La réunion

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La réunion commence à neuf heures trente.

La commission examine l'avis de M. Sébastien Peytavie, rapporteur, sur les crédits de la mission Santé du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) (seconde partie).

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Nous concluons aujourd'hui nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. La Première ministre ayant engagé hier soir la responsabilité du Gouvernement sur la seconde partie du PLF, il n'y aura pas lieu pour notre commission d'examiner les amendements et de se prononcer sur les crédits. Néanmoins, les quatre avis budgétaires seront publiés comme il se doit, regroupant le compte rendu de nos auditions et réunions ainsi que les travaux thématiques de nos rapporteurs pour avis. Ces travaux conservent toute leur pertinence.

Nous en avons déjà pris connaissance pour les missions Régimes sociaux et de retraite le 25 octobre et Travail et emploi le 31 octobre. Il nous reste à le faire pour les missions Santé et Solidarité, insertion et égalité des chances. Pour ce qui est de la mission Santé, je rappelle que nous avons entendu le 10 octobre Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.

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Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) revient dans deux semaines. Le Sénat se prononcera le mardi 21, et le texte est inscrit en séance publique le jeudi 23. Quel sera l'agenda de nos travaux ? En tant que présidente de la commission, pourriez-vous demander au Gouvernement une étude d'impact des amendements insérés au dernier moment ? Je pense notamment à la modification des cotisations pour les professions libérales et à ses effets sur l'équilibre interne des régimes autonomes et l'évolution des cotisations maladie. Un amendement de treize pages sans étude d'impact sur les conséquences à long terme, c'est très inquiétant. À l'avenir, pourrait-on planifier l'examen des missions budgétaires avant l'intervention de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, qui limite un peu l'intérêt de nos réunions ?

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D'évidence, l'exercice auquel nous allons nous livrer ce matin perd un peu de son intérêt, malgré tout le respect que je dois aux rapporteurs et même si leur travail va alimenter notre réflexion. En réalité, le problème n'est pas tant le calendrier de la commission, même s'il a son lot de contingences, que le fait que l'engagement de la responsabilité du Gouvernement en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution soit intervenu hier soir, ce qui nous empêche de délibérer en commission comme en séance. Nous ne nous habituons pas à cette manière de procéder qui nous prive de discussions et de votes.

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Comme je viens de le dire, les rapports pour avis demeurent un travail important qu'il est utile de partager et de rendre public, ne serait-ce que pour que nos collègues sénateurs prennent connaissance de nos travaux. S'agissant de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement, ce n'est évidemment pas nous qui avons la main. Quant à notre agenda, la semaine du 20 novembre sera assez chargée pour notre commission, entre l'examen en nouvelle lecture du PLFSS en commission et en séance, celui de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France, ainsi que les textes dont le groupe La France insoumise a demandé l'inscription à l'ordre du jour des séances qui lui seront réservées le 30 novembre.

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À nouveau, je suis contraint de commencer en déplorant l'engagement de la responsabilité du Gouvernement, cette fois sur la seconde partie du PLF 2024 et pour la seizième fois au total. J'aurais aimé que nous puissions débattre sereinement de cet avis sur la mission Santé sans nous demander jusqu'au dernier moment si nous allions pouvoir examiner les amendements.

En multipliant le recours à l'article 49, alinéa 3, le Gouvernement perturbe considérablement nos travaux et nous prive de notre droit d'amendement. En tout cas, il réduit cette prérogative essentielle à la seule recherche d'un temps de parole, lui-même réduit à peau de chagrin. Il écourte la délibération démocratique et, en bridant l'expression de la volonté générale, empêche un débat en séance publique, comme il l'a fait l'an passé, sur des enjeux aussi cruciaux que ceux de la mission Santé.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner devant vous il y a un mois, lors de l'audition de la ministre Firmin Le Bodo, la mission Santé contient des mesures éparses et se voit allouer trop peu de crédits. Je donnerai d'ailleurs un avis défavorable à ces crédits.

Cette mission recouvre pourtant des enjeux majeurs pour notre pays, qui la dépassent largement. Ce sont ces enjeux que j'ai cherché à explorer au cours de mes travaux sur les nouveaux indicateurs et sur les nouvelles approches pour remettre la santé et le bien-être au cœur des politiques socio-environnementales et budgétaires. Pour cela, j'ai conduit de nombreuses auditions de décideurs publics mais aussi de statisticiens, de chercheurs, d'élus locaux ou encore de représentants d'institutions internationales, comme l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le constat est sans appel : il est grand temps de placer la santé et le bien-être au cœur de nos politiques publiques. La santé, définie par l'OMS comme un « état de complet bien-être physique, mental et social [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité », ne constitue pas une politique parmi d'autres mais la matrice qui doit définir et guider l'action publique. N'oublions pas que la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, reconnue dans le bloc de constitutionnalité de la Ve République, fait du bonheur de tous l'un des objectifs des institutions, notamment de l'État. Le bien-être et la bonne santé ne constituent-ils pas l'un des fondements de ce bonheur auquel nous avons toutes et tous le droit de prétendre ?

Or, s'il existe en France des politiques publiques de santé, comprenant notamment des dépenses publiques spécifiques ou encore une stratégie nationale, l'action publique ne répond pas à l'ambition de cette définition, qui suppose une impulsion politique décuplée et une réflexion plus globale qui s'étende notamment aux indicateurs et aux approches à adopter.

Pourtant, la France, grâce à la richesse des travaux produits par ses instituts et par ses chercheurs, telles Dominique Méda ou Florence Jany-Catrice, était motrice sur ce sujet il y a quinze ans déjà. En 2008, le Président de la République avait créé une commission à la renommée mondiale, dite « commission Stiglitz », se fondant sur le constat que les indicateurs statistiques sont importants pour concevoir et évaluer les politiques visant à assurer le progrès des sociétés. Cette commission a tout particulièrement remis en cause la pertinence du PIB comme indicateur.

Le législateur a poursuivi cette démarche et a adopté, en avril 2015, la loi dite « Sas » qui établissait de nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques, tels que l'indicateur d'espérance de vie en bonne santé. Cette loi prévoit la remise annuelle par le Gouvernement d'un rapport sur ces indicateurs. Mais que sont devenus ces efforts ? Le Gouvernement n'a pas respecté l'obligation fixée par le Parlement et a cessé, depuis 2019, de publier les rapports prévus par la loi Sas. L'omniprésence du PIB n'a jamais été réellement remise en cause et celui-ci demeure l'indicateur principal qui guide les politiques budgétaires et, en conséquence, l'ensemble de nos politiques publiques, révélant des stratégies excessivement court-termistes et financières.

Pis : notre pays est en train de passer à côté d'un véritable virage vers le bien-être alors que les initiatives foisonnent dans le monde, comme la loi sur le bien-être des générations futures adoptée au Pays de Galles en 2015 ou le budget dédié au bien-être adopté par la Nouvelle-Zélande en 2019. Ces politiques sont encore très mal connues dans notre pays, alors même qu'elles semblent très prometteuses. Il en va de même des travaux déployés au niveau international, tels que l'initiative du vivre mieux lancée par l'OCDE en 2011 ou les objectifs de développement durable adoptés par l'ONU en 2015. Pour sa part, l'OMS est pionnière sur le développement du concept One Health (Une seule santé). Ce concept promeut une approche intégrée de tous les aspects de la santé humaine, de la santé animale et de la gestion des écosystèmes, proposant une vision systémique et unifiée.

J'ai pu constater que ces mouvements trouvent un prolongement remarquable à l'échelon local, y compris chez nous, où les initiatives sont nombreuses et en pointe. La ville de Lyon, où a été ouvert en 2023 un Institut One Health, développe une approche originale de la santé et du bien-être associant chercheurs, élus et agents publics. Elle organise son propre système de mesure, faisant usage d'outils d'évaluation participative dans la perspective de faire émerger une boussole du bien-être qui permette d'orienter les débats et les choix budgétaires et de peser dans les rééquilibrages éventuellement nécessaires.

Toutes ces nouvelles approches et ces nouveaux indicateurs sont prometteurs et doivent nous interpeller. En 2022, le Conseil scientifique covid-19 soulignait d'ailleurs la pertinence d'une approche One Health et alertait sur l'urgence de passer d'une vision univoque de la santé à une vision intégrée, plus holistique. Certains concepts innovants peuvent nous y aider, comme le principe de transition vers la pleine santé développé par Éloi Laurent, qui actualise la définition de l'OMS. La pleine santé se définit ainsi comme un « état continu de bien-être : physique et psychologique, individuel et social, humain et écologique ».

Une réflexion collective et une impulsion politique majeure sont aujourd'hui nécessaires pour fixer l'amélioration de la santé et du bien-être comme un objectif mobilisateur pour notre société. Notre action, en tant que législateurs, est aussi indispensable qu'urgente pour inscrire la France dans le virage mondial vers la santé et le bien-être. Cette nécessaire impulsion devra ensuite se traduire par un travail non moins politique de définition des indicateurs pertinents répondant à cette vision intégrée de la santé et permettant d'atteindre les grands objectifs fixés. Il s'agira alors de faire vivre cette refondation de l'action publique, en la déclinant à l'échelon territorial mais aussi en la mobilisant dans nos travaux parlementaires. Nous pourrions par exemple, comme le suggère Marc Fleurbaey, prévoir l'intégration de nouveaux indicateurs de santé et de bien-être dans les études d'impact des projets de loi.

Enfin, c'est une restructuration profonde des politiques publiques qui semble nécessaire, tant le cadre actuel paraît inadapté. Il faut d'abord garantir la transversalité, l'interministérialité et la pluriannualité dans la mise en œuvre des politiques concourant à la santé et au bien-être, alors qu'aujourd'hui les administrations travaillent souvent en silo. De nouveaux outils législatifs, tels qu'une grande loi de programmation relative à la santé et au bien-être, pourraient être instaurés.

Surtout, c'est un big bang budgétaire de la protection sociale qui sera nécessaire pour se départir d'une approche court-termiste, financière et fondée excessivement sur le PIB. Les PLF et PLFSS sont désormais dépassés, parce qu'inadaptés aux changements structurels qu'appelle la société de demain. Ils doivent être rénovés pour mieux prendre en compte la santé dans la durée. Une meilleure articulation entre les deux textes ou une budgétisation guidée par la santé – health budgeting – pourraient y contribuer. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie lui-même, en tant qu'outil, doit faire l'objet d'une évaluation. En tant que membre de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, j'appelle à ce que nous nous saisissions du sujet.

