Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 9h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • chère
  • enquête
  • influence
  • influenceur
  • outre-mer
  • pratique
  • publicité
  • réseaux

La réunion

Source

La commission des affaires économiques a examiné la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le coût de la vie dans les départements et régions d'Outre-mer (n° 664) (M. Johnny Hajjar, rapporteur).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant de donner la parole au rapporteur, je souhaite apporter quelques précisions concernant la procédure d'examen de cette proposition de résolution.

Il existe deux procédures en matière de demande de création de commission d'enquête. La procédure classique consiste dans l'exercice d'un « droit de tirage » par le groupe politique qui dépose la demande. C'est dans ce cadre que notre commission a généralement été saisie ces dernières années, et notre compétence se limite alors à vérifier que les conditions juridiques requises pour la création de cette commission d'enquête sont réunies, sans examen de son opportunité. Ensuite, la conférence des présidents prend acte de la création de la commission d'enquête.

La seconde procédure présente deux différences majeures avec la précédente. Premièrement, en plus de vérifier si les conditions juridiques sont remplies, on peut aussi se prononcer sur l'opportunité de la création de la commission d'enquête. Deuxièmement, la proposition de résolution est soumise au vote en séance publique. C'est cette seconde procédure que nous allons suivre aujourd'hui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai l'honneur de vous présenter une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur le coût de la vie dans les départements et régions d'outre-mer, les Drom. Ce texte est inscrit en deuxième position à l'ordre du jour de la « niche » parlementaire du groupe Socialistes et apparentés, le 9 février.

Je ne m'attarderai pas sur le volet juridique et réglementaire, la recevabilité de ce texte, qui répond aux trois critères détaillés dans le projet de rapport qui vous a été remis, étant acquise. Plus encore qu'opportune, la création de cette commission d'enquête est impérieuse et urgente. La lutte contre la vie chère constitue un enjeu et un défi majeurs pour les territoires ultramarins. C'est l'une des missions politiques essentielles que mes collègues et moi assumons pour et au nom de nos peuples respectifs, dans le respect de la République.

La population hexagonale souffre depuis de longs mois d'une inflation élevée, qui avoisine les 6 %. Dans les outre-mer, l'inflation lui est supérieure de 40 %, de manière historique et structurelle. Lorsqu'on y ajoute l'inflation conjoncturelle, nos territoires font face aujourd'hui à une inflation comprise entre 43 et 47 %. Imaginez le niveau de difficultés et de souffrances dans lesquelles se trouvent nos peuples, captifs et légitimement exaspérés. Pire, cette situation menace de donner le coup de grâce aux plus fragiles, aux plus vulnérables et aux plus démunis, qui font face aux épreuves quotidiennes de la vie, et depuis de trop longues décennies à un mal ancien et bien connu : la vie chère.

La vie chère est un phénomène ancien, aux racines historiques et structurelles. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 devant notre commission, en octobre dernier, j'avais déjà choisi de consacrer la partie thématique de mon avis budgétaire sur la mission Outre-mer à cette question brûlante. Chers collègues, vous ne pouvez pas avoir oublié les émeutes contre la vie chère qui ont secoué nos territoires de manière récurrente entre 2009 et 2020. Face à la spirale inflationniste qui frappe encore des territoires déjà structurellement appauvris par la vie chère et le mal-développement, les outre-mer pourraient de nouveau se transformer en poudrière sociale.

La vie chère dans les outre-mer résulte de la conjonction de quatre phénomènes. C'est d'abord une question de revenus et de niveau de vie. D'après une étude du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) de La Réunion, la vie chère s'expliquerait à 80 % par un problème de revenus et à 20 % par un problème de prix. Les revenus et les niveaux de vie dans les outre-mer sont structurellement inférieurs à ceux de l'Hexagone, en raison notamment d'un taux de pauvreté, de précarité et de chômage beaucoup plus élevé et d'un accroissement des inégalités. En 2018, le niveau de vie annuel médian s'établissait entre 3 000 et 17 000 euros dans les Drom, alors qu'il s'élevait à près de 24 000 euros en Île-de-France.

Il reviendra à la commission d'enquête d'établir un diagnostic actualisé du niveau de vie et de revenus en identifiant les causes de cette situation dans les territoires ultramarins, et de proposer des préconisations pour y remédier. Plusieurs réformes fiscales récentes ayant directement réduit le pouvoir d'achat des ultramarins, la commission d'enquête devra également, à travers une analyse fine, éclairer les raisons et l'impact sur les revenus des populations des Drom de la baisse du plafond de l'abattement fiscal de l'impôt sur le revenu des ménages, laquelle a provoqué une diminution importante, directe, immédiate et continue du pouvoir d'achat des ménages imposables. La commission d'enquête devra proposer des solutions concrètes pour améliorer le pouvoir d'achat des ménages concernés par cette hausse des impôts.

La vie chère est en second lieu liée au niveau des prix. La dernière enquête exhaustive de l'Insee sur les prix dans les outre-mer constatait en 2015 des écarts criants, de 28 % à 38 %, sur les produits alimentaires. Dans le secteur des nouvelles technologies, le prix de l'abonnement internet était en 2019 de 35 % plus élevé dans les Drom que dans l'Hexagone. Les prix sont largement supérieurs dans tous nos territoires et dans tous les domaines, en particulier pour les dépenses contraintes et obligatoires des ménages.

Plusieurs facteurs expliquent ces écarts de prix, dont l'insularité et l'éloignement géographique avec l'Hexagone, qui entraînent des coûts d'approche importants des biens importés, mais aussi l'exiguïté des territoires. La commission d'enquête devra porter son attention sur les processus de formation des prix, d'accumulation des marges, de concentration verticale, en mettant en lumière plus particulièrement la consolidation des phénomènes oligopolistiques et monopolistiques, et par conséquent le faible niveau de concurrence des économies des Drom. Dans le cadre de mon avis budgétaire, je vous avais également alertés sur la position dominante, dans la desserte des outre-mer par le fret maritime, de l'armateur CMA CGM (Compagnie maritime d'affrètement - Compagnie générale maritime), qui va se renforcer avec la disparition de son concurrent, Maersk. J'estime nécessaire d'auditionner la direction de la compagnie lors des futurs travaux de la commission d'enquête, et de mobiliser l'étendue des moyens offerts à un tel organe afin de faire toute la lumière sur la manière dont cette société décompose précisément le calcul de ses tarifs de fret maritime à destination des Drom.

On peut également citer parmi les facteurs responsables indirects de la vie chère le sous-financement structurel des collectivités territoriales ultramarines, un problème souligné dans le rapport Patient-Cazeneuve de 2019. À ce sous-financement structurel s'ajoute un sous-financement conjoncturel : l'obligation pour les collectivités locales des quatre DOM historiques, déjà exsangues, de contribuer au redressement de la dette publique. La chute de leurs recettes, à la suite de la diminution des dotations de l'État, a encore accru leurs difficultés à faire face à l'augmentation des dépenses.

Malgré la reconnaissance de ces inégalités et de ces iniquités par le Président de la République et la Cour des comptes, la péréquation mise en place par l'État n'a que très partiellement et insuffisamment réduit ce manque important de moyens financiers. En effet, alors que l'État a compensé intégralement la perte des ressources au titre de la contribution au redressement des finances publiques de plus de 10 000 communes de l'Hexagone, il n'a pas opéré le même choix pour les Drom. De manière cumulée, l'État a ainsi réduit de 869 millions d'euros le budget des communes de ces DOM, ce qui engendre un déficit net de près de 400 millions d'euros en 2022, après la hausse de la péréquation.

La dégradation des comptes de la grande majorité des collectivités territoriales ultramarines handicape d'autant plus ces territoires qu'ils ne bénéficient pas du niveau d'investissement public nécessaire pour rattraper les retards accumulés et pour répondre au mal-développement chronique dont ils souffrent. La commission d'enquête devra analyser le cercle vicieux qui affaiblit considérablement l'institution publique de proximité, incapable de jouer son rôle de régulateur, de soupape et d'initiative, ce qui provoque la dégradation des conditions de vie, accroît la pauvreté et le chômage, incitant in fine les jeunes à l'exil ou les reléguant vers des trafics en pleine expansion. La commission d'enquête devra également proposer des solutions adaptées pour mettre fin à cet engrenage, qui ne peut conduire qu'au chaos social.

Enfin, la fiscalité locale dans son ensemble – TVA, octroi de mer –, qui contribue au renchérissement du coût de la vie, est à prendre en considération dans le processus de formation des prix. Dans ce cadre, la commission d'enquête devra évaluer le rôle exact de chaque élément de la fiscalité ainsi que son poids global dans l'augmentation des prix en outre-mer, du fait notamment de l'addition de l'octroi de mer et de la TVA, dont il faudra déterminer si elle est légale, justifiée et raisonnable. La commission étudiera également les solutions qui permettraient de résoudre l'équation associant baisse du coût de la vie et préservation des moyens d'action des collectivités.

Le quatrième phénomène agissant indirectement sur la vie chère est le traitement inéquitable et injuste de l'État à l'égard des territoires ultramarins. En effet, un ensemble de dispositifs qui soutiennent l'économie et le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises ultramarins a déjà été restreint, et pourrait disparaître afin de réduire le déficit de l'État. Leur disparition dégraderait la situation des ménages et des entreprises au détriment de la production, de l'investissement, et in fine de la création d'emploi. Je prendrai deux exemples : la suppression en 2018 de la TVA non perçue récupérable des entreprises, qui représentait 100 millions d'euros ; et la diminution de 40 millions de l'allègement des cotisations sociales des travailleurs indépendants à partir de 2018.

L'iniquité de traitement se traduit particulièrement à travers le montant de la dotation de continuité territoriale affectée aux territoires d'outre-mer. La commission d'enquête devra faire la lumière sur l'ensemble de ces inégalités, évaluer leur impact et proposer des mesures de sauvegarde, de rétablissement de l'équité, ainsi que les solutions globales qui s'imposent. Dans mon avis budgétaire, je faisais le constat que les instruments prévus pour lutter contre la vie chère – qui ont le mérite d'exister – produisent des effets insuffisants : le bouclier qualité prix mérite d'être amélioré ; les observatoires des prix, des marges et des revenus manquent cruellement de moyens pour fonctionner.

De plus, lors des auditions budgétaires, je m'étais heurté au manque de données et de statistiques actualisées sur l'évolution des prix, des marges et des revenus dans les Drom. En l'état, cette insuffisance d'éléments empêche de conduire toute étude ou enquête approfondie sur les mécanismes concourant au coût de la vie dans les outre-mer. Il est donc nécessaire d'actualiser les données et connaissances relatives à cette question, dont la majorité date au mieux de 2019, soit avant la crise sanitaire liée au covid, qui a, de fait, aggravé la situation des populations et des territoires dans l'ensemble des Drom. La création de cette commission d'enquête permettrait de pallier le nombre limité d'enquêtes et d'analyses existant sur le sujet, et de déterminer précisément le rôle et la responsabilité de chaque acteur dans la chaîne des prix, des marges et des revenus dans les Drom.

Le 17 mai 2022, les présidents des régions des Drom et de Saint-Martin signaient l'appel de Fort-de-France. Ils insistaient à cette occasion sur la nécessité de refonder la relation entre les territoires ultramarins et la République, afin de résoudre concrètement les problèmes structurels de ces territoires, par la construction et la prise en main de manière endogène d'outils, de moyens, de compétences et de pouvoirs locaux réels. La question du coût de la vie dans les Drom se situe au cœur de ces préoccupations quotidiennes. La création de la commission d'enquête chargée d'évaluer cette question et de proposer des solutions s'inscrirait ainsi dans la lignée de l'appel de Fort-de-France ainsi que des initiatives en faveur d'une adaptation de la construction des politiques publiques à venir.

Je suis convaincu de la nécessité pour la représentation nationale de mieux comprendre les mécanismes complexes concourant au coût de la vie dans les Drom et de proposer des solutions réalistes découlant de ce diagnostic et s'inscrivant en cohérence, en convergence et en consolidation avec les résolutions inscrites dans les projets de territoire. À cette fin, il est nécessaire qu'une commission d'enquête parlementaire puisse consacrer à ce sujet brûlant six mois de travaux effectifs, en donnant à ses rapporteurs des pouvoirs d'investigation exorbitants du droit commun des missions d'information.

J'espère vous avoir convaincus, au nom des populations ultramarines, de l'opportunité de créer une commission d'enquête parlementaire sur le coût de la vie dans les Drom. J'ajoute qu'après avoir échangé avec leurs représentants, j'envisage d'étendre le périmètre de cette commission d'enquête aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité, avec le groupe Socialistes et apparentés, donner une dimension toute particulière à ce travail sur le niveau des prix et la vie chère en outre-mer. Il fait suite à une réflexion ancienne, puisque vous avez consacré une grande partie de votre avis budgétaire à cette question. Sans doute la dimension symbolique d'une commission d'enquête constitue-t-elle une force utile dans ce moment précis, en ce qu'elle manifeste l'acuité d'un problème, confère à ses membres des prérogatives importantes, permet une sensibilisation et assure une médiatisation plus importante à nos travaux. Je pense que le président de la commission reviendra sur le choix qui a été fait concernant la procédure ; mon propos ne portera donc pas sur ce point.

On utilise parfois la formule « oui, mais non ». En l'espèce, je dirai « oui, mais non, mais oui quand même », en expliquant les trois étapes de ce raisonnement.

Le premier « oui » est celui du constat : oui, il y a un problème de vie chère dans les outre-mer, qui subissent un effet de ciseau, avec des revenus plus bas et des prix plus élevés qu'ailleurs. On parle beaucoup des retraites en ce moment. Elles sont dans les outre-mer à des niveaux extrêmement faibles, avec une moyenne de l'ordre de 700 euros par mois dans les Drom, et de 300 euros par mois à Mayotte. Les loyers pratiqués dans les villes d'outre-mer sont comparables à ceux des plus grandes métropoles de l'Hexagone, avec des revenus inférieurs et des développements souvent très différents. Tout cela est bien réel et, à cet égard, nous souscrivons à votre volonté de dire la vérité des prix – sans mauvais jeu de mots.

J'en arrive à mon « non ». Votre présentation est tout de même très orientée. Il serait bon de ne pas tirer des conclusions avant même que la commission d'enquête n'ait commencé ses travaux. Le Gouvernement a pris différentes mesures, en matière de fiscalité bien sûr, mais aussi avec le fonds d'intervention exceptionnelle et les contrats de redressement en outre-mer (Corom). Le travail que nous avons accompli sur le budget ne me paraît pas médiocre, le texte adopté par recours à l'article 49.3 incluant un apport de 53 millions d'euros en faveur des outre-mer. L'Oudinot du pouvoir d'achat est en cours. Tout n'est donc pas forcément à jeter dans l'action du Gouvernement.

Je conclurai cependant par un « oui ». Il est en effet important de comprendre comment se constituent les prix, quels sont les processus de production qui empêchent de produire localement, ainsi que le rôle de la fiscalité et de la concurrence. Le groupe Renaissance votera donc en faveur de cette proposition de résolution.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne m'inscris pas dans une logique purement critique ; je m'appuie sur des constats. Quand je mets l'accent sur le sous-financement à la fois structurel et conjoncturel des outre-mer, je me réfère non seulement à la gouvernance actuelle, mais à l'action de l'État durant les vingt dernières années. L'existence d'un sous-financement historique – auquel s'ajoute un sous-financement conjoncturel – a été démontrée.

Au-delà du constat, il est nécessaire d'aller au fond des choses. La péréquation, par exemple, est un sujet à traiter. Certes, elle existe, mais elle est insuffisante eu égard au différentiel important qui existait.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'outre-mer, nouveau territoire perdu de la République : c'est en ces termes que Marine Le Pen résumait dans son projet présidentiel les conséquences pour nos départements et collectivités ultramarins de près de quinze ans d'abandon par les gouvernements successifs.

