Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 19 novembre 2013 à 17h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné M. Jean-Marc Lacave, candidat au poste de président-directeur général de Météo France.

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Le Président de la République souhaite nommer M. Jean-Marc Lacave président-directeur général de Météo France, afin de remplacer M. François Jacq, placé à la tête de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER). En application de l'article 13 de la Constitution, notre Commission doit auditionner le candidat – dont nous avions entendu le prédécesseur à deux reprises, les 29 février 2012 et 2 mars 2013.

L'audition sera suivie d'un vote à bulletins secrets avec appel nominal à la tribune. Le Sénat ayant auditionné M. Jean-Marc Lacave aujourd'hui même, le dépouillement aura lieu immédiatement après l'audition.

Monsieur Lacave, après vous être présenté, je souhaiterais que vous nous rappeliez les missions et les moyens de Météo France.

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Jean-Marc Lacave, candidat au poste de président-directeur général de Météo France

Mesdames et messieurs les députés, après avoir retracé ma carrière, je vous exposerai les enjeux liés à Météo France, tels que j'ai pu les saisir à partir des premières consultations.

Âgé de 57 ans, je suis ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. Entré dans l'administration de l'équipement en 1980, j'y ai travaillé durant vingt ans, débutant mon parcours de terrain au sein des directions départementales de l'équipement (DDE). J'ai commencé par des projets d'urbanisme et d'aménagement de l'environnement à Niort, dans les Deux-Sèvres, avant d'investir des métiers plus classiques d'ingénieur à Nantes. J'y ai construit des infrastructures routières, notamment une partie du périphérique de Nantes et le pont de Cheviré, sur la Loire, à l'aval de la ville. J'ai ensuite passé trois ans à Paris, à la direction des routes du ministère des transports, puis – brièvement – au cabinet de Louis Besson, comme conseiller technique routes. Je suis enfin reparti en province, pour diriger la DDE de la Sarthe, puis du Calvados, tout en étant directeur régional de l'équipement de Basse-Normandie.

Durant ces vingt années passionnantes – qui m'ont vu travailler dans les domaines de l'aménagement, de l'urbanisme et des infrastructures –, j'ai été témoin de l'évolution du rapport entre l'État et les collectivités au cours du processus de décentralisation.

En 2000, j'ai été nommé directeur général du port autonome du Havre, avec lequel j'avais noué des contacts lorsqu'en tant que DDE du Calvados, je devais accompagner l'impact économique du développement du Port 2000 sur la rive gauche de l'estuaire de la Seine. Ce poste – que j'ai occupé durant huit ans – différait sensiblement des précédents puisqu'il s'agissait de concilier la construction du Port 2000 – chantier extraordinaire et complexe – avec les enjeux environnementaux et sociaux, ces derniers étant alors exacerbés par la préparation de la réforme portuaire de 2008. Je devais donc assurer l'équilibre entre les grands chargeurs de niveau mondial et les syndicats, afin de maintenir le cap du projet en matière commerciale, sociale et technique.

En 2008, j'ai rejoint le directoire de la Compagnie maritime d'affrètement – Compagnie générale maritime (CMA-CGM), transporteur marseillais et troisième armateur mondial de conteneurs. J'y suis arrivé à un moment difficile : alors qu'éclatait, en 2008, la crise bancaire et financière mondiale, l'entreprise – qui avait commandé beaucoup de navires – était extrêmement endettée, faisant la frayeur des banques. Pendant deux ans, nous avons cherché à dégager des économies et à améliorer la productivité, tout en essayant de profiter de ce moment clé pour le commerce mondial où le transport par conteneur ne cesse de se développer.

Je suis ensuite passé au Conseil général de l'environnement du ministère de l'écologie, où j'ai été chargé de missions plus classiques d'audit et d'expertise. En 2011, on m'a confié le soin de piloter – en liaison avec le Conseil mondial de l'eau, l'État français et la ville – la préparation du Forum mondial de l'eau, qui s'est tenu en 2012 à Marseille. Faire venir 15 000 personnes – membres de gouvernements, d'organisations internationales, d'ONG et de collectivités – pour une semaine de travail en commun fut à la fois passionnant sur le fond et très prenant du point de vue logistique.

