Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 5 octobre 2022 à 17h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre chargée de la transition énergétique, sur la feuille de route de son ministère et le projet de loi de finances pour 2023.

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Nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, pour échanger sur la feuille de route de son ministère, sur le projet de loi de finances pour 2023 et évoquer, aussi, le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

Madame la ministre, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Votre ministère est au cœur de la lutte contre le dérèglement climatique, et la transition énergétique en constitue, à l'évidence, le fer de lance.

Nous traversons actuellement une période de crise énergétique, avec une forte tension sur les prix. Les conséquences pour nos concitoyens et les acteurs économiques sont certes élevées, mais il faut saluer l'action du Gouvernement, qui a su prendre les mesures qui s'imposaient pour en atténuer les effets.

Cette crise constitue une incitation forte à poursuivre notre transition vers une économie décarbonée et sobre dans l'usage des ressources naturelles. C'est une exigence pour le climat et pour les générations futures ; c'est une nécessité pour préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens, notre souveraineté énergétique et la compétitivité de nos entreprises. Cette transition implique des changements profonds de nos comportements. C'est tout l'objet du plan de sobriété énergétique que vous présenterez demain. Nous serons attentifs à ces annonces, qui mobilisent d'ailleurs notre commission depuis plusieurs semaines.

Vous présentez un budget d'action : il consacre un montant sans précédent au chèque énergie ; il concrétise des engagements pris lors de la COP26 de Glasgow, notamment la suppression des garanties à l'export pour les opérations portant sur le charbon et les hydrocarbures ; il augmente les crédits de MaPrimeRénov'. Je vous laisserai le soin de présenter l'ensemble de ces mesures.

Nous serons très intéressés par les éclairages que vous pourriez nous apporter sur le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, texte d'importance sur lequel nous souhaitons que notre commission soit pleinement impliquée – nous avons d'ailleurs créé une mission « flash » à ce sujet.

Ce texte met en lumière la nécessité de concilier trois enjeux importants : le soutien à la transition énergétique, en facilitant le déploiement de projets d'énergies renouvelables pour lutter contre le dérèglement climatique ; la préservation du patrimoine naturel et de la biodiversité ; la participation du public pour les projets ayant une incidence sur l'environnement, comme le prévoit la Charte de l'environnement. Madame la ministre, comment pensez-vous concilier ces trois enjeux ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique

Je vous remercie de l'organisation de cette audition sur les priorités de mon ministère en matière de politique énergétique et sur son budget pour l'année 2023.

Nous vivons une crise énergétique sans précédent, probablement plus marquée que celle que certains d'entre nous ont connue dans les années 1970. Les experts sont formels : nous n'avons plus que trois ans pour inverser la tendance en matière d'émissions de gaz à effet de serre dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce délai de trois ans vaut pour l'ensemble de la planète, sachant que la France diminue déjà ses émissions de gaz à effet de serre.

Cela nous impose de revoir en profondeur notre mode de consommation et de production d'énergie en prenant en considération une double temporalité : l'urgence de l'hiver prochain et de l'hiver suivant, et la nécessité d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. Mais ne nous trompons pas : l'atteinte de la neutralité carbone suppose des décisions au moins aussi urgentes que le passage de l'hiver 2022-2023. Plus largement, au-delà de son impact climatique, notre politique énergétique emporte des enjeux de souveraineté économique et politique – la guerre en Ukraine se charge de nous le rappeler chaque matin –, des enjeux de pouvoir d'achat pour les Français, tout comme des enjeux de compétitivité pour les entreprises.

Dans ce contexte, la feuille de route que m'ont confiée le Président de la République et la Première ministre est très claire : il s'agit de devenir la première grande nation industrielle à se passer des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone.

Or notre consommation d'énergie est, pour les deux tiers, d'origine fossile et importée. Je veux dissiper un mythe : à aucun moment de notre histoire nous n'avons été autonomes énergétiquement. Notre programme électronucléaire a permis de réduire une partie de notre dépendance, mais celle-ci reste majeure, en particulier pour les transports et la chaleur.

Ma feuille de route repose sur plusieurs leviers, qui ne sont guère originaux puisque ce sont ceux des experts des questions énergétiques et de la lutte contre le réchauffement climatique, qui s'intéressent aussi à la question de la souveraineté. Il s'agit d'une part de la sobriété et de l'efficacité énergétiques, d'autre part de la production massive d'énergies bas-carbone, renouvelables ou nucléaire. Nous suivons en cela les recommandations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), du Haut Conseil pour le climat (HCC) et nous appuyons sur les travaux de simulation de Réseau de transport d'électricité (RTE).

J'insisterai particulièrement sur le levier de la sobriété énergétique, l'objectif étant de réduire notre consommation d'énergie de 10 % d'ici à deux ans. C'est la première marche d'une réduction de 40 % de notre consommation d'énergie, nécessaire, selon les experts, pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Le plan de sobriété énergétique est un plan volontaire, de long terme, qui part du terrain, et qui a vocation à être irréversible. Il mobilise au premier chef les grandes entreprises, les grandes collectivités locales et, évidemment, l'État, car l'effort doit venir pour commencer de ceux qui ont le plus de moyens et de ceux qui ont davantage d'impact. Nous avons lancé la démarche en juin dernier, et le plan sera présenté demain par la Première ministre.

L'État aura, à l'évidence, un devoir d'exemplarité : chaque ministère déclinera sa feuille de route de réduction de consommation de carburant, de gaz et d'électricité. En outre, chaque secteur présentera des engagements concrets visant à réduire sa consommation. Les entreprises, mais également les associations et les fédérations, s'engageront à mettre en œuvre des mesures opérationnelles. Les collectivités locales seront partie prenante de ce plan. Elles le sont déjà, puisque nombre d'entre elles ont déjà relevé le défi du plan de sobriété ; les bonnes pratiques sont partagées pour faciliter le travail de celles qui disposent de moins de moyens techniques et financiers pour avancer. Nous déploierons un appui financier, sous forme notamment de certificats d'économies d'énergie (CEE), afin de faciliter la mise en œuvre de certaines mesures de sobriété.

S'agissant du grand public, nous recevons des demandes récurrentes pour connaître les mesures les plus efficaces en matière d'économies d'énergie. Nous lancerons donc une campagne d'information destinée aux Français pour mettre en valeur ces mesures. Je veux ici remercier les énergéticiens avec lesquels nous avons coordonné cette communication grand public autour des gestes qui permettent à ceux qui le peuvent – j'insiste sur ce point – de réaliser des économies d'énergie.

Je tiens à faire une mise au point eu égard à ce que j'ai pu entendre ici et là : il n'est pas question de demander aux 12 millions de Français en situation de précarité énergétique, ni à tous ceux qui sont en situation de sobriété choisie, d'accomplir des efforts supplémentaires. C'est une question de justice sociale. Nous souhaitons, au contraire, les accompagner pour sortir de cette précarité, notamment grâce à la politique que nous déployons en matière de rénovation thermique.

Dès cet été, j'ai demandé aux énergéticiens de s'engager en faveur des Français en leur proposant des modes de facturation de l'énergie qui valorisent leur effort de sobriété et leur permettent de réaliser des économies, en contrepartie de la réduction de leur consommation – économies évidemment plus importantes que celles qui résulteraient du jeu classique de la facturation. Ces nouvelles offres sont désormais disponibles ; j'appelle chacun à s'en saisir.

Parallèlement, nous continuerons à agir pour l'efficacité énergétique. Qu'il s'agisse du verdissement des transports, de la rénovation thermique ou de la décarbonation de l'industrie, nous avons donné un vigoureux coup d'accélérateur au cours du quinquennat précédent – j'y reviendrai lorsque j'évoquerai le budget pour 2023.

J'en viens aux autres leviers. Sortir des énergies fossiles suppose de développer massivement la production d'énergies bas-carbone en France. C'est ce que nous faisons, tant en matière d'énergies renouvelables que d'énergie nucléaire, car notre combat n'est pas celui du nucléaire contre les renouvelables ; ce sont deux sources d'énergie bas-carbone. Notre combat n'est pas non plus celui de la biodiversité contre le climat, tant la biodiversité est dépendante de la situation climatique, et inversement. Notre combat est de remplacer les énergies fossiles par des énergies décarbonées. Sortons des oppositions dogmatiques qui ont dangereusement paralysé ce débat !

La production massive d'énergies décarbonées est déterminante pour notre souveraineté et pour notre indépendance énergétique. Elle est notre levier pour sortir de notre dépendance mortifère aux énergies fossiles importées. Nous devons être en mesure de produire 60 % d'électricité de plus qu'aujourd'hui pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Il nous faudra développer, à marche forcée, de la chaleur renouvelable. Vous m'avez suivie : on baisse la consommation d'énergie de 40 % et, néanmoins, on doit augmenter la production d'électricité de 60 % et consentir un effort massif sur les énergies renouvelables. Autant vous dire que ce n'est pas tout à fait simple !

Le rapport de RTE indique que nous pouvons y parvenir en nous appuyant sur un mix décarboné et équilibré reposant à la fois sur l'énergie nucléaire et sur le développement massif des énergies renouvelables. C'est le choix écologique le plus pertinent, le choix économique le plus opportun et le choix financier le moins coûteux.

Nous n'avons pas de temps à perdre. Je lancerai, dans les prochains jours, les travaux sur la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), conformément au calendrier que les parlementaires de la précédente législature ont souhaité. Compte tenu des enjeux, nous n'avons pas le luxe d'attendre, car nous savons que nous avons besoin et de renouvelables et de nucléaire. Par « renouvelables », j'entends toutes les filières d'énergies renouvelables : la géothermie, le biogaz, l'hydraulique, le photovoltaïque thermique – cela ne se limite pas à l'éolien et au photovoltaïque, comme je l'entends parfois.

Ces objectifs seront ajustés et votés en 2023 dans le cadre de la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC), à l'issue d'une concertation que nous ouvrirons dans le courant du mois d'octobre – donc dans les tout prochains jours.

C'est dans ce contexte que j'ai fait le choix de lancer dès maintenant un grand plan de développement des énergies renouvelables. Et c'est sans regret ! Nous fixerons des objectifs chiffrés, mais nous savons d'ores et déjà que nous avons besoin d'accélérer les procédures puisque nous mettons, en moyenne, deux fois plus de temps que nos voisins européens pour faire du renouvelable. Cela tient à de multiples raisons, et nous les attaquons une à une : sur le plan réglementaire d'abord, j'ai pris une série de décrets dès cet été ; sur le plan organisationnel ensuite, j'ai adressé aux préfets une circulaire relative aux procédures d'autorisation, sachant que nous renforcerons, dès 2023 – cela figurera dans le projet de loi de finances –, les effectifs qui instruisent les dossiers. Ces mesures ont déjà permis de débloquer 10 gigawatts d'énergie solaire et éolienne et 1 térawatt de gaz renouvelable.

