La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures 05

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La commission auditionne M. Fabrice Melleray, dont la nomination est proposée par la Présidente de l'Assemblée nationale en qualité de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Lien vidéo : https://assnat.fr/N0CmEA

Audition de M. Fabrice Melleray, dont la nomination est proposée par la Présidente de l’Assemblée nationale en qualité de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et vote sur cette proposition de nomination

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Nous allons procéder à l'audition de M. Fabrice Melleray, dont la nomination en tant que membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est proposée par la présidente de l'Assemblée nationale, en remplacement de M. Christophe Pallez.

Le 25 janvier, nous avions confirmé à l'unanimité la nomination de M. Pallez, mais celui-ci a finalement renoncé à rejoindre la HATVP, pour des raisons d'incompatibilité avec ses anciennes fonctions de déontologue de l'Assemblée nationale. La présidente de l'Assemblée nationale a donc décidé de proposer votre nom, monsieur Melleray. Vous êtes professeur de droit public, spécialisé dans le droit de la fonction publique.

Pour cette proposition de nomination, le rapporteur est M. Ian Boucard, du groupe Les Républicains. Il vous a transmis un questionnaire, dont les réponses ont été communiquées aux membres de la commission et mises en ligne sur le site de l'Assemblée nationale.

L'article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que le candidat doit réunir une majorité positive de trois cinquièmes des suffrages.

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Les auditions en lien avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ont toujours une résonance particulière au sein de notre assemblée car nous sommes directement concernés par ses compétences et par sa mission, celle d'améliorer la confiance des citoyens dans leurs élus et leur administration.

Les obligations fixées par la loi et contrôlées par la HATVP sont très exigeantes, mais elles permettent à chacun d'entre nous de s'interroger sur ses pratiques : les conflits d'intérêts, le lobbying dont nous faisons l'objet, la menace constante de la corruption. Si ce cadre nous paraît parfois contraignant, nous ne devons pas oublier qu'il constitue une protection contre le risque de sanctions pénales très lourdes. Preuve de la confiance qu'il accorde à la HATVP et de l'importance qu'il donne aux questions de déontologie, le législateur a élargi ses compétences au contrôle des représentants d'intérêts en 2016, puis au contrôle des mobilités entrantes et sortantes des fonctionnaires en 2019.

La HATVP est au cœur du débat public et de la vie politique de notre pays. Loin de chercher la lumière à tout prix, elle œuvre souvent discrètement pour accompagner les élus et les agents publics et faire grandir une culture de la déontologie. La responsabilité de cette autorité est immense et il est de notre devoir de nous assurer que les membres de cette institution sont les plus compétents possible.

En application de l'article 29-1 de notre règlement, notre commission est amenée à se prononcer sur la nomination d'un nouveau membre au sein du collège de la HATVP, sur proposition de notre présidente, M. Christophe Pallez n'ayant pu prendre ses fonctions.

Vous êtes loin d'être un second choix, monsieur Melleray, car votre parcours est remarquable. Agrégé de droit public en 2002, vous avez été successivement professeur des universités à Poitiers, Bordeaux IV et Paris I. Vous êtes désormais professeur à l'École de droit de Sciences Po et directeur de l' AJDA, la principale revue d'actualité juridique en droit administratif. Vous avez également publié de nombreux ouvrages de référence, notamment en droit de la fonction publique, ce qui n'est pas sans lien avec notre sujet. Vos compétences juridiques sont donc indéniables et correspondent aux fonctions auxquelles vous prétendez.

Je vous ai adressé plusieurs questions concernant votre personnalité et votre vision du rôle de la HATVP dans notre organisation institutionnelle. Je vous remercie d'y avoir apporté, dans des délais très courts, des réponses détaillées et précises, qui montrent à la fois votre rigueur juridique et votre excellente connaissance de l'institution.

