La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

La commission auditionne Audition de Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.

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Madame la ministre déléguée, votre ministère traite de sujets qui me tiennent personnellement à cœur, mais je suis sûre que c'est le cas de tous ici, qu'il s'agisse de l'égalité entre les hommes et les femmes, de la lutte contre les discriminations sous toutes ses formes ou de la promotion de la diversité et de l'égalité des chances.

Vous avez annoncé hier un plan très ambitieux pour lutter contre les discriminations anti-LGBTQI, dans la continuité des actions menées lors de la précédente législature pour interdire les thérapies de conversion et ouvrir la procréation médicalement assistée à toutes. Vous nous en présenterez les actions, notamment la formation des forces de l'ordre et la lutte contre le harcèlement scolaire dont il a beaucoup été question cette année. Le financement ambitieux, de 10 millions d'euros, en faveur des centres d'accueil des personnes victimes de discriminations traduit un effort sans précédent.

Votre portefeuille est plus large et comporte de nombreux autres sujets d'intérêt pour notre commission, aussi, après plus d'un an dans vos fonctions, nous souhaiterions connaître le premier bilan que vous dressez, mais également les perspectives que vous tracez, car nous sommes aussi là pour parler d'avenir.

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Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Je vois mon ministère comme un ministère de combat pour la dignité humaine, pour l'égalité et contre les haines et discriminations, un ministère pour toutes et tous, où chacun et chacune, avec sa sensibilité, peut trouver une place, une expression et soutenir des initiatives. Les sujets dont nous traitons appellent au consensus. Je veux vous redire ma volonté de coconstruire avec toutes les sensibilités et en lien étroit avec la société civile, dans un esprit collaboratif et transpartisan. L'égalité est l'affaire de tous, particulièrement de toutes celles et ceux qui, comme vous, s'engagent politiquement pour défendre les autres.

Mon action s'articule autour de quatre volets. Je débuterai par celui de la lutte contre les violences faites aux femmes et la prise en charge économique et sociale des victimes.

Je suis intimement persuadée que l'éradication des violences à l'encontre des femmes est un prérequis pour atteindre l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. C'est le premier axe du plan Toutes et tous égaux, visant à assurer partout en France une protection intégrale et immédiate des femmes par des mesures de prévention et d'alerte des violences sexistes et sexuelles, et à mieux sanctionner les auteurs.

Dans le prolongement du Grenelle des violences conjugales, nous déployons progressivement un dispositif inédit pour faciliter la rupture des victimes de violences conjugales avec leur conjoint violent et les accompagner vers une vie nouvelle.

Ce pack nouveau départ est une réponse simple, coordonnée, rapide et individualisée aux besoins des victimes de violences conjugales rendue possible par un système coupe-file mis en œuvre par un coordinateur unique, la caisse d'allocations familiales, ou par les départements s'ils sont volontaires. Il est en cours d'expérimentation dans le Val-d'Oise. Dès la rentrée, il sera étendu à quatre ou cinq autres départements, dont La Réunion, les Bouches-du-Rhône et la Côte-d'Or, avant d'être généralisé à l'ensemble du territoire d'ici à la fin 2025.

Ce pack permet de prioriser l'accès aux aides et aux dispositifs de droit commun au bénéfice des victimes de violences conjugales : allocation type RSA, accompagnement psychologique, aide au retour à l'emploi et à la formation, à la garde d'enfant et, si besoin, hébergement d'urgence. Une aide financière d'urgence issue de la proposition de loi de Valérie Létard viendra compléter le dispositif ; un décret d'application sera publié d'ici à la fin de l'année.

Une autre mesure non négligeable pour améliorer la prise en charge, à laquelle je suis particulièrement attachée au vu de mes années de présidente de cour d'assises, est la création au sein des tribunaux de pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales. Le décret paraîtra en septembre.

Nous doterons également chaque département d'une structure médico-sociale de prise en charge globale des victimes de violences intrafamiliales et sexuelles. Il en existe actuellement une soixantaine ; nous doublerons quasiment leur nombre d'ici à 2025. Le renforcement de l'Agence de recouvrement et d'intermédiation des pensions alimentaires par 110 équivalents temps plein supplémentaires bénéficiera aux mères isolées précarisées financièrement par le non-paiement des pensions.

La santé est un autre combat pour l'égalité. Il convient de lever les tabous entourant le corps féminin et de développer une stratégie globale pour la santé des femmes, réduite trop souvent à la sphère gynécologique. Dans la continuité de la Stratégie nationale de lutte contre l'endométriose lancée par le Président de la République en 2022, nous prévoyons un programme de recherche, intitulé « Santé des femmes, santé des couples », qui sera doté de 30 millions d'euros, dont 11 millions pour l'endométriose.

Je citerai également la loi dite « fausse couche », adoptée à l'initiative de votre collègue Sandrine Josso, qui permet d'accompagner les femmes et les couples ayant subi une fausse couche. La suppression du délai de carence en cas d'arrêt maladie consécutif à une telle interruption de grossesse permettra désormais aux femmes d'être indemnisées dès le premier jour d'arrêt de travail. C'est un progrès majeur. J'en remercie chaleureusement le Parlement. Il s'agit d'une mesure de bientraitance, tant cette épreuve peut se révéler douloureuse pour les femmes comme pour leur conjoint.

Il nous faut poursuivre le travail pour lever les tabous mais aussi chausser enfin les lunettes du genre pour prendre en compte la spécificité des pathologies et symptômes féminins, comme les maladies cardiovasculaires qui sont la première cause de mortalité des femmes.

En matière de prévention, nous avons permis dans les derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) la gratuité de la contraception avant 26 ans et l'accès gratuit en pharmacie à la pilule du lendemain sans ordonnance pour toutes, sans limite d'âge. Il n'était pas tolérable que des freins financiers pénalisent des femmes dans l'accès à la contraception.

L'accès gratuit aux préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans en pharmacie vise à intégrer pleinement les jeunes hommes dans l'approche préventive. Le plan Toutes et tous égaux étend la mesure aux préservatifs féminins et participe à la prévention des infections sexuellement transmissibles.

Dans le même esprit, nous renforçons la lutte contre la précarité menstruelle qui concerne près de 4 millions de femmes, selon les derniers chiffres publiés en mars 2023. Dès 2024, les protections périodiques réutilisables seront remboursées par la sécurité sociale pour les jeunes de moins de 25 ans. Le budget dédié à la lutte contre la précarité menstruelle auprès des femmes adultes précaires sera doublé pour passer à près de 10 millions d'euros d'ici à 2027.

L'égalité économique est un autre axe important du plan Toutes et tous égaux et une problématique clef pour atteindre l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

En six ans, beaucoup a été fait en matière de formation, d'égalité salariale mais également d'accès des femmes aux postes de responsabilité. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a instauré l'index égalité professionnelle, outil largement intégré par les grandes entreprises et qui ne cesse de progresser, puisque la note moyenne en 2023 est de 88 sur 100, contre 86 sur 100 en 2022 et que 72 % des entreprises ont publié leur index en 2023 contre 61 % en 2022. Les entreprises de toutes tailles, notamment les plus petites, doivent être davantage accompagnées pour cela ; c'est ce que prévoit le plan gouvernemental.

Par ailleurs, nous conditionnerons l'accès aux marchés publics à la publication de l'index et à l'obtention de la note minimale de 75 sur 100.

En dépit d'une législation ambitieuse et des nombreux dispositifs déployés, les femmes perçoivent un salaire inférieur en moyenne de 15,8 % à celui des hommes. Nous ne pouvons plus le tolérer ! Le Gouvernement propose trois axes pour résorber les inégalités professionnelles et salariales.

Premièrement, accompagner les entreprises et l'administration et favoriser leurs pratiques vertueuses. La publication de l'index ayant déjà permis d'importants progrès, nous avons décidé de le décliner dans les trois versants de la fonction publique. Je tiens à saluer l'adoption, la semaine dernière, de la proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités de la fonction publique, qui permet également d'équilibrer les nominations aux plus hauts postes de l'État.

Deuxièmement, soutenir les femmes qui entreprennent. De ce point de vue, les inégalités persistent puisque 30 % seulement des entrepreneurs sont des femmes. Dans le secteur des start-ups, 88 % des financements sont attribués à des équipes masculines. Nous proposerons un programme « une entrepreneure, un mentor » qui permettra aux créatrices d'entreprises d'accéder gratuitement à une ou à un mentor en ligne pendant un à deux ans. Nous développerons également l'offre de coaching bancaire et financière proposée par la Banque de France.

Troisièmement, renforcer l'accès à l'emploi. À cette fin, nous ouvrirons un bureau d'accompagnement individualisé vers l'emploi dans chaque centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), notamment en zone rurale. Au nombre de soixante-dix-sept aujourd'hui, ces centres permettent d'attirer des publics particulièrement vulnérables – notamment des femmes victimes de violences – et de leur offrir un accompagnement personnalisé vers l'emploi.

Quatrièmement, réduire les inégalités liées à la parentalité. Nous souhaitons améliorer les congés maternité et paternité en diminuant de dix à six mois la durée d'affiliation nécessaire pour percevoir une indemnisation.

La lutte contre les haines et les discriminations est un autre pan de mon portefeuille.

Les discriminations coupent les ailes de notre jeunesse la plus fragile. La promesse de notre nation est précisément de lutter contre toute forme de violences et de discriminations. J'ai présenté hier le plan triennal national pour l'égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, qui se décline autour de trois objectifs : mieux identifier, mieux prévenir et mieux traiter cette haine.

Nous développons un plan de formation massif et allouons 10 millions d'euros pour renforcer et pérenniser le soutien aux centres LGBT+. D'ici à 2027, dix nouveaux centres ouvriront afin d'atteindre l'objectif de deux centres par région. Ce fonds exceptionnel a commencé à être déployé dès 2022.

Mon ministère est aussi celui de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Dès mon arrivée, j'ai souhaité que le nouveau plan national intègre pleinement des mesures de lutte contre les discriminations liées à l'origine. Le plan que j'ai présenté avec la Première ministre, le 30 janvier dernier, comporte plus de cent mesures concrètes, construites avec la société civile et les institutions indépendantes. Il s'est aussi inspiré des travaux parlementaires, dont le rapport des députés Caroline Abadie et Robin Reda et votre proposition de loi, chère présidente.

Je citerai quelques-unes des mesures prioritairement déployées dès 2023.

Au cours de leur scolarité, tous les élèves bénéficieront désormais d'au moins une visite mémorielle en lien avec les enjeux de racisme et d'antisémitisme. Les personnels de l'éducation nationale devront participer tous les cinq ans à une journée obligatoire de formation continue sur les enjeux du racisme, de l'antisémitisme et de l'antitsiganisme. L'intégralité des éducateurs sportifs et des volontaires qui œuvreront aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 y sera également sensibilisée.

Le monde de l'entreprise, où se concentre un nombre encore trop élevé de discriminations, est spécifiquement ciblé par des mesures ambitieuses. Le travail est d'ores et déjà engagé avec des partenaires sociaux pour mieux outiller les comités sociaux et économiques. Parallèlement, comme l'a indiqué le Président de la République à Marseille, nous généraliserons une stratégie nationale de testing sur les discriminations à l'embauche, au logement et aux prêts bancaires. Pour ce faire, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrahh) sera dotée de nouveaux moyens budgétaires et humains afin de créer un véritable pôle de lutte contre les discriminations opérationnel en 2024.

L'égalité n'est pas une coquille vide, c'est le pilier de notre contrat social auquel j'étais déjà profondément attachée en tant que magistrate. L'égalité est un combat permanent. Elle passe d'abord par le préalable de l'égalité des droits, mais aussi par l'égalité des chances pour toutes et tous, et l'égalité économique entre les femmes et les hommes sans discriminations.