Le volet législatif de ce plan est le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dont la première mouture vous a été transmise cet été et qui a été présenté dans une version légèrement différente en Conseil des ministres. Il vise à lever les verrous administratifs et de procédure sans renier quoi que ce soit de nos exigences environnementales.

Nous agirons sur quatre leviers. Le premier est l'accélération des procédures, par exemple en prévoyant un raccordement au réseau dès qu'un projet se décide, autrement dit sans attendre qu'il soit terminé pour entamer les démarches. Cela permet de gagner une à plusieurs années de procédure.

Le deuxième levier consiste à libérer le foncier, en mobilisant en priorité les terrains déjà artificialisés ou dégradés, et ne présentant pas de difficulté du point de vue patrimonial ou environnemental, tels les parkings, les friches ou les bordures d'autoroutes. Ces mesures permettront de libérer des espaces qui sont actuellement interdits, inaccessibles ou insuffisamment mobilisés, et de doubler notre puissance solaire actuelle. Contrairement à ce que j'ai pu lire, le fait d'autoriser le recours à ces terrains ne signifie pas que l'on ne procédera pas aux évaluations environnementales. Celles-ci seront effectuées, mais on ne s'interdit pas d'implanter des énergies renouvelables sur ces terrains. Il y aura donc des mesures de préservation pour les projets de biodiversité.

Troisième levier : il convient de mieux organiser la concertation, en permettant, notamment pour les projets d'éoliennes marines, un débat mutualisé sur chaque façade maritime, afin de décider, avec les territoires et leurs habitants, du partage de l'espace maritime pour chaque projet. L'enjeu est d'anticiper et de mener la concertation en amont des porteurs de projets. Cette demande émane des territoires.

Enfin, quatrième levier : mieux partager la valeur en permettant aux territoires de bénéficier de la valeur créée par les projets d'énergies renouvelables qu'ils accueillent. Concrètement, les habitants et leurs communes profiteront directement des installations, grâce à une réduction de leur facture d'électricité. Rappelons à cet égard que les énergies renouvelables sont compétitives. Elles apporteront plus de 20 milliards d'euros au budget de 2023 et financeront une partie du bouclier énergétique.

J'entends mener ce programme en prenant en considération deux impératifs essentiels : la préservation de la biodiversité et l'association des territoires. Accélérer ne veut pas dire abaisser les standards de protection de notre environnement, ni faire fi des territoires. Nous voulons poser les fondations d'un pacte territorial énergétique.

Pour cela, je compte sur vous. Nombre d'entre vous parlent de souveraineté énergétique et économique ; d'autres insistent sur la nécessité d'agir face au réchauffement climatique et de développer les énergies renouvelables. C'est l'occasion pour chacun de prendre ses responsabilités. Je tiens à remercier votre commission d'avoir lancé une mission transpartisane sur le déploiement des énergies renouvelables ; elle sera l'occasion d'aller plus loin encore et de formuler des propositions concrètes pour accélérer ce déploiement.

Par ailleurs, nous devons relancer notre filière nucléaire. Le Président de la République a annoncé son souhait de lancer un programme de six réacteurs pressurisés européens (EPR). Un milliard d'euros du plan France 2030 sont consacrés à cette filière en vue d'améliorer la recherche et développement ainsi que l'innovation. Nous souhaitons que tous les réacteurs qui peuvent être prolongés en sécurité le soient. Ces enjeux, je l'ai dit, seront traités dans la prochaine PPE, sur laquelle le débat public démarrera dans les prochains jours.

Afin de ne pas perdre de temps, parallèlement au projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, je présenterai prochainement un projet de loi équivalent portant sur les procédures relatives aux installations nucléaires – et non pas sur le nombre de réacteurs, point qui fera l'objet de la PPE. Vous l'avez compris, nous agissons en parallèle et non de manière séquentielle ; l'urgence énergétique l'exige.

Pour la mise en œuvre de cette politique énergétique, mon ministère disposera en 2023 d'un budget de 19 milliards d'euros, montant historique, pour financer trois priorités : continuer d'accompagner concrètement les Français dans la rénovation de leur logement et dans l'achat de véhicules propres ; accélérer la décarbonation de nos activités ; protéger nos concitoyens face à l'envolée des coûts de l'énergie.

Nous mobiliserons 2,5 milliards pour financer le dispositif MaPrimeRénov' – soit 40 % de plus que dans la trajectoire 2017-2019. Le budget de mon ministère financera à hauteur de 1,3 milliard le bonus écologique et la prime à la conversion. Nous poursuivrons également, pour les professionnels, l'appel à projets en faveur de l'électrification des poids lourds mis en place dans le plan de relance. La décarbonation sera poursuivie grâce au fonds « Chaleur » géré par l'Agence de la transition écologique (Ademe), maintenu à 520 millions d'euros en 2023, et au fonds « Décarbonation de l'industrie », qui mobilise plus de 5 milliards dans le cadre du plan France 2030. Enfin, dans le contexte de la crise énergétique, nous consacrerons 12 milliards à la prolongation du bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité. Mon ministère financera également le chèque énergie exceptionnel, qui bénéficiera à 40 % des ménages français. Cela répond à la volonté d'avoir des mesures plus ciblées que vous avez exprimées.

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Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

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Notre continent et, avec lui, notre pays se trouvent confrontés à une crise énergétique très grave, dont les causes se révèlent multiples, géopolitiques et économiques au premier plan. Cette crise nous place plus que jamais devant le défi de la transition énergétique, auquel est désormais consacré un ministère de plein exercice dont vous avez la charge, ce qui ne peut que nous réjouir au vu de vos précédents résultats en matière industrielle.

Notre pays a entamé cette transition énergétique avec volontarisme. Nous devons désormais l'accélérer, tant il y a urgence.

L'urgence est économique, car le bon fonctionnement du pays et la compétitivité de nos entreprises, à terme, ne pourront être assurés sans la garantie d'une sécurité d'approvisionnement en énergie. Celle-ci passera par le renforcement de nos capacités de production, autant par l'accélération de nouvelles implantations d'énergies renouvelables que par le renforcement de notre parc nucléaire, qui feront tous deux l'objet de textes que nous examinerons prochainement.

L'urgence est évidemment écologique : l'évolution de notre mix énergétique pour réussir la baisse de notre consommation, la baisse des émissions de gaz à effet de serre et l'amélioration de la qualité de l'air demeurent notre cap.

Parmi les gisements, j'insisterai sur la sobriété et l'efficacité énergétiques par la rénovation des bâtiments publics, des logements particuliers et des locaux des entreprises. Le soutien continu et inédit de nos gouvernements a permis d'atteindre 700 000 rénovations énergétiques par an. Si nous ne pouvons que nous féliciter de cette prise de conscience collective et de l'intensification de ce soutien – le projet de loi de finances pour 2023 prévoit notamment 500 millions d'euros supplémentaires pour MaPrimeRénov' et un Fonds vert qui financera la rénovation des bâtiments publics –, il nous faut désormais aller vers des rénovations plus performantes et réduire la part des monogestes, coûteux pour nos finances publiques et pas toujours efficaces du point de vue énergétique.

L'urgence est, bien entendu, sociale : sans les boucliers massifs mis en place sans délai par le Gouvernement, le prix de l'énergie aurait pu doubler sur la facture de nos compatriotes. Plus que jamais, nous devons continuer à accompagner les plus précaires, tout en sortant progressivement, et aussi vite que possible, des mesures d'urgence.

La transition énergétique ne sera complète que si ces trois volets sont pleinement pris en compte. Le groupe Renaissance soutiendra toutes les propositions en ce sens, tant dans le cadre du projet de loi de finances que du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, qui contribuera à la construction de notre avenir énergétique.

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Pour réussir la transition énergétique, il existe des solutions de trois types : celles dont on sait qu'elles marchent, celles dont on sait déjà qu'elles ne marchent pas, celles sur lesquelles il est raisonnable de s'engager.

Je commence par celles qui marchent. Leur objectif est très simple : assurer une production massive d'énergie à bas prix et, partant, un avantage compétitif considérable pour l'économie française, le tout en s'appuyant sur des champions industriels qui assurent notre souveraineté énergétique sans recourir aux hydrocarbures. Vous l'avez reconnu : il s'agit du nucléaire français, patrimoine de la nation tout entière, abîmé lors des derniers quinquennats – dont vous êtes aussi comptables – et dans lequel il faut réinvestir massivement.

J'en viens aux solutions qui ne marchent pas. L'impasse énergétique résultant de la préférence irrationnelle pour des énergies intermittentes provoque aujourd'hui la précarité énergétique de millions de familles et creuse une nouvelle fracture sociale pour ceux qui doivent, d'ores et déjà, choisir entre se déplacer ou se chauffer. Il faut prononcer un moratoire sur l'éolien et en suspendre toutes les subventions. Libre alors aux croyants de cette religion de se faire aussi pratiquants, et d'en acheter l'énergie au prix du marché ! Laissez-moi vous faire une confidence : ils ne tiendront pas l'hiver, même en col roulé…

Je termine par les solutions dont il faut développer le potentiel : la géothermie et l'hydroélectricité, dont il paraît étonnant que certains veuillent encore privatiser l'infrastructure. Pour garantir la liberté de la mobilité individuelle, l'hydrogène apparaît à terme comme l'unique source d'énergie massivement stockable, accessible et non polluante – en tout cas bien moins polluante que les batteries actuelles.

Pour que la transition énergétique soit réussie, il faut la faire avec les Français, et non contre eux ; c'est le point clé. Voilà pourquoi il faut baisser de 20 à 5,5 % la TVA sur les énergies. On ne s'inquiète pas de la fin du monde prévue par les sapiteurs lorsqu'on a peur de la fin du mois !

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Nous connaissons actuellement l'une des plus graves crises inflationnistes de notre histoire, alimentée principalement par l'augmentation du prix de l'énergie, notamment celui de l'électricité, qui a atteint près de 1 100 euros le mégawattheure à la fin du mois d'août, soit dix fois son prix habituel.

Face à cette situation, la Commission européenne a fini par admettre qu'il était temps de réformer les mécanismes du marché européen de l'électricité. Au passage, je lui fais confiance pour produire un système tout aussi incompréhensible et inopérant que le précédent, en pire. En attendant, le Gouvernement français brandit avec force publicité le bouclier tarifaire, sa seule mesure, financée par le budget de l'État, donc par nos impôts – il faut le dire clairement.