À la lecture de vos réponses, trois questions supplémentaires me sont venues à l'esprit. La première concerne vos expériences. La connaissance pratique de la vie des élus, des institutions et des administrations ne risque-t-elle pas de vous faire défaut dans l'exercice de vos fonctions ? La deuxième concerne votre carrière universitaire, qui est riche et dynamique. Quelle part de votre temps pensez-vous consacrer à la Haute Autorité ? Comment envisagez-vous de concilier vos missions auprès de la HATVP avec vos activités professorales et éditoriales ? Enfin, quels sont, selon vous, les principaux défis qui attendent la HATVP dans les prochaines années et dans quelles mesures vos compétences seront-elles un atout pour les relever ?

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Fabrice Melleray, agrégé de droit droit public

J'ai l'honneur de me présenter devant vous, parce que la présidente de l'Assemblée nationale a proposé de me nommer pour six ans, non renouvelables, au sein du collège de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

J'entame la seconde moitié de ma carrière académique. Je suis professeur de droit public depuis septembre 2002 et j'enseigne depuis cinq ans à l'École de droit de Sciences Po. Je suis donc fonctionnaire de l'État en activité. Depuis ma thèse de doctorat, je suis spécialisé en droit administratif et j'ai mené d'assez nombreux travaux en droit de la fonction publique, en publiant notamment un manuel dont la sixième édition est en préparation. Dans ce cadre, je me suis évidemment intéressé aux questions déontologiques, aux attributions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et aux incidences de ces dernières sur la situation des fonctionnaires et autres agents publics. Vous avez toutefois raison, monsieur le rapporteur, je me suis davantage focalisé sur ce volet que sur le contrôle de la situation des élus et des membres du Gouvernement.

À ces travaux académiques s'ajoute, depuis un peu plus de cinq ans, une expérience plus concrète et pratique de la déontologie. J'ai en effet intégré, en 2018, le collège de déontologie du ministère de la culture. J'en assure la vice-présidence et mon mandat – c'est le deuxième – prendra fin en avril 2024. Cet organe collégial est présidé par M. Alain Ménéménis, conseiller d'État honoraire, et l'autre vice-présidence est assurée par Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre au Conseil d'État.

Le champ de compétences de ce collège de déontologie est différent de celui de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cependant, de nombreuses questions traitées sont de même nature, comme le contrôle des projets de reconversion ou de cumul d'activités ou l'appréciation portée sur les questions souvent délicates de conflits d'intérêts. Pour illustrer cette proximité, j'évoquerai quelques-uns des cas que nous avons examinés entre septembre 2022 et mai 2023 – notre dernier rapport annuel a été publié au printemps.

Un agent public peut-il exercer une activité accessoire consistant à intervenir contre rémunération lors de séminaires ou de colloques ? Un administrateur de l'État peut-il devenir cadre dans une entreprise avec laquelle le ministère a conclu des marchés publics ? Quelle conduite un établissement public doit-il adopter à l'égard de son ancien dirigeant qui, une fois parti dans le secteur privé, souhaite continuer à entretenir des relations contractuelles avec son ancienne administration ? Un agent peut-il publier un livre en utilisant une documentation produite dans le cadre de ses fonctions administratives sans saisir au préalable l'administration de son projet ? Ces quelques questions peuvent faire écho à des problématiques traitées par la HATVP.

Ces deux éléments de mon parcours expliquent peut-être que la présidente de l'Assemblée nationale, que je remercie pour sa confiance, ait envisagé ma nomination à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, parmi les deux personnalités qualifiées qu'il lui revient de nommer.

J'en viens à la manière dont j'appréhende les fonctions qui pourraient m'être confiées. La liste des attributions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s'est, comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, élargie depuis sa création par le législateur en 2013, ce qui traduit la confiance que vos prédécesseurs et vous-mêmes avez en cette institution. L'évolution est telle qu'une auteure a récemment soutenu qu'il s'agissait d'une institution d'un genre entièrement nouveau, marquant « la naissance d'une nouvelle branche de la séparation des pouvoirs », dédiée à l'exigence de probité. Elle développe ainsi l'idée qu'il existerait un quatrième pouvoir. Je ne partage absolument pas cette appréciation. À l'instar de la plupart des observateurs, je considère que si la HATVP a un objet et des missions spécifiques, elle demeure l'une des nombreuses autorités administratives indépendantes créées ces dernières décennies par le législateur. Elle n'est rien de plus, et rien de moins.