Enfin, depuis cette année, je m'occupe d'une autre entreprise maritime en difficulté : la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM), sous le coup de sanctions européennes lourdes, qui a besoin d'accompagnement pour traverser cette période. L'État détenant 25 % du capital de Veolia Environnement, il fallait coordonner les différents départements ministériels concernés.

Ce parcours m'a permis d'acquérir une bonne connaissance des institutions de l'État, des collectivités locales et des entreprises, chacune de ces sphères ayant ses particularités. Il m'a également donné l'expérience de la complexité – technique, scientifique et économique ; complexité du développement durable où, comme sur le chantier de Port 2000, se mêlent les aspects social, environnemental et économique ; complexité internationale enfin, le Forum mondial de l'eau donnant à voir les rapports de force entre gouvernements, organisations internationales et européennes. Mon parcours m'a enfin doté d'une vaste expérience managériale, les organismes que j'ai dirigés – de nature très variée – m'apportant chacun leur lot d'enseignements complémentaires.

Pour l'heure, je ne connais encore Météo France qu'à travers la documentation et un bref échange avec mon prédécesseur ; cela suffit néanmoins pour constater qu'il se dégage de cet établissement une impression générale d'identité très forte. Celle-ci tient à la nature de ses missions au service du public – grand public et professionnels – et de service public – gestion de crises et dispositifs de vigilance destinés à la sécurité civile. Cette identité est également scientifique, l'établissement se spécialisant dans un domaine de compétence très pointu et technique, un des éléments de sa performance. Elle renvoie non seulement à la prévision météorologique, mais également à la recherche climatique. En effet, si le mot « climat » ne figure malheureusement pas dans le nom de l'établissement, ce domaine en représente une des missions, dont l'importance ne cessera de croître. Connue et reconnue tant au niveau européen qu'au niveau mondial, Météo France possède enfin une identité forte à l'échelle internationale ; si l'établissement peut être fier de la performance de ses modèles et de ses outils, il doit également veiller à conserver son rang.

Météo France possède ensuite une série de points forts. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2012-2016 – porteur d'attentes, d'ambitions et d'orientations – lui confère une structure claire et la possibilité de se projeter dans une perspective pluriannuelle.

L'établissement propose des prestations de grande qualité. Si l'on peut parfois sourire des éventuels écarts entre les bulletins météo et le temps effectivement observé, les prévisions de Météo France sont objectivement très fiables. Au jeu des indicateurs – tels que la valeur des pronostics à trois jours ou à la journée, ou encore les vigilances annoncées –, l'établissement présente des scores conformes aux objectifs qui lui sont assignés, de l'ordre de 85 à 86 % de fiabilité – résultats très honorables pour des prévisions basées sur une science qui n'est pas totalement exacte.

Le niveau des outils représente un autre point fort. En effet, on ne peut pas faire de la bonne prévision si l'on ne dispose pas d'une capacité correcte d'observer, de modéliser les données et d'exploiter les modèles à l'aide de calculateurs qui fonctionnent. Météo France possède un parc de radars, stations, satellites et modèles numériques de qualité, reconnu dans le monde entier.

La culture opérationnelle de l'établissement est également très développée. Météo France ne se contente pas d'observations, de calculs et de prévisions, mais intervient dans les situations de crise – tempêtes, submersions, épisodes neigeux –, ses personnels étant fortement attachés à cette mission de service public.

Tout sauf figé, l'établissement a d'ores et déjà montré sa capacité à évoluer. Je suis très impressionné par ce qu'a réalisé François Jacq : en trois ans, entre 2010 et 2013, Météo France a diminué ses effectifs de 200 personnes et réduit ses crédits de fonctionnement courant de 17 %. Si poursuivre les baisses à ce rythme risque de s'avérer difficile, l'établissement a déjà payé un tribut important à la politique de maîtrise des dépenses publiques, tout en améliorant sa productivité.

Enfin, l'établissement – qui détient à ce jour 62 % de parts de marché, tous publics confondus – dispose d'une véritable capacité de développement commercial. À cet égard – et même si ses avantages excèdent de loin la seule sphère financière –, la complémentarité entre les missions de service public et la dimension commerciale apparaît essentielle.