Or ces mesures n'agissent que sur les symptômes de la crise profonde que nous traversons. C'est la logique même de marché qu'il faut remettre en cause. Sans le marché, il n'y aurait pas eu cette crise sur la facture électrique : les prix auraient suivi les coûts du système électrique, lesquels n'ont augmenté que de 4 % en 2021 par rapport à 2020. Sans le marché, EDF ne vendrait pas son électricité à 50 euros le mégawattheure à des concurrents virtuels qui la revendent à 500 euros le mégawattheure sans avoir produit le moindre électron, alors même qu'ils s'y étaient engagés.

Il faut donc sortir de ces mécanismes européens absurdes de fausse concurrence et revenir à un tarif réglementé fondé sur les coûts réels de production, afin de garantir un prix stable et prévisible. Il faut sortir de cette mécanique financière de spéculation pure. Ne m'opposez pas que je souhaite isoler la France de la solidarité européenne, la déconnecter du réseau ; les interconnexions sont indispensables et elles existaient bien avant que vous n'appliquiez votre délire financier au secteur de l'énergie. Vous nourrissez des requins de la finance avec la chair des Français, leur salaire, et vous venez leur expliquer, la bouche en cœur, qu'il va falloir couper la wifi et éviter les mails rigolos !

Madame la ministre, les faits sont têtus. Allez-vous enfin reconnaître l'évidente faillite de votre dogme du marché, et l'abandonner ? Avez-vous seulement sollicité vos services pour étudier cette voie alternative ?

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La crise énergétique est particulièrement révélatrice pour le Gouvernement. Il n'aura fallu que deux ans, entre la fermeture de la centrale de Fessenheim et la guerre en Ukraine, pour le voir opérer un virage à 180 degrés sur le nucléaire. Vous déposez maintenant deux projets de loi visant à accélérer les énergies renouvelables et le nucléaire, en accordant une large part à ce que vous appelez « l'acceptabilité ».

Je m'arrête un instant sur cette notion d'acceptabilité. Au risque de surprendre, de mon point de vue, la clé de l'acceptabilité n'est pas la concertation ; elle n'est pas l'organisation de débats publics dont l'issue est décidée à l'avance et qui ne font que paralyser l'action publique. Elle n'est pas non plus le partage de la valeur, que vous proposez comme pour faciliter, voire acheter le consentement des élus et des riverains. La clé de l'acceptabilité est, de toute évidence, le succès : le succès industriel, le succès commercial, le succès technologique et, surtout, le succès énergétique. Ils ont été au rendez-vous avec le nucléaire, qui a permis l'accès à une énergie garantie, souveraine et bon marché pour tous.

Rétrospectivement, il n'y a pas eu trop de débats au Parlement, ni de débat public en général, lors de la construction du parc électronucléaire. Pourtant, le nucléaire bénéficie d'un fort consensus, réaffirmé dans les sondages. C'est tout simplement parce qu'il est couronné de succès.

Malgré cela, la PPE prévoit toujours la baisse de la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique en 2035. Allez-vous revenir sur cette disposition législative et accepter de relever ce seuil ?

Concernant le temps long, où en sont les énergies renouvelables alternatives ? Pouvez-vous évoquer votre vision de l'actualité des technologies autres que le solaire et l'éolien, qui pourraient demain s'ajouter à notre éventail du renouvelable ? Quel est votre avis sur le soutien à la méthanisation, qui ne fait pas l'objet d'un titre spécifique dans le projet de loi ? L'hydraulique est-il aujourd'hui à son plein développement potentiel ? L'énergie marémotrice, qui présente l'avantage d'être parfaitement prédictible, n'est-elle pas une perspective intéressante à l'heure où l'on cherche à profiter de l'énergie marine ? La géothermie, plus particulièrement la géothermie marine qui exploite les calories thermiques d'une ressource inépuisable, à savoir la mer, est-elle suffisamment accompagnée dans son développement ?

La fermeture de la centrale de Fessenheim et l'abandon du réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle (Astrid) pèsent lourd dans votre bilan. Dans ce contexte, pouvez-vous nous dresser un point de situation sur le réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter) de Cadarache ? La perspective de la fusion nucléaire, qui produit une énergie infinie, est la véritable réponse à nos défis pour une croissance propre et pérenne.

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Au nom du groupe Démocrate, je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir présenté votre feuille de route et les enjeux énergétiques du projet de loi de finances. Je souhaite vous interroger sur un sujet qui, vous le savez, me tient à cœur : l'éolien en mer.

Le Président de la République a fixé un objectif de 40 gigawatts d'électricité produits par l'éolien en mer en 2050, soit cinquante parcs. Une planification est attendue pour nous permettre d'atteindre cet objectif. Les industriels de l'éolien sont unanimes : pour que ce chantier soit mené à bien rapidement, et pour que son efficacité et son acceptabilité soient garanties, il lui faut un document propre, des équipes suffisamment nombreuses et agiles, ainsi qu'un capitaine dédié, sous l'autorité de votre ministère et de celui de la mer.

Je ne suis pas certain de l'intérêt de réaliser ce travail dans le cadre de la révision des documents stratégiques de façade (DSF). La planification et la concertation sont les éléments clés de l'acceptabilité.

Je ne peux pas conclure mon propos sans évoquer le projet d'éolien flottant au large de Belle-Île et de Groix. Cette technologie permettrait d'éloigner les éoliennes à plus de 100 kilomètres de la côte, comme cela se fait dans plusieurs pays européens, notamment les Pays-Bas, qui ont déjà défini toute leur planification jusqu'à 2050. Or les éoliennes seront finalement installées à 20 kilomètres seulement de Belle-Île, malgré les positions convergentes exprimées lors du débat public par les élus locaux, les associations, les industriels et les habitants : nous avions tous souhaité que le parc soit construit au-delà des 12 milles nautiques. Comment comptez-vous garantir la bonne prise en compte des débats publics à venir ?

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Merci, madame la ministre, pour votre présentation.

Nous notons que l'idée d'une nécessaire sobriété, notamment énergétique, a pris dernièrement une place plus importante dans le débat public et a fait son apparition dans le discours du Gouvernement. Malheureusement, c'est essentiellement dû aux événements externes difficiles que nous connaissons. Néanmoins, un point positif émerge : les questions de sobriété sont mises au premier plan.

Une question se pose désormais : de quelle sobriété parlons-nous ? À l'approche de l'hiver, les circonstances imposent que nous réalisions toutes et tous des efforts individuels et collectifs à court terme pour prévenir le risque de pénurie d'électricité ou de gaz. C'est l'objet du plan sur lequel vous avez travaillé et qui doit être présenté demain.

Néanmoins, chez les socialistes, nous pensons que cet élan autour de la sobriété doit aller plus loin et permettre une réflexion sur le moyen et le long terme. Dans le contexte actuel, il est plus qu'urgent de nous interroger collectivement sur notre mode de vie et sur notre modèle de développement, en prenant en compte son impact sur le climat et les ressources naturelles.

En complément du travail que vous avez effectué sur la sobriété énergétique, nous avons présenté, ce matin, une série de mesures concrètes de court et de moyen terme pour une sobriété solidaire, guidée par la justice sociale et le partage des droits sociaux et environnementaux. Il s'agit, par exemple, de massifier les rénovations performantes et globales des logements avec la mise en place d'un zéro reste à charge pour les ménages ; de favoriser l'accès aux transports collectifs du quotidien ; d'étendre aux jets privés la limitation des vols commerciaux introduite dans la loi « climat et résilience » ; de mettre fin progressivement aux écrans vidéo publicitaires ; de créer une tarification sociale pour les besoins essentiels. Pour financer cela, nous proposons un impôt sur la fortune « climat et biodiversité » ainsi qu'une taxe sur les superprofits.

Comment cette réflexion indispensable de plus long terme sur notre modèle de développement et sur notre façon de produire et de consommer s'inscrit-elle dans vos travaux ?

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Le contexte international et l'accélération des conséquences du changement climatique nous obligent. Les ambitions du Président de la République et le volontarisme de la présidence française de l'Union européenne nous placent sur une trajectoire ambitieuse de décarbonation de notre mix énergétique. Pour tenir l'objectif d'une neutralité carbone en 2050, nous devons réussir dès 2030 une réduction nette des émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990. Or 2030, c'est demain. Nous devons accélérer.

Pour le ministère de la transition énergétique, le budget annoncé pour 2023 s'élève à 19 milliards d'euros. Si on lui ajoute le budget du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ce sont près de 60 milliards qui seront consacrés à la décarbonation et à la transition de notre société. Ce montant inédit montre bien l'ambition du Gouvernement de tout faire pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone.

Il convient également de saluer les priorités du ministère de la transition énergétique : des efforts accrus pour accompagner les Français et les collectivités dans la rénovation énergétique des logements et des bâtiments ; l'accompagnement vers les mobilités durables, notamment grâce au soutien à l'achat de véhicules propres ; l'accélération du développement et de l'installation d'énergies propres pour un mix décarboné ; surtout, une attention continue à la protection des Français face à la hausse des prix de l'électricité et du gaz.

Je tiens en outre à saluer le rôle que vous avez joué, madame la ministre, dans les négociations sur la régulation du marché européen de l'énergie. J'aurais pu vous demander comment vous envisagez l'équilibre entre objectif national et déploiement local, ou encore comment vous pensez concilier le temps nécessaire à l'appropriation – utile à la construction des projets et à leur acceptabilité par la population – et l'obligation qui est la nôtre d'installer au plus vite les capacités de production qui nous permettront de tenir nos objectifs. Mais je souhaite vous interroger sur une menace immédiate : le risque d'une rupture de l'approvisionnement en énergie des chaînes de production. Pouvez-vous nous donner de la visibilité sur les négociations en cours avec nos partenaires européens ? Pensez-vous qu'une action coordonnée consistant à plafonner le coût de l'énergie pour l'ensemble des entreprises européennes soit à portée de main ?

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Depuis plus d'un an, nous traversons une crise énergétique dont l'ampleur, vous l'avez dit, est comparable, si ce n'est supérieure à celle du premier choc pétrolier en 1973. La crise s'annonce en outre durable. Pourtant, elle aurait pu être anticipée ; elle aurait dû être anticipée. Deux leviers auraient permis de l'éviter : le développement massif des énergies renouvelables et la promotion de l'efficacité énergétique.

La France est aujourd'hui le seul pays de l'Union européenne à être au-dessous de son objectif légal en matière d'énergies renouvelables. Concernant l'efficacité énergétique, le Grenelle de l'environnement avait fixé, en 2007, un objectif de réduction de 38 % des consommations dans le bâtiment d'ici à 2020. D'après l'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE), seul 1 % de l'objectif a été atteint. Faute d'avoir agi, nous sommes aujourd'hui dans l'urgence, et l'on tente de limiter la casse avec un bouclier tarifaire.