Mon mandat au sein de ce collège serait soumis à des règles de déontologie strictes, issues de la loi de 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes, mais aussi de textes portant spécifiquement sur cette institution, qu'il s'agisse de dispositions législatives ou de son règlement intérieur, qui excède les exigences législatives. Dans un souci d'exemplarité, certaines pratiques de la HATVP vont même au-delà des obligations fixées par les textes. Je citerai un seul exemple. Si vous confirmez ma nomination, ma déclaration de patrimoine – comme celle de l'ensemble des membres du collège – sera publiée sur le site de la Haute Autorité. Il s'agit d'un choix de l'institution. Le seul équivalent concerne les membres du Gouvernement. Je serai soumis à une obligation de réserve renforcée, prévue par le règlement intérieur, à une obligation de discrétion, de respect du secret professionnel, de probité et d'impartialité. Tous les textes se combinent pour dessiner un cadre déontologique exigeant, ce qui est parfaitement logique eu égard à l'importance des informations qui circulent au sein du collège de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Les compétences de la HATVP se sont progressivement diversifiées. Initialement conçue pour garantir la probité des gouvernants et plus largement des décideurs publics, elle s'est ensuite vu confier d'autres missions importantes, comme le contrôle des représentants d'intérêts, et a repris des tâches qui incombaient précédemment à la commission de déontologie de la fonction publique. Toutes ses missions ne sont pas de même nature, mais elles reposent sur les mêmes piliers, à savoir : prévention et lutte contre les conflits d'intérêts ; valorisation de la probité et de la transparence. Elles visent en outre un seul et même objectif : qu'un « tiers de confiance » exerce un contrôle et édicte des avis, afin d'éviter une détérioration du lien de confiance qui doit, si l'on ne veut pas risquer une crise démocratique, unir les gouvernants et les administrateurs d'une part, et les gouvernés d'autre part.

De mon point de vue, le bilan de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est tout à fait satisfaisant. Cependant, il est toujours possible d'améliorer le fonctionnement d'une institution, qu'elle soit publique ou privée.

Le fonctionnement quotidien de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pourrait ainsi être simplifié et elle a elle-même suggéré quelques évolutions. Elle souhaiterait notamment avoir la possibilité de consulter directement les établissements bancaires et financiers, sans passer par l'intermédiaire des services fiscaux. Cette réforme nécessiterait une révision législative, mais elle ne modifierait nullement l'étendue des informations communiquées à cette institution. Elle permettrait, en revanche, d'accélérer la procédure. De même, la HATVP souhaiterait être dotée d'un pouvoir de sanction administrative en cas d'absence de dépôt des déclarations d'intérêts ou de patrimoine. En l'état de la législation, les dossiers sont transmis au parquet, qui n'a pas le temps de les examiner. Constituer un collège des sanctions, distinct du collège que je prétends intégrer, apporterait de la fluidité.

Au-delà de ces réformes ponctuelles, faut-il modifier des éléments plus substantiels ? Je n'en suis pas certain.

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique exerce-t-elle ses attributions dans les meilleures conditions ? On lit parfois qu'elle entraverait exagérément les projets de pantouflage ou de reconversion. La lecture de ses avis me paraît toutefois démentir cette appréciation alarmiste. Les avis d'incompatibilité sont peu fréquents et, si les avis de compatibilité avec réserves sont nombreux, ils visent avant tout à sensibiliser leurs destinataires sur l'existence d'un risque pénal. Loin d'être un obstacle, la HATVP joue un rôle protecteur des intérêts des personnes qui sont soumis à son contrôle.

S'agissant d'une possible extension des pouvoirs de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, notamment en matière de recours à des cabinets de conseil ou de lutte contre la corruption, je considère que ses missions sont déjà nombreuses et que l'attribution de nouvelles compétences exigerait des moyens humains supplémentaires. Il vous appartiendra toutefois, en votre qualité de législateur, d'apprécier l'opportunité d'une telle réforme et de prendre les décisions qui en découleraient dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.