À côté de ces points forts – qui constituent autant de points d'appui – subsistent néanmoins quelques préoccupations, qui doivent servir de tremplins à l'action. Le modèle économique de l'établissement constitue un premier sujet d'inquiétude. Météo France est en grande partie dotée par l'État – au titre du programme 170 du budget général –, mais bénéficie également des redevances de navigation aérienne, par le biais de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), et de recettes commerciales. Les dotations sont plutôt en baisse, dans le cadre de la politique générale de maîtrise des dépenses publiques ; le développement de la concurrence et de la politique d'open data grignote pour sa part le montant des recettes commerciales ; le projet de ciel unique européen constitue également une menace pour le budget de l'établissement. Sa recette globale ne saurait donc augmenter dans les années à venir.

Côté dépenses, on a déjà fait beaucoup d'efforts, et l'on ne saurait les poursuivre indéfiniment au même rythme. Le risque, dès lors, est de voir l'investissement en outils informatiques et de calcul devenir la variable d'ajustement entre les recettes et les dépenses. Il faut absolument l'éviter, car le coeur de la performance de Météo France tient à sa capacité à récolter et à traiter les données. Si l'on en sacrifie les moyens, on risque de perdre, peu à peu, notre rang. La représentation nationale doit donc veiller à ce que les dotations de l'État cessent de baisser ; nous devrions passer 2014 en faisant appel au fonds de roulement, mais il faudra préserver au mieux les dotations dans les budgets suivants. Il faut également que Météo France soit exemplaire dans sa façon de remplir ses missions ; afin de justifier l'usage des crédits publics, nous devons nous attacher à démontrer notre utilité sociale. Ainsi, je compte poursuivre la démarche d'adaptation et de modernisation de l'établissement. Il faut notamment travailler sur des produits à forte valeur ajoutée : en effet, nos clients ont besoin de données ajustées à leurs besoins. C'est cette capacité d'analyse et d'adaptation qui pourra nous rendre compétitifs, et qui nous permettra demain de gagner des parts de marché. Il faut enfin développer les partenariats ; ainsi, je crois beaucoup au caractère fécond de la mutualisation et de la coopération avec nos homologues européens, notamment allemands et anglais.

La deuxième préoccupation tient aux difficultés de la réorganisation interne de Météo France, engagée depuis plusieurs années et émaillée de grèves. L'ambitieux programme de fermeture de centres est avant tout la conséquence de la performance des outils, qui autorise des prévisions toujours plus précises, même avec une présence territoriale plus réduite. Parce qu'ils l'ont bien compris, les agents ont en général accepté de bonne grâce les efforts demandés, dès lors qu'ils étaient accompagnés d'une amélioration de la qualité de nos outils. Cette réorganisation ne procède pas uniquement de la volonté d'économies ; elle apparaît structurante, modifiant sensiblement la chaîne de prévision – passée de trois à deux étapes. Parce qu'on avait pris soin d'annoncer la réorganisation à l'avance, qu'on l'a accompagnée d'une concertation interne et externe conséquente, avec mise en place de dispositifs d'écoute imposants, et qu'on s'est efforcé de proposer aux agents des solutions clés en main, individu par individu, le processus est aujourd'hui bien engagé. Il faut désormais le mener à son terme dans les meilleures conditions possible, afin de pouvoir passer à autre chose. Je m'attacherai à déployer toute l'énergie nécessaire au bon achèvement du dispositif inscrit dans le COP de l'établissement.

Le ciel unique européen représente une autre menace. Au nom de la compétitivité, la Commission exige que les services météorologiques à l'aéronautique civile soient soumis à la procédure d'appel d'offres. Cette orientation, qui peut mettre à mal 85 millions d'euros, soit 25 % des recettes de Météo France, ainsi que toutes les synergies en matière de recherche et de sécurité entre l'établissement et l'aviation civile, constitue un problème de taille. Certes, la compétitivité doit être recherchée – et elle l'est déjà –, mais le dogme selon lequel elle ne peut être améliorée que par la seule la mise en concurrence n'est pas entièrement justifié ; on le constate par exemple dans le cas de la SNCM. Si je suis résolu à continuer les efforts internes d'adaptation et à viser la diminution des charges pour l'aéronautique civile, je le suis tout autant à défendre le maintien de ce service public au sein de Météo France. J'espère d'ailleurs pouvoir m'appuyer sur mes homologues anglais et allemands, qui semblent également opposés à ce projet dont il faudra démontrer les conséquences négatives.