Or le bouclier tarifaire que vous proposez présente plusieurs écueils : il n'incite pas à réduire la consommation d'énergie et subventionne autant les besoins vitaux des plus modestes que l'énergie superflue dépensée par les plus aisés. Autrement dit, les foyers qui peinent à chauffer leur logement reçoivent un accompagnement financier inférieur à ceux qui, par exemple, chauffent leur piscine en hiver. Il est donc absolument nécessaire de distinguer ce qui relève de l'énergie dite vitale – notamment pour se chauffer, se laver et manger – de ce qui relève de l'énergie dite superflue.

C'est pourquoi le groupe Écologiste propose d'instaurer un accès universel à l'énergie. Son principe est simple : au-dessous d'un certain seuil correspondant à la consommation moyenne des Français les plus modestes, tous les ménages bénéficieraient d'un prix fortement administré, inférieur au tarif du bouclier actuel ; on protégerait ainsi ceux qui en ont le plus besoin. Au-delà de ce seuil, toute consommation serait tarifée au prix du marché, donc à un prix forcément désincitatif.

Le Gouvernement est-il prêt à faire évoluer l'actuel bouclier tarifaire dans le sens d'une plus grande justice écologique et sociale ?

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Comme chaque fois, je suis un peu étonné des débats qui se tiennent dans notre commission. En Guyane, au moment où je vous parle, une commune de 12 000 habitants n'a pas d'électricité. Huit communes sur vingt-deux sont totalement isolées. La Guyane n'est pas interconnectée avec les pays environnants. En d'autres termes, la sobriété énergétique, nous la connaissons et la vivons depuis des dizaines d'années. Les efforts qui vont être demandés aux Français n'ont pas de sens chez nous, puisque nombre de villages et de contrées n'ont ni électricité ni eau.

La situation de la Guyane est très particulière. Les questions énergétiques ne peuvent pas être traitées de la même façon en France et dans les territoires dits d'outre-mer. Quelles sont les feuilles de route ? Elles doivent être décidées avec les élus locaux, bien sûr, dans le cadre des plans pluriannuels de l'énergie. Mais le problème est structurel : la Guyane en est au stade de l'électrification, tout simplement, tant en matière de production que de transport et de distribution.

C'est un drame, et nous devons raisonner en termes d'urgence car, vous le savez, il règne en Guyane un climat d'insécurité : pratiquement une personne y est assassinée par semaine. Imaginez que, dans ma commune de Matoury, j'ai passé près de dix heures sans électricité, en pleine période d'insécurité, dans un quartier totalement plongé dans le noir où des braquages ont lieu régulièrement.

Au nom de toute la population guyanaise, j'insiste, je suis presque en colère, car on ne traite pas les questions fondamentales du développement et de la mise à disposition de l'énergie. J'espère que nos territoires, notamment la Guyane, bénéficieront d'un régime singulier, pour traiter l'urgence mais aussi pour construire l'avenir.

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Au regard de la crise énergétique que nous traversons, tout le monde s'accorde sur la nécessité d'agir.

Notre commission a auditionné ce matin le président de France Industrie. Vous avez évoqué l'investissement de 5 milliards d'euros d'ici à 2030, qui nous permettra d'atteindre nos objectifs – nous l'espérons – en matière de décarbonation de l'industrie. Néanmoins, ce qui se passe actuellement risque d'empêcher les entreprises industrielles d'accélérer le processus. Le discours que nous avons entendu ce matin laissait entendre qu'il serait sans doute difficile d'aller plus loin que ce qui est demandé aujourd'hui au champ industriel.

Je souhaite soulever la question de la place des élus dans la discussion sur les énergies renouvelables. Les élus du bloc communal se demandent s'ils y seront associés et s'ils pourront y participer. Nous venons d'entendre l'intervention de notre collègue d'outre-mer. De manière générale se pose la question de la planification territoriale et de la capacité à entraîner les territoires dans la politique de développement des énergies renouvelables.

EDF a pris l'engagement de réactiver, d'ici à cet hiver, les trente-deux réacteurs nucléaires à l'arrêt. Où en sont les opérations de maintenance ? Par ailleurs, je reprends vos propos : tous les réacteurs qui peuvent être prolongés dans des conditions de sécurité doivent l'être. Avez-vous une idée du nombre de réacteurs concernés ? Quelle est l'échéance ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

Merci, monsieur Armand, pour le panorama que vous avez dépeint. Je sais quel est votre rôle dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023. Je suis à la disposition de la commission pour travailler sur les enjeux cités par les uns et les autres, notamment la rénovation thermique. Balayons devant notre porte : nous avons des marges de progrès en la matière. Nous avons déjà fait beaucoup pour massifier et accélérer la rénovation thermique, mais il faut continuer sur cette lancée.

Monsieur Blairy, vous évoquez une « préférence irrationnelle » pour les énergies renouvelables. Je vous renvoie à la lecture des travaux de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), du Giec, du HCC et de 95 % des scientifiques et experts des questions énergétiques : ils font tous du développement massif des énergies renouvelables une priorité, à la fois pour assurer la souveraineté énergétique et pour lutter contre le réchauffement climatique.

Vous plaidez pour un moratoire sur les éoliennes et une suspension des subventions. Je le redis, les énergies renouvelables, notamment celle produite par les éoliennes, permettent de financer le budget à hauteur de 20 milliards d'euros. C'est en quelque sorte une « subvention inversée », qui contribue aux objectifs du projet de loi de finances.

La géothermie et l'hydraulique, mentionnés par plusieurs d'entre vous, sont effectivement des sources d'énergie prometteuses. La géothermie est accompagnée dans le cadre du plan France 2030. La filière ne nous a pas adressé de demande particulière en matière législative. S'agissant de l'hydroélectricité, nous avons prolongé la concession de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Nous devons désormais aborder la question des concessions d'EDF, mais cela suppose d'achever au préalable l'opération de montée de l'État à son capital. Rappelons que nous avons déjà largement mobilisé les capacités hydroélectriques en France. Nous pouvons probablement, moyennant un investissement de quelques milliards d'euros, augmenter de 20 % à 30 % le potentiel des installations existantes, mais nous devons avoir en tête que le réchauffement climatique risque d'amoindrir la ressource en eau.

L'hydrogène est lui aussi une source d'énergie prometteuse. Le Gouvernement a décidé de consacrer 9 milliards d'euros à son développement dans le cadre du plan de relance et du plan France 2030. Nous avons promu un soutien européen – j'espère que vous le saluerez – à la filière hydrogène. La Première ministre a annoncé la semaine dernière l'implantation, dans ce cadre, d'une dizaine d'usines en France.

Si l'hydrogène est une technologie particulièrement adaptée pour la décarbonation de l'industrie et, probablement, pour celle de la mobilité lourde, tel n'est pas le cas à ce stade pour celle de la mobilité individuelle. Je vous renvoie à ce sujet aux travaux très précis du Conseil national de l'hydrogène – n'étant pas une experte, je m'inspire des études scientifiques. Pour la mobilité individuelle, c'est plutôt l'électrique qui tient la corde.

Bien évidemment, il ne faut pas faire la transition énergétique sans les Français. C'est pourquoi nous organisons des débats publics, avec la Commission nationale du débat public (CNDP).

Monsieur Prud'homme, les faits sont têtus, effectivement : cela fait plus de quatorze mois que le Gouvernement – M. Bruno Le Maire, ma prédécesseure Mme Barbara Pompili et moi-même – travaillons à la réforme du marché européen de l'électricité ; c'est la France qui est à la manœuvre et a fait bouger l'Union européenne à ce sujet. Par ailleurs, il ne faut pas dire tout et son contraire : le marché européen nous permet d'avoir accès à l'électricité dont nous avons besoin ; tel a été le cas pendant vingt jours l'année dernière. Cette électricité est produite au coût marginal de la centrale la plus chère, car il est normal de couvrir les coûts de production – autrement dit d'exclure la vente à perte.

Monsieur Maquet, vous soulevez la question de l'acceptabilité et évoquez le succès industriel et commercial du nucléaire, en précisant qu'il a toujours été consensuel. Ce n'est pas tout à fait exact : après les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, il y a eu des périodes de creux dans le soutien de l'opinion publique. Nous devons être extraordinairement attentifs à la sécurité.

Notre filière nucléaire a effectivement été un succès – elle nous a permis de réduire d'environ un tiers notre dépendance énergétique – et nous devons la relancer. Nonobstant, les énergies renouvelables peuvent être un succès elles aussi.

Nous disposons désormais des principales briques technologiques – production des nacelles, des pales et des moteurs, entre autres – pour construire la filière éolienne marine. Cela a une vraie portée pour les projets que nous soutenons.

Pour ce qui est du photovoltaïque, en revanche, près de 80 % des parts de marché sont détenues par des industries chinoises. La politique énergétique comprend donc nécessairement une dimension industrielle, que nous devons promouvoir dans la passation des marchés publics, dans les négociations et la rédaction des cahiers des charges relatifs aux énergies renouvelables, dans le soutien au développement des filières, dans l'élaboration des règles du jeu européennes. Le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières ou le règlement relatif aux batteries électriques sont prometteurs à cet égard.

La réduction à 50 % de la part du nucléaire dans notre mix énergétique correspond en réalité à une hausse, en valeur absolue, de la production d'électricité nucléaire, puisque notre production totale d'électricité est appelée à augmenter. Il nous faut à la fois beaucoup plus d'énergies renouvelables et plus d'énergie nucléaire. Ce n'est pas évident, car un certain nombre de centrales arrivent en même temps au terme de leur exploitation. Ce sera l'un des points de débat importants de la PPE.

Il n'y a pas de mesure de soutien à la méthanisation dans le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, car la filière ne nous avait pas signalé de besoins. Nous venons d'en identifier un : l'extension au gaz renouvelable des contrats de vente directe entre producteurs et consommateurs finals – Power Purchase Agreement (PPA). Si vous avez d'autres pistes, nous sommes tout à fait disposés à les examiner, car nous soutenons la méthanisation – il n'y a pas d'ambiguïté à ce sujet.

Les échéances qui jalonnent la trajectoire du projet Iter sont peu ou prou respectées. Néanmoins – je pense que vous le savez parfaitement –, c'est un projet de long terme, qui ne nous aidera pas à résoudre le problème de l'hiver prochain.

Monsieur Pahun, il convient certainement d'éloigner les parcs éoliens des côtes, mais je rappelle qu'il n'y a nulle part dans le monde de projet industriel d'éolien flottant. La technologie éprouvée est, à ce stade, celle de l'éolien posé. Les Pays-Bas et les pays riverains de la Baltique ont la chance d'avoir un plateau continental moins profond que le nôtre. Chez nous, les fonds peu profonds sont proches des côtes.