Chers collègues, l'heure est venue de faire entrer notre État dans l'ère de la santé et du bien-être et d'intégrer la France dans le virage en cours au niveau mondial. Je le répète : la santé au sens large n'est pas seulement une mission du budget ; elle n'est pas une stratégie ; elle doit être l'élément cardinal qui guide toutes nos décisions. J'en appelle à votre engagement pour en débattre et pour accomplir ce projet au niveau national.

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La mission Santé porte globalement sur 2,3 milliards d'euros, avec une baisse qui s'explique par la diminution des frais liés à la vaccination de masse contre le covid. Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins illustre ce que l'on peut appeler un virage préventif, avec des actions ciblées sur les principales maladies, dont le cancer, pour favoriser une prise en charge et un dépistage précoces. Mentionnons aussi la vaccination contre le papillomavirus, qui se diffuse progressivement, pour les garçons également.

Le programme 183 Protection maladie contient les crédits de l'aide médicale de l'État (AME), qui pèse environ 1,2 milliard d'euros. L'AME répond à une nécessité humanitaire de soin, y compris pour des personnes en situation irrégulière. C'est une mission de santé publique, avec un panier de soins assez large. Nous manquons de données précises sur ses bénéficiaires – des progrès seraient à faire sur ce point. Néanmoins, d'un point de vue comptable, il faut souligner que cette aide est utile puisqu'elle permet une prise en charge précoce des maladies en médecine de ville, ce qui évite d'encombrer par la suite les hôpitaux pour des soins beaucoup plus coûteux. Je rappelle également, en tant que médecin, qu'il est délicat de faire la différence entre un soin d'urgence et un soin en amont de l'urgence. Par exemple, on ne peut pas laisser une personne qui souffre d'une arthrose évoluée de la hanche se déplacer avec deux cannes, il faut forcément l'opérer : cela peut être considéré comme une urgence vitale que de lui faire conserver une certaine mobilité. Aussi, je fais confiance aux médecins pour savoir quand il est indispensable d'intervenir.

Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2019 a très clairement dit que la réduction du panier de soins de l'AME était peu pertinente, y compris pour faire diminuer les dépenses publiques. Il serait juste aussi de mentionner la présence de crédits européens dans ce volet : 1,5 milliard d'euros sur la période 2021-2025 pour des investissements du quotidien, qui ont permis d'infléchir pour la première fois depuis 2013 le taux de vétusté de nos équipements, et 1,25 milliard pour construire des places d'hébergement pour les personnes âgées, ce qui est indispensable.

Enfin, j'irai dans le sens du rapporteur : il faut une approche globale de la santé, comme le fait l'Institut One Health de Lyon, afin de prendre en compte la qualité de l'eau et de l'air ou les zoonoses et d'éviter une surmortalité liée à des facteurs environnementaux.

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Nous sommes placés dans une situation un peu hypocrite à cause du seizième recours à l'article 49, alinéa 3, hier par la Première ministre, seizième geste de mépris à l'égard des parlementaires. Nous ne pourrons pas examiner les amendements ni prendre position en les votant.

L'an dernier, en tant que rapporteur pour avis de la mission Santé, j'avais choisi d'étudier plus particulièrement le problème de l'AME, que mon groupe souhaite transformer en aide médicale d'urgence : il ne doit pas s'agir d'une palette de soins complète. En effet, les Français ont accès aux soins – quand c'est possible dans leur territoire – parce qu'ils cotisent, contrairement aux étrangers. C'est un principe de priorité nationale tout simple. J'avais aussi pointé cette injustice qui fait que l'on donne à des clandestins, qui violent notre droit, des droits que n'ont pas des Français qui cotisent depuis des années et sont privés d'accès aux soins.

Le budget de l'AME, à 1,2 milliard d'euros, a légèrement baissé en un an, de 0,3 %. Mais cela reste une somme énorme ! En dix ans, ce budget a augmenté de 87 %. Je ne crois pas que le budget de l'hôpital public ait augmenté de 87 % pendant la même période.

Une note positive toutefois : nous nous réjouissons de voir que depuis un an les mentalités évoluent. La droite LR comme les macronistes rejoignent la position du Rassemblement National sur l'AME. Au Sénat, Les Républicains ont supprimé l'AME pour la remplacer par l'aide médicale d'urgence et M. le ministre Darmanin semble vouloir, lui aussi, supprimer l'AME au bénéfice d'une aide contenue aux soins d'urgence.

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Notre réunion ce matin est surréaliste. Débattre avant un recours à l'article 49, alinéa 3, ce n'est déjà pas forcément motivant, mais après, c'est le degré zéro de la vie parlementaire ! Cela permet néanmoins au rapporteur de s'exprimer et à nous d'avoir un débat sur l'AME.

Comment tiennent nos hôpitaux, en particulier dans les zones rurales et périphériques ? Par deux bouts : les jeunes internes, à qui l'on vient d'ajouter une année d'internat supplémentaire et qui font des gardes à rallonge tellement sous-payées que c'en est scandaleux, et les médecins étrangers, qui représentent 15 % des médecins dans notre pays, mais jusqu'à un tiers ou même la moitié dans les hôpitaux ruraux. Dans la Somme, à Péronne, celui qui a tenu à bout de bras le service des urgences s'appelle Fadi Chehab, il est Libanais. C'est comme ça que les Français sont soignés, par des médecins étrangers ! Leur nombre a doublé en douze ans, et la moitié sont originaires du Maghreb.

Ce sont eux qui font tenir l'hôpital public, et le projet de loi sur l'immigration va amplifier ce phénomène en étendant le « passeport talent » aux professions médicales. Et voilà qu'on vient nous dire qu'il faudrait que les malades étrangers ne soient pas soignés !

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Je ne vois pas le rapport ! Ils sont payés !

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Mais c'est scandaleux ! On utilise de la main d'œuvre étrangère et on voudrait ne pas soigner en retour les malades étrangers.

Ce que veulent les soignants, c'est soigner tous les malades qui se présentent. D'ailleurs, songeons à l'expérience de l'Espagne, qui avait cessé de soigner les malades étrangers : elle est revenue sur sa décision face au développement des maladies infectieuses. Nous devons avoir pour objectif que tous les habitants de notre pays soient soignés, qu'ils puissent préserver leur santé et qu'il n'y ait pas de contagion. Je serais favorable à ce que toute entrée sur le territoire français soit accompagnée d'un bilan de santé complet, afin de prévenir le développement des maladies plutôt que de réduire la protection collective.

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Puisque le débat se concentre sur l'AME, je remarque que, quand on ne veut pas débattre, on décrédibilise le sujet en en faisant une polémique. Mais l'AME n'est pas une polémique, on a le droit d'en parler. Nous pensons, chez Les Républicains, que c'est une aide indispensable, parce qu'elle permet de soigner les gens, mais que, regardons les choses en face, elle est beaucoup plus généreuse que dans tous les autres systèmes de l'Union européenne. C'est pourquoi elle est devenue un facteur d'attractivité pour une immigration illégale.

On trouve des arguments dans le rapport de l'Igas de 2019. Ainsi, 25 % des demandes d'AME sont faites à l'étranger avant l'arrivée sur le territoire. Second exemple : sur 99 bénéficiaires de l'AME dialysés, 43 ont commencé leur parcours de soins avant de venir en France et considèrent, en réalité, l'AME comme un élément de leur parcours de soins. L'AME est dévoyée. On peut considérer qu'il n'y a pas de limites et que l'on peut soigner tout le monde, comme M. Ruffin. Mais ce généreux raisonnement – c'est toujours facile – confine à l'absurde, en refusant toute limite.

Nous considérons qu'il faut réduire le panier de soins de l'AME, pour des questions économiques certes – il y a tout de même 3 000 milliards d'euros de dette publique – mais également pour faciliter la gestion des soins quotidiens. Trois quarts des centres d'hémodialyse en France ont des difficultés dans l'accueil des patients, que les néphrologues expliquent notamment par la gestion des flux de patients imprévus relevant de l'AME.

Il n'y a pas les gentils et les méchants – je refuse d'entrer dans ce débat manichéen. Je regrette seulement que l'on n'ait pas les yeux ouverts. L'AME est indispensable mais elle est trop large. Nous souhaitons en réduire le panier de soins. Nous souhaitons aussi revenir à ce que nous avions instauré : une participation financière de 2,50 euros par mois des bénéficiaires de l'AME, qui a été supprimée à tort sous M. Hollande. Enfin, certaines interventions – les gastroplasties, la chirurgie d'amaigrissement, les prothèses de l'épaule – ne devraient pas être prises en charge par l'AME, il faut avoir le courage de le dire.

Par ailleurs, je rejoins tout à fait notre rapporteur sur la nécessité des plans pluriannuels. Je regrette enfin qu'il n'y ait rien dans le budget sur les soins palliatifs, et encore plus alors qu'un projet de loi sur l'euthanasie est annoncé.

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Hier soir, lors de l'examen du projet de loi sur l'immigration au Sénat, beaucoup d'entre nous se sont émus de la décision de nos homologues de supprimer l'AME pour la faire évoluer en aide médicale d'urgence. Derrière ce changement lexical se cachent des mesures importantes. J'ose espérer que notre assemblée se mobilisera en faveur du rétablissement de l'AME, avec sans doute quelques modifications.

Ce dispositif offre aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire français une prise en charge de leurs soins médicaux et hospitaliers. Cette aide incarne avant tout nos valeurs éthiques et humanitaires. Elle relève d'un devoir moral envers des individus déjà fragilisés par un déracinement souvent douloureux, qui occupent bien souvent un emploi dans un secteur de première nécessité. Mais elle représente également une mesure de santé publique. L'histoire nous a démontré à maintes reprises que les maladies infectieuses n'ont pas de frontières : pour protéger l'ensemble de la population contre la propagation des maladies contagieuses, notre système de santé doit pouvoir prendre en charge chaque personne qui en a le besoin, quelles que soient ses origines.

