Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Réunion du jeudi 12 janvier 2023 à 10h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Jeudi 12 janvier 2023

La séance est ouverte à 10 heures 20

(Présidence de M. Raphaël Schellenberger, président de la commission)

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Monsieur Bensasson, nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation. Notre commission d'enquête a déjà procédé aux auditions des présidents d'honneur d'EDF.

EDF Renouvelables est détenue aujourd'hui à 100 % par EDF et est née du rachat en 2011 d'EDF Energies Nouvelles. Son périmètre ne couvre pas la totalité des activités rattachables aux énergies renouvelables produites par EDF. Ainsi, la plus grande part d'entre elles, l'hydraulique, échappe à vos responsabilités. Cette situation conduit dès lors à s'interroger sur les choix ou les circonstances ayant conduit à une telle configuration à se demander comment les besoins des territoires ultramarins sont pris en charge.

Par ailleurs, EDF Renouvelables, comme EDF, intervient dans le cadre d'un marché mondial. Ainsi, au niveau du Groupe, les capacités nettes installées pour l'éolien et le solaire sont respectivement de 9 et 3 gigawatts. Plusieurs pays disposent ainsi, au regard des activités d'EDF Renouvelables, de positions plus avantageuses que la France, dont les États-Unis pour l'éolien, les Émirats arabes unis, Israël ou l'Inde pour le solaire. Il est vraisemblablement plus rentable d'investir dans ces pays. En revanche, nous pouvons nous étonner de la relative faible implantation dans les pays européens, alors que, comme l'annonce EDF dans ses documents publics, il est le leader européen du renouvelable. Si la place de l'hydraulique peut expliquer cet état de fait, il est possible de supputer que les concurrents européens d'EDF Renouvelables, y compris français, sont difficiles à « challenger » ou qu'EDF a des difficultés à se placer sur le marché européen en dehors du secteur français.

Pour les énergies renouvelables comme pour le nucléaire, EDF est présent sur l'ensemble de la chaîne de valeurs (construction, exploitation et maintenance) et vend des actifs structurés. EDF ENR intervient par ailleurs comme acteur intégré de la production photovoltaïque décentralisée et détient la marque Photowatt. La société semble ainsi bien placée pour connaître les atouts et les faiblesses de la filière française et les procédures de sélection ou d'autorisation. Les segments de celle-ci ne représentent pas toutes les mêmes caractéristiques. L'éolien en mer en France a remporté un premier succès avec les parcs de Saint-Nazaire et Dunkerque. Je crois par ailleurs utile, dans le contexte actuel, que vous puissiez nous informer sur la rentabilité de la filière, la composition des prix ainsi que son évolution.

Avant de vous céder la parole, il me revient de vous demander de prêter serment. L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose en effet aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Bruno Bensasson prête serment.)

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je tiens à préciser que depuis 2018, je suis le directeur exécutif d'EDF en charge des énergies renouvelables et qu'à cet égard, je suis en charge à la fois de l'activité hydroélectrique gérée par EDF Hydro au sein d'EDF SA (environ 5 500 personnes) et des activités éoliennes et solaires, portées par une filiale à 100 %, EDF Renouvelables, regroupant 4 500 personnes et dont je suis le PDG. Ces activités sont regroupées dans un pôle « Renouvelables », composé par Jean-Bernard Levy à son arrivée. Je ne parlerai pas ce matin de biomasse et de géothermie, qui sont portées par d'autres entités du Groupe, telles que Dalkia, ni de mes activités passées, notamment pour l'État.

Je suis ravi d'être présent devant vous car je crois que les énergies renouvelables peuvent contribuer de façon importante à la réduction de la dépendance énergétique. En effet, avec 63 % d'énergie fossile dans le mix énergétique et sans extraction minière importante en métropole, le pays reste loin de l'indépendance. Il est toutefois possible de réduire notre dépendance. L'ambition de souveraineté vise également à ne pas laisser notre destin entre les mains d'un petit groupe de pays étrangers, sans non plus vivre en autarcie, dont le coût serait prohibitif.

Je tiens à préciser que l'énergie ne se limite pas à l'électricité. Le mix est composé de deux tiers d'énergie fossile et le reste se partage à parité entre le nucléaire et les énergies renouvelables (l'hydroélectricité, l'éolien, le solaire, la biomasse et la géothermie).

Sortir progressivement des énergies fossiles est nécessaire de notre point de vue, à bien des égards : réduire nos dépendances commerciales, stabiliser les coûts de l'énergie à long terme et lutter contre le changement climatique. Afin de sortir des 63 % d'énergie fossile d'ici 2050, l'efficacité énergétique, le nucléaire et le renouvelable seront nécessaires. Nous nous réjouissons que désormais, pour une large part de Français, la transition énergétique ne soit plus entendue comme la substitution du nucléaire par les renouvelables mais comme la substitution des énergies fossiles par le nucléaire et les renouvelables.

La stratégie d'EDF en matière d'énergies renouvelables a connu un tournant important en 2015 avec la fixation par Jean-Bernard Levy de « Cap 2030 », qui visait à doubler la part d'énergies renouvelables d'ici 2030 pour la porter de 25 à 30 gigawatts à 50 à 60 gigawatts. Cette forte accélération est assortie d'un double équilibre. L'hydroélectricité est la première des énergies renouvelables électriques en France. Elle reste très importante mais progressivement, l'éolien terrestre se développe, ainsi que l'éolien maritime et solaire. Le mix technologique évolue, le mix de pays également. L'hydroélectricité a toujours été pour nous très française, avec une présence grandissante à l'étranger. Au contraire, l'éolien et le solaire ont plutôt commencé aux États-Unis et aujourd'hui, nous nous rééquilibrons en trois tiers : l'Amérique du Nord, les pays émergents et l'Europe. Nous sommes présents dans d'autres pays, comme au Royaume-Uni, en Pologne, en Grèce ou en Italie mais il est bien normal que nous le soyons d'abord en France.

Nous avons l'honneur d'être le premier exploitant de concessions hydroélectriques en France. Nous comptons 300 concessions, près de 80 % de la puissance hydroélectrique installée en France, près de 5 500 personnes très engagées et compétentes et environ 400 millions d'euros par an d'investissement, principalement en maintenance ( versus 50 millions d'euros au début des années 2000). La disponibilité du parc est très bonne, à 90 % cet hiver.

L'éolien est un pilier important de l'entreprise. L'éolien terrestre représente 1,9 gigawatt en France pour EDF mais compte tenu de la fragmentation du marché, la part de marché est d'environ 10 %. Nous sommes un acteur plus important en éolien maritime, puisqu'avec Saint-Nazaire, Fécamp, Courseulles et Dunkerque, nous avons remporté quatre des sept appels d'offres. Saint-Nazaire a été mis en service fin 2022. Fécamp viendra cette année. Suivront Courseulles et Dunkerque. Nous sommes également présents dans l'éolien flottant puisque nous développons dans les Bouches-du-Rhône le projet de Provence Grand Large, qui devrait être mis en service en 2024.

Par ailleurs, EDF porte une très forte ambition dans le solaire à travers le monde. Il est vrai que son développement est plus facile à certains endroits que d'autres. À Abu Dhabi par exemple, un parc de 2 000 mégawatts est en train d'être mis en service, soit cent fois la taille moyenne du parc français. Nous sommes présents sur la toiture. Nous sommes notamment le premier acteur du marché des particuliers, avec environ 25 % des parts de marché portées par la filiale EDF ENR, à travers l'offre « Mon soleil & moi » et de l'autoconsommation, qui fonctionne bien auprès des Français. Nous sommes également un acteur des actifs au sol. Nous étions un peu en retard jusqu'en 2017, au moment où Jean-Bernard Levy a lancé ce plan solaire, avec l'ambition de retrouver la tête du peloton et nous sommes effectivement, selon les années, premiers, deuxièmes ou troisièmes alors que nous étions dixièmes par le passé. La part de marché oscille entre 15 et 20 %.