Le climat constitue également un sujet de préoccupation qui doit orienter notre action. Météo France est un service à la fois météorologique et climatique ; il existe une continuité entre les modèles qui assurent la prévision à deux ou trois jours et ceux qui permettent la prévision à un siècle. L'établissement possède donc les outils adaptés à cette mission et doit savoir les mettre à disposition des acteurs économiques et des collectivités territoriales, afin de leur permettre de prévoir les adaptations nécessaires. Le sujet est d'actualité : fin septembre, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a remis son cinquième rapport, auquel Météo France a beaucoup contribué. En ce moment même, se tient à Varsovie la conférence sur le changement climatique ; en 2015, à Paris, une autre devrait voir la reprise des engagements en matière de limitation des gaz à effet de serre. Météo France doit participer à tous ces débats et se mobiliser pour faire de la résolution de ces questions sa priorité. Afin de jouer un rôle majeur dans ce domaine, la France doit coordonner le travail des acteurs nationaux de la prévision climatique : les universités, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), etc. Le changement climatique offre enfin l'occasion de proposer des services commerciaux et de conquérir de nouvelles parts de marché dans les secteurs tels que le tourisme, l'énergie ou l'agriculture.

Pour finir, un peu comme le port du Havre, Météo France constitue un espace circonscrit où, par manque de passerelles avec le monde extérieur, la plupart des personnels passent leur carrière entière. Certes, l'établissement est vaste et renferme beaucoup de compétences différentes, offrant l'occasion de parcours professionnels assez variés. Cependant, un tel ensemble doit vivre, respirer et rayonner afin que les personnes qui y travaillent puissent s'épanouir. Cela nécessite de soigner le management en développant le dialogue, la modernisation des outils, la culture de projets – autant d'ingrédients qui permettront à cette communauté d'être fière de son établissement, de ses métiers et de l'utilité sociale de son action quotidienne. C'est là que réside une des clés de la performance de l'établissement.

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Lorsque nous avons reçu M. François Jacq, nous l'avons interrogé sur la restructuration de Météo France : en effet, les parlementaires investis de mandats locaux s'inquiétaient de la réduction du nombre d'implantations, qui doit passer de 108 à 55 entre 2012 et 2016.

J'ai cru comprendre que Météo France avait perdu le marché de France Télévisions. Pourriez-vous nous donner des informations sur ce dossier ?

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Tout en vous saluant au nom du groupe SRC, je suis également heureuse à titre personnel de m'adresser à quelqu'un qui a connu Niort il y a quelques années, et je vous invite, monsieur Jean-Marc Lacave, à y revenir pour constater les transformations de la ville. (Sourires)

Vos propos traduisent une vision claire de Météo France et montrent que vous avez pour objectif de maintenir cet établissement dans le cercle des entreprises internationales spécialisées. Le chemin sera long et difficile pour un établissement dont la structure s'apparente à celle de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). Recelant des compétences et des outils de pointe, confronté à une concurrence internationale impitoyable, celui-ci cherche également, à travers des contrats d'objectifs précis, à se maintenir dans le cercle des entreprises indispensables à l'échelle internationale.

Quelles sont les grandes lignes du COP de Météo France pour les années à venir ?

Travaillez-vous, au niveau européen, avec des entreprises de même nature ? Comment voyez-vous le rapprochement et la mutualisation des moyens avec elles ?

Météo France a été impliquée dans les rapports du GIEC et participera aux conférences à venir ; que pensez-vous de l'évolution du climat ? Doit-on agir plus vite et plus fort pour préserver notre vie sur terre ?