L'insuffisance du pouvoir d'achat dans ces territoires apparaît comme un problème brûlant auquel il est urgent de répondre. Comme le rappelle l'exposé des motifs de la présente proposition de résolution, l'écart de niveau de vie entre les départements et régions d'outre-mer et la métropole est considérable, avec un revenu médian à 17 000 euros dans les territoires ultramarins contre 22 000 euros en France métropolitaine. Il apparaît ainsi plus qu'opportun qu'une commission d'enquête consacrée à ce problème en auditionne les protagonistes, afin que soit apportée une réponse précise sur la question, ses causes et les solutions envisageables.

Nous souscrivons pleinement au diagnostic de sous-investissement et de moindre qualité des services publics établi dans ce texte. C'est une véritable politique d'abandon qui doit être dénoncée et renversée. Les Drom font pleinement partie de la France et méritent d'être traités par l'État central à égalité avec les autres territoires, toutes les fois que leurs particularités géographiques n'imposent pas d'en faire autrement. Nous appelons ainsi une réforme de la péréquation nationale pour rétablir cette égalité sciemment rompue.

Un point suscite cependant mon étonnement. La réduction de l'abattement sur l'impôt sur le revenu dans les Drom est mentionnée comme une cause de la perte de pouvoir d'achat pour leurs habitants. Il y avait pourtant pour l'exercice 2020, 31 % de foyers assujettis à l'impôt sur le revenu en Martinique, 28 % en Guadeloupe, 27 % à La Réunion, 15 % à Mayotte. Ce sont de loin les cinq départements français qui comptent le plus faible pourcentage de foyers redevables de cet impôt. Ainsi, la fin de cet abattement n'a pu être un facteur de perte de pouvoir d'achat que pour le quart le plus aisé de la population de ces départements. Il est en un certain sens étonnant que ce texte du groupe Socialistes et apparentés encourage un tel cadeau fiscal, selon une terminologie prisée à gauche. Ce n'est vraisemblablement pas l'axe à exploiter prioritairement si notre objectif est d'agir en faveur des conditions de vie des plus modestes.

S'agissant de l'octroi de mer, dont la vocation est de protéger la production agricole, artisanale et industrielle des départements d'outre-mer, il constitue également une source majeure de recettes pour ces collectivités territoriales. Sa suppression au profit d'une TVA à 20 % serait une décision catastrophique. Pour notre part, nous soutenons une réforme de l'octroi, afin d'en exclure les biens produits en France ou en Union européenne qui n'entreraient en concurrence avec aucun bien produit dans les cinq départements d'outre-mer. Il remplirait ainsi sa fonction de protection de la production ultramarine, sans entraîner de dégradation excessive du pouvoir d'achat des habitants.

Ce texte soulève une autre question : pourquoi réserver la compétence de la commission d'enquête aux seuls départements et régions d'outre-mer, alors que beaucoup des problèmes abordés peuvent se poser en des termes similaires dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle Calédonie ?

En dépit de ces quelques remarques, nous soutiendrons cette proposition de résolution. Nous souhaitons ardemment que la future commission d'enquête traite la question de manière complète, claire et franche, et qu'une réponse soit apportée à toutes les questions que nous poserons. La dignité de nos concitoyens d'outre-mer le mérite.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Contrairement à ce que vous dites, l'abattement fiscal sur l'impôt sur le revenu des ménages concerne la classe moyenne, qui s'est considérablement appauvrie. Il s'agit pour elle d'une perte de pouvoir d'achat par augmentation des impôts. Évitons les amalgames ou les mauvaises interprétations.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question de la cherté de la vie dans les territoires d'outre-mer est récurrente. C'est une question plus structurelle que conjoncturelle. Les crises qui se succèdent n'arrangent rien, mais la politique de réponses « à la petite semaine » qui leur est apportée ne permet pas d'endiguer le phénomène. Dans les outre-mer, le taux de pauvreté s'échelonne de 33 % à 77 % et le taux de chômage de 11 % et 30 %, contre respectivement 14 % et 8,4 % dans l'Hexagone, et le coût de la vie est supérieur de 28 % à 38 %.

Le Gouvernement apporte des réponses un peu forcées – comme le bouclier qualité prix – qui ne correspondent pas à l'ampleur du problème. Les raisons de la vie chère dans les outre-mer sont à peu près connues, mais cette commission d'enquête permettra de déterminer précisément les mécanismes à l'œuvre, tels que le rôle des monopoles et des oligopoles dans la formation des prix, la responsabilité du transport maritime ou les phénomènes de concentration verticale. Ces territoires sont en outre très exposés aux chocs exogènes, ceux-ci étant amplifiés par des handicaps structurels lourds : l'insularité, l'étroitesse des marchés intérieurs, des schémas d'approvisionnement presque uniquement fondés sur des importations en provenance de l'Hexagone ou de l'Europe.

On connaît aussi le nombre de dispositifs spécifiques qui ont été mis en place – dont certains sont parfois supprimés sans que l'on sache pourquoi, aucune évaluation précise de leur impact n'ayant été conduite.

Cette commission d'enquête permettra d'identifier et, surtout, de quantifier, de mesurer et de comprendre les facteurs qui expliquent la grande vulnérabilité économique des outre-mer. Nous en attendons beaucoup. Nous devons identifier les leviers qui permettront de combattre les facteurs de vulnérabilité.

Nous proposerons un amendement pour aller encore plus loin. En effet, s'il importe de comprendre les causes et les mécanismes, il est également nécessaire de savoir pourquoi les mesures prises n'ont pas bien fonctionné et quelles autres solutions pourraient être apportées. Nous voulons aussi que la commission d'enquête détermine qui sont les profiteurs de la situation ; cela permettra de mieux comprendre les conséquences négatives pour les populations.

C'est un signe extrêmement positif que notre assemblée envoie en direction des populations des outre-mer : nous ne les ignorons pas, nous n'ignorons pas ce qu'elles vivent, et nous allons tenter d'y répondre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis totalement d'accord avec votre analyse. Il s'agit non seulement d'établir un diagnostic, mais aussi de proposer des solutions. Toutes les commissions d'enquête parlementaire émettent des préconisations ; ce fut notamment le cas de celle sur l'utilisation du chlordécone. Il faut pour cela adopter une vision beaucoup plus large, objectiver la situation, identifier le poids et les responsabilités des uns et des autres, puis proposer des réparations et des solutions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, j'ai écouté votre exposé avec beaucoup d'intérêt, et je vous remercie de nous associer à la cosignature de votre proposition de résolution, ce que nous faisons avec beaucoup d'allant.

Les députés ultramarins du groupe Socialistes et apparentés ont pris l'initiative avec l'ensemble des députés de leur groupe d'inscrire à l'ordre du jour une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le coût de la vie dans les départements d'outre-mer. Le coût de la vie – y compris celui du panier de la ménagère – est supérieur en outre-mer à celui de la métropole. En outre, les départements ultramarins sont parmi les plus pauvres de France, tant en termes de production par habitant qu'en termes de salaire moyen. Enfin, pour ce qui concerne les dotations aux collectivités, la péréquation nationale est défavorablement calibrée pour les territoires d'outre-mer – lisez le rapport de 2017 de la Cour des comptes.

Près de quatre-vingts ans après la départementalisation des « quatre vieilles », les plus anciennes des colonies, l'actuelle période inflationniste affecte fortement le niveau de vie de nos compatriotes ultramarins, alors que l'on peine à distinguer une trajectoire claire des politiques publiques vers l'égalité réelle et le rattrapage économique des départements d'outre-mer. Le Président de la République, en déplacement en Guyane en 2019, avait déjà dénoncé la situation de la formation des prix outre-mer. Malheureusement, quatre ans plus tard, le constat est le même, car les actes n'ont pas suivi.

C'est la raison pour laquelle mes collègues LR de la délégation aux outre-mer – Marc Le Fur, Philippe Gosselin, Aurélien Pradié – et moi-même, nous associons, avec l'accord de l'ensemble du groupe, à la présente proposition de résolution, rédigée en des termes permettant de rassembler les députés ultramarins au-delà du groupe Socialistes et apparentés. Il est des sujets où la représentation nationale doit se transcender, au-delà des divergences politiques.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour cela. Je privilégie toujours le plus large contre le plus étroit.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je remercie M. Hajjar pour son initiative et pour le travail effectué en amont de l'examen de ce texte.

Le coût de la vie dans les départements et régions d'outre-mer est considérablement supérieur à celui dans l'Hexagone en raison de plusieurs facteurs historiques et structurels, que vous nous avez présentés : l'insularité, les particularités géographiques, l'insuffisance de la concurrence liée à l'étroitesse des débouchés, la multiplication des intermédiaires dans les chaînes de production et d'approvisionnement, un modèle trop prégnant de dépendance économique envers la métropole. D'après la dernière enquête exhaustive de l'Insee en 2015, le niveau général des prix y était en moyenne de 7 % à 12,5 % plus élevé qu'en France hexagonale, avec des différences suivant les territoires. Les écarts de prix étaient particulièrement criants pour les produits alimentaires : ils étaient de 28 % à La Réunion, de 38 % en Martinique, de 34 % en Guyane et de 33 % en Guadeloupe.

Pour 1 kilogramme de riz coûtant 1,71 euro dans l'Hexagone, il faut ainsi compter plus de 3 euros à La Réunion, plus de 4 euros en Guadeloupe et environ 4,80 euros en Martinique ; 4 litres d'huile de tournesol coûtent 3,63 euros dans l'Hexagone, 5 euros à La Réunion, 4,60 euros en Guadeloupe et 4,73 euros en Martinique. De tels exemples, que l'on pourrait multiplier, sont révélateurs. Depuis octobre 2021, le prix des billets d'avion a en outre littéralement explosé, le coût des liaisons avec l'Hexagone augmentant de 31,5 % dans tous les territoires ultramarins. Selon la dernière étude du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, un aller-retour avec la Guadeloupe, qui coûtait 1 200 euros, avoisine aujourd'hui 2 000 euros. C'est un problème majeur notamment pour les nombreux étudiants ultramarins en France métropolitaine.

Il est des records qu'il n'est pas agréable de détenir. Force est de constater que les outre-mer sont parmi les territoires de notre pays où le coût de la vie est le plus élevé, alors même que le revenu médian par habitant y est de 17 000 euros contre 24 000 euros dans l'Hexagone. Le coût de la vie dans ces territoires n'est plus tenable, et risque, si rien n'est fait dans les prochains mois, de fragiliser et de remettre en cause le pacte social. Notre groupe soutiendra de manière très volontariste cette proposition de résolution, afin d'apporter des solutions immédiates et durables à cette situation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Concernant le riz, l'augmentation se situe entre 100 % et 184 %. On pourrait multiplier ce type d'exemples.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Allons droit au but : le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de la proposition de résolution. Nous ne souscrivons pas pleinement à l'intégralité des propos énoncés – en particulier sur la portée des quatre déterminants de la vie chère dans les outre-mer – que je nuancerais, mais nous jugeons très opportune la démarche de créer une commission d'enquête parlementaire transpartisane.

Je l'affirme avec d'autant plus de force que ma collègue Aurélie Trouvé et moi-même avons animé le groupe de travail de suivi de l'inflation entre juillet et décembre 2022, et que son deuxième volet tenait compte de la spécificité des outre-mer. Nous y avons constaté la difficulté de travailler sur ce sujet vaste et complexe, qui mérite une mission à part entière.

Pour ce qui concerne l'alimentation et les produits de grande consommation, étudiés par notre groupe de travail, la progression de l'inflation n'est pas plus importante qu'en métropole, mais elle est plus difficilement amortissable par nos compatriotes ultramarins ; dont le niveau de vie moyen est inférieur à celui dans l'Hexagone. Outre de revenus inférieurs, ils pâtissent de prix supérieurs à ceux de la métropole, du fait de l'exiguïté du marché, du coût de l'importation des produits depuis la France ou l'Europe et d'un phénomène très pénalisant de multiplicité des intermédiaires. Pour remédier à ce dernier point, de nombreuses pistes existent : mettons-les en œuvre.

Conscient de ces obstacles, le Gouvernement a lancé en décembre un Oudinot du pouvoir d'achat. L'objectif est de redonner du pouvoir d'achat en étendant le bouclier qualité prix, dispositif qui fixe un prix maximum pour un certain nombre de produits de grande consommation : s'il ne peut être baissé dans le contexte actuel, le prix de ces produits est ainsi bloqué.

Nous sommes particulièrement intéressés, dans le cadre de la future commission d'enquête parlementaire, par l'action qui pourrait être menée sur le terrain du logement, des services publics, de la sécurité et de l'éducation. C'est en effet l'éducation, vecteur de liberté et d'émancipation, qui représente à nos yeux la priorité dans les outre-mer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour comparer l'inflation entre nos territoires et l'Hexagone, il ne faut pas se situer uniquement sur le plan conjoncturel. Imaginez cinq personnes de tailles différentes debout derrière un mur pour regarder un match de football : celles qui sont plus petites que le mur ne verront rien, contrairement aux autres. L'exemple est un peu caricatural mais il permet de comprendre l'iniquité. Quand on veut comparer l'inflation dans les territoires d'outre-mer et dans l'Hexagone, il faut y ajouter les surcoûts structurels, que nous évaluons à 40 %. Ainsi, si l'on parle de 3 % d'augmentation en outre-mer et de 6 % en France hexagonale, dans certains territoires d'outre-mer cela représente en réalité 40 % plus 3 %, soit 43 % d'inflation. La comparaison doit être faite à niveau constant, en tenant compte du volet structurel.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis plusieurs mois, la principale préoccupation des Français est celle de leur pouvoir d'achat et de la vie chère, avec un taux d'inflation qui ne cesse d'augmenter sans que les salaires ne suivent pour autant. Nos concitoyens ultramarins sont encore plus durement touchés par cette augmentation du coût de la vie au quotidien. Ce n'est toutefois pas un phénomène nouveau. Avant même le covid et la guerre en Ukraine, les écarts de prix avec les territoires ultramarins étaient perceptibles. En 2019, on estimait entre 20 % et 40 % le surcoût affectant les produits alimentaires, en fonction du territoire.

Les crises actuelles exacerbent cette situation. C'est une double peine pour les ultramarins, qui, en plus de subir une situation injuste dans l'indifférence totale, doivent faire face depuis de nombreuses années au mépris de la République et à sa gestion coloniale de ses territoires d'outre-mer. Ce mépris apparaît intenable vu l'ampleur des investissements dont ces territoires ont besoin de la part de l'État pour faire face au changement climatique et aux événements météorologiques extrêmes auxquels ils sont exposés. Il devient flagrant lorsque la justice française prononce un non-lieu sur l'affaire du chlordécone, alors que, d'après l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), près de 90 % des populations guadeloupéenne et martiniquaise ont été contaminées par ce pesticide. Ce mépris devient palpable quand les habitants des outre-mer doivent faire des kilomètres pour se soigner et que leurs soignants eux-mêmes décident de partir, pris à la gorge par un coût de la vie exorbitant.

Pourrait-on un seul instant imaginer les Yvelines être le théâtre d'affrontements quotidiens, avec 80 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, et un unique centre de santé en activité, en faisant ainsi le plus grand désert médical de France ? La réponse est bien évidemment non. C'est pourtant le cas à Mayotte, par exemple.

Alors que la République est censée être une et indivisible, force est de constater que cela ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer, tant la République ferme les yeux sur leurs difficultés. Au nom du groupe Écologiste, je tiens à saluer ce texte qui reconnaît formellement l'existence d'un problème concernant le coût de la vie dans les outre-mer. Il est vital d'analyser les mécanismes concourant à cette situation intenable pour nos concitoyens. Il est temps d'investir dans les outre-mer et de faire cesser la gestion coloniale de territoires entiers, qui sont pourtant censés faire partie intégrante de notre nation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il s'agit en effet d'aller vers de vraies solutions et des réponses concrètes, de façon que nous ne soyons pas des Français à part.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je me fais ici le porte-voix des dix députés d'outre-mer du groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour affirmer notre soutien à la création de cette commission d'enquête. Et si certains ont dit « oui, non, oui », nous opterons quant à nous, tout en conservant le même rythme ternaire, pour « oui, oui, oui ».

