Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 27 septembre 2023 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission examine le rapport d'information de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur les exonérations de cotisations sociales (MM. Marc Ferracci et Jérôme Guedj, rapporteurs).

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Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux par la présentation d'un rapport élaboré dans le cadre de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), qui a choisi pour première évaluation au long cours de cette législature de se consacrer aux exonérations de cotisations sociales. Elle s'est réunie la semaine dernière pour approuver le rapport de Marc Ferracci et Jérôme Guedj. Je les remercie de nous présenter leur travail ce matin avant que nous n'entamions l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.

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Mon collègue Jérôme Guedj et moi-même sommes très heureux de vous présenter le résultat de nos réflexions. Je tiens préalablement à remercier très chaleureusement les administrateurs de la commission des affaires sociales qui nous ont appuyés dans l'élaboration de ce rapport et qui nous ont permis d'aboutir à un travail qui me semble satisfaisant dans les délais contraints que nous nous étions fixés.

Ce rapport part d'un constat, d'emblée documenté, à savoir que les exonérations de charges sociales pèsent lourd dans notre pays. Dans ce rapport, nous n'avons pas souhaité nous intéresser à l'intégralité des dispositifs d'exonérations de charges sociales, faute de temps et de données. Ces dispositifs sont extrêmement nombreux. Ils ont d'ailleurs été documentés par un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) et je crois qu'ils sont au nombre de 147 ou 150. Nous avons préféré centrer notre rapport sur les allégements généraux de charges sociales, qui représentent une masse qui n'a cessé de croître au cours des dernières années dans notre pays pour s'élever aujourd'hui à près de 3 % du PIB, soit l'équivalent de 80 milliards d'euros en tenant compte des dispositifs d'assiette. Notre exigence consiste à évaluer l'impact de cette dépense au regard des objectifs que fixe le législateur.

Le premier de ces objectifs, depuis l'introduction des allégements généraux au début des années 1990, réside dans la création d'emplois. Notre première préoccupation a donc consisté à interroger l'impact et l'efficacité de ces mesures d'allégement sur la création d'emplois.

Nous avons décliné trois questions qui intéressent aujourd'hui le débat public, en nous inspirant des problématiques qui ont émergé au cours de ces derniers mois.

Le premier axe de notre réflexion a consisté à évaluer l'efficacité de l'ensemble des allégements généraux, notamment en regard des niveaux de salaire auxquels ils s'appliquent. Nous sommes parvenus à la conclusion que les exonérations sur les bas salaires, notamment sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic, étaient efficaces sur le maintien et la création d'emplois et qu'il était nécessaire de les conserver. En revanche, les exonérations sur les plus hauts salaires, en particulier sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic – à savoir les exonérations de cotisations famille à hauteur de 1,8 point, le « bandeau famille » –, ont très peu d'effet sur l'emploi et sur la compétitivité des entreprises. La première de nos recommandations consisterait donc à revenir sur ces exonérations, ce qui permettrait de dégager 1,5 milliard d'euros et d'utiliser cette somme de façon plus conforme à l'intérêt général. Jérôme Guedj développera ce sujet, mais nos points de vue diffèrent quant aux conséquences politiques d'une éventuelle suppression du bandeau famille. Pour ma part, je considère que ces sommes devraient être recyclées dans des baisses de fiscalité ou de charges plus efficaces pour les entreprises afin de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires sur les entreprises.

Nous nous sommes ensuite interrogés quant à l'opportunité de conditionner les exonérations à certaines actions des entreprises ou des branches professionnelles. La conditionnalité est susceptible de concerner de nombreux thèmes et sujets, notamment des actions environnementales, des actions destinées à l'inclusion, etc. Pour notre part, nous nous sommes centrés sur la question d'une éventuelle conditionnalité à la négociation salariale et en particulier à la négociation salariale de branche. Cette proposition figure dans le débat public et dans le contexte de la future conférence sociale – que nous n'avions pas anticipée, mais qui offre une perspective à cette réflexion –, nous avons souhaité interroger l'opportunité et la faisabilité de cette mesure d'exonération. Je laisserai également Jérôme Guedj compléter mon propos et entrer dans le détail de notre réflexion. Force est néanmoins de constater qu'à ce stade, il ne serait probablement pas opportun d'envisager une telle conditionnalité, notamment pour des raisons de principe. En effet, ajouter l'objectif de dynamisation des salaires à celui du maintien et de la création de l'emploi pourrait faire courir le risque de n'atteindre aucun des objectifs. En outre, des questions de nature juridico-opérationnelle, soulevées notamment par les administrations que nous avons auditionnées, nous conduisent à penser que la mise en œuvre de ce dispositif, en particulier au niveau des branches, génèrerait une complexité difficile à assumer. Dès lors, bien que la réflexion à ce sujet puisse et doive sans doute se poursuivre, à ce stade, notre recommandation consiste à renoncer à ce type de mesure.

Enfin, au regard du débat public et dans le prolongement des échanges que nous avons développés au sein de cette commission et dans l'hémicycle pendant la réforme des retraites, nous nous sommes interrogés quant à l'opportunité d'augmenter les exonérations de charges et de les adosser à des critères d'âge de sorte à créer des emplois pour les seniors ou à les maintenir dans l'emploi. Sur la base de l'examen de la littérature économique, nous ne recommandons pas cette solution. Il existe certainement des leviers plus pertinents pour favoriser le maintien des seniors dans l'emploi, car des exonérations de ce type généreraient probablement de très forts effets d'aubaine. La justification des exonérations consiste à compenser un éventuel écart entre la productivité et le coût du travail. C'est la raison pour laquelle les exonérations ciblent les bas salaires, c'est-à-dire les salariés les moins productifs, pour lesquels le coût du travail peut être plus élevé que la productivité. Toutefois, nous n'avons identifié aucun élément attestant que la productivité des salariés seniors, au-delà de 50 ou 55 ans, est plus faible que celle de salariés plus jeunes. Il n'existe donc pas de justification économique à cibler les exonérations sur ces catégories d'âge.

Mon propos est resté très général et je pense que nos échanges permettront de les approfondir.

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Nous prendrons en effet le temps d'échanger et de répondre à vos questions, mais je souhaite vous apporter quelques éléments complémentaires dans un propos introductif.

Nous nous sommes livrés à cet exercice un peu inédit que représentait l'évaluation des exonérations de cotisations sociales. J'insiste sur le terme « cotisations » ; le rapport ne mentionne à aucun moment l'expression « charges sociales », que certains emploient à l'oral, comme vient de le faire mon collègue Marc Ferracci. Je préfère que nous veillions à mentionner les « exonérations de cotisations sociales ».

Pour votre parfaite information, dans le cadre de la loi organique adoptée à l'initiative de Thomas Mesnier et à partir de l'année prochaine, il sera obligatoire d'évaluer un tiers des exonérations de cotisations sociales dans la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS) de l'année précédente. Cette nouveauté, introduite à l'initiative de Thomas Mesnier, est pertinente. Une méthodologie nous a été proposée récemment ainsi qu'un rapport de l'Igas et de l'IGF. À partir de l'année prochaine, un tiers de ces exonérations devra désormais être évalué chaque année, ce qui représente une évolution positive par rapport à ce qu'imposait l'annexe 5 du PLFSS jusqu'à maintenant.

La raison principale qui a présidé à cette mission réside dans le constat d'un effet d'emballement – le terme est consacré – des exonérations de cotisations sociales, notamment depuis une dizaine d'années, en raison non seulement d'un nouveau dispositif, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), et sa transformation en exonération, mais également de la progression de la masse salariale. En effet, les exonérations étant adossées à un critère lié au Smic, on a assisté à leur explosion, à savoir le doublement des exonérations générales qui, de 37 milliards d'euros en 2013 ont atteint 77 milliards cette année. Aucune autre dépense publique prévue dans le budget n'a doublé sur cette période. Parallèlement, il existe très peu d'évaluations de l'efficacité de ces exonérations, qui semblent fondées sur une forme de confiance. Nous nous étions donc assigné l'objectif de mettre un peu – pardonnez-moi l'expression – « le pied dans la porte » de sorte que le Parlement participe à ces évaluations régulièrement, en lien avec le travail que l'exécutif doit nous proposer. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons, d'une manière ou d'une autre, prolonger ce rapport en affinant nos travaux.