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Monsieur Jean-Marc Lacave, témoin du passage de la période de l'aménagement du territoire à celle de la décentralisation, vous affichez une carrière de grand serviteur de l'État, et je ne doute pas de votre nomination. Je vous invite d'ailleurs à revenir dans la région nantaise, car le périphérique que vous avez pensé et réalisé est aujourd'hui saturé. Vous êtes également l'auteur d'une très belle réussite : le port du Havre. Alors que Bordeaux et Nantes en sont malheureusement réduits à l'échelon régional, c'est désormais le seul port de France à vocation internationale. Deux élus de cette Assemblée – le regretté Jean-Yves Besselat et Daniel Paul – ont été d'ardents défenseurs de cette réalisation économique, industrielle et environnementale, exemple de ce qu'on aurait pu qualifier, par anticipation, d'une politique de développement durable.

Nommé à mi-chemin de la période couverte par le COP de Météo France, et alors qu'un autre opérateur public – La Poste – revoit également son contrat d'objectifs, quelles réformes de structures comptez-vous mener dans les prochaines années ?

Plusieurs stations météo aéronautiques, situées sur les aérodromes, ont fermé ces derniers mois ; auparavant, des stations maritimes emblématiques – telles que Le Conquet – avaient également subi le même sort. Y aura-t-il d'autres fermetures ? Quelles solutions de remplacement prévoit-on ?

Vous avez mentionné – à juste titre – la place du climat parmi les missions de Météo France, évoquant l'importance des partenariats. Qu'en est-il de celui avec l'armée – acteur public de premier plan et un des grands budgets de l'État, qui doit être à la pointe de la recherche climatologique ?

Compte tenu de la crise et de l'intensification de la concurrence – notamment européenne – à laquelle Météo France est confrontée en tant qu'opérateur public, son chiffre d'affaires commercial connaît-il une évolution ? Quelles sont les prévisions pour l'avenir ?

Enfin, quels sont les principaux axes de la stratégie de développement dans le domaine de la prévision numérique, en plein essor ?

En attendant que Météo France puisse également nous renseigner sur l'évolution à venir du climat politique, le groupe UMP votera en faveur de votre nomination.

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Monsieur Jean-Marc Lacave, le groupe UDI ne doute pas non plus de votre élection.

Issu d'un grand département agricole – la Meuse –, je sais que les agriculteurs y déploient depuis des années des efforts considérables pour améliorer leurs pratiques, notamment grâce au réseau de fermes DEPHY – « Démontrer que réduire l'utilisation de produits phytopharmaceutiques est possible ; Expérimenter des systèmes économes en produits phytopharmaceutiques ; Produire des références sur les systèmes économes en phytosanitaires ». Afin de les aider à éviter des traitements phytosanitaires excessifs et mal positionnés, le ministère de l'agriculture a créé, il y a quelques années, un réseau de stations météorologiques, censé à terme pouvoir modéliser les risques régionaux vis-à-vis des bio-agresseurs. Or depuis 2013, la Direction générale de l'alimentation (DGAL) et l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), qui financent ce réseau, ont décidé d'en réduire les crédits. En conséquence, de nombreuses stations météorologiques – dont celles du réseau de la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) – ne sont plus entretenues ; rien que dans mon département, trois d'entre elles seront fermées. Or ces stations sont incontournables pour mieux adapter les traitements au contexte pédoclimatique – l'un des objectifs du programme ECOPHYTO.

Que pensez-vous de ces évolutions ? Météo France sera certainement appelée à prendre le relais afin de compenser le désengagement du ministère de l'agriculture ; comment, dans le contexte de diminution importante de vos crédits, imaginez-vous pouvoir mener à bien cette mission essentielle pour le développement durable ?

Le rapport de M. Mohammed Adnène Trojette, magistrat à la Cour des comptes, sur l'ouverture des données publiques soulève la question de la légitimité des exceptions au principe de la gratuité. Le modèle économique de Météo France étant en partie fondé sur les redevances versées par les utilisateurs de données, saurez-vous mettre en place un nouveau schéma de développement économique ?

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Monsieur Lacave, la qualité de votre présentation m'amènera à voter, au nom du groupe RRDP, en faveur de votre candidature.