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Pour la seconde fois, Emmanuel Macron a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat. Depuis un an, de grandes mesures ont été prises afin de poursuivre et d'intensifier les actions menées depuis 2017. Vous en avez cité un certain nombre parmi lesquelles, pour soutenir les victimes de violences conjugales, la création d'une aide d'urgence et le lancement d'un pack nouveau départ ; pour atteindre l'égalité économique et professionnelle, l'adoption il y a quelques semaines du pendant pour la fonction publique de la « loi Rixain » visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle votée lors du précédent quinquennat ; pour lutter contre la précarité menstruelle, la gratuité des protections périodiques ; pour la santé des femmes et des hommes, le déploiement d'une campagne de vaccination contre le papillomavirus, annoncée par le Président de la République voilà quelques mois ; et pour transmettre la culture de l'égalité, l'accompagnement global de 10 000 jeunes filles pour intégrer les métiers du numérique, avec le programme « Tech pour toutes ».

Tous les champs d'action ont été investis, tous les leviers activés et tous les sujets bornés. C'était indispensable, car ce n'est qu'en agissant sur tous les fronts que nous parviendrons à l'égalité.

La santé est notre bien le plus précieux, mais c'est aussi celui dont nous, les femmes, nous soucions souvent trop peu, tout au moins quand il s'agit de la nôtre. En effet, huit femmes sur dix délaissent leur santé et, trop souvent, le système de santé lui-même les délaisse. Construite par, pour et sur les hommes, la médecine a besoin d'évoluer plus fortement et plus rapidement, de prendre en compte les différenciations et de s'adresser aux femmes qui ont deux fois moins de chances de survivre à un arrêt cardiaque que les hommes, qui se suicident trois fois plus et sont deux fois plus nombreuses à souffrir d'insomnie chronique, et qui, lorsqu'elles sont atteintes d'endométriose – ce qui est le cas d'une femme sur dix – attendent en moyenne sept ans avant d'être diagnostiquées.

Madame la ministre, vous travaillez étroitement avec la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Très concrètement, quelle sera votre feuille de route ?

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Le sport féminin est attaqué de toutes parts : par les islamistes radicaux qui veulent faire entrer le voile – emblème hautement symbolique de soumission de la femme à l'homme, quoi qu'en disent certains – dans des compétitions sportives féminines ; par des associations qui, bien que ne représentant pas l'ensemble des personnes relevant des identités de genre et d'orientation sexuelle, voudraient voir des individus nés hommes, avec des attributs d'homme, et donc biologiquement hommes, concourir avec des femmes. Si le Conseil d'État a rejeté la première de ces attaques contre nos principes républicains, il n'en est pas encore de même pour la seconde.

Sans nier les souffrances et l'individualité de ces personnes qui, malgré leur corps, se sentent femmes, le sport de compétition est collectif et ne saurait être traité de façon individuelle. Les enjeux à la clef sont importants, des femmes se sont entraînées toute leur vie et des carrières sont en jeu. Les faire concourir contre des corps masculins condamnerait leurs efforts et leur mérite. Les États-Unis – et tout ce qui s'y passe finit par arriver en France – sont d'ores et déjà confrontés à cette problématique. Des athlètes transgenres nés hommes concourent contre des femmes et remportent des trophées face à leurs adversaires, explosant les records féminins. La Fédération internationale d'athlétisme, guidée par une volonté de protéger la catégorie féminine, a décidé d'exclure des compétitions féminines internationales les athlètes transgenres qui ont connu une puberté masculine. Il est fondamental de préserver le sport féminin d'une minorité de personnes qui, sans leur dénier le droit et la possibilité de vivre dans le genre qu'elles souhaitent, ne doivent pas venir anéantir les progrès réalisés en termes de sport féminin et effacer la place des femmes dans les compétitions sportives. Si nous laissons cela se faire, ce sont toujours les hommes qui gagneront, et qu'adviendra-t-il des femmes ?

Nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement sur ce sujet. Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la ministre, pour préserver cette égalité des chances ?

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Nous sortons du mois des fiertés, mois au cours duquel on commémore le soulèvement de 1969 de Stonewall aux États-Unis. Je suis heureux de constater que votre ministère commémore, lui aussi, une révolte urbaine contre des violences policières. Aujourd'hui encore, pour exprimer sa fierté, il faut beaucoup de courage parmi les populations LGBTQIA, puisque plus de la moitié d'entre elles et d'entre eux subissent au cours de leur vie des agressions, qu'il s'agisse de coups, de blessures ou de menaces, qui en frappent une tous les deux jours.

Votre plan d'action propose un patchwork de mesures. Le temps étant très contraint, je me contenterai d'évoquer quelques dispositions phare.

Ainsi, une enveloppe de 10 millions d'euros permettra d'ouvrir de nouveaux centres d'information et d'accompagnement LGBT+. En août dernier, vous en annonciez déjà sept ; il n'en reste donc plus que trois. Pouvez-vous nous garantir qu'au moins ces trois se concrétiseront, à défaut de l'ensemble de la promesse ?

Tous les policiers et gendarmes seront formés à la lutte contre la LGBTphobie d'ici à mai 2024. Quel sera le délai de désignation d'un référent, ou d'une référente par commissariat afin que cette formation devienne une réalité au guichet de l'accueil ?

Vous comptez interdire de stade les supporters qui tiennent un propos homophobe. N'est-ce pas laisser de côté la responsabilité des grandes sportives et des grands sportifs qui refusent de porter un maillot arc-en-ciel ou, comme nous venons de l'entendre à l'instant de manière assez étonnante, d'une ligue internationale qui, comme celle du rugby, interdit aux femmes trans de participer à des matches internationaux quelques semaines avant la Coupe du monde ?

Vous prévoyez d'inclure les familles homoparentales avec des formulaires inclusifs à l'école, dix ans après le mariage pour tous. Toutefois, ce n'est toujours pas le cas de formulaires comme ceux de congé parental. Qu'en est-il des réflexions ministérielles à ce sujet ?

Enfin, vous envisagez d'intégrer la dimension LGBTphobe dans le plan de lutte contre le harcèlement scolaire mais sans avoir encore imposé de journée dans tous les établissements, publics comme privés. Pourquoi le privé pourrait-il se soustraire aux règles d'égalité ? Pourquoi d'ailleurs lui demanderait-on son avis ?

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Chaque jour en France, 200 femmes décèdent de pathologies cardiovasculaires, elles sont 25 000 dans le monde. Ces chiffres ont été rappelés lors de la conférence sur la santé qui s'est tenue le 28 juin. Les femmes présentent sept fois plus de risques d'avoir une pathologie cardiovasculaire qu'un cancer du sein. Cela résulte d'une égalité d'exposition des femmes et des hommes aux facteurs de risques que sont le tabac, le stress, l'alcool, la sédentarité et l'obésité.

Des initiatives heureuses ont été lancées, comme le bus de l'association Agir pour le cœur des femmes qui a, malheureusement, brûlé dans les émeutes. Je ne doute pas que ces bus reprennent rapidement le chemin de nos villes et de nos campagnes, car de nombreux professionnels de santé se sont mobilisés bénévolement pour dépister ces femmes qui sont plutôt dans un environnement de vulnérabilité économique et sociale.

Au-delà, une fois identifiés les facteurs de risques cardiovasculaires et toutes ces morts journalières de femmes qui pourraient être évitées, qu'envisagez-vous de faire ? Comment jalonner, dans le PLFSS 2024, de grands plans de prévention de ces maladies cardiovasculaires et gynécologiques chez les femmes, qui reflètent, naturellement, les déserts médicaux ? Selon les premières évaluations du bus des femmes, 31 % d'entre elles n'ont pas eu de consultation gynécologique, 27 % n'ont pas eu de mammographie, et 70 % présentent plus de deux facteurs de risque cardiovasculaires non pris en compte.

Merci de nous donner des indications que nous pourrions défendre collectivement dans le PLFSS 2024.

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Madame la ministre, j'aborderai deux sujets, l'un d'ordre médical, l'autre d'ordre judiciaire.

Le diplôme d'études spécialisées (DES) de gynécologie médicale, qui est une spécialité unique en Europe, célèbre les vingt ans de son établissement, résultat de l'action acharnée de femmes de notre pays pour faire reconnaître cette spécialité, complète et transversale, dédiée à la prévention et à la santé de l'intime des femmes. En 2018, j'interpellais l'ancienne ministre de la santé, Mme Agnès Buzyn, sur la désertification de nos départements en gynécologie. Notre majorité avait réagi rapidement pour permettre l'augmentation de 70 à 83 du nombre de postes d'interne ouverts pour les années 2018 et 2019. Si 1 000 gynécologues médicaux sont en cours de formation, la situation s'aggrave. Au 1er janvier 2022, l'atlas du Conseil national de l'ordre des médecins fait état de 851 gynécologues médicaux en exercice pour plus de 32 millions de femmes en âge de consulter, et quatorze départements n'en comptent plus aucun, soit deux fois plus qu'en 2018.

Ma première question porte sur les moyens engagés pour résoudre la pénurie de gynécologues médicaux, sur l'information mise en avant pour faire connaître ce DES auprès des étudiants ainsi que sur une éventuelle augmentation du nombre de postes d'interne ouverts pour 2023-2024.

Ma seconde question porte sur la difficulté, pour les victimes de violences conjugales psychologiques, d'obtenir des certificats ou des attestations. Comment faciliter les démarches de ces femmes qui renoncent parfois à porter plainte, faute de pouvoir fournir des preuves concrètes ?

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« Le sort des sages-femmes est un miroir grossissant du sort des femmes en général. [...] Améliorer les conditions de travail des sages-femmes, c'est respecter toutes les femmes. Or celles-ci, pour la plupart, n'en prennent pas conscience. [...] On ne peut donner de cette profession qu'une image floue, mouvante, menacée : l'autonomie des sages-femmes ne cesse de se réduire alors même que leurs compétences s'élargissent. » Ces mots sont extraits de l'ouvrage d'Yvonne Knibiehler, Accoucher, Femmes, sages-femmes et médecins depuis le milieu du XXe siècle.

Il y a de toute évidence un paradoxe dans cette profession de sage-femme qui revêt aux yeux des pouvoirs publics, du corps médical et d'une partie de l'opinion un caractère indispensable, mais qui reste subordonnée à des paramètres qui la réduisent parfois à peau de chagrin, loin des promesses associées à son indispensabilité. Ce n'est pas anodin puisque les organisations de sages-femmes se sont unies pour rédiger une proposition de loi qui a été envoyée aux parlementaires à la fin du mois dernier. Je tiens à saluer ce travail collectif d'une profession qui attend beaucoup de nous. Cette proposition de loi témoigne également du grave retard pris par notre pays dans la prise en compte des droits sexuels, du manque de reconnaissance de cette profession et des difficultés traversées par les étudiants et étudiantes en maïeutique. Nous en avions discuté il y a quelques mois. Nous devons les écouter.

Lors de l'examen du texte réformant les études de sage-femme, en septembre dernier, nous appelions au lancement d'une démarche transpartisane afin de mieux considérer cette profession.

Madame la ministre, reconnaître les sages-femmes, c'est améliorer la prise en charge des droits spécifiques et de la santé des femmes. Pensons plus largement, en ouvrant la possibilité d'améliorer les droits sexuels et reproductifs des femmes : congé IVG, congé fausse couche, congé menstruel pathologique, prise en charge globale des protections périodiques, éducation à la sexualité, lutte contre les violences gynécologiques et obstétricales, reconnaissance de l'endométriose comme affection de longue durée... Il y a tant à faire ! Donc, associons les sages-femmes, pensons collectivement les améliorations, et lançons ce travail transpartisan pour lequel nous vous attendons, madame la ministre !