Nous avons souhaité cibler en première intention les exonérations sur les plus hauts salaires (compris entre 4 200 et 6 000 euros bruts), ce fameux bandeau famille sur lequel se dégageait une forme de consensus des économistes que nous avons voulu vérifier à travers des auditions visant à évaluer son effet sur l'emploi et sur la compétitivité. En effet, ces exonérations généraient des questionnements quant à leur efficacité sur l'emploi et la compétitivité. Nous confirmons que leur efficacité ne semble pas avérée. Elles représentent 1,5 milliard d'euros et l'estimation de leur impact constituait donc un enjeu non négligeable. C'est la raison pour laquelle nous en proposons la suppression.

Chacun de nous, dans son avant-propos, propose des pistes d'utilisation de cet argent. Ce sera aussi l'objet de notre échange. Pour la petite histoire, cette mission est née du constat posé l'année dernière dans cette salle au moment de l'examen dans le cadre du PLFSS d'amendements identiques, déposés par Marc Ferracci et moi-même, proposant déjà la suppression du bandeau famille. Pour autant, déjà à l'époque, dans nos exposés des motifs, nous ne préconisions pas la même utilisation des montants ainsi dégagés.

Le rapport questionne, bien qu'il n'apporte pas de réponse. Dans tous les cas, il fait écho à des interrogations que plusieurs économistes et acteurs ont mentionnées devant nous. En effet, entre 1,6 et 2,5 Smic, la question de la pertinence peut se poser. Nous n'apportons pas de réponse aussi tranchée que s'agissant des salaires supérieurs à 2,5 Smic sur le bandeau famille, mais le « bandeau maladie », qui représente la majeure partie de l'exonération entre 1,6 et 2,5 Smic, s'élève entre 20 et 25 milliards d'euros sur lesquels nous pensons qu'il faudrait prolonger les travaux d'évaluation et d'appréciation au regard des objectifs assignés.

Nous avons souhaité mentionner ces éléments en rappelant que ces exonérations sont compensées. Elles ne produisent donc pas d'impact sur le budget de la sécurité sociale. L'État décide des exonérations dans le cadre de sa politique de l'emploi et il compense soit par des financements directs, soit le plus souvent en affectant au financement de la sécurité sociale une partie des recettes fiscales – TVA ou autre.

J'attire collectivement notre attention sur un élément que nous avons souhaité mentionner, à savoir que l'exonération générale relative à la désocialisation des heures supplémentaires, décidée en 2019, n'est pas compensée. Elle représente 2,5 milliards d'euros. Cela signifie que la sécurité sociale pâtit d'un défaut de ressources à hauteur de 2,5 milliards d'euros, sur décision de l'État, qui représente presque un tiers du déficit de la sécurité sociale qui nous est présenté dans le PLFSS puisque l'État ne compense pas une exonération qu'il a lui-même décidée. Cette donnée est importante.

Je ne m'attarderai pas sur la question de la conditionnalité puisqu'elle a déjà fait l'objet d'un débat. Le rapport souligne les positions des organisations syndicales sur cet objectif de conditionnalité. Nous rappelons qu'il existe déjà un principe de conditionnalité, introduit par la loi du 3 décembre 2008, relativement à l'obligation de négociations annuelles sur les salaires. Il a été intéressant de constater – les chiffres figurent dans le rapport – que le non-respect de cette obligation a été très peu sanctionné. Entre 2009 et 2015, entre soixante-quinze et trois cent vingt-cinq entreprises ont été sanctionnées pour des montants dérisoires, à savoir entre 1 million et 10 millions d'euros. Au total, sur l'ensemble de cette période, les sanctions infligées aux entreprises qui n'ont pas respecté l'obligation de négociations annuelles représentent environ 25 millions d'euros.

La question de la faisabilité a été posée et à ce stade, il n'est pas apparu pertinent d'introduire cette logique de conditionnalité au sein des branches pour lesquelles les minima conventionnels sont inférieurs au Smic, notamment pour des entreprises vertueuses au sein d'une branche qui le serait moins. Pour autant, je considère que, dans ce domaine également, le débat n'est pas clos. En effet, d'autres éléments de conditionnalité peuvent être examinés : la qualité de l'emploi, l'égalité femme-homme, la responsabilité sociale des entreprises, la transition écologique, etc.

S'agissant de la mesure d'exonération liée à l'âge, un consensus s'est clairement dégagé en termes non seulement de faisabilité, mais également d'opportunité.

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Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, pour ce rapport très précis et très clair qui permet également de retracer l'histoire de cette exonération de cotisations sociales et des débats qui lui sont liés.

Je partage votre point de vue selon lequel ces cotisations constituent des revenus différés qui permettent de financer des risques, eux-mêmes couverts par la sécurité sociale. Le débat lancé dans les années 1990 sur le coût du travail ainsi que le débat relatif à la compétitivité des entreprises ont rappelé que l'objectif principal de ces exonérations consistait à favoriser l'emploi. Nous l'entendons tous lorsque nous discutons avec des chefs d'entreprise, notamment des PME, qui parfois sont amenés à renoncer à recruter en raison du coût du travail. Il s'avère donc intéressant de confronter cette réalité à des études plus théoriques.

Vous constatez qu'entre 2,5 et 3,5 Smic les effets de ces exonérations ne sont pas avérés et vous aboutissez donc au consensus d'une inefficacité de cette politique publique sur les plus hauts salaires. Vous proposez de supprimer ce bandeau famille, mais vous affichez malheureusement votre désaccord quant aux modalités d'utilisation de cette économie réalisée de 1,5 milliard d'euros.

Au sein de cette commission, ne serait pas possible de trouver un accord quant à la suppression de ce bandeau famille en écartant la question de son utilisation ou en identifiant une solution consensuelle ?

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Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, pour cette présentation de votre très intéressant rapport, après celle que vous en avez faite à la Mecss la semaine dernière.

Il était urgent d'évaluer les conséquences objectives et l'impact des exonérations sociales massives et des exemptions d'assiette au regard des 80 milliards d'euros qu'elles représentent. C'est une évidence. Tout aussi évidemment, il était indécent de ne pas l'avoir fait mieux et plus tôt.

Dans un a priori réaliste, on découvre que 5 à 10 % du montant de ces exonérations seraient inefficients. Ce sont 4,8 milliards d'euros qui correspondraient à autant de recettes en sus ou de compensations d'État en moins, selon le point de vue. C'est d'ailleurs également le montant des économies espérées dans les mesures présentées par le ministre délégué chargé des comptes publics ces jours-ci.

Les allégements généraux retiendront mon attention. Ils constituaient un des trois piliers de votre étude. Ils représentent les trois quarts des niches sociales dans le champ des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et 96 % des exonérations bénéficiant au secteur privé. Ils profiteraient en particulier aux petites entreprises, que nous soutenons bien évidemment, et portent avant tout sur les bas salaires, de 1 à 1,6 Smic. Selon vous, ils ne constitueraient pas un mécanisme de trappe à bas salaires et nous ne partageons pas votre avis.

En effet, les secteurs concernés sont évidemment des secteurs en tension tels que l'hôtellerie, la restauration, les services administratifs et de soutien. Or ils ont la particularité de ne pas être délocalisables. Nous avons découvert dans votre rapport que pour maintenir la compétitivité et préserver la prime d'activité de certains salariés, il importerait de ne pas augmenter les salaires et de les maintenir au plus près des salaires délocalisés. C'est donc une main-d'œuvre étrangère, seule capable d'accepter des salaires non attractifs en France, qui accepte ces emplois. Ce constat représente donc une délocalisation à domicile. À l'inverse, pour les pays d'origine de ces travailleurs, il s'agit d'une externalisation de leur économie. Ainsi, 25 % du PIB des Comores reposent aujourd'hui sur les diasporas. Alors pour cette raison majeure et d'autres, plus vénielles, telles que la suppression du bandeau famille, nous estimons qu'il existe des modalités plus pertinentes de soutien aux PME. Nous ne partageons donc pas vos conclusions et vos propositions.

