Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 11 janvier 2023 à 15h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à quinze heures cinq.

La commission auditionne M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, et Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre, sur le rapport public thématique « La vaccination contre la covid 19 : des résultats globaux favorables, des disparités persistantes ».

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Monsieur le premier président de la Cour des comptes, madame la présidente de la sixième chambre, je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'aux magistrats qui vous accompagnent, au nom de la commission. Nous vous présentons nos meilleurs vœux pour cette nouvelle année. Nous aurons d'ailleurs plusieurs fois l'occasion de nous retrouver puisque la commission a demandé deux rapports à la Cour des comptes en application de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières – sur les soins palliatifs et sur la pédopsychiatrie. J'ajoute que notre bureau délibérera bientôt sur la prochaine enquête dont la Cour sera saisie à ce titre.

Nous vous entendons aujourd'hui au titre du rapport public thématique relatif à la vaccination contre la covid-19. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance que les Français accordent, depuis trois ans, à cette crise sanitaire, et aux nombreux débats dont elle a fait l'objet au sein du Parlement.

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

Je souhaite tout d'abord vous adresser mes vœux pour cette année 2023 et vous remercier de votre invitation. Je suis heureux de vous présenter ce rapport public thématique dédié à la campagne de vaccination contre la covid-19, publié par la Cour des comptes et présenté à la presse le 14 décembre 2022. Vous avez souhaité vous en emparer à juste titre.

Mon attachement pour la mission d'assistance au Parlement que la Constitution confie à la Cour est profond. J'aurai à cœur, cette année comme depuis le début de mon mandat, de veiller à la qualité de nos relations et à renforcer nos liens institutionnels. Je me réjouis par avance des occasions qui me seront données de m'exprimer devant votre commission.

J'ai à mes côtés Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre, le rapporteur Thierry Grignon, conseiller référendaire en service extraordinaire, et le contre-rapporteur Jean-Pierre Viola, conseiller maître. Je les remercie chaleureusement pour leur implication et leur travail approfondi.

Cette publication survient dans un contexte particulier. Contrairement à ce que nous avons pu espérer, l'épidémie n'appartient pas encore au passé, même si nous sommes dans une période d'accalmie. La vaccination apparaît toujours un sujet de la plus haute actualité. Nous avons tous été pris de court par cette pandémie. Mais nous avons appris à vivre avec le virus grâce à la mobilisation des personnels soignants, grâce aussi aux scientifiques qui ont conçu en un temps record ce vaccin, grâce enfin aux services publics qui pilotent la campagne de vaccination.

La vaccination – j'espère chacun convaincu ici – est la clef pour vivre avec la maladie. Il faut rappeler qu'une quatrième dose est disponible pour protéger les populations fragiles. Alors que les Français de 80 ans et plus y sont éligibles depuis mars 2022, seulement 46 % d'entre eux avaient reçu cette nouvelle dose au 2 janvier 2023. De plus, 20 % des personnes de 80 ans et plus, à peine, bénéficient d'une bonne protection car leur dernière injection date de trois mois maximum. Je relaie donc ce message d'utilité publique : tous les Français en contact avec des personnes à risque, âgées ou atteintes de comorbidités, peuvent recevoir une dose de rappel vaccinal. Il en va de même pour le port du masque, notamment dans les transports en commun. En outre, les gestes barrières sont à nouveau essentiels.

Le rapport, que je vais maintenant vous présenter, est en tout point exceptionnel et inédit, pour la Cour comme pour les décideurs ou les citoyens qui prendront connaissance de ses conclusions. Il l'est d'abord par son objet : une campagne nationale de vaccination en réponse à une pandémie. Face à un virus inconnu et évolutif, il a fallu vacciner la quasi-totalité de la population en un temps record, c'est-à-dire trouver un vaccin, l'autoriser, le fabriquer, le distribuer sur le territoire puis l'injecter, et ceci pour les deux doses du schéma vaccinal initial puis pour les doses de rappel. Cela paraît simple mais c'est sans précédent dans l'histoire.

Ce rapport est ensuite inédit par les méthodes quantitatives déployées : nous avons pu nous appuyer sur des données transparentes et nombreuses, disponibles en temps réel, pour rendre compte de cette campagne. Il est également inédit parce que nous sommes intervenus sur le vif : notre travail a démarré en même temps que la vaccination et s'est poursuivi tout au long de la campagne vaccinale.

Enfin, je crois ce travail d'une importance stratégique. Nous devons tirer un bilan de cette campagne de vaccination, identifier ce qui a fonctionné ou moins bien fonctionné, voire dysfonctionné, à quel moment de la campagne, pourquoi et en tirer des leçons pour l'avenir. Cette épidémie a été un choc pour la société, les services publics et en particulier les services hospitaliers, mais aussi les institutions qui ont dû arbitrer entre santé publique et libertés individuelles. Il est désormais bon de pouvoir rendre des comptes en toute objectivité sur les politiques qui permettent aujourd'hui de cohabiter avec le virus.

Ce bilan est aussi stratégique pour, je l'espère, mieux nous préparer pour faire face à de prochaines vagues épidémiques. Cela peut être à court terme – s'il survenait un nouveau variant échappant aux vaccins actuels – ou à plus long terme, pour d'autres virus. Bien entendu, nous ne sommes ni devins ni épidémiologistes : le rôle de la Cour est de formuler des recommandations afin de tirer des enseignements de la gestion de la pandémie et d'améliorer notre réaction face à de tels chocs. Cette crise a montré que le maître-mot de la réponse collective était l'anticipation. Nous tentons d'apporter, par nos travaux, notre pierre à l'édifice d'une méthode d'anticipation nationale.

Sur une note plus optimiste, le rapport identifie un certain nombre d'innovations scientifiques, numériques, mais aussi politiques et sociales, qui ont montré de bons résultats. Il sera utile de les prolonger dans d'autres campagnes sanitaires, mais aussi dans d'autres politiques publiques.

Enfin, ce travail est stratégique car la pandémie, et les vaccins particulièrement, ont vu proliférer la désinformation et les polémiques fallacieuses à un degré lui aussi inédit. Jamais, sans doute, le débat public n'a été autant en proie à de fausses informations et à une telle remise en cause de la parole scientifique, au moment où nous en avions le plus besoin. Avec ce rapport, la Cour espère jouer son rôle de tiers de confiance de l'action publique, en rendant une étude impartiale et documentée de cette campagne qui a fait si souvent l'objet de défiance ou d'instrumentalisation partisane. Cette information transparente est d'autant plus importante que la confiance, dans l'action publique et la science, est le déterminant principal de la vaccination et que cette campagne n'est vraisemblablement pas achevée.

À travers ce rapport, la Cour dresse aussi un bilan financier de la vaccination. Nous devons faire le point, précisément au moment où nous sortons du « quoiqu'il en coûte ».

J'en viens maintenant aux trois messages principaux de ce rapport.

D'abord, cette campagne a été menée dans un contexte de contraintes exceptionnelles qui ont entouré les opérations logistiques d'incertitudes majeures, sur l'avenir même de la pandémie comme sur la capacité des vaccins à la combattre.