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Le 18 avril dernier, lors de votre déplacement à Marseille, vous annonciez des grandes lignes de votre plan de lutte contre les violences conjugales, citant notamment le pack nouveau départ. En moyenne, toutes les 3 minutes en France, une femme est victime de violences conjugales, physiques, sexuelles ou psychologiques. Ce constat est l'affaire de tous. Dès 2021, le département du Nord a choisi de créer une délégation entièrement dédiée à la lutte contre les violences intrafamiliales, associant à l'expertise les équipes départementales souvent en première ligne dans l'accompagnement des Nordistes, les forces de police, de gendarmerie, les services départementaux d'incendie et de secours, les associations et le parquet.

L'enjeu est la prise en charge rapide et multidisciplinaire de ces victimes par la police, la justice, le système de santé et médico-social. Pour y répondre, sous l'impulsion historique du professeur Ghada Hatem, en Seine-Saint-Denis, se sont développées les maisons des femmes, un modèle innovant de prise en charge coordonnée des patientes qui, en un même lieu, peuvent consulter un gynécologue, un psychologue, un policier ou un avocat formé. Ce modèle s'est multiplié en Île-de-France et en région, comme à Marseille. Il a démontré son efficacité pour les victimes qui trouvent toute l'aide dont elles ont besoin en un point d'entrée unique.

Comment le Gouvernement et l'administration accompagneront-ils le développement de ces maisons, pour atteindre l'objectif d'une maison des femmes par département d'ici à 2025 ?

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Madame la ministre, vous venez d'annoncer la feuille de route 2023-2026 en faveur des droits des personnes LGBTQI+. Le groupe Écologiste partage le constat largement unanime des associations sur son manque d'ambition dans le contexte de l'augmentation de la haine contre les personnes LGBTQI+. Nous nous interrogeons d'ailleurs sur la légitimité de ce Gouvernement à mener ce combat alors que certains de ses membres ont tenu des propos ouvertement homophobes.

Le déblocage de 10 millions d'euros pour les centres LGBT ne cache-t-il pas un certain manque de courage politique, celui notamment d'affirmer que les personnes transgenres existent et ont, elles aussi, le droit à la dignité et au respect de leur identité ? Ce plan se démarque par son invisibilisation des personnes transgenres qui sont pourtant massivement victimes de violences. Car, oui, la transphobie tue et la transphobie administrative est une réalité, alors que les personnes transgenres doivent encore passer devant un juge pour changer leur mention de genre à l'état civil et que les hommes transgenres ne peuvent toujours pas accéder à la procréation médicalement assistée.

La France vient pourtant de signer une déclaration avec quinze autres États membres de l'Union européenne demandant la libre détermination de genre des personnes transgenres. Pourquoi ces revendications sont-elles absentes de ce plan ?

Le groupe Écologiste regrette également que ce plan qui prétend miser sur la formation n'ait toujours pas intégré la nécessité de donner des moyens suffisants à notre système éducatif. Nous avons une pensée émue pour Lucas, 13 ans, Dina, 14 ans, Fouad, 17 ans, victimes d'homophobie, de lesbophobie et de transphobie, tragiquement poussés au suicide et que l'État n'a pas su protéger.

Vous avez annoncé l'intégration des questions LGBTQ+ dans le programme de prévention du harcèlement scolaire, Phare, mais nous ne disposons toujours d'aucune information sur l'augmentation des moyens des établissements alors que, selon le réseau K-D'École, seuls 15 % des élèves bénéficient des trois séances annuelles de sensibilisation à la vie sexuelle et affective. Pouvez-vous nous préciser le montant de cette augmentation de moyens pour la prévention à l'école ?

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Malgré les avancées issues du Grenelle de 2019, le nombre de violences conjugales et intrafamiliales recensées est en augmentation. Je répète ce que notre groupe a dit en défendant et en rapportant la proposition de loi de la sénatrice Valérie Létard : l'un des principaux leviers sur lesquels nous devons agir est la dépendance économique qui empêche la mise à l'abri des victimes. Dans la foulée, vous avez lancé le pack nouveau départ. Nous y souscrivons pleinement. Où en est-on du déploiement de son expérimentation territoriale ?

Plus largement, ma question porte sur les moyens que le prochain budget allouera à la politique de la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales. Chaque année, l'arsenal juridique est renforcé, mais il est constamment confronté à un manque de ressources humaines et financières.

Par ailleurs, vous avez évoqué la volonté d'inscrire dans la loi la notion de contrôle coercitif. Où en êtes-vous de cette réflexion ?

S'agissant enfin de la santé sexuelle féminine, notre groupe a déposé une proposition de loi visant à assurer la gratuité des protections périodiques pour toutes. Nous plaidons pour une meilleure prévention et une meilleure prise en charge des troubles gynécologiques, tel que l'endométriose. Afin d'améliorer la prise en compte de ces sujets en milieu professionnel, nous souhaiterions que soit engagée une réflexion sur la pertinence du congé menstruel. Quelle est l'ambition du Gouvernement en la matière ?

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Isabelle Rome, ministre

J'ai souhaité que la santé soit un axe à part entière, fondamental, du plan Toutes et tous égaux pour deux raisons : la santé des femmes présente des spécificités qui ne se limitent pas à une approche gynécologique et nécessite une approche globale ; elle revêt un enjeu d'égalité professionnelle tout au long de la carrière.

Je ne reviens pas sur les principales mesures de ce plan que vous avez rappelées. Il a été lancé le 8 mars et j'ai tenu hier un premier comité de suivi avec l'ensemble des ministères et administrations concernés. Le travail est lancé. Ainsi, sur la gratuité des protections périodiques réutilisables jusqu'à 25 ans, qu'il s'agisse de culottes ou de coupes menstruelles, le ministère de la santé travaille à identifier des produits à la fois sûrs, hygiéniques et de qualité.

En ce qui concerne le plan de lutte contre l'endométriose, 10 millions d'euros, je l'ai dit, seront consacrés à la recherche.

S'agissant de ce qui n'est pas prévu dans ce plan, je suis ouverte à vos suggestions mais, dès la prochaine rentrée, nous traiterons de deux sujets. Le premier concerne les règles, dont on ne parlait pas il y a quelques années encore, pas plus d'ailleurs que de précarité menstruelle. J'avoue avoir vraiment compris l'ampleur de cet enjeu à mon arrivée à ce ministère. Auparavant, je n'avais pas conscience qu'autant de jeunes femmes renonçaient à acheter des protections périodiques pour des raisons de coût. La mesure que nous avons prise me paraît donc une avancée en matière de santé publique.

Ayant levé ce tabou des règles, nous pourrons certainement aller plus loin, en nous attachant à la notion de règles incapacitantes et à leurs conséquences dans le cadre du travail et en termes de congés. Je n'irai pas plus loin pour l'instant, je précisais seulement que nous sommes tout à fait disposées, puisque Mme la Première ministre l'a également évoqué, à travailler sur ce point.

Un autre sujet n'a pas été vraiment abordé. Après le tabou pesant sur la fausse couche et sur les règles, il en reste un à lever : celui de la ménopause. Dans nos sociétés, les femmes sont souvent invisibilisées ; après 50 ans, elles le sont encore davantage. Cette question de santé mériterait d'être prise en considération dans le milieu du travail et, à l'évidence, nous devons y travailler ensemble.

Nous protégeons et soutenons le sport féminin. Ma collègue Amélie Oudéa-Castéra est une alliée. Nous créons le label Terrain d'égalité. Les grands événements sportifs qui le détiendront devront intégrer certains paramètres en matière de parité, de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, et respecter un cahier des charges. La Coupe du monde de rugby me semble bien placée pour l'obtenir.

La question des compétiteurs ou compétitrices trans est un sujet que nous avons identifié. Un groupe de travail comprenant des chercheurs a été constitué pour réfléchir de manière éclairée à la façon de prendre en compte cette question, dont la réponse n'est pas si évidente.

Sur les 10 millions consacrés aux centres LGBT+, 3 millions avaient été engagés par la Première ministre en août 2022 pour renforcer l'existant et en créer de nouveaux. Il restera donc 7 millions à employer d'ici à 2026. Nous visons la création d'une dizaine de nouveaux centres, de sorte que toutes les régions en possèdent deux, sans oublier l'outre-mer puisque, à ce jour, seule La Réunion est dotée.

En ce qui concerne la formation des forces de l'ordre, lors d'une réunion avec les associations concernées, le ministre de l'intérieur avait réaffirmé sa volonté d'avoir des référents dans chaque commissariat et gendarmerie. D'après les dernières informations dont je dispose, ils seraient quasiment tous désignés ou sur le point de l'être.

L'interdiction de stade est prévue comme peine complémentaire de principe car, vous le savez, nous ne pouvons pas imposer de peine complémentaire automatique – ce serait inconstitutionnel. Mais une peine complémentaire de principe, sauf motivation expresse contraire du juge, me paraît un signal fort de l'État, qui considère que la haine n'a pas sa place dans les stades. Si d'autres veulent prendre des responsabilités à titre individuel, c'est très bien, mais il importe que l'État dise clairement que la haine homophobe n'a pas sa place dans les stades, et qu'en conséquence, elle est sanctionnée. Les auteurs de cette haine n'y ont pas non plus leur place. C'est clair et net, et la sanction doit être systématique.

Les formulaires administratifs comporteront des doubles cases qui permettent d'inscrire deux pères, deux mères ou deux tuteurs, afin de ne pas stigmatiser les familles homoparentales. C'est une avancée importante également pour le respect de la dignité humaine, de toutes et tous, grands et petits, si je puis dire.

S'agissant du harcèlement scolaire, la lutte contre la LGBTphobie a été intégrée au programme Phare. Mme la Première ministre a lancé, vendredi dernier, un comité interministériel sur le harcèlement scolaire auquel j'ai participé. Nous pourrons vous répondre plus précisément lorsque le plan en cours d'élaboration sera finalisé. Ces travaux ont été lancés la semaine dernière, il est un peu tôt pour en parler. La lutte contre la haine anti-LGBT+ s'appuiera sur la sensibilisation de référents et de jeunes ambassadeurs volontaires, choisis pour être au plus près de leurs camarades et recueillir leur parole, ou encore sur la distribution, dans chaque inspection académique, d'une liste d'associations susceptibles d'intervenir sur ces thèmes dans les écoles.

Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour le bus Agir pour le cœur des femmes qui a été brûlé à Bobigny. J'y étais la veille, et cela m'a particulièrement touchée. Avec François Braun, nous avons pris l'engagement d'aider au renouvellement cet équipement.

Une campagne de prévention cardiovasculaire et gynécologique est prévue dans le plan Toutes et tous égaux. Quant à la notion d'aller-vers, trente vans ou bus itinérants seront déployés pour la détection des maladies cardiovasculaires et gynécologiques pour les femmes les plus isolées, notamment en zone rurale.

Le DES de gynécologie relève du ministère de la santé, mais cette préoccupation croise, bien évidemment, le sujet de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la santé et des droits des femmes. Je prends note d'aborder la question avec François Braun afin de vous répondre plus précisément.

La difficulté de prouver les violences conjugales psychologiques est un sujet important. De mon expérience passée en tant que présidente de cour d'assises ayant jugé de nombreux féminicides, je sais combien cette violence invisible peut détruire autant que la violence physique. J'ai même vu des féminicides être commis sans violence physique préalable mais après des mois, voire des années de violence psychologique. Il nous faut vraiment travailler sur ce sujet. Cela passe par la formation de tous les professionnels, en particulier celle des magistrats. Des magistrats formés et intégrés à des pôles spécialisés renforcent la justice. Si l'on ne sait pas ce qu'est ce phénomène d'emprise, si l'on ne comprend pas ce qu'est le psychotraumatisme, si l'on n'a pas conscience de l'effet dévastateur des violences au sein du couple sur les enfants, on laisse des femmes et des enfants en danger.