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« L'État est devenu un puissant dealer de subventions, un narcotique auquel les entreprises françaises aiment se shooter. » Qui a écrit cela ? Ce n'est pas moi. Ce n'est pas un leader de la CGT. Ce n'est pas Attac. C'est un ancien cadre du Medef, responsable des affaires sociales, M. Éric Verhaeghe. Il poursuit ainsi sa métaphore : « Les entreprises françaises sont malades de cette addiction à la subvention déguisée. Celle-ci agit comme de la cocaïne. Elle donne l'illusion temporaire de la puissance et de la force, mais elle ruine la santé à petit feu. »

Je vous remercie pour votre rapport, qui vient mettre un peu d'ordre dans ce torrent de subventions dont le volume a triplé en dix ans, passant de 26 milliards d'euros d'exonérations sociales à 77 milliards d'euros cette année. En ajoutant les autres aides – crédit d'impôt recherche, etc. –, on atteint probablement environ 160 milliards d'euros, sans aucune condition ni sociale, ni fiscale, ni environnementale. Je vous remercie donc d'apporter de la lumière à ce sujet et notamment de constater qu'au-delà de 2,5 Smic, ces exonérations ne présentent plus d'efficacité, ni sur l'emploi, ni sur l'économie. Merci, monsieur Ferracci, d'entamer cette remise en cause ; merci, monsieur Guedj, d'aller plus loin. Votre apport est en effet « un pied dans la porte » ou un orteil dans la porte. Il est évident qu'il engendrera des questionnements quant à cet énorme paquet de 160 milliards d'euros d'aides aux entreprises.

L'État a besoin de moyens. L'État a besoin de moyens pour rebâtir son hôpital. L'État a besoin de moyens pour rebâtir son école. L'État a besoin de moyens pour affronter le choc climatique. Il dégagera ces budgets via une fiscalité juste afin que les milliardaires ne soient pas sous-taxés par rapport au Français moyen et en ponctionnant dans cette masse de subventions que l'État attribue comme un dealer, selon les propos de cet ancien cadre.

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Votre travail, chers collègues, prouve s'il en était besoin l'utilité de la Mecss. Vous avez mené un travail important d'évaluation de dépenses de l'État ou de dépenses d'organismes sociaux afin de tenter d'améliorer le sort de chacun, non seulement le pays en général, mais également la situation individuelle des personnes. Je salue la qualité de votre travail. J'ai vu les auditions que vous avez conduites de façon très éclectique, affichant votre volonté non seulement de poser un diagnostic, mais également d'apporter une vision. C'est ce que je retiens de votre travail. J'espère qu'une suite lui sera donnée. J'ignore quelle suite et il est probable que nous rencontrions des divergences. Cependant, lorsqu'on « met le pied dans la porte », comme l'a dit notre collègue Ruffin, on ne peut en effet pas rester au milieu du gué sur un sujet comme celui-ci.

Vous nous proposez une vision à terme sur la question de l'allégement des charges sociales. Tous les gouvernements, qu'ils fussent de droite ou de gauche, ont cherché à renforcer la compétitivité de notre économie et de nos entreprises en baissant le coût du travail qui, effectivement, nous met en difficulté par rapport à d'autres pays. Le sujet est prégnant et la réponse a été, effectivement, l'allégement des charges. Vous nous proposez des recommandations avec, me semble-t-il, un consensus sur le constat selon lequel, en dessous de 2,5 Smic, les allégements sont efficaces, mais qu'ils sont discutables au-delà.

N'oublions jamais, mes chers collègues, que les charges sociales, les cotisations sociales représentent le revenu de remplacement et la protection sociale. Le modifier signifie devoir financer la protection sociale différemment. Faut-il la financer par de la fiscalité ? Faut-il établir une conditionnalité ? Ce sujet m'intéresse. Selon moi, décider de ne plus diminuer les charges sociales serait suicidaire par rapport à cet enjeu de compétitivité. Ne faut-il pas pour autant demander une contrepartie ? La question mérite d'être posée. En tout cas nous ne pourrons pas exclure de nos travaux la nécessité de renforcer le salaire net dans notre pays, parce que, en creux, c'est ce que sous-tend votre rapport.

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Je remercie les deux rapporteurs, dont le rapport confirme l'intérêt du rôle de la Mecss, que j'ai honneur de coprésider avec Jérôme Guedj. Vous avez réalisé un formidable travail qui non seulement rend hommage à la Mecss, mais s'avère également très intéressant quant à l'historique.

Des textes sont publiés chaque année sans que leur fondement soit très clair. L'éclairage que vous apportez est donc très intéressant, y compris du point de vue de la sémantique, dans nos débats – on peut parler d'allégement ou d'exonération de cotisations, de cotisations ou de charges sociales – et il s'avère intéressant sur le plan politique d'identifier les différentes perceptions de ces cotisations sociales.

Je constate que nous parvenons un petit peu à un point de bascule. En 2023, nous procédons à une analyse de ces exonérations en regard de ce qui a été décidé il y a dix ou quinze ans. Nous percevons ce point de bascule parce que nous constatons qu'il y a quinze ans, l'emploi et le chômage constituaient un problème prégnant. Nous vivons désormais dans un autre monde. Il y a quinze ans, nous subissions un chômage de masse que des décisions politiques – il faut le réaffirmer – ont permis d'enrayer. Actuellement, nous sommes davantage dans une situation où certains secteurs connaissent des tensions. L'historique que vous dressez est intéressant parce qu'il met en évidence ce point de bascule. Nous avons évolué d'un monde vers un autre.

Ce travail est également intéressant parce qu'au sein de cette commission et au sein de la Mecss, il est possible d'identifier des consensus. Dès lors, je tiens à vous féliciter pour le consensus auquel vous êtes parvenus, notamment par rapport à la remise en cause du bandeau famille, entre 2,5 et 3,5 Smic, à laquelle il conviendra de donner suite. L'analyse et l'historique des différentes périodes et problématiques qui ont traversé notre pays sont instructifs.

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Les moments comme celui que nous vivons aujourd'hui en commission des affaires sociales sont précieux. En effet, il est rare de pouvoir dépasser les préjugés, les idées reçues et de mettre une situation à plat. Ce constat sans appel que vous dressez dans votre rapport apporte des éléments pour légiférer. Je vous remercie, monsieur Guedj et monsieur Ferracci, d'avoir su travailler en bonne intelligence de sorte à nous apporter des éléments tangibles.

Le débat relatif aux exonérations dure depuis plus d'une dizaine d'années. Au sein même de cette commission, nous avons débattu au sujet du CICE et de la question de la conditionnalité des aides. Vous avez esquissé le thème de la conditionnalité dans vos propos liminaires. Pourriez-vous détailler davantage vos suggestions à ce sujet ? Quelles sont les pistes qui pourraient nous amener à identifier des amendements éventuellement transpartisans de sorte à supprimer les dépenses superflues d'argent public ?

2,5 milliards d'euros d'exonérations de charges sociales liées aux heures supplémentaires ne sont pas compensés et grèvent le budget de la sécurité sociale. Alors que nous chassons les économies sur différents sujets, ne pensez-vous pas que la compensation par l'État de cette exonération des heures supplémentaires constitue un enjeu public afin de rééquilibrer un déficit artificiellement creusé ?

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Je tiens tout d'abord à remercier les deux rapporteurs pour le travail qu'ils ont accompli.

Face à l'impératif d'une allocation transparente et démocratique des fonds publics, plus que jamais dans notre contexte qui nécessite une réduction de la dépense publique afin de permettre de nouvelles avancées, votre rapport se penche sur les implications des allégements de charges sociales accordées aux entreprises qui enregistrent une croissance substantielle pour culminer à près de 80 milliards d'euros, en particulier pour les tranches salariales élevées, et démontre leur efficacité trop limitée sur l'emploi. Je pense également qu'il est de bon sens et primordial de systématiser l'évaluation d'impact des dépenses publiques et, comme vous l'avez souligné, de remettre en cause celles dont l'efficacité n'est pas avérée.

Votre rapport soulève également la question de l'adaptation des exonérations afin de favoriser davantage l'emploi des seniors, offrant ainsi une base solide pour un dialogue constructif sur cette question cruciale. J'adhère à votre perspective selon laquelle une exonération supplémentaire pourrait ne pas surmonter efficacement les défis qui limitent le taux d'emploi des seniors. Il me semble que simplifier les contrats destinés aux seniors serait une solution plus pertinente pour une intégration sur le marché du travail. Favoriser l'adoption de ces contrats par les entreprises me semble plus judicieux que de proposer sans cesse des incitations financières qui ont prouvé à plusieurs reprises leur échec lorsqu'elles sont pensées seules.