Les deux projets d'éolien flottant actuellement développés dans notre pays sont de capacité démonstrative, avec des coûts de production beaucoup plus élevés. Nous parviendrons à faire de l'éolien flottant, mais probablement après 2030. Parmi les 50 parcs éoliens annoncés, certains seront posés, d'autres seront flottants ; cela fera l'objet d'une programmation. Je vous rejoins sur un point : cette programmation doit être écologique et prendre en considération les différents territoires.

Madame Jourdan, je salue le fait que vous abordiez la question de la sobriété énergétique. J'ai pris connaissance de la contribution de votre groupe, intitulée « Pour une sobriété solidaire », qui comprend dix grandes mesures. Il s'agit pour beaucoup de mesures fiscales ou d'efficacité énergétique, qui peuvent être utiles pour lutter contre le réchauffement climatique, mais n'entrent pas complètement dans le champ de la sobriété énergétique. Pour notre part, nous nous attachons à changer les comportements. Je vous renvoie aux travaux de l'association négaWatt et du Réseau action climat, avec lesquels nous avons travaillé sur le plan de sobriété énergétique.

Je vous renvoie aussi au paquet Fit for 55, paquet « climat » européen très ambitieux de 3 500 pages, qui couvre tous les secteurs, notamment le transport maritime et le transport aérien. Il prévoit des mesures à l'échelle européenne, donc beaucoup plus puissantes, qui visent à empêcher les comportements de passager clandestin en matière d'émissions de carbone. Nous allons probablement le finaliser dans les prochains mois. La présidence française a emporté un accord global à ce sujet, notamment grâce à la force de traction du Président de la République.

Pour concilier les préoccupations de court terme et de moyen terme dans le domaine des énergies renouvelables, monsieur Alfandari, je crois à la planification écologique. Nous avons lancé les comités régionaux de l'énergie. C'est un début, et il faudra probablement descendre au niveau des départements. Les régions ont des compétences en matière d'énergie et de développement économique, mais c'est un échelon encore un peu trop élevé.

Dans la circulaire que nous leur avons adressée, nous avons demandé aux préfets non seulement d'accélérer le traitement des dossiers – pour lever les incertitudes, en apportant une réponse positive ou négative –, mais aussi de s'engager dans une concertation avec les élus, dans un travail d'accompagnement, d'aide à la décision et de cartographie des territoires propices au développement de tel ou tel type d'énergie renouvelable. Nous devons évidemment être vigilants quant aux contraintes de certains territoires – existence d'un plan de prévention des risques (PPR), présence d'un site patrimonial remarquable, absence d'acceptabilité –, mais il ne faudrait pas non plus que, dans un département donné, la zone jugée propice soit très restreinte par rapport au besoin de production. Les travaux que j'entends conduire dans le cadre de la PPE doivent nous permettre de mesurer l'écart entre l'acceptable et le nécessaire.

Concernant le marché de l'énergie, une action coordonnée au niveau européen me semble possible ; nous avons beaucoup progressé au cours des derniers jours. Il y a trois sujets à traiter.

Premier sujet : l'éventuel plafonnement du prix du gaz, notamment du gaz livré par gazoducs, sachant que les fournisseurs ont dans ce cas une moindre capacité à réorienter leurs flux et davantage de pouvoir de négociation. Mon homologue norvégien chargé du climat, que j'ai rencontré hier à Kinshasa en marge de la réunion préparatoire à la COP27, a réaffirmé la volonté très forte de son gouvernement de trouver des solutions. D'autres pays ont déjà des prix tout à fait compétitifs.

Deuxième sujet : l'approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL). Le marché du GNL est mondial et s'élève à 400 térawatts. Il nous faut remplacer 100 térawatts de gaz russe – 40 % des livraisons de gaz à l'Europe. Le GNL ne se produisant pas de manière aussi aisée, il faudra trois ou quatre ans pour qu'il prenne le relais. Il s'agit bien de gérer des flux.

Troisième sujet : la déconnexion du prix de l'électricité de celui du gaz. Nous nous orientons vers un « mécanisme ibérique » revisité pour l'ensemble de l'Europe. La négociation se poursuit et avance raisonnablement. Mes équipes auront demain une discussion technique détaillée avec la direction générale de l'énergie de la Commission européenne et l'ensemble des pays européens.

Les ministres européens de l'énergie sont convaincus qu'il faut aller de l'avant. Le marché de l'énergie fera l'objet d'un point au Conseil européen informel qui se tiendra à la fin de cette semaine.

Vous estimez, monsieur Thierry, que la crise aurait pu être anticipée. Je tiens à féliciter de leur prescience ceux qui avaient vu dans leur boule de cristal que la Russie agresserait l'Ukraine et que les livraisons de gaz et de pétrole cesseraient dans les mois suivants ! Il s'agit d'un choc d'offre exogène majeur. Cette guerre, dirigée contre nos valeurs, n'était pas nécessairement prévisible.

Vous avez raison, il faut développer massivement les énergies renouvelables. C'est ce que nous faisons, et je compte sur le soutien de votre groupe au projet de loi que nous présentons. Je crois comprendre qu'il n'est pas tout à fait acquis, mais je suis à votre disposition pour travailler en ce sens.

Contrairement à ce que vous avez dit, le bâtiment est l'un des secteurs qui a le plus contribué à la réduction des consommations énergétiques. C'est d'ailleurs aussi celui qui devrait y contribuer le plus dans les années qui viennent. Je tiens à souligner que nous respectons la trajectoire définie dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) révisée, mise en œuvre depuis 2018. Autrement dit, nous respectons notre budget carbone.

Nous travaillons sur une SNBC complémentaire, pour accélérer encore le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons relevé de près de 30 % notre objectif en la matière au niveau européen. L'Europe est le continent le plus ambitieux à cet égard.

S'agissant du bouclier tarifaire, le chèque énergie est le dispositif le plus ciblé et pour lequel le taux de recours est le plus élevé. C'est ce que nous disent les organisations syndicales, les associations de lutte contre la précarité – je les ai rencontrées – et les organisations non gouvernementales (ONG). De plus, c'est un dispositif qui favorise la sobriété.

Vous avez parfaitement raison, monsieur Castor, la situation en Guyane n'est pas digne d'un pays comme la France. Cet été, l'électricité a été coupée pendant de longues heures dans des secteurs entiers de la Guyane. J'ai été mobilisée pour suivre, avec EDF, le rétablissement des infrastructures. La Guyane est une zone non interconnectée (ZNI) et requiert une PPE spécifique. M. Jean-François Carenco, ministre chargé des outre-mer, et moi-même sommes prêts à y travailler. Concernant la centrale électrique du Larivot, nous bataillons pour obtenir des résultats, ce qui n'est pas simple. Un contentieux est en cours, dans lequel la position de l'État a été constante.

De manière générale, pour les territoires ultramarins et pour la Corse, qui sont des ZNI, il est essentiel qu'il y ait des PPE, des engagements et une décarbonation. Je suis prête à y travailler.

Monsieur Saint-Huile, vous évoquez à juste titre la décarbonation des entreprises industrielles. Même si ce n'était pas pleinement satisfaisant, je me réjouis que le dispositif d'activité partielle ait permis de maintenir à flot les industries fortement engagées dans cette voie. Je vais de nouveau passer en revue l'ensemble des projets de décarbonation. En dépit de l'inflation, ils ont été poursuivis, mais certains se demandent aujourd'hui si nous avons les moyens de les mener à bien. Or ils sont nécessaires à notre pays. Je rappelle que la majeure partie de notre empreinte carbone est importée. Autrement dit, nous sommes perdants sur les deux tableaux : l'économie et l'écologie. Nous devons donc à la fois décarboner nos industries et faire en sorte qu'il fasse bon produire en France, dans des conditions sociales et environnementales exigeantes.

Concernant la place des élus dans les discussions sur les énergies renouvelables, vous avez parfaitement raison. J'ai apporté un élément de réponse tout à l'heure en évoquant les comités régionaux de l'énergie.

EDF s'est engagée à rouvrir les tranches nucléaires qui étaient à l'arrêt cet été. Je vous renvoie au site de RTE, qui indique la situation des centrales au jour le jour. D'autres tranches, en revanche, vont entrer dans une phase de maintenance – il y a un effet de noria. L'enjeu est de se conformer au scénario préconisé par RTE : une capacité de production de 45 gigawatts en janvier. C'est le scénario retenu par EDF, avec une part d'aléa classique.

Le rapport d'audit sur les maintenances, commandé par ma prédécesseure Mme Barbara Pompili, m'a été remis. Il existe des leviers d'amélioration, de l'ordre de trois à quatre semaines. Les mesures ont été recommandées par des experts du nucléaire et de la maintenance industrielle. EDF a joué le jeu et les a incorporées dans son programme d'excellence opérationnelle. Les déployer prendra quelques années ; il y a notamment un enjeu de formation et d'attractivité des métiers. Nous constatons un regain d'attractivité du nucléaire, en tout cas dans les carrières d'ingénieur, ce qui est une très bonne nouvelle.

Combien de réacteurs seront prolongés ? C'est une excellente question, que je vous invite à poser à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui est une autorité indépendante. La prolongation au-delà de 50 ans est a priori acquise pour l'ensemble des réacteurs. En revanche, la prolongation jusqu'à 60 ans est une véritable question, qu'il faudra examiner dans le cadre de la PPE. Différentes sensibilités s'expriment à ce sujet. À ce stade, nous ne pouvons pas garantir que tous les réacteurs seront en état d'être prolongés jusqu'à 60 ans.

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Nous en venons aux questions des autres députés.

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Alors que le prix de l'énergie s'envole, bien que contenu par le bouclier tarifaire mis en place par le Gouvernement, l'une des pistes que nous pouvons suivre est celle de l'autoconsommation, notamment de l'autoconsommation collective. Celle-ci vise à mutualiser les productions et les usagers ; c'est ce qu'on appelle le foisonnement.

En 2019, le rayon pris en compte pour considérer qu'il s'agit bien d'une action collective a été étendu à un kilomètre de distance et à une puissance cumulée de 3 mégawatts, soit jusqu'à 200 foyers. Malgré cette première avancée, un frein demeure : en autoconsommation collective, les usagers doivent payer des taxes, dont une TVA plus élevée que pour l'autoconsommation individuelle – qui en est exonérée jusqu'à 3 kilowatts de production.

Afin d'accélérer la transition énergétique des foyers français, le foisonnement constitue-t-il selon vous une réponse crédible ? Le cas échéant, des incitations fiscales sont-elles envisagées afin d'accélérer le déploiement de l'autoconsommation collective ?