Alors que Météo France conserve une position dominante sur le marché grand public, cet opérateur est désormais de plus en plus concurrencé sur celui des services aux professionnels. Outre la montée en puissance de concurrents généralistes, il est également débordé par des acteurs disposant d'une expertise pointue dans des domaines spécialisés comme l'hydrologie urbaine, le traitement du signal radar, la modélisation atmosphérique ou la météorologie marine. Nous avons récemment appris que les antennes nationales de France Télévisions s'approvisionneront, à partir de 2014, auprès d'un autre fournisseur. Au-delà de la surprise – voire de la consternation – que suscite cette absence de solidarité entre établissements publics, je souhaiterais comprendre les raisons qui ont poussé France Télévisions à faire ce choix. L'offre de Météo France n'était-t-elle pas compétitive pour des raisons financières ou techniques ? Quels enseignements – en matière de stratégie, de moyens et d'organisation des établissements publics – tirez-vous de cet épisode fâcheux ?

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Les Français sont très attachés à la possibilité de bénéficier d'informations météorologiques claires et anticipées, et le changement climatique rend la précision des données particulièrement cruciale. Cependant la réorganisation du réseau territorial de Météo France amène à diviser par deux – de 108 à 55 – le nombre d'implantations locales. Les territoires ruraux – comme mon département de la Haute-Loire – s'inquiètent du devenir de leurs sites. Comment, dans ces conditions, Météo France pourra-t-elle répondre à la demande d'informations ? Comment pourront être collectées et traitées efficacement les données concernant l'ensemble du territoire ?

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Quelle est la part des recettes commerciales dans le budget de Météo France ? En effet, l'établissement se trouve aujourd'hui entre deux eaux : issu du service public, il est désormais ouvert à la concurrence et confronté à la nécessité de vendre une partie de ses prestations. Comment évoluent ces recettes ? Quelle clientèle nationale et internationale visent ces produits ?

Les États membres de l'Union européenne semblent avoir repoussé le nouveau paquet de règlement concernant les FAB – Functional Airspace Blocks (Blocs d'espace aérien fonctionnel) –, que la Commission européenne souhaitait introduire pour remédier aux lenteurs de leur mise en oeuvre. Or, au-delà des contraintes du dispositif et du dogmatisme de la Commission, les FAB sont censés rationaliser le ciel européen pour en éviter l'encombrement, en particulier dans le triangle Nord où il commence à devenir extrêmement saturé. La Commission reviendra donc sûrement, d'une façon ou d'une autre, à ce projet. Comment pensez-vous positionner Météo France par rapport à cet enjeu ? Je doute – comme vous – qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure d'appel d'offres ; mais comment aider le monde aérien à modérer les taxes de service qu'il doit acquitter ?

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Quelle ambition l'établissement nourrit-il en matière de recherche ? Pour l'instant, beaucoup de programmes restent pilotés par des centres annexes de Météo France ; or cet aspect prendra de plus en plus d'importance, notamment dans le cadre de programmes visant à exploiter les données satellitaires, qui devraient enfin voir le jour grâce à Galileo.

Les données météorologiques revêtent une importance cruciale, y compris en matière de développement économique. Or aujourd'hui, la plupart d'entre elles nous viennent encore des États-Unis ; il nous reste donc beaucoup de retard à rattraper en matière de partage avec le grand public, les collectivités ou les laboratoires. Quelle est l'ambition de l'établissement dans ce domaine ?

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Monsieur Jean-Marc Lacave, vous avez beaucoup parlé de l'optimisation de l'organisation et de l'efficacité de Météo France, notamment en matière d'implantations et de structuration des effectifs. En 2012, un schéma cible a été arrêté ; où en est sa mise en oeuvre et comment vous appropriez-vous cette démarche ?

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Le département de l'Hérault subit fréquemment de violentes perturbations et inondations. Les pouvoirs publics s'organisent pour y préserver la sécurité de la population et limiter le coût des dommages. Alors que le changement climatique entraîne une augmentation de ce type de phénomènes, comment affirmer le rôle de Météo France, entre stratégie nationale et dialogue avec les collectivités locales ?

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Jean-Marc Lacave, candidat au poste de président-directeur général de Météo France

Monsieur le président, monsieur Olivier Falorni, je regrette la décision de France Télévisions – que j'ai apprise en tant que simple citoyen –, le choix de passer par un appel d'offres par lots conduisant à la parcellisation de l'information météorologique. En effet, si au niveau national France Télévisions s'appuie désormais sur un groupe anglais, les émissions régionales et le dispositif de vigilance continueront à être alimentés par Météo France. L'économie générale d'un tel système risque de s'avérer problématique. Certes, un établissement public cherche toujours à obtenir le meilleur prix en mettant en compétition plusieurs opérateurs, mais il doit avant tout essayer de construire un partenariat avec ses homologues. En arriver à faire appel à une entreprise privée signe l'échec de la coopération entre services publics. Je ne connais pas encore le contenu des offres, mais même si l'on m'indique que celle de Météo France était assez compétitive, il faudra chercher notre part de responsabilité dans ce résultat. Aussi devrai-je analyser très vite, avec les équipes, ce qui s'est passé, afin d'en tirer tous les enseignements nécessaires. Je souhaite, pour ma part, cultiver avec les autres services publics des relations confiantes, constructives et harmonieuses, afin d'éviter que les producteurs français perdent des marchés au profit d'opérateurs étrangers.

Madame Geneviève Gaillard, la coopération internationale – notamment européenne – est de plus en plus structurée. Elle s'exerce au sein de l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT) et du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), organisme collectif basé en Angleterre et rassemblant les services météorologiques nationaux de tous les pays d'Europe. L'observation météorologique et les calculs ne connaissent pas de frontières ; aussi prend-t-on de plus en plus l'habitude de travailler en commun. Les Français sont très bien implantés dans ces organes internationaux – des anciens de Météo France dirigent ainsi le CEPMMT – et se trouvent à l'origine de bien des initiatives de coopération. Tendre vers un service météorologique unique européen n'a pas de sens dans la mesure où la prévision reste un enjeu de sécurité nationale – ne serait-ce qu'en matière de défense ; en revanche, je crois à la mutualisation des outils d'observation et de calcul, qui permettrait d'éviter de juxtaposer les dépenses.

S'agissant du climat, je lis, comme tout un chacun, les rapports du GIEC. Plus personne ne conteste aujourd'hui le constat sans équivoque du réchauffement climatique. Le rôle de l'influence humaine dans ce processus – notamment par le biais des émissions de gaz à effet de serre – semble établi. Le réchauffement se poursuivra, accompagné de phénomènes extrêmes, mais également d'événements localement contradictoires. Il faut donc arriver à en prévoir les conséquences concrètes, à moyen terme, pour chaque région. Quel en sera l'impact, dans dix ans, en Poitou-Charentes ? On connaît la tendance générale, mais il faut apporter des réponses adaptées aux territoires.

En ce qui concerne les réformes à venir, monsieur Christophe Priou, j'entends suivre le COP qui fournit un socle de base au projet de réorganisation de Météo France. De 108, on passe en effet à 55 implantations ; 31 des 53 centres appelés à être fermés – soit plus de la moitié – le sont déjà. Je tâcherai de conduire à son terme cette réforme délicate, et m'en tiendrai là. La maison Météo France est sensible, elle possède une histoire et une culture forte ; je n'ai pas l'intention d'arriver avec des projets tout faits qui risqueraient de la déstabiliser davantage encore.

Monsieur Bertrand Pancher, à ce stade, je ne peux pas répondre à la question concernant les stations du réseau FREDON, destinées à aider les pratiques agricoles, et le désengagement de l'ONEMA et du ministère de l'agriculture. J'étudierai rapidement ce dossier, car perdre des outils d'observation ne peut qu'être préjudiciable à la qualité des services rendus. Il faudra donc trouver des solutions de substitution.

S'agissant de l'open data, beaucoup de données sont déjà ouvertes au grand public, voire aux professionnels. Dans ce domaine, la difficulté tient surtout à la nécessité de disposer d'outils informatiques suffisamment puissants pour supporter le transfert de grandes masses de données et le volume important de connexions. Il s'agit donc davantage d'un aménagement technique des outils de diffusion que d'une véritable révolution dans le statut des données ; en effet, les données payantes – qui rapportent quelque 3 millions d'euros par an – représentent une recette modeste. Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes ne propose pas beaucoup de pistes pour compenser la perte de cette ressource – tant pour l'IGN que pour Météo France.

Au sein d'un budget global de quelque 450 millions d'euros, la part des recettes commerciales – en légère baisse – passe de 40 à 35 millions, érodée par la concurrence, le caractère limité du marché et la faiblesse de la demande dans cette période difficile. Dans ces conditions, je chercherai surtout à maintenir ce montant, sans ambitionner de le multiplier par deux ou par trois. Pour cela, il nous faut cibler les personnes qui dépendent de la météo dans leurs activités quotidiennes ; j'en ai moi-même fait partie en tant qu'armateur, constructeur ou exploitant de routes, ou encore portuaire. Pour attirer de nouveaux clients, nous devons pouvoir leur apporter, plutôt que de la donnée brute, des réponses adaptées aux spécificités de leur métier, qui leur permettent de prendre des décisions opérationnelles.

J'estime qu'il faut résister à l'évolution qui se dessine pour le ciel européen, la volonté de désunir les services publics au nom de la compétitivité relevant d'un dogme. Travaillons à baisser les coûts par le biais des coopérations et de la réorganisation – notamment dans le domaine de l'aéronautique –, prenons la voie de l'amélioration de la performance ; mais ne sacrifions pas tout à l'objectif de la mise en concurrence. Les réformes internes devraient nous permettre de gagner du temps et d'échapper aux critiques.

Mon prédécesseur avait mis la recherche en tête des objectifs du COP, et je veillerai à ce qu'elle continue de s'épanouir. Je pense qu'il faut trouver, au cas par cas, les meilleurs partenaires pour chaque recherche – dans le domaine aérien, maritime, terrestre, portant sur les phénomènes extrêmes, le climat, les submersions, etc. Météo France est déjà bien outillée et organisée : élargir le champ de son activité avec des partenaires qui, sur chaque sujet, viendront compléter les efforts internes de recherche nous permettra de parvenir à un résultat plus rapide et meilleur encore.

Si en matière de réorganisation territoriale, nous devons simplement mener à son terme le projet de réduction du nombre de sites, bien davantage reste à faire sur le plan interne, pour assurer la répartition entre prévisionnistes amont et conseil, entre ceux qui s'impliquent dans la démarche commerciale par le biais de prestations spécialisées et ceux qui s'occupent de la prévision générale.

Enfin, s'agissant du rôle que l'établissement doit tenir vis-à-vis des collectivités territoriales, j'ai noté l'expérience, dans le Languedoc-Roussillon, de l'entreprise Predict – filiale de Météo France et du groupe BRL – qui se présente comme un outil de conseil météorologique régional. Sans savoir, à ce stade, si elle fonctionne bien, cette tentative de combiner la matière proposée par Météo France avec les besoins réels et concrets du terrain m'apparaît très prometteuse. Gageons que c'est par le biais de ce genre d'initiatives que l'on arrivera à se rapprocher de plus en plus des attentes des collectivités.

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Monsieur Jean-Marc Lacave, je vous remercie d'avoir répondu à nos questions. Nous avons tous constaté, au travers de votre présentation et de vos réponses, l'intérêt que vous portez à vos futures responsabilités à la tête de Météo France.

Après le départ de M. Jean-Marc Lacave, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant Mme Sabine Buis et M. Arnaud Leroy :

Les résultats du scrutin qui a suivi l'audition sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Abstention

Suffrages exprimés

Pour

Contre

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 19 novembre 2013 à 17 h 15

Présents. - M. Serge Bardy, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Jean-Christophe Fromantin, Mme Geneviève Gaillard, M. Jacques Kossowski, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, M. Franck Montaugé, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jonas Tahuaitu, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal

Excusés. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Guillaume Chevrollier, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Michel Heinrich, M. Christian Jacob, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gabriel Serville