Il faut dire que l'état des lieux est préoccupant. À La Réunion, par exemple, le secteur de la distribution généraliste est en proie à une très forte concentration, avec la formation d'un duopole Carrefour-Leclerc dominé par le Groupe Bernard Hayot (GBH) exploitant l'enseigne Carrefour dans l'océan Indien, qui détient les deux tiers des parts du marché, ce qui provoque des conséquences en cascade. J'en citerai deux : la fragilisation de tout l'écosystème des fournisseurs locaux – producteurs, importateurs, prestataires locaux –, entraînant des situations de dépendance économique pouvant atteindre de 60 % à 80 % du chiffre d'affaires, et la réduction de la diversité de l'offre, avec des effets très préjudiciables pour les consommateurs, de nature à aggraver la crise de la vie chère.

Il faut donc d'urgence agir pour enrayer la mécanique en cours. La commission d'enquête permettra d'examiner le phénomène de concentration dans la grande distribution à dominante alimentaire, qui est spécifique aux territoires d'outre-mer, de se saisir de l'évolution en cours par exemple à La Réunion et d'agir pour plus de transparence en matière de formation des prix, de manière à protéger nos concitoyens des abus de position dominante et prendre des mesures de lutte contre la vie chère.

Nous préconisons plus particulièrement trois mesures précises. La première est de saisir l'Autorité de la concurrence, en application des articles L. 462-1 et L. 462-5 du code de commerce, des effets réels de l'opération de concentration qu'elle a elle-même autorisée, en vue de prendre des mesures de répression pour en neutraliser les effets néfastes dans le secteur de la grande distribution et dans l'ensemble du tissu économique local.

Nous souhaitons en outre travailler à une réforme du code de commerce, afin d'y insérer un dispositif spécifique aux départements ultramarins, de nature à créer le cadre légal de prévention des phénomènes de concentration adapté au contexte insulaire.

Notre troisième préconisation sera de renforcer les agences d'État qui contrôlent et sanctionnent, pour éviter les prix et marges exorbitants. Nous serons donc porteurs de propositions précises.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le problème des concentrations, des oligopoles et des monopoles se trouve au cœur des sujets à traiter au sein de la commission d'enquête. Ces phénomènes, qui ont des racines anciennes, se sont récemment renforcés de manière inacceptable, notamment par des concentrations verticales – c'est-à-dire par la présence des mêmes entités à tous les niveaux de la chaîne. Si la formation des prix est une question essentielle pour le quotidien des ultramarins, l'enjeu est aussi celui de la démocratie économique et de la capacité à libérer l'initiative locale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour cette initiative. J'aborde ma sixième année en tant que député, et tout comme mes collègues du groupe Renaissance, j'ai eu le sentiment pendant près de cinq ans que lorsque nous intervenions en tant qu'ultramarins, nous étions incompris par beaucoup de nos collègues de l'Hexagone, qui ne connaissaient pas la réalité des outre-mer, donc celle de la France.

La France ne se résume pas à l'Hexagone. Elle est aussi composée de nombreux territoires ultramarins, et tous ces territoires ont connu, à un moment de leur histoire, un régime politique et économique dit d'économie de comptoir, qui était extrêmement difficile et fondé sur l'inégalité entre les êtres humains. Au nom de cette inégalité, on pouvait extraire, spolier et transporter toutes les richesses possibles ; et cette inégalité, fondée sur des préjugés, a perduré après la départementalisation, en 1946. Le Smic, par exemple, n'a été appliqué que très tardivement chez nous de la même manière que dans l'Hexagone. Si nous reconnaissons les efforts qui sont réalisés aujourd'hui, on part de très loin.

Le groupe LIOT est favorable à la création d'une commission d'enquête sur le coût de la vie dans les Drom, parce que c'est la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences qui a permis de faire émerger des vérités et de progresser ; c'est la commission d'enquête sur l'utilisation du chlordécone, dont l'actuel président du conseil exécutif de Martinique, M. Serge Letchimy, fut le président et Mme Justine Benin la rapporteure, qui a permis bien des avancées dans la lutte contre ce poison. Nous allons faire la lumière sur cette économie de rente, qui a pérennisé des inégalités – liées par exemple aux frais d'approche –, et démontrer qu'il s'agit d'un problème structurel extrêmement profond.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La conjoncture en matière de santé, notamment environnementale – nous avons évoqué le chlordécone, mais il y a aussi les sargasses –, ainsi qu'en matière de continuité territoriale et de démocratie économique, fait que nous sommes condamnés à objectiver pour que chacun ait le même niveau de conscience de la situation dans laquelle nos peuples et nos territoires se trouvent, et pour que nous puissions nous projeter dans des perspectives susceptibles d'améliorer nos conditions de vie.

Aimé Césaire disait : « C'est quoi une vie d'homme ? C'est le combat de l'ombre et de la lumière… C'est une lutte entre l'espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur… ». Et il concluait : « Je suis du côté de l'espérance, mais d'une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté. ».

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est avec un grand plaisir que je me joins à vous pour débattre d'une question majeure pour notre pays, mais qui passe trop souvent sous le radar des médias et des politiques hexagonales.

La vie chère dans les territoires d'outre-mer est une dure réalité. En 2018, le niveau de vie médian annuel le plus haut, dans les Antilles et à La Réunion, atteignait 17 000 euros, contre 24 000 en Île-de-France. La dernière enquête économique de l'Institut de la statistique de la Polynésie française révélait que les prix dans les territoires ultramarins étaient supérieurs de 39 % à ceux dans l'Hexagone. La Cour des comptes a dénoncé en 2017 un traitement inéquitable des DOM sur le plan de la péréquation nationale. Ce traitement défavorable a aussi été reconnu par le Président de la République en 2019. L'inflation que nous subissons actuellement aggrave une situation déjà difficilement supportable pour nos concitoyens ultramarins.

Des rapports ont été rédigés. Des parlementaires ont lancé l'alerte. J'ai moi-même, dans un rapport d'information rédigé en 2019 avec mes collègues Josette Manin et Cécile Rilhac, déploré le coût de la vie dans les outre-mer, source de discrimination. Ces appels ont parfois été entendus, des mesures ont parfois été prises, mais trop souvent, la question a été mise de côté et, à ce jour, elle n'est pas réglée. C'est pourquoi le groupe Démocrate prend ses responsabilités et soutient totalement la création de la commission d'enquête sur la vie chère en outre-mer, qui analysera les raisons des prix si élevés dans les territoires ultramarins et devra impérativement proposer des solutions pérennes pour enrayer cette situation.

Fortement attaché aux territoires, le groupe Démocrate souhaite cependant que les collectivités d'outre-mer fassent partie intégrante du dispositif, et c'est pourquoi je suis heureuse qu'après plusieurs échanges, monsieur le rapporteur, nous ayons pu vous convaincre du bien-fondé de notre demande. Nous déposerons donc en séance un amendement commun en ce sens. Chaque territoire d'outre-mer possède son caractère et ses spécificités. Nous serons à vos côtés pour qu'une fois les causes établies, les solutions apportées soient adaptées à chacun.

Chers collègues, sur ce sujet récurrent et discriminant, notre union est nécessaire et indispensable. Nous devons mettre un terme à la situation actuelle, dans l'intérêt de nos concitoyens français de l'outre-mer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci au groupe Démocrate. Il est très important, notamment pour le message adressé à nos peuples et à nos territoires – que s'expriment une unité et une solidarité face à des réalités difficiles mais extrêmement différentes. Leur prise en compte permettra de réduire les inégalités et les iniquités et d'améliorer le quotidien de chacun.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je sens une belle unanimité dans la salle, et je suis désolé d'intervenir à la fin pour exprimer un avis légèrement divergeant.

Je veux tout d'abord vous remercier, monsieur le rapporteur, pour le travail accompli, pour votre engagement sur la question de la vie chère dans les outre-mer et pour la courtoisie et l'élégance avec lesquelles vous m'avez appelé pour échanger sur le sujet.

Cette question extrêmement importante a donné lieu à une abondante production au sein du Parlement et en dehors, dont un avis de l'Autorité de la concurrence, en juillet 2019, une étude du Conseil économique, social et environnemental (Cese), en octobre 2020, une enquête de l'Insee, engagée en 2022 et encore en cours, le rapport de Mmes Petit, Manin et Rilhac, en 2019, et un rapport de la délégation aux outre-mer, rédigé par Lénaïck Adam et Claire Guion-Firmin, en décembre 2020. Le dernier rapport sur la question date donc de deux ans.

On pourrait en venir à se demander à quoi sert la délégation aux outre-mer, qui a précisément pour mission de travailler sur ce type de questions. Lors de son dernier bureau, elle a examiné la demande de création d'une mission sur le thème de la vie chère, mais a décidé de la reporter– probablement faute de moyens. Si cette commission d'enquête était créée, elle se trouverait dépouillée de ce sujet.

Je trouve cela surprenant. Soit l'on renvoie les sujets qui relèvent de nos commissions ou délégations à des commissions d'enquête ad hoc, ce qui est un choix politique, soit l'on donne à ces commissions ou délégations les moyens de traiter des sujets qui les intéressent. En outre, chaque commission d'enquête nécessite de la logistique et des ressources humaines. Il me semblerait donc cohérent que le secrétariat de la commission d'enquête que nous allons probablement créer – puisqu'il me semble qu'il y a unanimité – soit constitué à partir des services de la délégation aux outre-mer.

D'autre part, le groupe Socialistes et apparentés a fait le choix de ne pas utiliser son droit de tirage, ce qui est son droit le plus absolu. Cela lui permet de ne pas brûler sa « dernière cartouche ». Toutefois, il existe dix groupes parlementaires au sein de cette assemblée, donc dix commissions d'enquête susceptibles d'être créées chaque année. Si le recours à la procédure suivie aujourd'hui se banalise – car je ne doute pas que vous aurez d'autres idées de thèmes pouvant être soumis à enquête en dehors de vos droits de tirage –, les commissions d'enquête vont se multiplier.

Je ne suis pas opposé, par principe, aux commissions d'enquête. J'en ai moi-même présidé, et j'ai été le rapporteur de l'une d'entre elles. Cependant, il se pose un problème de ressources humaines. La commission des affaires économiques dispose de sept administrateurs et d'un conseiller. J'ai été saisi de six demandes de création de missions d'information, sur lesquelles le bureau devra bientôt statuer, et six missions d'évaluation des lois sont susceptibles d'être réalisées. Sans vouloir ternir l'unanimité, il est de mon devoir de président de vous informer que les ressources de notre commission sont contraintes. Je ne pourrai pas accepter la totalité des demandes de missions d'information si l'on me retire des ressources en personnel pour les affecter à des commissions d'enquête créées en dehors des droits de tirage.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, vous avez détricoté le fonctionnement de notre assemblée, mettant en évidence les finesses que chacun peut utiliser pour accroître ses possibilités d'expression. Je voudrais cependant appeler votre attention sur le fait qu'une commission d'enquête n'est pas une mission d'information. Penser qu'une simple mission d'information conduite par la délégation des outre-mer pourrait tirer les vers du nez d'un groupe comme Leclerc serait faire preuve d'une grande naïveté.

Les personnes convoquées dans le cadre d'une commission d'enquête doivent prêter serment et sont obligées de répondre aux questions qui leur sont posées, sous peine d'être poursuivies en justice. Pour un tel sujet, seule une commission d'enquête sera susceptible de dresser en toute transparence un état des lieux et d'obtenir des informations de la part de groupes industriels ou de distribution dont on connaît la puissance, mais aussi la capacité d'occulter certaines choses. Elle aura en outre la faculté d'émettre des préconisations.

Quant à la délégation aux outre-mer, il revient bien évidemment à son président et à son bureau de déterminer comment ils peuvent, s'ils le souhaitent, apporter leur aide.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, alors qu'une unanimité se dégage sur un thème important pour les territoires d'outre-mer, vous soulignez le manque de moyens de la commission aux affaires économiques, en oubliant que la délégation aux outre-mer n'est pas une commission permanente – même si elle prend de l'ampleur grâce au sérieux de nos collègues. Ne soyez pas rabat-joie ; souriez avec nous ! N'intervenez pas pour rappeler que l'on manque de moyens dès qu'il s'agit des outre-mer ! Ces territoires apportent à la France le deuxième domaine maritime au monde. Ce sont des ressources précieuses en ces temps difficiles.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne suis pas rabat-joie ; je joue mon rôle et vous rappelle les données du problème. La délégation aux outre-mer est une structure permanente, mais vous avez raison de dire qu'elle manque de moyens. Je vous alerte quant aux difficultés auxquelles les délégations et les commissions sont confrontées. À l'Assemblée, un seul administrateur est attaché à la délégation aux outre-mer – un deuxième doit arriver ce mois-ci –, quand il y en a trois au Sénat. Je ne fais que défendre les moyens des commissions et des structures permanentes de l'Assemblée nationale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dès qu'il s'agit de l'outre-mer, on invoque les problèmes budgétaires !

Combien de rapports sont-ils restés sans suite ? Il y en a eu beaucoup, avec notre complicité à tous. Dès qu'une mesure est proposée, elle recueille un avis défavorable. Nous participons nous-mêmes à la relégation de l'outre-mer. Pour une fois que l'unanimité se fait autour de propositions concrètes, profitons-en. Sans trahir les gouvernements que les uns et les autres soutiennent, admettons que ce sont les élus sur le terrain qui ont raison et envoyons un signal fort à l'outre-mer.

Pourquoi transmettre ce sujet à la délégation aux outre-mer alors qu'on peut le soumettre à l'Assemblée tout entière ? Je ne partage pas votre analyse, monsieur le président. La petite chanson « L'outre-mer coûte cher » nous a conduits là où nous sommes. Bien que je n'en sois pas membre, je considère que le groupe Socialistes et apparentés a eu raison de ne pas utiliser son droit de tirage et de demander à l'Assemblée de se saisir de la question transpartisane de la vie chère dans les outre-mer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma position n'est pas liée au fait que la commission d'enquête porte sur les outre-mer ; elle serait la même pour toute demande de création de commission d'enquête hors droit de tirage. Si un sujet vous apparaît important, je vous invite à utiliser votre droit de tirage. Chaque groupe peut le faire une fois par an et il recevra toujours mon soutien dans ce cadre-là.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vos propos m'ont quelque peu chagrinée, monsieur le président. Il ne faudrait pas faire croire que la délégation aux outre-mer ne sert pas à grand-chose, à part produire des rapports auxquels aucune suite n'est jamais donnée. Elle est un lieu magnifique dans lequel peut s'exprimer la Représentation nationale ultramarine. Sans cette délégation, il serait beaucoup plus compliqué d'entendre la parole de ces territoires éloignés de Paris : elle est donc indispensable.

J'ai le souvenir d'un déplacement de la délégation en Polynésie, il y a un ou deux ans, au moment où je préparais mon rapport sur le sport et la santé dans les outre-mer : les collègues et les institutions locales nous ont reçus avec beaucoup de bonheur parce que la délégation, représentant l'ensemble de la France, se rendait enfin sur le sol polynésien. Les élus locaux ont insisté sur l'importance de cette visite – le Président de la Polynésie française en personne me l'a dit. La délégation accomplit un travail considérable avec le peu de moyens dont elle dispose.

Il est certes de notre responsabilité de piocher dans les différents rapports afin de mettre en œuvre certaines de leurs préconisations, mais comment faire sans niche parlementaire pour déposer des propositions de loi et sans projets de loi portant spécifiquement sur les outre-mer ?

Je soutiens pleinement la création de cette commission d'enquête, qui nous donnera des moyens supplémentaires : allons-y tous gaiement !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez réussi à vous mettre tout le monde à dos, monsieur le président ! (Sourires.) Je vais moi aussi plaider pour que la commission des affaires économiques ait la main sur cette commission d'enquête.