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Madame la ministre, vous avez estimé que le budget de votre ministère pour 2023 était particulièrement élevé. En effet, le montant alloué par le projet de loi de finances au défi de la transition énergétique culmine à 19 milliards d'euros, ce qui constitue une nette progression par rapport à 2022. La rénovation énergétique des logements est l'une des priorités affichées par le Gouvernement : près de 2,5 milliards sont consacrés à MaPrimeRénov' et plus de 500 millions, financés sur le budget de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), sont attribués aux bailleurs sociaux. Cela traduit clairement la volonté de porter un effort croissant sur les rénovations globales.

J'appelle toutefois votre attention sur les difficultés que rencontrent certains ménages à obtenir l'aide MaPrimeRénov'. A priori, il s'agit de dysfonctionnements ponctuels de la plateforme ou de décalages de versement de la prime. Cependant, le dispositif rencontre un franc succès, puisque j'ai noté que 700 000 foyers y ont eu recours. Quelles dispositions envisagez-vous pour le perfectionner ?

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Je voudrais vous faire part de témoignages d'entreprises et d'élus de mon département des Landes. Alors qu'elles n'ont jamais eu d'impayés, des entreprises dont le contrat de fourniture d'électricité ou de gaz prend fin le 31 décembre 2022 voient leur propre fournisseur refuser de leur faire une offre pour leur garantir ce service à partir du début de l'année 2023. Ce problème est d'autant plus grave que ces entreprises bénéficient d'aides de l'État dans le cadre du plan France relance. En outre, lorsque des offres arrivent, il est demandé des dépôts de garantie de plusieurs millions d'euros, ce qui rend l'offre inacceptable par l'entreprise.

Par ailleurs, des chefs d'entreprise qui souhaiteraient déployer des panneaux photovoltaïques sur la toiture de leurs locaux se voient confrontés à des assurances qui refusent de répondre. En conséquence, de nombreux projets sont à l'arrêt. Serait-il possible de forcer la main aux assureurs ou d'envisager un système assurantiel de l'État ?

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Il est désormais possible d'installer des solutions de stockage à domicile lorsque des panneaux photovoltaïques sont installés sur le toit ou dans la résidence. Ne serait-il pas opportun pour la France d'instaurer un crédit d'impôt pour inciter les propriétaires de panneaux photovoltaïques à installer ces solutions de stockage à domicile ? Cela permettrait de lisser les pointes de consommation.

Quelle sont les éléments de votre feuille de route en ce qui concerne d'une part le développement des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques à batterie, d'autre part celui de l'hydrogène ?

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Madame la ministre, merci pour vos explications sur ces sujets très importants. Ma question porte sur les arrêtés qui doivent être pris en application du décret relatif à l'accompagnement de MaPrimeRénov'. Sauf erreur de ma part, deux arrêtés nécessaires pour que le dispositif Mon Accompagnateur Rénov soit pleinement opérationnel sont en attente. Pourriez-vous nous préciser le calendrier ?

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Madame la ministre, permettez-moi tout d'abord de saluer votre énergie et votre détermination pour soutenir aussi bien les ménages que les entreprises et de souligner vos interventions judicieuses et favorables auprès des énergéticiens. Nous avons pu le constater lorsqu'il a fallu augmenter de 20 térawattheures le plafond du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).

Nous avons encore beaucoup à faire en matière d'énergies renouvelables. Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières. Demain, dans une commune du Jura de 100 habitants, sera inaugurée la plus grande ferme solaire de la région, d'une capacité de 29 500 mégawattheures. Ce projet a mis dix ans pour aboutir. Il y a donc des freins, que nous devons absolument lever. Les projets d'énergies renouvelables naissent localement ; sans adhésion locale, ils n'aboutissent pas.

Il existe une source d'énergie dont nous parlons très peu, alors que nous enfouissons encore des tonnes de plastique : celle des combustibles solides de récupération (CSR). Cette filière ne progresse pas, ce qui est très regrettable. Pour le moment, elle est réservée aux cimenteries. Elle mériterait d'être développée, car on ne peut plus, de nos jours, continuer à enfouir du plastique !

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La semaine dernière, à l'occasion d'un déplacement dans les Hauts-de-France auquel vous avez participé, la Première ministre a réaffirmé l'engagement de l'État en faveur de la filière hydrogène, avec un investissement de 9 milliards d'euros.

La Vendée est l'un des départements modèles dans ce domaine, puisqu'elle accueille notamment le premier fournisseur d'hydrogène vert, l'entreprise Lhyfe, laquelle a inauguré il y a une dizaine de jours, à Saint-Nazaire, sa première plateforme en mer. Pouvez-vous nous apporter davantage de précisions quant au déploiement de cette enveloppe, notamment en faveur de l'hydrogène vert ?

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Madame la ministre, le 23 juin dernier, vous étiez aux côtés de Mme la Première ministre pour annoncer le lancement d'un plan de sobriété énergétique, décliné en neuf secteurs. L'un des groupes de travail de ce plan s'est penché sur la question des transports, en lien avec votre collègue M. Clément Beaune, que notre commission a reçu hier. Vous annoncerez prochainement certaines de ses conclusions, décisions et préconisations.

Le covoiturage est l'un des leviers majeurs de la sobriété dans les transports. Malgré la création du forfait mobilités durables – cher au président de notre commission – et du registre de preuve de covoiturage, malgré l'engagement des collectivités territoriales, plus de 80 % des véhicules restent occupés par un seul conducteur, plus encore pour les trajets domicile-travail. Avec votre collègue M. Clément Beaune, comment comptez-vous convaincre les Français de pratiquer davantage le covoiturage dès cet hiver ?

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Je souhaite évoquer le sujet spécifique de la production agrivoltaïque. De nombreux travaux parlementaires s'attellent à sa définition et à son encadrement. Pour ma part, je plaide pour une définition large et pour un encadrement raisonné, permettant d'atteindre nos objectifs de production énergétique tout en respectant les écosystèmes et la biodiversité. Comment pensez-vous encadrer ce mode de production dans les textes législatifs à venir ?

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Les dirigeants des trois énergéticiens français, TotalEnergies, EDF et Engie, appellent les Français à réduire immédiatement leur consommation d'énergie – pétrole, électricité et gaz – face à la flambée des prix et au risque de pénurie qui menace notre pays cet hiver. Aux difficultés d'approvisionnement en gaz liées aux conséquences de la guerre en Ukraine s'ajoutent des tensions sur les capacités de production en Europe et une production hydraulique amputée en raison de la sécheresse, ce qui a un impact sur notre production nucléaire.

Ce matin, nous avons appris qu'Enedis pouvait couper les ballons d'eau chaude des particuliers au moyen des compteurs Linky. Personne ne peut accepter que, dans quelques semaines, les Français puissent renoncent à se chauffer ou à avoir de l'eau chaude, en raison d'une facture devenue insurmontable et d'une production ne permettant pas de subvenir à la demande. La France est en voie de tiers-mondisation. Quelles garanties avez-vous pour assurer aux Français un hiver au chaud et sans difficulté ?

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Merci de votre présence, madame la ministre.

La feuille de route du Gouvernement consacre à la mobilité électrique des investissements colossaux : 300 millions d'euros pour les bornes de recharge des voitures électriques ; 250 millions pour l'aide à l'achat d'un vélo électrique ; l'électrification des transports publics et commerciaux.

Ma question concerne la faisabilité de votre engagement. Comment pouvez-vous justifier que 2023 soit une année d'accélération de l'électrification des transports, ce qui provoquera une très forte augmentation de la consommation d'énergie ? Il y a seulement deux jours, Mme Borne expliquait devant l'Assemblée que 2023 serait au contraire l'année de la sobriété énergétique, notamment électrique, demandant à nos entreprises et à nos industries de consentir de grands efforts, quitte à impacter la production ; prévoyant une hausse toujours plus importante des prix de l'énergie, qui amputent très lourdement le budget des ménages ; prévoyant même des coupures d'électricité ciblées dans les domiciles de nos concitoyens.

Dans ce contexte, comment expliquez-vous que l'on puisse disposer de quantités suffisantes d'électricité pour réaliser tous ces projets, alors que vous justifiez les augmentations du prix du mégawatt par la difficulté de production et la pénurie d'électricité ?

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À partir du 15 octobre, une partie des 4,3 millions de clients particuliers français, mais également des petits professionnels et des collectivités locales ayant souscrit un abonnement « heures pleines ou heures creuses » ne pourront plus chauffer leur eau entre midi et quatorze heures par l'intermédiaire d'un ballon d'eau chaude électrique. Cette restriction pourra être opérée par le compteur Linky, dont on nous avait pourtant garanti la non-intrusion dans la vie privée des clients. Au-delà de l'annonce d'un recul sans précédent de nos modes de vie, lié aux mauvais choix énergétiques des pouvoirs publics, comment comptez-vous rassurer les Français, alors même que vous signez un tel décret ? Excluez-vous vraiment des coupures d'électricité franches ? Les Français auront-ils vraiment de l'eau chaude cet hiver ?

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Vous souhaitez prolonger la vie des réacteurs nucléaires. Dès lors, pourquoi avoir fermé la centrale de Fessenheim, qui n'avait que 40 ans et qui était, selon des spécialistes, en parfait état ? Sa puissance était équivalente à celle de 3 000 éoliennes, lesquelles ne tournent que lorsque le vent souffle…

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Le bouclier tarifaire sera un pis-aller très temporaire, quoi que vous en promettiez, si la France n'arrive pas à sortir de la liaison du prix de l'électricité à celui du gaz. Je pense aussi aux Français chauffés au fioul ou aux granulés de bois. Comment allez-vous les aider alors que le fioul est désormais presque aussi cher que le gazole et que le prix des pellets a augmenté de 300 % en quelques semaines ?

Il y a deux semaines, la Première ministre a annoncé des financements importants pour la recherche sur l'hydrogène. Si les perspectives sont intéressantes, elles sont à tempérer puisque, à ce jour, la production d'hydrogène n'en est pas encore au stade d'un bilan carbone neutre. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

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Dans votre projet de loi, en accord avec RTE, vous prévoyez un mix énergétique de 50 % d'énergies renouvelables et 50 % de nucléaire pour atteindre les objectifs fixés en matière de production à l'horizon 2050. Rien n'est prévu concernant l'hydraulique, alors que le suréquipement électrique est possible sur les rivières déjà équipées en barrages.

En Corrèze, dans la vallée de la Dordogne, un projet de station de pompage est prêt, sur le site de Redenat. Sa production serait équivalente à celle d'une tranche nucléaire. Mais le concessionnaire, EDF, attend depuis 2011 la prorogation de la concession – obligation européenne – en échange de la réalisation de l'investissement.