Je suis donc surpris que le Rassemblement National, qui appelle à augmenter les crédits consacrés à la prévention, souhaite supprimer cette politique de prévention qu'est l'AME. Il est évident que nous devons opérer un virage préventif pour nous soustraire à la pression de maladies parfois évitables. Vider l'AME de sa substance ou la supprimer portera préjudice autant aux personnes visées par le dispositif qu'aux Français, qui subiront les conséquences sanitaires de cette décision irresponsable. En effet, quelle que soit la loi, les médecins continueront – et heureusement – à soigner les populations vulnérables, à l'instar de chaque personne qui se présente devant eux. Tel est le serment qu'ils ont prêté. Supprimer cette ligne de crédit n'en supprimera pas les dépenses. Plutôt que de jouer à séduire des électeurs, travaillons à améliorer un dispositif dont l'efficacité est démontrée par de multiples études. Je précise que la moitié de ceux qui peuvent en bénéficier n'y recourent pas.

Nous avons tous déjà vu, aux aurores, devant nos préfectures, les longues files d'attente des personnes qui demandent un titre de séjour. Parmi elles se trouvent des personnes en situation irrégulière. Cela pourrait être une façon différente d'aller vers ces populations, une autre porte d'entrée de la santé, d'installer dans ces lieux des personnels chargés de réaliser un bilan de santé et les vaccinations obligatoires.

La mission Santé comporte également un volet prévention qui m'est cher. Alors que notre système de soins coûte 250 milliards d'euros tous les ans, nous devons éduquer tous nos concitoyens dès leur plus jeune âge aux bons comportements de santé, grâce à une approche populationnelle, en agissant sur les déterminants de santé par un suivi régulier. Promouvoir une bonne hygiène de vie, de bons comportements, modifier l'environnement sont essentiels. L'une des mesures les plus efficaces pour notre santé a été le plan vélo ! Il faut également insister sur l'importance de la qualité de l'air, de l'eau et des aliments.

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Je ne vais pas m'étendre sur l'article 49, alinéa 3, mais il me semble à la fois absurde et singulier de discuter en commission d'une mission qui ne sera pas examinée en séance publique. Et même si nous avions pu voter des amendements, de toute façon, tôt ou tard, un article 49, alinéa 3, aurait sonné le glas des espoirs de celles et ceux qui imaginent que l'Assemblée peut modifier le budget de la santé publique de la France. Les articles 49, alinéa 3, à répétition sont le signe de l'impuissance parlementaire et la preuve que cette procédure est devenue un outil de maltraitance, non seulement des parlementaires, mais du pays tout entier. Je prescris donc, dans cette discussion sur la santé, l'arrêt de l'article 49, alinéa 3, pour lutter contre la maltraitance parlementaire : le pays s'en portera beaucoup mieux.

Hier soir au Sénat, lors de la discussion du projet de loi sur l'immigration en séance publique, une ministre a dit « sagesse ». C'était pour l'amendement supprimant l'AME. Elle a justifié son avis par l'attente d'un rapport, tout en se disant farouchement opposée à un recul sur l'AME. Mais cet avis de sagesse se justifie surtout par la volonté du Gouvernement de faire des concessions aux Républicains. Quant à nous, nous voulons garantir l'AME et le programme 183 qui la finance car c'est l'honneur de la France et de l'Europe que d'accorder des soins médicaux à celles et ceux qui sont dans le dénuement le plus complet.

Je rappelle que l'AME est une aide sous conditions de ressources qui ne bénéficie pas à tous les étrangers. Elle ne représente que 0,37 % de la dépense courante de santé au sens international et la dépense moyenne par bénéficiaire est 2 800 euros en 2022, contre 4 600 pour chaque Français. La moitié des bénéficiaires potentiels n'y ont pas recours, ce qui prouve que les étrangers ne viennent pas en France pour bénéficier de soins gratuits. Et comme vous posez toujours plus de conditions à l'accès à l'AME, notamment avec des délais de carence, 52 % des personnes qui se présentent devant Médecins du monde ont un retard dans l'accès aux soins et 40 % ont besoin d'une prise en charge urgente. Une lutte efficace contre les épidémies exige pourtant une politique ambitieuse de santé publique, notamment envers les étrangers présents sur notre sol.

En conclusion, je veux exprimer aussi mon regret face à un budget marqué par une absence de politique de santé environnementale et de mesures fortes pour la santé des femmes.

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Profitons de ce moment – le seul – pour discuter de cette mission Santé. Son budget concrétise des avancées qui peuvent être soulignées, sur la prévention, sur la stratégie nationale sport santé et sur le dépistage, notamment du VIH. Globalement, les crédits qui se retrouveront dans le texte final vont dans le bon sens.

À titre personnel, et comme la grande majorité des membres de mon groupe, je regrette le vote du Sénat hier. Nous sommes attachés à l'AME car les personnes qui arrivent sur notre territoire doivent être soignées et accompagnées. Le dispositif tel qu'il est depuis la réforme du gouvernement d'Édouard Philippe nous semble équilibré, et restreindre l'accès à la prévention, au dépistage et au diagnostic des populations concernées aurait pour effet de faire peser le coût de leurs soins sur l'hôpital. Sur ce sujet, nous devons écouter les soignants : qu'ils soient hospitaliers ou libéraux, ils sont très majoritairement opposés à la suppression ou à une modification drastique de ce dispositif.

Certains, qui y sont opposés depuis longtemps comme le Rassemblement National, et d'autres, par porosité, qui ont progressivement réinterrogé l'AME depuis 2012 alors qu'ils avaient consolidé ce dispositif pendant des années, se font plaisir en abordant ce sujet, comme si l'AME était un élément d'attractivité pour l'immigration. C'est faux, comme cela a été démontré par des rapports administratifs, notamment le rapport de l'Igas qui a déjà été cité, et j'espère que cela le sera par le rapport confié à Claude Évin et Patrick Stefanini, dont on ne peut sous-estimer la connaissance du sujet et qu'on ne peut soupçonner de complaisance à l'égard du Gouvernement. Nous lirons donc avec attention leur contribution et je pense qu'ils démontreront que l'AME n'est pas un facteur d'attractivité.

On pourra simplement se demander, le moment venu, si l'AME, qui ouvre des droits même aux personnes s'étant vu refuser légalement leur résidence sur notre territoire, n'est pas un facteur favorisant le maintien dans la clandestinité. Mais j'ai confiance en la sagesse de notre assemblée pour que la question de l'AME soit posée sous l'angle de la santé publique, plutôt que celui de l'immigration.

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C'est trop d'honneur, vraiment, que de pouvoir discuter – pas voter, bien sûr – le budget de la santé pour 2024 !

Ce budget de la mission Santé, dont la légère hausse est fictive puisqu'elle ne prend pas en compte l'inflation, manque singulièrement d'ambition face aux enjeux démographiques et écologiques. Le changement climatique est en effet directement responsable de la détérioration de la santé de la population, en particulier des plus précaires. Ainsi, seulement 3,5 millions d'euros sont mobilisés pour le volet environnement et santé alors que la pollution de l'air représente un coût de 100 milliards.

Ce budget aveugle aux enjeux de prévention ne semble pas avoir retenu la leçon de la crise du coronavirus, qui a montré que les maladies ne choisissent pas selon la nationalité ou le titre de séjour. L'AME n'est ni une faveur ni de la charité : elle est un droit et une nécessité pour préserver la santé de l'intégralité de la population. Au-delà des lubies xénophobes, sa remise en cause par la droite et par l'extrême droite, en plus d'être d'un déni flagrant d'humanité, relève d'une totale inconscience sanitaire. L'absence de prise en charge médicale conduit irrémédiablement à des risques d'aggravation des pathologies existantes et donc à une pression supplémentaire sur des services d'accueil d'urgence déjà sursollicités.

Nous appelons à mettre fin aux fausses informations qui circulent, et que le Gouvernement entretient, sur la prise en charge médicale des personnes sans titre de séjour. La réalité est que celle-ci est déjà beaucoup trop restreinte et que l'AME est une des aides sociales dont le taux de non-recours est le plus élevé. La moitié des personnes sans titre de séjour atteintes de diabète ou de maladies infectieuses n'en bénéficient même pas. Avec une offre de soins ridicule et une condition de ressources à 800 euros par mois, les fantasmes racistes de tourisme médical sont outrageusement mensongers. Loin d'un débat hystérisé par une extrême droite rongée par la haine des étrangers, faisons preuve de sérieux : l'AME ne représente aujourd'hui que 0,47 % des dépenses publiques de santé et seuls trente-huit cas de fraude ont été recensés en 2018, à rapporter aux 8 milliards par an de fraudes à la sécurité sociale commises par des professionnels de santé. Alors n'ajoutons pas de l'exclusion à l'exclusion !

Vous refusez d'accorder 2 milliards d'euros supplémentaires à l'hôpital public, pourtant au bord de l'implosion, vous sanctuarisez 140 milliards d'exonérations fiscales pour les multinationales, mais vous faites la chasse aux arrêts maladie et souhaitez supprimer l'unique sécurité médicale pour les personnes sans titre de séjour. Posons-nous la bonne question : à qui profite le crime ? Aux personnes étrangères, dont la moitié ne peuvent même pas soigner leur diabète, ou à Novartis, qui facture à la sécurité sociale 2 millions d'euros une seule dose de médicament pour les bébés atteints d'amyotrophie musculaire spinale ?

Ce n'est pas en excluant les plus vulnérables de l'accès aux soins que nous pourrons affronter les enjeux colossaux que sont l'accroissement des maladies chroniques, le vieillissement de la population et la crise de la démographie médicale. Aller vers une société de la pleine santé qui remet l'accès aux soins et la prévention au cœur de ses priorités ne pourra se faire qu'en prenant soin de toutes les personnes vivant sur notre territoire. L'AME ne pose aujourd'hui qu'un seul problème, celui de la couverture insuffisante des besoins de santé. Nous sommes contre l'instrumentalisation raciste de cette aide, et pour nous le budget est sous-doté. Face au défi d'humanité, nous proclamons le devoir de protéger.

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La baisse du budget de la mission Santé s'explique essentiellement par la diminution de 53 % du programme consacré aux crédits d'investissements du Ségur de la santé, malgré les importants besoins en matière de construction ou de rénovation énergétique.

Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins voit une nouvelle fois ses crédits diminuer. La France est, parmi les pays occidentaux, l'un de ceux qui consacrent à la prévention une des parts les plus faibles de ses dépenses de santé – 2,5 %. Je rappelle que beaucoup d'amendements au PLFSS discutés en commission concernaient la prévention. La diminution du financement des dispositifs dédiés – lutte contre le cancer, le tabagisme, l'alcoolisme, ou soutien à une meilleure nutrition – est incompréhensible. Elle aura un impact sur l'état de santé général de la population et contribuera à perpétrer les inégalités de santé, qui s'expliquent à 80 % par des facteurs sociaux et environnementaux et qui se manifestent par une plus forte incidence de maladies comme le diabète parmi les personnes les plus modestes. Il y a urgence à protéger les enfants, qui sont eux aussi touchés par ces inégalités, pour améliorer leur état de santé en général et plus particulièrement leur état de santé mentale puisque 13 % des jeunes âgés de 6 à 11 ans présentent un trouble émotionnel et cognitif probable. Le budget alloué est très insuffisant alors que nous avons besoin de professionnels formés.

Et comment expliquer que le budget de l'Institut national du cancer, dont la moitié est consacrée à la recherche, diminue cette année encore, alors que plus de 430 000 cas de cancer devraient être diagnostiqués en France en 2023 et que la politique de recherche et de prévention demeure insuffisante ?

On peut aussi s'interroger sur la diminution des crédits du programme destiné à financer l'AME alors que le rapport commandé par la Première ministre à Patrick Stefanini et Claude Évin conclut au nécessaire maintien de ce dispositif. Je voudrais dire à mes collègues des Républicains qui prétendent avoir les yeux ouverts qu'ils ne voient qu'une partie des dépenses, car toute restriction du dispositif aura pour conséquence une prise en charge tardive de certaines maladies et donc un impact financier sur la sécurité sociale. Quant à mes collègues du Rassemblement National, je voudrais leur faire remarquer que les problèmes d'accès aux soins dans les territoires ruraux ne sont pas liés à l'immigration mais à la démographie médicale.

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Après l'article 49, alinéa 3, hier, notre discussion de ce matin me semble totalement décalée. L'AME aurait mérité un débat et notre système de santé est à bout de souffle : 50 % de nos hôpitaux et 60 % des Ehpad sont déficitaires ; les professionnels de santé sont à bout, les pharmacies ferments en milieu rural ; la loi « bien-vieillir » n'apporte rien et les soins palliatifs sont les grands oubliés. Dans de telles conditions, nous nous interrogeons sur la vision pour la santé du Gouvernement.

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On entend quand même des horreurs ce matin. Comme si les gens qui fuient des lieux invivables venaient en France pour profiter de notre part de camembert ! N'oublions pas que les vrais profiteurs, et dans d'autres proportions, ce sont les gens de la finance ! On entend que la préférence nationale est quelque chose de « tout simple », alors que c'est un principe antifraternel et antirépublicain. La polémique organisée autour de l'AME vise à faire de l'étranger un bouc émissaire et à diviser les gens. L'AME, qui représente moins de 0,5 % de nos dépenses globales de santé, ne peut être la cause de la crise de notre système de santé. Elle est d'abord un geste d'humanité et j'ai été heurté par l'avis de sagesse du Gouvernement hier au Sénat, qui fait de l'AME une monnaie d'échange.

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Monsieur le rapporteur, vous appelez dans votre rapport à une vision plus globale de la santé et du bien-être qui devrait être soutenue par de meilleurs indicateurs et par une loi de programmation pluriannuelle de la santé – proposition que nous défendons également. Une modification préalable du cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale est-elle, selon vous, nécessaire à l'existence d'une loi plus globale et transversale ?

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Non, la transformation de l'AME en aide médicale d'urgence n'est pas un simple changement lexical, comme voudraient le faire croire nos collègues de droite. Cette décision du Sénat, dans ce qui est peut-être le seizième texte majeur sur l'immigration en seize ans – c'est délirant ! – emporte une restriction importante, puisque l'aide médicale d'urgence ne prévoit que la prise en charge des situations les plus urgentes. Aujourd'hui, l'AME permet de soigner 380 000 personnes par an pour 0,48 % des dépenses de l'assurance maladie.

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Je souscris pleinement aux propos de Pierre Dharréville sur l'AME : l'humain doit être pris en compte avant tout autre considération. La mise à l'index de l'étranger me pose un véritable problème.

Je partage également plusieurs analyses défendues sur les bancs de la gauche. Mais je veux dire à mes collègues de ces bancs qu'avant de regretter l'article 49, alinéa 3, ils devraient reconsidérer la façon dont ils mènent les débats afin justement de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'article 49, alinéa 3. Ils pourraient faire bouger les lignes des budgets sans pour autant les voter. Je les invite vraiment à prendre cette décision politique qui permettrait de faire progresser les questions sociales et médicales.

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Revenons-en au sujet de ce matin, puisque je partage ce qui a été dit sur l'article 49, alinéa 3. Vous mettez de façon très pertinente, monsieur le rapporteur, la santé et le bien-être au cœur des politiques environnementales et budgétaires et soulignez dans votre rapport le manque d'ambition, voir le recul de la gouvernance sur ce sujet. Vous proposez une méthodologie avec de nouveaux indicateurs et une nouvelle maquette budgétaire. Comment, selon vous, pourrons-nous y parvenir concrètement ?

J'ajoute que Les Républicains ont été seuls pendant des années à défendre la nécessité de réfléchir sur le sujet de l'AME sans états d'âme, et qu'ils l'assument.

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Il est urgent de donner une nouvelle vision à notre système de santé. Du côté des établissements, il faut mieux valoriser les professionnels qui sont fidèles et qui assurent le suivi des patients. Pour ce qui est des professionnels libéraux, il faut leur laisser davantage de liberté dans leurs choix thérapeutiques, en les soulageant de tâches administratives et en leur faisant davantage confiance. Quant aux patients, il faut les inciter à être plus responsables et à avoir davantage de considération pour notre système de santé. Sa vocation est d'être gratuit – mais ce qui n'a pas de prix n'a pas de valeur ! Or nous n'avons plus les moyens de consommer le système de santé sans limite.

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Effectivement, nous devons revoir en profondeur la manière dont nous écrivons les budgets de la santé. Il nous faut d'abord rompre avec cette logique de silos qui dissocie le PLFSS du volet santé du PLF, alors que ces deux lois sont intimement liées. Cette logique nous empêche par exemple de mener une politique ambitieuse dans le domaine de la santé environnementale, assurant un logement sain ou un air et une eau de qualité. Elle nous interdit d'avoir une vision à moyen et long terme, ce qui est un lourd handicap, et nous soumet aux difficultés de coopération entre les ministères.

Il nous faut aussi revoir les indicateurs, car le PIB est pratique, mais insuffisant. Nous avons besoin d'indicateurs notamment sur l'espérance de vie en bonne santé. Nos auditions ont montré qu'il est possible de collecter facilement des mesures à l'échelon des territoires, ce qui se fait d'ailleurs au Royaume-Uni, où l'on peut mesurer l'incidence de la présence de pesticides ou de la proximité d'une autoroute sur l'espérance de vie. Nous manquons aujourd'hui d'indicateurs permettant de mesurer l'impact sur la santé de tel ou tel dispositif. L'Insee peut pourtant nous fournir de nombreux outils. Peut-être pourrions-nous nous en emparer pour en débattre annuellement.

Enfin, ce qui s'est passé hier au Sénat nous déshonore. C'est une défaite humaniste – il est question de préférence nationale en matière de santé ! C'est aussi une défaite collective et sociétale, du point de vue de la santé publique et des finances. Prendre pour argument le coût élevé de notre système de santé et l'état dans lequel il se trouve, quand on sait que les gouvernements successifs n'ont fait qu'organiser le manque de recettes, est abject, tout comme agiter le fantasme du tourisme médical quand on connaît la trajectoire douloureuse des migrants et leur état de santé.

Puis la commission examine l'avis de Mme Christine Le Nabour, rapporteure, sur les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) (seconde partie).

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Je rappelle que nous avons auditionné pour préparer l'examen de ces crédits Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, et Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance.

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J'ai choisi de consacrer la seconde partie de mon avis budgétaire à l'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, mise en œuvre de 2018 à 2023, et au pacte des solidarités qui lui succédera à compter du 1ᵉʳ janvier 2024.

Présentée par le Président de la République le 13 septembre 2018, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté visait l'émancipation de tous grâce à un investissement social majeur poursuivant un double objectif de prévention de la reproduction de la pauvreté et de sortie de la pauvreté par l'emploi. Cette double ambition s'est matérialisée par un budget de 13,5 milliards d'euros sur quatre ans. Alliant une logique préventive et une logique curative, la stratégie comprenait trente-cinq mesures regroupées autour de cinq engagements : égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté ; garantie au quotidien des droits fondamentaux des enfants ; parcours de formation garanti pour tous les jeunes ; droits sociaux plus accessibles, plus équitables et incitant plus à l'activité ; et accompagnement de tous vers l'emploi.

La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a montré ses limites en matière de logement et de lutte contre la très grande pauvreté, notamment dans les territoires ultramarins. Elle a néanmoins montré des résultats probants dans de nombreux domaines, alors même qu'elle a connu un contexte de crise majeure. Ainsi, en matière de petite enfance, l'accès des familles les plus modestes aux crèches a été amélioré par la mise en place du bonus territoire et du bonus mixité sociale. La création de 441 crèches à vocation d'insertion professionnelle depuis 2018 illustre la volonté du Gouvernement de lever ce frein à l'accès à la formation et à l'emploi, en particulier chez les femmes.

En matière d'insertion professionnelle, l'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) a été revu. Plusieurs mesures ont été prises pour l'insertion et l'accompagnement des jeunes les plus éloignés de l'emploi. Je pense notamment à l'obligation de formation des 16-18 ans ainsi qu'aux contrats d'engagement jeune (CEJ), en remplacement de la garantie jeunes, qui intensifient l'accompagnement des jeunes par les missions locales et par Pôle emploi avec un objectif de mobilisation de 15 à 20 heures d'activité par semaine.