Ensuite, les pouvoirs publics ont su adapter en continu la stratégie vaccinale et déployer une organisation efficace. Disons-le : ce fut plutôt un succès.

Enfin, cette campagne a globalement atteint ses objectifs, avec cependant des disparités de résultats qu'il faut interroger.

Comme je l'indiquais, bien que les opérations aient été entourées de contraintes et d'incertitudes multiples, la stratégie et l'organisation vaccinales se sont adaptées. Il s'agit d'un succès majeur que notre analyse n'hésite pas à saluer.

La campagne vaccinale contre la covid-19 a commencé quelques mois après le début de la pandémie. Elle a initialement connu des difficultés de logistique et d'organisation. Elle est ensuite rapidement montée en puissance en s'adaptant continûment aux vagues épidémiques successives. À son démarrage, en décembre 2020, elle a été ciblée sur les populations les plus exposées, notamment les résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), puis élargie aux personnes âgées avant d'être progressivement ouverte, jusqu'à l'été 2021, à l'ensemble des adultes et des adolescents à partir de 12 ans.

Les incertitudes sur la disponibilité des doses et les capacités d'acheminement et de conservation du vaccin étaient majeures, ce qui explique une montée en charge par étapes. Concrètement, des freins techniques comme la chaîne du froid pour les vaccins à acide ribonucléique (ARN) messager – qui n'existaient pas jusqu'ici – ont empêché d'utiliser, dans un premier temps, les canaux classiques de la vaccination en ville ; ils ont donc conduit à la solution des centres de vaccination. Ceci dit, le vaccin demeure une prouesse scientifique, réalisée en un temps record pour protéger des formes graves ; sa production et sa distribution sont des succès logistiques tout aussi historiques. On n'ose imaginer ce qu'il en aurait été sans vaccin efficace ou sans réseau de distribution performant. La Cour reconnaît par conséquent les résultats très positifs de cette campagne vaccinale qui a atteint son objectif principal, avec toutefois des disparités à éclaircir et des résultats à renforcer qui font l'objet de nos recommandations.

Premier chiffre : début septembre 2022, près de 80 % de la population française avait reçu le schéma vaccinal initial à deux doses. Ce niveau dépasse celui de plusieurs grands pays comme l'Allemagne, tout en étant moins favorable que celui des pays d'Europe du Sud comme le Portugal ou l'Espagne. Nous supposons cet écart dû la vaccination des enfants de moins de 12 ans, restée optionnelle en France et qui n'y a pas rencontré le même succès que dans ces pays. La question reste néanmoins ouverte à l'heure d'évaluer cette stratégie.

Toutefois, en rapportant le nombre de personnes ayant reçu le schéma vaccinal initial à deux doses à la seule population éligible à la vaccination, c'est-à-dire en prenant pour référence les adultes et adolescents âgés de 12 ans et plus, on atteint 90,6 % de la population qui a reçu deux doses de vaccin, et même un peu plus de 92 % en considérant seulement les personnes majeures. Au surplus, début septembre 2022, au moins 90 % de ces personnes majeures avaient effectué le premier rappel, de sorte qu'environ 83 % des adultes ont reçu les trois injections du schéma vaccinal complet.

Comment expliquer ce succès ? Après les innovations scientifiques et logistiques, il faut noter les innovations qui ont poussé à la vaccination : d'abord le passe sanitaire, qui aurait entraîné, durant l'été 2021, une hausse de 13 points du taux de vaccination selon le Conseil d'analyse économique ; puis le passe vaccinal. En complément, la politique « d'aller-vers » les publics les plus éloignés – c'est-à-dire d'identification des publics prioritaires difficiles à atteindre et de rapprochement des points de vaccination – a élargi le champ de la vaccination à des populations et des territoires qui, autrement, auraient été peu couverts. Cette stratégie gagnerait à être mobilisée dans de nouveaux contextes de l'action publique.

Plus largement, cette campagne doit beaucoup à la mutualisation des achats de doses par l'Union européenne, qui a prévenu surenchères et évictions entre États membres, et partant, des drames humains. La concurrence eût été une mauvaise politique ; la mutualisation est la bonne réponse. Un autre point fort à saluer concerne la transparence et la disponibilité des données publiques de santé. Ce champ a fait l'objet d'une innovation importante qui a autorisé un suivi en temps réel de la pandémie par les citoyens, notamment grâce à des applications d'initiative privée, comme CovidTracker, qui se sont développées à partir de la mise à disposition gratuite des données épidémiologiques. Cette initiative de mise à disposition et de traitement des données pourra servir à l'analyse d'autres politiques publiques à venir.

Pour autant, il faut identifier les limites de cette campagne, pour l'essentiel de deux ordres : des disparités marquées et des rappels vaccinaux en nombre insuffisant.

Parmi les adultes et les adolescents, les taux de vaccination sont hétérogènes en fonction des territoires et des conditions sociales. Particulièrement vulnérable et à ce titre public privilégié de la stratégie vaccinale, la population âgée de 80 ans et plus est, paradoxalement, moins vaccinée que les autres majeurs (89 % pour le schéma initial contre 92 %). L'écart se creuse à mesure que l'âge s'élève. Cela traduit sans doute des phénomènes d'isolement, une mobilité réduite ou la difficulté à prendre un rendez-vous en ligne, ce qui justifierait une intervention accrue des infirmiers libéraux au domicile des patients – encore faut-il qu'ils soient disponibles. De même, la vaccination des personnes dont les pathologies augmentent les risques de formes sévères de covid-19 a paradoxalement connu des lacunes alors que ces patients bénéficient d'un suivi médical périodique.

Concernant les disparités territoriales, la vaccination est particulièrement faible dans certaines collectivités d'outre-mer avec respectivement 39,6 %, 45,2 % et 46,3 % de la population adulte de Guyane, de Guadeloupe et de Martinique. Les variations géographiques recoupent souvent une problématique plus générale de défiance vis-à-vis de l'action publique, tendance qui renforce la raison d'être de nos travaux, d'autant que cela concerne surtout les classes d'âges les plus jeunes.

Par ailleurs, les derniers élargissements de la vaccination n'ont pas toujours ou pas encore trouvé leur public. C'est le cas de la vaccination des enfants, mais surtout celui de la quatrième dose – soit la seconde dose de rappel. En effet, le deuxième rappel a été proposé le 14 mars 2022 aux personnes de 80 ans et plus, puis ouvert aux 60 ans et plus au 7 avril. Pourtant, le taux de vaccination en deuxième rappel des 60 ans et plus n'était que de 41,5 % au 2 janvier 2023. Dans un contexte de reprise épidémique, ce n'est pas suffisant.

Enfin, quel bilan tirer pour les finances publiques ? À première vue, le coût supporté par l'assurance maladie au titre de la vaccination en France est résolument élevé : 7,6 milliards d'euros cumulés entre 2020 et 2022 et 0,9 milliard d'euros consacrés à la solidarité internationale puisque 85 millions de doses environ ont été livrées à travers le mécanisme Covax et des accords bilatéraux. Même si ces chiffres sont élevés, il convient d'en relativiser le montant. D'une part, le montant total en cause représente environ 15 % de l'ensemble des dépenses d'assurance maladie directement imputables à la crise sanitaire, soit approximativement 48 milliards d'euros constatés au titre de 2020 et 2021 ou prévus au titre de 2022. D'autre part, la montée en charge de la vaccination a autorisé les pouvoirs publics à moins recourir à des mesures très coûteuses de restriction de l'activité économique – je pense aux pertes de recettes et aux aides aux entreprises et aux ménages.