Chaque fois que nous, commissaires aux affaires économiques, rédigeons un rapport, nous ne traitons pas des outre-mer. Je viens d'en achever un avec M. Charles Rodwell sur le commerce extérieur et l'attractivité, dans lequel nous n'avons pas évoqué les spécificités des outre-mer ; ce n'est pas bien, mais il en est toujours ainsi. J'ai le mérite de le reconnaître, mais je ne suis pas la seule à tomber dans ce travers. Nous mettons de côté ces territoires en nous disant qu'ils relèvent de la délégation aux outre-mer.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, nos collègues ultramarins ont lancé un appel au secours. Nous y répondons ce matin de manière unanime. Certes, cela mobilisera des moyens, mais la commission des affaires économiques pourrait demander plus de ressources à la Présidente de l'Assemblée nationale, car nos administrateurs sont surchargés de travail. N'utilisez pas l'excuse de l'austérité budgétaire, que vous soutenez partout ailleurs et dont les conséquences dans les hôpitaux et les écoles sont celles que l'on connaît. Il faut que la commission des affaires économiques prenne en charge cette commission d'enquête.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Rien ne vous interdit de consacrer une partie du rapport que vous allez nous présenter tout à l'heure avec M. Rodwell aux territoires d'outre-mer. Les deux rapporteurs de la mission d'information sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues souhaitent apporter un éclairage particulier sur la situation outre-mer, et ils se rendront sur place. Ne me faites donc pas le mauvais procès d'exclure l'outre-mer des travaux de la commission des affaires économiques.

Je vous rejoins sur le besoin de ressources supplémentaires. Même si mon alerte vous paraît fâcheuse, elle ne vise qu'à souligner l'importance de nos administrateurs, le fait qu'ils sont débordés et la nécessité de disposer de moyens supplémentaires. La création de commissions d'enquête affecte les autres demandes : c'est tout ce que je dis.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vais mettre votre pragmatisme à l'épreuve, monsieur le président.

Membre de la délégation aux outre-mer, je sais que celle-ci est un outil d'analyse destiné à déceler les dysfonctionnements à l'œuvre dans ces parties du territoire national, mais elle ne jouit pas des mêmes prérogatives qu'une commission.

Vous nous expliquez que les Socialistes ont contourné le droit de tirage : s'ils demandaient la création d'une commission d'enquête dans le cadre de celui-ci, les moyens alloués à la commission d'enquête seraient-ils plus importants ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La délégation aux outre-mer étant, à ma connaissance, une structure permanente de l'Assemblée nationale, elle peut demander à se doter des pouvoirs d'une commission d'enquête et obtenir davantage de moyens.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous n'avez pas totalement répondu à ma question… Si le groupe Socialistes et apparentés décidait finalement d'utiliser son droit de tirage, les moyens dévolus à la commission d'enquête seraient-ils plus importants ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non : une commission d'enquête dispose de moyens structurels qui lui sont apportés quel que soit le vecteur utilisé pour sa création.

Vous avez tous le droit de déposer des propositions de résolution visant à créer des commissions d'enquête hors du droit de tirage, mais mon devoir de président de commission est de vous alerter sur les difficultés que leur prolifération ferait courir du fait de la limitation de nos ressources. Voilà pourquoi je vous invite à utiliser votre droit de tirage, qui est une attribution puissante de chaque groupe politique – dont le nombre est par ailleurs élevé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai trop de respect pour la fonction que vous occupez et suffisamment conscience des difficultés auxquelles vous êtes confronté, monsieur le président, pour vous attaquer sur les propos que vous avez tenus. Je rappelle néanmoins qu'en tant que commissaires aux affaires économiques, il nous incombe de nous prononcer sur le bien-fondé de la proposition de résolution. Le reste n'est que tuyauterie ; ce sera au bureau de la commission d'en discuter. Nous devons aujourd'hui nous décider sur le fond, et il me semble qu'un consensus se dégage en faveur de la création de cette commission d'enquête.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne veux pas briser le consensus, je tenais simplement à vous exposer le problème de « tuyauterie », comme vous dites. On dit parfois que l'intendance suivra, mais les décisions que nous prenons ont un impact sur le travail des administrateurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous êtes dans votre rôle en tenant ces propos, monsieur le président, mais, comme l'a souligné André Chassaigne, les commissions d'enquête permettent de mener un travail approfondi. J'ai eu la chance, lors de la précédente législature, d'en présider une, qui portait sur les négociations commerciales : des membres de cette commission d'enquête, élus dans les territoires d'outre-mer, nous interpellaient régulièrement sur l'absence de prise en compte des spécificités ultramarines. Ce reproche est commun à tous les sujets que nous traitons. Hier, des députés des outre-mer sont intervenus en séance publique pour souligner les particularités touchant aux pensions de retraite perçues dans ces territoires, éloignés géographiquement mais proches de nos cœurs. Leurs prises de parole ont une forte portée affective sur moi. La commission d'enquête sur le coût de la vie outre-mer va voir le jour, et je m'en réjouis.

Nous pourrions réexaminer les ressources allouées aux groupes d'amitié ou au bureau. Peut-être serait-il possible d'en redéployer certaines ? Nous n'avons pas besoin de davantage de moyens, nous devons simplement modifier l'affectation de ceux dont nous disposons. Il est primordial que les administrateurs de l'Assemblée, qui sont des hauts fonctionnaires brillants, travaillent aux côtés des députés pour accomplir des activités pertinentes, utiles et efficaces, plutôt que d'être affectés à des tâches quelque peu superflues.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite abonder dans le sens de mes collègues et souligner le manque de moyens dont nous disposons pour les commissions d'enquête. Nous devrions nous battre ensemble pour obtenir davantage de ressources, d'autant que nous parlons depuis tout à l'heure d'inégalités territoriales, dont les outre-mer pâtissent depuis bien longtemps. Il ne serait que justice d'allouer des moyens importants à une commission d'enquête chargée d'analyser le mal de la vie chère dans ces régions. Le redéploiement de fonctionnaires ne me semble pas la priorité.

Je suis d'accord avec M. Chassaigne : il importe de créer cette commission d'enquête, qui aura un rayonnement supérieur à celui d'une mission d'information. Nous avons besoin d'étudier la question en profondeur. Plutôt que de regretter le manque de moyens, efforçons-nous d'obtenir les ressources qui nous permettront de travailler dans de bonnes conditions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela fait une demi-heure que nous pérorons sur le manque de moyens des commissions permanentes ou d'enquête. Savez-vous que l'on nous regarde en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les autres territoires d'outre-mer ? Ceux qui suivent notre débat auront le sentiment que l'on met en avant la question des moyens alors que, pour une fois, on s'acheminait vers une décision unanime. Je le regrette.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La décision sera prise, et sans doute de manière unanime. J'aurais soulevé la question des moyens pour n'importe quelle création de commission d'enquête hors droit de tirage, quel que soit le sujet de ses travaux. Il est de mon devoir de vous donner tous les éléments avant que vous ne vous prononciez. Tant pis si mes propos ne plaisent pas et sont mal interprétés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je comprends votre position même si je ne la partage pas : vous avez, en tant que président de commission, des problèmes importants et éminemment politiques à traiter. Or le sujet dont nous parlons est très politique. La question des moyens ne peut pas faire écran à la nécessité de nous pencher sur le problème de la vie chère outre-mer. D'ailleurs, nous nous retrouvons tous pour défendre la création de cette commission d'enquête.

Ne minimisons pas l'action de la délégation aux outre-mer, qui réalise un travail important. Toutefois, la vie chère outre-mer représente un enjeu très vaste, qui concerne la France tout entière.

Le groupe Socialistes et apparentés a choisi d'examiner cette proposition de résolution dans le cadre de sa niche parlementaire, alors que les propositions de loi et de résolution étaient nombreuses. Le groupe a écarté d'autres thèmes éminemment politiques et a placé l'examen de ce texte en deuxième position dans l'ordre du jour, preuve de sa volonté de le faire adopter. Sa discussion dans l'hémicycle lui donnera une force particulière et enverra un message important. Ne réduisez pas à une question de moyens internes un problème qui met en jeu des vies humaines et peut déboucher sur le chaos social ; c'est de solidarité, d'éthique et de valeur qu'il s'agit ici.

Les enquêtes statistiques que vous avez évoquées ne sont qu'une dimension du sujet. La commission d'enquête parlementaire est l'outil le plus puissant à notre disposition : elle ne se contentera pas de recueillir des données sur les prix, elle développera une analyse plus globale. J'ai évoqué les quatre aspects principaux du sujet : les inégalités de revenu et de niveau de vie ; l'inflation ; le sous-financement structurel et conjoncturel des collectivités territoriales ultramarines ; le désengagement financier historique de l'État, à cause duquel les collectivités sont contraintes d'augmenter les impôts, donc de diminuer le pouvoir d'achat des habitants. Les travaux conduits ces dernières années, pour importants qu'ils fussent, avaient un champ plus limité et ne portaient que sur une période donnée – la dernière étude, datant de 2020, est totalement dépassée. Nous avons besoin d'une analyse globale et approfondie offrant une synthèse du cocktail détonnant que représente la vie chère dans nos territoires.

L'objectif est que tous les groupes de l'Assemblée, de la majorité comme des oppositions, disposent d'outils d'aide à la décision adaptés et actualisés, afin d'améliorer les politiques publiques outre-mer.

Je regrette que sur un sujet éminemment politique, on parle de moyens. S'il est de votre liberté d'évoquer cette question, ce choix pourrait être mal perçu. Une telle posture n'est pas à la hauteur de l'enjeu auquel font face les territoires et les peuples que nous représentons.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Plus que ma liberté, c'est mon devoir d'évoquer ce problème – même si ce n'est pas populaire.

Article unique

Amendement CE1 de M. Jean-Hugues Ratenon

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet amendement, dont mes collègues ultramarins Jean-Hugues Ratenon, Perceval Gaillard et Jean-Philippe Nilor sont les auteurs, tend à élargir le champ de la commission d'enquête. Nous souhaitons que le rapport de la commission ne s'en tienne pas à un constat mais qu'il formule des propositions pour en finir avec la vie chère.

Il s'agit de donner de la force et du poids aux préconisations de la commission d'enquête. Celle-ci ne doit pas donner lieu à une énième analyse agrémentée de suggestions non suivies d'effets, elle doit, en élaborant des solutions prêtes à être déployées, déboucher sur un véritable plan d'action pour les outre-mer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement est satisfait. Comme je l'ai expliqué, se contenter d'établir un diagnostic n'aurait politiquement pas de sens. D'ailleurs, tous les rapports des commissions d'enquête comportent une partie finale destinée à ouvrir des pistes à même de remédier aux problèmes diagnostiqués dans la première partie. Il faudra avancer des solutions et émettre des préconisations de fond, assises sur une vision globale qui débouche, comme vous l'avez dit, sur un plan contenant des réponses de court, moyen et long termes.

Toutefois, comme je souhaite que le champ d'investigation soit large, j'émettrai un avis favorable sur l'amendement.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'article unique modifié.

L'ensemble de la proposition de résolution est ainsi adopté.

La commission des affaires économiques a poursuivi ses travaux par l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (n° 672) (M. Arthur Delaporte, rapporteur).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons à l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, dont le rapporteur est M. Arthur Delaporte, à qui je souhaite la bienvenue.

J'ai déclaré irrecevables six amendements, qui étaient des cavaliers législatifs, car ils portaient sur les pratiques commerciales illicites et ne se limitaient pas aux seules pratiques des influenceurs. Le champ de la proposition de loi est ciblé : je vous invite à ne pas vous en écarter.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« Je ne sais pas si vous cherchez vous aussi une bonne adresse pour les injections pour les lèvres, mais j'ai trouvé la personne idéale. Je vais vous indiquer son Insta, elle est top. J'ai rarement vu des lèvres aussi bien faites. Elle se déplace partout en France. N'allez pas chez n'importe qui. Après, je n'incite personne à faire des injections, vous êtes grandes, mais voilà. » Ces mots sont de Julia, qui les a écrits sur son compte Instagram, auquel 1 million de personnes sont abonnées. Julia n'a évidemment aucune formation en esthétique ni en médecine, elle était candidate à une émission de téléréalité. Elle a construit son audience en racontant son quotidien et, en montrant son intimité, elle entre dans celle de ses abonnés.

La loi de la jungle, c'est peut-être bientôt fini ; en tout cas, le non-droit n'est plus acceptable. Les dérives de l'influence soulèvent la question de l'adaptation de notre droit à la réalité des réseaux sociaux et aux mutations de la société. Je me réjouis de présenter devant vous cette proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Que l'Assemblée se saisisse d'un sujet aussi important pour le quotidien des Français était devenu indispensable.

Les réseaux sociaux ont complètement bouleversé nos façons d'être, d'agir, de consommer ; l'omniprésence des smartphones, partout et tout le temps, a transformé les relations avec les personnalités en rendant celles-ci faussement plus accessibles. Ces dernières années, la rémunération d'acteurs des réseaux sociaux, devenus des relais d'opinion, a suscité de nouveaux modes de publicité. La création de contenus sous contrainte a connu une massification tant de son audience que des montants injectés par un nombre croissant d'entreprises, qui recourent de plus en plus à l'influence en raison de l'efficacité de ce type de publicité.

Ce développement sans contrôle effectif d'une « civilité marchande », pour reprendre le concept de Louis Pinto, conduit à la mise sur le marché de la recommandation, qui est désormais rémunérée, parfois à hauteur de plusieurs milliers voire dizaines de milliers d'euros pour les comptes à plusieurs millions d'abonnés. On observe néanmoins le recours croissant à des influenceurs de plus petite taille, dits nano- ou micro-influenceurs, dont le taux de conversion des abonnés en consommateurs est plus élevé.

Ce capitalisme charismatique, qui avance parfois sous le couvert de « morale sanitaire », pour reprendre l'expression du chercheur Joseph Godefroy, a des effets sur les corps et sur les vies. Ses acteurs se sont largement laissé aller ces dernières années et ont bénéficié d'argent facile en multipliant les publications au contenu problématique. Combien d'alertes avons-nous reçues, chers collègues, concernant des inscriptions à des formations bidon, des arnaques en tout genre ou des produits défectueux ? Combien de Françaises et de Français se sont sentis floués par des influenceurs les ayant conduits à adopter des conduites addictives, à effectuer des placements financiers dangereux dans lesquels ils ont, pour certains, placé et perdu toutes leurs économies, ou à se lancer sans précaution dans des jeux ou des paris ? Honteuses et isolées, les personnes trompées n'ont souvent que leurs yeux pour pleurer.

Il était donc nécessaire de mettre en place une régulation ferme afin de protéger un public particulièrement vulnérable, notamment composé de mineurs, de jeunes ou de personnes à la situation économique précaire. Tel est l'objet de la présente proposition de loi, qui cible l'action des influenceurs dans un article unique, lequel définit juridiquement leur activité et encadre fortement les pratiques commerciales et publicitaires.

Cette proposition de loi est en outre un objet politique inédit – j'y reviendrai. On observe depuis quelques mois un foisonnement d'initiatives parlementaires. Je salue à cet égard nos collègues Aurélien Taché, le premier à avoir déposé un texte visant à réguler le monde de l'influence, Nadège Abomangoli et François Piquemal, qui ont fait de même, enfin, Stéphane Vojetta, qui a travaillé sur ce thème et avec lequel j'ai déposé une proposition de loi. Je remercie les administrateurs de la commission et mes collaborateurs, ainsi que l'ensemble des personnes que nous avons auditionnées. Je pense tout particulièrement aux victimes, si nombreuses, des dérives des influenceurs et aux collectifs qui se sont constitués, notamment celui d'aide aux victimes d'influenceurs (AVI), et à l'ensemble des vigies citoyennes : Vos stars en réalité, Signal-Arnaques, SignalConso, etc.

La présence des influenceurs sur les réseaux sociaux est un phénomène récent et massif. On estime qu'il y aurait environ 150 000 influenceurs sur les réseaux sociaux, dont les audiences et les revenus sont évidemment très variables suivant leur notoriété. Une publication peut rapporter quelques euros à certains mais quelques dizaines de milliers d'euros à d'autres. Un peu moins de la moitié d'entre eux – 44 % – disposent d'une audience comprise entre 1 000 et 5 000 abonnés. Il faut donc distinguer les nano-influenceurs, qui ont moins de 10 000 abonnés, des méga-influenceurs, qui en comptent plus de 3 millions – en général, on agrège les abonnés de l'ensemble des plateformes.

Leur force de frappe est puissante et ne varie pas qu'en fonction du nombre d'abonnés : elle dépend aussi du lien affectif tissé par l'influenceur avec sa communauté. Cette relation joue énormément dans la capacité à convertir l'audience en consommateurs. Il s'agit d'un marché potentiel de 42 millions d'individus. L'Autorité nationale des jeux (ANJ) estime qu'environ la moitié des abonnés pourraient cliquer sur un lien et effectuer un achat, ce qui est énorme. Ces chiffres sont alarmants, surtout si l'on tient compte des effets dévastateurs des jeux en ligne, avec lesquels on peut développer des comportements très addictifs et perdre beaucoup d'argent.

Les dérives sont nombreuses – j'en ai cité une en introduction de mon propos. La presse s'en fait largement l'écho. En septembre dernier, un numéro du magazine de France 2 « Complément d'enquête » et une première page du journal Libération étaient consacrés à ce phénomène. Depuis, pas une journée ne passe sans qu'un quotidien national ne consacre l'une de ses pages aux influenceurs.

Les escroqueries sont de toute nature. Elles prennent souvent la forme de publicité trompeuse pour des produits qui présentent des risques pour les consommateurs. Je ne citerai que quelques pratiques à titre d'exemple : la publicité clandestine, soit le fait pour les internautes visionnant un contenu de ne pas savoir de manière claire, précise, non ambiguë et en temps réel si ce contenu constitue ou non une publicité ; la vente de formations hasardeuses, financées parfois par le compte personnel de formation (CPF) – nous en avons parlé au moment de l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires ; le dropshipping, ou livraison directe, pratique légale par laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit, mais qui donne lieu à de nombreuses dérives comme la livraison de produits contrefaits ou de piètre qualité – quand il y a livraison. Je pourrais citer aussi la vente de faux voyages, la promotion de traitements miracles ou de lutte contre le cancer, ou encore l'encouragement à investir dans des cryptomonnaies, par le biais de la copie des positions ouvertes d'un individu sur un marché – le copy trading –, ou dans des jetons non fongibles (NFT).

J'appelle votre attention sur les conséquences de ces dérives, afin qu'elles ne restent pas abstraites. Dans le cadre de nos travaux, nous avons auditionné le collectif AVI, qui a évoqué l'arnaque au copy trading dans l'affaire Blata : chaque victime a perdu plusieurs milliers d'euros, et jusqu'à 50 000 euros pour l'une d'entre elles, dans le cadre de prises de position sur des actifs financiers. Les victimes ont souffert de dépression, ont tenté de se suicider et ont ressenti un profond désarroi après la trahison de la confiance qu'elles avaient placée dans la personne qui les incitait à dépenser leur argent.

Nous devons impérativement mettre fin à ces dérives. C'est dans cette perspective que j'ai déposé la présente proposition de loi, qui répond à trois objectifs. Le premier est pédagogique et vise à mieux informer les influenceurs sur leurs droits et leurs devoirs ; ils ignorent en effet trop souvent le cadre juridique existant. Les consommateurs doivent également connaître le cadre de référence dans lequel agissent ceux qui font de la publicité sur les réseaux sociaux. Le deuxième objectif, plus large, est d'ouvrir un débat de société sur ce sujet. La régulation de l'influence représente un enjeu social et démocratique majeur compte tenu de la taille de l'audience. C'est dans ce sens que Bruno Le Maire a lancé une grande consultation à Bercy ces derniers mois. Le troisième objectif est de compléter le cadre juridique – nous touchons là au rôle des parlementaires –, afin de lutter plus efficacement contre certaines pratiques et contre les dérives.

Cette proposition de loi constitue une première étape en vue des échanges que nous aurons sur la proposition de loi bipartisane que j'ai déposée avec mon collègue Stéphane Vojetta. Sur ces sujets, nous pouvons et devons tous nous retrouver pour réguler efficacement l'action des influenceurs sur internet. Il s'agit d'un objet politique nouveau, qui requiert l'union des forces républicaines pour bâtir le droit de l'influence en ligne. Ce texte, que nous allons amender, sera enrichi par vos apports ; il constitue le point de départ d'un groupe de travail dont les réflexions nourriront la proposition de loi bipartisane que nous examinerons en mars prochain. Je salue les amendements de Nadège Abomangoli, de François Piquemal, d'Aurélien Taché et de tous les collègues qui s'impliquent dans ce sujet.

Venons-en au contenu de l'article unique. Il crée une nouvelle sous-section au code de la consommation, composée de quatre nouveaux articles, numérotés de L. 122-26 à L. 122-29.

L'article L. 122-26, qui définit l'activité d'influenceur, est ainsi rédigé : « Toute personne physique ou morale qui fait la promotion directement ou indirectement de produits, actes ou prestations contre rémunération, y compris lorsque celle-ci est constituée par des avantages en nature, de manière active sur les réseaux sociaux et qui, par son statut, sa position ou son exposition médiatique dispose d'une audience pouvant influencer la consommation du public exerce l'activité d'influenceur. » J'ai fait le choix d'une définition très large, mais les auditions m'ont convaincu qu'elle pouvait être affinée : ce sera l'objet d'un amendement rédactionnel.

L'article L. 122-27 interdit la promotion sur les réseaux sociaux de certains produits, prestations et actes ayant donné lieu à des dérives : les produits pharmaceutiques, dispositifs médicaux et actes de chirurgie ; les placements ou investissements financiers numériques ; les abonnements à des pronostics sportifs ; les inscriptions à des formations professionnelles ; les jeux d'argent et de hasard.

En l'état, le texte prévoit un double mécanisme : une interdiction absolue de publicité pour les deux premières catégories et une interdiction relative pour les trois autres, contre lesquels il s'agit surtout de protéger les mineurs, qui sont plus vulnérables. Les auditions m'amènent toutefois à vous proposer une modification du texte. Compte tenu de l'ampleur des dérives, et pour garantir la clarté et la lisibilité du droit, il me semble préférable de fixer une interdiction absolue de publicité pour l'ensemble de ces éléments, tout en affinant la rédaction proposée. Les auditions ont également fait apparaître la nécessité de compléter cette liste.

Cette proposition de loi prévoit aussi un encadrement de la pratique du dropshipping : c'est l'objet de l'article L. 122-28. Il dispose que les influenceurs qui se livrent à cette pratique doivent s'assurer de l'absence de fictivité du produit ainsi que du respect par le vendeur initial des conditions générales de vente.

L'article L. 122‑29, enfin, dispose que les conditions d'application de l'article unique seront précisées par décret en Conseil d'État.

Ce matin, une collègue m'a rapporté l'anecdote suivante. Alors qu'elle visitait un collège, elle a demandé à des élèves ce qu'ils voulaient faire plus tard. Un tiers de la classe a répondu : « Influenceur ! ». J'espère que nous parviendrons avec ce texte, sinon à leur donner envie de devenir députés, du moins à les faire réfléchir à ce qu'est un influenceur et à prendre conscience que derrière les paillettes, il y a beaucoup de dérives.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis plusieurs années, un nouveau mode de publicité se développe sur les réseaux sociaux : le marketing d'influence. Il est légitime que les annonceurs utilisent les influenceurs comme canal de communication et de promotion, mais les dérives et les excès de ce système alarment nos concitoyens, d'autant que les délais et la confidentialité des procédures en cours donnent un sentiment d'impunité.

En tant que parlementaires, nous ne pouvions pas rester les bras croisés face à des réseaux sociaux qui façonnent le développement cognitif et psychique de notre jeunesse, qui transforment la démocratie et qui influent sur nos choix de consommation, et parfois de vie – sans parler des valeurs détestables qu'ils véhiculent : argent facile, primat de l'apparence physique ou remise en cause de la laïcité.

Au cours des derniers mois, plusieurs initiatives parlementaires ont vu le jour, dans le but de réguler différents aspects de l'influence numérique. Le Gouvernement s'est également saisi de ce sujet et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, M. Bruno Le Maire, a organisé une table ronde à Bercy, réunissant toutes les parties prenantes, avant de lancer une consultation publique. Au nom du groupe Renaissance, je me félicite de ces initiatives. Je travaille moi aussi, depuis plusieurs mois, à une proposition de loi sur le sujet. Pour être efficaces, nous devons travailler ensemble : c'est ce que nous allons faire avec Arthur Delaporte.

La proposition de loi qu'il nous soumet est de grande qualité et tout à fait complémentaire de celle à laquelle je travaille. Je me réjouis donc qu'en bonne intelligence, et malgré nos divergences sur bien d'autres sujets, nous ayons décidé de fusionner nos deux propositions de loi et de vous soumettre un texte commun et transpartisan au mois de mars. Il se nourrira des amendements de tous les parlementaires et sera également le véhicule législatif qui permettra de soumettre au Parlement les avancées issues des travaux de Bercy.

J'invite à mon tour tous les groupes politiques républicains à prendre part au groupe de travail qui va voir le jour. Il sera le cadre idéal pour retravailler certains des amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution, mais qui pourraient être redéposés sur notre texte commun, dont le champ sera plus large.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Hier, 1 million de Français défilaient dans la rue pour protester contre la réforme des retraites. Manifestement, ils n'étaient pas assez nombreux, puisque nous examinons aujourd'hui une proposition de loi sur les influenceurs ! Alors que nous sommes en pleine crise énergétique et que le pouvoir d'achat est en berne, le groupe Socialistes et apparentés n'avait-il rien de mieux à faire que de présenter ce texte, sachant qu'un autre portant sur le même sujet était déjà annoncé ?

Une fois passé ce moment de perplexité, force est de constater que cette proposition de loi n'apporte pas grand-chose et qu'elle ressemble plutôt à un coup de communication. Tels des influenceurs, vous faites les louanges d'un produit aux vertus révolutionnaires – votre proposition de loi – qui, in fine, ne tiendra pas ses promesses. Belle mise en abyme ! Si 60 % des influenceurs prennent des libertés avec la loi, ce n'est pas parce qu'elle est trop lâche, mais parce que les contrôles sont insuffisants et que leurs victimes sont souvent démunies. C'est bien beau de vouloir protéger les mineurs des jeux d'argent en incrustant un bandeau sur les vidéos qui en font la promotion, mais cela ne changera rien au contenu de ces messages publicitaires.

Ce bandeau, c'est un peu le bouton rouge sur lequel on dit aux enfants de ne surtout pas appuyer. Inévitablement, ils le font. Ce qu'il nous faut, ce sont des contrôles préalables et de la prévention, pas des gadgets de ce genre. À la marge – et certainement à l'insu de ses rédacteurs –, cette proposition de loi permettrait de tirer un trait, pour les influenceurs, sur les dérogations concernant la publicité pour des produits ou des dispositifs médicaux, et d'aller vers une responsabilisation. Ce qui manque à ce texte, c'est de la sincérité et de l'efficacité dans les mesures proposées. C'est pourtant le minimum qu'on pouvait en attendre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous demandez si le groupe socialiste n'a pas mieux à faire que de déposer cette proposition de loi ; et vous, vous n'avez pas mieux à faire que de proférer des insultes ? Je suis indigné par vos propos et je crois que vous n'avez pas bien saisi l'ampleur du problème. Des millions de Françaises et de Français sont victimes d'arnaques ; ce sont souvent des gens aux revenus modestes et certains y ont perdu leur santé. Le groupe Socialistes et apparentés a décidé de faire de cette question une priorité et je le remercie de m'avoir accordé sa confiance.

Notre rôle de législateur est de préciser le cadre législatif. Pour punir les abus, il faut disposer d'une définition juridique de l'influenceur. Nous avons été élus pour faire la loi et nous allons la faire, avec les collègues de bonne volonté, loin des petites agressions auxquelles le Rassemblement national se prête trop souvent.

Quant au renforcement des contrôles, c'est le rôle du Gouvernement et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). J'indique d'ailleurs, dans mon projet de rapport, qu'il faut renforcer les moyens de cette dernière pour lutter contre les dérives sur les réseaux sociaux.

Je souhaite, à l'inverse, remercier M. Vojetta pour ses propos constructifs et l'ouverture d'esprit dont la majorité fait preuve, s'agissant d'un texte issu de l'opposition. Je salue la volonté de tous les groupes républicains de travailler ensemble dans un cadre apaisé, sans invectives. C'est assez rare dans notre assemblée pour être souligné. J'espère que ce travail nous permettra d'aboutir à un texte de qualité, que nous présenterons ensemble en mars prochain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis plusieurs années, nous sommes régulièrement interpellés par des personnes ayant été victimes d'escroqueries en ligne, après avoir suivi les conseils d'influenceurs. Les associations de victimes tirent la sonnette d'alarme, ces pratiques se développant.

Des personnes ont perdu des milliers d'euros dans des placements financiers douteux recommandés par des influenceurs. Tombés dans la spirale de la précarité et de la dépression, ils ont parfois du mal à en sortir ; leur vie est saccagée. Des articles de presse et la mobilisation de lanceurs d'alerte ont donné une visibilité salutaire à ces dérives. En tant que législateurs, nous nous devons d'accompagner ces luttes qui, jusqu'à présent, s'organisaient avec les moyens du bord. Grâce à l'action du collectif AVI, une plainte collective a fait réagir Meta, qui a fermé le compte Instagram d'influenceurs véreux.

Si les pratiques commerciales sont déjà encadrées, il nous incombe de définir les statuts d'influenceur et d'agent d'influenceur, de renforcer le régime des sanctions et d'améliorer notre politique de prévention. Le marché mondial de l'influence, qui représentait 1,6 milliard d'euros en 2016, a été multiplié par dix, pour atteindre 15,6 milliards aujourd'hui. Il est essentiel de réguler cette activité et votre proposition de loi y contribue. Elle complète le travail que j'ai entamé avec mes collègues Aurélien Taché et François Piquemal pour mettre fin à ce que l'on appelle communément le far west du marché de l'influence.

Avec M. Stéphane Vojetta, vous avez fait preuve d'ouverture en lançant l'idée d'un travail transpartisan et nous espérons qu'il sera le plus inclusif possible, puisqu'il est temps de donner un statut juridique aux quelque 150 000 influenceurs que compte notre pays. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur une profession, car certains influenceurs sont irréprochables, mais les guides de bonnes pratiques n'engagent que celles et ceux qui y adhèrent et il importe désormais que la loi encadre cette profession pour empêcher les dérives et les sanctionner.

Ce texte va dans le bon sens et répond aux attentes de nombreuses victimes d'arnaques. Nous vous proposerons des amendements pour aller plus loin et disposer d'une bonne base de travail pour l'avenir. Il faudra prêter une attention particulière au volet judiciaire et à la question des signalements, afin que les victimes ne se sentent plus délaissées.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est vrai que l'autorégulation ne suffit pas : c'est, au choix, le far west ou la loi de la jungle. Vous avez raison, il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur tous les influenceurs. La plupart d'entre eux sont pleins de bonne volonté et cherchent simplement à tirer des revenus d'une activité qui n'est pas à condamner, en soi. Ce que nous condamnons, et ce qu'il importe de réguler, ce sont les dérives, les comportements véreux ou mafieux, les abus de confiance et les agissements qui, même de façon involontaire, peuvent avoir une incidence sur les consommateurs. Je me réjouis du travail commun que nous allons entreprendre sur cette base.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je salue cette initiative législative visant à réguler le secteur de l'influence, car il est urgent d'agir. Dans une étude accablante portant sur une soixante d'influenceurs et d'agences d'influenceurs, la DGCCRF a montré que 60 % d'entre eux ne respectent pas la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs. Certains trompent sciemment le consommateur, en vendant des produits prétendument bios qui ne le sont pas ou en faisant de fausses allégations au sujet du covid. Pire, l'influenceur Dylan Thiry, ancien candidat de Koh-Lanta, faisait récemment la promotion d'un produit guérissant les « cellules cancérigeuses ». Il expliquait que ce produit n'était pas commercialisé en Europe, parce qu'il est plus intéressant que les gens aillent à l'hôpital et paient « une blinde ».

Outre celui de la beauté et de la santé, les influenceurs ont également investi le secteur de la finance. Ils sont nombreux à vendre des services financiers risqués – trading de cryptomonnaies ou NFT – ou à faire la promotion de paris aux résultats très aléatoires. À cela s'ajoutent la promotion de formations par l'intermédiaire du CPF et la pratique du dropshipping.

Ces influenceurs, majoritairement domiciliés à Dubaï, ont profité de zones grises qu'il convient de clarifier. Il importe de définir en France un statut de l'influenceur, assorti de sanctions pénales, afin de protéger les consommateurs, souvent jeunes ou fragiles. Il est temps que les 150 000 influenceurs que compte notre pays prennent leurs responsabilités lorsqu'ils produisent des contenus pour lesquels ils sont rémunérés. Les plaintes pour escroquerie se multiplient à l'encontre des « influvoleurs » et Meta, la maison mère de Facebook et d'Instagram, a dû fermer le compte de personnes incriminées, mais cela ne suffit pas. Il faut instaurer une véritable régulation pour protéger le public, notamment les mineurs.

Ce texte a aussi une vertu pédagogique, et c'est essentiel, car les influenceurs véhiculent auprès de notre jeunesse le culte de l'apparence et de l'argent facile. L'influenceuse EnjoyPhoenix se fait payer 1 000 à 15 000 euros pour un placement de produit, en fonction de la longueur de sa story. Pourquoi faire des études, alors qu'un téléphone suffit pour gagner des sommes folles ? C'est ce que doivent se demander beaucoup de jeunes.

Cette proposition de loi est une manière de sensibiliser notre jeunesse aux dangers du milieu des influenceurs, qui est un miroir aux alouettes. L'ouverture, par Bruno Le Maire, d'une consultation sur le sujet va également dans le bon sens. Le groupe Les Républicains votera pour ce texte, même s'il craint, compte tenu de sa place au sein de la niche du groupe Socialistes et apparentés, qu'il ne puisse pas être examiné en séance publique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La proposition de loi que nous vous soumettrons en mars avec Stéphane Vojetta concernera toute la chaîne de l'influence, depuis la question de la responsabilité des plateformes et des agences, jusqu'à la dimension fiscale, qui reste à construire. J'espère que vous vous associerez à nos travaux. Toute la difficulté tient au fait que l'influence a quelque chose d'évanescent, ou en tout cas de dématérialisé, et que certains influenceurs vivent hors de nos frontières. Et pourtant, l'influence a des effets bien réels sur le corps et la vie des Français.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Certaines émissions de téléréalité réunissent quotidiennement plus de 1 million de téléspectateurs. Ces émissions une fois achevées, leurs candidats se voient souvent proposer des partenariats sur les réseaux sociaux et des cachets dont le montant dépend de leur cote de popularité. Ils peuvent recevoir plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers d'euros, pour réaliser une publicité, sous forme de story. Or ces partenariats sont très peu encadrés et échappent à de nombreuses règles du droit français : ils ne comportent pas de conditions générales de vente et l'identité des fournisseurs est inconnue. Plus grave, les publicités se multiplient pour des actes chirurgicaux, des placements financiers très risqués sans aucun avertissement, des fraudes au compte personnel de formation, etc. Face à la multiplication des arnaques en tout genre et des abus, il est plus que temps de créer un statut juridique encadrant ce nouveau métier d'influenceur et de sanctionner les mauvais comportements. Votre texte est donc bienvenu, mais j'ai trois remarques à formuler.

La première concerne le seuil d'audience à partir duquel on peut être considéré comme un influenceur. Vous renvoyez à un décret, ce qui donnera toute latitude au Gouvernement en la matière. Or il faut tenir compte du fait que le nombre d'abonnés sur les réseaux sociaux peut évoluer rapidement, donc modifier le statut de certains influenceurs. Avez-vous déjà pensé à un seuil qui vous semblerait pertinent ?

Votre texte interdit aux influenceurs de faire la promotion de produits pharmaceutiques, de dispositifs médicaux et d'actes de chirurgie. Il impose également de faire figurer un bandeau sur les publications faisant la promotion de pronostics sportifs et de jeux d'argent ou de hasard. Tout cela va dans le bon sens, mais ne faudrait-il pas également interdire la vente de produits de contrefaçon ?

Ma dernière question concerne la coopération que l'on peut attendre des plateformes, souvent étrangères, comme Meta, TikTok, Twitch ou encore Twitter. Comment réagissent-elles à ces initiatives législatives ? Faut-il leur imposer nos règles ? Sommes-nous en mesure de le faire ou faudra-t-il passer par la voie de la négociation ?

Le groupe Démocrate, en tout cas, est prêt à travailler à un texte transpartisan.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les auditions ont montré que le seuil d'audience n'était pas forcément le critère le plus pertinent pour mesurer l'influence : je proposerai donc de ne pas le retenir dans la définition de l'influenceur. Même avec moins de 1 000 abonnés, un nano-influenceur peut avoir un impact réel sur la vie des gens et sur leur consommation. Le fait qu'il soit possible d'acheter des abonnés complique encore les choses et fait que le nombre d'abonnés n'est certainement pas le critère le plus pertinent.

Je vais vous proposer de supprimer le bandeau au profit d'une interdiction pure et simple des publicités pour les paris sportifs et les jeux d'argent, afin de protéger les plus jeunes. Nous n'avons pas abordé spécifiquement la question de la contrefaçon, même si la pratique du dropshipping y est liée. La contrefaçon étant déjà abordée dans plusieurs articles du code du commerce et du code de la consommation, ce champ est en partie couvert, mais on peut imaginer d'introduire des dispositions à ce sujet dans le texte qui sera examiné en mars.

Enfin, Stéphane Vojetta et moi allons bientôt auditionner les représentants des plateformes. Nous espérons faire de notre texte un cadre juridique contraignant, auquel les plateformes devront se soumettre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Bravo pour ce travail et cette approche transpartisane ! La question du langage est en effet un angle mort de la République, pour la gauche, comme pour tous les partis républicains.

La place grandissante des influenceurs met en lumière deux phénomènes : la privatisation croissante de l'agora, où la publicité tend à prendre le pas sur les messages à caractère public, et la nécessité de réguler internet, dans la mesure où nous entrons dans une civilisation numérique.

Dans un monde sans foi ni loi, nous devons lutter contre la servitude que nous impose la publicité, sous toutes ses formes. J'aimerais contextualiser les choses, en m'appuyant sur le rapport BIG CORPO : Encadrer la pub et l'influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique. Chaque année, en France, ce sont 31 milliards d'euros qui sont dépensés dans la publicité, et seulement 3,7 milliards pour les politiques de prévention en santé publique. Les trois leaders du fast-food dépensent 350 millions par an pour leur publicité en France. Notre collègue Loïc Prud'homme, dans ses travaux sur l'alimentation industrielle et les dangers de la malbouffe, a montré que les enfants sont exposés en permanence à des publicités pour des produits trop gras, trop sucrés, trop salés et contenant des édulcorants. Que peuvent les messages publics face à ce rouleau compresseur ?

La malbouffe, lorsqu'elle est associée à la sédentarité, multiplie les risques de diabète et d'obésité et constitue une bombe à retardement sanitaire. C'est l'équilibre de notre système de sécurité sociale qui est en jeu, sans parler des souffrances endurées par les personnes concernées, qui sont surreprésentées dans certaines catégories sociales. Avez-vous pris en considération ces questions ? Comment améliorer la prévention et l'information sur la santé ?

La proposition de loi que vous déposerez avec Stéphane Vojetta abordera-t-elle la question de l'éducation aux médias et celle de la prévention, par l'éducation nationale et par l'éducation populaire ? Enfin, on ne peut pas ne pas poser la question de la fiscalité. Vu le niveau de rémunération des influenceurs et leur localisation, c'est à nouveau le problème des paradis fiscaux qui se pose : il importe de les combattre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour cette analyse du rôle de la publicité dans nos vies et dans l'espace social ; vous la critiquez, sans pour autant remettre en cause internet, et vous avez raison, car on lui doit le meilleur et le pire, et il se situe le plus souvent dans une zone grise.

L'augmentation des volumes injectés dans la publicité par les marques est en partie responsable de l'essor spectaculaire de l'influence au cours des dernières années. La publicité sociale a augmenté de 48 % entre 2013 et 2019 et de 18 % entre 2019 et 2021. Nous ne sommes qu'au début de l'évolution de ce marché, qui croît chaque année de façon quasi exponentielle. C'est pour cela aussi qu'une activité régulatrice est nécessaire.

Les effets de ces pratiques sur la santé publique et sociale sont l'un des principaux objets de cette proposition de loi. Elle est authentiquement socialiste, parce qu'elle vise à réguler et à protéger les publics les plus vulnérables.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme beaucoup de Français, j'ai plongé, il y a quelques semaines, dans le monde, non pas merveilleux, mais impitoyable, des influenceurs. Nous avons en effet appris par voie de presse que la papesse des influenceurs, dont je n'avais jamais entendu parler, avait fort à faire avec un de ses anciens clients, un rappeur fort médiatique, connu pour ses saillies sur les réseaux sociaux, qui l'accusait de pratiques commerciales trompeuses. Booba, pour ne pas le nommer, a également dénoncé les pratiques trompeuses d'un autre influenceur, Marc Blata, qui invitait sa communauté à investir dans les cryptomonnaies. Ce dernier a d'ailleurs été arrêté à Dubaï.

Ces faits divers à paillettes, rebondissant de clash en clash sur Twitter ou sur les plateaux d'émissions populaires, ont eu le mérite de nous montrer qu'il y avait un énorme vide juridique, parce que le législateur n'avait pas anticipé l'avènement de ce nouveau métier d'influenceur. Cette situation pourrait faire sourire, si elle n'était à la fois grave et préoccupante. Je suis consterné par les valeurs promues sur TikTok – l'argent facile, le luxe, l'individualisme, la vie facile –, et plus encore par l'audience et le pouvoir d'attraction de ces personnes sur leur communauté, alors même que certains influenceurs s'adressent à elle par des insultes.

Vente de faux traitements médicaux ou de produits revendus plus cher que le prix du marché, promotion d'achats risqués, de jeux d'argent ou de hasard : les méthodes sont connues pour arnaquer des communautés d'abonnés comprenant souvent des personnes mineures. Alors oui, il est nécessaire de créer un statut de l'influenceur ; oui, il faut interdire la promotion de produits dangereux ; et oui, il faut rendre obligatoire la mention : « Placement de produit ».

Parce que ce sujet est grave et qu'il nécessite d'être abordé dans sa globalité et sa complexité, nous pensons qu'il aurait été opportun de nous laisser un peu plus de temps pour bâtir un texte plus global, et surtout transpartisan, afin de légiférer une bonne fois pour toutes en la matière. Néanmoins, le groupe Horizons et apparentés ne fera pas obstacle à l'adoption de ce texte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens à préciser que le rappeur Booba n'était pas un client de celle que vous appelez la « papesse des influenceurs », Mme Magali Berdah. Il est vrai, cela dit, qu'un différend les a opposés, qui a conduit à ces dénonciations. Le rappeur Booba a été une sorte de lanceur d'alerte et il a collecté des plaintes visant des influenceurs qui travaillaient dans l'agence de Mme Berdah. Toutefois, cela a aussi entraîné, en retour, des comportements agressifs, voire haineux, envers Mme Berdah. Je tiens à dire, puisque vous m'en donnez l'occasion, qu'on ne peut pas cautionner le déferlement de la violence et de la haine en ligne, contre qui que ce soit.

J'aimerais évoquer un aspect de la question qui n'est pas abordé dans la proposition de loi, mais qui me tient à cœur. L'influence véhicule des stéréotypes sexistes, elle valorise l'hypersexualisation et des critères de réussite qui peuvent paraître assez déconnectés du réel. C'est souvent le fait de personnes qui, parce qu'elles engrangent énormément d'argent, ont un mode de vie très différent de la plupart des gens, y compris de la majorité des influenceurs. La grande majorité d'entre eux ne sont pas riches et ne vivent pas dans une maison luxueuse à Dubaï. La réalité de l'influence a peu de rapport avec les images que véhiculent certains influenceurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dylan Terry qui vante des produits tuant les cellules « cancérigeuses » ; Julien Tanti – 6 millions d'abonnés sur Instagram – qui vend de la poudre à charbon censée blanchir les dents mais reconnue comme dangereuse pour la santé ; des jeunes ruinés par les arnaques aux cryptomonnaies de Marc Blata : la liste des arnaques des influenceurs, ou « influvoleurs », pour reprendre le terme popularisé par Booba, est longue et on n'en connaît certainement qu'une toute petite partie.

Depuis des mois, dans ma circonscription, à Cergy, des jeunes m'interpellent, parce qu'ils ont été victimes d'arnaques, relayées par les influenceurs. Les jeunes des quartiers populaires sont en effet les principales victimes de ce phénomène. Dès le mois de novembre dernier, j'ai donc été le premier à déposer une proposition de loi visant à donner un cadre légal à l'activité d'influenceur. Mes collègues François Piquemal et Nadège Abomangoli ont ensuite fait de même.

Je partage votre volonté d'interdire la promotion d'abonnements aux paris sportifs, qui sont très dangereux pour beaucoup de jeunes. Rappelons que 4,5 millions de personnes font des paris en ligne et qu'ils parient, en moyenne, plus de 300 euros.

Les pouvoirs publics ont tardé à réagir. Une consultation vient d'être lancée par Bercy mais, à ce stade, on a l'impression que le Gouvernement privilégie l'autorégulation, ce qui ne surprend personne.

La DGCCRF manquant de moyens financiers et techniques, nombre d'escroqueries restent impunies. Tout semble permis, dans un marché sans foi ni loi, alors que des sanctions pourraient être prises si on le voulait vraiment. Voilà des mois que le couple Blata et d'autres personnalités sévissent sur les réseaux sociaux en pratiquant l'arnaque au trading de cryptomonnaies. Internet est devenu un terrain plus que favorable aux escroqueries : en août 2022, on apprenait qu'un youtubeur se faisant appeler Crypto Gouv avait arnaqué près de 300 personnes et détourné 4 millions d'euros. Ces escroqueries touchent de plus en plus de jeunes qui, pour épargner, misent sur les cryptomonnaies. En interdisant aux influenceurs de promouvoir un projet crypto contre une rémunération, vous allez dans le bon sens.

Votre proposition de loi contient de nombreuses mesures intéressantes et notre groupe votera en sa faveur. Néanmoins, il souffre de plusieurs manques ; je pense en particulier qu'il faudrait introduire l'obligation d'un contrat entre l'influenceur et son agence.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre important travail contribuera, à n'en pas douter, à l'amélioration du cadre législatif que nous préparons. La proposition de loi que nous présenterons en mars visera notamment à réguler les relations entre l'influenceur et son agence.

Vous avez évoqué les arnaques au trading et, plus précisément, au copy trading, une pratique qui consiste à copier des opérations de placements financiers qui sont présentées, notamment par les Blata, comme très rentables. Tout cela est évidemment extrêmement risqué. D'après le collectif AVI, les victimes de cette arnaque ont perdu 1 500 euros en moyenne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ceux qui font le choix d'être influenceurs aspirent souvent à la lumière mais, dernièrement, ils se sont retrouvés sous le feu des projecteurs en raison d'agissements à la limite de la légalité. Promotion de gélules censées guérir les cellules cancéreuses, arnaques aux cryptomonnaies, publicités mensongères : tous ont souhaité tirer profit de leur renommée, mais surtout de la naïveté de leur communauté, souvent jeune et influençable.

Ces pratiques sont d'ores et déjà condamnables. Les agissements liés aux cryptoactifs, par exemple, relèvent de l'abus de confiance, du vol, de l'escroquerie et, plus globalement, du droit général pénal. Ce qui est nouveau, c'est le support de ces arnaques : les réseaux sociaux. De même, lorsqu'une de ses publications est publicitaire, l'influenceur se doit de le préciser explicitement. Dans le cas contraire, elle relève de la pratique commerciale trompeuse. En dépit de l'existence d'un cadre juridique, ainsi que de l'ancienneté et de l'ampleur de ces abus, les sanctions sont rares.

J'estime que la priorité est de renforcer les moyens des services de la répression des fraudes, des douanes, de la lutte contre la cybercriminalité et de la police judiciaire. Il importe également de former les services de l'État à ces nouvelles technologies et à la lutte contre ces nouvelles formes d'arnaque. Cela étant, le groupe LIOT est favorable à la définition d'un nouveau cadre juridique, notamment à la création d'un statut de l'influenceur et à une clarification, dans la loi, des placements de produits interdits.

Nous nous interrogeons sur le caractère opérationnel de cette proposition de loi pour les influenceurs basés à l'étranger. Nombre d'entre eux s'installent à Dubaï, attirés par un statut fiscal avantageux. N'y a-t-il pas un risque qu'ils échappent aux dispositions du présent texte, d'autant qu'ils sont de plus en plus nombreux à créer leur entreprise sur place ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La proposition de loi que nous présenterons en mars contiendra des dispositions relatives aux influenceurs qui vivent à l'étranger. Nous proposerons de leur imposer d'avoir un représentant légal en France, ce qui nous permettra de les soumettre au droit français. Je tiens toutefois à rappeler que la plupart des influenceurs vivent en France et sont bien français. La plupart des 150 000 influenceurs, c'est monsieur ou madame Tout-le-monde. Ceux qui vivent à Dubaï sont une minorité : ils représentent moins de 1 % du total.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux interventions des autres députés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À l'heure où les réseaux sociaux sont devenus de puissants outils de promotion commerciale, modifiant en profondeur l'acte d'achat, l'éducation et la sensibilisation des adolescents sont une priorité absolue si l'on veut lutter contre les dérives des influenceurs. Les jeunes n'ont en effet que très peu de distance critique envers eux. Ils ignorent bien souvent le fonctionnement des plateformes et des algorithmes sur TikTok, Instagram ou YouTube. Ce sont pourtant les algorithmes de suggestion qui organisent le marketing sur les réseaux sociaux à travers les fils d'actualité, les commentaires et les publications. La transmission de compétences informationnelles permettrait de renforcer la capacité d'agir, l'esprit critique et l'autonomie des jeunes et de promouvoir des comportements de consommation plus responsables sur les réseaux sociaux. Cela me semble indispensable dans la société numérique qui est la nôtre.

J'ai pris connaissance de la volonté d'intégrer la sensibilisation contre l'escroquerie dans la proposition de loi transpartisane déposée par nos collègues Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta. Ne faudrait-il pas aller plus loin dans ce domaine dès aujourd'hui ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, votre réaction m'étonne. Cette commission, qui a eu à examiner des textes compliqués, a toujours respecté les différents intervenants. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas emballé par votre proposition de loi qu'on doit subir de telles remarques. Nous avons le droit de juger son contenu faible et redondant avec ce qui existe déjà ainsi qu'avec le texte à venir. Je souhaiterais que vous fassiez preuve d'un minimum de respect envers les commissaires aux affaires économiques. Vu que vous êtes notre invité, ce serait la moindre des choses.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je salue le travail accompli. On a beaucoup entendu parler d'arnaques aux cryptomonnaies ; je vous invite à regarder l'excellent documentaire intitulé Crypto Queen, diffusé sur Arte et consacré à la plus grosse arnaque en la matière : 4 milliards de dollars détournés.

Face à ces menaces, notre pays ne reste pas sans agir. Je pense par exemple au déréférencement de la plateforme Wish. Des actions sont toujours possibles pour protéger les consommateurs des attitudes délétères de certains acteurs.

Comment ces différentes propositions de loi vont-elles s'articuler avec le règlement européen relatif à un marché unique des services numériques (Digital Services Act ou DSA) et avec le règlement européen relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique (Digital Markets Act ou DMA) ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je m'exprimerai en tant que corapporteur de la future proposition de loi commune.

Les propos de notre collègue du Rassemblement national, s'ils n'étaient pas insultants, révélaient par rapport aux enjeux de ces textes une déconnexion que je trouve choquante. Je suis à votre disposition, chers collègues, pour vous expliquer à quel point ces propositions de loi sont importantes ; nous nous devons de modifier le rapport des jeunes avec les réseaux sociaux.

Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais l'articulation de nos propositions de loi avec le DSA et avec le DMA est une question fondamentale, sur laquelle nous travaillons en liaison avec le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Il faudra veiller à leur bonne coordination avec la transposition de ces textes en droit français.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes en effet en train de travailler sur la question du DSA ; ce sera l'un des objets du texte à venir.

De même, le développement de l'esprit critique et de l'autonomie des jeunes sera l'un des enjeux du dernier article de la proposition de loi commune, consacré à l'éducation.

Monsieur de Lépinau, non seulement les propos de votre collègue sont complètement déconnectés des enjeux de ce texte, mais vous prétendez que j'ai été insultant alors que ce ne fut pas le cas. Vous traitez ma proposition de loi de faible. Je pense au contraire que la régulation que nous proposons est forte et ambitieuse. Nous aurons l'occasion de le démontrer.

Enfin, vous dites que je suis invité dans cette commission, mais c'est faux : j'en suis membre à part entière. Je n'ai pas à être invité par les membres du Rassemblement national, et j'en suis fier.

Article unique (Articles nouveaux L. 122-26, L. 122-27, L. 122-28 et L. 122-29 du code de la consommation) : Création au sein du code de la consommation d'une définition de l'influenceur et renforcement de la régulation de la publicité en ligne et des pratiques de dropshipping mises en œuvre par ces mêmes influenceurs

Amendement CE24 de M. Arthur Delaporte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet amendement tend à synthétiser et à clarifier la définition de l'activité d'influenceur, qui sert de fondement à cette proposition de loi. L'absence de définition juridique rend actuellement impossible l'application d'un régime de régulation spécifique, ce qui serait pourtant nécessaire vu les dérives. La définition que je propose inclut les personnes tant morales que physiques et repose sur la création et la diffusion de contenus en ligne contre rémunération ou tout avantage en nature. J'ai ajouté que cela était réalisé « à l'occasion de l'expression de [l]a personnalité » de manière à cibler la spécificité de l'influenceur.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La définition nous paraît encore trop large. Vous évoquez l'expression de la personnalité, mais pas la notion d'influence ni celle de notoriété. Une entreprise qui disposerait d'une page sur un réseau social risque d'être qualifiée d'influenceur. Nous voterons contre l'amendement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je préférais la rédaction initiale. Il serait dommage de la modifier en dernière minute. Nous aurons tout le temps d'y retravailler collectivement afin de s'assurer que la définition de l'activité d'influenceur correspond bien au phénomène que nous souhaitons cibler.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Peut-être, mais c'est déjà un début. Saluons l'initiative du rapporteur et adoptons cet amendement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a peu de différences par rapport à la version initiale. Quelques précisions ont été apportées à la suite de la consultation de services juridiques, notamment de ceux du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. En outre, remplacer « réseaux sociaux » par « moyen de communication électronique » permettrait de couvrir un champ plus large, et notamment d'intégrer Twitch et Telegram. Vous voterez en votre âme et conscience mais je souhaite vivement que cet amendement soit adopté. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit que d'une base de travail, destinée à être enrichie.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE8 de Mme Christine Engrand.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les codes de communication adoptés par de nombreuses enseignes commerciales sur les réseaux sociaux s'inspirent directement des méthodes employées par les influenceurs. La définition proposée risque de faire peser le poids des dispositions du présent texte sur des personnes morales exerçant une activité d'influence par destination, sans qu'elles puissent pour autant être expressément qualifiées d'influenceurs.

Le principal écueil de la proposition de loi réside ainsi dans la confusion des multiples formes juridiques que cette activité peut recouvrir : un influenceur peut être aussi bien salarié qu'entrepreneur. Pour tenir compte de cette réalité, et afin d'éviter toute interprétation abusive, nous proposons de préciser que sont concernés les individus exerçant une activité d'influence en tant que personne physique ou par l'intermédiaire d'une personne morale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable : cette précision est superfétatoire.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE10 de Mme Christine Engrand.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La mise en place d'un bandeau informatif, même s'il est incrusté dans le support de la publication promotionnelle, ne permet pas d'atteindre l'objectif visé. Une étude de l'Autorité nationale des jeux souligne que 73 % des jeunes savent que les jeux d'argent leur sont interdits. Dès lors, les informer de ce qu'ils savent déjà paraît inutile.

Si l'on souhaite sincèrement garantir la protection des mineurs contre ces pratiques, on ne peut pas se satisfaire de laisser aux annonceurs la possibilité d'atteindre, même collatéralement, ce public. L'enjeu est crucial, puisqu'en dépit des textes déjà contraignants en la matière, les mineurs sont surexposés – c'est du moins ce que relève l'Autorité nationale des jeux : sur un échantillon d'adolescents âgés de 15 à 17 ans, 34,8 % d'entre eux déclarent avoir déjà joué à un jeu d'argent, un sur deux utilisant internet pour jouer. C'est d'autant plus inquiétant que l'enquête explique que les comportements à risque chez les jeunes concernent davantage les pratiques en ligne.

Dès lors, il semble inconcevable que la proposition de loi aille moins loin que les textes en vigueur. Pour protéger efficacement les enfants, il faut empêcher l'exposition à de telles publicités sur les réseaux sociaux. En effet, 35 % des jeunes joueurs déclarent avoir vu des publicités pour les jeux d'argent sur ces réseaux.

En conséquence, l'amendement vise à étendre les interdictions en vigueur sur les réseaux sociaux à toute publicité faisant la promotion de produits ou de prestations interdites aux mineurs et à faire reposer le respect de cette obligation sur les plateformes plutôt que sur les influenceurs, de manière à assurer un contrôle a priori.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable. Cet amendement est caractéristique de la volonté des forces d'extrême droite de faire émerger une société de la surveillance et de l'interdiction absolue. Il ne me semble ni opportun, ni nécessaire, ni souhaitable. De surcroît, la formulation « Les réseaux sociaux ont […] l'obligation d'interdire » n'est absolument pas conforme aux règles de base de l'écriture juridique.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE23 de M. Arthur Delaporte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il s'agit de remplacer « sur les réseaux sociaux » par « par un moyen de communication électronique ».

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est une modification nécessaire si nous voulons que les dispositions du texte s'appliquent à certaines plateformes sur lesquelles se développent des arnaques – je pense notamment à Telegram.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CE22 et CE21 de M. Arthur Delaporte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Par l'amendement CE22, je propose une nouvelle rédaction de l'alinéa 6, afin de préciser le champ de l'interdiction des publicités des actes de santé en faisant expressément référence au code de la santé publique. Il serait ainsi interdit aux influenceurs de faire la publicité de produits pharmaceutiques, de dispositifs médicaux et d'actes de chirurgie, dont ceux de chirurgie esthétique. En revanche, la publicité pour les produits cosmétiques serait exclue du champ.

L'amendement CE21 tend quant à lui à substituer à l'alinéa 7 cinq nouveaux alinéas afin d'interdire aux influenceurs de faire de la publicité pour un ensemble de produits et services financiers présentant des risques importants de perte pour les consommateurs. La rédaction est alignée sur l'article L. 222-16-1 du code de la consommation.

Pour mémoire, il existe aujourd'hui deux types de restriction de la publicité pour des instruments financiers ou des cryptoactifs : une interdiction visant la publicité, directe ou indirecte, diffusée par voie électronique relative à certains produits – les contrats financiers les plus risqués – et une interdiction visant toute publicité, directe ou indirecte, diffusée par voie électronique ayant pour objet d'inviter une personne par le biais d'un formulaire, à demander ou à fournir des informations complémentaires, ou à établir une relation avec l'annonceur, en vue d'obtenir son accord pour la réalisation d'une opération relative à certains autres produits : actifs numériques, sauf pour les prestataires de services sur actifs numériques agréés, et offre au public de jetons, sauf lorsque l'annonceur a obtenu le visa.

Le présent amendement appliquerait donc ces interdictions aux influenceurs en couvrant à la fois les produits risqués déjà visés à l'article L. 222-16-1 du code de la consommation, les placements et investissements dans des actifs numériques qui ne sont pas directement liées à des services sur actifs numériques – en particulier les offres de livrets cryptos –, et les jetons non fongibles (NFT), enjeu majeur de la régulation de l'influence.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendement CE20 de M. Arthur Delaporte et sous-amendements CE31, CE32 et CE33 de M. Stéphane Vojetta, amendement CE4 de Mme Nadège Abomangoli (discussion commune).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous propose d'insérer trois nouveaux alinéas afin de durcir le dispositif et de tenir compte de ce qui a été déclaré par les acteurs lors des auditions. Il s'agit d'interdire la publicité portant sur les jeux d'argent et de hasard, sur les jeux de paris sportifs et les paris hippiques, sur les boissons dont la consommation est nuisible à la santé, en particulier les boissons alcoolisées, ainsi que sur les offres de formation professionnelle non éligibles au compte personnel de formation, donc de mauvaise qualité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite modifier légèrement la rédaction de l'amendement du rapporteur en prévision du travail transpartisan à venir. Cela concerne notamment la question de la malbouffe, déjà mentionnée par notre collègue Potier, et les jeux vidéo. De nouvelles auditions préciseraient utilement les éventuels effets de bord. Il convient de creuser un peu le sujet avant d'opter pour une formulation définitive.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« En bande organisée, ils veulent vous dévaliser. » Qui ? Les influvoleurs, certes, mais aussi ceux qui font la promotion des jeux d'argent et des paris sportifs auprès de jeunes souvent précarisés qui savent que si l'argent ne fait pas le bonheur, le bonheur ne remplit pas l'assiette. Les arnaques pullulent – je ne parle pas ici de ceux qui promettent des pensions de retraite à 1 200 euros sans préciser qu'il s'agit du montant brut et que cela suppose d'avoir validé quarante-trois annuités.

« Tout pour la darone » ? Ce slogan ne vise pas à promouvoir la retraite à 60 ans, malheureusement. Non, il s'agit d'une stratégie afin de créer une addiction chez les jeunes. Santé publique France révèle que ceux-ci sont six fois plus susceptibles de développer une addiction et que 70 % des joueurs sont endettés auprès des banques. Or je rappelle que les deux tiers de l'audience d'Instagram ont moins de 35 ans et que 40 % des visiteurs de TikTok se situent dans la tranche des 15 à 24 ans. Il est donc urgent de protéger les jeunes contre les addictions en interdisant la promotion des jeux d'argent et de hasard par les influenceurs. Tel est le sens de notre amendement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lors des auditions, nous avons constaté à quel point les dérives liées à la consommation alimentaire pouvaient avoir des effets négatifs sur les corps – en particulier la consommation de boissons énergisantes ou très sucrées. J'entends néanmoins les remarques qui ont été émises et, si vous souhaitez approfondir la discussion, j'émettrai un avis favorable au sous-amendement CE32.

En revanche, je suis défavorable au sous-amendement CE33. Les formations professionnelles non-éligibles au CPF sont de piètre qualité et, en la matière, les influenceurs font vraiment n'importe quoi. Il convient d'envoyer un signal fort sur ce point – ce qui ne signifie pas que la rédaction de cette disposition ne pourra pas être précisée par la suite.

Vous pensez, monsieur Vojetta, que l'interdiction de la publicité concernant certains jeux vidéo est trop large, car elle risquerait de toucher des activités parfaitement ludiques. Je l'entends. Néanmoins, nous devrons continuer à travailler sur le sujet, d'une part, parce que les jeux vidéo favorisent les conduites addictives, d'autre part, parce que certains jeux qui semblent gratuits font ensuite basculer l'utilisateur vers des mécanismes d'achat. Avis favorable sur le sous-amendement CE31, donc, mais sous réserve d'une précision ultérieure.