Le bilan de dix années d'activité de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique fera l'objet d'un colloque dans les murs de l'Assemblée nationale, à la date anniversaire de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Vous y interviendrez, monsieur le président, dans une table ronde intitulée « La transparence : gage de confiance ? ». À elle seule, la transparence ne suffit pas à garantir la confiance. En se focalisant sur tel ou tel cas particulier, elle peut même nourrir la défiance et la suspicion à l'égard des décideurs publics. Je suis néanmoins convaincu que l'exercice de transparence est une nécessité démocratique et qu'elle est d'une grande utilité. Le bilan de l'activité de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique confirme le niveau très élevé de probité des décideurs publics dans notre pays. La prévention des conflits d'intérêts est nettement mieux assurée qu'elle ne l'était il y a encore quelques années. Participer à cette mission d'intérêt général serait, si vous m'accordez votre confiance, un grand honneur !

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J'interviens en tant que présidente de la délégation du Bureau chargée de la transparence et des représentants d'intérêts. Je porte une attention particulière aux relations entre les groupes d'intérêts et les parlementaires. De nombreuses pistes ont été envisagées pour les clarifier, notamment dans le rapport rédigé par mon prédécesseur, Sylvain Waserman, et dans celui de nos collègues Cécile Untermaier et Gilles Le Gendre.

Je voudrais vous soumettre un cas pratique. La présidente de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ont récemment mis en demeure un groupe, dont vous retrouverez aisément le nom, et lui ont demandé de respecter les obligations déontologiques auxquelles les représentants d'intérêts sont assujettis. Le président de la HATVP a eu une appréciation différente de la situation, même s'il a constaté un « manque de rigueur et de mesure » de la part de ce groupe dans ses activités de lobbying. Chacun doit rester dans son rôle et intervenir en toute indépendance, mais comment envisagez-vous de travailler avec les assemblées parlementaires ?

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Dix années sont une durée suffisante pour évaluer l'action de la HATVP au service des Français et d'une plus grande confiance dans la vie publique. Elle s'est définitivement installée comme un organe déterminant pour le bon fonctionnement de nos institutions. Elle aborde néanmoins cette nouvelle décennie en faisant face à de nombreux défis, que vous avez vous-même énumérés. J'insisterai pour ma part sur la nécessité d'un équilibre, ô combien complexe, entre une défense intransigeante de la transparence et le risque d'excès bureaucratiques ou tatillons.

L'encadrement de la représentation d'intérêts est indispensable pour renforcer la transparence dans la prise de la décision publique. Avec ma collègue Cécile Untermaier, nous avons réalisé une mission flash sur ce sujet, qui s'est traduite en une proposition de loi transpartisane, que nous souhaiterions voir inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.

Quel progrès devons-nous accomplir pour guider le contrôle des représentants d'intérêts et leur inscription au répertoire numérique ? Vous avez souligné le caractère collégial de la HATVP mais, compte tenu de votre expérience en matière de déontologie, dans quels domaines souhaiteriez-vous imprimer une marque plus personnelle au cours de votre mandat ?

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Depuis le 1er février 2020, la Haute Autorité est compétente en matière de déontologie dans la fonction publique. À ce titre, elle émet donc des avis relatifs à la mobilité des hauts fonctionnaires. Dans vos réponses au questionnaire du rapporteur, vous indiquez que plus des deux tiers des avis expriment une compatibilité avec réserves. Vous sous-entendez toutefois que l'effectivité du contrôle pourrait s'avérer problématique, compte tenu de l'insuffisance des moyens dont dispose l'institution.

Vous appelez à doter la Haute Autorité d'un pouvoir de sanction administrative en cas de manquement à l'obligation de déclaration et à renforcer ses pouvoirs. Comment envisagez-vous le suivi concret des réserves qui sont émises ? Comment garantir l'effectivité des sanctions en cas de non-respect de ces dernières ?

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La HATVP a pour mission d'assurer la transparence, pour essayer de rétablir la confiance des Français dans la vie politique. Pour le moment, l'objectif n'est pas atteint, puisque 81 % des Français n'ont pas confiance dans les partis politiques. Les Françaises et les Français ont souvent l'impression – justifiée – que les personnalités politiques au pouvoir votent des lois qui vont à l'encontre de leurs intérêts, par exemple lorsqu'ils font passer en force une réforme des retraites avec un 49.3, alors que la majorité du peuple y est opposée.