Ces éléments ont amené la Cour à formuler une série de recommandations.

Tout d'abord, compte tenu de leur regroupement dans des lieux de vie collectifs et de leur vulnérabilité, les résidents en Ehpad doivent être un public privilégié de toute campagne de vaccination. Ces établissements, nombreux et disséminés sur le territoire, doivent faire l'objet de circuits d'approvisionnement dérogatoires, c'est-à-dire à la fois prioritaires et sécurisés. De même, les actions de prévention doivent être renforcées envers les patients souffrant de pathologies particulières. C'est vers les plus vulnérables qu'il convient d'abord de se tourner.

En outre, la gouvernance de gestion de crise pourrait être améliorée en prévision de nouvelles pandémies. Pour définir la politique vaccinale, le Gouvernement s'est appuyé sur la Haute Autorité de santé (HAS) mais aussi, au motif de l'urgence, sur d'autres instances spécifiquement créées. Il convient de clarifier les procédures pour que la HAS puisse exercer l'ensemble de ses missions de recommandation, de conseil et d'avis relatives à la vaccination dans des contextes d'urgence, en valorisant l'expérience acquise.

Il faut ensuite veiller à maintenir le vivier de vaccinateurs pour renforcer notre capacité d'anticipation. Un peu plus de 128 000 professionnels de santé, étudiants en médecine et médecins retraités ont été mobilisés dans les centres de vaccination. Ils constituent une réserve qui pourrait être à nouveau sollicitée dans le futur, et nous avons constaté ne guère pouvoir nous passer de ces forces vives en cas d'urgence. Ne les perdons pas de vue : c'est fondamental.

Il semble aussi que la démarche « d'aller-vers », qui a fait ses preuves, et la publication des données de vaccination anonymisées et adaptées à un usage simplifié et intuitif pour l'usager pourraient être renforcées et améliorées pour d'autres pathologies.

Voici les recommandations principales que formule la Cour, à l'appui de constats objectivés, afin de dresser le bilan de cette campagne vaccinale inédite, de prolonger ses succès et de construire notre résilience future. J'espère que vous partagerez ma conviction que ce rapport inédit témoigne de l'apport de la Cour au débat public, et de son éclairage impartial et réactif sur les questions stratégiques. L'enseignement français est que la réactivité a été plus forte que l'anticipation, ce qui peut expliquer des retards à l'allumage largement compensés par une forte capacité d'adaptation. Nous avons incontestablement démarré plus lentement que l'Allemagne, en raison des difficultés évoquées, mais notre situation actuelle est indéniablement meilleure. L'idée n'est pas d'en tirer satisfaction, mais de travailler sur notre point faible – l'anticipation.

Sur un sujet propice à la désinformation, cette enquête se veut rigoureuse et objective. Elle pointer de manière neutre nos succès comme nos limites. En cela, elle sert l'information du citoyen comme des pouvoirs publics. Ensuite, et j'en suis particulièrement soucieux comme premier président, nous présentons des recommandations opérationnelles et précises, qui font sens dans ce contexte de reprise épidémique, mais aussi face à d'éventuelles crises à venir que nous savons devoir mieux anticiper. Nous ignorons quand cela se reproduira mais nous serons de nouveau amenés à affronter des situations de ce type.

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Merci pour cette présentation riche et ces recommandations. Nous passons aux questions des orateurs de groupe.

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Monsieur le premier président, j'ai récemment lu, dans une préface de votre plume, que vous aspiriez à ce que la Cour des comptes devienne « espiègle et originale ». Vous me permettrez de faire miens ces deux adjectifs et de les retenir comme vœux pour la belle institution que vous présidez.

Les membres de la commission des affaires sociales n'ignorent rien de ce qu'ont été et de ce que sont encore les difficultés du système de santé. Malgré cela, les conclusions que vous présentez montrent que, au-delà des disparités d'âge et de géographie, il s'est montré réactif, adaptable et globalement souple, permettant à la France d'atteindre rapidement un taux de couverture vaccinale parmi les meilleurs en Europe, en tout cas d'un niveau suffisant pour assurer la sécurité sanitaire des Français.

Ma première question sera brève. Vous évoquez à plusieurs reprises une concurrence entre les comités ad hoc créés à l'occasion de la crise et la HAS. Préconiseriez-vous que ce type de comités soit de nouveau créé si une autre crise venait à surgir ?

Ma seconde question porte sur un point absent du rapport, le coût de fonctionnement des centres de vaccination et le reste à charge pour les collectivités désignées pour les faire fonctionner par les agences régionales de santé et les préfets. Il s'agit de charges budgétaires lourdes, qui n'ont pas fait l'objet d'une indemnisation à due concurrence par les services de l'État. C'est un point sur lequel une information serait peut-être souhaitable.

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C'est avec intérêt que nous prenons connaissance de ce rapport qui, globalement, décerne un satisfecit à l'action du Gouvernement et de la Commission européenne. Vous nous permettrez de ne pas être surpris.

Votre rapport induit que la mutualisation des achats de vaccins au niveau européen aurait été source de gain financier. A-t-on une estimation de ce gain ? Dans un contexte d'urgence, pensez-vous que privilégier le prix, comme l'a fait l'Union européenne, est la bonne stratégie au risque, dans un premier temps, de livraisons honorées, comme nous l'avons constaté, à un rythme plus lent ?

Le rapport regrette l'insuffisante prise de risque des pouvoirs publics pour accélérer le développement d'une solution vaccinale française et le manque de financements publics dans ce but. Comme vous, sans doute, nous le regrettons. En matière de santé, plus l'on délocalise, plus l'on prend de risques, comme nous le constatons avec la pénurie de médicaments.

Je relève, page 81 : « Une autre étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et de la statistique (Drees) sur les formes sévères de la covid-19 a montré que les risques d'hospitalisation diminuaient quand le niveau de vie augmentait. » Cela nous rappelle utilement combien les premiers frappés par la ruine de notre système de santé sont les plus pauvres. Il est regrettable que le Gouvernement ne se mobilise pas davantage pour les plus précaires.

Enfin, page 90, il est fait mention des dépenses pour la vaccination en 2021 et 2022, ainsi que de celles inscrites en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Comment expliquez-vous que le budget de vaccination soit divisé par 7,6 en trois ans alors que nous sommes toujours en phase épidémique ?