Un point de votre rapport a également retenu mon attention, à savoir les exonérations pour les jeunes entreprises innovantes. Les propositions récentes de notre collègue Paul Midy relatives à l'élargissement des exonérations étaient accompagnées de projections selon lesquelles un investissement d'un peu plus d'un milliard d'euros pourrait entraîner la création de 100 000 emplois. Cette proposition est ambitieuse. Avez-vous étudié cette piste ? Correspond-elle à votre vision d'accentuer le ciblage des exonérations en vue d'atteindre le plein emploi ?

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Je tiens également à saluer le travail des deux rapporteurs.

Rapport Charpin de 1992, rapport Malinvaud de 2000, rapport Gallois de 2012 : depuis trente ans, les rapports se succèdent, promettant une diminution du chômage contre une baisse des cotisations sociales des entreprises. Depuis trente ans, les gouvernements successifs font la part belle aux caprices du Medef et à la grande fable de la théorie du ruissellement.

Aujourd'hui, nous disposons enfin d'un rapport qui a le mérite de remettre en question l'efficacité de ces milliards de cadeaux aux entreprises. En effet, comme le constate à juste titre notre collègue Jérôme Guedj, ces exonérations constituent d'abord une perte de recettes pour la puissance publique et pour notre système de santé. Entre 2019 et 2022, en pleine crise sanitaire, le montant cumulé des exonérations de cotisations s'est élevé à 278 milliards d'euros alors que 5 milliards d'euros seraient nécessaires pour endiguer la crise de l'hôpital public, que 9 milliards d'euros financeraient la prise en charge de la dépendance et que pour 13 milliards d'euros, nous pouvions nous passer de la réforme des retraites. Ces exonérations en masse qui, dans le cas du bandeau famille s'avèrent d'ailleurs particulièrement inefficaces sur l'emploi pour les salaires compris entre 2,5 et 3,5 fois le Smic.

Ce rapport a également le mérite d'étudier la pertinence du conditionnement des exonérations sociales à des objectifs sociaux. En effet, avec 80 milliards d'euros d'exonérations et 144 milliards d'aides publiques annuelles, nous considérons que nous avons signé un nombre suffisant de chèques en blanc à des entreprises et qu'il est temps qu'elles prennent leur part de responsabilités afin de répondre à l'urgence sociale et climatique.

Nous attendons donc beaucoup de la commission et de la Mecss pour contribuer à une meilleure information des députés sur le conditionnement des exonérations à des impératifs sociaux et écologiques dans un contexte où le culte de la croissance passe toujours plus devant l'objectif d'atteindre la pleine santé pour toutes et tous.

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Je remercie également Marc Ferracci et Jérôme Guedj pour ce travail au sein de la Mecss.

J'aurais souhaité que nous évoquions également les vertus de la cotisation. En effet, ces exonérations reposent sur une sorte d'idée reçue selon laquelle les cotisations seraient par nature nocives, et notamment nocives pour l'emploi. Je pense pour ma part que ces exonérations massives portent atteinte à la cotisation, au principe de la cotisation, et je crois qu'il faut réhabiliter ce principe de cotisation. La montée en charge des exonérations massives a accompagné une montée en puissance de la crise du système de santé. Il me semble que ce constat devrait nous interpeler.

Je partage une partie de votre constat et de votre interrogation quant aux effets de ces exonérations. J'approuve la remise en cause des exonérations liées aux salaires supérieurs à 2,5 Smic, qui ne représentent d'ailleurs pas tous des hauts salaires. Toutefois, j'identifie une confusion dans les politiques qui ont été menées jusqu'à présent, à savoir que le financement de l'emploi ne relève pas des prérogatives de la sécurité sociale. En effet, il appartient à la puissance publique, et donc à l'État, de financer les politiques de l'emploi. Or, en réalité, les exonérations de cotisations sociales reviennent à financer l'emploi par l'impôt, c'est-à-dire en partie par les salariés, ce qui auparavant relevait de la cotisation patronale. On opère donc un transfert du partage des richesses. Il me semble que ce constat pose un problème et qu'il conviendrait de s'interroger quant à cette réalité.

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Messieurs les rapporteurs, je vous remercie pour votre travail.

La question de la légitimité de l'efficacité des exonérations de charges ou cotisations sociales se pose aujourd'hui avec d'autant plus de force que nous sommes en recherche constante de ressources supplémentaires pour financer notre système de protection sociale. Ce système doit évoluer avec le vieillissement de la population française, la nécessaire adaptation de l'offre de soins et d'accompagnement qui en découle, l'explosion des maladies chroniques, l'adaptation de l'offre médico-sociale afin d'accompagner nos aînés ou tout simplement l'évolution du niveau d'exigence des usagers sur ce que doit être une prise en charge de qualité en 2023, dans notre pays. Les règles d'hier ne sont en effet plus forcément adaptées à une société dont les besoins ont évolué. Il est donc légitime de les interroger.

Je souhaite néanmoins formuler plusieurs remarques relativement à l'hypothèse de la diminution des exonérations de cotisations, évaluées dans ce rapport comme peu ou pas efficaces. Vous reprenez précisément les différentes mesures qui ont été appliquées au fil des décennies pour arriver à la situation actuelle de 80 milliards d'euros d'exonérations.

J'évoquerai d'abord la notion de stabilité fiscale et sociale. Les entreprises ont besoin d'un élément essentiel qui n'est pas toujours le niveau, mais la tendance du coût du travail, comme pour les autres coûts liés à leur activité. Ce constat est d'autant plus pertinent que l'entreprise est petite, car le chef d'entreprise a besoin de visibilité.

Il existe également un risque de déplacement de la rémunération. En effet, la diminution des exonérations représente une hausse du coût du travail qui peut avoir comme effet collatéral assez simple de déplacer les rémunérations pour ceux qui dépassent les seuils, que vous souhaitez fixer ou revisiter, vers des outils défiscalisés ou désocialisés qui sont à la disposition de l'entreprise pour éviter de faire évoluer sa masse salariale. Cela représenterait alors une perte sèche pour le financement de la sécurité sociale.

Le tassement des salaires constitue également un risque d'autant plus prégnant lorsque vous évoquez la fixation d'un seuil à 1,6 Smic et non plus au-delà, comme c'est le cas actuellement, avec même un renforcement des exonérations autour de ce seuil. Les chefs d'entreprise connaissent ces seuils ou ces exonérations qui, bien sûr, ne constituent pas la raison majeure de leurs recrutements. Néanmoins, à l'échelle d'une entreprise, sur la durée, la conséquence des effets de seuil est à prendre en compte.

Je viens de me faire l'avocat du diable. Ces remarques ne sont pas des oppositions à vos propositions, mais des réflexions.

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Je vous remercie pour l'ensemble de vos interventions. Nous tenterons de synthétiser les différents points qui ont été soulevés.

S'agissant de l'intervention de M. Panifous et en écho également à celle de Mme Mélin, ces problématiques posent la question des trappes à bas salaires et de l'hypothèse selon laquelle les exonérations pourraient ralentir, voire bloquer, les augmentations de salaire. Nous avons étudié cette question dans le cadre du rapport. Nous avons examiné de nombreuses études économiques qui cherchaient à évaluer l'existence ou non de trappes à bas salaires. Je précise que par trappes à bas salaires, nous entendons l'idée selon laquelle, au-delà de certains niveaux de salaire, il n'existe plus aucune incitation pour l'employeur et pour le salarié à augmenter le salaire parce que la ponction sur le salaire brut est trop importante ou parce que la perte de certains éléments de rémunération – prime d'activité, notamment – rend l'augmentation salariale moins intéressante. Les études montrent qu'à proximité des seuils, on ne constate pas de point de masse, c'est-à-dire le blocage d'un grand nombre de salaires légèrement inférieurs aux seuils. En l'état actuel des connaissances, les études ne mettent pas en évidence de trappe à bas salaires. Cela signifie-t-il que, notamment entre 1 et 1,6 Smic, il n'existe aucun ralentissement de l'augmentation salariale engendré par l'existence des exonérations ? C'est une question que nous laissons ouverte, mais cela n'équivaut pas stricto sensu à une trappe à bas salaires.