Enfin, EDF est le premier acteur du stockage en France, avec 5 gigawatts de stations de transfert d'énergie par pompage (STEP). L'objectif est de construire 10 gigawatts de plus d'ici 2025, avec à la fois des STEP et des batteries. Les États-Unis et le Royaume-Uni recourent déjà beaucoup aux batteries. La France s'y met, d'abord en outre-mer, en Guyane dans des zones non interconnectées aux besoins spécifiques mais également en métropole.

Avec 200 M€ par an sur cette décennie, la France représente environ 20 % des investissements d'EDF Renouvelables, alors qu'elle correspond à 1 % du marché mondial. Elle fait sans surprise l'objet d'une priorité toute particulière pour EDF dans les renouvelables.

Ces énergies renouvelables sont absolument nécessaires pour réduire la dépendance aux énergies fossiles. Le pays bénéficie d'un très beau potentiel par sa géographie. Nous avons toute raison de tenir à l'avenir les objectifs que nous nous fixons. Jusqu'à présent, cela n'a pas vraiment été le cas, pour différents motifs. La situation a progressé ces dix dernières années, sans être pour autant au bon rythme. L'ambition de développer les énergies renouvelables n'était jusqu'à présent pas partagée par tous, avec un mauvais débat opposant nucléaire et renouvelable qui persistait chez certains. Les exigences locales, toutes légitimes entre la biodiversité, le patrimoine, les radars, etc. sont parfois difficiles à concilier avec le développement des renouvelables pour les administrations. Les procédures d'autorisation et les contentieux peuvent être longs. Un millefeuille administratif nécessite la coordination entre plusieurs niveaux de collectivités, sans que rien ne permette d'assurer la cohérence entre les objectifs nationaux du Parlement et les documents d'urbanisme, par nature très locaux. Enfin, malgré l'engagement complet des fonctionnaires, un certain manque d'effectif est constaté dans certaines administrations. Le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables, en cours d'examen au Parlement, a justement pour objectif d'améliorer la situation, même si une série de dispositifs nécessitent encore des améliorations.

Ce projet de loi contient également des éléments intéressants à propos de l'hydroélectricité, qui est une énergie renouvelable, compétitive et flexible, la préférée des Français d'après les enquêtes d'opinion. Cette activité emporte des enjeux globaux pour l'électricité et des enjeux de gestion de l'eau (eau potable, irrigation, biodiversité, industrie, tourisme, etc.), gérés par les comités de bassin. Entre les crues et les sécheresses, le sujet est plutôt croissant. Des enjeux de retombées économiques se posent également, même si en hydroélectricité, la valeur ajoutée européenne atteint 90 % et celle française une grosse moitié voire trois quarts. Toutefois, pour aller plus loin et reprendre la voie d'un développement hydroélectrique plus important, il faudra sortir du contentieux, qui dure depuis bientôt vingt ans, autour du renouvellement des concessions et de leur éventuelle mise en concurrence. Cela nécessitera de revoir le cadre de renouvellement des concessions, en conservant les spécificités françaises, comme le Président de la République l'a exprimé récemment à deux reprises, à Belfort puis à Saint-Nazaire. Nous nous réjouissons que ce point fasse bientôt l'objet d'une loi. EDF est prêt et volontaire pour continuer à exploiter les concessions existantes et développer de nouveaux équipements, dans le cadre communautaire et national, avec tous les bénéfices collectifs d'un acteur de service public national.

En ce qui concerne la question des matériaux et des métaux critiques, les énergies renouvelables utilisent des matériaux mais pas forcément des métaux rares. Seuls quelques-uns sont présents dans les éoliennes maritimes de première génération. En revanche, de l'acier, du silicium et du cuivre sont nécessaires. La transition énergétique requerra beaucoup de matériaux. Quatre fois plus de cuivre devra être mobilisé dans les trente ans à venir d'après l'agence internationale de l'énergie. Des tensions à court terme sont possibles mais pas à long terme. Depuis 1900, nous consommons déjà quarante fois plus de cuivre. L'innovation et l'investissement devraient nous permettre d'arriver à en produire quatre fois plus en trente ans.

Je tiens à souligner qu'en matière de renouvelable, cette éventuelle dépendance aux matériaux ne revêt pas le même caractère de sécurité d'approvisionnement que d'autres énergies. En prenant une hypothèse tout à fait théorique que la Chine restreigne ses exportations de panneaux (ce qu'elle n'a jamais fait jusqu'à présent, les prix, au contraire, baissant de 10 % par an depuis 10 ans), l'impact ne serait pas immédiat. La France rencontrerait des difficultés à faire évoluer son système énergétique mais les moyens de production existants continueraient à fonctionner.

S'agissant de la reconquête industrielle et du maintien des investissements, la valeur ajoutée pour l'hydroélectricité est très forte ; elle l'est un peu moins pour le solaire et l'éolien. La relocalisation d'une production industrielle au sein de l'Union européenne serait un moyen possible pour diminuer nos dépendances mais en l'état du contexte concurrentiel, elle appelle des choix de politique industrielle dont il faut assumer le coût économique tout en en reconnaissant les mérites en termes de résilience. Par exemple, en ce qui concerne le solaire, pour des raisons tant industrielles que juridiques, ce choix doit être effectué au moins à l'échelon de l'Union européenne. Pour autant, la part de valeur ajoutée dans les filières éoliennes et solaires oscille entre 40 et 50 % en France. Nous aimerions faire mieux. En faisant le choix de soutenir une filière industrielle naissante, le temps qu'elle assoie ses avantages comparatifs et atteigne la taille critique et la compétitivité internationale, la France a déjà fait mieux dans l'éolien maritime. Le parc de Saint-Nazaire possède plus de 50 % de valeur ajoutée à la fois européenne et française. Il a mobilisé 2 300 emplois pendant les trois ans de construction et 100 emplois pendant les vingt à vingt-cinq ans d'exploitation qui viennent de commencer. Maintenir et développer ce tissu nécessitent de la visibilité. La planification maritime est ainsi un point très appréciable dans la loi d'accélération. Il sera également nécessaire d'accompagner la structuration de la filière de l'éolien flottant (en particulier pour les infrastructures portuaires).

En ce qui concerne le solaire, Photowatt est une entreprise de taille intermédiaire située à Bourgoin-Jallieu dans l'Isère et dont EDF est devenu propriétaire en 2012 dans l'Isère. Elle emploie aujourd'hui 200 personnes pour produire des panneaux photovoltaïques. Elle a subi, comme toute entreprise européenne, notamment allemande, la concurrence chinoise durant la décennie passée. Savoir si le protectionnisme bénéficie aux pays qui le pratiquent et comment réagir au protectionnisme de pays tiers dépasse le cadre de mon intervention. Il est néanmoins possible, pour les autorités européennes et françaises, de voir émerger une filière des équipements solaires, du silicium jusqu'aux panneaux, à condition d'en assumer le coût économique et d'y allouer les moyens budgétaires requis. Les États-Unis et l'Inde le font, pour des raisons de résilience et de souveraineté. Ainsi, l' Inflation Reduction Act comprend à la fois 700 milliards de dollars de resserrement budgétaire et beaucoup de soutien à l'industrie verte. Cela suppose en France d'accélérer les autorisations d'installation. De grandes usines, de plusieurs gigawatts, sont nécessaires. Il convient également de développer les filières de formation scientifique et technique. Les étudiants doivent être amenés à davantage aimer ces métiers de la technique et de l'ingénierie. Enfin, un cadre économique propice doit être posé, que ce soit sous forme de subventions, comme aux États-Unis, à l'investissement ou à la production, de tarifs douaniers qui existaient jusqu'en 2018 en Europe, ou de primes à la valeur ajoutée européenne dans les appels d'offres publics, ce que d'autres pays font. Aujourd'hui, produire de l'énergie solaire en France est particulièrement compétitif. Les coûts sont passés de 500 à 50 euros par mégawatt-heure en une dizaine d'années mais produire des panneaux est difficile. EDF, à travers Photowatt, perd régulièrement de l'ordre de 30 millions d'euros par an depuis dix ans.