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Je me réjouis que ce rapport, aux recommandations conformes aux propositions de La France insoumise, montre que seuls la planification et le renforcement des services publics permettent une stratégie de prévention claire et transparente, ainsi qu'une meilleure anticipation des besoins des Français. Transparence et clarté, c'est précisément ce qui a manqué au Gouvernement durant cette crise, comme en témoigne le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) remis au Gouvernement en novembre 2020, et dont les conclusions ont été publiées dans la presse ces derniers jours : gestion de crise chaotique teintée d'amateurisme et d'imprévoyance d'un Gouvernement aux abois ; absence de communication entre la cellule de crise interministérielle et Santé publique France ; pilotage flou et absurde (vingt-cinq organigrammes successifs en trois mois). Les conséquences, nous les connaissons : pénurie de masques pour les soignants et absence de contrôle démocratique des décisions. « Gouverner, c'est prévoir », disait Adolphe Thiers. Le Gouvernement a laissé la maxime ; il a retenu l'autoritarisme.

Cette gestion brouillonne a pourtant fait des gagnants : les fameux cabinets de conseil. Malgré tout, le rapport de la Cour des comptes ne mentionne jamais le recours à leurs services pour la campagne de vaccination. Cette absence est justifiée par un rapport spécifique sur les recours par l'État aux cabinets de conseil privés qui doit être achevé au premier semestre 2023. Or, passer sur le rôle spécifique de ces cabinets dans la gestion de la crise me semble une erreur. En effet, le ministère de la santé avait chargé McKinsey de définir un schéma global opérationnel de vaccination ainsi que les modalités de suivi de la campagne et des personnes vaccinées. Ce ne sont donc pas des conseils techniques, mais des arbitrages stratégiques qui ont été confiés aux cabinets privés. Pourquoi ne pas avoir analysé leur place dans le processus de décision ?

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Une fois de plus, vous rendez un rapport de qualité aidera dans le pilotage des crises qui, un jour ou l'autre, ne manqueront pas de survenir. Ma première question porte sur les disparités territoriales. Les deux départements voisins du Cantal et de la Lozère ne présentent pas du tout la même couverture vaccinale ; celle du Cantal est nettement meilleure. Il serait intéressant de savoir quel fut le modèle organisationnel le plus efficace. Dans mon département d'Eure-et-Loir, l'organisation vaccinale était différente d'un endroit à un autre, des collectivités étant en pointe à certains endroits et l'hôpital – donc une structure publique – l'étant en d'autres endroits. Nous avons vu des habitants de métropole venir dans les territoires ruraux.

Ma deuxième question concerne la population des plus de 60 ans, dont 41 % ont effectué leur second rappel. La Cour a-t-elle des préconisations particulières à soumettre pour que nous tirions des conséquences de la crise, en particulier dans le contexte actuel de pandémie de grippe et de bronchiolite aux conséquences hospitalières que l'on connaît ? Comment être encore plus efficace à l'avenir ? Comme vous l'indiquiez, nous avons su nous montrer réactifs et l'assurance maladie a su aller beaucoup plus vite que d'habitude.

Enfin, ma troisième question porte sur le vivier de vaccinateurs. La notion de délégation de tâches s'est épanouie en quelques secondes. Ce qui était impossible en vingt ans l'est devenu en quelques jours. Ne croyez-vous pas que nous pourrions en tirer conséquence pour la suite ? Cela rejoint d'ailleurs ma question précédente : dans le contexte actuel de pandémie de grippe, ce ne sont malheureusement que les médecins et pharmaciens qui vaccinent. Les autres ont été oubliés.

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Ce rapport est passionnant et sa lecture utile à bien des égards. J'y ai vu des éléments documentés, notamment sur certains dysfonctionnements. Je mettrai volontairement de côté les remarques positives pour m'arrêter sur ce qui fonctionne moins bien.

Mon premier point concerne la politique d'achat. L'État fédéral américain a investi dans des laboratoires et a préfinancé les acquisitions futures des nouveaux vaccins. De son côté, l'Union européenne a adopté une stratégie par précommandes en versant une avance pour préempter des achats futurs. Nous avons pu constater les difficultés de l'absence d'homogénéisation.

Mon collègue a mentionné vos remarques très justes sur la multiplicité des organismes de pilotage : Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, Conseil scientifique, HAS. Vous évoquez une défiance vis-à-vis de l'appareil administratif. En effet, alors que la campagne de vaccination s'organisait, la mise en place de la Task Force vaccinale a pu générer un sentiment de mise à l'écart pour les administrations centrales – direction générale de la santé, direction générale de l'offre de soins – et les autres opérateurs de santé.

Vous plaidez à juste titre pour la stratégie « d'aller-vers ». Mais vous oubliez de mentionner le rôle des centres communaux d'actions sociale dans le repérage des personnes fragiles et isolées. Je pense que ceux-ci devraient être mis au cœur de ces politiques « d'aller-vers ». Nous avons constaté que les maires s'étaient montrés agiles dans la gestion de la crise et la mise en place des vaccinodromes, et cela me paraît essentiel.

Enfin, dans son rapport annuel de 2018, jusqu'ici le dernier à traiter de vaccination, la Cour des comptes formulait une proposition que je souhaiterais voir remise sur la table, à savoir rétablir l'obligation vaccinale des soignants contre la grippe. Deux lois l'ont prévue en 2005 et en 2016, mais les décrets d'application ont été suspendus. Je pense que nous aurions échappé à bien des déboires dans ce que l'on vit aujourd'hui si cette disposition avait été mise en œuvre et si la recommandation de la Cour avait été suivie.

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Je souhaite me concentrer sur la dimension européenne de la stratégie de vaccination. Comme vous le soulignez, la mutualisation des achats a finalement été un atout déterminant. Pour valoriser cette approche, la France a joué un rôle premier afin d'amener l'ensemble des États-membres vers cette stratégie. L'on se souvient notamment du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité au terme duquel le Président de la République avait mis en avant la nécessité de poursuivre cette réflexion autour d'une stratégie commune européenne. Une réponse à ce niveau était effectivement nécessaire parce que juste et solidaire : juste parce qu'il serait intolérable que les habitants du continent ne bénéficient pas des mêmes conditions d'accès aux vaccins et aux traitements, solidaire parce que le virus ne connaît pas de frontière et que les stratégies nationales seraient vaines.

Néanmoins, avec le recul, ne pourrait-on déplorer une impréparation de l'Union européenne ? Nous pourrions certes la comprendre puisque notre continent avait jusqu'ici été moins frappé par des pandémies que d'autres, notamment l'Asie. Dans ce contexte, comment verriez-vous l'affirmation et la définition d'une stratégie résolument européenne de lutte contre les pandémies ? Vous qui connaissez les arcanes de l'Europe, comment parvenir à faire prendre conscience aux Vingt-Sept qu'il devient urgent d'anticiper ensemble ?

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Ce rapport a le mérite d'objectiver la stratégie vaccinale de lutte contre la covid-19 déployée par la France. Il souligne l'adhésion d'une part importante de la population au schéma vaccinal initial délivré entre décembre 2021 et septembre 2022. Les chiffres parlent de 79 % de la population française, soit 90,6 % de la population éligible à la vaccination. Toutefois, ils ne doivent pas cacher l'intensité de rejet de la minorité opposée à la vaccination, avec toutes les questions que posent les stratégies de gestion et d'exclusion de la sphère publique de ces personnes et leurs conséquences en termes de cohésion sociale. Nous pensons à l'épineuse question du personnel soignant non vacciné, pourtant majoritairement mobilisé au plus fort de la pandémie. Figé dans une espèce de vide juridique, ce personnel n'a toujours pas été réintégré alors même que les bras manquent cruellement dans les hôpitaux et ailleurs.

