats dans les territoires ultramarins.

Le dispositif Cités éducatives, qui vise à lutter contre les inégalités, progresse. Dix-sept communes ou groupes de communes ont obtenu ce label d'excellence dans les outre-mer : cinq à La Réunion – Le Port, Saint-Benoît, Saint-Louis, Saint-Pierre, Le Tampon ; quatre en Guadeloupe – Les Abymes / Pointe-à-Pitre, Basse-Terre / Baillif / Capesterre-Belle-Eau, Le Moule, Sainte-Rose ; trois en Guyane – Saint-Laurent-du-Maroni, Cayenne, Kourou ; une en Martinique – Fort-de-France ; une à Saint-Martin ; trois à Mayotte.

Les difficultés des enfants tiennent parfois au fait qu'ils entrent dans le système éducatif sans parler français. C'est un sujet prégnant à Saint-Martin.

En Guyane, un dispositif d'intervenants en langue maternelle (ILM) a été instauré en 1988 et pérennisé en 2012. Le nombre d'ILM a été porté à quatre-vingt en 2019 – il s'agissait d'un doublement du nombre d'emplois dédiés – et est appelé à augmenter encore. Le ministre de l'éducation nationale s'intéresse de près à cette question.

Les académies ont cherché d'autres solutions innovantes. Les dispositifs Éveil aux langues et Plurilinguisme ont été déployés à Mayotte. La loi de 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion a étendu à Mayotte la possibilité de dispenser un enseignement des langues et cultures régionales tout au long de la scolarité.

L'enseignement du créole est, à mon sens, un des éléments qui permet de lutter contre l'illettrisme. En 2021, il a été dispensé à 12 153 élèves, en particulier dans les académies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion. Ce nombre a vocation à augmenter.

Enfin, un accord-cadre national a été signé entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère des outre-mer pour renforcer les compétences en lecture et en écriture des volontaires du SMA.

L'effort financier est réel : nous construisons des collèges et des internats ; nous aidons les jeunes à se restaurer le midi grâce à la PARS, notamment en Guyane et à Mayotte ; nous promouvons l'enseignement des langues régionales dès la maternelle, pour favoriser l'intégration des enfants dans le dispositif de l'éducation nationale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le ministre délégué, pour ce temps d'échange.

La réunion s'est achevée à dix-neuf heures vingt.

Informations relatives à la Délégation

La Délégation a nommé M. Marc Le Fur et Mme Estelle Youssouffa rapporteurs d'information sur l'autonomie alimentaire des outre-mer, MM. Jean-Hugues Ratenon et Davy Rimane rapporteurs d'information sur l'autonomie énergétique des outre-mer et MM. Elie Califer, Mikaele Seo et Jiovanny William rapporteurs d'information sur la situation démographique des outre-mer et le maintien des forces vives dans ces territoires.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Christian Baptiste, M. Moetai Brotherson, M. Elie Califer, M. Steve Chailloux, M. Philippe Dunoyer, Mme Claire Guichard, M. Frantz Gumbs, M. Marc Le Fur, M. Tematai Le Gayic, Mme Karine Lebon, M. Stéphane Lenormand, M. Frédéric Maillot, M. Nicolas Metzdorf, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Béatrice Piron, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Davy Rimane, Mme Sandrine Rousseau, M. Mikaele Seo, M. Olivier Serva, M. Guillaume Vuilletet, M. Jiovanny William, Mme Estelle Youssouffa.

Excusés. – M. Inaki Echaniz, M. Philippe Gosselin, M. Marcellin Nadeau.