C'est aussi pour cela que je souhaiterais travailler sur la notion de contrôle coercitif. Cela permettrait d'avoir une définition légale de la violence invisible subie à travers un contrôle coercitif, qui explique bien qu'il s'agit d'un auteur qui place toute sa famille sous sa domination et y sème la terreur. Je ne m'étends pas sur le sujet car je serais trop longue tant il me tient à cœur, mais cette définition permettrait de mieux caractériser cette violence psychologique et d'agir en termes non seulement de répression, mais également de prévention. Les différents professionnels pourraient intervenir plus tôt. C'est déjà le cas ; je trouve que les interventions sont de plus en plus précoces, mais il est toujours possible de faire mieux. Cela permettrait également de sensibiliser la société et toutes les femmes pourraient se rendre compte que ce qu'elles vivent n'est pas normal. C'est un sujet qui me tient vraiment à cœur.

Le sort des sages-femmes, à l'image de celui des gynécologues, relève de la santé. Néanmoins, nous avons bien avancé, puisque l'axe santé du plan a aussi été travaillé en collaboration avec des sages-femmes. J'en rencontre régulièrement. Le plan prévoit une campagne de communication pour que les femmes soient bien informées sur le rôle des sages-femmes dans l'accompagnement et le suivi gynécologique régulier des femmes. La « loi Josso » permet également aux sages-femmes d'orienter leurs patientes vers MonParcoursPsy et, par suite de la « loi Gaillot » visant à renforcer le droit à l'avortement, les sages-femmes pourront, dès janvier 2024, pratiquer des IVG chirurgicales. J'ai souhaité mettre un coup d'accélérateur dans l'application de cette mesure.

Les dispositifs de prise en charge globale et complète des femmes victimes de violences – type maison des femmes, mais ce n'est pas le seul modèle – ont déjà fait leurs preuves, car la prise en charge rapide et pluridisciplinaire permet de ne pas morceler les femmes. Nous comptons cinquante-six structures, l'objectif est d'en avoir une par département d'ici à 2027.

Une mission d'intérêt général (MIG) du ministère de la santé, prévoit d'adosser ces structures à un établissement hospitalier. Elles ne seront pas nécessairement situées dans les locaux de l'hôpital, mais seront de son ressort administratif. Sur la période 2020-2022, 5 millions ont été consacrés à cette MIG, et 2,5 millions d'euros supplémentaires sont mobilisés en 2023, pour la création de nouvelles structures. Avec ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, qui suit le dossier pour le ministère de la santé, nous avons réuni le réseau Maison des femmes, mais également nos grands réseaux habituels – CIDFF, Solidarité femmes et Planning familial – pour réfléchir à une manière de revoir le cahier des charges, parce qu'en fait, une partie du financement est assurée ainsi, mais des financements complémentaires peuvent venir des collectivités territoriales, voire du privé, comme c'est le cas pour la maison des femmes de Seine-Saint-Denis.

Nous avons également travaillé pour que l'aspect judiciaire soit présent dans ces structures. Il est important que les femmes prises en charge puissent aussi y déposer plainte. On sait que l'on perd souvent les victimes lorsqu'elles doivent aller déposer plainte au commissariat ou à la gendarmerie après avoir été examinées et prises en charge psychologiquement. C'est la raison pour laquelle nous avons signé – ministères de la santé, de la justice, de l'intérieur et le mien – une convention, juste après le 8 mars, avec le collectif Re#Start – donc, le réseau Maison des femmes – pour généraliser le dépôt de plainte dans ces structures.

Les personnes transgenres existent dans ce plan dont le titre est « Plan national de lutte contre la haine anti-LGBT+ ». Toutes les mesures protègent donc aussi les personnes trans. Il est vrai que notre approche universaliste ne distingue pas forcément mais, bien évidemment, ces personnes sont protégées. Dans le cadre de toutes les formations – car, comme je l'indiquais, il s'agit d'un plan de formation massif –la question LGBT+ sera abordée, donc forcément celle de la transidentité.

Je suis très heureuse que le Parlement ait adopté la proposition de loi Létard qui marque une belle avancée dans la prise en compte de ces violences et surtout dans l'accompagnement matériel d'extrême urgence des femmes victimes de violences.

L'expérimentation du pack nouveau départ dans le Val-d'Oise s'achève. Je l'avais lancée le 6 mars dernier. Un rapport très concret me sera remis. Je m'y suis moi-même rendue il y a une quinzaine de jours. C'était très encourageant puisque quatre-vingt-dix acteurs se sont mobilisés. Au-delà du dispositif en tant que tel, qui permettra un accompagnement matériel vers l'autonomie matérielle et financière des femmes victimes de violences, c'est une véritable synergie locale de prise en charge des femmes victimes de violences conjugales qui est en train de s'instaurer. À partir de septembre, d'autres territoires seront concernés dont certains ont été annoncés, comme les Bouches-du-Rhône, la Côte-d'Or et La Réunion – et deux autres que nous annoncerons à la rentrée, l'essentiel étant un déploiement général d'ici à 2025.

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Nous en venons aux questions des autres députés.

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Vous avez dévoilé hier les contours du dernier plan national pour l'égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, composé d'une centaine de mesures. Ce plan était attendu. En effet, selon une étude publiée le 17 mai dernier par les services du ministère de l'intérieur, les atteintes envers les personnes LGBT+ ont augmenté de 3 % en 2022 par rapport à 2021. Ces violences se manifestent également à l'encontre des centres LGBT auprès desquels nos concitoyens trouvent tout le soutien nécessaire face aux discriminations et violences que, malheureusement, ils rencontrent déjà au quotidien. Il y a moins d'un mois, le centre LGBT de Tours connaissait sa sixième attaque depuis le mois de janvier.

Face à cela, nous nous devons d'intervenir. Je tiens à saluer le déploiement de près de 10 millions d'euros afin de renforcer et pérenniser le soutien aux centres LGBT d'ici à 2026. De même, je me réjouis du soutien financier de l'État à l'ouverture de dix nouveaux centres d'accueil et d'accompagnement. Madame la ministre, pourriez-vous évoquer plus largement le déploiement de ces nouvelles structures, notamment les territoires concernés ?

Un véritable travail de sensibilisation et de formation sur les enjeux d'inclusion et de lutte contre la haine anti-LGBT est nécessaire auprès de tous les publics, en particulier ceux en lien avec notre jeunesse, comme les professeurs, ou ceux confrontés à des situations conflictuelles, comme les forces de l'ordre et les agents publics. Pourriez-vous décrire les mesures de formation que vous comptez développer par l'intermédiaire de ce plan ?

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En étant axé sur la santé des femmes, le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027 s'attache à prendre en compte les besoins spécifiques des femmes. À ce titre, le remboursement par l'assurance maladie des protections périodiques pour les jeunes femmes jusqu'à 25 ans à compter de 2024 est une excellente mesure. Dans son prolongement et en prévision de l'examen du prochain PLFSS, ne devrions-nous pas aller plus loin et soutenir toutes les femmes, quel que soit leur niveau de revenu ? Pensez-vous, madame la ministre, pertinent et possible de prendre en charge les protections périodiques pour l'ensemble des femmes, afin de répondre à l'inflation, mais également à ce coût qui nous est imposé, estimé entre 10 000 et 15 000 euros dans la vie d'une femme ?

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L'enjeu de vieillissement des personnes LGBT, bien que peu visible, mérite pourtant un redoublement de nos efforts, tant pour les générations actuelles qui portent l'histoire des droits inégaux, des stigmatisations et de l'épidémie de VIH, que pour celles qui auront plus de 60 ans demain.

Jusqu'à présent, nos politiques ont peu approfondi ces parcours. Je me félicite du niveau d'ambition du plan que vous nous avez dévoilé, puisque ce ne sont pas moins de sept mesures spécifiques qui nous amèneront à bien mieux prendre en compte le développement de structures et de services plus inclusifs, l'étude et le partage de bonnes pratiques, ou encore la formation.

L'enjeu de formation est au cœur de ce plan. La formation des professionnels exerçant auprès des personnes LGBT vieillissantes figurait déjà dans le dernier plan. Quel bilan en dressez-vous ? Quels nouveaux leviers entendez-vous actionner avec le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées pour mieux former ces professionnels ?

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Pour citer quelques chiffres s'agissant de la santé des femmes en situation de handicap, une sur trois n'est pas dépistée pour les cancers du sein ou du col de l'utérus à cause de freins d'accès à l'examen préventif ; 58 % ont accès à un suivi gynécologique régulier contre 77 % dans la population générale ; près de 86 % n'ont jamais eu de mammographie et 26 % de frottis.

Le Gouvernement a œuvré pour faciliter leur accès au suivi gynécologique et leur sensibilisation à la sexualité. Ainsi, la stratégie nationale de santé sexuelle, la Conférence nationale du handicap (CNH), le plan interministériel pour l'égalité entre les hommes et les femmes sont autant d'avancées prévoyant des mesures concrètes. Je saluerai tout particulièrement deux dispositifs : Handigynéco et les centres ressources Intimagir. Le premier offre des soins gynécologiques adaptés aux demandes des femmes en situation de handicap, le second est un lieu d'information sur leur vie intime, affective et sexuelle.

La CNH et le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes ont annoncé la généralisation d'Handigynéco. Comment ce déploiement sera-t-il assuré, et grâce à quels financements ? Est-il également prévu de généraliser les centres ressources Intimagir et, si tel est le cas, comment ce financement sera-t-il pérennisé ?

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Du fait de mon métier de kinésithérapeute, un point me tient particulièrement à cœur. Lorsqu'un enfant en situation de handicap arrive dans une famille, au-delà des phases d'accompagnement et d'acceptation par la fratrie, la mère est souvent contrainte de mettre son activité professionnelle entre parenthèses jusqu'aux 4 ans de l'enfant, faute d'accueil adéquat possible avant cet âge. Leur choix est de se consacrer à leur enfant, et c'est bien légitime, mais malheureusement, sans compensation financière à la hauteur, comment pourrions-nous réellement accompagner ces femmes ?

Par ailleurs, je tiens à saluer l'engagement des associations qui œuvrent contre les violences faites aux femmes et aux enfants dans mon territoire, comme Femmes debout. Elles sont très présentes dans les quartiers prioritaires. Comment pourrions-nous favoriser leur présence en territoire rural ?

Enfin, je vous livrerai un retour d'expérience. En tant que députée, mais aussi en tant que ministre, nos passages dans des établissements de quartiers sensibles ou de territoires ruraux sont des exemples de réussite, de femmes qui accèdent à des responsabilités, pour les jeunes filles que nous rencontrons.

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Des mesures contre les violences conjugales ont été prises : hébergement, sanctions, délivrance d'ordonnances de protection. Cependant, des difficultés persistent, comme les délais trop longs de l'instruction judiciaire, l'accès difficile à un hébergement, la non-reconnaissance des enfants comme co-victimes dans le cas de couples violents, la mise en cause des femmes ayant une autorisation parentale partagée sur des refus de présentation d'enfants.

En matière de santé, des consultations de prévention et la contraception gratuite ont été mises en place. Toutefois, nous rencontrons encore des difficultés dans le dépistage de l'endométriose et dans l'aller-vers pour le suivi gynécologique des femmes pour augmenter ces actes de prévention.

S'agissant de l'emploi, si l'accès à l'information, l'accès aux études et l'index égalité ont permis aux femmes d'accéder à des postes de responsabilité, nous avons parallèlement voté un certain nombre de congés – congé fausse couche, congé menstruel, prévision de congé maternité ou congé parental allongé. Cela n'entre-t-il pas en contradiction et ne fait-il pas peser un risque sur l'égalité à l'embauche ?

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Dans le contexte politique et social actuel et à la lumière des récentes révoltes, je souhaite vous interroger sur l'égalité des chances, notamment pour les populations issues des quartiers populaires.

Selon un rapport publié par l'Organisation de coopération et de développement économiques, la mobilité sociale n'existerait plus en France. Il faudrait en moyenne six générations pour qu'un descendant d'une famille pauvre réussisse à gagner l'équivalent d'un revenu moyen. Autant dire que l'ascenseur social est en panne et que l'égalité des chances demeure une vaine promesse.