Le rapport souligne également la moindre vaccination des 80 ans et plus alors que cette population particulièrement vulnérable était la cible privilégiée de la stratégie vaccinale. Si la communication gouvernementale a largement ciblé les populations jeunes, parfois en les culpabilisant sur leur responsabilité vis-à-vis de la progression de l'épidémie, nous notons là un échec important. Quelles sont les pistes pour progresser sur cette accessibilité ? Dans la continuité de cette observation, la modestie des chiffres des derniers élargissements de la vaccination de rappel pour les 60 ans et plus interroge fortement, autant sur la question de l'accessibilité que sur celle de l'adhésion à des injections régulières sur le modèle de la vaccination contre la grippe.

Enfin, nous partageons la nécessité soulignée dans le rapport de clarifier les procédures pour permettre à la HAS d'exercer l'ensemble de ces missions relatives à la vaccination dans des contextes d'urgence, en s'appuyant sur l'expérience acquise durant la crise et en travaillant à améliorer la dimension démocratique.

Je conclurai par plusieurs questions. Comment expliquez-vous le mauvais fonctionnement de la campagne outre-mer ? Pourquoi ne pas avoir dès le début mobilisé l'ensemble des forces médicales et paramédicales ? L'approvisionnement en vaccins aurait-il été mieux garanti si les laboratoires français avaient pu développer leur propre formule ? Enfin, pourquoi s'être tant appuyé sur Doctolib, une entreprise privée ?

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Monsieur le premier président, je vous laisse répondre à ce premier tour de questions.

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

Je plaide effectivement pour une Cour des comptes originale et espiègle. Ce rapport est certainement original et inédit, mais pas nécessairement espiègle, sans doute parce que le sujet s'y prête assez mal.

Plusieurs questions portent sur les différents comités créés à l'occasion de la crise. J'y perçois, en corollaire, la problématique générale des relations entre science et décision politique. Autant il n'est pas tolérable que les scientifiques dirigent à la place des politiques, autant une bonne décision politique ne peut être prise, surtout dans de tels domaines, sans s'appuyer sur des connaissances scientifiques solides. Rappelons qu'il s'agit d'une crise inédite et que nous avons avancé chemin faisant, face à des défis auxquels personne n'avait jusqu'ici été confronté, avec à la fois des institutions qui existaient déjà – la HAS – et des institutions ad hoc – le Conseil scientifique auquel a depuis succédé le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars). De ce point de vue, nous ne préconisons pas la création de nouveaux comités. Nous pensons d'abord nécessaire de faire jouer son rôle au Covars et de renforcer le rôle de la HAS, pilier de cette relation entre science et politique, qui doit pouvoir exercer la totalité de ses prérogatives.

Nous n'avons pas regardé de près le reste à charge pour les collectivités locales. Le ministère ne l'a pas non plus évalué. Nous savons toutefois que le coût de fonctionnement des centres a été établi à près de 400 millions d'euros.

Contrairement à ce que j'ai entendu, le rapport de la Cour ne vise pas à donner un satisfecit à une instance politique. J'espère néanmoins que ces propos ne visaient pas non plus à refuser ce satisfecit. Nous devons mesurer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Mettre en avant les résultats de cette campagne est dans l'intérêt commun.

Je m'écarterai quelque peu du rapport pour approfondir le sujet de la mutualisation par l'Union européenne. Elle a permis d'éviter ce qui eût été un dégât considérable, la concurrence entre États européens pour l'achat des vaccins, qui se serait avérée destructrice en termes de coûts, de prix et de couverture. Globalement, la France affiche une performance plutôt au-dessus de la moyenne. Dans le même temps, l'Union européenne enregistre une performance très supérieure à d'autres régions du globe, qui se traduit par une moindre perte d'espérance de vie. De ce point de vue, on peut considérer qu'il y a trop d'Europe ou pas assez. Au risque de sortir de mon rôle et sur la base de mes précédentes expériences, je pense la mutualisation plutôt une bonne décision. En revanche, il est exact que l'Europe n'a pas adopté de politique comparable à l'opération Warp Speed, qui a offert aux États-Unis de déployer rapidement des vaccins. À cet égard, l'absence de vaccin français doit interpeller pour le pays de Pasteur. Cela implique de créer une politique de santé européenne, même si ces propos n'engagent que moi.

Par ailleurs, cela renvoie à des questions nationales pas directement liées à la stratégie de vaccination, mais plutôt au fonctionnement de notre politique d'innovation et de recherche, sur lequel la Cour a produit d'autres rapports. Dans ce domaine, nous avons eu l'occasion de souligner que l'absence de vaccin français n'était, hélas, pas un hasard total. L'insuffisance des crédits en matière de recherche et d'innovation, la dispersion des financements, ne constituent pas une bonne politique publique. Il est regrettable que notre pays soit le seul, parmi les grands États occidentaux, à ne pas avoir été capable de produire un vaccin. Nous devons en tirer des conséquences, non pas au titre de la campagne de vaccination, mais de notre système d'innovation et de recherche. Si l'on doit investir dans un domaine dans notre pays, c'est celui-ci.

La division par sept du budget de vaccination, alors que la pandémie continue, est également source d'interrogations. Il existe une possibilité de sous-estimation pour l'exercice 2023, que la Cour a eu l'occasion de souligner et critiquer lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et que le Haut Conseil des finances publiques – que je préside également – a aussi relevée. C'est l'un des facteurs qui pourrait expliquer un certain nombre de dépassements en matière de finances publiques. Actuellement, la situation demeure maîtrisée puisque la maladie semble en sourdine. En revanche, en cas d'éventuel nouveau variant, il aurait été plus prudent de prévoir une enveloppe budgétaire plus importante. Dans le sens inverse, il reste encore des stocks de vaccins de 2022. Ce dossier devra être suivi de manière étroite et sérieuse.

Au sujet des cabinets de conseil, nous avons exploré, dans d'autres rapports, ce qu'ils avaient pu faire ou ne pas faire. Je vous invite donc à faire preuve de patience. Suite à ma prise de fonction, j'ai lancé une plateforme citoyenne qui a recueilli un certain nombre de propositions. Six rapports d'initiative citoyenne ont été élaborés, dont un rapport d'ensemble sur les recours aux cabinets de conseil privés dans l'administration. Il devrait être disponible à la fin du premier semestre, et j'aurai alors l'occasion de revenir devant vous. Je rappelle que la Cour fut la première, en 2014, à lever ce lièvre. Depuis, les dépenses consacrées aux cabinets privés ont quasiment décuplé. Nous avons souhaité revenir sur ce sujet pour y apporter un regard aussi objectif que possible, sachant la question passionnelle et importante. Nous n'avons nullement l'intention de cacher quoi que ce soit, mais bien d'adopter une approche globale.