La possibilité d'un ralentissement des augmentations de salaires, notamment entre 1 et 1,6 Smic, est une réalité parce que deux points de sortie coexistent : le point de sortie des exonérations générales à 1,6 Smic, qui ensuite débouche sur le bandeau maladie entre 1,6 et 2,5 Smic, et le point de sortie de la prime d'activité. Dans le cadre de la négociation salariale entre un employeur et son salarié, à proximité de 1,6 Smic, l'employeur peut considérer qu'il n'a aucun intérêt à faire progresser le salaire au-delà 1,6 Smic parce que les exonérations chuteraient en raison de cet effet de seuil. Parallèlement, le salarié pourrait estimer que l'augmentation au-delà de 1,6 Smic lui faisant perdre une partie de sa prime d'activité, il serait préférable de trouver un arrangement différent. Nous avons explicitement mentionné dans le rapport cette possibilité sur laquelle nous ne disposons pas de données, notamment de données croisées entre les entreprises et les bénéficiaires de la prime d'activité, pour répondre à l'existence de tels mécanismes. Nous recommandons donc de poursuivre le travail et la réflexion sur cette question de trappes à bas salaires et en particulier entre 1 et 1,6 Smic.

Je souhaite revenir sur l'interprétation des résultats des études économiques qui montrent le peu d'impact sur l'emploi des exonérations sur les hauts salaires. Comment fonctionne ce mécanisme ? Fondamentalement, les effets sur l'emploi dépendent de la manière dont les entreprises répercutent ou pas les exonérations sur les salaires des employés, notamment sur les bas niveaux de salaire. Les employeurs répercutent assez peu les exonérations sur les salaires. Cela signifie qu'ils se préservent des possibilités d'embaucher ou d'investir. C'est la raison pour laquelle les effets sur l'emploi et l'activité sont importants s'agissant des exonérations sur les bas salaires. Entre 2,5 et 3,5 Smic, les salariés ont un pouvoir de négociation plus important parce qu'ils sont plus qualifiés, parce qu'ils sont face à un marché du travail qui est plus tendu, parce que le taux de chômage à ces niveaux de qualification est très faible et via des renégociations salariales qui ont lieu à intervalle régulier, tous les ans, ils vont capter le bénéfice des exonérations sous forme d'augmentations de salaire brut. Dès lors, concrètement, les exonérations bénéficient moins à l'entreprise qu'aux salariés les plus qualifiés. Nous pourrions réfléchir quant à la pertinence de subventionner le salaire des salariés les plus qualifiés avec des exonérations. Néanmoins, il nous semble que l'objectif poursuivi par les exonérations consiste à soutenir et à maintenir l'emploi et pas forcément à soutenir les salaires les plus élevés.

S'agissant de la remarque de Mme Caroline Janvier quant à l'opportunité pour notre commission de se prononcer, Jérôme Guedj a rappelé que nous avions déposé l'année dernière des amendements basés sur des arguments différents et des propositions différentes quant à l'utilisation des sommes dégagées par la suppression du bandeau famille. Nos divergences demeurent, mais il va de soi que nous devrons discuter de cette question au sein de notre commission. Nous verrons bien si un consensus se dégage.

S'agissant de la conditionnalité, sans vouloir modérer les ardeurs de M. Peytavie notamment, je souhaite tout de même rappeler que les conclusions de notre rapport ne retiennent, certes, qu'un sujet de conditionnalité, à savoir la négociation et en particulier les négociations de branche. Nous nous sommes demandé si les branches négocient des minima au-dessus du Smic. Cependant, il existe évidemment d'autres pistes de conditionnalité qui peuvent être explorées. J'attire simplement l'attention sur le fait que plus on raffine les critères de conditionnalité en introduisant des objectifs sociaux ou/et environnementaux, plus la mise en œuvre d'un dispositif de conditionnement devient complexe. Il convient de se montrer prudent parce qu'une des remarques critiques portées sur la conditionnalité pointe justement cette complexité. Quoi qu'il en soit, s'agissant des minima de branche, notre conclusion est très claire à savoir que nous considérons que ce n'est ni opportun ni souhaitable.

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Sur ce dernier point, je pense que le débat mérite d'être approfondi. Récemment, nous avons discuté des conditionnalités introduites sur le RSA. Notre collègue Arthur Delaporte a examiné le formulaire de demande d'exonération des cotisations sociales qui comprend deux pages que le chef d'entreprise doit remplir une fois par an. Dans le même temps, un allocataire du RSA déclare ses revenus chaque trimestre. Le montant de son allocation est alors ajusté en fonction d'une situation très individualisée, comme la composition du ménage, etc. L'argument de la simplicité avait un peu présidé à la création du CICE : on conçoit un dispositif simple, on le met en œuvre et puis on examine les conséquences. À l'ère du big data, nous disposons de données fiables. La situation financière des entreprises pourrait constituer un autre élément de conditionnalité, bien que son utilisation puisse s'avérer complexe en raison du niveau d'emploi, de la qualité de l'emploi, etc. Quoi qu'il en soit, nous disposons désormais d'informations quasiment en temps réel. Dès lors, le débat politique reste ouvert et il portera sur la manière d'introduire ces éléments.

S'agissant de l'utilisation des sommes dégagées, Mme Caroline Janvier a fait écho à des échanges que nous avons eus et qui concernaient d'autres sujets. La proposition avancée par mon collègue Marc Ferracci il y a un an, réitérée aujourd'hui dans son avant-propos, consisterait à allouer la recette liée à la suppression de cette exonération, le milliard et demi d'euros, à ce qui reste de cotisations patronales entre 1 et 1,6 Smic. En effet, le niveau de cotisation dans cette tranche salariale a considérablement diminué pour passer de 42 % au début des années 1990 à 6 % actuellement. Il s'agit de rediriger ce budget vers un secteur où son efficacité serait avérée. Pour ma part, je pense qu'il serait souhaitable de réaffecter ses ressources vers des secteurs qui sont en besoin de financement. C'est la raison pour laquelle l'amendement que j'avais déposé l'an dernier prévoyait de les allouer à la branche autonomie. Cette décision répondrait à un des débats que nous nourrissons régulièrement, à savoir l'identification des ressources afin de financer les Ehpad et les services à domicile.

Sommes-nous capables de parvenir à un consensus ? Je préférerais. Nous avons mené une démarche transpartisane qui a abouti à un accord sur la suppression de certaines exonérations et je préférerais que nous parvenions à déposer un amendement transpartisan quant à cette suppression, sans mentionner les modalités d'affectation. L'affectation figurera dans l'exposé des motifs et elle fera l'objet d'une décision juridico-financière. En revanche, l'exposé des motifs ne conditionne pas la suppression. Dès lors, dans un monde idéal, je souhaiterais un amendement de la commission des affaires sociales sur la base de ce rapport qui propose la suppression du bandeau famille et uniquement sur ce point. À défaut, nous nous retrouverons face à un amendement Guedj et un amendement Ferracci qui auront le même objet avec des exposés des motifs différents. L'exécutif s'exprimera. Chacun des groupes décidera de sa position, par loyauté et fidélité. Un consensus sur la suppression constituerait une manière de consolider le travail de la Mecss, de notre commission des affaires sociales et plus largement du Parlement.

Dans une mission de cette nature, « on se lime la cervelle », comme disait Montaigne. On écoute les arguments de celui avec lequel on est supposé ne pas être en plein accord. Pour ma part, j'assume la position selon laquelle les éléments fournis me permettent d'affirmer qu'entre 1 et 1,6 Smic, l'efficacité sur l'emploi est avérée au regard de l'objectif assigné. Je comprends que des détracteurs puissent affirmer que d'autres solutions seraient envisageables. Nous sommes parvenus à un véritable consensus quant à l'inefficacité des exonérations au-delà de 2,5 Smic – qui a d'ailleurs abouti à la proposition que nous avançons aujourd'hui. Cependant, je ne souhaite pas que les interrogations qui ont été exprimées quant à la situation entre 1,6 et 2,5 Smic restent sans réponse. Il conviendrait en effet, dans une seconde étape, d'approfondir la réflexion relative au bandeau maladie – puisqu'à ce niveau, il s'agit essentiellement d'une exonération de cotisation d'assurance maladie –, car elle représente entre 20 à 25 milliards d'euros.

La suppression de ces exonérations n'est bien sûr pas sans conséquences. Les organisations patronales ont avancé l'argument selon lequel ces exonérations de cotisations sociales permettaient de corriger le différentiel de coût du travail, notamment par rapport à nos voisins allemands. Cependant, le rapport constate que l'essentiel des exonérations de cotisations sociales ne profite pas d'abord au secteur exposé à la concurrence internationale. Ce constat contredit donc l'argument de la compétitivité des prix sur des secteurs qui ne sont pas exposés à la concurrence internationale.