En janvier dernier, madame la ministre, vous aviez dévoilé votre plan national de lutte contre le racisme. Parmi les mesures présentées, vous souhaitiez notamment rendre systématique le testing sur les discriminations à l'embauche dans le monde du travail, mieux protéger et accompagner les salariés et les entreprises face aux situations de racisme, d'antisémitisme et de discrimination, et également mieux lutter contre la discrimination dans l'accès au logement. Or SOS Racisme a estimé que le taux de discrimination pour les logements mis en location s'élevait à 68 %. Pour sa part, l'association La Cordée a mis en lumière qu'avoir un nom à consonance maghrébine diminuait de 20 % ses chances d'être embauché comme cadre dans la fonction publique.

Par ailleurs, la Défenseure des droits a pointé que les jeunes hommes ont vingt fois plus de chance – de malchance, devrait-on dire – d'être contrôlés s'ils sont noirs ou arabes. Pourtant, le contrôle au faciès est le plus grand oublié des mesures de votre plan alors que le récépissé est demandé par toutes les associations de ce pays.

Plus de six mois après l'annonce de ce plan qui me semble vraiment insuffisant, quel constat réel en tirez-vous ? Quelle efficacité en escomptez-vous réellement sans budget global dédié ?

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Lors de votre intervention sur France Info hier matin, vous pointiez du doigt les stades qui sont encore trop souvent des lieux porteurs de haine. Les chants et, plus largement, les propos homophobes, souvent retransmis par les médias, n'ont leur place ni dans les enceintes sportives, ni nulle part ailleurs.

J'ai écouté attentivement votre présentation et je suis étonnée de ne pas avoir entendu de mesures concernant plus spécifiquement les médias. En effet, les associations de lutte pour les droits des personnes LGBT dénoncent régulièrement des séquences empreintes d'homophobie et de transphobie diffusées à la télévision. Il est intolérable qu'on puisse entendre à la télévision, sur le plateau de C8, par exemple, que les gays devraient arrêter de faire les malins et que certains y estiment qu'ils ne sont pas normaux.

En mars 2022, dans son rapport Orientation sexuelle, identité de genre, intersexuation, de l'égalité à l'effectivité des droits, la Commission nationale consultative des droits de l'homme recommande la création d'un outil de mesure des propos et discours LGBTQIphobes et discriminants dans les médias audiovisuels. Pourquoi ne pas avoir tenu compte de cette recommandation et ne pas avoir invité l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique à développer une étude sur ce sujet ? Que comptez-vous faire contre les plateaux qui ont tendance à traiter l'homophobie et la transphobie davantage comme une opinion que comme un délit punissable par la loi ?

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Madame la ministre, pour compléter la question de mon collègue Sébastien Peytavie dont je partage l'amer constat, le dernier rapport de SOS homophobie indiquait une augmentation de 129 % des actes criminels et délictuels anti-LGBT depuis 2016 – sachant que 80 % des victimes de violences LGBTphobes ne portent pas plainte –, des actes dont la qualité LGBTphobe n'est presque jamais retenue devant la justice. Il y a donc urgence à intervenir, mais votre plan invisibilise les personnes transgenres ainsi que les personnes intersexes malgré l'explosion des violences qu'elles subissent.

Un grand nombre de sujets de premier ordre sont passés sous silence : l'accès à l'assistance médicale à la procréation pour toutes et tous ; la formation en milieu scolaire, même privé ; le changement d'état civil libre ; le droit des travailleurs et des travailleurs du sexe ; l'accès aux droits des demandeurs et des demandes d'asile LGBT ; la reconnaissance des caractéristiques sexuelles comme un critère de discrimination ; et j'en passe.

Derrière ces annonces, votre plan n'offre pas de solution réellement opérationnelle. Le plan de formation, initiale et continue, sur les enjeux d'inclusion et de lutte contre les actes LGBTphobe est intéressant, mais aucun moyen financier ou humain n'est proposé, aucune garantie n'est donnée quant à la qualité de ces formations, et je doute que seules deux heures de formation pour les policiers et les gendarmes puissent résoudre le problème de la prise en charge des victimes et des plaintes.

Dans un contexte où les discours de haine LGBTQIAphobes sont légion, dans les médias comme dans l'espace public et politique, au vu des violences visant la communauté LGBTQIA+, allant jusqu'à des actes terroristes perpétrés contre les centres LGBT, nous ne pouvons que constater un aveuglement sur les réalités de terrain et un manque total d'ambition. Madame la ministre, quel est votre plan pour la protection et l'accès à l'égalité des personnes transgenres et nées intersexes. Quels moyens humains et financiers seront mobilisés concrètement pour la mise en œuvre de ce plan et le suivi des angles morts ?

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Sur la question des violences conjugales, je soulèverai pour ma part la question du moyen de la surveillance électronique, à savoir le bracelet antirapprochement, qui permet de géolocaliser une personne à protéger et un auteur réel ou présumé.

La délivrance de ces bracelets antirapprochement peut intervenir au civil, mais cela nécessite le consentement des intéressés, le juge aux affaires familiales ayant par ailleurs la possibilité de recourir au parquet en cas de refus. Leur délivrance peut également intervenir au pénal, le juge pouvant décider de l'application du dispositif avant la condamnation ou après dans le cadre des obligations associées à une peine.

Ce dispositif s'est révélé très efficace puisqu'aucune récidive n'a été enregistrée. Néanmoins, seuls mille bracelets antirapprochement étaient actifs en décembre 2022. Le Gouvernement souhaite-t-il développer le recours à ces bracelets par les magistrats ? Si oui, par quels moyens ?

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Parmi les axes programmés pour atteindre aussi rapidement que possible l'égalité salariale, vous avez notamment évoqué, madame la ministre, un volet sur l'accès à l'emploi prévoyant la création de bureaux d'accompagnement individualisés vers l'emploi dans les CIDFF. Comment cela se caractérisera-t-il ? S'agira-t-il de moyens dédiés ou d'appels à projets ?

Sur cette même thématique, entendez-vous mobiliser Pôle emploi, l'opérateur public de l'emploi, qui pourrait sans doute développer des dispositifs spécifiques, notamment pour les femmes bénéficiaires de RSA ? On sait que ce sont souvent les femmes qui tiennent les foyers monoparentaux et que leur retour à l'emploi est parfois plus problématique.

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Lors de votre présentation liminaire, vous avez mentionné l'égaconditionnalité de la commande publique. C'est une mesure intéressante et ambitieuse, à condition qu'elle ne soit pas trop compliquée. Trop d'entreprises encore ne respectent pas leurs obligations en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, qui, pourtant, réussissent à accéder à des marchés publics. Il y a donc matière à agir. Pourriez-vous nous donner davantage de détails sur les modalités de cette mesure et sur son périmètre ? Selon quel calendrier comptez-vous mettre en place cette égaconditionnalité ?

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Isabelle Rome, ministre

Le centre LGBT+ de Tours sur lequel a été lancé un cocktail Molotov a, en effet, été endommagé à six reprises. On se demande jusqu'où va cette haine pour en arriver là. Il est important que nous agissions toujours en soutien de ces équipes. Je m'y suis donc rendue, comme je m'étais rendue au centre de La Réunion, lorsque ce dernier avait été incendié, dégradé avec des tags homophobes, et que ses livres avaient été brûlés. Voilà ce qu'engendre la haine. C'est pour cela que nous devons mettre fin à toute impunité.

À ce jour, les centres sont au nombre de trente-cinq. Nous en visons dix de plus, l'optique étant de couvrir l'ensemble des régions, y compris les territoires ultramarins. Nous réaliserons ce travail en lien les préfets et les comités opérationnels de lutte contre le racisme et l'antisémitisme et, désormais, contre la haine anti-LGBT. Le ministre de l'intérieur a adressé une circulaire aux préfets afin que, ces comités deviennent le lieu d'articulation de toute la politique et des différents dispositifs de lutte contre la haine anti-LGBT. Les préfets nous aideront à identifier les régions qui ne sont pas couvertes. C'est assez facile à voir ; je sais, par exemple, que la Bourgogne-Franche-Comté ne l'était pas, mais un projet d'installation est en cours. L'objectif est donc bien de couvrir tous les territoires.

S'agissant de la formation, de nombreux métiers sont concernés, comme les professeurs ou les fonctionnaires de police et de gendarmerie. Ces derniers seront tous formés dès leur formation initiale. Viendront s'ajouter deux heures et demie de formation obligatoire en présentiel.

Les professionnels de santé doivent aussi être sensibilisés aux problématiques LGBT+. Ce sera le cas des futurs médecins en troisième année de médecine et des futurs soignants. J'ai rencontré des femmes lesbiennes, par exemple, qui sont réticentes à aller consulter un gynécologue, car elles se sentent mal à l'aise. Toutes et tous doivent se sentir à l'aise et bénéficier d'un égal accès aux soins. La sensibilisation des professionnels de santé va dans ce sens.

Les encadrants de colonies de vacances seront formés dans le cadre du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur, car il est essentiel que les jeunes qui partent en colonies de vacances n'y aillent pas la boule au ventre, craignant d'y être stigmatisés, humiliés et menacés. Ce sera aussi le cas dans les écoles qui dépendent du ministère de la culture et les formations, comme celles déjà dispensées dans les établissements du ministère de l'enseignement supérieur, seront maintenues. Un socle existait déjà, que nous avons enrichi avec les mesures que je viens de vous indiquer.

La gratuité des protections périodiques réutilisables est effectivement décidée jusqu'à l'âge de 25 ans. Pour l'instant, il n'est pas prévu d'aller au-delà. Avec cette mesure, nous avons l'ambition de toucher déjà 1 700 000 femmes à l'horizon 2027. Nous doublons également les crédits alloués aux associations qui accompagnent des femmes en situation de précarité, pour atteindre 10 millions d'euros en 2027. Enfin, nous mettons en place la distribution gratuite et la sensibilisation au sein des collèges et lycées, nous renforçons l'intervention auprès des femmes à la rue et hébergées, nous amplifions les actions d'accompagnement et de communication à l'hygiène corporelle et menstruelle et nous soutenons les actions de proximité menées par les associations. Telles sont les mesures prévues.

Sur le bien-vieillir LGBT, je vous remercie d'avoir souligné que sept mesures du plan étaient destinées aux personnes âgées LGBT+. C'est souvent un angle mort ; on dirait qu'à partir d'un certain âge, on n'existe plus. L'enjeu de nos politiques publiques est bien de couvrir nos concitoyens tout au long de leur vie. Des premières formations avaient déjà été dispensées dans des établissements accueillant des personnes âgées. Elles avaient commencé mais, malheureusement, elles ont été interrompues en raison de la crise du covid. Il est prévu dans le plan de relancer la dynamique. Je précise que mon ministère est engagé pour soutenir des associations qui interviennent sur cette notion de bien-vieillir LGBT+, comme Grey Pride à Paris ou la Maison de la diversité à Lyon, qui se spécialisent dans la formation et l'accueil de seniors LGBT+.

S'agissant de la santé des femmes porteuses de handicap, nous généraliserons le beau dispositif Handygynéco, actuellement déployé dans trois régions – Île-de-France, Normandie et Bretagne – sous forme d'expérimentation. Ces consultations permettent de dépister les pathologies gynécologiques, de renforcer l'accès à la contraception, mais également de sensibiliser à la prévention des violences sexuelles et à la problématique du consentement. C'est très important car, nous le savons, chez ces personnes vulnérables, ce sujet du consentement n'est pas toujours évident. On saisit donc bien l'intérêt multiple de développer ce dispositif Handygynéco. D'ailleurs, en Île-de-France, première région à l'avoir expérimenté, il a permis de repérer des violences chez 25 % des femmes suivies.