Si « Tout pour la darone » ne s'applique pas en effet à la réforme des retraites, monsieur Piquemal, ce type de slogans est un des éléments constitutifs des publicités faites par certains influenceurs pour instaurer un lien de confiance et enclencher des mécanismes d'achat. Toutefois, votre amendement me semble satisfait par le mien. C'est pourquoi je vous en demande le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour engager ce travail transpartisan, nous sommes convenus de créer une sorte de bulle de paix. Nous nous sommes dit que même si nous n'étions pas d'accord sur tout, nous allions essayer de travailler sereinement sur le sujet, chacun apportant ses propositions, sans que quiconque tente d'en tirer politiquement profit. Avançons donc ensemble en laissant de côté les questions qui fâchent : les retraites, les milliardaires, etc.

L'amendement CE4 est retiré.

La commission adopte successivement les sous-amendements et l'amendement CE20 sous-amendé.

Amendement CE25 de M. Arthur Delaporte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet amendement vise à donner la possibilité de prononcer, en plus de la peine prévue au III du nouvel article du code de la consommation, une peine complémentaire de suspension de l'accès à un service de communication au public en ligne, pour une durée maximale d'un an, assortie de l'interdiction de souscrire, pendant la même période, un autre contrat portant sur un service de même nature auprès de tout opérateur.

Je m'inspire là de dispositions du type de celles qui avaient été prévues dans la loi « Hadopi », et dont les effets dissuasifs ont été vérifiés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet amendement a été déposé très tardivement, et je souhaiterais que le texte ne soit pas censuré par le Conseil constitutionnel. J'ai en tête le précédent de la loi Avia, qui avait été vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel parce qu'elle avait fait peser sur les réseaux sociaux l'obligation de retirer dans les vingt-quatre heures les contenus illégaux qui n'avaient pas été jugés compatible avec la liberté d'expression. Je crains que la formulation proposée ne pose les mêmes problèmes. Je suggère de prendre un peu plus de temps pour y travailler.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est vrai que le dépôt tardif de cet amendement ne nous a pas forcément permis de mûrir une réflexion collective. Dans un esprit de concorde, je le retire.

L'amendement est retiré.

Amendement CE1 de Mme Nadège Abomangoli.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je propose de pratiquer le name and shame à l'encontre des influenceurs qui auraient enfreint le code de la consommation. Porter atteinte à la réputation des influenceurs revient d'une certaine manière à les taper au porte-monnaie, tout en informant les consommateurs.

D'après un sondage récent, 40 % des 18-24 ans font plus confiance aux influenceurs qu'à la publicité. Ces chiffres sont bien connus des entreprises françaises, qui ne cessent de développer des stratégies marketing en direction des influenceurs. La relation de « confiance » instaurée entre les utilisateurs des réseaux sociaux et les influenceurs rend en effet les premiers vulnérables à des escroqueries. Il convient donc, si les pratiques de l'influenceur sont condamnées, de briser cette confiance par l'apposition d'une bannière sur les comptes des réseaux sociaux dudit influenceur. C'était le cas par le passé, pour la presse à scandale, lorsqu'un titre était condamné. Il faut responsabiliser les plateformes et les faire participer à la bonne information de leurs utilisateurs. Je remercie la maman de Pavillons-sous-Bois qui est à l'origine de cette idée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si je partage l'intention de l'amendement – il serait en effet utile que toute sanction prononcée par l'administration fasse l'objet d'une publicité en ligne –, il me semble nécessaire de prolonger encore la réflexion car il s'agit d'un sujet nébuleux. Du point de vue juridique, je ne pense pas que ce soit le bon angle d'action. Il ne faudrait pas courir le risque de l'inconstitutionnalité. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement vise les fournisseurs de services de communication au public en ligne, comme les fournisseurs d'accès internet tel Orange, mais ils n'ont pas accès à la gestion des comptes des réseaux sociaux. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est un blocage de système de noms de domaine (DNS) pour empêcher l'accès à un site ou à un réseau – c'est ce qui se pratique en cas de contenu pédopornographique. On ne peut pas leur demander d'appliquer une bannière sur un contenu géré par une plateforme !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je maintiens l'amendement. Même si, j'en conviens, la rédaction est à revoir, il importe qu'il y ait une information à destination des utilisateurs.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE16 de M. Aurélien Taché.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis des mois, le sujet des influenceurs et des influvoleurs enflamme les réseaux sociaux, du fait notamment de l'explosion du nombre de placements de produits frauduleux.

Des textes législatifs encadrent la pratique des partenariats commerciaux et les professionnels du secteur réunis au sein de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ont adopté de bonnes pratiques visant à définir les conditions et les modalités selon lesquelles la collaboration doit être renseignée ; certains travaillent aussi sur la création de labels, comme le label influence. Cependant, force est de constater qu'en pratique, de nombreux contenus à caractère publicitaire n'indiquent pas l'existence d'un partenariat entre la marque et l'influenceur. Le cadre légal est insuffisant et l'autorégulation des acteurs ne saurait suffire. Souvenez-vous : lorsque Magali Berdah, dans l'émission « Complément d'enquête », a été questionnée sur la promotion d'une montre connectée, elle a répondu qu'elle pratiquait « en totale transparence » et que, si elle ne portait pas cette montre le jour de l'entretien, c'était en raison d'une « tendinite au bras »… CQFD.

Le présent amendement instaure l'obligation pour les influenceurs de mentionner explicitement la finalité publicitaire de tout contenu diffusé en ligne qui revêtirait un caractère laudatif à l'égard d'une entité commerciale industrielle, artisanale, libérale ou agricole ou qui serait destiné à promouvoir la fourniture de biens et de services.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens, monsieur Taché, à vous remercier pour l'ampleur et la qualité de votre travail. Toutefois, il ne me paraît pas opportun, pour des raisons de cohérence, de reprendre les quarante-deux alinéas de votre propre proposition de loi dans celle-ci. Le cadre fixé par le présent texte me semble suffisant. Je vous invite à examiner avec nous comment insérer dedans une partie des dispositions que vous proposez. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vais saisir la main tendue mais je maintiens l'amendement afin qu'un maximum d'alinéas soient repris dans le texte transpartisan.

La commission rejette l'amendement.

Après l'article unique

Amendement CE15 de M. Aurélien Taché.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Des plaintes collectives, réunissant plus d'une centaine de personnes regroupées dans le collectif AVI, ont été déposées vendredi 20 janvier auprès de la procureure de Paris. Elles accusent des influenceurs, dont certains viennent de la téléréalité, d'escroquerie et d'abus de confiance. On trouve évidemment parmi eux le couple Blata, contre lequel les accusations d'escroquerie se multiplient depuis des mois sur Twitter et Instagram. « En lançant ces recours, souligne le collectif, nous souhaitons mettre en garde le public jeune et moins jeune sur les dangers de promotion de certaines “stars” sans scrupule. » Ces “stars” sont ce qu'on appelle aujourd'hui des influenceurs. Malheureusement, il n'en existe aucune définition juridique.

La présente proposition de loi permet d'avancer dans cette direction. Toutefois, le premier impératif serait de donner la définition la plus précise possible de l'influenceur ainsi que son articulation avec d'autres activités, comme mannequin, artiste-interprète ou auteur. Mon amendement vise aussi à rendre obligatoire la conclusion d'un contrat écrit entre l'agent et chacun des influenceurs qu'il représente.

Une autre disposition figurant dans ma propre proposition de loi est la possibilité de contrôler le service après-vente grâce à un numéro de téléphone actif. Il arrive en effet qu'une personne qui perd ses cheveux après avoir utilisé un shampoing à la composition douteuse n'ait personne contre qui se retourner.

Enfin, l'amendement prévoit en cas de manquement des sanctions pénales allant jusqu'à six mois d'emprisonnement et une amende de 75 000 euros.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Voilà encore un amendement très dense. Les sujets abordés sont intéressants et certains sont d'ailleurs traités par le présent texte. Il faudrait examiner dans le détail comment les dispositions que vous préconisez pourraient prendre place de manière cohérente dans le cadre juridique que nous souhaitons créer.

Les auditions que nous avons menées font en outre apparaître que le code du travail n'est pas forcément le véhicule le plus opportun pour définir l'influenceur. Les influenceurs ne sont pas des salariés : il n'existe pas de lien de subordination avec un employeur. Il convient plutôt de privilégier le code de la consommation, dans une optique de protection du consommateur.

Je vous propose de retirer l'amendement, en attendant d'échanger plus longuement sur le sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'inscription de la définition de l'influenceur dans le code du travail me semble au contraire nécessaire pour une bonne articulation avec les professions voisines. Je maintiens donc l'amendement. Néanmoins, vous pouvez compter sur moi pour soutenir le texte et travailler à son amélioration.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE19 de M. Aurélien Taché.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le marché de l'influence est évalué à 15 milliards d'euros et 500 000 influenceurs contracteraient des partenariats publicitaires ; 4 % d'entre eux vivraient très confortablement. Pourtant, il n'existe aucune régulation des relations entre influenceurs et agents ou influenceurs et marques. Selon l'Observatoire de l'influence responsable 2021/2022, seuls 47 % des contenus sponsorisés sont correctement signalés.

J'ai été alerté il y a plusieurs mois sur l'ampleur des arnaques liées aux influvoleurs et c'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi sur le sujet. Il est néanmoins difficile de se faire une idée précise des arnaques subies. Les cas de shampoings à la composition douteuse, de régimes dangereux pour la santé, de commandes qui n'arrivent jamais sont légion ; ils sont relayés notamment par les collectifs de victimes. Pour que nous puissions en avoir une idée plus précise, cet amendement vise à ce que le Gouvernement rende, dans un délai de six mois à compter de la promulgation du présent texte, un rapport dressant l'état des lieux exhaustif des nouvelles pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l'influence en ligne et sur les réseaux sociaux, ainsi qu'une synthèse de l'ensemble des possibilités d'actions en justice, individuelles et collectives, qui s'offrent aux victimes de pratiques commerciales déloyales liées au marché de l'influence.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est vrai que nous manquons de données fiables. On parle tantôt de 500 000, tantôt de 150 000 influenceurs. On ne sait jamais vraiment qui cela concerne. On a du mal à évaluer le volume du marché publicitaire de l'influence. Certes, la DGCCRF mène un travail poussé d'analyse mais je suis plutôt favorable à votre amendement, qui aurait le mérite de souligner l'intention du législateur d'en savoir plus. Il s'agirait en quelque sorte d'un appel au Gouvernement. Ce serait en outre une manière de saluer la qualité du travail que vous avez fourni.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans presque tous les textes, on introduit des demandes de rapport. Je me permets de vous rappeler que nous disposons, en tant que commission permanente, de la possibilité de conduire des missions d'information, ce qui nous évite d'avoir à demander au Gouvernement de faire des rapports à notre place.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CE6 de Mme Nadège Abomangoli.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette demande de rapport vise à accroître les moyens de la DGCCRF, qui joue un rôle essentiel dans la répression des pratiques commerciales illicites de certains influenceurs. C'est d'ailleurs cette administration qui avait procédé aux contrôles et aux sanctions à l'encontre de Nabilla en 2020, manière de signaler que la puissance publique n'allait pas laisser pulluler les pratiques douteuses sur les réseaux sociaux. Toutefois, alors que le marché de l'influence n'a cessé de croître de façon exponentielle depuis 2016, avec une multiplication par dix de son chiffre d'affaires, les effectifs de la DGCCRF stagnent.

La définition d'un cadre juridique nécessite que l'on veille à son respect. Il faut nous donner les moyens de notre ambition. C'est pourquoi nous souhaitons demander au Gouvernement un rapport sur la mise en adéquation des moyens de la DGCCRF avec l'objectif de lutte contre les dérives des influenceurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet amendement me permet de saluer, au-delà du travail que M. Piquemal et vous avez fourni, celui des agents de la DGCCRF, qui sont mobilisés sur tous les fronts, en particulier sur celui de la lutte contre les pratiques illégales ou frauduleuses en ligne. Demander un rapport serait une bonne manière d'alerter le Gouvernement sur la nécessité de renforcer les moyens. Avis favorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE5 de Mme Nadège Abomangoli.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il s'agit d'une autre demande de rapport visant à interpeller le Gouvernement sur la future application en France du DSA et du DMA. Ces règlements européens témoignent d'une réelle ambition de réguler le champ du numérique à l'échelle du continent. Leur application nécessitera en revanche un dialogue constant avec les autres autorités européennes, notamment avec la commission irlandaise de protection des données – nombreuses sont les plateformes hébergées dans ce pays. Ils prévoient également que chaque pays nomme des « signaleurs de confiance », dont les notifications seront examinées en priorité. Cela permettra un contrôle accru des activités des plateformes.

Par cet amendement, nous souhaitons focaliser le débat sur les plateformes, restées en marge de la proposition de loi. Nous aimerions savoir à partir de quels critères seront désignés les signaleurs de confiance. Nous estimons que les associations nationales de consommateurs auraient toute leur place dans ce dispositif.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un projet de loi de transposition va être déposé : nous aurons donc l'occasion d'en reparler. Par respect pour le travail du Parlement, j'émettrai un avis défavorable sur cet amendement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour une fois que nous disions du bien l'Union européenne !

(Sourires.)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je confirme qu'un projet de loi de transposition du DSA et du DMA est en préparation. Il devrait être déposé au printemps et notre commission en sera probablement saisie au fond.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La proposition de loi transpartisane consacrera en outre un chapitre au DSA et aux plateformes. D'ici là, nous aurons eu le temps de travailler avec Bercy et de nous faire expliquer le projet de loi de transposition.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En outre, le Gouvernement s'est déjà largement exprimé sur ses intentions en la matière. Nous avons même commencé à introduire certaines dispositions dans notre droit – je pense au texte visant à lutter contre la cyberhaine. Des débats auront lieu sur le sujet au printemps. Une demande de rapport ne me semble vraiment pas utile.

La commission rejette l'amendement.

La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, je vous félicite pour votre travail et pour le caractère transpartisan de votre démarche. Je suis à votre disposition si vous souhaitez organiser, dans le cadre de la commission, des auditions sur le sujet. Travaillons tous ensemble sur ce beau projet !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie pour ma part l'ensemble des collègues qui ont participé à cette réunion dans un esprit constructif et bienveillant. Une telle respiration est bénéfique à tous. Elle permet en outre de mettre en valeur le rôle du Parlement. Dans les mois qui viennent, nous allons construire ensemble un nouveau cadre juridique. Prochaine étape : jeudi, en séance !

Puis la commission a entendu la communication présentée par Mme Sophia Chikirou et M. Charles Rodwell au titre du groupe de travail sur les dispositifs de soutien à l'export et à l'attractivité des investissements étrangers en France.

Ce point de l'ordre du jour ne fait pas l'objet d'un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l'Assemblée à l'adresse suivante :

https://assnat.fr/CnM1V3.

Présentation de la communication du groupe de travail sur les dispositifs de soutien à l’export et à l’attractivité des investissements étrangers en France

Questions des représentants des groupes

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 9 h 35

Présents. - M. Xavier Albertini, M. Antoine Armand, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Bertrand Bouyx, Mme Françoise Buffet, M. André Chassaigne, Mme Sophia Chikirou, M. Dino Cinieri, M. Romain Daubié, M. Arthur Delaporte, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Christine Engrand, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, Mme Géraldine Grangier, M. Johnny Hajjar, M. Alexis Izard, M. Guillaume Kasbarian, M. Luc Lamirault, Mme Hélène Laporte, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Jacqueline Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Yaël Menache, Mme Louise Morel, M. Jérôme Nury, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, Mme Anaïs Sabatini, Mme Sabrina Sebaihi, M. Aurélien Taché, M. Jean-Marc Tellier, Mme Aurélie Trouvé, M. André Villiers, M. Stéphane Vojetta

Excusés. - M. Laurent Alexandre, M. Perceval Gaillard, M. Bastien Marchive, M. William Martinet, M. Paul Midy, M. Nicolas Pacquot, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. - Mme Nadège Abomangoli, M. Mansour Kamardine, Mme Maud Petit, M. François Piquemal, M. Jean-Pierre Taite, M. Guillaume Vuilletet