Je ne peux pas m'empêcher de répéter ce que j'avançais au moment de la création du CICE, à savoir que l'argument de l'emploi et de la compétitivité ne s'appliquait pas sur des pans entiers qui n'étaient pas exposés à la concurrence internationale. Dans cette salle, je prenais l'exemple à l'époque des professions réglementées – experts-comptables, avocats, huissiers, notaires – qui bénéficieraient du CICE alors que, par définition, ils n'évoluent pas dans un secteur exposé à la concurrence internationale. Dès lors, les allégements, les diminutions de l'impôt sur les sociétés (IS) qu'ils encaisseraient ne se traduiraient pas par de la création d'emplois. Le total représentait 1 milliard d'euros pour l'ensemble de ces professions réglementées.

Le rapport s'avère donc utile en ce sens qu'il documente la distribution des exonérations de cotisations sociales non seulement par secteurs, mais également en fonction de la taille des entreprises. Il constate que le ciblage n'est pas pertinent. Les exonérations des allégements Fillon décroissent en fonction de la taille de l'entreprise, ce qui paraît sain. En revanche, le bandeau famille ne décroît pas avec la taille de l'entreprise. Force est donc de constater un effet qu'on peut qualifier d'aubaine et qui se traduit moins par un impact sur l'emploi que par une subvention au niveau des salaires.

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Vous relancez le débat sur la politique de réduction du coût du travail et vous plaidez pour la suppression d'exonérations de cotisations sociales sur les hauts salaires. Votre diagnostic apparaît partagé mais ne pas s'accorder sur l'ensemble des solutions au-delà de la suppression du bandeau famille. À l'heure où l'exécutif se dit en quête d'économies budgétaires, la suppression de ce bandeau famille rapporterait environ 1,5 milliard d'euros. Cependant, quel en sera l'impact sur l'attractivité et la compétitivité de nos entreprises alors que l'exécutif parle de réindustrialisation, de souveraineté industrielle et agricole ?

Vous avez également évoqué l'idée de conditionner les allégements à des objectifs tels que la revalorisation des salaires, la création d'emplois de qualité ou la fixation de critères environnementaux. À la lecture de votre rapport, nous constatons que nous en sommes très éloignés et vous n'êtes pas toujours à l'unisson. Concrètement, que proposez-vous afin d'améliorer la situation inquiétante de l'emploi des seniors en France ? Le groupe LR avait avancé des propositions intéressantes lors de la discussion du projet de loi relatif aux retraites. Votre rapport soulève malheureusement plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Les solutions que vous proposez sont sujettes à un débat et nous devons travailler ensemble au sein de la commission sur ces thématiques. Votre rapport est néanmoins très minutieux.

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Je salue le travail des deux rapporteurs ainsi que l'esprit transpartisan qui prévaut dans ce rapport. Jérôme Guedj a répondu en partie à la question que je souhaitais poser à la fin de son propos, concernant les entreprises exposées à la compétition internationale.

Bien que le rapport soit très intéressant, il m'a laissé un petit peu sur ma faim parce qu'il n'entre pas dans le détail des catégories, secteur par secteur. Ce n'était cependant pas l'objet de ce rapport, j'en conviens. Néanmoins, il existe des différences très importantes d'un secteur à l'autre. Le Breton que je suis est particulièrement attaché au secteur maritime que je défends tout spécifiquement. Les entreprises d'armement bénéficient non seulement d'une exonération des cotisations patronales pour les marins embarqués, mais également, depuis 2021 d'une exonération ou d'une aide correspondant à la part salariale des charges. Ce secteur est donc très soutenu. Pour autant, il convient de s'intéresser aux entreprises exposées à la globalisation et à la mondialisation telles que le transport maritime, par exemple.

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Je souhaite apporter un peu de contradiction à votre diagnostic, car vous semblez avoir fait l'impasse sur une réflexion relative à la compétitivité en vous limitant à l'emploi. Vous proposez de supprimer le bandeau famille. Cela signifie que vous préconisez de supprimer des exonérations de cotisations familiales, ce qui correspond à une augmentation de prélèvements obligatoires et donc à une hausse des charges. Malgré les exonérations dont ils bénéficient actuellement sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic les employeurs s'acquittent de 6,4 milliards d'euros de cotisations de plus que leurs homologues allemands. En effet, notre système de protection sociale est progressif, ce qui signifie que plus le salaire est élevé, plus le taux de cotisations sociales en pourcentage de salaire brut est important. Votre proposition ne risque-t-elle pas de diminuer la compétitivité des entreprises exposées à la concurrence ? En effet, cette catégorie d'entreprises ne compte pas uniquement des experts comptables et des notaires.

Vous évoquiez par ailleurs une perte de recettes de 1,5 milliard d'euros pour l'État. Cette augmentation de charges induira une diminution des recettes d'IS. N'avez-vous pas surestimé le gain budgétaire ?

En deçà de 2,5 Smic, les allégements s'élèveraient à 7,8 % et à 0 % au-delà. Ce postulat ne risque-t-il pas d'accentuer les effets de seuil ? Alors que ces exonérations de charges ont pu inciter les employeurs à augmenter les salaires, votre proposition ne conduira-t-elle pas à les en dissuader ?

Ce sont autant de questions qui me font douter du bien-fondé de votre recommandation.

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L'objectif majeur de ces exonérations consiste à favoriser l'employabilité. N'est-il pas préférable d'embaucher sur des salaires avec une meilleure valorisation ? Il n'en sera pas ainsi s'ils sont moins exonérés et nous assisterons à un nivellement par le bas des salaires, des compétences et de la valeur du travail. Comme l'a évoqué M. Guedj par rapport à la refonte du financement du secteur médico-social, les disparités territoriales sont fortes. On pourrait donc s'interroger quant à la gratuité de notre système de santé face à un reste à charge important du financement de la dépendance.

Vous avez mentionné la non-pertinence de l'exonération des seniors à l'emploi. Quelles sont vos pistes de réflexion afin de favoriser l'emploi des seniors ?

Enfin, évitons de rechercher uniquement des recettes supplémentaires. L'État et le Gouvernement devraient impérativement diminuer leurs dépenses et leur train de vie. Comme pour la fiscalité sur les carburants, essayons de diminuer nos dépenses plutôt que de chercher des recettes supplémentaires.

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Je remercie les rapporteurs pour leur travail.

Sur le plan technique, force est de constater que le montant des charges sur les salaires, qu'elles soient salariales ou patronales, est compris entre 37 à 70 % et, dans la plupart des cas, elles avoisinent les 60 %. Nous rencontrons d'énormes difficultés à faire diminuer le taux chômage en dessous de 7 %. Que dire du taux d'inactivité quand, en onze ans, le taux de bénéficiaires du RSA a augmenté de 50 %.

Le point cardinal réside dans la valeur du travail. Le salaire brut payé par l'entreprise atteint quasiment le double du salaire net touché par le salarié. Il importe de s'interroger notamment sur le financement de notre modèle social.

Les ménages, y compris dans les classes moyennes, ont l'impression de toujours tout payer et de ne bénéficier d'aucune aide. Le chèque carburant dont a parlé le Président représente un bon exemple puisqu'il bénéficiera à des gens qui ont 14 700 euros de revenus fiscaux par an, autant dire à pas grand monde, notamment parmi les gens qui travaillent. Notre modèle est généreux. Dès lors, d'un côté une population paie toujours autant, voire tout, et d'un autre côté, ceux qui bénéficient exclusivement des aides. Ce constat fracture notre société sur le plan du travail.

La réflexion ne doit pas nous conduire à alléger les charges uniquement sur des petits salaires, car cela enfermera les salariés dont la rémunération est proche du Smic pendant toute leur carrière. Il convient d'élargir la réflexion sur l'ensemble des salaires et sur la revalorisation du travail et de tous les secteurs du travail, notamment dans un contexte où la pyramide des âges offre de nombreuses opportunités à la génération qui arrive sur le marché du travail.

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Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, pour ce rapport et pour les éléments qu'il apporte.

