Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Texte n° 778

Amendement N° CL12 (Rejeté)

(2 amendements identiques : CL191 CL137 )

Publié le 7 mai 2018 par : Mme Romeiro Dias, Mme Chapelier, M. Cabaré, M. Laabid, Mme Fontenel-Personne, Mme Couillard, Mme Josso, M. Cazenove, M. Damaisin, Mme Rossi, M. Perrot, Mme Wonner, Mme Tanguy, M. Sorre, Mme Peyron, Mme Maillart-Méhaignerie, Mme Gaillot, M. Buchou, Mme Michel, Mme Pascale Boyer, Mme Lazaar, M. Perea, M. Sommer, M. Portarrieu, M. Galbadon, M. Chalumeau, Mme Guerel, Mme Thillaye, M. Morenas, M. Besson-Moreau, Mme Charvier, M. Kokouendo.

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Après le mot :

« mineurs, »

rédiger ainsi la fin de l'alinéa 2 :

« est imprescriptible. »

Exposé sommaire :

En France, une victime de crime sexuel peut porter plainte jusqu'à vingt ans après sa majorité. Ainsi, passé 38 ans, malgré la gravité des faits, aucun recours ne sera possible pour la victime abusée quand elle était enfant.

Le présent projet de loi, malgré une attente forte de la société pour rendre ces crimes imprescriptibles (au premier rang duquel nous retrouvons les nombreuses victimes), propose de passer ce délai de 20 à 30 ans à compter de la majorité et donc de permettre à un enfant victime de porter plainte jusqu'à ses 48 ans.

Cette proposition du gouvernement s'appuie sur les recommandations de la mission de consensus. Mais ce sujet peut-il se contenter d'un compromis, le rôle du législateur n'est-il pas d'aller au fond du débat public, et de porter la position qui permettra la meilleure protection possible des victimes.

Doit-on faire une synthèse des positions exprimées chez les professionnels, les experts ou doit-on avoir l'ambition de faire évoluer notre législation si nous considérons collectivement qu'elle n'est pas adaptée à la situation?

Dans ce débat, il est utile de rappeler que les premières causes de mortalité en France chez les moins de 25 ans sont les accidents et les suicides et que ceux-ci sont très fortement corrélés à des violences subies. Gardons en tête les récits de tous ces enfants victimes de ces crimes. Ils décrivent des scènes de torture quotidiennes, des sévices physiques et sexuels, des actes d'une rare cruauté, des mises en danger répétées associées à des négligences et des violences psychologiques réitérées d'une puissance de cruauté inqualifiables.

L'étude prospective américaine de FELITTI de 2010 montre que le principal déterminant de la santé à 55 ans est d'avoir subi des violences dans l'enfance. Plus les violences perpétrées ont été graves, fréquentes et plus les conséquences sur la santé sont importantes: risques de morts précoces par accident, maladies et suicides, maladies cardio-vasculaires et respiratoires, de diabète, d'obésité, d'épilepsie, de troubles psychiques, d'addictions, de douleurs chroniques invalidantes si l'on ne s'arrête qu'aux symptômes majeurs.

Alors dans ce débat, le symbole de la justice doit être celui qui guide le législateur, le symbole de la balance de Thémis (la balance aux deux plateaux).

D'un côté de la balance, nous avons les conséquences des viols sur mineurs jusqu'à la fin de leur vie:

-syndrome post traumatique,

-Difficultés d'insertion sociale,

-Difficultés scolaires,

-Situation professionnelle et financière parfois dramatique,

-Maladies chroniques,

-Dégâts psychologiques,

-Réduction de l'espérance de vie,

-Suicides.

De l'autre côté de la balance, nous retrouvons les arguments régulièrement utilisés contre l'imprescriptibilité:

-Elle aurait aujourd'hui une symbolique forte car elle est réservée aux seuls crimes contre l'humanité et ne devrait pas être appliquée à d'autres crimes;

-La difficulté à rassembler des preuves si la procédure est lancée trop tardivement ( ce qui au passage est la même difficulté à 5 ans ou à 30 ans);

-La prétendue inconstitutionnalité de l'imprescriptibilité ce qu'a parfaitement contredit la Cour de Cassation en 2012 et le Conseil Constitutionnel en 2015 (voir ci-dessous);

-Il y aurait un plus grand risque de ne pas aboutir à une condamnation ( mais c'est le propre de toute procédure judiciaire, on n'en connaît jamais l'issue au commencement, est-ce à dire que nous devons retirer le droit à agir ou être écouté?).