En coordination avec l'Allemagne et la Commission européenne, à cet égard, l'annonce du ministre de l'économie en faveur de la création d'un plan de soutien à la décarbonation et aux industries vertes constitue une bonne nouvelle, dont nous attendons de connaître les contours plus précis.

En permettant d'une part à l'aval une électrification accrue des usages (dans le chauffage, le transport et l'industrie) et d'autre part à l'amont la production, par le développement des énergies renouvelables et du nucléaire, nous protégerons le pays, nos concitoyens et les entreprises contre la volatilité des prix des énergies fossiles, nous lutterons contre le changement climatique et nous ferons preuve de résilience, sans tomber dans l'autarcie. Le coût économique ne sera pas négligeable à court terme mais en privilégiant un mix de solutions le plus performant possible, il doit pouvoir être maîtrisé.

Soyez assurés qu'EDF et son pôle Énergies renouvelables seront engagés pour contribuer à la politique énergétique et industrielle de notre pays et continueront à développer des projets pour et avec les territoires et les entreprises de notre pays. Je vous remercie de votre écoute et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

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Quel est de votre point de vue le potentiel d'une part d'optimisation des installations hydrauliques existantes et d'autre part de croissance par la création d'éventuelles nouvelles installations ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Aujourd'hui, sur le plan juridique, seules des modifications non substantielles peuvent être réalisées. Des autorisations pour de telles modifications ont donc été déposées, pour quelques centaines de mégawatts dans un parc de 20 gigawatts. Pour aller plus loin, beaucoup de projets pourraient être menés avec des modifications substantielles. De l'ordre de 3 à 5 gigawatts supplémentaires est possible dans la décennie à venir. À cette fin, la question de renouvellement ou de la modification substantielle des concessions doit être résolue. Cette discussion reste à mener dans l'année au travers du projet de loi que le gouvernement a commencé à évoquer et auquel le chef de l'État a fait allusion à Belfort puis à Saint-Nazaire. Elle s'inscrit dans un contexte nouveau, dans lequel l'État est sur le point de prendre la totalité du capital d'EDF. Il s'agit entre l'État, la Commission européenne et l'entreprise de dessiner des solutions permettant de reprendre le chemin de la croissance, avec tous les bénéfices d'un acteur de service public national. C'est bien sûr à l'État de disposer des concessions qu'il concède.

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Si je comprends bien, avec des modifications substantielles sur les concessions actuelles, il est possible d'augmenter la puissance installée d'un quart.

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Absolument. L'augmentation de production serait proportionnelle, même elle concernerait davantage les transferts d'énergie par pompage. Il s'agit de l'une des cinq catégories d'ouvrages hydroélectriques en France, avec l'usine marémotrice, les ouvrages de lacs, d'éclusée et au fil de l'eau. Ces stations de transfert d'énergie par pompage possèdent deux plans d'eau, l'un supérieur et l'autre inférieur. Elles constituent davantage des outils de stockage que de production. Nous possédons de beaux projets, notamment à la Truyère. Les STEP sont probablement un peu plus nombreuses. La puissance est donc sans doute légèrement supérieure à l'énergie.

S'agissant du potentiel de nouvelles installations, la majorité de nos projets concerne des concessions dans le périmètre géographique que nous exploitons déjà. L'hydroélectricité dépend en effet beaucoup de la topographie et « nos anciens » s'étaient déjà installés aux endroits les plus propices. Le potentiel le plus important consiste à améliorer encore les sites exploités. Il ne sera pas possible de retrouver un site totalement nouveau. Reste que dans le Verdon par exemple, du potentiel peut être rajouté dans le périmètre de nos concessions. Le transfert d'énergie par pompage présente l'avantage que le bassin inférieur est souvent une rivière, le bassin supérieur est en altitude et le cœur de l'usine dans la roche. En termes d'impact sur la biodiversité et d'acceptation par les populations, la situation se présente plutôt bien.

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Avez-vous évalué le potentiel de nouveau hydroélectrique et si oui, à quelle hauteur ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Le potentiel est évalué à environ 5 gigawatts, en grande majorité autour de nos concessions.

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Quel est votre regard sur le coût de mutation du réseau de transport et du réseau de distribution pour intégrer l'énergie plus diffuse que représentent le solaire et l'éolien ? Quelle est la façon dont ce coût doit être financé dans le prix final de l'électricité ? Nos concitoyens comprennent difficilement une facture se composant majoritairement de taxes plutôt que de coûts variables. Le coût payé au kilowatt-heure par les particuliers ne comprend pas toutes les infrastructures de réseau, financées par les logiques de taxes. Comment anticipez-vous les évolutions dans les années à venir ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Le coût d'intégration des renouvelables dans le réseau de transport et de distribution est avant tout matériel, avec des projets d'investissement importants. Dans les investissements d'Enedis, beaucoup relèvent du raccordement de l'éolien et du solaire. Ce n'est pas très simple à comprendre sur la facture, qui se décompose en de la production, du transport, de la distribution (le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité – TURPE), de la commercialisation et de la fiscalité. Par le passé, les énergies renouvelables ont coûté au budget de l'État, car elles étaient relativement chères. Aujourd'hui, elles rapportent, environ 30 milliards d'euros par an à l'État. Cela ne signifie pas que le mix électrique est composé uniquement de renouvelable. Il s'agit d'un mix de nucléaire, de renouvelable et d'efficacité énergétique. RTE connaît le réseau de transport et de distribution nécessaire. Cette combinaison est, d'après les études, la meilleure manière de mener notre transition énergétique, avec le triple souci de la sécurité d'approvisionnement, de la maîtrise des coûts et de la lutte contre le changement climatique.

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En ce qui concerne le solaire, vous expliquiez que le coût de production est de 50 euros du mégawatt-heure, à partir de panneaux chinois. Quel est le coût à partir de panneaux français ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Ces 50 à 60 euros dépendent de multiples facteurs et notamment de la taille. Ils correspondent à un parc moyen de 20 mégawatts. Le coût sera différent sur une toiture ou un hangar agricole et atteindra plutôt 100 euros par mégawatt-heure. Avec l'inflation, les panneaux ont quelque peu augmenté. Le prix du foncier peut jouer également. Le surcoût d'un panneau communautaire, aujourd'hui, est de 30 %. Aujourd'hui, les deux grands producteurs sont la Chine, pour 95 % des panneaux, et les États-Unis pour 5 %. La production européenne est faible. Ceci dit, un projet solaire ne comprend pas uniquement le panneau. Les 30 % ne s'appliquent donc pas à la totalité des 50 euros par mégawatt-heure. La valeur ajoutée française est de 40 %, en incluant le foncier, l'installation, l'exploitation, etc.

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Quel est aujourd'hui le regard porté par votre entreprise sur la question du cycle aval des énergies renouvelables, dont il est beaucoup question dans le nucléaire ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

L'aval renouvelable est moins évoqué car il est plus simple. Les panneaux solaires sont démontés et recyclés à la fin de leur fonctionnement, comme les éoliennes. Démonter une éolienne ne coûte pas grand-chose voire rapporte car les matériaux sont facilement recyclables. Le panneau solaire est notamment fait de silicium, de verre, de cuivre et d'aluminium. Il existe un engagement de recyclage, avec la filière PV Cycle qui est installée en France et fonctionne. Si 5 % des matériaux ne sont pas recyclés, c'est par manque d'intérêt économique. Un sujet concernait les pales d'éoliennes, qui n'étaient pas recyclées jusqu'à présent, compte tenu de leur fabrication en polymère, mais valorisées sous forme énergétique avec des cimentiers. Nous avions demandé à quelques-uns de nos fournisseurs de nous proposer des pales recyclables et c'est chose faite. Plusieurs grands fournisseurs nous en proposent. Sur le parc éolien maritime de Courseulles, les pales seront recyclables. Cet aspect est bien pris en charge, il est intégré dans le coût et répond à des obligations légales. Je note que des polymères sont également utilisés pour les ailes d'avion et les plaisanciers, sans que leur recyclage suscite les mêmes débats passionnés.

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L'industrialisation de la filière doit se préparer. Or au-delà de la recyclabilité à la conception, le recyclage en aval nécessite la présence d'une filière. Quelle est son avancée ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

La filière est installée. Aujourd'hui, nous savons recycler les panneaux. Par exemple, la production de silicium, qui est la première étape du panneau, comprend l'extraction de silicium, sa transformation en silicium métallurgique puis solaire, la production de lingots qui sont coupés en fines tranches pour en faire des cellules et des modules. Dès le début, il existe un intérêt économique et énergétique à recycler du silicium. Aucune difficulté ne se pose aujourd'hui sur le recyclage. Le vrai sujet de politique industrielle tient davantage à toute la chaîne, largement concentrée en Chine ou aux États-Unis. Photowatt réalise une partie de cette manufacture. Aller plus loin, à travers par exemple un projet de gigafactory solaire, augmenterait le coût mais si nous l'assumons, nous serons plus résilients. À cette fin, trois conditions sont nécessaires, je le répète : autoriser de façon plus rapide de grandes installations industrielles et chimiques dans notre territoire ; disposer d'un cadre économique propice ; former les personnes.

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Qu'est-ce qui explique qu'une société filiale d'EDF traite séparément le solaire et l'éolien, sans que ce soit intégré comme l'hydroélectricité ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Dans une entreprise de 160 000 personnes, nous nous organisons, en rassemblant les activités qui se ressemblent (l'hydroélectricité d'un côté, l'éolien et le solaire de l'autre). Nous les regroupons ensuite dans un pôle « Renouvelables », au sein duquel les équipes communiquent. Je dirige l'ensemble du pôle. EDF Renouvelables est aujourd'hui la propriété à 100 % d'EDF SA et l'un de ses administrateurs est Luc Rémont.

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Quel est votre regard, en tant que patron d'EDF Renouvelables, sur notre capacité mondiale à décarboner le système électrique ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Je me réjouis que ces dernières années, la plupart des grands émetteurs (la Chine, l'Inde, les États-Unis, l'Union européenne ou des pays comme l'Arabie Saoudite) aient opté pour la lutte contre le changement climatique et se soient fixés des objectifs de neutralité pour 2040, 2050 ou 2060. Cette prise de conscience est enfin arrivée, même si notre génération, entre 1990 et 2020, a un peu tardé à en prendre la mesure. Néanmoins, il ne suffit pas de se fixer des objectifs, il faut les tenir. Nous avons été un peu trop lents ces dernières années. Alors que la France a vu son PIB croître de 1 à 2 % par an, l'empreinte carbone a été réduite de 1 % par an. La baisse doit être beaucoup plus forte à l'avenir, de l'ordre de 3 à 4 % par an. Beaucoup de pays y sont. Les énergies renouvelables ont l'atout d'être très dispersées. Les États-Unis et le Brésil possèdent un potentiel considérable. L'Inde et la Chine représentent, à eux deux, les deux tiers du marché du solaire mondial. La plupart des pays du monde disposent de ressources renouvelables et les développent. Notre pays est doté de beaucoup de ressources. Je constate que la dynamique s'accélère même si elle n'a pas été assez rapide ces trente dernières années et doit atteindre un rythme de croisière. La baisse du coût des renouvelables aide beaucoup. Aujourd'hui, au Moyen-Orient, l'éolien coûte 20 ou 25 euros par mégawatt-heure et le solaire 15 ou 20 euros. Pour des pays comme l'Arabie Saoudite, remplacer le pétrole par du solaire fait sens. La dynamique est positive à travers le monde et EDF Renouvelables a la chance d'être l'un de ces grands acteurs internationaux. Si d'importants acteurs sont présents en Chine et aux États-Unis, les internationaux sont européens. Il s'agit d'une façon de tirer la meilleure valeur de notre entreprise mais également d'une richesse pour l'entreprise, d'une manière d'être plus innovant et compétitif et de disposer de la taille critique nécessaire.

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Je ferai d'abord appel à votre mémoire, en revenant aux fonctions que vous avez exercées précédemment. Entre 2004 et 2007, vous avez été conseiller technique, d'abord au cabinet du ministre délégué à l'industrie Patrick Devedjian puis au cabinet du ministre délégué à l'industrie François Loos et enfin à la présidence de la République. Sans vous interroger sur vos fonctions auprès de la présidence de la République en vertu du respect de la Constitution, j'aimerais vous poser plusieurs questions sur cette période. Quel était le contexte de la situation énergétique à l'époque ? Un certain nombre d'auditionnés nous ont parlé d'abondance énergétique et de surcapacités, permettant d'exporter de l'énergie.

Vous avez en outre été, j'imagine, indirectement confronté au chantier EPR. J'aimerais comprendre le processus de décision ayant amené au choix de la construction d'un seul réacteur.

J'imagine enfin que les réflexions sur le marché européen de l'énergie étaient déjà à l'œuvre. Quelle était leur nature ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Les prix étaient assez bas dans les années 90 et 2000, à 20 ou 30 euros par mégawatt-heure. Le parc était surcapacitaire, compte tenu de projections de croissance de la demande électrique datant des années 80 ou 90 et ne s'étant pas vérifiées. Dans ce contexte, il a néanmoins été proposé par EDF et décidé de faire un EPR. J'ai accompagné en 2005 la loi de programmation de la politique énergétique. L'EPR était présenté comme une façon de maintenir l'option nucléaire ouverte. Nous sentions que si nous attendions les tensions, nous perdrions encore plus de compétences. Un important effort d'installation a été réalisé dans les années 70 et 80. Après Chooz et Civaux, la charge manquait. L'EPR a été lancé dans ce contexte avec un nouveau réacteur, afin de maintenir l'option ouverte et conserver les compétences au-delà de la sécurité d'approvisionnement, alors que le parc tournait autour de 420 térawatts-heure par an. Une prise de conscience des enjeux du changement climatique existait déjà puisque nous négociions les « trois fois vingt » en 2020. Les débats pointaient sur la place du nucléaire en France ; le 50 % en 2025 est venu plus tard. L'opposition nucléaire/renouvelables persistait quelque peu et elle s'entretient encore chez certains. Dans des pays voisins, des antinucléaires étaient prorenouvelables alors, par contrecoup, en France, certains pronucléaires ont senti la nécessité d'être antirenouvelables. Or il est tout à fait possible d'être à la fois pronucléaire et prorenouvelable. Il me semble que désormais, ce débat est majoritairement derrière nous. Je ne me permettrais pas de dire si EDF aurait pu se permettre de proposer plusieurs EPR en parallèle, avec un effet de taille. Il existait de la part de Patrick Devedjian, de François Loos et plus largement de l'Etat un soutien marqué à la construction de ce nouveau réacteur.

Les discussions au niveau européen portaient davantage sur le marché du dioxyde de carbone (CO2). Le marché européen de l'électricité, c'est-à-dire le marché spot de gros de court terme, était perçu comme fonctionnant raisonnablement. La France exportait et en tirait des recettes. En ce qui concerne la politique énergétique européenne, des infrastructures communes, physiques et de marché, ont été construites pour s'échanger l'électricité. La France en bénéficie à la fois lorsqu'elle exporte et qu'elle importe. Plus tard, nous nous sommes rendu compte que ce marché de gros de court terme ne donnait pas les bons signaux pour amener les investissements. Des mécanismes ont été installés pour développer les renouvelables, puis les centrales à gaz et maintenant les nouvelles centrales nucléaires. Nous pouvons reconnaître que le marché de gros de court terme fait ce pour quoi il a été conçu (c'est-à-dire optimiser à court terme l'exploitation et la consommation). Le marché ne doit toutefois pas se réduire au court terme. Il faut lui donner à la fois de l'efficacité et de la stabilité. Des marchés de long terme doivent être construits. À cet égard, les États ont mis en place des contrats long terme pour les renouvelables qui donnent de la visibilité. À travers le bouquet tarifaire actuel, les Français bénéficient du coût relativement stable des renouvelables.

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Certains de nos interlocuteurs, je pense notamment à l'ancien président d'EDF Pierre Gadonneix, nous ont expliqué qu'une sorte de négociation s'était engagée avec le pouvoir politique pour vendre au moins un EPR. Je souhaitais savoir si vous aviez eu le sentiment qu'EDF pensait que deux réacteurs étaient préférables pour des raisons industrielles, de savoir-faire et de compétence ou si selon vous, ce sujet n'avait pas été évoqué.

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

De mémoire en 2007, je ne pense pas en avoir discuté. Des discussions ont porté ensuite, dans les années 2010-2011, sur un EPR à Penly, alors qu'un sentiment de surcapacité régnait encore. Des auditions parlementaires avaient eu lieu à ce sujet.

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Entre 2000-2005 et la période actuelle, la progression en termes de capacités à installer de nouvelles sources d'énergie renouvelable sur le territoire a été faible et du retard a été pris. Comment analysez-vous cette faiblesse, forte et durable en France ? Vous avez évoqué les difficultés d'installation, les contentieux juridiques et l'acceptabilité sociale. Nous peinons toutefois à nous satisfaire de cette seule explication et nous nous interrogeons sur la capacité et la motivation des entreprises à investir dans ce secteur. Certaines personnes auditionnées, telles que Corinne Lepage, pensent que la coexistence du nucléaire et des énergies renouvelables a conduit à un trop faible investissement dans les énergies renouvelables en France. D'autres estiment que nos objectifs d'énergies renouvelables étaient trop élevés eu égard au fait que la France possède déjà un parc nucléaire lui permettant de produire très largement son énergie de manière décarbonée. Vous avez été directeur de la stratégie et du développement durable chez GDF Suez, devenu ensuite Engie Energie. J'imagine donc que vous avez abordé ce biais par vos responsabilités publiques puis privées. Considérez-vous que ce retard n'est pas si important en France, eu égard au parc existant ou au contraire que le développement a été particulièrement lent et le cas échéant, pourquoi ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

J'écarte tout de suite un argument. Ce n'est pas parce que le nucléaire est important qu'il ne faut pas faire beaucoup de renouvelables. À ce jour, 65 % de l'énergie est fossile. Celle-ci est au cœur de l'économie et sa privation crée immédiatement des problèmes. Pour en sortir en trente ans sans renoncer au progrès économique et social, le nucléaire, le renouvelable et la sobriété sont nécessaires. Je suis très heureux que désormais, la transition énergétique soit comprise en ce sens. Je pense que les objectifs allaient dans la bonne voie et pour 2030, les objectifs fixés sont à la fois ambitieux et nécessaires.

Peu d'entreprises se sont posé la question entre le nucléaire et le renouvelable, excepté EDF. Le reste faisait des renouvelables et la France peut s'enorgueillir de posséder beaucoup de très belles entreprises dans le secteur. Nombre d'entre elles sont nées en France, se développent dans le pays mais également à l'étranger. Il ne s'agit pas d'un manque d'envie ni de moyens. Même EDF est le premier acteur du renouvelable, de l'hydraulique, de l'éolien maritime et quasiment de l'éolien terrestre. Jean-Bernard Levy a montré son engagement dans le solaire. Y compris en 2022, année difficile pour le groupe, il a consacré des moyens très croissants aux renouvelables. Il n'existe pas à mon sens de manque d'envie. Preuve en est que d'autres pays croissent plus vite. Je crains que la réponse figure dans mon intervention liminaire à propos des spécificités de notre pays. Nous ne sommes pas les seuls à être confrontés à cette problématique. Par exemple, le Royaume-Uni a très tôt opté pour le nucléaire et le renouvelable ; il possède un très grand parc éolien maritime mais rencontre davantage de difficultés à terre. En Allemagne, en Espagne ou en Italie, les choses avancent parfois plus vite. Il s'agit beaucoup d'une question d'accès au foncier. D'ailleurs, dans le cadre des débats sur la loi accélération, j'ai été particulièrement surpris des réactions sur le solaire. Cette loi doit être l'occasion d'augmenter le solaire, aux endroits les plus faciles tels que les toitures ou les délaissés autoroutiers mais pas uniquement. Or pour le sol, nous sentons que les réticences sont encore nombreuses, davantage que chez nos voisins, alors que l'enjeu foncier est minime. En effet, pour réaliser un quart de l'objectif fixé par le chef de l'État d'ici trente ans (100 gigawatts-heure), 25 000 hectares sont nécessaires, dans un pays en comptant 25 millions (soit 0,1 %, comparé aux 2 % pour les biocarburants). Le solaire sur terrain agricole se fait en bonne intelligence et en coexistence avec le monde agricole. Nous avons encore besoin d'accélérer ; il s'agit de notre responsabilité, à tous, EDF, les pouvoirs publics nationaux et locaux, les médias, etc. Avec le changement climatique, nous ne pouvons nous offrir le luxe que rien ne change. Tout ne pourra pas rester comme avant. L'une des spécificités des énergies renouvelables, au moins de l'éolien et du solaire, est qu'elles sont visibles. Il faut avancer en bonne intelligence. Par exemple, le parc éolien maritime de Saint-Nazaire a pris du temps mais l'acceptation est désormais belle, y compris de la part des pêcheurs et des associations environnementales, même s'il ne fait toujours pas l'unanimité.

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Les objectifs d'EDF en matière d'énergies renouvelables sont de 60 gigawatts de puissance installée pour 2030. Sur la trentaine actuelle, plus d'une vingtaine est hydraulique. Un passage de 30 à 60 gigawatts évoque donc un passage d'un peu plus de 10 gigawatts installés en énergies renouvelables éolien et solaire à 35 ou 40 gigawatts. Vos ambitions sont-elles optimistes ? Au vu de vos explications sur l'acceptabilité sociale vis-à-vis du foncier, nous pouvons nous interroger. Au-delà du projet de loi sur les énergies renouvelables, percevez-vous d'autres leviers qui devraient être levés pour atteindre ces objectifs extrêmement ambitieux ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Vos calculs sont exacts. EDF est important sur le marché des renouvelables et les renouvelables sont importants pour EDF car ils représentent un quart de notre puissance (35 gigawatts). Il s'agit bien d'aller de 13 à environ 40 gigawatts. Nous nous inscrivons dans cette trajectoire. Nous pourrions en faire plus mais nous ne développons pas les parcs seuls. Par exemple, les parcs éoliens sont réalisés en partenariat. Les gigawatts bruts, qu'EDF opère, sont donc plus importants que les gigawatts nets, dont EDF reste propriétaire.

Ces chiffres sont mondiaux. Ils incluent les États-Unis, Abou Dhabi, l'Inde, etc. Nous souhaitons que la France prenne la part la plus large possible. Nous avons gagné en éolien maritime dans les appels d'offres précédents. En éolien terrestre et en solaire, nous atteignons 15 à 20 % de parts de marché. Nous ferons davantage si nous le pouvons. Le groupe possède certaines contraintes mais je lui fais toute confiance pour allouer les moyens nécessaires aux renouvelables, en particulier en France. Telle est l'intention de notre groupe et de notre premier et bientôt seul actionnaire.

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Quid de l'objectif France, parmi les 60 gigawatts au niveau mondial ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

De l'ordre de 20 % de notre croissance est française aujourd'hui.

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J'en viens à votre stratégie de développement des énergies renouvelables. Sans vous demander de trahir un quelconque secret des affaires, je souhaite comprendre, si vous deviez classer aujourd'hui l'éolien terrestre, l'éolien marin (flottant ou posé) et le solaire, quel serait le plus rentable au sens large, en intégrant aux éléments de rentabilité économique et financière la difficulté plus grande à installer certaines capacités de production sur le terrestre.

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Aucune énergie n'est beaucoup plus rentable qu'une autre, compte tenu de la concurrence. Il n'existe pas d'effet d'aubaine. La rentabilité est proportionnelle au risque. Celle de certaines est néanmoins beaucoup plus longue. Par exemple, la rentabilité de l'éolien maritime est beaucoup plus longue que celle de l'éolien terrestre et du solaire. Dunkerque a été gagné en 2019 ; nous ferons nos meilleurs efforts pour que le site entre en exploitation en 2026, en l'absence de contentieux. Dans l'éolien maritime, le flottant est moins mûr techniquement et a besoin de plus de soutien. L'éolien terrestre est un peu plus long. Le parc du Mont des Quatre Faux a commencé à se développer en 2006 mais nous y sommes presque. Viennent ensuite le solaire au sol et le solaire sur toiture. Je pense que nous pouvons raccourcir les délais, tout en respectant les procédures démocratiques. Des pays voisins, en démocratie, arrivent à faire mieux. En tout état de cause, tout sera nécessaire pour sortir des 63 % d'énergie fossile. Il faut se garder d'aller à la facilité, en se concentrant par exemple sur l'éolien flottant parce qu'il est loin, car cela ne suffira pas et coûtera plus cher.

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Comment conjuguez-vous le coût et le temps nécessaire pour arriver à une installation en fonctionnement avec l'intermittence ? Par exemple, si vous comparez l'éolien terrestre et maritime avec le solaire, l'intermittence, la saisonnalité du solaire et le foisonnement de l'éolien doivent être pris en compte.

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

La phase de construction est plus ou moins longue. L'intermittence correspond à la phase d'exploitation. L'éolien et le solaire sont relativement prévisibles, la veille mais pas six mois à l'avance. Ils sont pilotables à la baisse mais pas toujours à la hausse et sont variables. Il s'agit d'éléments de la phase d'exploitation, que nous gérons en prévoyant notre production et en la vendant en avance. Vu du producteur, l'éolien ou le solaire s'insère dans un système électrique bien plus vaste et s'il a été bien conçu avec un mix énergétique, y compris des moyens de base et pilotables, comme le nucléaire, il apporte une sécurité des approvisionnements et un équilibre offre/demande à un coût maitrisé. Différents moyens sont toutefois nécessaires pour satisfaire l'objectif.

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J'aimerais en savoir davantage sur le coût complet, c'est-à-dire la capacité à intégrer dans le coût de production d'énergie électrique par des installations solaires ou de l'éolien flottant ou terrestre le coût associé pour le réseau et les flexibilités adjacentes. Dans les rapports de l'agence internationale de l'énergie et de RTE, les scénarios avec une très forte proportion d'énergies renouvelables insistent sur les coûts importants. Le président actuel et l'ancien président de RTE ont également insisté sur l'importance du coût et de la difficulté à développer un réseau rapidement. Quel est votre regard sur la capacité à installer de la flexibilité à l'échéance 2030 et 2040, d'une part, et la capacité à réaliser des investissements sur le réseau et à les répercuter sur les producteurs et/ou le consommateur, d'autre part ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

J'apporterai quelques éléments, toutefois incomplets car vos questions renvoient davantage à la mission de RTE. Pour l'éolien terrestre ou le solaire, les schémas régionaux de raccordement comprennent des quotes-parts renouvelables. Pour le parc éolien maritime de Dunkerque, le raccordement est à la charge de RTE. Nous avons proposé un prix de 45 euros par mégawatt-heure et le raccordement coûte peut-être 15 euros. L'électrification des usages appellera plus de réseau de transport et de distribution. Des flexibilités existent du côté de la production (avec des outils relativement flexibles comme le nucléaire et l'hydroélectricité, peut-être des centrales thermiques avec des combustibles décarbonés) et de la consommation, avec le véhicule électrique qui peut être source de flexibilité. Entre les deux, du stockage est possible. Dans les scénarios internes d'EDF ou de RTE, cette façon d'assurer l'équilibre offre/demande est décrite. Il faut se garder par-dessus tout de comparer directement les coûts complets des énergies renouvelables à ceux de l'hydraulique ou du nucléaire car ils n'offrent pas le même service.

Le coût des renouvelables a beaucoup baissé et est désormais compétitif, ce qui montre que celles-ci sont utiles au système. En outre, le prix actuel du CO2, qui a beaucoup augmenté, reste très inférieur à ce que les climatologues et les économistes recommandent. En intégrant un vrai prix du CO2, le renouvelable et le nucléaire sont nécessaires.

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Je souhaite revenir sur trois points. Le premier a trait à la question des concessions hydroélectriques. Vous avez à plusieurs reprises évoqué le service public de l'énergie et cité le bien public à propos de l'hydroélectricité. Au moment où les premières mises en demeure des concessions hydroélectriques ont été pensées par l'Union européenne, nous avons oscillé entre fatalisme pour les uns, manque de volontarisme pour les autres et peut-être même conviction pour certains qu'il s'agissait d'une bonne chose. Je souhaiterais connaître votre position, même si je sais qu'elle est difficile à exprimer sachant qu' in fine, l'Etat est décisionnaire. Nous avons assisté à une perte de dynamisme par rapport à l'inertie concernant ces concessions hydroélectriques, qui dure depuis quinze ans. Je suis très heureuse qu'elles n'aient pas été mises en concurrence. Vous avez mentionné les deux solutions de sortie possibles, le renouvellement ou la mise en concurrence. J'appelle de mes vœux à des renouvellements. Je souhaiterais connaître la plus-value à ce qu'EDF demeure l'opérateur public de ces concessions hydroélectriques.

Par ailleurs, Photowatt est une entreprise de mon département. Ferropem est également une entreprise de mon département, qui produit du silicium. Nous peinons toutefois à construire la filière intermédiaire, consistant en la purification et la cristallisation du silicium. EDF est propriétaire de Photowatt. Je ne pense pas que ce choix ait été très volontaire au départ puisque son activité ne correspond pas au cœur de métier du groupe. Vous avez été incités très largement à récupérer cette entreprise, que vous avez tenté de céder à plusieurs reprises. Se pose la question de la capacité de la France à inverser la tendance. De tout temps, les producteurs ont été soutenus dans les énergies renouvelables, contrairement à la filière. Faut-il inverser la tendance pour développer une filière française, qui pourra ainsi massifier et réduire son prix au producteur ? Ferropem est une entreprise industrielle, également installée dans la vallée de la Romanche. Il serait dommage de ne pas créer cette filière française. Vous avez dit vous-même que c'était possible, comme aux États-Unis ou en Inde. Que nous manque-t-il pour passer de l'inertie à l'ambition sur ce sujet ?

Enfin, mon troisième point concerne l'augmentation de puissance offerte par la loi Energie Climat, qui a peiné à être mise en œuvre. En effet, l'interprétation a été un peu différente de celle que souhaitait le législateur, concernant notamment la redevance devant être appliquée au surplus de production dans l'esprit du législateur mais qui a finalement été appliquée à l'ensemble de la production. Trois ans ont été nécessaires pour qu'un changement advienne via la loi de finances. Pensez-vous qu'aujourd'hui, il soit possible d'opérer ces augmentations de puissance ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

La question du renouvellement des concessions, avec ou non mise en concurrence, est ancienne. Depuis 2015, la France a reçu deux mises en demeure de la Commission européenne au titre d'une part d'un supposé abus de position dominante et d'autre part de l'application du droit des concessions. Le sujet est en suspens. Cela crée, il est vrai, un certain attentisme car il n'est pas possible d'investir dans un outil sans connaître sa durée d'exploitation. J'ai toutefois l'impression que depuis 2019, alors qu'il existait en 2015 certains doutes sur l'intérêt d'un acteur de service public national à être exploitant des concessions, un vaste consensus se dégage dans la représentation nationale pour un renouvellement des concessions sans mise en concurrence. Je vous renvoie aux propos du chef de l'État à Belfort et à Saint-Nazaire et plus récemment aux propos de la Première ministre devant l'Assemblée nationale au sujet de renouvellement des concessions et de la reprise des investissements sans mise en concurrence. Nous nous inscrivons dans le droit national et le droit communautaire. À Belfort, le chef de l'État a indiqué que l'évolution du capital d'EDF ouvrait peut-être de nouvelles voies de solutions. EDF, en tant que concessionnaire, est très désireux de poursuivre l'exploitation et de les voir renouveler le plus rapidement possible.

EDF est un exploitant engagé dans les territoires, avec des équipes compétentes et expérimentées, à la fois pour la sûreté, la disponibilité, la préservation de la biodiversité et l'ensemble de la gestion de l'eau. Le parc a en moyenne un peu plus de 75 ans et les effets d'échelle sont nombreux, à la fois le long d'une chaîne mais également à l'échelon des bassins, des territoires et à l'échelon national.

En ce qui concerne Photowatt, autant la production d'électricité a été soutenue et n'a plus besoin de l'être car elle est compétitive, autant la fabrication en France est difficile, que ce soit pour Ferropem ou Photowatt. La purification du silicium est un processus très sophistiqué, qui nécessite de la chimie fine. Le souhait, pour Photowatt, est de trouver une solution par le haut. Des personnes dont c'est le métier sont nécessaires. La chimie fine ou l'électronique ne correspond pas au métier d'EDF. En avril 2012, il a été demandé à EDF de reprendre cette installation, ce que nous avons fait mais il ne s'agit pas de notre métier. L'industrie solaire allemande a également disparu au bénéfice de la Chine. Pour que la situation soit différente, soit nous pensons détenir un avantage comparatif à bâtir, qui nécessite un soutien le temps de l'installation, soit nous pensons qu'en dépit d'un coût durable, nous en avons besoin pour renforcer notre résilience et notre activité industrielle. Dans ce dernier cas, trois conditions sont nécessaires : accélération des autorisations, cadre économique et formation. Le cadre économique est primordial. Il a un coût. Il appartient aux autorités communautaires et françaises d'en décider. Pour prévoir dans un appel d'offres français une prime à la valeur ajoutée européenne, une décision des autorités européennes est en effet nécessaire. Le commissaire Thierry Breton est très actif sur le sujet. Il faut être conscient du coût, en termes budgétaire et fiscal, et des raisons pour lesquelles nous l'assumons (pour l'emploi, l'industrie ou la résilience).

En termes de financement, l' Inflation Reduction Action, avant de soutenir l'industrie d'avenir, prévoit 700 milliards de dollars de resserrement budgétaire, avec une hausse des impôts et une réduction des prestations sociales, permettant de créer de l'espace. La situation énergétique des États-Unis est toutefois totalement différente de la nôtre ; eux bénéficient de la hausse du prix du pétrole et du gaz alors que nous en souffrons et devons subventionner des boucliers. Reste que la lutte contre le changement climatique et la résilience ne sont pas gratuites ; des moyens sont nécessaires. Dans ce chemin, il faut se garder du protectionnisme. Je comprends que nous évitions des dépendances excessives à un seul acteur mais se refermer aurait un coût économique exorbitant.

Enfin, en ce qui concerne les augmentations de puissance, je remercie le Parlement et l'Assemblée nationale d'avoir consenti à des évolutions de puissance à travers ce qui n'est pour le moment qu'un projet de loi. Les équipes sont disposées et désireuses de procéder à ces augmentations de puissance dès que possible.

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François Hollande, président du conseil départemental de Corrèze, a réuni les maires du département dès 2008 pour évoquer les renouvellements de concessions. Depuis, rien n'a été fait. S'il est satisfaisant qu'EDF soit resté gestionnaire des vallées, quid du retard pris ? Seuls des travaux non substantiels de maintenance ont été réalisés. Certains projets de STEP ont pris du retard. Au-delà des discours du chef de l'État et de la Première ministre, disposez-vous d'assurances en termes calendaires sur le fait de rester concessionnaire et engager les travaux, à hauteur de 5 gigawatts en matière de puissance ?

Ces 5 gigawatts sont-ils uniquement des STEP ? Je prends l'exemple d'un affluent de la Dordogne, où une conduite forcée d'un barrage est présente, sans turbinage. Des suréquipements seraient possibles. Les débits réservés non turbinés sont-ils compris dans ces 5 gigawatts ? Les conduites forcées, qui ramènent de l'eau sur un barrage en amont, pourraient dégager une certaine puissance.

Enfin, en ce qui concerne le bridage en matière d'hydroélectricité, disposez-vous d'autorisations de débridage dans le contexte actuel de risque de coupure ? Si oui, combien représentent-elles ?

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

La Dordogne et la Truyère sont des cours d'eau très importants pour notre groupe et la STEP de Redenat est emblématique de ce que nous projetons de faire. L'autorité concédante est décisionnaire mais il est vrai que pour nous, les messages du chef de l'État et de la Première ministre sont importants. Le calendrier parlementaire énergétique est chargé. Je ne sais pas du tout si cela fera partie d'une loi énergétique climat ou d'une loi hydroélectricité. Il s'agit de la responsabilité souveraine de l'État et du gouvernement mais je puis vous assurer que notre entreprise, EDF, propriété de l'État, est à son entière disposition pour dessiner des solutions. En attendant, le régime de délai glissant n'est pas très confortable. La fiscalité mise en place permet aux collectivités concernées de disposer de retombées mais tout ceci n'est pas satisfaisant en matière industrielle et énergétique.

Sur les 5 gigawatts, 3 sont des STEP. Dans les 2 restants, je serais étonné de la présence de turbinages de débit réservé car je ne les qualifierais pas de substantiels. La conduite forcée ne nécessite pas, selon moi, de turbinage si elle repart vers l'amont mais je vérifierai.

En ce qui concerne le débridage, je tiens à souligner que l'hydroélectricité a tout fait pour être disponible durant la période d'hiver. Les disponibilités atteignent 90 ou 95 %. Pendant un temps, l'eau n'était pas suffisante. Elle est désormais disponible, en particulier dans les Alpes, un peu moins dans le Massif central et dans les Pyrénées. Des sujets portent encore sur le manteau neigeux. Nous avons discuté des débridages à notre initiative et avec l'État. Des débridages ont été autorisés, de l'ordre de 300 à 400 gigawatts-heure et de 200 à 300 mégawatts, notamment sur la Durance et l'Étang de Berre, avec des souplesses offertes pour concilier préservation de la biodiversité, salinité et production au meilleur moment de l'année mais également sur le Rhin, en discussion avec notre voisin allemand.

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Je souhaite vous poser trois questions. Nous serons tout d'abord à vos côtés pour soutenir le fait que les barrages ne puissent pas être privatisés. Au sujet de la relocalisation de toute la filière de production d'énergies renouvelables et de la formation, nous avons bataillé dans le cadre de la discussion sur le projet de loi qui vient d'être votée en première lecture pour que des mesures aillent dans ce sens, sans être malheureusement victorieux à l'arrivée. Il en est de même sur les moyens pour les administrations afin d'instruire les dossiers. Une divergence porte sur le mix énergétique. Vous avez cité les scénarios de RTE. Un scénario, qui représente bien sûr un défi, prévoit la présence d'énergies 100 % renouvelables en 2050 et deux scénarios prévoient l'absence de construction de nouveau nucléaire.

Le 9 décembre dernier, Bruno Le Maire visitait la centrale de Penly et assurait que le projet Hercule, consistant en un saucissonnage d'EDF et en une privatisation d'une partie de ses activités, était abandonné. Le même jour, Elisabeth Borne confiait une lettre de mission au nouveau président-directeur général d'EDF, pour lui demander une feuille de route stratégique, opérationnelle et financière pour l'avenir du groupe au premier semestre 2023. Nous nous inquiétons, dans ce contexte, du retour du projet Hercule sous un autre nom et d'une cession des activités, notamment renouvelables, d'EDF. Partagez-vous cette inquiétude ?

Nous nous interrogeons également sur le statut des personnels d'EDF Renouvelables, qui est semble-t-il différent de celui des autres branches d'EDF. Il est possible d'imaginer que celui-ci est moins attractif et ne permet pas de développer les activités renouvelables.

Enfin, nous souhaiterions connaître votre avis sur le projet de loi des renouvelables tel qu'il a été adopté en première lecture, avec deux points particuliers. Le premier a trait à la planification. Nous sommes très sceptiques sur « l'usine à gaz » bas carbone qui est ressortie des travaux. Le second est lié à l'aspect financier. Nous sommes vent debout contre la généralisation des contrats gré à gré, type Power Purchase Agreement et avons formulé une proposition alternative d'un opérateur public national unique d'achat de toute la production d'électricité basée sur les coûts de production.

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Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables

Bruno Le Maire a en effet annoncé la fin du projet Hercule le 9 décembre dernier et Elisabeth Borne nous a adressé une lettre de mission, dont la presse s'est fait l'écho quelques jours plus tôt. Notre entreprise dispose de quelques mois pour bâtir cette feuille de route stratégique, opérationnelle et financière. Nous nous réjouissons d'ailleurs de cette demande de l'État. Nous construirons cette feuille de route avec les parties prenantes, le corps social, les équipes et les organisations syndicales, dans un esprit de coconstruction. Nous la soumettrons ensuite à la Première ministre et une discussion s'engagera sur cette base. In fine, le propriétaire dispose de la propriété et nous sommes très respectueux des droits de l'État. Je suis convaincu qu'EDF doit rester un grand acteur des renouvelables, à la fois en France et à l'étranger. Il est prématuré de se prononcer sur la manière de le faire. En tout état de cause, les marchés sont très croissants. Il est nécessaire de renforcer la performance opérationnelle. Un volet de la feuille de route est également financier, compte tenu de la difficulté des comptes, pour des raisons opérationnelles mais également régulatoires. Enfin, un dernier est stratégique, sur les actions à mener au plan industriel et commercial. Nous nous donnons le premier semestre pour en discuter. Je crois que nous devons être un grand acteur des renouvelables et jusqu'à ce jour, il s'agit de la trajectoire que nous avons suivie. D'après ses premières déclarations, Luc Rémont le souhaite également. En ce qui concerne la manière de faire, j'ai l'habitude de dire que je préfère grandir en partenariat que rétrécir seul. Saint-Nazaire, Courseulles ou Fécamp sont construits en partenariat.

En ce qui concerne le statut d'EDF Renouvelables, nous sommes en situation concurrentielle, comme l'ensemble de la filière renouvelables et nos compétiteurs. Le statut est Syntec, ce qui ne me semble pas dégradant au regard des résultats des enquêtes internes « My EDF ». Nous arrivons à attirer, des jeunes et des moins jeunes, avec une belle mixité. Notre effectif croît d'à peu près 10 % par an, sur des marchés qui augmentent de 15 à 20 % par an. Nous sommes très attentifs à ce que les conditions de travail soient à la fois compétitives, attractives et équitables. EDF Hydroélectricité est au statut des IEG.

Concernant le projet de loi, certaines mesures nous paraissent très bonnes, par exemple la reconnaissance d'intérêt public majeur, qui permet d'accélérer sans rien enlever à la protection de la biodiversité. J'espère que les personnes qui privilégient le développement du renouvelable la soutiendront. Les mesures relatives à l'éolien maritime vont également dans le bon sens. En ce qui concerne la planification, le verre est à moitié plein. Nous avons besoin d'acceptation et de dialogue local. Le débat est compliqué, compte tenu de la coexistence d'objectifs globaux et d'enjeux locaux. Je me range à la sagesse des élus pour dessiner l'organisation politique. Je conçois la planification sans droit de véto, avec la valorisation du dialogue pour concilier les différents objectifs, comme plutôt bienvenue.

Enfin, les contrats d'achat long terme d'électricité renouvelable sont plutôt attendus par les clients. Pour offrir de la stabilité, ils doivent à mon sens se développer. Certains sont à contrepartie publique et d'autres privée. Les deux me semblent nécessaires.

Aujourd'hui, le marché ne fonctionne pas car il est seulement court terme. Pour une meilleure visibilité, il est nécessaire d'articuler des signaux de long terme avec le court terme, qui apporte l'efficacité. Il s'agit toutefois uniquement du marché de gros, invisible de nos concitoyens. La facture de détail ne fluctue pas comme le marché de gros et dépend beaucoup moins du prix du gaz.

La séance s'achève à 12 heures 20.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Antoine Armand, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Francis Dubois, M. Maxime Laisney, M. Raphaël Schellenberger.

Excusée. – Mme Valérie Rabault.