Nous devons impérativement tirer les leçons de cette crise en perspective de prochaines épidémies. La délégation de tâches des médecins vers d'autres professionnels de santé s'avère indispensable, tout comme la stratégie « d'aller-vers » à l'égard des personnes âgées à domicile. Comme mentionné tout à l'heure, ce sont assurément les plus vulnérables qui doivent être pris en compte. Je citais les personnes âgées, les résidents d'Ehpad, les personnes atteintes de maladies handicapantes. Cela suppose d'adopter une stratégie forte de prévention.

À propos de la délégation des tâches, il est impératif de convaincre les médecins de ville d'accepter que d'autres professions – pharmaciens, infirmiers – vaccinent ou puissent même exécuter, dans ce type de circonstances, des actes médicaux. Nous connaissons l'origine du blocage. Pour prévenir toute polémique, je m'abstiendrai de nommer les suspects habituels.

L'importance des centres communaux d'action sociale dans la politique d'« aller-vers » est tout à fait indéniable. Je pense également qu'ils doivent être davantage sollicités.

L'obligation vaccinale pour les soignants a été préconisée dans de précédents rapports de la Cour. Nous aurons l'occasion d'y revenir puisque je suis convaincu que ces recommandations devraient être mises en œuvre. Vous me permettrez néanmoins de rappeler que c'est le rôle du Parlement et du Gouvernement, non celui de la Cour.

S'agissant d'outre-mer, qui est une question en soi, j'évoquais le facteur global de la perte de confiance dans l'action publique, notamment chez les plus jeunes. Il s'agit toutefois d'un élément que nous n'avons pas traité.

Nous pouvons naturellement regretter qu'un vaccin français n'ait pas été développé. Cela dit, le vaccin élaboré par Sanofi/GSK a reçu une autorisation de mise sur le marché en novembre 2022. Il a uniquement été approuvé pour une vaccination de rappel des adultes, avec une efficacité comparable au vaccin Pfizer selon l'Agence européenne des médicaments. Le passage de commandes doit prendre en compte l'intérêt scientifique de ce vaccin, mais aussi les prévisions de stocks telles qu'elles résultent des livraisons déjà effectuées par d'autres fournisseurs.

Enfin, Doctolib a été un instrument de gestion des rendez-vous pour gérer au plus près les allocations de doses. Je ne veux pas avoir d'approche idéologique sur ce sujet. Le service public a joué un rôle déterminant dans le pilotage de cette opération ; le secteur privé a parfois tenu un rôle positif, notamment en matière de données. Nous ne nous sommes pas étendus sur Doctolib, mais nous parlons de CovidTracker, développé par le privé à partir de données publiques. Ce qui compte, c'est l'articulation entre public et privé, mais il est vrai que nous n'avons pas insisté sur ce sujet.

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Nous pouvons à présent ouvrir le second tour de questions.

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Nous vous remercions pour ce rapport bien documenté et stratégique à divers titres, qui donnera une vision globale des enseignements à tirer de la situation passée et des évolutions apportées à notre système de santé.

Cette période que nous avons collectivement surmontée est, je l'espère, derrière nous. Néanmoins, compte tenu de la situation internationale et notamment eu égard à la reprise dynamique des contaminations en Chine, je me demande s'il ne conviendrait pas d'approvisionner les zones de reprise épidémique en vaccins adaptés aux variants. L'Union européenne a tendu la main aux autorités chinoises. Devons-nous aller plus loin pour envisager des dons ?

Parmi vos recommandations, celles relatives aux opérations « d'aller vers » les populations non vaccinées ou éloignées de la prévention ou du soin sont essentielles. Comment mieux organiser cet « aller-vers » et mieux anticiper l'identification pour mobiliser les vaccinateurs ? Ces vaccinateurs, dont la diversité a été importante, le coût conséquent, l'efficacité mesurée, sont peu « allés vers ». Nous avons eu du mal à impliquer les libéraux, notamment les infirmiers libéraux, pour se rendre au plus près des patients.

Votre rapport mentionne une faible vaccination des enfants, pourtant ouverte depuis décembre 2021. Moins de 5 % des 5-11 ans ont reçu un schéma complet. Le rapport titre « L'échec de la vaccination des enfants », marquant notre singularité par rapport à nos voisins présentant des taux élevés : l'Espagne et le Portugal (50 %), l'Italie (33 %), la Belgique. Quels sont les facteurs qui expliquent ce taux particulièrement bas ?

Enfin, vous n'abordez pas les stocks de vaccins. La Cour explore-t-elle la question des stocks actuels, doses dont la durée de validité est limitée dans le temps, et leurs modalités de conservation ? Envisage-t-on des dons ou des ventes à prix réduit à d'autres pays ?

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Mes questions portent sur les difficultés persistantes à vacciner certaines personnes. Votre rapport met en lumière une plus faible vaccination des personnes âgées de plus de 80 ans, mais également des 5-11 ans, ainsi que des disparités entre territoires. J'ai notamment lu que les Hautes-Alpes n'étaient qu'à 30 % sur votre carte et je souhaiterais obtenir des explications sur ce faible taux. Pour les personnes âgées, vous rappelez à juste titre que ce bas taux de vaccination est lié à leur isolement, mais également à leur mobilité, pénible voire impossible parfois, et à des difficultés à prendre rendez-vous en ligne.

Je m'interroge sur la situation des personnes en situation de handicap, qui elles aussi connaissent des entraves à leur mobilité. Elles ne sont pas toutes prises en charge par les services médicosociaux. Pour celles qui vivent à domicile, la vaccination peut être une véritable épreuve. Avez-vous des données sur leur accès à la vaccination ?

Enfin, parmi les recommandations du rapport, vous mentionnez celle du vivier de vaccinateurs à mobiliser afin de cibler les interventions selon les populations à atteindre. Préconiseriez-vous une spécificité pour la vaccination des personnes souffrant de troubles du comportement, pour qui la vaccination est très difficile ?

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Je souhaite revenir sur la disparité territoriale dont vous soulignez qu'elle augmente à mesure que la tranche d'âge diminue. En effet, bien que nous puissions nous enorgueillir d'une campagne nationale plutôt réussie, il apparaît nécessaire de corriger cet aspect en cas de nouvelle épidémie d'ampleur, dans une logique de prévention. La disparité territoriale est aussi particulièrement patente dans les collectivités d'outre-mer où, parfois, le taux de personnes vaccinées est extrêmement faible – 40 % en Guyane. Plusieurs pistes sont avancées. Les paliers d'autorisation successive en fonction de l'âge et des situations de comorbidité pourraient être en cause. En effet, ces temps d'attente parfois longs et inquiétants ont pu entraîner une forme de lassitude. Par ailleurs, alors que la nouvelle dose de rappel est ouverte à tous, peu de personnes se rendent à la vaccination. Jugez-vous opportun de mettre fin à ces paliers et d'ouvrir directement les vaccins à toute la population pour de prochaines campagnes ? Comment expliquer cette disparité outre-mer ?

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Je remercie la Cour pour sa présentation et la qualité de ce rapport. Ma question portera sur les données de santé qui se sont révélées indispensables grâce à leur collecte, leur traitement et leur usage, et ceci à titre dérogatoire. Vous reconnaissez vous-même que les analyses quantitatives de la Cour ont été facilitées par l'accessibilité de ces données. La crise sanitaire fut riche en enseignements et nous savons désormais que la centralisation et l'analyse des données de santé permettent de mieux observer et d'améliorer le système de santé. Celles-ci ont rendu possible la surveillance épidémiologique durant la crise, le déploiement de la campagne de vaccination avec une belle envergure et la conduite d'actions vers les publics les plus éloignés de la prévention et du soin.

En France, nous sommes particulièrement en retard sur ces questions. J'ai pu constater que le Danemark était en capacité, grâce à une collecte des données de haute qualité, de dresser l'espérance de vie ou le taux d'obésité des habitants par quartier, ce qui ouvre la perspective d'actions ciblées au plus proche du citoyen. Je partage vos recommandations sur la nécessité de renforcer l'accessibilité et la transparence de ces données. Nous pourrions aller encore plus loin dans leur analyse et leur usage, au bénéfice de notre système de santé et des approches diagnostiques thérapeutiques, pour les actions de prévention et pour la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Jusqu'où avancer dans cette voie ? Jusqu'à une analyse par quartier, comme cela a pu se faire dans le cas de la crise de la covid-19 ? Une approche populationnelle de la santé est-elle possible en France ?

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Je vous remercie pour ce rapport. Le début de la vaccination a mis en lumière des dysfonctionnements que l'on peut attribuer à la difficile coopération entre les secteurs médical et médicosocial. Votre rapport évoque-t-il cette problématique ?

Au-delà de la disparité entre le nord-est et le sud-ouest que vous avez mentionnée, un travail universitaire mené en Occitanie a mis en évidence une forte et nette disparité quant au nombre de personnes vaccinées entre le milieu urbain et le milieu rural. Avez-vous effectué cette même constatation ?

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Permettez-moi de saluer la grande qualité du rapport. Malgré la réussite d'ensemble dont vous dressez le tableau, la Cour constate que la campagne a connu des disparités sociales, géographiques et en termes d'âge. Je tiens à attirer votre attention sur des alertes que m'ont relayées des spécialistes périnataux concernant le retard dans la vaccination des femmes enceintes. Lors de l'épidémie de variole du singe, ces mêmes spécialistes demandaient d'ailleurs que les femmes enceintes soient traitées en publics prioritaires. Comme vous l'avez signalé, nous devons tirer tous les enseignements de cette campagne de vaccination contre la covid-19. Quelles sont vos recommandations pour ces populations qui sont, en général, parmi les populations les plus prioritaires ?

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Je vous remercie de ce travail dont la partie informative est particulièrement utile. Je vous remercie également de rappeler l'histoire en rappelant que la vaccination a d'abord débuté dans les centres parce que nous étions confrontés à des problèmes de réfrigérateurs et de chaîne du froid. Il est important de le rappeler car nous avons parfois tendance à quelque peu réécrire l'histoire.

Ma première question concerne les limites de la campagne. Vous en mentionnez deux : la moindre vaccination des personnes âgées en lien avec le vieillissement, l'isolement et le difficile accès à Internet ; la difficulté à effectuer le quatrième rappel. Au-delà des explications précitées, ne pensez-vous pas qu'il s'est progressivement créé une forme de lassitude ou d'accoutumance chez les personnes âgées, qui ont pu considérer avoir fait assez après les premières doses ? Nous avons constaté ce phénomène cet hiver avec le vaccin contre la grippe, pour lequel une déficience importante a été enregistrée chez cette même population. Nous avons également vu, à la faveur de la reprise de l'épidémie en Chine, que la vaccination y avait aussi diminué chez les personnes âgées. Il me semble donc qu'il existe un problème d'échappement lié à cette forme d'usure.

Ma seconde question porte sur le démarrage difficile de la campagne. Est-ce vraiment dû à des difficultés d'anticipation ? Je me souviens surtout de l'état d'esprit qui animait notre pays en décembre 2020, lorsque le complotisme et la désinformation notamment portée par les extrêmes était à son paroxysme. Les Français se montraient relativement méfiants, avant que la confiance ne finisse par revenir. Le retard à l'allumage ne serait alors pas seulement lié à un défaut d'anticipation, mais à une difficile adhésion de la population. Je souhaiterais entendre votre avis.

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Je souhaite aborder la question de l'approvisionnement des Ehpad en produits de santé dont la disponibilité est vulnérable aux situations de crise. Le caractère spécifique de ces établissements, des lieux de vie collectifs avec une population âgée, nécessite qu'ils soient fournis de façon efficace et rapide pendant une crise sanitaire. Votre rapport expose les différents flux mobilisés pour cela. Je comprends qu'un mode d'approvisionnement particulier a été mis en place pour les structures dépourvues de pharmacie à usage intérieur, obligées de s'approvisionner par des pharmacies d'officine. Si ces types de flux ont fonctionné, vous identifiez des difficultés qui se traduisent par un manque d'outils de localisation des officines et un manque d'informations sur ces pharmacies.

Suite à ce constat, quelles pistes d'amélioration et d'anticipation tracez-vous afin d'assurer un fonctionnement adapté et efficace de ces flux dérogatoires ? Quid des outils qui permettraient le recueil en amont des informations nécessaires à leur mise en œuvre ?

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Nous avons en France, en 2022, de moins en moins de professionnels aptes à vacciner la population. Le manque de moyens est visible. Les métiers essentiels au bon fonctionnement de nos centres de santé sont de plus en plus en difficulté. Pensez-vous les moyens débloqués par l'État suffisants face à une nouvelle crise ?

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

Gardons-nous de toute uchronie. Il est facile de relire a posteriori une crise inédite qui nous a pétrifiés, nous a plongés dans un état de sidération et nous a mis dans une situation digne de la science-fiction. Le mois de mars 2020 restera, dans nos mémoires, quelque chose d'insensé. Regarder cette période avec les lunettes d'aujourd'hui s'avère finalement plus rassurant puisque nous avons justement enregistré tous ces progrès. Dans le fond, il n'est pas anormal d'avoir connu une période de tâtonnements, des échecs et des dysfonctionnements. Ce qui est regrettable, c'est le déficit d'anticipation. Nous devons tirer les leçons de ce qu'il s'est passé à ce moment et être capables, pour le futur, de mieux anticiper.

Nous devons aussi éviter tout excès d'optimisme. Il serait faux de croire que la crise est dernière nous. De nombreuses incertitudes subsistent et, même si les scientifiques se montrent plutôt rassurants, nous devons suivre de près la situation en Chine. De nouveaux variants perturbant l'immunité largement acquise, grâce à la vaccination, de la population française, ne sont pas impossibles. Évitons donc à la fois une lecture exagérément sévère du passé et tout excès d'optimisme pour le futur !

Comment développer davantage « l'aller-vers » ? Je pense que la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) s'est fortement mobilisée et qu'elle a acquis un savoir-faire qu'il conviendra de réutiliser à l'avenir.

Concernant l'échec de la vaccination des enfants, plusieurs raisons peuvent être avancées. D'abord, l'élargissement de la vaccination aux plus jeunes a été opéré longtemps après le début de la campagne pour le reste de la population, renforçant le sentiment que c'était moins urgent ou moins important. L'argument selon lequel la vaccination aurait empêché les contaminations aurait pu jouer, mais il a été fragilisé par Omicron, contagieux même pour les personnes vaccinées et donc aussi pour les enfants. La communication scientifique n'a pas été aussi tranchée et forte sur la vaccination des enfants qu'elle ne l'avait été sur d'autres tranches d'âge. Par ailleurs, la période d'éligibilité – début d'année 2022 – n'a pas été propice puisque nous assistions alors à la levée régulière des mesures restrictives, jusqu'à la fin du passe vaccinal en mars 2022. Enfin, la communication en début de crise, qui indiquait que les enfants étaient peu concernés, n'a pas contribué à ce que leurs parents se décident à les faire vacciner. C'est d'ailleurs un phénomène que nous retrouvons pour de nombreux autres vaccins, et je pense ici à la question de la vaccination obligatoire. Voici donc les quelques facteurs d'explication que nous avons pu mettre en avant.

Je conviens que nous devons mieux organiser « l'aller-vers ». Durant la crise, la diffusion des listes de pathologies de l'assurance maladie aux médecins a permis de multiplier les contacts avec les patients. Je pense que la place des infirmiers doit être fortement renforcée.

Il est encore trop tôt pour porter une appréciation sur le niveau des stocks de vaccins. C'est un sujet que la Cour sera sans doute amenée à examiner dans le futur, dans un ou deux ans maximum.

Pour ce qui est de l'accès des personnes vulnérables à la vaccination, pensons à la création d'une plateforme téléphonique, à l'intervention sur place des infirmiers. Je pense également que la remarque formulée à propos des personnes handicapées mériterait d'être approfondie. Nous n'avons pas instruit la question de la vaccination des personnes atteintes de troubles psychologiques, sujet également à creuser.

Les dysfonctionnements entre personnels médicaux et paramédicaux sont tout à fait avérés. C'est la raison pour laquelle j'ai insisté, précédemment, sur la nécessité d'une délégation d'acte élargie pour éviter ces zones de conflit.

Nous n'avons pas constaté de disparités majeures dans l'accès à la vaccination entre le milieu urbain et le milieu rural. Nonobstant quelques situations locales qui ont certainement montré le contraire, nous ne pouvons pas émettre un jugement global de cette nature, que ce soit pour la vaccination ou la mortalité. Notre rapport ne permet pas de le valider.

Jusqu'où aller dans l'utilisation des données de santé ? Une approche populationnelle est-elle possible en France ? En tout cas, nous pouvons clairement aller plus loin, dans le respect du règlement général sur la protection des données et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Il s'agit d'un véritable sujet, plus large que la vaccination.

Nous n'avons pas exploré la question des femmes enceintes mais la remarque mériterait effectivement d'être retenue.

Pour la quatrième dose, nous devons probablement reconnaître des problèmes de communication. Au risque de sortir de mon rôle d'examinateur rétrospectif, je pense que la communication devrait clairement insister sur la nécessité de se vacciner en l'absence d'injection depuis plus de trois mois pour les plus de 80 ans et depuis plus de six mois pour les plus de 60 ans. D'une certaine manière, nous allons devoir vivre non pas avec une ou deux doses de rappel, mais avec des rappels constants. Nous devrons nous faire vacciner cinq, six ou sept fois. Ce sont bien des rappels réguliers qui seront nécessaires dans le futur.

Les principaux enjeux d'avenir sont bien sûr la préparation, l'anticipation, la construction de scénarii et l'identification préalable de viviers de ressources. Ces ressources existent et ont été mobilisées durant la crise, notamment les 128 000 professionnels de santé évoqués dans le rapport. Ne les perdons pas de vue. Identifions-les. Soyons prêts à les mobiliser rapidement si nous devions nous retrouver face à une situation de cette nature.

Voici, mesdames et messieurs les députés, les réponses que je pouvais formuler, sur la base du rapport, à vos observations, y compris pour celles portant sur des sujets que nous n'avons pas directement abordés. Nous ne prétendons jamais à l'exhaustivité mais nous écoutons toujours les avis des parlementaires, qui peuvent nous inspirer de futurs contrôles.

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Monsieur le premier président, nous écoutons une dernière question avant de clore la séance.

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Je vous remercie pour ce rapport important. Comme vous venez de le souligner, nous nous souvenons parfaitement des premiers jours de pandémie. J'étais alors maire d'une petite commune identifiée parmi celles qui allaient ouvrir un centre de vaccination. D'ailleurs, la cartographie montre que nous avons été l'une des régions les plus vaccinées du sud de la France. Je pense que votre rapport illustre bien les difficultés rencontrées dans la mise en place de ces centres.

Je souhaite revenir sur la question de la prévention. Vous dressez un bilan positif du dispositif « d'aller-vers » les publics éloignés de la prévention et du soin. Vous avez souligné que d'autres actions de cette nature avaient vocation à être mises en œuvre dans le champ plus large de la prévention en santé, notamment l'envoi aux médecins traitants, par l'assurance maladie, des patients concernés par les actions de prévention des principales pathologies. Nous pouvons notamment avancer le cas des personnes sous dialyse, qui n'avaient pas été identifiées à risque en début de pandémie. Dès novembre 2021, dans votre rapport sur la politique de prévention en santé, vous souligniez l'inadaptation de l'organisation des soins primaires au déploiement de la prévention. Vous citiez les freins en matière de rémunération, d'exercice isolé ou de culture de santé. Sur ce point, votre recommandation n° 5 propose de pérenniser l'envoi aux médecins traitants, par l'assurance maladie, des listes de leurs patients concernés par les actions de prévention des principales pathologies. Pourquoi, selon vous, cette action n'a-t-elle pas été conduite avant la crise sanitaire ? Quels sont les blocages ? D'un point de vue opérationnel, quelles actions pourrait-on espérer, au-delà de l'expérimentation menée par la Cnam, pour les patients n'ayant pas effectué de dépistage de cancer dans les calendriers recommandés ?

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

Vous rappelez qu'il s'agit d'une recommandation et que nous avons déjà mené, en réalité, un important travail de prévention en santé. Le message que je souhaite faire passer est que les politiques « d'aller-vers » et les politiques de prévention sont clefs pour l'avenir. Comment anticiper si l'on ne prévient pas ? Ce sont deux notions presque synonymes.

Pour le reste, nous devons réaliser qu'il s'agit d'un travail conséquent pour l'assurance maladie. Je pense qu'il serait pertinent de l'interroger pour comprendre ce qui l'a empêchée de mettre en œuvre cette politique – probablement le manque de moyens adaptés. Pour notre part, nous sommes amenés à réitérer nos recommandations.

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Merci, monsieur le premier président, pour la qualité de votre rapport et de vos réponses. Nous aurons plaisir à vous revoir dans le courant de cette année.

La séance est levée à seize heures vingt.

Présences en réunion

Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Bénédicte Auzanot, M. Victor Catteau, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Sandrine Josso, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, M. Matthieu Marchio, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux, M. Philippe Vigier

Excusés. – Mme Fanta Berete, M. Elie Califer, M. Paul Christophe, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, Mme Caroline Janvier, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Olivier Serva, Mme Isabelle Valentin