Nos concitoyens se détournent de la politique, parce qu'ils ont parfois tendance à considérer que les élus font tous n'importe quoi et que, d'une certaine manière, ils sont tous un peu corrompus. Le rôle de la HATVP est de lutter contre cette idée-là. Rendre publics les patrimoines mobiliers, les portefeuilles d'actions et les participations détenues dans des entreprises y contribue, mais des progrès restent à faire au sujet du patrimoine immobilier, car celui-ci peut influer sur le choix des élus, notamment en matière de taxation.

Pourquoi les déclarations de patrimoine des membres du Gouvernement et des membres de la HATVP sont-elles facilement accessibles en ligne, alors que celles des députés et sénateurs doivent être consultées en préfecture ? Comment justifier cette transparence « à moitié » ? Assurer une transparence totale sur le patrimoine, y compris immobilier, des élus de la nation, serait un moyen de rétablir la confiance de la population.

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Votre candidature, que vous avez sans doute proposée, souligne l'importance d'avoir des « sachants » au sein du collège de la HATVP.

Le bilan de son activité confirme la probité de la majorité des élus et des gouvernants ; je vous remercie de l'avoir rappelé dans votre exposé. Mes propos vont dans le même sens que ceux de mon collègue Léaument. S'il est normal de s'attarder sur les cas critiques, cette réalité très positive mériterait d'être plus souvent mise en avant. En rejoignant la HATVP, pourriez-vous y contribuer ?

Vous avez relevé les progrès faits en matière d'appréciation des conflits d'intérêts. Je partage votre point de vue s'agissant des sphères supérieures du pouvoir. Des problèmes restent en revanche à régler au niveau local, où des conflits d'intérêts se nichent dans beaucoup de situations.

Nous avons défendu l'idée de faire de la HATVP un acteur clé de la déontologie, en lui confiant un rôle de chef d'orchestre et de diffuseur de cette culture. Pensez-vous qu'elle est en mesure d'assumer cette responsabilité ? Devons-nous prévoir de nouvelles réformes ?

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Vous évoquez la possibilité de doter d'un pouvoir de sanction autonome la Haute Autorité, ce que cette dernière avait d'ailleurs déjà envisagé. Cette solution permettrait d'éviter des sanctions pénales qui soit ne sont pas prononcées, soit peuvent sembler démesurées par rapport aux manquements constatés.

Dans la procédure devant la Haute Autorité, la place du contradictoire pourrait-elle être renforcée, afin d'éviter les difficultés auxquelles sont parfois confrontés les nouveaux élus ou les élus de petites collectivités ?

Enfin, comment la coordination avec les dispositifs de déontologie mis en place dans les collectivités territoriales pourrait-elle être améliorée ? Sans aller jusqu'à une harmonisation de la doctrine, des lignes directrices pourraient être fixées, par exemple dans le cadre d'instances de partage. Pensez-vous que la Haute Autorité a un rôle à jouer dans ce domaine ?

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Le travail de la HATVP est fondamental, car la démocratie sort toujours abîmée des affaires qui éclatent chaque semaine dans notre actualité. Une partie d'entre elles ne relève pas des attributions la Haute Autorité : je pense par exemple aux détournements de fonds ou aux violences sexuelles et sexistes. Il faudrait peut-être envisager qu'elle puisse également s'en saisir, mais je vais probablement un peu loin.

S'agissant de l'élargissement possible des missions dévolues à la HATVP, nous avons tous été marqués par l'annulation de l'agrément de l'association Anticor. Il revient à un membre du Gouvernement, en l'occurrence au garde des sceaux, de statuer sur l'agrément permettant à une association ayant pour objet de lutter contre la corruption de se porter partie civile. Considérant qu'un tel mode de fonctionnement n'était pas acceptable, les Écologistes ont proposé que cette mission soit confiée à une autorité indépendante, en l'occurrence la HATVP. Quelle est votre position à ce sujet ? Nous sommes ici au cœur de la lutte contre les conflits d'intérêts.

