Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 14 mars 2018 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Jean-Cyril Spinetta et M. Jean-François Colin sur le rapport « L'avenir du transport ferroviaire ».

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi M. Jean-Cyril Spinetta, auteur du rapport « L'avenir du transport ferroviaire » qui a été remis au Premier ministre le 15 février dernier. M. Spinetta est accompagné de M. Jean-François Colin, ancien directeur général adjoint des ressources humaines de la SNCF, avec qui il a collaboré dans le cadre de la rédaction de son rapport. Ce document conclut une mission qui lui a été confiée par le Premier ministre et dont l'objectif était, selon les termes de la lettre de mission, de « préparer une stratégie d'ensemble pour refondre le modèle du transport ferroviaire dans le cadre d'un marché ouvert à la concurrence, en préservant les missions d'un service public performant ».

En effet, la transposition des dispositions du quatrième paquet ferroviaire de décembre 2016 doit intervenir avant la fin de l'année ; elle implique notamment l'ouverture à la concurrence des TGV, les trains à grande vitesse, à la fin de l'année 2019 et des TER, les trains express régionaux, en 2023. Par ailleurs, le modèle économique du groupe public ferroviaire peut susciter des interrogations : SNCF Réseau, confronté à une dette de 46,6 milliards d'euros, doit renouveler les infrastructures, notamment pour assurer des transports quotidiens de qualité. On peut toutefois relever avec satisfaction que les résultats annuels du groupe SNCF sont en progression en 2017, grâce à une croissance de son chiffre d'affaires de 4,2 % par rapport à 2016, à une hausse de la fréquentation des TER de 4,7 % et à une forte croissance des activités « voyageurs longue distance ».

Monsieur Spinetta, le Premier ministre a fait connaître, le 26 février dernier, les grandes orientations de la réforme du système ferroviaire que le Gouvernement entend mettre en oeuvre. Celles-ci s'inspirent, sans les reprendre dans leur intégralité, des conclusions de votre rapport : transformation de la SNCF en société nationale à capitaux publics, fin du recrutement de cheminots sous statut, projet stratégique d'entreprise pour améliorer l'efficacité industrielle de la SNCF et réduire ses coûts, définition des conditions de transfert des salariés dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, traitement d'une partie de la dette par l'État. Cependant, le Premier ministre n'a pas souhaité engager la réforme concernant la fermeture de certaines petites lignes de desserte régionale préconisée dans votre rapport.

Pouvez-vous nous indiquer si vous considérez que vos conclusions forment un tout indissociable ? La reprise d'une partie d'entre elles seulement vous paraît-elle de nature à nuire à la cohérence et à l'efficacité des mesures envisagées ?

Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que votre rapport a suscité de nombreuses réactions. Pourriez-vous nous préciser la méthode qui vous a guidé dans son élaboration et nous présenter les principales conclusions qui vous paraissent devoir être retenues ? Avez-vous notamment tenu compte, dans votre analyse, des conditions dans lesquelles a été organisée l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire ?

Il a pu être reproché à votre rapport de ne pas suffisamment tenir compte des attentes de nos concitoyens en matière d'aménagement du territoire et d'accès aux services publics. Pourriez-vous nous préciser votre position à cet égard ?

Enfin, la fin du recrutement des cheminots sous statut suscite, elle aussi, des interrogations, notamment en raison du lien qui semble établi entre ce statut et la dette de la SNCF. Comment avez-vous conclu qu'une telle mesure était nécessaire dans l'optique de l'ouverture à la concurrence ? Pourriez-vous nous éclairer quant à votre estimation du surcoût, évalué à 30 %, imputable aux frais de structure et de personnels de la SNCF par rapport aux règles du marché ?

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Jean-Cyril Spinetta

Je vous remercie de m'accueillir. Je vais m'efforcer de répondre aux questions que vous venez de me poser et de donner les principaux éléments du rapport que j'ai remis au Premier ministre à la mi-février.

Le Gouvernement a fait le choix – de manière, je suppose, tout à fait consciente – de confier ce rapport à quelqu'un qui n'était pas un spécialiste du ferroviaire. Vous me permettrez donc de commencer en évoquant les sujets qui ont suscité mon étonnement lorsque je me suis penché sur la question. Campons d'abord le décor : le réseau ferroviaire français, à peu près équivalent au réseau allemand, est le deuxième réseau ferroviaire européen, les opérateurs allemand et français étant d'assez loin les deux premiers opérateurs ferroviaires européens.

Premier sujet d'étonnement : dans le secteur du transport de voyageurs, le transport ferroviaire regagne de manière significative des parts de marché par rapport à l'ensemble des autres offres de mobilité : car, voiture, avion… De 7,5 % en 2000 – un point bas a été atteint à cette date –, elles sont passées à environ 10 %. Le gain est donc important. Ma conviction est que le transport ferroviaire, parfois décrit, à tort, comme appartenant au passé, est un mode de transport d'avenir et qu'il a les moyens de continuer à gagner des parts de marché.

Deuxième sujet d'étonnement : l'importance des concours publics au secteur. Là encore, j'avais, à tort, le sentiment que le secteur était délaissé par les pouvoirs publics. Or, les concours publics au transport ferroviaire n'ont cessé d'augmenter de manière significative en euros constants et pas seulement en euros courants. Je voudrais, ici, donner quelques chiffres que vous avez certainement tous en tête. Pour la part des activités de la SNCF qui ne concerne que le transport ferroviaire, c'est-à-dire SNCF Réseau et SNCF Mobilités « Transport ferroviaire », le chiffre d'affaires ou le besoin de financement est de 22 milliards d'euros par an. Or, il est assuré par des recettes commerciales à hauteur d'un peu moins de 9 milliards, par des concours publics – État, collectivités régionales, subventions de fonctionnement, subventions d'investissement – à hauteur d'un peu plus de 10 milliards et une dette de l'ordre de 3 milliards qui, en réalité, peut être assimilée à un concours public implicite au transport ferroviaire.

La partie la moins commentée de mon rapport, et celle que j'ai eu le plus de mal à rédiger, porte sur le modèle économique du transport ferroviaire. Je viens en effet d'un secteur dans lequel le principe de subvention a existé et n'existe plus. Aussi, lorsque j'ai découvert ce volume de concours publics, me suis-je interrogé sur le modèle économique de ce mode de transport. Au fond, ma conclusion est que la situation française n'est pas exceptionnelle ; elle se retrouve partout, en Europe, où des transports ferroviaires significatifs ont été maintenus : Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Suisse, Autriche… Les concours publics rapportés à l'habitant ou au foyer fiscal sont probablement plus importants en France qu'ils ne le sont en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie ou en Espagne, mais ils le sont moins qu'en Suisse ou en Autriche. La France se situe donc dans une situation intermédiaire, plutôt favorable du point de vue de l'importance des concours publics, mais pas exceptionnelle. Il s'agit en effet d'un mode de transport qui nécessite, par nature, d'être subventionné et dont le besoin de subventions est élevé.

Le domaine de pertinence du ferroviaire – et, au fond, c'est là l'essentiel – est défini par l'intérêt collectif. Je rappelle les chiffres : 9 milliards d'euros de recettes, un peu plus de 10 milliards d'euros de concours publics et 3 milliards d'euros de dette. Dans le modèle économique du transport ferroviaire, la notion de rentabilité au sens classique du terme n'est pas pertinente – je dirai tout à l'heure quelques mots des petites lignes évoquées par Mme la présidente Barbara Pompili. Dès lors, me semble-t-il, deux questions de bon sens se posent, comme à chaque fois que des concours publics importants sont alloués à une activité économique.

Tout d'abord, il convient de s'assurer qu'un euro public investi rapporte plus, non pas au sens de la rentabilité classique, mais du point de vue des facilités de déplacement, de la réduction de la pollution et de l'empreinte environnementale, de la productivité des entreprises, du dynamisme du marché de l'emploi, bref : un euro public investi doit rapporter plus, au plan collectif, que cet euro. Ensuite, la SNCF étant, pour une grande partie de ses activités, un service public indispensable, la seconde question qui se pose est celle de savoir si chaque euro public investi est utilisé de la manière la plus efficace et la plus opérationnelle possible. C'est, me semble-t-il, à la lumière de ces deux questions que devraient être examinés l'ensemble des choix à faire en matière de transport ferroviaire.

Troisième sujet d'étonnement : l'état de vétusté, pour ne pas dire plus, du réseau ferroviaire français. Dans la conclusion de son rapport, commandé en 2005 par la SNCF, M. Robert Rivier, spécialiste suisse du transport ferroviaire, membre de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, indiquait : « Si la situation actuelle devait perdurer (les moyens alloués à la maintenance des infrastructures se réduisent de 30 % par an en valeur constante), ne subsisterait à l'horizon 2025 qu'un tiers du réseau ferré national. La totalité du réseau capillaire (groupes UIC 7 à 9) [c'est-à-dire les petites lignes, dont on a beaucoup parlé] ne pourra plus être normalement exploité dès 2011-2015 ».

Ce rapport n'a fait l'objet d'aucune objection ni d'aucune contestation, même si le diagnostic était assez clair. De fait, toujours selon ce rapport, pendant environ trente ans, entre 1980 et 2010, les investissements de renouvellement du réseau – la maintenance, l'entretien courant étaient bien sûr assurés dans les meilleures conditions possibles – ont été un peu délaissés. Je citerai un chiffre : le renouvellement des infrastructures, qui concernait 1 000 à 1 100 kilomètres de lignes chaque année, n'a plus porté, pendant trente ans, que sur 400 à 500 kilomètres par an. Les problèmes que rencontrent les autorités organisatrices, les régions, mais aussi et avant tout les usagers du transport ferroviaire sont dus à ce retard d'investissement. Le rebond ne s'est réellement produit qu'à partir de 2010 et, surtout, de 2013, lorsqu'il a enfin été décidé d'affecter au renouvellement et à la régénération du réseau 3 milliards d'euros par an. Si l'on veut rattraper le retard, cet effort devra être poursuivi pendant au moins une vingtaine d'années.

Tels sont les premiers constats que j'ai dressés.

En ce qui concerne les petites lignes, que vous avez évoquées, madame la présidente, le professeur Rivier écrit dans son rapport de 2005 : « Parmi les réseaux européens comparés, seul le réseau national français compte une telle proportion de lignes à faible trafic. Il y a lieu de s'interroger sur la pertinence du maintien d'un trafic très faible sur un système conçu pour le transport de masse. » C'est une appréciation que j'ai faite largement mienne, peut-être à tort. En tout état de cause, elle a évidemment orienté l'ensemble des réflexions qui ont abouti à ce rapport. Là encore, il ne s'agit pas de la rentabilité de ces lignes ; la notion de rentabilité n'a strictement aucun sens. Je vais citer des chiffres que vous connaissez tous, compte tenu des responsabilités que vous assumez, les uns et les autres, dans vos régions respectives : le coût de fonctionnement annuel des TER est de 4 milliards d'euros alors que les recettes commerciales sont de 1 milliard d'euros. La question qui se pose n'est donc pas celle de la rentabilité mais de savoir où, dans un système qui souffre d'un manque d'investissement, les concours publics doivent être affectés de manière prioritaire.

La question se pose d'autant plus que l'on constate que, dans beaucoup de grandes gares, non seulement à Paris, mais aussi à Lyon, Marseille ou Toulouse, des goulots d'étranglement provoquent des saturations du trafic et empêchent le transport ferroviaire de croître alors même que la demande sociale est forte. Les noeuds ferroviaires doivent donc bénéficier d'efforts considérables qui devront être poursuivis pendant de très nombreuses années. Le réseau doit être numérisé et modernisé par l'adoption des systèmes de signalisation modernes – je pense au standard européen ERTMS (European Rail Traffic Management System) – qui permettrait d'augmenter de manière extrêmement importante la capacité des lignes. La France a pris beaucoup de retard dans ce domaine, compte tenu des choix qui ont été les siens de consacrer plutôt ses efforts au développement de lignes nouvelles. Ce retard doit être rattrapé ; ce sont, du reste, des exigences européennes. La prise de conscience est récente : elle date de 2010-2013. D'où cette dette de 3 milliards d'euros par an, qui alourdit les comptes de SNCF Réseau, dont la dette s'élève à 46 milliards d'euros et atteindra, si rien n'est fait, 62 ou 63 milliards d'euros en 2025 ou 2026.