Sa généralisation est donc prévue dans toutes les régions de France d'ici à 2025. J'étais attachée à cette mesure, notamment en raison de cette notion de consentement, car nous tenons à accompagner les professionnels de santé afin de mieux les sensibiliser au recueil du consentement des femmes en situation de handicap pour les actes à visée contraceptive. Il est inimaginable que, dans une société qui respecte la dignité humaine, on puisse imposer une sorte de stérilisation forcée. Cet accompagnement des professionnels de santé pour le recueillement du consentement me paraît donc fondamental.

Le financement des centres Intimagir est sécurisé.

Nous généraliserons également le contrôle d'honorabilité pour les personnels des établissements médico-sociaux qui prennent en charge des personnes en situation de vulnérabilité. Nous dupliquerons le contrôle qui existe déjà pour les encadrants dans les clubs sportifs afin de nous assurer que ces personnels n'ont pas de passé judiciaire.

Vous avez appelé mon attention sur la difficulté de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle dont la charge pèse, encore très souvent, davantage sur les femmes que sur les hommes. Mme la Première ministre a annoncé, le 1er juin, une augmentation massive du nombre de places en crèche, avec l'ouverture de 100 000 places supplémentaires d'ici à 2027 et de 200 000 d'ici à 2030. Une enveloppe de 5,5 milliards d'euros sera étalée sur la période 2023-2027. Ce sera une aide pour les femmes et les hommes, mais surtout pour les femmes.

Le Gouvernement souhaite également faire passer de 700 à 1 700 à la fin du quinquennat le nombre de crèches à vocation d'insertion professionnelle qui, en partenariat avec Pôle emploi, permettent à des femmes en recherche d'emploi ou en formation de confier leurs enfants.

Le risque de condamnation qui pèse sur les mères en raison de la non-présentation d'enfants entre dans le corpus de la justice spécialisée et de la formation des magistrats. J'ai indiqué que, lorsque l'on n'est pas conscient de l'impact dévastateur des violences conjugales sur les enfants, on risque de laisser les enfants en danger. Si l'on ne comprend pas cette violence invisible, ce contrôle coercitif dans lequel un conjoint violent peut placer toute sa famille et par lequel il continue d'exercer une pression sur les enfants même après la séparation de leurs parents, on passe à côté du danger. Cette formation est donc extrêmement importante. Je soutiendrai les propositions de loi qui ont été présentées à ce sujet.

Je pense avoir déjà répondu sur la notion d'aller-vers, en évoquant les vans ou les bus qui permettront de dépister les maladies gynécologiques.

S'agissant des discriminations à l'embauche et au logement, dans le plan que nous avons présenté le 30 janvier avec la Première ministre, nous annoncions un testing massif. Je vois que Marc Ferracci est présent. Il a déposé une proposition de loi portant sur ce testing massif en matière d'emploi et de logement et sur un renforcement des moyens de la Dilcrah, qui sera dotée d'un pôle discriminations. S'il convient de réprimer les discriminations, il importe aussi d'agir à titre préventif et d'être proactif. C'est dans ce sens que nous travaillerons. Je me réjouis de cette avancée, qui sera un axe à part entière de notre politique de lutte contre les discriminations. Jusqu'à ce dernier plan, le mot « discriminations » ne figurait pas dans le plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. J'ai souhaité l'y intégrer et je pense que nous allons considérablement avancer en la matière.

Sur l'efficience du plan et des mesures annoncées le 30 janvier, j'ai déjà tenu deux comités de suivi. Les mesures avancent. Les annonces ne m'intéressent pas. Je pense que les politiques publiques doivent être exécutées et être suivies d'effets. C'est la raison pour laquelle tous les plans comportent des dates, des échéances et des objectifs. C'est ce que nous examinons dans ces comités de suivis avec l'ensemble des ministères concernés. Hier, j'ai fait la même chose pour le plan Toutes et tous égaux. Au-delà de ces comités tenus avec les administrations centrales, j'envisage une restitution aux associations pour les tenir informées de l'avancement des différentes mesures.

En ce qui concerne les propos homophobes, ce sont bien tous les propos qui sont punissables et, lorsqu'ils sont tenus dans les médias, ils sont tout aussi répréhensibles, punissables et punis que dans un espace public ou dans les stades.

La difficulté à retenir la circonstance aggravante d'homophobie est tout l'objet de la formation renforcée des forces de l'ordre, afin de leur permettre de mieux la caractériser, c'est-à-dire de poser les bonnes questions de sorte que le procureur puisse poursuivre en la retenant. Cela passe par la formation.

Quant à la situation des enfants nés intersexes, dans le prolongement de la loi bioéthique de 2021, une disposition du plan prévoit que sera rappelée la volonté du législateur de lutter contre les mutilations d'enfants dont les caractéristiques sexuelles ne sont pas exactement définies. Il est prévu que le ministre de la santé et moi-même prenions une circulaire conjointe dans l'esprit de cette loi bioéthique.

Madame Amiot, je n'accepte pas que vous m'accusiez d'aveuglement. Je suis la première à soutenir les centres lorsqu'ils sont attaqués, à être présente sur le terrain. S'il est quelqu'un qui n'est pas aveugle mais qui a les yeux complètement ouverts sur la réalité, c'est bien moi ! La Dilcrah est fortement impliquée dans la mise en œuvre des formations ; elles seront effectives ; c'est tout l'engagement de ce plan.

Le bracelet antirapprochement comme outil de protection des victimes avait été prévu dans le cadre du Grenelle. L'engagement d'en déployer un millier a été respecté. Cet outil très efficace – qui permet d'éloigner le conjoint violent dans un périmètre autour de la victime – est rassurant pour les victimes qui savent que, lorsqu'elles sortent de chez elles, elles ne vont pas le croiser. C'est un bon dispositif qui est utilisé de plus en plus souvent par les tribunaux. Il est appelé à se développer, à l'image des téléphones grave danger dont les premiers, datent de 2010, me semble-t-il. En 2019, nous en avions attribué 300 et, aujourd'hui, il y en a près de 4 000, par l'effet de notre politique volontariste. On peut penser que le bracelet antirapprochement se développera avec la même ampleur. Sa mise en œuvre a connu, il est vrai, quelques lourdeurs. Un nouvel opérateur a été désigné. Le fait que le dispositif devienne plus efficient, en termes non pas de protection mais d'utilisation, facilitera certainement le prononcé de ce dispositif.

Nous comptons soixante-dix-sept bureaux d'accompagnement vers l'emploi des CIDFF. Nous avons prévu de les déployer dans l'ensemble des départements. Nous dédions plus de 150 000 euros par an à ces bureaux qui sont installés dans les locaux mêmes des CIDFF.

Le partenariat se fera également avec Pôle emploi. Pour avoir vu fonctionner un certain nombre de ces dispositifs, je les trouve vraiment très utiles pour les femmes les plus éloignées de l'emploi, notamment quand, victimes de violences conjugales, elles ne sont pas à même de reprendre un emploi du jour au lendemain. Le retour à l'emploi se fait après tout un cheminement, après une reprise de confiance et d'estime en soi. Ces structures permettent un accompagnement global vers le retour à l'emploi, mais aussi de tout ce qui est nécessaire autour.

L'égaconditionnalité dans la commande publique est un sujet que nous avons abordé hier avec les ministères concernés, lors du comité de suivi du plan Toutes et tous égaux. Ils réfléchissent à la meilleure rédaction. Nous y reviendrons certainement lors du prochain comité de suivi qui devrait se tenir en septembre, sous la présidence de Mme la Première ministre. Je pense que le ministère aura alors rendu sa copie et que nous pourrons prévoir un calendrier parlementaire, car cette disposition devra passer par la loi et s'inscrire dans le cadre de la transposition de la directive transparence salariale adoptée lors de la présidence française de l'Union européenne.

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Merci pour toutes ces réponses, très riches. Je tiens au nom de toute la commission à vous féliciter pour l'ensemble du travail que vous avez mené au cours de cette première année. Il reste beaucoup à faire.

Puis, elle entend la communication de Mme Fanta Berete et M. Stéphane Viry, rapporteurs de la mission « flash » sur les contrats de travail à temps partagé aux fins d'employabilité (« CDI d'employabilité »)

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Chers collègues, nous entamons la restitution de quatre missions « flash », en commençant par celle portant sur les contrats de travail à temps partagé aux fins d'employabilité, dits « CDI d'employabilité » (CDIE).

Sans préempter les travaux de nos rapporteurs, personne n'ignore que je suis particulièrement attachée à ce dispositif destiné à un public en situation de vulnérabilité, éloigné de l'emploi. Il est gage de stabilité, puisqu'il s'agit d'un contrat à durée déterminée (CDI). Le compte personnel de formation (CPF) est en outre abondé doublement. Enfin, argument non des moindres, il ne coûte rien à la collectivité.

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La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dans son article 115, par un amendement porté à l'époque par Mme Fadila Khattabi, alors députée du groupe La République en Marche, autorise un entrepreneur de travail à temps partagé à proposer un contrat de travail à temps partagé à des fins d'employabilité à un public éloigné de l'emploi. C'est une disposition législative inspirée d'une initiative de terrain, lancée dès 2011 et conçue sous forme d'expérimentation.

Le dispositif, initialement déployé jusqu'au 31 décembre 2021, a été prorogé de deux ans par l'article 15 de la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Il cessera donc théoriquement de s'appliquer le 31 décembre 2023.

Par dérogation aux règles de droit commun régissant le travail à temps partagé, qui consiste en la mise à disposition d'une entreprise utilisatrice – en pratique, petite ou moyenne – d'un personnel qualifié qu'elle ne peut recruter en raison de sa taille ou de ses moyens, aux termes de la loi, le CDIE s'adresse à des femmes et à des hommes qui rencontrent des difficultés particulières d'insertion professionnelle : demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi depuis au moins six mois, bénéficiaires de minima sociaux, personnes en situation de handicap, personnes âgées de plus de 50 ans, ou personnes dont le niveau de formation est inférieur au certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou au brevet d'études professionnelles (BEP).

Ce dispositif octroie à tous ces publics différentes garanties qui, de notre point de vue, sont des gages d'employabilité renforcée, facteurs d'une nécessaire sécurisation des parcours professionnels : être embauché en contrat à durée indéterminé et bénéficier des droits afférents ; être rémunéré à hauteur du dernier salaire horaire de base au cours des périodes d'intermission ; ou encore être formé durant le temps de travail, les actions de formation devant être sanctionnées par une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles ou par l'acquisition de blocs de compétences.

En outre, le CPF du salarié est abondé par l'entreprise à hauteur de 500 euros supplémentaires par année de présence dans l'entreprise. L'intérêt de la mesure réside dans le fait qu'après quelques années de mission, le salarié dispose d'une somme suffisante pour suivre plusieurs formations à même d'améliorer ses compétences, de favoriser son maintien dans l'emploi ou de se projeter avec le temps vers un emploi plus qualifié.

Le travail à temps partagé à des fins d'employabilité, comme de manière générale, est régi par des règles peu contraignantes.

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Cela se vérifie, en premier lieu, dans sa mise en œuvre. En effet, le recours aux CDD n'est pas réservé à un ensemble de situations énumérées par les textes – tels le remplacement d'un salarié absent ou l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise –, ce qui atténue les risques de requalification du contrat. Ensuite, la durée des missions effectuées pour le compte de l'entreprise utilisatrice n'est pas limitée, non plus que le nombre de leurs renouvellements. Enfin, le coût du contrat est moindre que celui du contrat de travail temporaire ou du CDI intérimaire, car son formalisme ne répond à aucune prescription légale.