En matière d'alimentation, la tarification sociale des cantines, la distribution des petits déjeuners à l'école et le programme Malin ont permis de réduire la précarité alimentaire des enfants. En matière d'hébergement, la crise sanitaire a mis en relief les inégalités liées aux conditions de logement. Quelque 40 000 places en hébergement d'urgence ont été ouvertes depuis mars 2020. Le plan « logement d'abord » a permis à près de 440 000 personnes sans domicile d'accéder à un logement entre 2018 et 2022. Des maraudes axées prioritairement vers la mendicité des enfants ont été organisées par les départements, avec le soutien de l'État. Enfin, en matière d'accès au droit, l'expérimentation Territoires zéro non-recours, d'abord menée dans trois territoires pilotes, a été étendue le 13 juillet dernier à onze autres et le sera à vingt-huit territoires supplémentaires à partir du 1ᵉʳ janvier 2024. Sur le volet santé de la stratégie, la complémentaire santé solidaire, lancée en 2019, présente un bilan positif à la fois en termes de lisibilité et de simplicité, notamment en raison de son attribution automatique pour les bénéficiaires du RSA.

D'un point de vue opérationnel, la stratégie a été l'occasion de mettre en place une nouvelle gouvernance : une gouvernance interministérielle, avec la création du poste de délégué interministériel chargé de piloter la mise en œuvre de la stratégie et dont l'action a été relayée dans les territoires par les commissaires à la lutte contre la pauvreté, placés auprès des préfets de région, et une gouvernance territoriale qui est passée par une contractualisation avec les départements à partir de 2019, étendue en 2020 aux métropoles et aux régions. Ce choix a été salué par l'ensemble des acteurs : 99 départements, l'ensemble des 22 métropoles et 5 régions ont conclu avec l'État une convention d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi.

Le taux de pauvreté n'a que très légèrement diminué entre 2018 et 2020, passant de 14,8 % à 14,6 % mais je rappelle que la stratégie a été mise en œuvre dans le contexte d'une crise sanitaire sans précédent et d'une forte inflation des coûts de l'énergie et de l'alimentation. Le taux de pauvreté n'a pourtant pas connu l'explosion tant redoutée, grâce aux mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement.

Présenté comme un acte deux, le pacte des solidarités a été construit en concertation avec les acteurs, à partir des forces et des faiblesses de notre modèle social et des enseignements de la stratégie 2018-2022. Il a vocation à poursuivre l'action engagée et à déployer des mesures nouvelles. Il se décline en quatre axes : prévention de la pauvreté et lutte contre les inégalités dès l'enfance, amplification de la politique d'accès à l'emploi pour tous, lutte contre la grande exclusion, et enfin construction d'une transition écologique solidaire.

Certaines mesures sont renforcées, concernant par exemple la tarification des cantines ou les crèches à vocation d'insertion professionnelle. J'en profite pour appeler de mes vœux la reconduction des appels à projets « 100 % Inclusion » et « Repérage des invisibles » lancés dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences.

Le pacte des solidarités comporte vingt-cinq mesures, ce qui fait de nombreux défis à relever – amplifier la politique d'emploi pour tous, lutter contre la très grande exclusion grâce à l'accès aux droits, construire une transition écologique solidaire. Le pacte devra pour cela s'appuyer sur les grands chantiers sociaux que sont France Travail, le service public de la petite enfance, la solidarité à la source, le maillage des espaces France Services, le plan « logement d'abord 2 » et la planification écologique. Il devra s'adapter à la diversité des territoires, dans le cadre d'un partenariat étroit entre l'État et les collectivités et d'un plan d'action en faveur des territoires ultramarins.

Visant à mobiliser l'ensemble de la société, le pacte des solidarités a pour ambition de réduire la pauvreté des familles monoparentales, de renforcer le soutien à la parentalité, de lutter contre la malnutrition infantile, de faire vivre le programme Mieux manger pour tous et de développer les alliances locales de solidarité alimentaire. Il doit permettre de lutter contre le décrochage scolaire, de repérer 50 000 jeunes dits invisibles supplémentaires dans le cadre du contrat d'engagement jeune « jeunes en rupture », de soigner les personnes à la rue. Il doit garantir à chaque enfant l'accès à des loisirs de qualité, prévenir les expulsions locatives pour éviter la bascule dans la grande pauvreté, être le cadre d'un plan d'action en faveur des femmes précaires. Enfin, il intégrera de manière transversale les enjeux de la transition écologique, notamment dans les mesures d'accès au logement et de lutte contre la hausse des dépenses contraintes en matière d'eau et d'énergie. Des plateformes de lutte contre la précarité énergétique seront créées dans tous les territoires.

S'agissant de la contractualisation avec les collectivités territoriales, les pactes locaux des solidarités remplaceront les conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi. Ils seront conclus après un diagnostic qui permettra d'identifier les besoins prioritaires de chaque territoire. Le pilotage du pacte des solidarités continuera d'être assuré par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté ainsi que par les commissaires en région, dont je tiens tout particulièrement à saluer le travail. Ils constituent en effet un maillon essentiel pour construire le premier et le dernier kilomètre. Les enveloppes d'alliances locales qui permettaient jusqu'à présent aux commissaires de soutenir des initiatives et projets locaux n'avaient pas été reconduites, mais j'ai déposé un amendement, qui a été adopté, visant à les réintroduire dans le PLF.

Oui, le pacte des solidarités doit relever de nombreux défis. Il nous engage tous. En tant que parlementaires, il est de notre devoir de suivre son évolution et d'en évaluer les impacts, pour enfin éradiquer la pauvreté dans notre pays. Je vous invite d'ailleurs à rencontrer le commissaire de votre région, qui pourra vous renseigner sur les initiatives engagées et sur leur suivi.

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La mission que nous examinons ce matin est fondamentale, d'autant plus dans la période que nous traversons : les mots solidarité, insertion et égalité des chances font écho à notre triptyque républicain et lui donnent tout son sens. De façon globale, les crédits de la mission sont en hausse de 4,66 % en autorisations d'engagement (AE) et de 4,64 % en crédits de paiement (CP). Cela témoigne des efforts constants de l'État dans la lutte contre la précarité. Mais, comme le souligne la conclusion du rapport, cela n'apporte pas toutes les réponses aux défis qui se dressent devant notre système de solidarité : des arbitrages sont nécessaires, ce qui est frustrant alors qu'il y a souvent de bonnes idées.

Nous avons toutefois des raisons de nous réjouir, car notre modèle de solidarité a montré sa robustesse face à la crise sanitaire et aux difficultés économiques qui l'ont suivie. Les avancées notables permises par cette mission s'inscrivent dans cette lignée. Les hausses de crédits sont structurellement portées par la dynamique de croissance de plusieurs aides sociales. Les quatre programmes budgétaires de la mission n'en proposent pas moins des mesures ambitieuses et innovantes.

Après une hausse conséquente de 10,1 % en 2023, le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes voit ses crédits reconduits en 2024. S'il porte majoritairement le financement de la prime d'activité et du RSA, il finance aussi en partie le pacte des solidarités annoncé le 18 septembre 2023. Il assure également la poursuite de l'engagement de l'État en matière de lutte contre la précarité alimentaire. Après une augmentation de 106,7 % l'an dernier, le budget de l'aide alimentaire est à nouveau en hausse, de 20,69 % cette année. Ce programme finance aussi les épiceries solidaires et, à hauteur de 10 millions d'euros supplémentaires, le programme Mieux manger pour tous lancé en 2023.

Le PLF 2024 permettra également de financer des mesures relatives à la qualification en travail social, à la protection des majeurs ainsi qu'à la protection et à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Si 89 % des crédits du programme 157 Handicap et dépendance sont consacrés à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), ce programme vise aussi et surtout à mettre en œuvre la nouvelle feuille de route gouvernementale élaborée à l'issue de la Conférence nationale du handicap, dont l'objectif est de construire une société plus inclusive et de faciliter l'émancipation individuelle des personnes en situation de handicap. Politique volontariste en faveur des personnes handicapées, développement du service public de l'école inclusive, soutien à l'autonomie, surtout en matière de logement, et à l'insertion dans l'emploi, lutte contre la maltraitance et promotion de la bientraitance : voilà ce que propose ce programme.

Les crédits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes sont en hausse de près de 20 %. Cette forte augmentation est conforme aux engagements de la Première ministre formulés le 8 mars dernier lors du lancement du plan interministériel pour l'égalité des femmes et des hommes, à l'occasion de la Journée de la femme. Ces crédits financeront la prévention et l'intervention contre toutes formes de violences sexuelles et sexistes ainsi que la structuration et le développement de la réponse aux besoins d'orientation.

Enfin, le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales centralise l'ensemble des emplois du ministère des solidarités et des familles et du ministère de la santé et de la prévention, et regroupe également des moyens de fonctionnement.

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Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sont en augmentation de 4,6 % par rapport à 2023. Lorsqu'on connaît le retard à rattraper s'agissant de l'égalité des chances, des personnes en situation de handicap ou même des classes moyennes qui n'arrivent plus à boucler leurs fins de mois, on ne peut que rester perplexe face à ce manque d'ambition.

Nous nous félicitons que la déconjugalisation de l'AAH, une proposition de Marine Le Pen défendue depuis longtemps par le Rassemblement National, soit effective depuis le début du mois d'octobre – nous sommes heureux de voir que le Gouvernement valide nos propositions. Les crédits dédiés à l'AAH ont augmenté mais restent bien trop faibles : le montant maximal à taux plein de cette aide s'élève, pour une personne seule, à 971,37 euros par mois, alors que le seuil de pauvreté est fixé à 1 102 euros. Cela signifie que les personnes en situation de handicap lourd et percevant l'AAH resteront toute leur vie en situation de grande précarité. Ce n'est pas notre vision de la solidarité, de l'insertion et encore moins du principe d'égalité des chances.

L'augmentation significative des crédits alloués à l'aide alimentaire semble intéressante. Néanmoins, il n'y a dans la politique d'Emmanuel Macron depuis 2017 rien de concret. Aujourd'hui, de nombreux travailleurs se retrouvent contraints de recourir à des dispositifs d'aide pour nourrir leurs enfants. Voilà le résultat de votre politique. Il est impensable que les familles qui travaillent se retrouvent dans de telles situations de précarité alors que vous avez refusé les mesures simples et efficaces qui vous ont été proposées, comme la suppression de la TVA sur un panier de cent produits de première nécessité ou le passage de 20 % à 5,5 % des taxes sur les énergies. Vous préférez tenir nos concitoyens sous perfusion. Les Français ont besoin de vraies mesures.