J'en reviens aux petites lignes. J'ai proposé, non pas qu'elles soient fermées – du reste, cela ne relève pas de ma responsabilité de le proposer –, mais qu'il en soit dressé un bilan socio-économique – et j'insiste sur ce caractère socio-économique – prenant en compte l'ensemble des éléments : le service rendu, le gain écologique, la productivité des entreprises, l'accès au marché du travail, les besoins sociaux… J'ai proposé que ce bilan soit dressé selon une terminologie définie par France Stratégie, comme c'est la règle, et que les résultats de ces évaluations soient rassemblés dans un rapport transmis au Parlement, afin que celui-ci en débatte et que les décisions soient objectivées et rationnelles.

J'ajoute que SNCF Réseau a décidé de ne plus investir dans ces lignes peu fréquentées, sauf si les régions décident de le faire, en fonction des responsabilités qui sont les leurs et de leur appréciation de l'intérêt de ces lignes. L'établissement n'intervient plus, quant à lui, que sur la base d'un forfait de 8,5 %. En conséquence, il est inéluctable que beaucoup de ces petites lignes peu fréquentées ferment, parce qu'elles seront hors d'âge dans les années qui viennent. Il me semble donc qu'une politique rationnelle, objectivée, qui détermine ce qu'il faut conserver et ce qui peut ne pas l'être, serait meilleure que la politique un peu aveugle qui s'applique actuellement. Le Gouvernement a exprimé son choix dans ce domaine, et je n'ai pas à le contester. Pour répondre à l'une de vos préoccupations, madame la présidente, la question des petites lignes, que je crois importante, ne remet pas en cause l'ensemble de l'équilibre du rapport que j'ai remis au Premier ministre, sauf sur un point : je pensais que, dans ce secteur, quelques économies pouvaient être faites pour être réaffectées aux noeuds ferroviaires et aux véritables priorités. J'ai même proposé qu'aux 3 milliards d'euros d'investissements aujourd'hui prévus pour la rénovation du réseau, on ajoute 500 millions par an pour atteindre 3,5 milliards. Les économies qui auraient pu résulter de l'examen des petites lignes n'avaient pas vocation, dans mon esprit, à sortir du ferroviaire mais à lui être réaffectées en totalité, dans les domaines qui seraient apparus comme prioritaires.

La deuxième grande question est évidemment celle de la concurrence. Vous l'avez dit, à la suite d'un chapelet de textes européens égrené depuis plus de dix ans, la concurrence va devenir le principe d'organisation du secteur ferroviaire en France, comme elle l'est déjà dans de nombreux pays européens qui ont anticipé cette évolution. Je pense notamment à l'Allemagne, à la Suède, à la République tchèque et à l'Italie. J'ai suggéré que les réseaux à grande vitesse s'ouvrent à la concurrence sous la forme d'un accès libre (open access), afin que la concurrence s'exerce « dans le marché » et non pas « pour le marché ». Cette recommandation sera sans doute prise en considération. Personne ne sait quelles seront les intentions des différents acteurs, français et européens, s'agissant de la grande vitesse. J'y reviendrai probablement dans mes réponses à vos questions, mais il est très difficile d'évaluer quel sera le nombre des candidats pour ces réseaux, puisque les lignes internationales ouvertes depuis plusieurs années n'ont jusqu'à présent suscité l'intérêt d'aucun compétiteur.

Mais le véritable problème de la concurrence – sur lequel doivent, me semble-t-il, se concentrer les réflexions – concerne le secteur conventionné, c'est-à-dire principalement les TER. Si mes recommandations sont suivies, les régions qui seront volontaires pourront se lancer à partir de 2019 pour une mise en oeuvre effective en 2021, de manière probablement progressive et maîtrisée. Mais, en 2023, la concurrence deviendra le principe organisateur général pour les services conventionnés.

Je souhaite insister ici sur un point, qui me paraît majeur : les marchés des transports régionaux sont, pour l'essentiel, des marchés de main-d'oeuvre, de coûts salariaux. En effet, qu'il s'agisse des trains ou des ateliers de maintenance, les investissements sont assumés par les régions. Les concurrents chiffreront le cahier des charges à partir de celui qui sera établi par l'autorité organisatrice, et l'essentiel de leurs coûts seront des coûts salariaux. Aborder ce système de concurrence avec un handicap en matière de compétitivité – lié non seulement au niveau des salaires, mais aussi à la productivité – fait courir un risque important à l'opérateur historique qu'est la SNCF. Cette question mérite donc, me semble-t-il, une très grande attention.

Vous avez évoqué, madame la présidente, le chiffrage que M. Jean-François Colin et moi-même avons établi. Les chiffrages ne sont pas très faciles à réaliser : l'opérateur historique étant en situation de monopole, nous manquons de références disponibles, sauf sur un point, le temps de travail. Une convention collective nationale de branche, signée en 2016, permet en effet d'établir une comparaison simple, d'où il ressort qu'il existe un écart de 10 % entre les règles appliquées par la SNCF et celles qui résultent de la convention nationale de branche.

Nous avons identifié trois autres domaines dans lesquels les chiffrages sont moins évidents. Premier domaine : le dictionnaire des filières et des métiers de la SNCF, c'est-à-dire la définition des postes de travail. Il nous semble qu'en la matière, la SNCF a pris un certain retard dans l'organisation des polyvalences possibles, ainsi que dans l'amélioration de l'organisation du travail et la productivité. Deuxième domaine : les classifications et les parcours professionnels, qui débouchent, à la SNCF, sur un revenu moyen des personnes présentes – pardon d'évoquer ces notions un peu ésotériques – ou sur un glissement vieillesse technicité (GVT) supérieur à 2 % par an, ce qui est complètement déconnecté des réalités du marché. Enfin, il existe à l'évidence, à la SNCF – personne ne le conteste, d'ailleurs –, des sureffectifs importants – plusieurs milliers – et des coûts de structure qui mériteraient sans doute d'être allégés. Je ne parle pas de la cotisation spécifique sur les retraites, le taux T2, qui s'y ajoute, car c'est un autre sujet.

Cet ensemble – temps de travail, métiers, classifications et parcours professionnels, sureffectifs et coûts de structure – génère l'écart de 20 à 30 % qui existe entre la SNCF et les autres entreprises – et je parle d'entreprises françaises, appliquant les règles du droit social français. Ma conviction est qu'aborder ces marchés, qui sont des marchés de coûts salariaux et de main-d'oeuvre, avec un tel écart de coût, c'est s'exposer à un poison lent mais dont les conséquences seront à terme douloureuses pour la SNCF. En Allemagne, où l'on a anticipé l'attribution des marchés régionaux sous la forme de délégations de service public ou de marchés publics, l'opérateur national des chemins de fer allemands a perdu 40 % de l'ensemble de ses marchés. Dans le secteur du fret, où l'on observe un tel différentiel de productivité et de compétitivité entre la SNCF et les opérateurs privés – qui, eux aussi, perdent de l'argent, mais en perdent moins –, l'opérateur historique a progressivement perdu pratiquement 40 % du marché. Cette question doit donc, me semble-t-il, être regardée en face, car il convient, je le crois, de prendre les décisions qui s'imposent.

C'est dans ce cadre que nous avons soulevé le problème du statut : faut-il continuer à embaucher du personnel régi par le statut ou faut-il, tout en garantissant aux personnes qui sont déjà sous statut le respect scrupuleux de leurs droits acquis, ne plus embaucher qu'en dehors du statut ? Je précise qu'actuellement, 15 000 des 145 000 agents de la SNCF qui travaillent dans le secteur ferroviaire sont hors statut et que leur proportion a augmenté de manière significative ces dernières années. J'ajoute que ne pas être régi par le statut ne signifie pas être sans statut : ces agents relèvent du statut des contractuels de la SNCF, qu'il faut sans doute parachever, améliorer et mieux définir.

Ma troisième remarque porte sur la gouvernance de la SNCF. Celle-ci a été organisée par la loi d'août 2014 en trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) : l'EPIC de tête, l'EPIC SNCF Réseau et l'EPIC SNCF Mobilités.

J'ai dit quels sont les résultats actuels de l'EPIC SNCF Réseau : il réalise les investissements nécessaires – ceux-ci sont peut-être encore insuffisants, mais un effort significatif a été accompli –, mais est à l'origine d'une dette de 3 milliards d'euros par an. Or, financer des besoins essentiels par la dette est une facilité à laquelle il devrait, me semble-t-il, être mis un terme.

À ce propos, j'ai fait une proposition qui a été peu commentée mais qui me paraît importante : le coût complet du réseau – qui a été ignoré pendant des années, pour ne pas dire des décennies – pourrait être une référence, calculée par SNCF Réseau et l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), qui devrait être prise en compte dans les décisions concernant le renouvellement du réseau. Ce coût complet, on le connaît à peu près, même si les spécialistes en discuteront exactement les termes : il est de l'ordre de 8 à 9 milliards d'euros par an. Il doit être assumé par la collectivité nationale, soit à travers des péages, soit par des subventions, mais il n'est plus possible de faire l'impasse sur le coût complet d'un réseau ferroviaire de 30 000 kilomètres de lignes. Ce coût est élevé, mais il doit être assumé, faute de quoi l'on se retrouve dans la situation que l'on connaît aujourd'hui.

Comment aboutir à terme à l'équilibre de SNCF Réseau ? Il faut d'abord consentir des efforts de productivité, déjà engagés et normés dans le cadre du contrat pluriannuel conclu en 2017 avec l'État, qui concerne un plan devant s'achever en 2026 et se traduire par le quasi-équilibre des flux de trésorerie de l'établissement – même si d'aucuns ont jugé trop optimistes les hypothèses retenues. Le renforcement des efforts de productivité, la redéfinition des péages – sur lesquels nous reviendrons sans doute au cours de notre échange – et une reprise de dette par l'État libérant SNCF Réseau d'une partie significative de ses frais financiers lui permettraient d'atteindre l'équilibre de ses flux de trésorerie et, ainsi, de financer les investissements nécessaires à un horizon assez proche.

Par une évidente obligation, j'ai été prudent sur le sujet extrêmement sensible de la dette, qui ne peut être tranché que par le Gouvernement, seul capable d'établir les chiffres. En cas de reprise, la dette serait naturellement incorporée à la dette publique mais aussi au déficit public, ce qui pourrait présenter un problème important. J'ai donc recommandé que la reprise de dette soit calculée de manière à permettre le retour à l'équilibre des flux de trésorerie de SNCF Réseau avant le terme du contrat pluriannuel qui lie l'établissement à l'État.

La transformation de SNCF Réseau en société nationale à capitaux publics – dont je rappelle qu'elle fut la forme juridique de la SNCF pendant quarante-cinq ans, de sa création en 1937 jusqu'en 1982 – aurait pour principal intérêt de mettre un terme à la facilité de la dette et obligerait tous les acteurs, sans exception, à assumer les coûts complets du réseau sans engendrer une dette incontrôlable.