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Monsieur Melleray, l'institution que vous pourriez rejoindre à l'issue de cette audition joue un rôle essentiel dans la vie démocratique, en particulier face aux attentes croissantes des citoyens en matière de transparence et de probité des responsables publics.

Selon vous, quelles sont les mesures que la HATVP pourrait déployer pour renforcer la confiance de la population envers les élus que nous sommes ?

Ces dernières années, la Haute Autorité a connu un élargissement de ses compétences en matière de lobbying. Un répertoire des lobbyistes a été créé. En dépit de ces évolutions positives, le président de la HATVP continue de souligner les limites de son action, notamment en l'absence de code de déontologie des représentants d'intérêts. Celui-ci était prévu par la loi Sapin 2 mais n'a jamais vu le jour. Quelle est votre position à ce sujet ?

Enfin, plusieurs associations ont récemment dénoncé le lobbyiste Phyteis, un fabricant de pesticides, pour un manquement à ses obligations de déclaration. La présidente de notre assemblée lui a adressé une mise en demeure. De son côté, la HATVP n'en fera rien. Que pensez-vous de cette divergence d'appréciation ? Si vous aviez été membre de cette institution, auriez-vous été favorable à l'envoi d'une mise en demeure ?

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Auditionné par notre commission le 28 juin, M. Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, proposait de doter l'instance d'un pouvoir de sanction administrative. Selon lui, une amende administrative serait plus appropriée qu'une procédure pénale pour les élus ne remplissant pas leurs obligations déclaratives. Depuis 2020, il renouvelle régulièrement cette demande dans les interviews qu'il accorde ou lors de ses auditions. Seriez-vous favorable à une telle évolution ?

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M. Jean-Louis Nadal, ancien président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, a écrit un rapport remarquable sur l'exemplarité des responsables publics, intitulé Renouer la confiance publique. Ce texte comporte beaucoup de préconisations. J'ai été particulièrement intéressée par son analyse du peu de place laissée par le droit français à la révocation des élus.

La révocation des élus peut être analysée comme une revendication populiste et démagogique, en particulier par des élus qui ont tout à craindre d'un tel dispositif. Pourtant, elle constitue plutôt la norme à l'échelle planétaire. On la retrouve dans presque tous les continents et dans de très nombreux pays, par exemple aux États-Unis. C'est même, en réalité, une invention française : sous la Révolution, on parlait du « rappel » des élus et même, dès le Moyen Âge, des commis de confiance.

Aujourd'hui, le Président de la République est dans une situation de totale irresponsabilité constitutionnelle, ce qui génère une culture de l'impunité qui rejaillit sur toute la classe politique. Que pensez-vous d'accorder aux citoyens la possibilité de révoquer leurs élus s'ils estiment que leur action n'est pas conforme à ce qu'ils espéraient ? Cette évolution ne pourrait-elle pas donner naissance à un écosystème plus vertueux ?

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Pourquoi demander à une personne qui passe d'une fonction soumise à déclaration de patrimoine à une autre de refaire une nouvelle déclaration ? En un ou deux mois, elle n'a pas le temps d'acheter beaucoup de maisons ! Ne serait-il pas suffisant de lui demander si son patrimoine a évolué ? Cet allègement de la procédure éviterait en outre les risques de copier-coller. Nous en avons connu un exemple fameux qui a fini dans la presse, alors qu'il ne s'agissait que d'une erreur. Le contrôle est important, mais ne tombons pas dans de la suradministration !

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Fabrice Melleray, agrégé de droit droit public

Madame Untermaier, vous avez indiqué que je m'étais probablement porté candidat, ce qui n'est pas le cas. J'ai été contacté par le cabinet de la présidence de l'Assemblée nationale.

Je souhaiterais lever une ambiguïté concernant la question des sanctions. Le suivi des mises en garde supposerait des moyens considérables. Quand vous demandez à plusieurs milliers de personnes de ne pas entrer en contact, comment pouvez-vous vous assurer que cette exigence est respectée ? Envoyer un courrier de rappel tous les ans suffit-il ? La HATVP dispose de moins de soixante-dix agents et d'un budget d'un peu plus de 9 millions. Elle n'a pas la capacité de tout vérifier.

Le pouvoir de sanction ne porterait pas sur le non-respect des mises en garde mais, de manière beaucoup plus modeste, sur les absences de déclaration. Celles-ci concernent une cinquantaine de personnes. Saisir le parquet pour quelqu'un qui souffre de phobie administrative légère n'est pas forcément la solution. Une sanction proportionnée suffit généralement pour que les informations soient transmises.

Évidemment, si vous quittez une fonction pour en reprendre une autre quelques jours plus tard, faire deux déclarations dans un laps de temps aussi court n'a pas grand sens. En cas de modification brutale de votre patrimoine, vous devez de toute façon le signaler. Toutefois, je pense que les textes ne permettent pas d'alléger la procédure ; il faudrait les modifier.

S'agissant de la révocation des élus, madame Garrido, je ne rejoindrais pas la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique si elle devait être dotée d'un tel pouvoir : je ne me sentirais pas du tout capable de prendre une telle responsabilité. Je comprends très bien la dimension politique de cette évolution, qui sera peut-être un jour votée par le Parlement, mais elle exige des qualités, notamment de sagesse, que j'estime très sincèrement ne pas avoir. Le rôle que je peux jouer est plus technique et plus modeste.

Je reste un observateur extérieur, mais je lis les rapports de la Haute Autorité, ses avis et la presse. Je connais les polémiques. Parmi ses trois grandes attributions, le contrôle des représentants d'intérêts est la plus difficile à assurer, sans doute parce que le sujet est plus complexe et que les textes ne sont pas toujours d'une très grande clarté. De bonne foi, certains représentants d'intérêts peuvent s'interroger sur leurs obligations. S'agissant des relations avec le Parlement – qui est une dimension essentielle du sujet, mais pas la seule –, une collaboration étroite est indispensable entre la Haute Autorité, les déontologues et les assemblées. Il ne faut pas que chacun travaille de son côté.

Concernant le positionnement de la Haute Autorité, vous avez, madame Untermaier, évoqué la question du niveau local. Nous allons être confrontés à des difficultés dans ce domaine, car les textes récents sont difficiles à interpréter. Vont apparaître des conflits non seulement entre le public et le privé, mais également entre le public et le public. Ces derniers sont, à mon avis, encore plus complexes à gérer.

La Haute Autorité essaye de jouer un rôle moteur, sans avoir d'autorité hiérarchique sur les déontologues des ministères, comme j'ai pu le constater pendant cinq ans. Elle n'a pas non plus d'autorité sur les déontologues locaux. Des initiatives ont toutefois été lancées, comme une réunion annuelle des déontologues ou la diffusion d'une lettre d'information. Elles pourraient être renforcées, notamment en facilitant les occasions d'échange et de partage. Néanmoins, la Haute Autorité n'a pas vocation à devenir la cour suprême de la déontologie.

Pour ce qui est de ses missions de contrôle des patrimoines et des déclarations d'intérêts, les chiffres montrent que la Haute Autorité vérifie 30 à 40 % de ce qu'elle reçoit. En tant que députés, vous avez la chance d'être contrôlés de manière systématique, mais un grand nombre de décideurs publics ne le sont pas. Entre celles qui sont soumises à des déclarations d'intérêts et celles qui passent du public au privé, la HATVP devrait contrôler des dizaines de milliers de personnes. Je ne doute pas de l'efficacité de ses services, mais ils ne comptent que soixante-dix agents. Ils font ce qu'ils peuvent, avec les moyens dont ils disposent.

Quand le cabinet de la présidente de l'Assemblée nationale m'a contacté, je me suis renseigné auprès de personnes que je connaissais pour savoir combien de temps devait être consacré à ce mandat. Il m'a été répondu que cette activité pouvait être exercée à titre accessoire, contrairement au Conseil supérieur de la magistrature, par exemple, où il faut siéger trois jours par semaine. En l'occurrence, une réunion est organisée tous les quinze jours et les dossiers sont communiqués la veille. J'ai estimé qu'en m'organisant, je pouvais libérer le temps nécessaire sans difficulté majeure. Si vous confirmez ma nomination, je renoncerai à diverses tâches administratives. J'en ai prévenu le directeur de Sciences Po.