Notre niveau de prélèvements obligatoires est historiquement haut, soit 45,4 % du PIB. Votre rapport propose d'augmenter encore plus les cotisations sociales. Concentrer les exonérations de cotisations sur les salaires inférieurs à 1,6 Smic revient à créer une trappe à bas salaires. Plutôt que de chercher à augmenter sans cesse le taux de cotisations ou remettre en cause des exonérations, il serait préférable de se concentrer sur la diminution des cotisations chômage, emploi des seniors et emploi des jeunes. Le Rassemblement national propose depuis longtemps de favoriser et d'inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % en exonérant des cotisations les augmentations de 10% des salaires inférieurs à 3 Smic. Cette mesure bénéficierait à 90 % des salariés, notamment aux classes moyennes, sans mettre en danger les TPE et les PME par une augmentation du coût du travail. Alors messieurs, quand préconiserez-vous une mesure aussi juste et aussi gagnant-gagnant pour nos entreprises et pour les salariés ?

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Messieurs les rapporteurs, je vous remercie pour votre travail.

Je note que vous ne mentionnez pas l'outre-mer. Cela signifie-t-il que vos constats sont identiques dans nos territoires ?

Les allégements de cotisations sociales ont-ils produit un impact différent ou spécifique sur l'emploi et l'économie en outre-mer par rapport à la France continentale ? Pourriez-vous nous apporter des précisions ?

Par ailleurs, vous connaissez nos spécificités. Nos taux de chômage atteignent des sommets et notre tissu économique est fragile. Vos préconisations valent-elles également pour l'outre-mer ?

Avez-vous étudié notre dispositif spécifique appelé Lodeom ? Est-il efficace ? Est-il nécessaire de l'améliorer ?

Enfin, vous n'êtes pas sans savoir que les salaires sont moins élevés chez nous dans le privé et que dans le même temps, une sur-rémunération qui accordée aux fonctionnaires par rapport à l'Hexagone. Cette spécificité a-t-elle été prise en compte dans vos travaux ?

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Je pense qu'en effet il est souhaitable de poursuivre la recherche sur cette problématique de trappe à bas salaires. Vous avez d'ailleurs indiqué que cela semblait nécessaire. Force est de constater que plus les salaires sont bas, plus les exonérations sont élevées. Ce constat contribue aux politiques de modération salariale. Il convient donc de poursuivre la recherche afin de ne pas opposer emploi et qualité de l'emploi, de ne pas opposer emploi et salaire et de préserver la part socialisée du salaire. Nous avons par ailleurs besoin d'un meilleur ciblage de la politique de l'emploi, notamment sur la taille des entreprises. Je constate qu'une possible majorité se fait jour pour revenir sur certaines exonérations. Je signerai l'amendement que proposeront nos deux rapporteurs et je ne doute pas que nous trouvions comment utiliser cet argent.

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Je souhaite revenir sur la question de l'emploi des seniors. Actuellement, on cherche la martingale pour remettre en situation de travail ou permettre le retour à l'emploi d'hommes et de femmes de plus de 50 ans. Selon le grand nombre d'acteurs de ce secteur d'activité et d'employeurs que j'ai écoutés, le coût du travail des seniors serait a priori un frein. Vous avez tous les deux exclu l'idée d'un allégement de cotisations spécifique pour ce public-là. Sur quels éléments la position qui est la vôtre repose-t-elle ? Peut-être à tort, je pensais qu'un coût allégé du recrutement d'un senior pouvait être un facteur incitant à l'emploi de ces hommes et de ces femmes qui sont hélas victimes de préjugés et de discriminations sur le marché du travail.

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Je profite de cette réflexion sur la légitimité actuelle des exonérations qui existent pour aborder la question de la valorisation du travail et répondre à une hypothèse d'utilisation de la remise en cause de cette exonération, si elle était mise en œuvre. Je crois que ma proposition n'a pas été évoquée dans le rapport. Je suggère de transférer à l'euro près le bénéfice de l'exonération de ces cotisations patronales sur une réduction des cotisations salariales afin d'augmenter de manière très concrète et nette le revenu de l'ensemble des salariés français. L'impact serait absolument neutre pour les comptes publics et ce transfert serait simple et concret.

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J'espère que la volonté – ou la velléité, je ne sais pas comment dire – de la proposition d'amendement commun survivra à un 49.3. En tout cas, je compte sur votre binôme, monsieur Guedj, dans le cadre de ce rapport, qui, paraît-il, bénéficie de l'oreille du Président, pour que le message puisse passer. Ce serait positif.

Il est très intéressant de faire ce pas de côté par rapport aux exonérations de cotisations sociales. Toutefois, je regrette d'entendre certains propos issus du vieux monde, entre le Front national social, qui explique qu'il faut ruiner la sécurité sociale pour augmenter les salaires nets, et LR qui est également resté figé dans un monde ancien et évoque la générosité du système de sécurité sociale. Il n'est pas question de générosité, chers collègues, puisqu'il s'agit de l'argent produit par le travail des travailleurs. La création de richesse existe uniquement dans la mise en œuvre du travail. Arrêtez de vous élever sans cesse contre les cotisations sociales. Si vous souhaitez parvenir à un système à l'américaine, dites-le franchement.

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Certains propos sont tout de même difficiles à entendre de la bouche de certains qui semblent presque affirmer que les patrons sont des gens qui gagnent leur argent en dormant. Je crois qu'il ne faut pas confondre les sociétés du CAC 40 et les quatre millions de chefs d'entreprise qui rament tous les jours et pour qui les économies de charges sociales permettent d'embaucher et surtout de maintenir l'emploi.

Je pense qu'il est probablement nécessaire de retoucher certaines de ces exonérations. Néanmoins, supprimer une masse importante d'allégements conduit obligatoirement à un moindre résultat de l'entreprise et à un IS de plus faible montant. Je crois qu'il conviendrait d'effectuer un rapprochement entre l'économie qui serait réalisée sur les exonérations de charges et la diminution de l'IS.

Il serait également nécessaire de réfléchir à la prime d'activité qui a été mise en place pour favoriser celui qui travaille par rapport à celui qui ne travaille pas. Ne serait-il pas judicieux d'intégrer la prime d'activité dans les salaires et donc d'augmenter les salaires en supprimant la prime d'activité ? Il me semble que cette réflexion serait pertinente.

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Je vous remercie pour vos questions. Je ne répondrai pas point par point, mais j'ai regroupé certaines thématiques que plusieurs d'entre vous ont abordées dans leur intervention.

Mme Valentin, M. Bazin et M. Viry ont évoqué deux sujets communs, à savoir la compétitivité et l'emploi des seniors.

S'agissant de la compétitivité, le rapport s'y intéresse. En tout cas, il s'y intéresse à hauteur des évaluations existantes sur l'impact des exonérations et du CICE. En effet, des évaluations ont porté sur le CICE et elles n'ont pas mis en évidence d'effets négatifs sur la compétitivité, en particulier sur la capacité exportatrice des entreprises. C'est la raison pour laquelle nous nous permettons d'avancer que les exonérations sur les hauts salaires sont inefficaces non seulement sur l'emploi, mais également sur la compétitivité. Toutefois, je reconnais qu'il convient d'approfondir la question. J'attire simplement l'attention sur le fait que les comparaisons de coûts du travail nominaux entre la France et l'Allemagne ou entre la France et d'autres pays, ne peuvent pas être correctement interprétées si elles ne sont pas rapportées à la productivité respective des pays. L'indicateur pertinent réside dans les coûts unitaires de production respectifs de notre pays et, par exemple, de l'Allemagne. S'agissant des comparaisons avec l'Allemagne, le rapport du groupe d'experts sur le Smic montre depuis plusieurs années que ces coûts unitaires de production ont eu tendance à converger alors que nous étions en retard et que nos coûts unitaires de production étaient plus élevés que ceux de l'Allemagne. Ce constat relève en partie effectivement des dispositifs globaux d'exonération, mais pas obligatoirement grâce au dispositif d'exonération sur les hauts salaires.

S'agissant du gain budgétaire que vous évoquiez, qui pourrait diminuer du fait d'une baisse des recettes l'IS, j'avoue que je suis un petit peu circonspect parce que je pense qu'il faut démontrer que les recettes d'IS baisseraient si on remettait en cause le bandeau famille. Pour ma part, je ne vois pas selon quel mécanisme et en tout cas, je suis sûr de n'avoir identifié aucune preuve empirique de ce type de mécanisme.