Je m'arrêterai là, madame la présidente, même si les sujets que je n'ai pas évoqués sont nombreux, comme celui, sensible, des transferts de personnel dans les cas où les contrats de TER seraient remportés par des concurrents de la SNCF, sur lequel le rapport est très détaillé. Si j'ai intitulé ce rapport « L'avenir du transport ferroviaire », c'est parce que j'ai la conviction que le transport ferroviaire est un mode de transport d'avenir et que ses principales caractéristiques tiennent au fait qu'il est un transport de masse qui arrive au coeur des agglomérations, dont l'empreinte environnementale est faible – ce qui est un atout considérable par rapport à tous les autres modes de transport et dont il faut toujours tenir compte – et dont l'intensité capitalistique est extrêmement forte et les coûts élevés. C'est pourquoi il faut réfléchir à la meilleure allocation des concours publics, qui sont inhérents au modèle économique du secteur ferroviaire – lequel, sans eux, ne pourrait pas assurer ses missions de service public.

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Je vous remercie pour cet exposé qui suscite de nombreuses questions. Nous allons tout d'abord entendre les orateurs des groupes politiques, en commençant par Mme Zivka Park pour le groupe La République en Marche.

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Le rapport que vous avez remis au Premier ministre, monsieur Spinetta, établit un diagnostic complet et lucide de la réalité du transport ferroviaire et rappelle l'urgente nécessité d'engager une refondation qui ne porte pas simplement sur la SNCF mais aussi sur l'ensemble du système ferroviaire.

Les Français sont profondément attachés au service public ferroviaire qui assure, chaque jour, le transport de plus de quatre millions de voyageurs dans nos grandes villes et nos territoires ruraux. Cela étant, c'est un service public qui coûte de plus en plus cher, vous l'avez indiqué, et dont la performance et la qualité sont dégradées. Les investissements nécessaires n'ont pas été réalisés, l'entretien du réseau existant ayant été sacrifié – une situation qui a entraîné un retard massif de modernisation et qui pénalise les usagers au quotidien.

Le rapport souligne que le ferroviaire est un mode de transport indispensable qui, par nature, ne peut exister sans être massivement subventionné. Vous estimez qu'il faut recentrer le transport ferroviaire sur son domaine de pertinence, à savoir les transports du quotidien en zones urbaines et périurbaines et les dessertes à grande vitesse entre les principales métropoles françaises. Vous soutenez que c'est en déployant les moyens là où ils sont les plus utiles que le transport ferroviaire pourra retrouver sa place et sa légitimité. Ainsi, votre rapport contient quarante-trois recommandations sur les principaux sujets. Nous avons l'occasion aujourd'hui de vous interroger sur quelques-uns des chantiers de réforme au regard des orientations formulées par le Gouvernement.

Dans votre rapport, vous ne proposez pas de transformer SNCF Réseau et SNCF Mobilités en sociétés anonymes privées, mais en sociétés nationales à capitaux publics ; le Premier ministre a d'ailleurs écarté toute idée de privatisation. Selon vous, la future loi doit préciser que le capital de ces deux sociétés ne pourra être cédé. Pourriez-vous nous préciser en quoi le fait de rester un EPIC constituerait un handicap pour SNCF Réseau et SNCF Mobilités ? Quelles garanties la transformation des deux sociétés en société nationale à capitaux publics offrirait-elle ? Dans quelle mesure la construction d'une nouvelle SNCF permettra-t-elle de résoudre la question de son endettement ?

La reprise de la dette est indispensable pour remettre le système à plat. Le Premier ministre a annoncé que l'État prendrait sa part de responsabilité avant la fin du quinquennat. Pourriez-vous nous apporter des précisions quant à d'éventuelles dispositions interdisant à l'avenir à SNCF Réseau de reconstituer une dette non soutenable ?

Vous estimez que l'ouverture à la concurrence offre une chance au système ferroviaire français. Vous rappelez que, lorsqu'elle a été bien préparée, elle a abouti, dans les autres pays européens, à une augmentation du trafic et à une amélioration de la qualité du service. Nous souhaiterions vous interroger sur les conditions de l'organisation de l'équité entre les différents opérateurs, sur les rôles des régions et sur la définition des contrats de service public dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Pourriez-vous notamment préciser votre proposition de prévoir pour les lignes les moins rentables des conventions qui seraient financées par une taxe de péréquation payée par l'ensemble des entreprises ferroviaires ?

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Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à vous féliciter pour la qualité de ce rapport rédigé dans des délais serrés, qui nous permet de disposer d'un bilan et de recommandations sur l'avenir du transport ferroviaire français. Je ne donnerai pas la position de mon groupe car le travail de fond est encore en cours : ce rapport servira à nourrir la réflexion. Plusieurs de mes collègues vous interrogeront pour que chacun des groupes et notre commission dans son ensemble puissent se faire une idée de l'avenir du transport ferroviaire et de la nécessité de légiférer.

Vous avez évoqué l'EPIC de tête. Quelle en est précisément votre vision ? À la lecture des quarante-trois recommandations figurant dans le rapport, il ne semble pas que vous ayez nettement précisé quel pourrait être son avenir.

Vous avez également abordé l'état des lieux précis des petites lignes reposant sur une expertise et une contre-expertise. Cet état des lieux n'est-il pas déjà réalisé par la structure SNCF Réseau, sachant que cette entreprise connaît bien ses sites, ses ouvrages d'art et ses lignes ? Qu'y a-t-il à faire de plus que ce dont nous disposons déjà ?

D'autre part, vous avez confirmé qu'il faudrait envisager la fermeture de certaines infrastructures en fonction de leur qualité et de leur utilité. Vous semble-t-il important de tenir compte de l'aménagement du territoire auquel contribuent ces lignes, au-delà de leur seule rentabilité économique ? Vous avez d'ailleurs précisé que les crédits du contrat de plan devraient être réaffectés : de quel contrat de plan parlez-vous ? Du contrat en cours ou du prochain ?

Enfin, permettez-moi de revenir sur la question de fond de la mise en concurrence. Deux solutions existent : la franchise ou l'open access. Vous avez évoqué la seconde ; les Britanniques obtiennent des résultats plutôt satisfaisants avec le régime de la franchise. La mise en concurrence n'entraînera-t-elle pas un dérapage qui conduira à financer des lignes peu rentables par les régions, faute de repreneurs ?

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La parole est à Mme Aude Luquet pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

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Dans votre rapport, vous dressez un constat sévère mais juste de l'état de notre système ferroviaire : déficit de la SNCF, dégradation des infrastructures, performances insatisfaisantes. Vous soulignez néanmoins les nombreux atouts du système ferroviaire français qui, si nous y consacrons les moyens, a toutes les capacités de se développer et d'affronter l'ouverture prochaine à la concurrence. Pour ce faire, vous invitez l'État à relever plusieurs défis.

Le premier d'entre eux tient à la modernisation du réseau. Les Français paient de plus en plus cher pour un service qui fonctionne de moins en moins bien, j'en ai encore fait l'expérience ce matin en prenant la ligne R du Transilien entre Melun et Paris. Depuis des décennies, les gouvernements ont favorisé le développement du réseau à travers l'extension des lignes TGV au détriment de l'entretien et du renouvellement des infrastructures existantes. La vétusté de notre réseau se traduit par la multiplication des incidents et des retards, alors que l'État et les régions dépensent plus de 14 milliards d'euros par an en soutiens publics. Sur ce point, chacun reconnaît l'urgence de donner la priorité aux moyens consacrés aux transports du quotidien.

Le deuxième défi est celui de la dette et de la réorganisation du groupe. Comme l'a rappelé Mme la présidente, la dette atteint près de 50 milliards d'euros et le déficit annuel, 3 milliards. Cet endettement n'est plus concevable car il menace l'ensemble du système. L'organisation actuelle du groupe, qui repose sur trois établissements publics, n'est pas non plus viable et doit évoluer vers davantage d'efficacité. Vous préconisez la constitution d'un groupement sous la forme d'une société nationale à capitaux publics. Pouvez-vous préciser les avantages que permettrait une telle transformation, notamment son incidence sur la dette ? La question de la dette recouvre également celle du coût des dessertes de ce que l'on appelle les « petites lignes ». Le Premier ministre a d'ores et déjà affirmé qu'il ne suivrait pas les recommandations de votre rapport. Malgré tout, ces fermetures vous paraissent-elles inéluctables ? Quid de la dimension écologique d'un transfert du trafic sur les routes ?

Troisième défi : l'ouverture à la concurrence et l'organisation de la SNCF. Pour réussir cette ouverture, il est impératif de remettre à plat l'ensemble de notre système. Plusieurs pays d'Europe l'ont déjà faite depuis longtemps : en Allemagne, l'opérateur national historique, la Deutsche Bahn, a conservé 80 % des prestations et a augmenté sa fréquentation sans pour autant améliorer la régularité de ses trains. En Italie, le prix des trains a baissé mais l'état des lignes régionales a continué de se dégrader. Au Royaume-Uni, enfin, les tarifs ont bondi de 30 % depuis l'ouverture à la concurrence et, là aussi, le réseau est vétuste et les retards se multiplient. Ces différents exemples européens montrent que l'ouverture à la concurrence n'entraîne pas d'amélioration automatique des services. Selon vous, quels sont les écueils que l'État et la SNCF doivent éviter pour réussir l'ouverture à la concurrence ?

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Tout est bien dans votre rapport, Monsieur Spinetta : il ne contient strictement rien de révolutionnaire et je suis très surpris des étonnements de certains. Même si vous formulez quelques préconisations assez audacieuses, ce que vous écrivez est connu de longue date et chacun sait que cela devait arriver maintenant. Je vous sais gré de l'indiquer aussi clairement, d'évoquer la nécessité de reprendre une partie de la dette en contrepartie des économies réalisées, car c'est indispensable pour que la SNCF continue de fonctionner. Je vous remercie également d'indiquer que le rail est un mode de transport qui ne peut exister sans être massivement subventionné, comme c'est partout le cas ailleurs. Par conséquent, si nous voulons disposer d'un système pérenne, il nous faut augmenter le niveau de financement. D'autre part, chacun sait, y compris les organisations syndicales, que l'ouverture à la concurrence est inéluctable. Merci, enfin, d'insister sur la nécessaire évolution du statut, que plusieurs d'entre nous préconisent depuis un certain nombre d'années, tout en préservant le caractère public de la SNCF. Sur ces sujets, nous sommes tous d'accord. Il n'y a là rien de révolutionnaire, même si nous sommes prisonniers du temps ; peut-être aurions-nous pu nous engager un peu plus tôt, mais les élections présidentielle et législatives nous ont retardé. Quoi qu'il en soit, le groupe UDI, Agir et Indépendants soutiendra cette réforme.

Votre rapport contient tout de même quelques audaces sujettes à controverse. La fin du recrutement au statut pour les futurs embauchés, notamment, pose problème avec les organisations syndicales. Un tiers du personnel est embauché hors statut ; était-il vraiment indispensable d'agiter ce chiffon rouge étant donné les difficultés d'embauche que connaît la SNCF ? Autre chiffon rouge : la consistance du réseau. L'État et les régions consacrent plus de 2 milliards d'euros par an à des lignes qui ne représentent que 2 % du trafic, mais il ne faut pas écarter les questions d'aménagement du territoire. Pouvez-vous revenir sur ces sujets ?

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La parole est à M. Christophe Bouillon pour le groupe Nouvelle Gauche.

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Une lettre de mission vous avait été adressée, monsieur Spinetta, et vous avez accompli votre mission à la lettre – ou plutôt au chiffre. En effet, vous vous êtes livré à un exercice essentiellement financier. Le Gouvernement espérait une logique comptable ; il l'a eue. Il cherchait un expert utile ; il l'a trouvé. Mieux : ce rapport semble avoir été écrit par un expert-comptable, et il faut savoir y lire entre les lignes. L'idée centrale est la suivante : le fer coûte cher et il faut en finir. Autre idée : il faut relier les grandes villes et consacrer tous les efforts au mass transit dans les zones urbaines et périurbaines.

Il y a là un premier paradoxe. Vous prétendez que l'avenir, c'est le fer, mais vous donnez le sentiment de lâcher en cours de route toute ambition pour le report modal et prenez le risque de laisser la part belle à la route. Je sais que la voiture propre, autonome et connectée est à la mode, mais je rappelle que l'objectif fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte vise à ce que la part de la voiture électrique ne représente que 10 % du parc en 2032.

Autre paradoxe : la SNCF vient d'annoncer ses meilleurs résultats depuis longtemps. En clair, elle gagne de l'argent. On peut même parler de bénéfices retrouvés pour le TGV.

Deux points me préoccupent. Le premier concerne le statut : qui peut sérieusement croire que le statut des cheminots constitue le problème structurel du fer en France ? La dette n'a pas été créée par le statut. Enlevez le statut, il restera la dette. Le manque cruel d'investissements pour la régénération du réseau est sans lien avec le statut : moins de statut ne signifie pas plus d'investissements pour le réseau. Je souligne aussi la faible optimisation du réseau : rien à voir avec le statut.

S'agissant des « petites lignes », vous m'avez rassuré – c'est un « petit député » qui vous parle – en insistant tout à la fois sur les notions d'aménagement du territoire, d'effet réseau et de lutte contre le changement climatique, mais aussi de droit à la mobilité. Je pense notamment aux habitants qui ne disposent pas de moyens de déplacement autres que les transports publics dans les zones rurales. La tactique consistant à « refiler la patate chaude » aux régions ne me rassure pas.

Pour conclure, vous connaissez sans doute vos classiques, monsieur Spinetta, notamment Le Malade imaginaire : pour soigner Argan, les médecins utilisent la saignée. Il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal. Certes, votre constat peut en partie être partagé concernant l'état de robustesse du réseau et les difficultés que rencontrent les millions de voyageurs en France. Pour autant, changer, oui, mais pas à n'importe quel prix.

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Je commencerai par contextualiser le rapport de M. Spinetta en revenant sur plusieurs contrevérités entendues aujourd'hui. Je rappelle, monsieur Spinetta, que vous êtes l'ancien patron d'Air France KLM et qu'en 1997, vous aviez déjà attaqué la réforme très controversée d'Air France lorsque vous étiez aux commandes du groupe et que votre mission consistait à préparer la privatisation de la première compagnie d'aviation française. Le Gouvernement vous a demandé d'écrire un rapport sur le ferroviaire avec un objectif similaire de privatisation. Votre rapport comporte quarante-trois propositions qui font déjà bondir les syndicats, et pour cause : il est question de mettre fin au statut des cheminots, de supprimer des emplois et d'ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence.

Je souhaite, au nom du groupe La France insoumise, vous interroger sur plusieurs points. Premièrement, dans votre rapport, vous prétendez défendre deux principes : la cohérence des choix et la responsabilité des acteurs. Nous y voyons l'application d'un modèle ultralibéral, déjà appliqué à Air France, qui ne conçoit plus le ferroviaire comme l'investissement dans un service public, mais comme un coût global fait de charges sociales. L'ouverture à la concurrence fut un désastre pour le fret, et le modèle britannique est également désastreux. Qu'avez-vous à répondre à l'adage : « privatisation des bénéfices, socialisation des coûts » ?

Ensuite, pour revenir à la cohérence des choix, votre rapport préconise la fermeture des petites lignes non rentables au profit des lignes à grande vitesse qui ne serviront que les classes aisées des métropoles. Je cite, dans votre rapport, un paradoxe unique en Europe, qui consiste à « dépenser chaque année plus de 15 % des concours publics alloués au transport ferroviaire pour moins de 2 % des voyageurs ». Qu'avez-vous à dire du paradoxe unique en France selon lequel, depuis 1990, nous finançons sur fonds publics la route à hauteur de 66 % contre seulement 17 % pour le rail ? Je rappelle qu'un trajet en train émet dix fois moins de dioxyde de carbone qu'un trajet en voiture et cinquante fois moins qu'un trajet en avion. À l'heure de l'urgence écologique, la cohérence des choix n'impliquerait-elle pas d'investir massivement dans les transports plus économes en émissions de gaz à effet de serre, à savoir le train, tant pour les marchandises que pour les hommes ?

Enfin, le deuxième axe de votre rapport concerne la responsabilisation des acteurs. Parlons justement du budget de communication de 210 millions d'euros, sans appel d'offres, de la présidence de M. Pepy ; parlons aussi de la séparation de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités. Quelle analyse faites-vous de ces irresponsabilités ?

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Il est vrai que ce rapport n'a rien de révolutionnaire ; c'est même tout le contraire. Je commencerai par souligner que, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, l'ouverture à la concurrence ne constitue en rien une obligation, mais relève davantage d'un choix politique assumé. Première question : en quoi cette ouverture devrait-elle donc obliger à remettre en cause le droit social à la SNCF ? D'ailleurs, aucun des quatre paquets ferroviaires européens, singulièrement le dernier, ne propose une telle remise en cause. À bien des égards, c'est même le contraire qui est affirmé. En finir avec le statut des relations collectives à la SNCF relève donc selon nous d'un parti pris.

Penchons-nous précisément sur la question du statut tel qu'il a encore été remanié en 2016 suite à la dernière réforme ferroviaire, qui l'avait quelque peu amendé. En quoi ce statut pourrait-il être suspecté de participer à l'état de l'entreprise, surtout eu égard aux résultats comptables qu'elle a enregistrés en 2017 ? Je reprends vos propos, monsieur Spinetta : concurrence, causes, conséquences, différentiel de concurrence de 20 % à 30 %. Vous citez le temps de travail : il est vrai que les relations sociales dans l'entreprise, en particulier les droits sociaux qui permettent aux salariés de développer des relations sociales très élaborées, sont peut-être à mettre au crédit du différentiel en matière de temps de travail. Certes, les délégués syndicaux sont nombreux ; audiences, locaux, heures d'information syndicale – en clair, les salariés ont les moyens de faire valoir leurs droits. Pour ce qui concerne les congés supplémentaires, le différentiel n'est que d'un seul congé par rapport au code du travail existant ; voilà la réalité ! Vous parlez des postes de travail, de la classification, des parcours professionnels dans le chapitre consacré à la rémunération du statut. En effet, la grille salariale est structurée selon la classification, le niveau et le poste de travail. En conséquence, chaque cheminot gagne environ la même somme au même poste – ce qui, incidemment, tend à réduire les inégalités. Quant aux sureffectifs, leur nombre a baissé de 20 000 en dix ans et vous préconisez 5 000 réductions supplémentaires. Quand on prône la concurrence, telles sont les conclusions auxquelles on parvient !

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Jean-Cyril Spinetta

En effet, monsieur Pancher, j'ai été agréablement surpris de constater qu'il existait de très nombreux et excellents rapports récents sur la SNCF, et qu'ils abordaient les questions que j'ai moi-même jugées essentielles. J'ai donc bénéficié des travaux de qualité conduits par de nombreuses personnes qualifiées, ce qui m'a permis de gagner du temps pour aboutir à mes conclusions. Certaines des orientations prônées avaient été suivies d'effets, d'autres pas du tout. J'ignore quel sera le sort de mon rapport mais j'espère que certaines de ses recommandations seront retenues.

Mme Park me demande comment s'assurer de ne pas reconstituer une dette insoutenable. À titre personnel, je l'ai écrit dans le rapport, une reprise de dette me semble nécessaire ; il appartient au Gouvernement d'en déterminer les modalités et le montant. L'objectif de cette reprise de dette vise à créer une situation qui permette à SNCF Réseau, dans le cadre d'investissements maintenus durablement au moins au niveau actuel – je pense même qu'il faudrait les augmenter de l'ordre de 500 millions d'euros par an pour tenir dûment compte des priorités encore trop négligées – grâce aux subventions et aux péages qui lui reviennent, de financer l'ensemble des opérations à conduire et assurer l'équilibre de ses flux de trésorerie. Je crois que c'est possible : le contrat pluriannuel entre SNCF Réseau et l'État prévoit déjà une forte amélioration progressive de la situation de SNCF Réseau moyennant un effort de productivité fixé à 1,2 milliard d'euros en 2017 – à raison de 900 millions sur les dépenses de fonctionnement et 300 millions sur les dépenses d'investissement. Je pense – les chiffres viennent de SNCF Réseau – qu'un effort supplémentaire de 200 millions d'euros est certainement possible.

SNCF Réseau ne bénéficie que de deux ressources : les subventions, qu'elles proviennent des régions ou de l'État, et les péages ; il n'existe pas d'autre ressource pour assumer le coût complet du réseau. Une fois le coût complet fixé et connu de tous, il faudra que les ressources de SNCF Réseau – en subventions et en péages, donc – permettent de le couvrir chaque année.

Examinons la situation des différents réseaux ferroviaires. Le TGV paie ses coûts complets et a atteint l'équilibre économique : il doit continuer durablement ainsi. Les débats récurrents entre SNCF Réseau et SNCF Mobilités sur le niveau prétendument trop élevé des péages qui mettrait en cause la rentabilité du TGV me semblent devoir être moins fréquents. Quoi qu'il en soit, si SNCF Mobilités paie moins cher, SNCF Réseau dispose de moins de moyens pour financer des opérations d'entretien et de régénération, pourtant indispensables. Je crois donc avoir établi dans le rapport que le TGV est en situation d'équilibre, qu'il couvre l'ensemble de ses coûts d'opération et de ses besoins d'investissement sans qu'il lui soit nécessaire de s'endetter au cours des prochaines années.

Pour ne pas reconstituer une dette insoutenable, la structure de société nationale à capitaux publics – qui, je le rappelle, fut la forme juridique de la SNCF pendant quarante-cinq ans – contraindra SNCF Réseau et, surtout, l'État à ne pas laisser le ratio entre sa marge opérationnelle et son endettement dépasser cinq ou six. Ainsi, lorsque l'État aura consenti l'effort d'une reprise de la dette, il faudra créer les conditions permettant de ne pas reconstituer une dette irrécouvrable et non amortissable comme c'est hélas le cas aujourd'hui. Au-delà de la question de la dette, je pense que la structure de société nationale à capitaux publics donnera de meilleurs résultats en matière de gouvernance.

Pour parler de la taxe de péréquation, je dois faire référence au TGV. Alors que la question se trouvait posée dans la lettre de mission signée par le Premier ministre, je n'ai pas proposé de revoir profondément le réseau TGV existant. Une quarantaine de villes sont desservies par le réseau à grande vitesse, et environ cent soixante villes le sont par un réseau qui n'est plus à grande vitesse, avec une dimension essentielle d'aménagement du territoire. Dès lors que le TGV est à l'équilibre économique, il n'y a pas de raison de chahuter le système, et il faut maintenir ce réseau indispensable à l'aménagement du territoire, même si des ajustements peuvent avoir lieu à la marge – il y en a en permanence.

Je formule seulement le voeu d'une meilleure coordination entre les TER et les TGV, non pas pour supprimer les dessertes TGV, mais pour faire en sorte que, lorsqu'elles n'existent pas, les coordinations et les transferts de l'un à l'autre se fassent dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui.

La question de la taxe de péréquation se pose en même temps que celle de la concurrence, mais personne ne sait si cette concurrence aura lieu sur le réseau à grande vitesse. Si cela devait être le cas, il faudrait à mon sens l'ouvrir en open access et non en franchise. Les Britanniques eux-mêmes s'interrogent régulièrement sur la pertinence de leur système de franchise : des rapports, souvent confiés à des membres de la Chambre des Lords, montrent que le système de franchise présente quelques inconvénients – ils écrivent même « beaucoup » d'inconvénients –, en particulier parce qu'il recrée des monopoles sur une base régionale, malgré la mise en concurrence régulière.

Au-delà de ce problème, si la France devait – ce que je ne préconise pas, car je pense que ce serait une erreur – aller vers un système de franchise, qui a par ailleurs quelques vertus, ce serait l'éclatement pur et simple de la SNCF. L'opérateur historique disparaîtrait complètement. À un opérateur historique chargé d'assumer un ensemble de dessertes sur une base unifiée, se substitueraient, par mises en concurrence progressives, régulières et successives, des opérateurs qui le feraient littéralement disparaître. C'est une voie dans laquelle il ne me paraît personnellement pas souhaitable que nous entrions.

Pourquoi évoquer la taxe de péréquation ? Si la concurrence a lieu, on peut imaginer qu'elle se fera sur les lignes les plus rentables, comme Paris-Lyon, Paris-Bruxelles, Paris-Strasbourg… Il ne me revient pas de les désigner. Cette concurrence mettra donc en cause un équilibre aujourd'hui satisfaisant entre des lignes rentables, et d'autres qui le sont moins, voire pas du tout.

Pour faire face à ce problème, j'émets trois propositions.

La première consiste à modifier la structure des péages en passant d'une tarification au trains-km à une taxation au chiffre d'affaires qui intégrerait la notion de rentabilité des lignes dans ce qui serait dû par les différents opérateurs.

La deuxième option, proposée, je crois, en 2011, par le rapport de la commission présidée par M. Claude Abraham sur l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, consiste à créer des obligations de service public permettant de maintenir des lignes alors même que leur rentabilité n'est pas assurée. Afin d'éviter que l'opérateur historique et les nouveaux entrants ne se dégagent trop facilement de dessertes qu'ils considéreraient comme non rentables, je pense qu'il faut qu'une taxe de péréquation s'impose à tous et alimente un fonds de péréquation destiné à l'entretien des lignes.

Une troisième proposition concerne les accords-cadres. Cette notion existe dans les textes européens. Je crois qu'elle permettrait d'attribuer à de nouveaux entrants ou à l'opérateur historique un ensemble de dessertes constitué de lignes rentables et de lignes moins rentables – cet ensemble serait, en quelque sorte, « à l'équilibre économique ».

Monsieur Sermier, il n'existe pas, aujourd'hui, d'état des lieux socio-économique de la situation des petites lignes, tel que je préconise de le mener à bien. L'état des lieux technique existe certainement, et SNCF Réseau dispose en la matière de l'ensemble des éléments d'information nécessaires.

Ce type de bilan socio-économique est pourtant classique. Je suis d'ailleurs un peu surpris que cette proposition puisse susciter des interrogations. Lorsqu'il se compare au secteur routier, le ferroviaire demande toujours des bilans socio-économiques pour montrer que, s'il coûte plus cher, il faut prendre en compte les externalités positives dont il est à l'origine et les externalités négatives du transport routier. Ces études sont donc, en quelque sorte, inscrites dans l'ADN du secteur ferroviaire qui les réclame en permanence – et il a raison de le faire car il subit des désavantages par rapport à d'autres modes de transport tout en présentant des avantages qui ne sont pas quantifiés économiquement. Des décisions pourront être prises à partir de ces études.

Je ne propose pas d'interrompre les contrats de plan État-région en cours d'exécution ; je suggère de réfléchir à cette question à partir de 2020, au moment où ces contrats seront renégociés.

Vous m'avez presque tous interrogé sur la fin du recrutement sous statut. Je vous citerai deux exemples issus des discussions et des concertations que j'ai menées avec les organisations syndicales – je les ai rencontrées une première fois, avant de commencer mon travail, puis, une seconde fois, avant de le remettre. Dans ce débat, il ne s'agit pas de salaires, mais d'organisation du travail plus productive et plus efficace.

Dans une filiale de la SNCF, détenue à 100 % par la SNCF, comme VFLI (Voies ferrées locales et industrielles), il faut un agent de traction, un demi-agent de desserte ou un demi-agent de manoeuvre pour manoeuvrer un train de fret dans une gare de triage. À la SNCF, il faut un agent de traction, un agent de desserte et un agent de manoeuvre. Ces sujets extrêmement concrets doivent être résolus. Certes, ils pourraient parfaitement l'être dans le cadre du statut. L'une de mes surprises a en effet été de constater, en lisant, avec M. Jean-François Colin, l'ensemble des textes juridiques qui encadrent aujourd'hui la négociation sociale au sein de la SNCF, que cette dernière a toutes les possibilités juridiques de faire évoluer son cadre social et contractuel.

En 2010, une décision du Conseil d'État a permis une évolution majeure en la matière en rendant consultatif l'avis autrefois conforme de la commission mixte du statut. Cette règle qui empêchait souvent les choses d'évoluer a donc été supprimée grâce, ou à cause, de la décision du Conseil d'État, reprise dans un décret de 2015.

La procédure pour faire évoluer le cadre social et contractuel de la SNCF reste un peu particulière, mais, juridiquement, ces évolutions sont désormais possibles sur tous les sujets : dictionnaire des filières et des métiers, classification, déroulement de carrière, importance du GVT… Tout cela peut être négocié à l'intérieur de la SNCF. En conséquence, afin d'affirmer que ce dialogue social doit avoir lieu entre les acteurs sociaux au sein de la SNCF, j'ai proposé, avec M. Jean-François Colin, que l'on mette un terme à l'approbation ou l'homologation par l'État des décisions liées au statut. Il me semble que ce tripartisme est devenu un peu suranné et assez négatif. Il faut affirmer que les partenaires sociaux de la SNCF, syndicats d'un côté, direction de l'autre, gèrent entre eux l'ensemble ces sujets.

Nous avons donc constaté à la fois que les choses pouvaient évoluer, et qu'elles évoluaient peu ou qu'elles n'évoluaient pas. C'est le problème : alors que les évolutions sont possibles, il y en a peu ou pas du tout.

Autre exemple : dans de nombreuses entreprises de la maintenance ferroviaire, les agents sont doublement qualifiés pour intervenir à la fois sur la voie et sur les caténaires. Lors des opérations d'entretien de nuit, ils interviennent indifféremment sur un problème ou sur l'autre. À la SNCF, cette double qualification n'existe pas, alors qu'elle augmenterait significativement la rémunération des agents de la voie qui sont moins bien payés que les agents des caténaires. Ces blocages, dont je n'impute la responsabilité à personne – je me contente de les constater –, font que les évolutions des métiers qui devraient prendre en compte en permanence ce qui se passe dans l'environnement technologique de l'entreprise, la numérisation et la digitalisation, ne se produisent pas, ou se produisent de manière très insuffisante.

J'ai évoqué ces sujets avec tous les syndicats sans exception, et la plupart d'entre eux m'ont dit : « Vous avez raison, on devrait aller vers plus de polyvalence. » Je constate que la négociation sociale ne permet pas aujourd'hui cette évolution. D'où la question : faut-il continuer à embaucher au statut ? Ne faut-il pas sortir d'un cadre qui est, en effet, adaptable, négociable et renégociable en permanence, mais qui, aujourd'hui, est considéré comme un peu – je vais utiliser un mot un peu fort qui choquera sûrement nombre d'entre vous –, immuable ? Malheureusement, alors que les technologies évoluent en permanence autour de la SNCF, comme autour de toutes les entreprises, le souci d'adaptation permanente qui devrait prévaloir ne prévaut pas aujourd'hui, au détriment de la SNCF, au détriment du service public, et au détriment de ses coûts, de sa compétitivité et de son efficacité.

Fort de ce constat, nous proposons de replacer le dialogue social au sein de l'entreprise, de couper le lien devenu absurde et suranné que crée l'approbation par l'État d'une homologation des décisions sociales qui concernent souvent le statut, et de réaffirmer qu'il revient à l'entreprise de traiter ces sujets avec ses acteurs sociaux. Par ailleurs, posons-nous la question de savoir s'il faut continuer à embaucher au statut.

M. Bertrand Pancher a demandé s'il s'agissait d'une provocation. Je n'ai pas de sentiment à ce sujet. Je pense que le problème se pose de manière extrêmement concrète et que, au fond, cette espèce d'immobilité sociale en est la cause.

Je me suis déjà beaucoup exprimé sur les petites lignes. Je ne voudrais pas revenir sur ce thème, d'autant qu'il a été écarté par le Gouvernement. Je veux seulement réaffirmer que la rentabilité n'est pas le sujet. Pour ces lignes, on enregistre 1 milliard d'euros de recettes commerciales et 4 milliards d'euros de coûts d'opération : elles ne sont pas rentables, aucune d'entre elles ne l'est, qu'elles soient petites, grandes ou moyennes. Elles sont toutes au coeur du service public et il faut assumer ce que cela signifie : elles vivent avec des subventions publiques de l'État ou des régions. En revanche, le problème est de savoir – vous me pardonnerez d'insister sur ce point – si un euro d'argent public affecté pour ces petites lignes ne serait pas mieux utilisé ailleurs.

L'un d'entre vous m'a parlé d'une logique comptable. Étant assez peu comptable, et même fâché avec la comptabilité, je considère cela comme un compliment, auquel je suis extrêmement sensible. Il ne s'agit pourtant pas d'un problème de comptabilité, mais d'allocation de l'argent public. Cette question se pose toutes les fois que l'on investit de l'argent public : on doit se demander s'il est utilisé de manière efficace et s'il ne serait pas mieux utilisé ailleurs – je sais que cette conviction est aussi la vôtre.

Lorsque je dis « ailleurs », je ne parle pas de le dépenser hors du ferroviaire. Prenez le cas de la ligne Marseille-Vintimille : dans sa partie terminale, elle devrait fonctionner comme un RER ! La demande de transports ferroviaires de la part de la population qui vit entre Fréjus, Saint-Raphaël et la frontière italienne est considérable. Les autoroutes sont saturées et, dans les villes, les bouchons empêchent les déplacements. Aujourd'hui, cette demande n'est pas satisfaite parce que l'on n'est pas en mesure d'investir pour diminuer le noeud ferroviaire de Marseille, et pour accroître suffisamment la capacité de la ligne. Il faudrait investir un milliard d'euros sur la durée pour assurer, dans les meilleures conditions, le service public du transport de voyageurs dans cette zone, et répondre ainsi aux besoins sociaux exprimés. La rentabilité de ces lignes n'est pas en jeu.

Je vais choquer définitivement un certain nombre d'entre vous, en ajoutant que le bilan écologique des petites lignes n'est pas bon : elles ne sont pas électrifiées, elles fonctionnent avec des motrices diesel dont le bilan carbone n'est pas bon du tout. Ce n'est pas une raison pour les condamner. Elles peuvent, et elles doivent être maintenues dans beaucoup de cas. Je répète qu'il ne s'agit pas d'un problème de rentabilité mais de la question de la meilleure affectation, à l'intérieur du transport ferroviaire, des concours publics alloués par les pouvoirs publics et les régions.

J'ai été interrogé sur la réorganisation du groupe. J'ai dit déjà pourquoi il me semblait qu'il fallait changer la structure juridique de SNCF Réseau ; le problème est un peu le même pour SNCF Mobilités. Je pense que la gouvernance des EPIC n'est pas réellement adaptée à une activité industrielle et commerciale. Au-delà de ce sujet, comme de nombreux rapports – dont celui de MM. Gilles Savary et Bertrand Pancher – l'avaient très justement souligné, la forme d'EPIC de SNCF Mobilités n'est probablement pas en ligne avec les obligations européennes. Un très grand nombre de décisions ont déjà été prises concernant des établissements publics industriels et commerciaux français, selon lesquelles ce statut crée une distorsion de concurrence dès lors qu'il permet aux établissements en question d'accéder aux marchés financiers à des conditions de taux préférentielles.

Pour donner à SNCF Mobilités une meilleure gouvernance, et pour éviter la condamnation que la Cour de Justice de l'Union européenne a déjà prononcée à l'égard d'autres grands établissements publics français, il conviendrait sans doute d'anticiper et de modifier la forme juridique de l'entreprise.

J'en viens au rôle dévolu à l'EPIC de tête. Plusieurs organisations sont possibles, mais j'ai proposé de conserver un EPIC de tête, car je crois que l'EPIC ou la société de tête est fondamental pour réaffirmer l'unité du groupe ferroviaire. C'était l'esprit de la loi de 2014, et je pense qu'il doit être conservé. On peut débattre de la forme : doit-il s'agir d'un EPIC ou d'une société nationale à capitaux publics ? J'ai proposé que l'on conserve l'établissement public industriel et commercial. Demain, l'EPIC de tête devrait moins se concentrer sur des problèmes de gestion que de stratégie et de pilotage du groupe.

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Chers collègues, je vous rappelle que chaque orateur dispose maintenant d'une minute pour poser sa question. Je serai intraitable.

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J'ai été un peu surpris, en lisant votre rapport, du peu de place qu'il faisait aux véhicules autonomes. J'aurais cru qu'un rapport sur l'avenir du transport ferroviaire ne pouvait pas manquer de traiter ce sujet.

Je pense en particulier au développement de véhicules autonomes en site propre, entre les gares des zones rurales – d'autres technologies ont déjà été testées. Il me semble utile d'expérimenter ces outils sur certaines des si mal nommées « petites lignes ». Pourquoi en parlez-vous si peu dans votre rapport ? Cela ne doit pas être par manque d'intérêt. À mon sens, convertir certaines petites lignes en espaces de circulation des véhicules autonomes constitue une solution, y compris en termes de coût.

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J'ai été stupéfait de lire dans votre rapport que vous préconisiez l'abandon de l'électrification de la ligne AmiensRang-du-Fliers, bafouant ainsi le consensus issu de trente années de combats autour d'un projet qui s'inscrit dans un contrat de financement État-région déjà approuvé, projet dont le Président de la République en personne avait confirmé la réalisation.

L'électrification de cette ligne permettrait en effet de fluidifier l'irrigation ferroviaire de l'ensemble des Hauts-de-France, région de six millions d'habitants, renforcerait la dynamique touristique de la baie de Somme et de la Côte d'Opale, réduirait le temps de transport des usagers et permettrait d'éviter toute rupture de charge pour le fret. En tant que député de la Somme, j'emprunte régulièrement cette ligne et je connais les difficultés quotidiennes que rencontrent ses usagers ainsi que la qualité médiocre du matériel qui rendent ces investissements nécessaires.

En quoi trouvez-vous votre recommandation cohérente avec ce constat, et avec l'impulsion gouvernementale visant à rendre le transport public plus respectueux de l'environnement ?

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Le projet de loi de réforme ferroviaire ne contiendra aucun volet relatif à la suppression des petites lignes préconisée par votre rapport. Le Premier ministre a été clair à ce sujet. En revanche, plusieurs indiscrétions, notamment de la presse, ont fait état, ce matin, de réflexions menées par la SNCF, le Gouvernement et les régions, sur la suppression de certaines petites lignes.

Deux cas de figure seraient à l'étude. Le premier concernerait les lignes qui peuvent être rentabilisées. Il serait envisagé de les donner ou de les vendre aux régions qui seraient alors seules en charge de leur gestion. Le second cas concernerait les lignes peu fréquentées, celles qui transportent seulement quelques dizaines de voyageurs par jour : elles pourraient être remplacées par des bus ou des services d'autopartage. Les régions ne semblent pas totalement opposées à ces projets, mais à condition que la solution de substitution permette d'améliorer l'offre de service public. Disposez-vous de davantage d'informations ?

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Votre rapport propose la fin progressive du financement des petites lignes ferroviaires par l'État, mais le Gouvernement a affirmé qu'il ne vous suivrait pas sur ce point.

Les petites lignes jouent un rôle très important dans des territoires enclavés dont les habitants ont des difficultés pour rejoindre les métropoles afin de bénéficier des divers services qu'elles offrent. Pourtant, ces petites lignes sont insuffisamment entretenues. Leur rénovation est nécessaire, voire, dans certains cas, urgente. Elles sont souvent utilisées quotidiennement par les travailleurs, mais les retards et les surcharges de certains trains ne répondent pas à la qualité de service attendue par les usagers.

Ces petites lignes constituent un enjeu de mobilité pour les zones rurales, cependant elles doivent bénéficier d'améliorations pour répondre à la demande des utilisateurs et être plus attractives. Pour prendre un exemple dans ma circonscription, entre Nantes et le sud Loire, il n'y a qu'une seule voie, sans zone de doublement. Le cadencement est donc limité, ce qui ne favorise pas la fréquentation souhaitée.

Comment assurer le maintien des petites lignes ferroviaires de façon durable et mieux les adapter aux spécificités de chaque territoire ?

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Votre rapport sur l'avenir du transport ferroviaire constitue une véritable provocation pour les territoires les plus enclavés. Je pense en particulier à votre quatrième recommandation qui préconise la fermeture pure et simple des petites lignes.

La préfecture du Cantal, Aurillac, est la plus enclavée de France : le premier axe autoroutier se trouve à plus d'une heure. Supprimer les lignes ferroviaires Aurillac-Brive ou Aurillac-Clermont isolerait un peu plus la ville et sonnerait définitivement le glas de mon département. Hormis la logique financière qui est la vôtre, avez-vous pris en compte, dans votre rapport, la dimension humaine, l'aménagement du territoire et la notion d'égalité d'accès aux services pour tous les Français ?

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Je parlerai moi aussi des petites lignes. Je crois que nous sommes unanimes à ce propos. Vous expliquez qu'il ne faut pas juger ces lignes uniquement à l'aune de la rentabilité, mais prendre aussi en compte les besoins de nos administrés qui les utilisent quotidiennement : il n'est pas utile que j'en dise plus.

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Jean-Cyril Spinetta

Avant d'en venir aux petites lignes, vous me permettrez de répondre à une observation qui m'a été faite tout à l'heure sur le lien entre la dette et le statut. À l'évidence, la dette n'a rien à voir avec le statut : j'ai posé le problème du statut en faisant le lien avec la question de la concurrence et non de la dette.

Monsieur Orphelin, deux raisons expliquent que je n'ai pas traité des véhicules autonomes : mon incompétence sur le sujet, d'une part, d'autre part, les conditions dans lesquelles nous avons travaillé. On m'a d'abord annoncé que j'avais six mois pour rendre mon rapport avant que ce délai ne passe à cinq, quatre, puis trois mois. J'ai tenté, dans ce temps limité, de traiter mon sujet sans pouvoir m'intéresser à toutes les questions. J'ai sans doute eu tort, d'autant que celle que vous abordez est fondamentale. Pour faire le lien avec les petites lignes, je pense que si certaines devaient fermer – dans les faits, des fermetures ont lieu assez régulièrement –, il faudrait impérativement conserver les emprises ferroviaires dans le domaine public afin d'y installer des véhicules autonomes sur site propre, ou d'autres types de solutions de mobilité qui pourraient apparaître. Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures sur les mobilités du quotidien, présenté le mois dernier par M. Philippe Duron, est extrêmement clair sur cet important enjeu.

Mon rapport n'évoque pas du tout la ligne AmiensRang-du-Fliers.

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Jean-Cyril Spinetta

Mes arguments concernant les petites lignes n'ont manifestement pas été convaincants puisque toutes vos interventions concernaient ce sujet.

Permettez-moi de vous lire la première recommandation de mon rapport : « Confier à SNCF Réseau la réalisation, avant l'élaboration des prochains contrats de plan État-région, d'un état des lieux de la partie la moins utilisée du réseau présentant, ligne par ligne, l'état de l'infrastructure, le besoin de rénovation et le bilan socio-économique des investissements. L'élaboration de la méthode d'évaluation sera confiée à France Stratégie, et les évaluations feront l'objet d'une contre-expertise du Commissariat général à l'investissement. » Ce travail serait bien sûr transmis au Parlement.

Vous voyez que je n'ai jamais proposé de fermer les petites lignes. Je n'ai ni l'autorité ni la compétence pour le faire. Je crois en revanche qu'il est raisonnable d'effectuer ces bilans socio-économiques afin que l'argent public soit affecté là où sont les priorités en matière de ferroviaire.

J'ai vécu un an dans le Cantal, monsieur Bony, je connais donc assez bien la situation. C'était il y a longtemps, mais j'y retourne souvent, et j'ai des souvenirs précis. Si des études socio-économiques font apparaître que beaucoup de ces petites lignes – et je suis convaincu que c'est le cas pour nombre d'entre elles – jouent un rôle essentiel en matière d'égalité d'accès au territoire, compte tenu d'une climatologie qui peut être différente selon le département considéré, et des diverses facilités d'accès au réseau routier, il n'y aura pas de sujet. La dimension humaine et la dimension d'égalité d'accès au territoire sont, par nature, totalement prises en compte par ces études socio-économiques.

J'ai été interrogé sur les discussions en cours entre le Gouvernement et les régions à propos des petites lignes. Je ne dispose d'aucune information. J'ai remis mon rapport, et il appartient maintenant au Gouvernement de conduire les concertations nécessaires avec les régions, avec les organisations syndicales, avec les dirigeants de la SNCF, et d'arrêter ses choix. Cela dit, l'un d'entre vous parlait de lignes ferroviaires acheminant « quelques dizaines de voyageurs par jour ». De telles situations me font m'interroger. Le transport ferroviaire, « système conçu pour le transport de masse », comme le disait le professeur Robert Rivier, est-il fait pour transporter quelques dizaines de personnes ?

En raison de mes origines, j'ai habité quelque temps à Bastelica, petit village de la Corse rurale. Il n'y a jamais eu de chemin de fer dans ce village où le service public de transport de personnes et de marchandises était assuré par des bus. L'idée que le ferroviaire est le seul service public légitime de transport est totalement contraire aux réalités de notre pays. Aujourd'hui, personne ne s'étonne qu'un service public essentiel et absolument utile comme le transport scolaire soit assuré par des bus.

Un seul mode de transport n'a pas l'exclusivité du label « service public de la mobilité des personnes ». Tous les modes y contribuent. J'ai placé en tête de mon rapport une citation de M. Raoul Dautry, l'une des légendes du transport ferroviaire qui n'est donc pas suspect de la moindre hostilité à son encontre. Je vous en livre un extrait : « chaque pays devra loyalement, honnêtement, dans le seul intérêt de la Nation, supprimer ses transports inutiles et coûteux, les concurrences ruineuses pour tous et faire à chaque port, à chaque voie ferrée, à chaque route terrestre ou aérienne la juste place qui lui revient ». Je me suis inspiré des recommandations de M. Raoul Dautry pour rédiger le rapport que j'ai remis au Gouvernement.

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Votre rapport fait état de la nécessité d'assurer la performance des lignes à forte densité de circulation, notamment en permettant de traiter en priorité la question des grands noeuds ferroviaires qui sont aujourd'hui saturés – c'est le cas de celui de la métropole de Lyon. Il fait également état de la nécessité d'investir dans le réseau classique, dans les lignes voyageurs longue distance et dans le fret européen.

Le tunnel Lyon-Turin répond à ces deux préoccupations. Pourtant, les voies d'accès citées dans votre rapport, passant par la ligne historique Dijon-Modane, ne permettront pas d'assurer un trafic suffisant dans le tunnel. Cette demi-mesure pourrait être fatale au développement du fret sur cet axe européen. Comment pensez-vous possible d'assurer un accès adapté au tunnel Lyon-Turin ?

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Je vais « en remettre une couche » à propos des petites lignes parce que le sujet est très important. Vous jugez dans votre rapport que certaines petites lignes sont, je cite, « non pertinentes ». Vous préconisez, d'une part, que l'État n'investisse plus un centime, d'autre part, que ces petites lignes soient fermées à moins que les régions ne souhaitent les reprendre. Je tiens à vous le dire : je ne suis pas du tout d'accord avec vous ! Nous tenons à ces petites lignes, notamment, pour l'élu de Haute-Loire que je suis, au Cévenol, qui circule là où la route ne passe pas. Ces petites lignes, et je le dis haut et fort, permettent d'irriguer et de désenclaver notre ruralité, c'est de l'aménagement du territoire. Nous avons tout simplement le devoir, je dis bien le devoir, de les sauver.

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Mauvaise qualité des infrastructures du réseau, fruit d'une politique du tout TGV menée au détriment du reste, dette globale qui s'élève à plus de 45 milliards d'euros, opacité de la gouvernance d'entreprise ; tout cela fait beaucoup pour la SNCF. Vous pointez ces failles dans votre rapport et nous ne pouvons que valider ces constats. En revanche, vos préconisations ne peuvent recueillir notre aval. Selon vous, l'ouverture à la concurrence « apportera une partie de la réponse aux difficultés du système ferroviaire français ». Mais en pratique, cette ouverture n'aura pour conséquence que d'augmenter le coût des prestations et donc de peser directement sur nos compatriotes les plus modestes. Ajoutons à cela la fermeture de milliers de kilomètres de petites lignes que vous recommandez, comme celle de la ligne TGV de Béthune, proche de ma circonscription, et ce sont in fine encore et toujours les utilisateurs, essentiellement dans la ruralité, qui seront pénalisés. Aussi, je souhaiterais que vous m'indiquiez quelles mesures concrètes seront prises en faveur des utilisateurs des transports ferroviaires dans les zones rurales.

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Monsieur Spinetta, ma question portait aussi sur les petites lignes, mais je vais plutôt réagir aux propos que vous avez tenus. Ainsi, vous considérez que ces petites lignes ont un mauvais bilan écologique. Mais, que je sache, l'avion est dans la même situation et l'on ne supprime pas les lignes aériennes pour autant.

Par ailleurs, vous dites, employant le passé, que la cohésion des territoires dépendait étroitement de l'offre ferroviaire. Je voudrais comprendre en quoi le ferroviaire ne sert plus aujourd'hui cette cohésion des territoires.

Enfin, quelle est pour vous la définition d'une « petite ligne » ?

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Ma question porte sur la place des gares, particulièrement sur le rattachement de SNCF Gares & Connexions à SNCF Mobilités.

Dans votre rapport, vous rappelez l'organisation actuelle, un peu complexe : les infrastructures sont gérées par SNCF Gares & Connexions ou SNCF Réseau selon qu'il s'agit des bâtiments ou des quais. Par ailleurs, certaines prestations comme l'information des voyageurs sont déléguées aux transporteurs, alors que la gestion du foncier est dispersée.

L'ARAFER et l'Autorité de la concurrence avaient d'ailleurs suggéré de séparer SNCF Gares & Connexions de SNCF Mobilités. Vous présentez plusieurs scénarios possibles pour régler cette question, et préconisez de rattacher Gares & Connexions à SNCF Réseau et à terme, éventuellement, de transférer de certaines gares aux régions ou aux autorités locales…

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Je tiens tout d'abord, Monsieur Spinetta, à saluer la qualité de vos travaux, qui ont le mérite de poser un diagnostic inédit et sans concession sur l'état de notre service public ferroviaire.

Votre rapport propose de clarifier les rôles respectifs des entités du groupe SNCF. Il recommande notamment, comme vient de le souligner Mme Valérie Lacroute, le rattachement à SNCF Réseau de la filiale Gares & Connexions, ainsi que le rattachement à SNCF Réseau de la sûreté ferroviaire, dite « Suge » pour surveillance générale, qui dépend actuellement de l'EPIC SNCF de tête.

Vous indiquez en effet que certaines des prestations offertes par la Suge, telles que la surveillance du patrimoine immobilier ou celle des installations ferroviaires, pourraient être assurées par d'autres prestataires comme des sociétés privées de sécurité, et ce, sans régulation des tarifs.

Est-ce à dire que, une fois la concurrence ouverte, il reviendrait à chaque opérateur d'accomplir ces missions ou de seulement contribuer à leur financement ?

Par ailleurs, quelles missions préconisez-vous d'assigner à la Suge, qui demeure indispensable à la sécurité des usagers ?

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Jean-Cyril Spinetta

Je commencerai par le positionnement des gares. Personne ne conteste que les gares, constituant des facilités essentielles, ne peuvent pas rester rattachées à SNCF Mobilités. Il y a ainsi deux solutions possibles : rattachement à l'EPIC de tête, sous forme d'une filiale Gares & Connexions, ou rattachement à SNCF Réseau.

Vous l'avez rappelé, Madame la députée, j'ai proposé cette seconde solution car SNCF Réseau est déjà responsable d'une partie des gares : les quais et les souterrains, en fait, de tout ce qui est lié de manière indissociable à l'exploitation ferroviaire.

Les interfaces sont un peu compliquées à l'intérieur du groupe. Il me semble qu'en remettant l'ensemble à SNCF Réseau, on réduirait la complexité de l'organisation du système ferroviaire. Ce rattachement est une formule assez classique, pratiquée dans beaucoup de pays, dont le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie, même si certains ont fait d'autres choix.

La SNCF elle-même est un peu hésitante – j'ignore d'ailleurs quel arbitrage a été finalement rendu –, par crainte que le besoin d'investissement pour les gares, grandes et moins grandes, se trouve englobé dans l'ensemble de la dette de SNCF Réseau et se heurte ainsi à des interdictions, compte tenu d'un endettement excessif.

J'ai donc formulé cette proposition de rattachement uniquement en considération de ce que je propose par ailleurs : une reprise de dette significative faisant que SNCF Réseau renoue avec un ratio normal entre son excédent brut d'exploitation et le niveau de sa dette, mais aussi une nouvelle gouvernance sous la forme d'une société nationale à capitaux publics.

S'il devait rester un EPIC avec l'ensemble de la dette qu'il supporte aujourd'hui, le rattachement à SNCF Réseau pourrait poser des problèmes. La proposition que je fais s'inscrit donc dans l'ensemble plus vaste que je viens de décrire.

S'agissant des petites lignes, je vais répéter sous une forme différente ce que j'ai déjà dit. SNCF Réseau a décidé, il y a maintenant quelques années, de se contenter d'assurer leur entretien, mais de ne plus investir. C'est seulement si les régions supportent elles-mêmes le poids des investissements de renouvellement et de régénération de ces lignes que SNCF Réseau intervient, sous une forme forfaitaire, à hauteur de 8,5 % du montant total de l'investissement, ce pourcentage représentant l'économie en dépenses d'entretien qui découle de la régénération de la ligne concernée.

Je pense que ça n'est pas une bonne politique, mais c'est celle qui est appliquée. Je le répète : SNCF Réseau n'intervient plus sur les petites lignes, sauf dans le cas des contrats de plan État-Région, et n'intervient que sous une forme forfaitaire, à la condition que les régions assument l'investissement de régénération. C'est la réalité juridique d'aujourd'hui. Pour moi, cette politique aveugle se traduira nécessairement et rapidement par la fermeture d'un très grand nombre de lignes, sans même que l'on ait essayé de voir ce qui doit être conservé et ce qui peut ne pas l'être à l'intérieur de ce réseau de 9 000 kilomètres.

Il me semble donc que ce que je propose est moins aveugle et moins dur que ce qui se passe aujourd'hui de manière assez régulière lorsque les lignes sont déclarées hors d'âge. En effet, lorsque ce que la SNCF appelle indice de consistance des voies (ICV) – qui est de 100 pour une ligne neuve – tombe à 10, on doit fermer la ligne.

Je n'ai aucune critique à formuler, mais j'observe que ce bilan socio-économique, qui me paraît pourtant tout à fait objectif et rationnel, n'est pas retenu par le Gouvernement et je souhaite dire devant la représentation nationale que la politique actuelle conduira nécessairement à la fermeture d'un nombre considérable de ces petites lignes dans les années à venir.

Peut-être n'aurais-je pas dû poser le problème, mais le fait est qu'il est déjà traité, dans la discrétion et, selon moi, pas de la bonne manière.

L'ARAFER a certes fait quelques observations sur le coût de la sûreté ferroviaire, sur laquelle porte ma recommandation 42, mais chacun s'accorde à dire que l'action de ces personnes – je ne sais pas comment qualifier la Suge, car ce n'est pas une police – qui contribuent à la sûreté du transport ferroviaire et du secteur ferroviaire dans des conditions légèrement différentes du droit commun puisqu'ils peuvent porter une arme, est plutôt un succès au regard de la qualité du service rendu.

J'en ai proposé le rattachement à SNCF Réseau parce qu'il doit à mon sens avoir la maîtrise de l'ensemble de ce qui se passe sur le réseau, ce qui inclut les gares et la sûreté. Pour répondre complètement à votre question, je pense qu'il ne serait probablement pas très bon que chacun des acteurs privés se dote de ses propres éléments de sécurité. En revanche, faire de la Suge un opérateur général auquel devrait avoir affaire l'ensemble des acteurs du réseau – l'opérateur historique SNCF, comme c'est aujourd'hui le cas, mais aussi les autres intervenants – serait probablement une bonne évolution.

S'agissant du tunnel Lyon-Turin, là encore c'est M. Philippe Duron qui a la responsabilité de ces choix d'investissement. Je n'ai donc pas regardé ce sujet dans le détail et je ne me sens pas capable de répondre à la question relative au tronçon Dijon-Modane. En revanche, vous l'avez souligné, madame Riotton, je pense qu'il faut en effet intervenir de manière massive sur les noeuds ferroviaires ainsi que sur tous les éléments permettant d'accroître la capacité des réseaux. Pour la ligne Paris-Lyon, qui est saturée à certains moments, le standard de signalisation moderne préconisé par l'Europe permettrait d'accroître de près de 25 % la capacité de la ligne, et répondrait certainement à la préoccupation que vous avez exprimée.

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Merci pour votre rapport qui est pragmatique, qui répond à la situation et qui ne met pas les sujets « sous le tapis ». À nous maintenant, Gouvernement et Parlement, de faire en sorte de mettre de l'humain et de l'émotion dans les décisions afin que le projet de loi soit le plus pertinent possible.

Contrairement à mes collègues, je ne reviendrai pas sur les petites lignes, mais me concentrerai sur l'ouverture à la concurrence, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur ce thème. Vous avez traité la question par le prisme des TGV. J'aimerais vous entendre un peu plus sur l'ouverture à la concurrence des lignes TET – trains d'équilibre du territoire – et TER, pour connaître la vision « Spinetta » des choses sur ce point, car je ne suis pas sûr que nous ayons eu l'occasion de l'entendre complètement.

Pourriez-vous aussi nous dire en quoi le projet que vous proposez n'est pas une privatisation de la SNCF ?

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J'ai bien écouté tout ce tout ce qui a été dit et, même si des efforts financiers sont réalisés, la rentabilité ne peut constituer un objectif per se. Mais l'innovation des territoires ruraux doit pouvoir être redynamisée, par-delà cette considération socio-économique, par des trains circulant aux horaires pertinents sur des voies rénovées pour les voyageurs et des voies capillaires rénovées pour le fret auquel la route est interdite du fait de la nature des produits transportés. C'est sans doute à ce prix que l'on rendra de nouveau attractif le train, au-delà du TGV. La SNCF et les régions ne devraient-elles pas renforcer leur partenariat sachant que, quoiqu'il arrive, c'est le contribuable qui sera sollicité pour faire face au déficit ? Je doute que la mise en concurrence apporte une solution aux problèmes de rentabilité.

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Je vais parler à mon tour des petites lignes, mais en termes d'opportunité. Député du Bas-Rhin, frontalier avec l'Allemagne, donc dans la région « Alsace », entre guillemets, je pense que nous pouvons jouer de cette situation transfrontalière au profit de notre réseau ferroviaire.

Pensez-vous que la SNCF aurait intérêt à développer des relations avec nos voisins, notamment pour les petites lignes et les TER ? Quels avantages la SNCF pourrait-elle tirer du développement de lignes aujourd'hui économiquement non viables, mais susceptibles de l'être demain, notamment pour renforcer notre position auprès de nos voisins européens ?

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Nos concitoyens se plaignent du service rendu par la SNCF : trains en retard, peu confortables, accidents et incidents à répétition, parfois graves, faisant des victimes, infrastructures méritant des travaux de rénovation, la sécurité étant mise en cause. Bref, l'insatisfaction est constante, voire grandissante, tandis que l'on affirme que l'ouverture à la concurrence permettrait d'améliorer la qualité, d'accroître le trafic et de réduire les contributions publiques. Peut-on raisonnablement le croire ? J'aimerais connaître votre sentiment sur ce sujet. L'ouverture à la concurrence garantirait-elle une meilleure gouvernance, des coûts rapidement mieux maîtrisés, une véritable autonomie de gestion, et qu'en sera-t-il de la rémunération des opérateurs ?

Dans votre rapport, vous écrivez que cette ouverture devra être préparée et organisée, ce que j'entends. Toutefois, nous serions confrontés à un certain nombre d'obstacles : l'organisation du système ferroviaire, l'équilibre financier, ainsi que le statut du cheminot. L'ampleur de la tâche peut donner le vertige ; selon vous, le ferroviaire français est-il en danger ?

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Les petites lignes sont un service public important et, comme le Premier ministre, vous en avez convenu, ce dont je vous en remercie.

En effet, quel que soit le mode de transport, route, rail ou avion, peu de ces moyens fonctionnent sans argent public. Cependant, le sous-investissement de SNCF Réseau est chronique, notamment dans nos gares, singulièrement les plus petites, en particulier pour l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, tandis que, même pour les personnes en bonne condition physique, il est parfois difficile de monter dans le TGV…

Ne pensez-vous pas, par ailleurs, qu'il y a des marges de manoeuvre pour la rentabilité de la restauration embarquée et de la restauration dans les gares et services annexes ? N'y a-t-il pas là un gisement d'activité supplémentaire dans ces lieux qui connaissent un fort transit ?

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Je souhaiterais connaître votre point de vue sur la perspective de mise en concurrence des lignes dites secondaires. Le Premier ministre a indiqué ne pas envisager leur fermeture, mais force est de constater que leur pérennité ne pourra pas être assurée par les seuls efforts de productivité que vous appelez justement de vos voeux dans votre rapport.

Ne craignez-vous pas que leur mise en concurrence suscite peu ou pas de candidatures et que, in fine, on déplace les responsabilités de l'exploitation et du maintien de ces lignes vers les régions qui pourraient bien être les seules à répondre ? Or, compte tenu de l'état du réseau que vous avez parfaitement décrit, ces dernières pourraient bien être empêchées, malgré leur bonne volonté.

Peut-on imaginer un avenir pour ces lignes si, comme vous le préconisez, l'État et SNCF Réseau renonçaient à tout investissement pour des raisons socio-économiques ? De toute évidence, un état des lieux ne saurait suffire.

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À la suite des propos de mon collègue alsacien, sans guillemets, je rappelle que l'Alsace a une histoire liée au ferroviaire assez atypique, notamment ces dernières années, puisqu'elle est la première région à avoir expérimenté la régionalisation du transport express régional. Or, le dispositif fonctionne plutôt bien : on a constaté une augmentation du nombre des voyageurs transportés par rail et on a vu des projets réapparaître – je pense à des transports en ville, tramway ou tram-train – à des endroits où ils existaient déjà il y a cent ans, et où les infrastructures avaient été effacées par les aménagements urbains successifs.

Vous évoquez les emprises des petites lignes : quels moyens envisagez-vous pour les conserver sous un statut public ? Que proposez-vous pour éviter que ces emprises, même si elles demeurent publiques, ne soient déclassées et victimes de réglementations supplémentaires qui empêcheront toute évolution ultérieure en faveur de transports collectifs de masse ?

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Vous appelez de vos voeux une évolution ou une modernisation nécessaire du statut des cheminots. À la limite, on peut y souscrire et mettre les choses sur la table, sans oublier un certain nombre de sujets, notamment le rapprochement des régimes de retraite. Mais, dans ce processus voulu par le Gouvernement, je suis frappé que l'on mette en débat le statut des cheminots et que l'on montre du doigt les petits cheminots. Depuis le début de ce mandat, on a demandé beaucoup d'efforts aux territoires, aux petits retraités, aux gens modestes, mais aucun à une partie de la population, que l'on retrouve aussi au plus haut niveau à la SNCF. Je parle de certains hauts fonctionnaires qui gagnent, pour 600 d'entre eux, plus d'argent que le Président de la République, à savoir plus de 150 000 euros nets par an et qui, eux, ont bénéficié de mesures comme la suppression de l'ISF, compte tenu de leur niveau de rémunération, ou la compensation de la CSG au centime près ; sans compter que, bénéficiant d'avantages en nature, ils ne sont pas victimes de la hausse du prix du gazole.

La remise en cause des statuts ne devrait-elle pas alors aller bien au-delà des seuls cheminots ?

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Jean-Cyril Spinetta

Monsieur Damien Adam m'a demandé quelle était ma vision de l'ouverture à la concurrence. Autant je n'ai pas senti chez mes interlocuteurs un grand appétit pour se positionner comme concurrent de la SNCF sur le réseau à grande vitesse, autant l'intérêt des opérateurs privés ou semi-publics français ou européens pour le secteur conventionné m'a semblé considérable.

Pourquoi cet intérêt, exprimé notamment au sein de l'Union des transports publics et ferroviaires ? Il s'agit, pour caricaturer les choses, de marchés sans risques, que l'on appellerait en anglais « Cost plus ». L'autorité organisatrice définit un cahier des charges, émettant ses souhaits pour le réseau, les fréquences de train, les tarifs. Les opérateurs consultés par voie d'appel d'offres chiffrent les coûts correspondants, en prenant une marge de 3 ou 5 %. À moins d'une erreur, il est impossible de perdre de l'argent, d'autant que ce sont les régions qui paient les investissements – achat des rames ou matériels SV de maintenance. C'est d'ailleurs sur ces marchés que la SNCF fait le plus de bénéfices. Si les recettes commerciales couvrent 25 % des coûts, elle perçoit le reste, qui correspond au chiffrage accepté par l'autorité organisatrice.

Il est difficile de prévoir ce que sera l'attitude de l'État pour l'ouverture des TET à la concurrence. Mais j'ai perçu chez mes interlocuteurs des régions le vif souhait d'aller rapidement vers une mise en concurrence de l'opérateur historique – il y aura beaucoup de candidats ! Ils ont exprimé une forme d'insatisfaction quant à la dérive des coûts, qui ont augmenté de 110 % en quelques années, dans un domaine qui représente une part de plus en plus importante du budget des régions. Beaucoup souhaitent tester d'autres opérateurs pour améliorer la maîtrise de leurs coûts et la qualité des services.

Cela sera-t-il le cas ? Il est trop tôt pour le dire. Il y a eu, ailleurs, des échecs, mais aussi des réussites : l'offre est de meilleure qualité, et les usagers retournent au transport ferroviaire.

Le rapport comprend une analyse approfondie de la question du transfert des personnels de l'opérateur historique aux nouveaux opérateurs. Nous proposons des solutions qui garantissent le statut des personnels de la SNCF – garantie de l'emploi, système de retraite, facilités de circulation, ensemble des éléments de rémunération.

J'en reprendrai les termes pour répondre à M. Di Filippo : « en préservant strictement les droits individuels des personnels bénéficiant du statut », la fin du recrutement au statut ne lèsera personne. Il n'y a aucune remise en cause de la situation des personnels au statut, telle qu'elle est définie dans le contrat moral avec leur entreprise.

Que voit-on ailleurs, en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Suède ? Les personnels des opérateurs privés se trouvent payés aussi bien, et parfois mieux, que ceux de l'opérateur historique. Il ne s'agit pas, comme on peut le voir dans le secteur des transports, d'une mise en concurrence avec des travailleurs venant d'autres pays. Ils sont mieux payés, mais l'organisation du travail a évolué, et ils sont plus efficaces.

Ma conviction – mais je peux me tromper – c'est que les personnels de la SNCF qui seront transférés, s'ils l'acceptent, chez ces nouveaux opérateurs, ne verront pas leur salaire diminuer. Simplement, l'organisation du travail sera différente, tout comme la productivité. Les exemples de polyvalence des métiers que j'ai donnés montrent bien que le problème n'est pas celui de la rémunération, mais de l'organisation du travail. Celle-ci n'est pas optimale : on peut gagner en efficacité, dans le strict respect du droit des personnes – notamment de leurs éléments de rémunération.

Les petites lignes ne seront pas menacées par la mise en concurrence. Nous ne sommes pas dans une quête de rentabilité. Les régions, autorités politiques et autorités organisatrices, définiront le cahier des charges de manière absolument autonome, en fonction de ce qu'elles souhaitent pour le territoire dont elles ont la responsabilité. Si les recettes commerciales ne couvrent que 1 % des coûts totaux d'une ligne mais que la région souhaite qu'elle soit exploitée, elle compensera les coûts sous forme de subventions. La mise en concurrence ne créera aucun problème et ne changera rien au cadre juridique actuel, la définition d'un cahier des charges par les autorités organisatrices.

Il s'agit de modèles économiques très attractifs et la rémunération des opérateurs, madame Beauvais, sera évidemment assurée. Mais aborder ces marchés, essentiellement de coûts salariaux, avec un handicap en termes de compétitivité, c'est accepter soit de perdre de l'argent, soit de perdre des marchés, ce qui est une mauvaise alternative pour l'opérateur historique. C'est ce qui a guidé nos propositions en matière de statut et d'organisation du travail.

M. Thiébaut a posé la question des relations de l'Alsace avec l'Allemagne. J'ai lu attentivement le dernier rapport de l'ARAFER, paru en novembre, qui passe au crible l'ensemble des régions. L'Alsace s'y distingue particulièrement pour avoir fait des choix pertinents dans l'organisation de son transport. J'avoue mal connaître le sujet et ne pouvoir dire si elle pourrait organiser avec les Länder limitrophes des services communs, avec des correspondances et la continuation des lignes.

Enfin, le ferroviaire n'est pas le mode le plus facilement accessible pour les personnes à mobilité réduite. L'accès peut être amélioré grâce aux agents d'accompagnement – des efforts seront faits dans ce domaine – davantage qu'avec la mise en conformité, très lourde, des quais, des gares et des souterrains.

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Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre à chacun. Nos collègues ont montré, une fois de plus, leur attachement à leur territoire. Dans la poursuite de nos travaux sur le projet de réforme de la SNCF et sur le projet de loi d'orientation sur les mobilités, nous ne manquerons pas de vous poser des questions complémentaires.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 14 mars 2018 à 16 h 30

Présents. - M. Christophe Arend, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, Mme Yolaine de Courson, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Loïc Dombreval, M. Olivier Falorni, M. Jean-Luc Fugit, M. Yannick Haury, Mme Sandrine Josso, Mme Stéphanie Kerbarh, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre-David, M. David Lorion, Mme Aude Luquet, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Gérard Menuel, M. Bruno Millienne, M. Matthieu Orphelin, M. Ludovic Pajot, M. Bertrand Pancher, Mme Zivka Park, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, M. Damien Pichereau, Mme Barbara Pompili, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - Mme Sophie Auconie, Mme Nathalie Bassire, Mme Bérangère Couillard, Mme Sandrine Le Feur, M. Adrien Morenas, M. Loïc Prud'homme, M. Thierry Robert, M. Gabriel Serville, Mme Frédérique Tuffnell

Assistaient également à la réunion. - M. Damien Adam, M. Belkhir Belhaddad, M. Xavier Breton, M. Paul Christophe, M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo, Mme Valérie Lacroute, M. Michel Larive, M. Jean Lassalle, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean-Pierre Vigier, M. Jean-Luc Warsmann