Dans le cadre de cette mission, 90 millions d'euros sont accordés à la prise en charge des mineurs non accompagnés. Selon les derniers sondages, 74 % des Français sont opposés à la politique d'immigration menée par le Gouvernement. Pourtant, vous continuez d'ouvrir en grand les portes de la France. La question de la vérification de l'âge des mineurs non accompagnés est primordiale lorsqu'on sait que, selon Départements de France, le coût moyen de prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) est estimé en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an. Ces mineurs doivent, comme l'ensemble des demandeurs d'un titre de séjour, accomplir cette démarche dans leur pays d'origine, comme nous le proposons depuis de nombreuses années. Outre qu'ils représentent un coût faramineux pour la société – 1,2 milliard par an selon l'estimation de l'Institut Montaigne – leur surreprésentation dans les chiffres de la délinquance démontre l'échec de leur prise en charge.

Enfin, l'action 18 Aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine du programme 304 est un pur scandale : elle permet à des personnes ayant résidé en France et n'ayant pas la nationalité française de toucher une sorte de minimum vieillesse sans respecter les conditions de maintien sur le territoire français au moins six mois par an. Autrement dit, nous subventionnons des individus pour qu'ils vivent à l'étranger beaucoup plus confortablement qu'en France. Cette aide va à l'encontre du principe de solidarité nationale. Pour 2024, 900 000 euros seront attribués à quarante-huit personnes. Sachant que l'objectif du Gouvernement est d'atteindre 500 bénéficiaires en 2026, les crédits devraient atteindre, sur la base de l'allocation maximale, 4 millions annuels. Rien n'est pourtant budgété, en prévision, dans le PLF.

Vous l'aurez compris, nous sommes extrêmement critiques quant aux crédits alloués à cette mission.

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Merci, madame la présidente, de m'accueillir dans cette commission même si, après l'engagement de la responsabilité du Gouvernement hier, cette réunion prend un sens un peu étrange. Cette situation met en difficulté les députés mais aussi les services de l'Assemblée, qui doivent s'adapter de façon permanente à vos articles 49, alinéa 3.

J'axerai mon propos sur le programme 304 et plus particulièrement sur la protection de l'enfance, dont vous avez peu – voire pas du tout – parlé, madame la rapporteure pour avis. Ce programme illustre parfaitement l'écart qui existe entre le discours politique de la majorité relative, du Président et du Gouvernement, et ce qui se passe en réalité : il existe un énorme fossé entre la communication et les actes. Il y a quelques semaines, alors que je travaillais sur le « bleu » budgétaire, j'ai eu la très mauvaise surprise de découvrir que le budget de la protection de l'enfance serait en baisse en 2024. J'espère que vous savez pourtant que ce secteur s'effondre littéralement, qu'il n'est plus en capacité de fonctionner correctement. Dans ces conditions, lui retirer le moindre euro est inacceptable.

Nous nous sommes efforcés de proposer, lors des discussions budgétaires, des solutions de financement d'urgence pour remédier à la pénurie de professionnels et à la non-exécution des mesures. C'est d'ailleurs ce que demande le Conseil national de la protection de l'enfance, une instance dont je rappelle qu'elle est rattachée au Gouvernement. Nous avons rédigé des amendements dont nous aurions aimé discuter avec vous aujourd'hui, par exemple au sujet de la prime Ségur. Vous devez savoir en effet que les professions les plus précaires du secteur social et médico-social sont encore exclues des mesures du Ségur. On entend souvent parler de crise d'attractivité dans ces métiers ; Emmanuel Macron lui-même avait évoqué, pendant la crise du covid, ces métiers « que nos économies rémunèrent si mal ». Pourtant, vous rejetez les solutions que nous proposons, comme ce fut le cas il y a quinze jours en commission des finances.

D'autres de nos amendements concernaient la prise en charge par l'État des revalorisations salariales adoptées en 2022 : vous n'ignorez pas que les départements sont en difficulté et qu'ils ont besoin d'un engagement plus fort de l'État, pour financer la protection de l'enfance notamment. Nous avons également travaillé à des propositions concernant le numéro d'appel d'urgence pour les enfants en danger ou maltraités, le 119. Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, a raison de faire la promotion de ce numéro qui est d'une importance majeure. Encore faudrait-il qu'il fonctionne correctement. Or le temps d'attente est tellement long que bien souvent, les enfants souhaitant signaler une maltraitance raccrochent avant d'avoir pu parler à quelqu'un. C'est très grave, car un enfant ne demande de l'aide qu'une seule fois, pas deux. Pourtant, vous avez voté contre les revalorisations salariales que nous avons proposées pour les agents du 119.

Le seul amendement que notre groupe est parvenu à faire adopter en commission des finances n'a pas été retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité. Il concerne le prolongement de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Il est très grave, alors que Charlotte Caubel vient de lancer une campagne contre l'inceste, que les financements destinés à l'instance référente sur ce sujet disparaissent.

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Je suis moi aussi dubitative quant au sens qu'a l'examen de cette mission aujourd'hui, après l'engagement de la responsabilité du Gouvernement. Je trouve cette situation assez navrante pour nous tous.

La mission Solidarité, insertion et égalité des chances finance des politiques publiques destinées à lutter contre la pauvreté, à réduire les inégalités, à protéger les personnes vulnérables et à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Dans le programme 157 relatif au handicap, dont les crédits passent de 14 à 15 milliards d'euros, il convient de saluer certaines mesures de simplification et, surtout, la revalorisation de l'AAH sous le précédent quinquennat ainsi que sa déconjugalisation. Cette dernière n'a pu être obtenue que grâce à l'intervention nécessaire et insistante du groupe Les Républicains lors de l'examen du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, à l'été 2022. Appliquée au plus tard depuis le 1er octobre 2023, elle bénéficie à 160 000 allocataires, dont 80 000 nouveaux entrants, pour un gain moyen de 300 euros par mois. Je rappelle qu'elle représente 500 millions d'euros en année pleine.

Je ne peux m'empêcher d'évoquer à ce stade l'allongement de la durée de vie des personnes handicapées et le chantier de l'autonomie qui se trouve devant nous. Le projet de loi « grand âge » tant attendu doit contenir une véritable stratégie, un projet ambitieux pour prendre en charge la dépendance et permettre le déploiement d'habitats alternatifs – habitats inclusifs, petites unités de vie ou colocations – pour les personnes handicapées.

S'il est possible de saluer l'effort réalisé par le Gouvernement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, avec une augmentation de 16,26 % des crédits alloués au programme 137, il faut souligner qu'ils ne représentent que 76 millions d'euros sur le budget de l'État. S'agissant d'une cause nationale, nous ne pouvons considérer cela que comme un point de départ. Notre groupe tient à saluer l'instauration par le Gouvernement de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, à hauteur de 13 millions : c'est une mesure que notre groupe a souvent défendue, notamment lors de l'examen de la proposition de loi d'Aurélien Pradié portant création d'une juridiction spécialisée aux violences intrafamiliales.

Après avoir fortement augmenté dans la dernière loi de finances, tirés en partie par la hausse de la prime d'activité, les crédits du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes sont en augmentation de 0,35 % cette année. Nous notons toutefois que l'enveloppe dédiée à l'aide alimentaire, bien qu'étant en hausse, est insuffisante. Il n'est qu'à voir les files d'attente devant les Restos du Cœur et les difficultés rencontrées par ces associations : pour la première fois de leur histoire, elles vont devoir refuser d'aider des personnes qui en ont besoin, en raison non seulement d'un nombre de demandeurs accru mais aussi, bien sûr, de l'inflation qui fait exploser le coût des aliments.

Comment satisfaire les besoins nouveaux, comment aider et soutenir les banques alimentaires mais aussi les étudiants et, plus largement, l'ensemble de nos concitoyens qui se trouvent aujourd'hui dans une situation précaire ? La pauvreté ne fait qu'augmenter dans notre pays et l'augmentation constante du coût de la vie va rendre encore plus précaire la situation d'une population déjà fortement affaiblie. Vous avez évoqué, madame la rapporteure pour avis, la politique qui sera conduite en matière de prévention de la pauvreté. Permettez-moi de douter de ses effets car encore une fois, et je le regrette, elle traite des conséquences et non des causes.

Enfin, notre système de solidarité nationale ne peut fonctionner que s'il est correctement financé. Garantir la solidarité, c'est aussi et surtout garantir un niveau décent de pensions de retraite à l'avenir. Or si la réforme des retraites a eu un effet positif à court terme, le système sera, à long terme, déficitaire.

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Avant d'aborder le fond du sujet, je tiens à déplorer le fait que le projet de rapport nous ait été transmis moins de vingt-quatre heures avant son examen, ce qui ne nous a pas permis d'y travailler dans de bonnes conditions. Ce ne sont en aucun cas les services de l'Assemblée que je pointe du doigt, qui abattent un travail considérable dans un temps toujours très contraint, mais une forme de frénésie autour de l'activité législative. L'examen en commission du rapport répondant à deux objectifs, le contrôle de l'action gouvernementale et l'évaluation des politiques publiques, un peu plus de temps eût été préférable.

Cela a été rappelé, la mission Solidarité, insertion et égalité des chances traduit clairement, avec plus de 30 milliards d'euros en AE et près de 31 milliards en CP, les engagements budgétaires de notre majorité sur ce volet de nos politiques publiques. Nous pouvons être fiers, je crois, de renforcer le caractère à la fois solidaire et émancipateur de notre modèle social. Ce renforcement se traduit par l'augmentation de certains crédits, notamment ceux alloués au programme 157, qui contribue fortement à l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

On trouve d'autres avancées dans le programme 137, lequel réaffirme l'ambition du Gouvernement en matière de politique d'égalité entre les femmes et les hommes. C'est une priorité nationale depuis le premier quinquennat de notre majorité, qui s'illustre dans ce PLF par une hausse de 20 % des crédits, faisant suite à une autre de 29 % l'année précédente. Tout n'étant pas qu'une question de chiffres, ces augmentations seront utilisées pour renforcer les actions qui ont porté leurs fruits mais également pour en financer de nouvelles, comme l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Je tiens en particulier à revenir sur le pack nouveau départ, dont nous avions toutes et tous voté la création ici même il y a quelques mois. Nous pouvons espérer que les expérimentations seront concluantes et qu'elles se traduiront par une généralisation progressive sur le territoire national.