Concernant la problématique des seuils, je vais abonder un peu plus dans votre sens. Je pense qu'il est nécessaire de mener une réflexion globale et le point de sortie de nos travaux se situe probablement à ce niveau. Ils se prolongeront dans le cadre de la Mecss sur un profil différent des allégements qui permettrait d'éviter les seuils à 1,6 à 2,5 Smic. Nous préconisons que le point de sortie ne se situe plus à 3,5, mais à 2,5 Smic. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec certaines organisations patronales et je pense qu'il conviendrait de mener une réflexion sur la manière de glisser sur l'intégralité du profil des allégements. Cette analyse nécessite des données et de l'expertise. Peut-être que le Gouvernement souhaitera s'en saisir ou pas.

S'agissant de l'emploi des seniors, je répète, parce que c'est important, que la disposition qui consisterait à exonérer davantage les cotisations sociales pour les salariés âgés serait inefficace en ceci qu'elle produirait du gaspillage d'argent public. Elle permettrait probablement le maintien de certaines personnes dans l'emploi ou la création d'emplois, mais pour de nombreuses autres, ces exonérations engendreraient des effets d'aubaine pour les raisons que j'ai indiquées précédemment. En effet, la productivité de nombreux salariés seniors est suffisamment importante pour que leur emploi ne soit pas menacé, quand bien même on supprimerait les exonérations, quand bien même on ne leur appliquerait pas des exonérations plus importantes.

Pour ce qui concerne les pistes, nous ne relancerons pas la discussion relative à l'index senior que nous avons eue pendant le débat sur les retraites. Pour ma part, je considérais que cette piste était intéressante. J'attire votre attention sur le fait que les partenaires sociaux seront amenés à négocier sur ce sujet-là. Un document d'orientation leur sera envoyé incessamment par le Gouvernement afin d'opérer une négociation interprofessionnelle. De nombreux enjeux seront posés sur la table de négociation et notamment le fait de compenser les personnes d'un certain âge qui sont au chômage et qui sont réticentes à reprendre des emplois parce que les seniors subissent parfois une forme de décote salariale liée au fait qu'ils entrent dans une période de chômage avec des niveaux de salaires un peu plus importants que les autres salariés, après avoir progressé à l'ancienneté tout au long de leur carrière. Il peut être utile de compenser les pertes de salaires des personnes qui se trouvent dans cette situation-là de sorte à les inciter à reprendre un emploi. C'est une des pistes qui seront étudiées, notamment dans le cadre de la négociation relative à l'assurance chômage par les partenaires sociaux. J'espère qu'ils iront dans cette direction-là.

Je termine par un autre élément qui a fait l'objet d'annonces et auquel je suis moi-même très attaché, à savoir la généralisation des dispositifs de testing afin de faire évoluer la culture des entreprises vis-à-vis des salariés seniors. Le ministre Olivier Dussopt a annoncé le lancement dans les prochaines semaines d'un testing relatif à l'accès à l'embauche des seniors. J'en profite pour faire un peu la promotion d'une proposition de loi que j'ai déposée pour généraliser ce dispositif de testing, dont je pense qu'il peut aboutir à des changements de comportements.

Je souhaite également répondre à l'intervention de M. Matthieu Marchio relative à la proposition défendue lors de la précédente niche du Rassemblement national. Je ne rouvrirai pas les échanges qui se sont déroulés à l'occasion de cette proposition. J'avais développé de nombreux arguments démontrant que cette proposition n'était pas pertinente pour des raisons de principe, pour des raisons d'opérationnalité et pour des raisons de complexité. Je m'en tiendrai au simple constat selon lequel votre propre rapporteur a déposé à l'occasion de cette proposition de loi, une demande de rapport au Gouvernement pour en étudier la faisabilité, ce qui est quand même relativement inédit s'agissant d'une proposition de niche. Je pense que cela révèle les failles et les limites de cette proposition et je n'entrerai pas davantage dans le détail.

S'agissant de l'amendement commun évoqué par mon collègue Jérôme Guedj, il me semble que les conséquences politiques que nous tirons l'un et l'autre de la suppression du bandeau famille n'ouvrent pas beaucoup de possibilités, mais nous continuons à en discuter. Je suis toujours ouvert à la discussion.

Enfin, s'agissant de la remarque de M. Ratenon relative à l'outre-mer, nous avons indiqué ne pas avoir eu le temps d'étudier les dispositifs spécifiques. Il existe des niches sociales qui portent sur l'outre-mer dont il est possible d'interroger l'efficacité. Quoi qu'il en soit, les allégements généraux s'appliquent en outre-mer. Notre travail d'évaluation n'est pas terminé. Il s'agit d'une étude au long cours et nous aurons peut-être l'occasion effectivement de nous pencher sur des niches géographiques ou sectorielles.

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En effet, la question de ce que nous ferons à la suite du rapport sera posée. Dans le programme de travail de la Mecss, nous nous interrogerons quant à la poursuite de ce travail d'évaluation, en articulation avec les travaux relatifs à la Lacss, qui débuteront au mois de mai prochain.

Je confirme que nous n'avons pas abordé les exonérations ciblées, qui peuvent être territoriales et concerner les quartiers politiques de la ville, les zones de revitalisation rurale ou certaines catégories de population, comme les apprentis, les jeunes, etc. Il conviendra donc de prolonger ce travail.

S'agissant de l'amendement, je vais vous livrer un scoop. Je serai obligé de voter l'amendement de Marc Ferracci, bien que je ne sois pas d'accord avec l'exposé des motifs. Est-ce que la réciproque sera vraie ? Alors, déposons-le ensemble. Quoi qu'il en soit, je proposerai un amendement à l'ensemble des membres de la commission dès l'instant où ce rapport aura été autorisé à la publication, afin d'aller dans son sens.

Nous venons tous de recevoir le PLFSS et il soulève la question des ressources. M. Arthur Delaporte évoquait précédemment dans son intervention la question de la non-compensation de la désocialisation des heures supplémentaires et les raisons objectivées de cette non-compensation opérée en 2019. Il s'avère désormais complexe de continuer à la légitimer et à voir cette anomalie dans le tableau de l'annexe 5 du PLFSS. Je n'ai pas encore eu le temps de consulter le document, mais je pense qu'il sera souhaitable de poser à nouveau la question de la légitimité de cette non-compensation et d'en débattre.

Je tiens à mon tour à remercier chaleureusement les administrateurs de la commission des affaires sociales. Leur agilité et leur souplesse se sont avérées très précieuses pour la rédaction du rapport, tout comme d'ailleurs la parfaite collaboration de l'ensemble des administrations, à savoir la direction générale du travail, la direction générale des entreprises et la direction de la sécurité sociale, qui ont contribué à éclairer nos travaux.

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Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, pour la qualité de vos travaux et la qualité de ces échanges.

Je pense que ces débats ont permis de montrer d'abord l'intérêt que portent les députés sur ce sujet parce qu'ils ont également à cœur d'évaluer nos politiques publiques. Ensuite, nous constatons qu'il subsiste encore de nombreuses questions sur la conditionnalité, sur l'impact que pourraient produire de nouvelles exonérations pour cibler par exemple l'emploi des seniors, etc.

J'encourage tout de même à la vigilance quant aux éventuelles conséquences d'un retour en arrière sur la sensibilité nos chefs d'entreprise à des signaux annonçant une éventuelle augmentation du coût du travail via la suppression d'exonérations de cotisations sociales. Il me semble important que, dans le cadre de la poursuite des travaux, l'impact de cette suppression soit bien pris en compte dans l'engagement de nos chefs d'entreprise ainsi que dans la confiance qu'ils auront dans leurs marchés et dans les perspectives non seulement d'emplois, mais également de rémunération de leurs salariés dans un contexte d'éventuelles augmentations de leur masse salariale et d'inflation. Il importe que la commission travaille encore davantage sur ce champ.

En application des dispositions de l'article 145, alinéa 7, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information.

La séance est levée à dix heures cinquante.

Présences en réunion

Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Marc Ferracci, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, Mme Rachel Keke, M. Didier Le Gac, M. Laurent Leclercq, Mme Katiana Levavasseur, Mme Brigitte Liso, M. Matthieu Marchio, M. Kévin Mauvieux, Mme Joëlle Mélin, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, M. Freddy Sertin, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry

Excusés. – Mme Fanta Berete, M. Elie Califer, Mme Caroline Fiat, M. Philippe Juvin, M. Jean-Philippe Nilor, M. Olivier Serva, M. Emmanuel Taché de la Pagerie

Assistaient également à la réunion. – M. Fabien Di Filippo, M. Thierry Frappé, M. Frédéric Mathieu, M. Laurent Panifous, M. Benjamin Saint-Huile