Cela se vérifie, en second lieu, dans le régime de sanctions prévues en cas d'abus. Aucune des dispositions réprimant les comportements prohibés d'un entrepreneur de travail à temps partagé ou d'une entreprise utilisatrice dans le cadre d'une relation de travail intérimaire ne s'applique dans le cadre du travail à temps partagé. Pour autant, il ne faut pas croire que les abus ne sont pas susceptibles d'être réprimés : ils peuvent l'être au titre du marchandage ou du travail illégal.

En définitive, il ressort de nos travaux que la souplesse du dispositif est louée tant par ses promoteurs – les entreprises de travail à temps partagé (ETTP ) – que par ses utilisateurs – les entreprises qui y recourent, à l'instar de La Poste ou de Renault –, sensibles au faible degré d'insécurité juridique que son utilisation fait courir.

Ce rappel du cadre juridique effectué, il nous faut à présent dire quelques mots de l'application du dispositif.

À l'heure où se pose la question de son avenir, l'évaluation de ce dispositif est compliquée par l'insuffisance des données disponibles. Pourtant, l'article 115 de la loi du 5 septembre 2018 oblige les ETTP à communiquer deux fois par an à l'autorité administrative le nombre de contrats signés, les caractéristiques des personnes recrutées, le détail des missions effectuées, le détail des formations suivies et leur durée, le taux de sortie dans l'emploi ainsi que tout document permettant d'évaluer l'impact du CDIE en matière d'insertion professionnelle.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette disposition n'a pas été suivie d'effet et, plus surprenant encore, la situation ne s'est guère améliorée depuis la publication du rapport intermédiaire du Gouvernement il y a un peu plus d'un an, si bien que les services de l'État n'ont en leur possession que des données très parcellaires sur la mise en œuvre du CDIE. Cela est, bien évidemment, regrettable. Pour pallier cette difficulté, le ministre du travail a confié à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), une mission d'évaluation de l'expérimentation, dont les travaux devraient être conclus prochainement.

Nous avons souhaité remettre nos conclusions sans attendre celles de l'Igas. Nous nous sommes donc appuyés sur les données qu'a bien voulu nous transmettre le Syndicat des entreprises d'emploi durable (Seed), qui regroupe l'essentiel des ETTP ayant conclu des CDIE.

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Voici donc ce que nous savons : 7 000 CDIE ont été signés depuis l'entrée en vigueur de la loi et près de 2 500 CDIE seraient en cours d'exécution au 1er juillet 2023.

Le baromètre social produit par le syndicat au mois d'avril dernier donne quelques détails sur les profils des titulaires des contrats conclus avec des structures adhérentes au Seed : deux tiers sont des hommes ; plus des deux tiers ont entre 25 et 50 ans ; et un cinquième est âgé de plus de 50 ans ; au moment de l'embauche, 40 % sont inscrits à Pôle emploi depuis au moins six mois et 40 % disposent d'un niveau de formation égal ou inférieur au CAP et BEP ; 2 % seulement sont bénéficiaires des minima sociaux ou atteints d'un handicap ; l'écrasante majorité, soit 87 %, appartient à la catégorie socioprofessionnelle des ouvriers, 10 % à celle des employés.

Ils exercent principalement dans le secteur de l'industrie – métallurgie, plastique, chimie – et, de plus en plus souvent, dans les services – tri et distribution de courriers. La durée moyenne des missions est de trois ans. Quant au salaire moyen mensuel, il est égal à 1 835 euros bruts en période d'activité, soit près de 16,4 % de plus que le Smic, et à 1 750 euros bruts en période d'intermission.

À la lumière de ces chiffres et de ces éléments, comparés à ceux évoqués par le Gouvernement dans son rapport intermédiaire, mais également à la lumière des témoignages que nous avons recueillis dans le cadre de cette mission, il apparaît que le dispositif connaît un déploiement régulier depuis deux ans environ, après de longs mois d'inertie due à la crise sanitaire.

Néanmoins, il faut reconnaître qu'une partie des données demeure incomplète, voire inconnue. C'est le cas de la part des ETTP qui s'acquittent de leurs obligations dans le domaine de la formation. C'est aussi le cas de la part des titulaires d'un CDIE embauchés par une entreprise utilisatrice et, plus globalement, de la part de celles et ceux qui accèdent durablement à l'emploi.

Plus globalement, il faut bien admettre que nous n'ignorons ni les réserves ni les craintes que le dispositif peut susciter chez certains, en particulier dans la branche de l'intérim.

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Toujours est-il que ce dispositif présente un certain nombre d'avantages et donne satisfaction aux parties prenantes : aux bénéficiaires, il garantit la stabilité liée à la durée indéterminée du contrat, une rémunération minimale entre les missions et l'accès à des actions de formation destinées à favoriser leur insertion professionnelle ; à l'entreprise utilisatrice, il offre un outil supplémentaire pour disposer d'une main-d'œuvre adaptée à ses besoins sur une période potentiellement longue, élément précieux aux yeux des représentants de La Poste, par exemple, où 673 CDIE avaient été conclus à la fin avril 2023 ; à la collectivité, il ne coûte rien.

Dans ces conditions, il nous semblerait prématuré, voire inopportun, de mettre un terme à l'expérimentation dès la fin de l'année, à plus forte raison dans un contexte où la recherche du plein emploi est érigée au rang de priorité nationale. Il y aurait là une forme d'incohérence.

C'est la raison pour laquelle nous proposons que ce dispositif soit à nouveau prorogé, jusqu'au 31 décembre 2025. Du reste, cette prorogation pourrait être mise à profit pour apporter quelques aménagements.

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Il conviendrait, en effet, en accord avec les prescriptions initiales de la loi, d'en faire profiter un public plus hétérogène, plus éloigné de l'emploi, les bénéficiaires des minima sociaux et les personnes en situation de handicap étant très peu représentées parmi les signataires.

Dans un autre registre, il faudrait que les ETTP fournissent effectivement à l'autorité administrative les éléments d'information que la législation leur fait obligation de fournir, à savoir le nombre de contrats signés et les caractéristiques des personnes recrutées. Cela paraît indispensable dans la perspective de l'évaluation qui devra, à terme, précéder toute décision de clôture de l'expérimentation ou, à l'inverse, de pérennisation de son contenu.

Enfin, il serait utile que le Gouvernement, par l'intermédiaire des services déconcentrés du ministère du travail, communique sur le dispositif auprès des acteurs économiques de sorte qu'il gagne en notoriété. Cette communication pourrait cibler davantage les PME, notamment dans les territoires et dans le secteur de l'industrie.

Naturellement, il conviendrait également de tenir compte des conclusions que l'Igas pourrait être amenée à formuler dans quelque temps.

Voilà, brièvement exposés, nos regards et nos propositions sur cet outil de retour à l'emploi. Fanta Berete et moi formons le vœu que ces dernières puissent trouver d'ici à la fin de l'année, pour la principale d'entre elles à tout le moins, une traduction législative.

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Je conclurai en remerciant, de notre part à tous les deux, les services de l'Assemblée nationale pour leur investissement dans cette mission.

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Permettez-moi de saluer le travail réalisé par nos collègues Fanta Berete et Stéphane Viry, dans les délais brefs qu'impose une mission « flash », sur un dispositif qui permet de répondre à une problématique essentielle : comment être employé par différents employeurs et, ce faisant, augmenter les quotités de travail auxquelles certaines personnes peuvent avoir accès, car les temps partiels subis restent un problème auquel il nous faut apporter des réponses, tout en garantissant la sécurité du CDI.

Le constat que vous dressez est quelque peu mitigé, en particulier sur le faible nombre de CDI signés. J'aurais apprécié d'avoir quelques éléments d'analyse complémentaires, car cela peut sembler surprenant dans la mesure où, contrairement à d'autres types de contrat, le CDIE ne prévoit pas de motifs de recours spécifiques qui en limiteraient l'utilisation. De ce point de vue, il peut sembler plus attractif que d'autres dispositifs. Pourrions-nous creuser les raisons qui expliquent le faible nombre de contrats signés ?

S'agissant de vos conclusions, la proposition de prolonger l'expérimentation peut s'entendre dans la mesure où l'expérimentation a été percutée par la crise du covid, ce qui peut d'ailleurs être un élément d'explication su faible nombre de contrats signés. Néanmoins, il est indispensable de permettre que la collecte des données nécessaires à l'évaluation se fasse dans de bien meilleures conditions et soit plus exhaustive, sur le nombre de bénéficiaires, mais aussi leur parcours.

Au-delà, notre commission gagnerait sans doute à une réflexion plus globale sur l'ensemble des dispositifs qui permettent à des multi-employeurs de jouir de la sécurité du CDI : CDI intérimaire, mais également groupement d'employeurs, dispositif de portage salarial, etc.

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Je prends note de votre demande, mais il y avait urgence car nous arrivions à la fin de l'expérimentation ; c'est pourquoi il a été décidé de lancer cette mission « flash ».

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Nous sommes réunis pour étudier les conditions d'application d'une expérimentation législative qui, dans sa tentative d'innovation, apporte à la fois espoir et inquiétudes. Au vu de ce rapport, il apparaît pertinent de proroger l'expérimentation jusqu'au 31 décembre 2025, dans la mesure où ce type de contrat présente plusieurs avantages pour les travailleurs comme pour les entreprises.

Ce dispositif semble offrir aux salariés une indéniable stabilité contractuelle et un revenu minimum entre deux missions. Il permet aux entreprises de bénéficier d'un outil flexible et facile à utiliser pour ajuster, dans des délais réduits, leur main-d'œuvre en fonction de leurs besoins. Cependant, cette flexibilité masque un risque de précarité pour les travailleurs, notamment en l'absence d'un cadre juridique adéquat. Nous invitons donc à une vigilance accrue pour veiller au respect des droits des travailleurs.

Il apparaît également que ce dispositif manque une partie non négligeable de sa cible d'origine. L'objectif principal de ce CDIE est l'insertion économique. Or il bénéficie moins aux personnes les plus éloignées de l'emploi, notamment les seniors, les personnes handicapées et les bénéficiaires de minima sociaux, groupes de personnes très vulnérables sur le marché du travail qu'il convient de mieux protéger et de mieux accompagner.

Enfin, nous tenons à souligner la nécessité d'une diffusion plus large de ce dispositif dont l'utilisation reste trop restreinte, cantonnée principalement à quelques grands groupes. Il est crucial de le faire connaître davantage auprès des PME afin de tirer pleinement parti de son potentiel.

S'il offre incontestablement des bénéfices tant pour les travailleurs que pour les entreprises, de légitimes préoccupations subsistent. En tant que législateurs, nous avons le devoir de garantir que ces nouvelles formes d'emploi soient équitables, justes et profitables à tous. Il est donc crucial de maintenir l'aspect expérimental de ce dispositif et de l'améliorer en s'appuyant sur les recommandations des rapporteurs.

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Offrir un emploi stable et viser l'employabilité sont des objectifs que notre groupe partage. L'expérimentation du CDIE arrivant à son terme le 31 décembre prochain, il était nécessaire de l'évaluer.

Permettez-moi une remarque liminaire : alors que le ministre du travail et certains membres de la majorité ne cessent de clamer que nous atteindrons le plein emploi par le miracle de l'affaiblissement des acquis sociaux – assurance chômage, système de retraite et, bientôt, RSA –, voici un dispositif intéressant au moins quant à son ambition, qui est le retour à l'emploi des personnes qui en sont éloignées.

Le CDIE permet de garantir le salaire pendant les périodes d'intermission, tout en abondant le compte formation du salarié. Nous avons bien noté néanmoins les difficultés que vous avez pu rencontrer quant à son évaluation, compte tenu du manque de données. Nous espérons que la mission lancée par l'Igas saura y répondre car, avec seulement 7 000 CDIE conclus depuis 2018, les chiffres dont nous disposons montrent une certaine timidité dans l'emploi de ce dispositif. Ce n'est donc peut-être pas ce CDIE, qui aurait dû permettre le retour au plein emploi, qui le fera.