L'égalité professionnelle constitue un enjeu social et économique majeur : nous saluons la hausse de la dotation en faveur des actions concourant à une meilleure représentation des femmes dans les filières d'avenir et dans les secteurs où elles sont peu présentes. Nous regrettons cependant les résultats en demi-teinte enregistrés par les entreprises et invitons à accentuer les politiques qui les incitent à favoriser à la mixité.

Vous pourrez compter sur les membres du groupe Démocrate pour poursuivre à vos côtés le travail sur le nouveau pacte des solidarités.

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Ayant déjà eu l'occasion de m'exprimer au sujet de l'article 49, alinéa 3, tout à l'heure, je n'y reviendrai pas. Je ne redirai pas non plus que les crédits sont insuffisants, ni que le rapport nous a été transmis trop tardivement pour que nous puissions travailler dans de bonnes conditions ; ce sont des évidences.

Je me concentrerai plutôt sur la question des solidarités, qui devrait être au cœur des travaux de notre commission comme des politiques gouvernementales. Force est de constater, pourtant, que la majorité est en échec dans ce domaine. Certaines promesses du Président de la République ne sont pas tenues. Il y en a une qu'il n'aurait jamais dû faire, non seulement parce qu'elle était intenable mais aussi parce que les moyens nécessaires n'y ont pas été consacrés : celle qu'il n'y ait plus personne à la rue. Le président de la Fondation Abbé Pierre expliquait ce matin qu'il y a aujourd'hui, en France, plus de 6 800 personnes à la rue, dont plus de 2 400 enfants. Cette réalité est sous-estimée, car le seul chiffre que l'on connaisse est celui du nombre de demandes non satisfaites par le 115 – or beaucoup de personnes n'appellent plus le 115, justement parce qu'elles savent que leur demande ne sera pas satisfaite.

L'un des indicateurs du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires a pour cible en 2024 un taux de 54 % de réponses positives du service intégré d'accueil et d'orientation. Autrement dit, l'État se fixe pour mission de donner une réponse favorable à la moitié seulement des appelants ! En l'espace de deux ans, l'objectif n'aura augmenté que d'un point. Dans ma circonscription, plus de 400 personnes sont tous les soirs à la rue et le préfet a déjà commencé à ponctionner les crédits de l'hébergement d'urgence pour 2024. Mais l'État maintient les crédits du programme à un niveau stable ! Il faudrait considérablement les accroître, et encore plus sachant qu'il y a des mineurs parmi les personnes à la rue.

Mme la rapporteure pour avis expliquait tout à l'heure que les crédits consacrés à l'aide alimentaire allaient augmenter de 20 %. Certes, mais entre-temps, le nombre de repas distribués a bondi de 35 % : le financement par bénéficiaire sera donc réduit de 10 %. La réalité est que vous n'allouez pas assez de moyens à la lutte contre la pauvreté. Je suis désolé de devoir le dire aujourd'hui, avec gravité et tristesse, mais aussi avec une honte profonde : notre pays ne fait pas assez pour aider ceux qui sont dans le dénuement le plus total, notamment ceux qui sont à la rue. Comment une famille avec quatre jeunes enfants peut-elle être aujourd'hui à la rue ? Voilà la réalité de nos communes, et nous ne pouvons pas l'accepter.

Il ne peut y avoir d'autosatisfaction à ce sujet. Il devrait être écrit dans le rapport que le Gouvernement ne fait pas assez pour lutter contre la pauvreté et contre les violences faites aux femmes. Les crédits de l'action 19 Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, sont en baisse de 66 millions d'euros, quand ceux alloués à l'aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine baissent de 30 %. Et les crédits du numéro d'appel 3919 diminuent aussi.

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Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sont en augmentation de plus de 1 milliard d'euros, du fait notamment de la revalorisation des aides qu'elle finance et de la déconjugalisation de l'AAH, tant attendue. Ces crédits devraient bientôt être considérés comme adoptés, suite à l'engagement de la responsabilité du Gouvernement. Ils permettront de financer des actions prioritaires telles que la lutte contre la reproduction des inégalités dès l'enfance ou l'insertion sociale par l'emploi, en tenant compte des enjeux liés à la pauvreté.

Cette augmentation est une bonne nouvelle et témoigne de l'engagement constant du Gouvernement. Vous pointez du doigt, madame la rapporteure pour avis, la reconduction des crédits alloués au programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, qui finance notamment la prime d'activité. Il est crucial, néanmoins, d'aborder une réalité souvent occultée : l'inaccessibilité de cette prime pour les étudiants. Pour pouvoir y prétendre, ils doivent en effet justifier d'un revenu mensuel net avant impôt d'au moins 1 070 euros, soit 78 % du Smic en moyenne, sur les trois mois couverts par la déclaration trimestrielle de ressources. Ce seuil rend de facto la prime quasi inaccessible pour ceux qui s'efforcent de concilier études et travail. C'est un leurre de croire, dans ces conditions, que la prime d'activité est ouverte aux étudiants, puisqu'ils sont placés devant un dilemme injuste : travailler au détriment de la réussite académique ou se focaliser sur leurs études au prix de leur autonomie financière, voire du financement de leurs besoins essentiels. C'est pour remédier à cette situation que j'ai déposé un amendement visant à accroître les crédits du programme 304, dans l'espoir d'ouvrir un débat sur l'élargissement de l'accès à la prime pour les étudiants qui travaillent.

Je persiste à penser que cette mesure peut faire consensus, particulièrement dans le climat actuel. Elle vise en effet à reconnaître et à récompenser l'effort des étudiants qui s'efforcent de subvenir à leurs besoins ou de gagner simplement un peu d'argent de poche – et sans lesquels certains commerces auraient du mal à tourner. Une augmentation des crédits dédiés à la prime d'activité serait un geste significatif à leur égard et un investissement dans notre futur. Vous pointez également du doigt, madame la rapporteure pour avis, le déficit de données issues de la statistique publique en matière de pauvreté, qui engendre un décalage entre les chiffres connus et la situation réelle. Ce même manque de données concernant les étudiants en situation de précarité nous empêche d'évaluer efficacement leurs besoins : on ne sait pas, par exemple, combien d'entre eux travaillent pour subvenir à leurs besoins primaires.

Plus globalement, le groupe Horizons et apparentés souscrit à la politique de protection des plus fragiles menée actuellement, qui voit notamment l'aboutissement des premières réformes menées par la majorité présidentielle depuis le début du quinquennat.

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Il faut avouer que nous ne sommes pas dans les meilleures dispositions pour parler de solidarité : les articles 49, alinéa 3, s'enchaînent et nous découvrons ce matin les amendements qui ont été retenus, de manière arbitraire, sans respecter le vote des parlementaires. Plus largement, on ne compte plus le nombre de mesures antisociales que vous avez prises depuis 2017 : vous êtes en train d'adopter le projet de loi pour le plein emploi qui va appauvrir les plus pauvres, renforcer les préjugés à l'égard des personnes sans emploi et accroître la pression sur les travailleurs sociaux. Vraiment, qui aurait pu prédire que baisser l'aide personnalisée au logement, casser le code du travail, durcir les règles de l'assurance chômage et prévoir des peines pour les loyers impayés, dans un contexte d'inflation record, allait aboutir à davantage de précarité ?

Au fond, votre vision de la solidarité, c'est la charité. On ne construit plus de logements sociaux ou très sociaux depuis six ans, on va priver les gens du RSA, mais comme on a un peu d'humanité, on va quand même un peu accroître le nombre de places en hébergement d'urgence et faire un petit chèque pour les distributions alimentaires ! En revanche, on ne va pas pousser l'effort jusqu'à mettre à l'abri les 2 822 enfants qui dorment dans les rues de notre pays. À coups d'articles 49, alinéa 3, votre gouvernement refuse les amendements que nous avons votés en commission des finances pour créer plus de places d'hébergement d'urgence – parce que ça coûte trop cher. Dans ce pays, on refuse de mettre à l'abri des enfants qui dorment dehors parce que cela coûte trop cher ! Très franchement, je suis en colère. Chaque groupe politique devrait remuer ciel et terre pour éviter cette situation ! À quoi servons-nous si nous ne sommes pas en capacité d'offrir à nos enfants le strict minimum de la dignité ? Nous en sommes à supplier le ministre des comptes publics pour mettre à l'abri des gamins qui dorment dehors, nous supplions pour des miettes de dignité, et vous les balayez d'un revers de main !

Je ne me résous pas à accepter que 200 enfants dorment dans les rues de Lyon aujourd'hui ; je ne me résous pas à expliquer à des parents d'élèves et à des professeurs qu'ils vont devoir continuer à mettre à l'abri eux-mêmes des familles parce que votre gouvernement refuse la création de 10 000 places d'hébergement d'urgence, parce que cela coûterait trop cher. Toutes les associations partagent ce constat. C'est une honte que 2 822 enfants dorment dehors en France, c'est une honte que vous trouviez que cela coûte trop cher.

Enfin, je veux aussi appeler votre attention sur les violences faites aux enfants et sur la Ciivise. Nous sommes plus de deux cents parlementaires à avoir écrit à la Première ministre pour lui demander que cette instance puisse perdurer et que ses propositions soient mises en œuvre. Cela passera par un effort budgétaire considérable : il va falloir des professionnels formés, qui aient du temps. Dans ces conditions, nous ne comprenons pas la suppression des moyens qui lui sont alloués.

Nous sommes dans une période de régression sociale inquiétante – et je pèse mes mots. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Défenseure des droits. Nous avons une vision radicalement différente de ce que doit être la solidarité, et ce budget l'illustre parfaitement.

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Le budget de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances témoigne d'un déficit de volonté politique. Il paraît bien maigre pour réduire et éradiquer les inégalités, qui sont croissantes dans notre pays. Les montants du RSA et de la prime d'activité ne progressent que de 0,54 % alors que l'inflation poursuit son ascension et devrait atteindre 5,8 % en 2023. Les nouvelles hausses des prix de l'énergie intervenues cet été ont encore aggravé les conditions de vie de milliers de familles. Dans son rapport de 2023, l'Observatoire des inégalités précise que 4,8 millions de personnes – 7,6 % de la population – vivent sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 1 000 euros par mois.

La situation sociale a atteint un niveau de gravité inédit ; toutes les associations signalent qu'elles sont confrontées à une augmentation sans précédent des demandeurs, alors qu'elles-mêmes sont en grande difficulté. L'action 14 Aide alimentaire du programme 304 est dotée de 142 millions d'euros. Ce budget est déjà insuffisant : comment s'en sortiront-elles en 2024 ?

Les crédits de l'action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, qui se montent à 311 millions d'euros, sont en diminution. La protection de l'enfance mérite bien mieux : les associations et services qui s'y consacrent ne parviennent pas à faire face à la hausse des besoins. Le nombre d'enfants vivant à la rue avec leurs parents augmente. Selon le Collectif des associations unies, Jamais sans toit, l'Unicef France et la Fédération des conseils de parents d'élèves, 2 830 enfants au moins sont à la rue en France, dont presque 700 sont âgés de moins de 3 ans. C'est insoutenable. Dans leur ouvrage Du côté des enfants en danger, Laura Izzo et Christophe Anché soulignent que l'écart se creuse entre l'intérêt de l'enfant et les moyens consacrés à sa protection, provoquant du reste une souffrance chez les travailleurs sociaux. S'agissant de l'hébergement d'urgence, le problème est grave : l'État n'assume pas sa mission et les préfets sont privés des moyens d'agir. Un véritable plan d'urgence est indispensable.

Les crédits de l'AAH s'élèvent à 15 milliards d'euros. Des efforts ont été accomplis mais il faudrait les amplifier, notamment en raison de l'inflation. Le montant de l'AAH reste inférieur au seuil de pauvreté et ne permet pas aux personnes en situation de handicap de vivre dignement.

La diminution des crédits consacrés aux mineurs non accompagnés nous inquiète d'autant plus qu'elle s'accompagne d'une volonté de contrôle qui risque de priver certains d'une aide dont ils ont besoin. Les droits de l'enfant imposent de toujours faire primer son intérêt supérieur. Pour protéger les enfants, il faut des moyens humains et financiers ; la mission ne prend pas le chemin d'être abondée en conséquence.

S'agissant des droits des femmes, les chiffres révèlent que le Gouvernement ne veut pas réellement lutter contre les violences conjugales. Dans son rapport de septembre 2023, la Fondation des femmes estime que l'État devrait consacrer au minimum 2,6 milliards d'euros par an à la protection des victimes de violences conjugales, sexistes et sexuelles, soit 0,5 % de son budget. Or 184,4 millions sont inscrits à cet effet, et le budget moyen par femme victime de violences conjugales diminue de 26 %. Des mesures urgentes et efficaces sont nécessaires.

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Comme le montre le rapport, la hausse des crédits consacrés à la lutte contre la pauvreté n'a pas toujours porté ses fruits, et la question de l'efficacité des politiques publiques se pose. Vous recommandez, madame la rapporteure, de renforcer la pluriannualité du financement des conventions passées entre l'État et les collectivités territoriales. Or il existe déjà des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens : connaissent-ils des obstacles législatifs ? Vous préconisez également la fongibilité des enveloppes budgétaires déléguées aux départements : le problème vient-il d'un manque de volonté politique ou une évolution législative est-elle nécessaire, éventuellement de nature organique ?

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Pour assurer l'égalité des chances, certains veulent d'abord recourir aux aides sociales et lutter contre la pauvreté par un soutien financier immédiat. Très souvent, on oublie que le travail et l'insertion professionnelle constituent le premier levier d'action. Il n'y a pas d'enfants à la rue dans tous les territoires : il s'agit d'un problème d'urbanisme, propre aux grandes métropoles, de plus en plus inaccessibles à une partie des foyers. Mais les questions principales sont celles de la responsabilité parentale et de l'insertion professionnelle de tous. J'ai voté avec plaisir le projet de loi pour le plein emploi, auquel on a reproché d'imposer des contraintes aux bénéficiaires du RSA, mais qui surtout leur donnera les moyens de se former. Or le volet du budget consacré à l'accompagnement, par exemple en matière de mobilité ou d'insertion professionnelle, me semble parfois déficient en comparaison de celui des aides sociales directes.

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En apparence, les crédits de la mission sont en hausse de 4,6 % mais si l'on tient compte de l'inflation, ils baissent de 1 %, c'est-à-dire qu'ils diminuent de 3 milliards d'euros. On sait que 11 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté ; elles seront bientôt rejointes par certains des 300 000 chômeurs qui vont basculer dans les minima sociaux, grâce aux lois que certains votent « avec plaisir ».

Désormais, le montant net social, qui figurera sur tous les bulletins de paie, servira de revenu de base pour calculer les droits au RSA ou à la prime d'activité. Or, depuis cet été, il prend en compte les tickets-restaurant et la prévoyance complémentaire : si l'on en a, avec le même revenu, on perd des droits au RSA ou à la prime d'activité. Pourtant, on ne fait pas ses courses avec une prime décès ! Que comptez-vous faire pour réparer cette injustice caractérisée ?

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Madame Maximi, la diminution de 5 % des crédits du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, dont relève la protection de l'enfance, est simplement la conséquence d'une sous-consommation. Il faudra peut-être rectifier par la suite les montants en fonction des besoins : le Gouvernement, qui est attentif à la situation des enfants qui relèvent de l'ASE ou qui sont à la rue, y pourvoira.

Ni la prime Ségur ni la revalorisation des salaires ne dépendent de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

S'agissant du 119, on constate des délais d'attente de l'ordre de 15 minutes. C'est lié à d'énormes difficultés de recrutement. Je ne peux à moi seule apporter la solution ; il faut former et recruter davantage pour qu'un enfant ne risque pas de raccrocher avant d'avoir pu parler à quelqu'un.

La décision de maintenir ou non la Ciivise est encore en cours d'arbitrage. Le rapport qui y est consacré sera rendu dans les prochaines semaines. Le Gouvernement a salué son travail et il est peu probable qu'il veuille la supprimer.

Madame Bergantz, le pacte des solidarités contient des mesures nationales mais nous entendons également recourir davantage aux contrats avec les collectivités. Nous faisons confiance aux territoires ; les élus et les acteurs de terrain sont les mieux à même de définir les priorités locales. Pour 2024, l'action 23 Pacte des solidarités prévoit d'attribuer 90 millions d'euros aux départements et 12,5 millions aux métropoles, dans le cadre de la contractualisation ; s'y ajoute le plan d'action adapté aux spécificités outre-mer, doté de 3 millions au titre de cette mission et de 50 millions au total. Nous avons tiré les leçons de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, en maintenant dans le pacte certaines de ses mesures et en en créant de nouvelles. Nous suivrons de près l'évolution des choses, notamment grâce aux parlementaires, qui pourront observer l'efficacité des actions dans leurs circonscriptions. Le souci de la différenciation territoriale est essentiel.

Monsieur Delaporte, je rejoins vos remarques concernant l'hébergement d'urgence. S'il n'y a pas des enfants à la rue dans tous les territoires, le problème est réel. Dans ma circonscription d'Ille-et-Vilaine par exemple, la maire de Rennes fait son possible pour trouver des solutions...

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Pour pallier les défaillances de l'État !

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Non, il n'est pas si simple de trouver des solutions, notamment des places d'hébergement. Mais je suis d'accord avec vous : il est intolérable que des personnes, en particulier des enfants, soient à la rue.

Vous affirmez que les crédits du pacte des solidarités sont insuffisants. Toutefois, il faut tenir compte de l'ensemble des dispositifs. Outre l'action 23 Pacte des solidarités du programme 304, on peut ainsi citer l'action 14 Aide alimentaire, qui finance le plan Mieux manger pour tous. Certains crédits sont aussi inscrits dans d'autres missions : ceux alloués à France Travail figurent dans la mission Travail et emploi, aux programmes 102 et 103 ; le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables appartient à la mission Cohésion des territoires ; le programme 174 Énergie, climat et après-mines, qui finance notamment MaPrimeRénov', à la mission Écologie, développement et mobilités durables. Il faut avoir une vision d'ensemble.

Monsieur Gernigon, je dénonce depuis longtemps le manque de données récentes. Pour avancer et nous donner les moyens d'adapter plus rapidement les politiques publiques, je recommande de créer des observatoires territoriaux.

Madame Garin, s'agissant des enfants à la rue, nous devons faire confiance aux territoires et trouver collectivement des solutions, avec les élus et avec les associations. Il faut identifier précisément les besoins. On peut toujours avancer des montants, mais l'important est de savoir comment employer effectivement les sommes.

Monsieur Dharréville, la pauvreté est stable, mais la très grande pauvreté s'est accentuée. C'est pour cela que le pacte des solidarités contient un volet dédié à la grande exclusion. Il faut trouver des solutions pour les familles concernées.

La loi pour le plein emploi vise à améliorer la formation et l'emploi des personnes en situation de handicap. J'ai soutenu un amendement, qui a été adopté, visant à permettre à ceux qui le souhaitent de continuer à travailler au-delà de la durée légale sans perdre le bénéfice de l'AAH, comme le demandaient les acteurs du secteur. En revanche, pour les personnes en situation de handicap comme pour celles en insertion, nous devrons ouvrir le débat pour trouver des solutions à proposer à celles qui ne seront de toute façon pas employables. Il faut envisager une gradation de la prise en charge.

Monsieur Bazin, les enveloppes de financement dédiés à la contractualisation, qui permettaient de financer les mesures issues des conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et l'accès à l'emploi, étaient bien distinctes entre les actions socles et les actions d'initiative locale. Il est par exemple arrivé que des crédits des actions d'initiative locale puissent servir des actions socles, mais pas l'inverse. Je propose donc de permettre la fongibilité. Toutefois, cette fongibilité ainsi que la pluriannualité des crédits sont d'ores et déjà prévues dans les pactes locaux des solidarités.

Enfin, Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, avait déjà répondu lors de son audition aux questions relatives à la protection de l'enfance et aux mineurs non accompagnés.

La réunion s'achève à onze heures quarante-cinq.

Présences en réunion

Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Clémentine Autain, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, M. Victor Catteau, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Thierry Frappé, M. Philippe Frei, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Laurent Leclercq, Mme Katiana Levavasseur, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Paul Molac, M. Yannick Monnet, M. Laurent Panifous, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, M. Freddy Sertin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry

Excusés. – M. Joël Aviragnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Paul Christophe, Mme Caroline Fiat, Mme Caroline Janvier

Assistaient également à la réunion. – M. Fabien Di Filippo, Mme Marianne Maximi, M. Jean-Pierre Vigier