La question de la disponibilité des membres pourrait se poser en cas d'élargissement des compétences de la Haute Autorité. S'il faut siéger plusieurs jours par semaine au lieu d'une fois tous les quinze jours, il faudra peut-être envisager de créer des postes à temps plein, comme dans d'autres autorités administratives indépendantes. Des simplifications de la procédure sont toutefois possibles. Je faisais notamment référence à l'obligation de passer par l'intermédiaire des services fiscaux. D'autres améliorations seraient envisageables.

Lors de la nomination des membres du Gouvernement, la liste des personnes qui avaient été pressenties et qui ont finalement été écartées, non pas au terme d'un arbitrage politique mais en raison de leur situation fiscale ou de conflits d'intérêts, n'est jamais publiée. Je m'en réjouis. L'obligation de réserve et de discrétion est parfaitement respectée par les membres de la Haute Autorité. J'apprécie cette absence de fuites, alors qu'ils traitent de questions sensibles. Celle-ci participe à la légitimité de cette institution.

La HATVP remplace désormais la commission de déontologie de la fonction publique. En tant que spécialiste de droit de la fonction publique, j'ai le sentiment que cette mission est correctement remplie. Des fonctionnaires craignent parfois de ne plus pouvoir pantoufler, mais ce n'est pas le cas. Il est, en revanche, normal de les mettre en garde contre une possible infraction pénale et de leur rappeler l'existence d'un délit de prise illégale d'intérêt, dont vous avez d'ailleurs récemment révisé la formulation. Même à leur niveau de compétences et à leur niveau hiérarchique, certains d'entre eux ont tendance à l'oublier.

Pour résumer, la question des représentants d'intérêts me semble être celle qu'il faudra approfondir. Dans ce domaine, le droit n'est pas encore mûr. S'agissant des deux autres grandes missions de la Haute Autorité, des aménagements techniques permettant de simplifier les modes de fonctionnement seront certainement suffisants.

Je ne me prononcerai évidemment pas au sujet de l'agrément d'Anticor. Cette association dispose d'un agrément particulier de la HATVP concernant les représentants d'intérêts. Celui-ci avait été accordé et le Conseil d'État vient de considérer qu'il n'était pas compétent pour traiter du recours dont il était l'objet. L'affaire a été renvoyée au tribunal administratif de Paris. Pour le moment, la question est donc pendante. La HATVP n'a pas vocation à fusionner avec l'Agence française anticorruption. Si ses compétences étaient élargies de manière très importante, il faudrait lui donner des moyens considérables et son objet deviendrait différent.

Si vous voulez voter une loi vous obligeant à mettre vos patrimoines en ligne, vous pouvez le faire. Quand les premiers patrimoines ont été mis en ligne, j'avais toutefois été frappé que la presse organise une sorte de concours du plus beau patrimoine. J'ai longtemps vécu à Bordeaux. À la suite de la révélation de son patrimoine, une ancienne ministre des solidarités, bordelaise, avait reçu une demande en mariage d'un autre membre du Gouvernement. Cette démarche m'avait choqué. Si les patrimoines sont contrôlés sérieusement, je ne sais pas s'il est indispensable de les mettre en ligne. Ces informations peuvent être utilisées à plus ou moins bon escient.

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Je vous remercie pour vos réponses. Je vais vous raccompagner avant que nous procédions au scrutin.

Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du règlement, sur cette proposition de nomination.

Les résultats du scrutin sont les suivants :

Nombre de votants : 37

Blancs et nuls : 3

Suffrages exprimés : 34

Majorité des 3/5e : 21

Avis favorables : 28

Avis défavorables : 6

En conséquence, elle émet un avis favorable à la nomination de M. Fabrice Melleray en tant que membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

La séance est suspendue à dix heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Erwan Balanant, M. Ian Boucard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, M. Philippe Fait, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Éric Girardin, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, Mme Alexandra Masson, Mme Laure Miller, M. Didier Paris, M. Emmanuel Pellerin, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet, Mme Caroline Yadan

Excusés. - M. Xavier Breton, M. Jérémie Iordanoff, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Julie Lechanteux, M. Didier Lemaire, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Davy Rimane