Ce projet, qui peut être dupliqué ailleurs, est très pertinent du point de vue du réchauffement climatique. Il n'utilise pas d'eau supplémentaire puisque le pompage se fait dans un barrage existant – il nécessite seulement un bornage important dans ce même barrage. Les installations de production et de transport d'électricité sont déjà faites, puisqu'il s'agit d'un suréquipement. L'énergie est totalement décarbonée ; c'est une énergie verte. De plus, l'hydraulique produit au moment des pics de consommation. Que comptez-vous faire pour que les projets de cette nature puissent se réaliser au plus vite ?

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Madame la ministre, après avoir interrogé M. Christophe Béchu la semaine dernière, j'aimerais aborder avec vous le sujet de la petite hydroélectricité sur notre territoire et dans notre mix énergétique.

Alors que nous demandons aux Français des efforts sans précédent pour respecter un principe strict de sobriété énergétique, je suis convaincue, aujourd'hui encore plus qu'hier, qu'il est de notre devoir de promouvoir et d'encourager cette production d'énergie qui est 100 % verte, renouvelable, qui n'émet pas de gaz à effet de serre, qui fait vivre économiquement nos territoires et qui est une source d'emplois non délocalisables. Toutes ces qualités font de la petite hydroélectricité un mode de production d'énergie très vertueux. Il est, à mon sens, urgent de laisser son potentiel jouer à plein, de mener une politique volontariste de développement de la petite hydroélectricité dans nos territoires. Quelle est votre position à ce sujet ?

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Madame la ministre, j'aimerais vous faire part d'une réalité de terrain : chez moi, en Alsace, les toits des églises, orientés plein est, offrent des espaces importants bien exposés au sud, donc à l'ensoleillement. De nombreux élus locaux souhaitent les équiper en panneaux photovoltaïques, mais cette demande se heurte régulièrement à l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France (ABF). Nous pouvons faire en sorte que ce frein soit levé. Les maires ont envie d'acquérir une nouvelle autonomie énergétique. Ces équipements, installés au cœur des villages, pourraient facilement alimenter les salles communales et autres espaces publics qui entourent naturellement les églises.

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Madame la ministre, je reviens sur votre réponse concernant le plan de sobriété solidaire que nous avons présenté. Nous proposons certes des mesures d'efficacité, mais il s'agit bien d'un plan de sobriété et de solidarité. C'est un plan de sobriété, parce que nous faisons appel à la réduction de la consommation superflue et au changement des comportements, et parce que ce plan se fonde sur les besoins essentiels. C'est aussi un plan de justice sociale, parce qu'il repose sur le partage des richesses, qui doit permettre de redonner de la dignité à chaque citoyen, et parce qu'il vise à remplacer les mesures de réparation.

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Madame la ministre, vous l'avez dit, il nous faut opérer des choix pour réduire de 40 % la consommation énergétique, ce qui est nécessaire pour atteindre la neutralité carbone : soit nous maintenons, voire accroissons notre consommation énergétique ; soit nous nous interrogeons sur ce qui est essentiel pour garantir la dignité et l'émancipation de chacun et de chacune et sur ce qui est superflu. Bref, le sens de la sobriété, c'est de changer les comportements.

Lors d'une conférence de presse, vous avez mentionné qu'en cas de risque d'approvisionnement – je crois qu'il est désormais réel –, vous aviez la possibilité de commander l'extinction de tous les écrans publicitaires. Rappelons que chaque écran consomme autant d'énergie qu'un ménage français au cours d'une année. Cette mesure est également préconisée par la Convention citoyenne pour le climat. Pourquoi ne pas commencer par là ?

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Les objectifs de transition énergétique sont en partie tenus grâce aux collectivités territoriales, qui se sont engagées en la matière notamment au travers des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et des contrats d'objectifs territoriaux conclus avec l'Ademe. Aujourd'hui, les collectivités sont victimes d'un effet ciseaux : d'un côté, l'impérieuse nécessité d'accélérer la transition énergétique, donc d'investir pour porter des projets ; de l'autre, celle de faire face à une augmentation des charges de fonctionnement, en raison du coût croissant de l'énergie. Comment comptez-vous les accompagner ?

Vous avez évoqué la nécessité de simplifier les procédures d'autorisation ou de déclaration pour les projets d'énergies renouvelables. Je vous alerte sur la difficulté à travailler avec les autorités environnementales, qui rendent certes des avis très pertinents, mais dans des délais parfois longs et avec des allers-retours incessants, qui font prendre un retard de six à neuf mois. Je trouve cela préoccupant.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre

Monsieur Brosse, l'autoconsommation collective a été intégrée dans le volet réglementaire du grand plan de développement des énergies renouvelables que j'ai mentionné. Nous avons pris trois mesures de soutien : le versement d'une prime à l'investissement, en une seule fois et non plus en cinq, afin de limiter le reste à charge de ceux qui réalisent l'investissement ; la prise en compte de l'inflation dans le tarif de revente au réseau – ce qui relevait de l'évidence, mais encore fallait-il le faire ; la facilitation des schémas d'autoconsommation dans lesquels le producteur n'est pas le consommateur, mesure qui était très demandée par les collectivités locales. Le texte correspondant a été validé par le Conseil supérieur de l'énergie.

Concernant les rénovations thermiques, monsieur Guillemard, il y a plusieurs sujets à traiter. Le premier, qu'il faut aborder spécifiquement et prendre à bras-le-corps, ce sont les 12 millions de Français en situation de précarité énergétique. Même s'ils ne sont pas toujours en même temps en situation de précarité sociale, ils ne sont pas nécessairement les mieux outillés pour abouter les différentes mesures que nous proposons, à plus forte raison s'il s'agit de réaliser une rénovation approfondie, avec deux à quatre gestes significatifs. Le montage du dossier pour bénéficier de MaPrimeRénov' est, il faut le reconnaître, complexe, notamment lorsqu'il faut la combiner avec des mesures permettant de financer le reste à charge telles que le prêt d'honneur ou le prêt à taux zéro.

À cela s'ajoute la nécessité de trouver un autre logement pendant la période de rénovation. Dans mon territoire, qui fait partie du bassin minier, de nombreuses rénovations thermiques sont réalisées dans le logement social. Or il est très difficile pour les gens de quitter la maison, souvent familiale, qu'ils ont habitée pendant quarante ou cinquante ans, même si c'est pour aller vivre pendant six mois dans un logement de transition situé trois rues plus loin. Il faut prendre en considération ces réalités humaines et sociales.

L'accompagnement est donc un véritable enjeu. Nous avons déployé des facilitateurs pour MaPrimeRénov'. Les collectivités locales, notamment celles du bloc communal, ont beaucoup à apporter en la matière. Il faut tendre, d'une manière ou d'une autre, vers le zéro reste à charge, en valorisant les contrats de performance énergétique. Mme Emmanuelle Wargon, précédente ministre déléguée chargée du logement, avait pris de nombreuses mesures pour faciliter, massifier et accélérer les rénovations thermiques, tout en accompagnant les Français dans cette démarche. Les ménages en situation de précarité énergétique restent ma première préoccupation.

Les autres sujets sont la rénovation thermique des copropriétés, les rénovations globales, ou encore la modulation des aides en fonction de la performance de la rénovation. S'agissant du dernier point, nous disposons d'outils qui permettent de suivre la performance énergétique au fil des années. Il s'agit de montrer si la consommation d'électricité ou de gaz a effectivement baissé.

Vous vous inquiétez, monsieur Causse, des refus d'offre. C'est tout l'objet de la charte d'engagements que tous les fournisseurs d'énergie ont signée aujourd'hui même. Elle exige notamment que chaque fournisseur propose au moins une offre pour l'année 2023 à ses clients professionnels. En outre, l'État a pris une décision importante : il contre-garantira le risque d'impayés, qui augmente en même temps que le prix de l'électricité, et qui est en principe intégré dans la tarification par un calcul actuariel. Nous ferons baisser cet élément du prix dans les prochaines semaines. Cela fera l'objet d'un amendement au projet de loi de finances.

Vous n'êtes pas le premier à me signaler les difficultés à faire assurer les panneaux photovoltaïques. Je vous apporterai une réponse ultérieurement.

Monsieur Adam, le stockage de l'énergie est effectivement un enjeu, dont l'importance va croître à mesure que nous « décentralisons » la production d'énergie. Faut-il prévoir un crédit d'impôt ? Nous devons combattre notre tendance naturelle à créer de nouvelles niches fiscales, mais il faut traiter cette question.

Plusieurs d'entre vous – MM. Adam, Buchou et Vatin – m'ont interrogée sur l'hydrogène. Nous avons adopté en 2020 une ambitieuse stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène, dotée de 9 milliards d'euros. Elle porte sur l'hydrogène bas-carbone, à savoir l'hydrogène renouvelable ou produit grâce à l'énergie nucléaire. Actuellement, cet hydrogène n'est pas compétitif, les coûts de production étant environ trois fois plus élevés que pour l'hydrogène classique.

Notre stratégie vise d'abord à développer les briques technologiques de la filière hydrogène : piles à combustible, solutions de stockage, électrolyseurs. L'entreprise Lhyfe, citée par M. Buchou, fait partie de ces briques.

En outre, nous accompagnons, avec l'Ademe, les territoires qui s'engagent dans des projets d'hydrogène. L'agglomération de Dijon, où je me suis rendue récemment, développe en la matière un projet complet, incluant la formation et la recherche universitaire, la production par des électrolyseurs, et l'utilisation, notamment pour les transports en commun.

Enfin, nous avons investi dans un projet important d'intérêt européen commun (Piiec). Sur quarante et un projets sélectionnés dans le cadre de ce Piiec, dix sont français ; notre pays a obtenu la part du lion. Cela nous permet d'accompagner l'industrialisation et l'implantation de sites de production – et non pas seulement l'émergence de solutions de recherche et développement.

Nous sommes plus avancés en matière de batteries électriques. Le plan lancé en 2018 par le Président de la République et M. Bruno Le Maire se traduit par l'installation de trois gigafactories à Dunkerque et Douai, dans le Nord, et à Douvrin, dans le Pas-de-Calais.

Concernant l'amont, un travail a été fait sur les composants des batteries électriques et sur les matières premières. Dans mes précédentes fonctions, j'ai porté cette question au niveau européen, dans le cadre du Conseil compétitivité. Nous avons élaboré avec le Commissaire européen M. Thierry Breton un règlement sur les matières premières critiques – Critical Raw Materials Act –, indispensable pour sécuriser notre approvisionnement et pour nous assurer de la manière dont ces matières sont extraites et raffinées avant d'être incorporées dans les batteries.

Il y a ensuite toute la question de la formation et des compétences. Nous avons lancé avec M. Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission européenne, une Académie européenne de la batterie – European Battery Academy.

Au total, nous avons investi plus de 6 milliards d'euros dans le domaine des batteries.

Madame Maillart-Méhaignerie, je reviendrai vers vous au sujet des arrêtés relatifs aux accompagnateurs France Rénov'.

Vous avez raison, madame Brulebois, il faut accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Vous aurez prochainement entre vos mains un outil législatif à cette fin.

Il faut effectivement développer les CSR. Grâce au fonds Chaleur et au plan France relance, nous avons soutenu des projets visant à remplacer le charbon dans l'industrie. Je pense notamment à l'ancienne usine Solvay de Dombasle, en Meurthe-et-Moselle. Je suis persuadée qu'il y a encore beaucoup à faire en la matière.

Monsieur Valence, le covoiturage figure bien dans le plan de sobriété énergétique. M. Clément Beaune et moi ferons demain des annonces plus précises à ce sujet.

Madame Le Feur, l'agrivoltaïsme sera un bel objet du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, d'autant que la commission des affaires économiques du Sénat a adopté ce matin à l'unanimité une proposition de loi tendant à favoriser son développement. Le Gouvernement a fait part de son ouverture pour travailler sur l'agrivoltaïsme avec le Parlement, afin d'en préciser la définition et de concilier l'enjeu de souveraineté énergétique et l'enjeu de souveraineté alimentaire – ce dernier étant notamment mis en avant par les Jeunes Agriculteurs. Il y a un certain nombre de sujets à traiter : réfléchir à des solutions démontables ; veiller à ce que l'agriculteur ne devienne pas un producteur d'énergie au détriment de sa vocation première ; lever les incertitudes au sujet de la compatibilité avec les aides de la politique agricole commune (PAC).

Madame Cousin et Monsieur Dragon, je vais être très directe : il n'est ni sérieux ni très digne de la part de représentants élus, qui portent à ce titre une responsabilité, de relayer des fausses nouvelles, quand bien même elles figurent dans la presse. Je vous renvoie au communiqué de presse de RTE et aux vérifications faites par la presse elle-même. Il ne s'agit pas de bloquer l'utilisation des chauffe-eau ; il s'agit de ne pas les activer pendant les heures pleines, moment où les usagers en ont le plus besoin mais paieraient le plus. Cela paraît de bon sens, puisque les chauffe-eau peuvent être mis en route à un autre moment de la journée, l'eau restant ensuite chaude à l'intérieur. Il sera toujours possible à l'usager de forcer l'activation du chauffe-eau.

Monsieur Villedieu, la sobriété n'est pas l'arrêt de la production ; c'est la chasse au gaspillage. Abaisser le chauffage à 19 degrés dans les locaux du ministère de la transition énergétique n'empêchera pas les chaînes de production de fonctionner. Évitons de mélanger les sujets.

Vous avez raison, nous aurons besoin de produire davantage d'électricité, notamment pour développer les voitures électriques. Toutefois, la temporalité de ce développement n'est pas celle de la crise énergétique : nous n'allons pas multiplier par dix le nombre de voitures électriques dans les quatre mois qui viennent ; nous n'avons ni la production disponible ni les moyens financiers pour ce faire. C'est la PPE qui permettra d'accompagner la filière. Comme l'a relevé M. Adam, les nouvelles solutions de stockage, de chargement et de renvoi de l'énergie vont changer notre manière de piloter le système énergétique. Le véhicule-réseau – vehicle-to-grid – existe déjà, mais c'est une des solutions énergétiques du futur.

Madame Da Conceicao Carvalho, la puissance de la centrale de Fessenheim était équivalente à celle de 300 éoliennes, et non de 3 000. Il faut être rigoureux dans l'utilisation des chiffres.

Vous estimez que la fermeture de la centrale aurait pu être évitée. Je vous invite à interroger l'ASN à ce sujet. Elle vous indiquera probablement qu'il faut plusieurs années pour redémarrer une centrale dont les maintenances ont été suspendues. Il est en effet nécessaire de réaliser plusieurs types de maintenances – annuelles, triennales, décennales – pour prolonger la vie des centrales. Lorsqu'un gouvernement prend la décision de fermer une centrale, comme cela a été le cas pour Fessenheim en 2012, l'exploitant, de manière assez logique, continue les maintenances courantes, mais arrête les maintenances à long terme. Telle est la situation dans laquelle se trouvaient ces deux réacteurs lorsque nous sommes arrivés aux affaires.

Monsieur Vatin, un chèque énergie sera versé dans les prochaines semaines aux 50 % de ménages les plus modestes qui se chauffent au fioul, soit environ 1,6 million de foyers. Le montant sera de 200 euros pour les ménages des deux premiers déciles, et de 100 euros pour les ménages du troisième au cinquième déciles. Nous nous baserons sur ce que nous savons de la consommation des Français au cours des dernières années. Nous utiliserons le circuit habituel du chèque énergie, qui fonctionne bien. Avec ce chèque, les ménages peuvent payer directement le fournisseur de fioul, mais ils peuvent aussi l'utiliser pour régler toute autre facture d'énergie, notamment s'ils ont déjà rempli leur cuve de fioul.

Il y aura en outre, en fin d'année, un chèque énergie exceptionnel pour 40 % des ménages, valable aussi bien pour les dépenses de fioul que pour les pellets, comme c'était déjà le cas auparavant. Vous avez raison de rappeler l'augmentation du prix des pellets. La Première ministre souhaite que nous travaillions sur l'accompagnement des Français qui utilisent le bois-énergie ou les pellets. Nous avons aussi pris des mesures pour sécuriser l'approvisionnement en pellets : à un moment où la filière était soumise à une forte tension, nous avons soutenu la production française de pellets par des appels à projets.

J'ai répondu précédemment sur l'hydroélectricité, monsieur Dubois. Il y a probablement un potentiel supplémentaire, notamment sur les installations d'EDF, mais il faut traiter les choses dans le bon ordre.

Concernant la petite hydroélectricité, madame Lasserre, nous devons être vigilants sur deux points : les conflits d'usages et le risque d'une diminution structurelle de la ressource en eau dans les années qui viennent en raison du réchauffement climatique. M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, travaille à un plan Eau.

Monsieur Ott, je note votre proposition d'installer des panneaux photovoltaïques sur les églises alsaciennes. Des idées analogues sont ressorties des discussions informelles que nous avons eues lors de l'élaboration du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Ce n'est pas un sujet simple, nous pouvons tous en convenir. Je serais ravie que l'on trouve des solutions équilibrées, qui permettent d'avancer tout en préservant le patrimoine. Il faudrait une certaine homogénéité des solutions : dès lors qu'une solution est considérée comme équilibrée, elle devrait être applicable sur l'ensemble du territoire.

Madame Jourdan, je prends bonne note de vos arguments concernant le plan de sobriété que vous proposez.

Madame Pochon, nous avons finalisé le décret relatif aux règles d'extinction des publicités lumineuses pendant la nuit. La loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat prévoit en outre la possibilité d'interdire toute publicité lumineuse en cas de menace pour la sécurité d'approvisionnement en électricité, autrement dit en cas de signal Écowatt rouge.

Nous avons demandé aux grands acteurs publics de réduire leur empreinte en la matière. Attention toutefois aux chiffres qui circulent : il n'est pas tout à fait exact que la consommation électrique d'un écran publicitaire équivaut à celle d'un ménage français pendant un an ; tout dépend de quel écran et de quelle technologie il s'agit.

Notre réponse combinera, là aussi, la sobriété et l'efficacité énergétiques. Les mesures symboliques sont importantes – quand on éteint, cela se voit ! –, mais il faut privilégier les mesures les plus efficaces. Pour un acteur tel que la RATP, par exemple, il n'y a pas de commune mesure entre l'énergie consommée par le freinage de ses véhicules et celle que consomment ses écrans publicitaires. L'argent que lui rapporte sa régie publicitaire lui permet d'investir pour réaliser des économies d'énergie plus significatives.

De telles réponses peuvent déplaire, car il y a toujours un goût pour les grandes annonces. Notre responsabilité vis-à-vis des Français est de réduire la consommation d'énergie de manière durable. Nous le ferons, mais pas n'importe comment, et sans chercher à faire des coups politiques pour passer dans le journal de vingt heures.

Monsieur Taupiac, la simplification des procédures d'autorisation est tout l'objet du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Quant à l'autorité environnementale, elle est indépendante, et c'est un élément d'équilibre important.

S'agissant des investissements et des difficultés des collectivités territoriales, outre les mesures prévues dans le projet de loi, il y a plusieurs pistes intéressantes : les PPA, même s'il faut alors mener une réflexion, qui n'est pas simple, sur la manière de traiter d'un côté les investissements, de l'autre les dépenses ; les contrats de performance énergétique ; l'investissement dans des tranches d'énergies renouvelables afin de sécuriser un coût de l'électricité, ou dans le biogaz si la collectivité dispose d'une flotte de véhicules au biogaz – les collectivités sont plutôt ouvertes à de tels investissements.

Il faut néanmoins être vigilant quant à l'impact sur les finances publiques ; il ne faudrait pas qu'il joue contre nos intérêts. Nous devons tenir notre trajectoire de finances publiques, pour des raisons de crédibilité financière. En ce moment, les pays qui sont moins rigoureux dans leur gestion sont confrontés à une augmentation de l'écart de taux d'intérêt – je pense notamment à ce qui vient de se passer au Royaume-Uni.

Avec M. Christophe Béchu, nous allons créer un Fonds vert, qui a vocation à faciliter et accompagner les investissements dans les territoires. Notre objectif est que les collectivités locales continuent à investir. Nous sommes bien conscients que les situations sont très diverses : certaines collectivités font effectivement face à une flambée des prix. Nous travaillons sur cette question.

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Nous vous remercions, madame la ministre, d'avoir ainsi répondu point par point.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 5 octobre 2022 à 17 h 05

Présents. - M. Damien Adam, M. Henri Alfandari, M. Christophe Barthès, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Jean-Victor Castor, M. Lionel Causse, Mme Annick Cousin, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, M. Philippe Guillemard, Mme Chantal Jourdan, Mme Florence Lasserre, Mme Sandrine Le Feur, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Alexandra Masson, M. Pierre Meurin, M. Hubert Ott, M. Jimmy Pahun, Mme Christelle Petex-Levet, M. Bertrand Petit, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud'homme, M. Nicolas Ray, M. Benjamin Saint-Huile, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. David Taupiac, M. Nicolas Thierry, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Villedieu, Mme Anne-Cécile Violland, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - M. Aymeric Caron, Mme Sylvie Ferrer, Mme Clémence Guetté, Mme Claire Pitollat, Mme Anne Stambach-Terrenoir

Assistaient également à la réunion. - M. Antoine Armand, M. Francis Dubois