Ici, la balance de la justice penche incontestablement pour l'imprescriptibilité, le comparatif ne faisant pas le poids eu égard aux conséquences abominables et perpétuels de ces crimes sur des êtres en construction mais aussi eu égard à la durée souvent indéterminée de l'emprise de l'agresseur sur la victime, voire même ce qui est maintenant connu scientifiquement du phénomène d'amnésie traumatique.

Les délais de prescription pourtant dérogatoires sont inadaptés tant le traumatisme subi se traduit par une amnésie dissociative plaçant l'enfant dans l'incapacité de dénoncer ce qu'il a subi pendant une période très longue qui va au-delà de sa majorité ou de l'âge de 38 ans, voire demain 48 ans, moment où l'action publique serait prescrite définitivement en cas de viols ou d'agressions sexuelles aggravés avec un prédateur sexuel toujours en activité.

Comme cela a été dit précédemment, de très nombreux arguments plaident objectivement pour l'imprescriptibilité des crimes commis sur mineurs.

Ainsi, le droit international, en règle générale, ne connaît pas la prescription en dehors des instruments qui la prévoient expressément. Au niveau des Etats, la prescription des crimes, délits ou contraventions n'est ni une règle absolue, ni une règle générale.

Certains pays excluent toute prescription. C'est le cas des pays du Common Law comme l'Angleterre ou le Pays de Galles qui rendent toutes les infractions imprescriptibles sauf si un texte en décide autrement.

En Suisse, le parlement a approuvé le projet élaboré par le Conseil Fédéral et décidé de rendre imprescriptibles les crimes sexuels commis sur les mineurs de moins de 12 ans lorsque l'auteur est majeur.

En Californie, à la suite du scandale de l'Affaire Bill COSBY, l'imprescriptibilité a été décidée pour toutes les agressions sexuelles sur mineures.

Au Canada, on a légiféré de telle sorte qu'il y ait imprescriptibilité sur les crimes sexuels commis sur des mineures.

En ce qui concerne plus particulièrement notre pays, la situation est particulière. La France qui reconnaît philosophiquement la prescription en matière pénale a décrété à l'instar d'autres nations l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et de guerres qui sont connexes et pour les génocides, vu leur caractère odieux et leur extraordinaire gravité. On ne conçoit pas d'application du droit à l'oubli pour des crimes qui ont été perpétrés contre la communauté des nations et l'humanité en tant que telles.

Au-delà du critère d'atteinte universelle à la dignité humaine, la réserve de l'imprescriptibilité aux seuls crimes contre l'humanité était également fondée sur le fait qu'ils pourraient être révélés et donc poursuivis longtemps après qu'ils soient survenus et que par ailleurs les victimes pourraient avoir besoin de temps pour être en capacité de porter les faits devant la justice. Ces crimes semblaient être les seuls à présenter cette singularité à l'époque où le législateur a légiféré.

Or, aujourd'hui, les crimes contre l'humanité sont révélés et connus quasi immédiatement et comme en attestent les études scientifiques et les paroles des victimes, ce critère de la temporalité peut s'appliquer parfaitement aux crimes commis sur mineurs. Quant à l'humanité, existe-t-il pire atteinte à l'humanité que les crimes perpétrés sur les enfants?

De plus, l'imprescriptibilité permettrait de répondre aux attentes des victimes qui ne comprennent pas l'existence même d'un délai au-delà duquel la justice ne les entendra plus. Elles le ressentent comme une injustice. La prescription est vécue comme une forme de protection des auteurs. C'est une manière d'encourager la culture de l'impunité.

Enfin, loin des idées reçues, l'imprescriptibilité ne se heurte à aucun obstacle juridique. La prescription solidement établie par notre droit ne repose sur aucun fondement constitutionnel comme l'a jugé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 décembre 2012. En effet, le droit pénal impose surtout le respect de deux obligations. Le principe d'égalité des justiciables devant la loi qui découle de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, ne fait pas obstacle à ce qu'une différenciation soit opérée par la loi pénale entre des agissements de nature différente. Il impose cependant de traiter les auteurs d'une même infraction dans des conditions similaires. Le principe de légalité des délits et des peines, qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen impose « la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ».

Le Conseil d'Etat dans son avis du 1er octobre 2015 a rappelé que « le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour décider du principe et des modalités de la prescription de l'action publique et de la peine », d'autant que « ni la Constitution, ni la Convention Européenne des droits de l'homme ne comportent de disposition expresse relative à la prescription en matière pénale ».

Cet amendement vise donc à inscrire l'imprescriptibilité des crimes et infractions sexuelles commises sur des mineurs, ce qui consacrerait dans notre droit de la prescription, la particulière protection de l'enfant conformément au préambule de la convention internationale des droits de l'enfant.

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