Vous avez indiqué dans votre rapport que MonCDI, premier opérateur sur ce marché, a conclu plus de 2 000 CDIE depuis 2018. Disposez-vous d'éléments sur les autres opérateurs du marché ? Un article du Monde évoquait le groupe La Poste. Avez-vous des précisions ?

Vous proposez la prolongation du dispositif jusqu'en 2025, ainsi qu'une meilleure communication et un rappel des obligations légales des entrepreneurs. Avez-vous envisagé de préciser la durée minimale des missions, le régime des sanctions ou son formalisme ainsi qu'une meilleure garantie des droits sociaux, qui est pour moi un objectif majeur ?

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Je remercie les rapporteurs, car je n'avais jamais entendu parler de ce dispositif que je trouve intéressant à plusieurs titres. Grâce à la qualité de leur travail d'évaluation, nous avons pu appréhender les bénéfices de ce type de contrat pour ceux qui vivent une instabilité professionnelle. Il est clair que le travail à temps partagé facilite l'intégration professionnelle des personnes éloignées de l'emploi, en particulier des publics jeunes les moins qualifiés. Je rejoins votre proposition de prolonger cette expérimentation pour deux ans, tout en élargissant le champ des bénéficiaires à un public plus diversifié.

Je suis favorable à votre recommandation d'accroître la communication auprès des entreprises sur ce dispositif qui reste largement méconnu.

Il me semble également pertinent de réfléchir à son amélioration en ciblant les travailleurs seniors à la recherche de nouvelles formes de travail, comme le partage de compétences. Votre rapport indique que, pour un cinquième, le dispositif concerne des personnes âgées de plus de 50 ans. Pensez-vous qu'il serait utile de permettre aux différents secteurs d'activité de créer leurs propres ETTP et, ainsi, de recruter les seniors désireux de transmettre leur savoir-faire aux jeunes générations ?

La durée du travail a été allongée. Durant l'examen de la réforme des retraites, j'ai rencontré de nombreux seniors qui se disaient prêts à travailler plus longtemps, pour transmettre leurs savoirs. Je cherche avec des organisations professionnelles le dispositif adéquat pour le faire, celui-ci serait susceptible de répondre à cette demande.

Autre question pratique : entre deux missions, qui prend en charge la rétribution du salarié : l'ETTP ou le régime d'assurance chômage ?

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Comme mon collègue, j'avoue humblement que je ne connaissais pas ce dispositif. Le faible nombre de 2 500 contrats en vigueur actuellement en France n'est donc pas trop étonnant. En tout cas, en Bretagne, je n'en ai pas eu connaissance.

Ce dispositif est pourtant intéressant. Il fait écho au projet de loi pour le plein emploi qui est en cours d'examen au Sénat et dont nous aurons à débattre à la rentrée. Avez-vous établi un lien entre les deux ? Ne serait-il pas possible d'intégrer un amendement de manière à pérenniser ce CDIE dans ce projet de loi qui comprend de nombreux articles concernant l'intégration des bénéficiaires du RSA qui ont justement besoin d'un sas entre leur période d'inactivité et un nouvel emploi ? Ce CDIE me semble parfaitement aller dans ce sens.

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J'avais entendu parler du dispositif, et je trouve intéressant que les critères aient été globalement respectés. Ensuite, effectivement, nous manquons d'éléments pour savoir s'il s'est conclu par un nombre plus élevé d'emplois définitifs.

Mon collègue évoquait les seniors. Pour ma part, je pense aux saisonniers de certains secteurs, qui pourraient, pendant d'autres périodes, travailler chez un autre employeur. J'ai vu cela fonctionner dans mon département avec un groupement d'employeurs, pour des femmes qui travaillaient dans trois entreprises. Auparavant, en fin de saison, elles perdaient leur emploi et leur mode de garde pour les enfants. Les trois entreprises se sont associées pour les embaucher et ces femmes ont ainsi pu bénéficier d'un travail à temps plein et d'une garde d'enfants permanente.

C'est compliqué parce qu'il faut que cela soit pertinent dans le temps, mais le CDIE peut permettre cela pour des personnes assez éloignées de l'emploi et dont le niveau d'études est souvent peu élevé. J'ai noté que le dispositif avait touché principalement des hommes, mais il serait intéressant aussi pour des femmes.

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Nous avons suffisamment entendu parler du temps partiel subi et de la condition des femmes lors de nos discussions sur la retraite pour comprendre votre intérêt. Si les chiffres ne sont pas très élevés pour l'instant, nous mettons cela sur le compte de la covid et faisons le pari de laisser vivre cette expérimentation en profitant d'une communication plus appuyée auprès des TPE-PME parce que, d'après les auditions que nous avons effectuées, c'est sans doute dans ces entreprises que l'expérimentation serait la plus probante pour prendre des décisions éclairées dans un an et demi, puisque nous demandons d'établir un rapport six mois avant la fin de l'expérimentation.

Pour en avoir échangé avec M. Viry, nous sommes très favorables à une réflexion globale sur les différents contrats, à durée indéterminée ou déterminée, qui coexistent sur un marché de l'emploi parfois très tendu, que les professionnels ont du mal à appréhender. D'ailleurs, vos retours nous montrent que même ceux qui suivent les travaux de notre commission en matière d'emploi méconnaissaient ce dispositif.

Alors que nous recherchons le plein emploi, nous ne voulions pas supprimer un dispositif qui n'a pas pu faire ses preuves en raison de la covid et d'un manque de communication. Nous souhaitons le laisser vivre et faire en sorte que les entreprises puissent véritablement s'en saisir et utiliser ces contrats pour des bénéficiaires du RSA qui seront accompagnés pour trouver des solutions de réinsertion.

Nous donnons donc sa chance à ce dispositif, en espérant que nous disposerons de davantage de données pour décider si nous pérennisons cette possibilité de travailler dans le cadre d'un CDI, qui est un contrat sécurisant qui permet de se projeter dans une vie, car c'est tout de même cela l'essentiel notamment dans certains territoires où il est difficile de trouver un temps complet en CDI.

Bien que très flexible effectivement, au vu des retours que nous avons, ce dispositif protège néanmoins les travailleurs. Le droit du travail existe en France et, quel que soit le contrat, tous les jours, des personnes saisissent les prud'hommes. Je ne pense pas que cela tienne à la typologie des contrats. En tout cas, les entreprises qui utilisent le CDIE tendent à être mieux-disantes. Elles semblent s'investir davantage, même si nous ne disposons pas de chiffres qui permettraient de l'affirmer : toutes les personnes que nous avons rencontrées passent par la formation et les grands acteurs comme La Poste essaient de proposer des parcours professionnalisant sécurisés.

Nous avons bien entendu la recommandation concernant les cibles. Nous l'avons nous-mêmes relevé dans le rapport, car c'est le plus important, notamment pour les personnes en situation de handicap et des personnes très éloignées de l'emploi. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que, dans le cadre d'une prorogation, les entreprises utilisatrices s'orientent vers ces types de personnes. Ces contrats sont un complément. Ils ne remplacent pas mais offrent une chance supplémentaire de contractualiser.

Nous recommandons également d'améliorer la communication de l'ensemble des opérateurs de l'État. Je pense au réseau des chambres de commerce et d'industrie ou à d'autres acteurs qui ont autorité dans les territoires pour faire des recommandations, notamment aux petites entreprises car, j'aime à le rappeler, en France, nous avons bien plus de PME et de petits employeurs que de grandes structures. Cet outil leur est vraiment adapté.

Les objectifs de départ sont intéressants, en effet et nous attendons les données de l'Igas qui viendront sans nul doute compléter nos propres chiffres. Environ 7 000 contrats ont été signés depuis 2018 et 2 500 l'ont été cette année.

La durée minimale des missions est une donnée que nous espérons pouvoir recueillir. Nous pouvons toutefois vous indiquer que la durée moyenne des contrats est de trois ans. Contrairement à un CDD, les personnes peuvent s'inscrire dans une certaine durabilité.

Les sanctions ne sont pas au même niveau que les obligations auxquelles doivent répondre les entreprises de travail temporaire pour leurs propres contrats. Une attention est portée sur le risque de marchandage, mais tout salarié peut aller voir qui de droit en cas de difficulté. Cela ne tient pas à la typologie du contrat, mais tout simplement à la personne. Les informations concernant le contrat sont communiquées en amont via les entreprises utilisatrices.

S'agissant des salariés qui ont bénéficié de ces contrats, nous n'avons pour l'instant recueilli que des échos positifs de la part du syndicat employeur sur les éléments recueillis auprès des collaborateurs ayant signé des CDIE, notamment sur le fait que ce contrat permet de se projeter dans un emploi à temps complet en CDI et, par exemple, de contracter un crédit.

Comme chacun des membres de cette commission, nous sommes sensibles au lien avec le plein emploi. Nous souhaitons que les acteurs se donnent toutes les chances de faire exister et perdurer ce CDIE, outil complémentaire des dispositifs discutés en ce moment au Sénat. Compte tenu des volumes en jeu, il n'est pas un concurrent direct de certains autres contrats.

Nous pourrons voir s'il serait pertinent d'introduire ce dispositif par amendement au projet de loi pour le plein emploi ou de le proroger par le biais d'un autre texte législatif. Nous n'en sommes pas là : nous voulions surtout vous informer sur ce dispositif qui est un peu resté dans l'ombre. Chacun d'entre nous peut le présenter dans sa région, car il peut véritablement aider certains petits employeurs.

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Je formulerai quelques observations pour conclure ces travaux. Tout d'abord, cet outil est le fruit d'un amendement qui n'allait pas de soi. À l'issue de notre discussion, je constate que tous les groupes soutiennent sa reconduction. C'est le message qui me semble ressortir de la mission « flash ». Sans doute faut-il l'ajuster, vous l'avez également tous dit mais, globalement, le travail réalisé par Fadila Khattabi doit être confirmé.

Ensuite, sans entrer dans tous les éléments techniques qu'évoquait Fanta Berete, une politique de l'emploi passe par des parcours d'insertion ou des contrats spécifiques ou singuliers. Il n'y a pas de miracle. Le CDIE est un contrat spécifique dont, à mon avis, nous avons besoin si nous voulons, au titre de l'égalité des chances et des droits, tendre la main aux personnes qui sont le plus éloignées de l'emploi.

Enfin, c'est un contrat qui ne coûte rien aux comptes sociaux et à l'argent public puisque pendant la période d'intermissions, c'est l'ETTP qui prend elle-même en charge le salaire. C'est un des avantages indéniables de cet outil qui, effectivement, cherche encore son public, qui est en manque de données pour étayer de façon légitime sa fiabilité, mais qui ne peut pas être remis en question, sauf à se dire que l'on veut mener une politique de plein emploi mais qu'on se prive d'un outil qui n'a été critiqué dans aucune de nos auditions, si ce n'est un par le secteur de l'intérim qui a émis des réserves, qui peuvent s'entendre, sur un dispositif qui peut apparaître comme concurrent de ce que ce secteur de l'intérim sait très bien faire .

Je retiens de nos échanges que la commission des affaires sociales est unanimement en faveur de la reconduction de ce dispositif afin de ne pas mettre un terme à cette capacité de retour à l'emploi à la fin de cette année. Il faudra trouver le véhicule législatif pertinent.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, chers rapporteurs, pour la qualité de vos réponses et de vos travaux sur ce dispositif qui méritait une attention toute particulière. L'expérimentation touche à sa fin en décembre 2023. Il aurait été dommage que le couperet tombe sur ce dispositif qui vise un public particulier, en situation de vulnérabilité, d'autant qu'il ne coûte rien à la collectivité.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.

Présences en réunion

Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, M. Didier Martin, M. Yannick Neuder, Mme Maud Petit, M. Sébastien Peytavie, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, Mme Prisca Thevenot, M. Stéphane Viry

Excusés. - Mme Josiane Corneloup, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist