Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 26 octobre 2022 à 9h00

La réunion

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Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273)

La séance est ouverte à 9 h 00

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

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Nous achevons aujourd'hui l'examen de nos différents avis budgétaires sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Ce matin, nous nous prononcerons sur trois missions budgétaires : Écologie, développement et mobilité durables ; Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure ; Immigration, asile et intégration.

Ces débats peuvent paraître légèrement surréalistes, dans la mesure où le Gouvernement a recouru la semaine dernière à l'article 49, alinéa 3, de notre Constitution. Toutefois, comme il ne l'a fait que sur la première partie du PLF, il n'est pas absurde que nous poursuivions l'examen de la deuxième partie, même s'il ne fait de doute pour personne que l'article 49, alinéa 3, risque également de s'y appliquer. Pour l'heure, il importe que nos discussions se poursuivent et que nous émettions un avis sur ces crédits. C'est aussi une manière de mettre un coup de projecteur sur l'action internationale de la France, vue sous l'angle budgétaire.

Examen pour avis et vote des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables (Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis)

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Le premier des avis budgétaires que nous sommes appelés à examiner porte sur la mission Écologie, développement et mobilité durables, sur le rapport de Mme Sabrina Sebaihi. Notre rapporteure pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à la protection des grands fonds marins, qui se situent au-delà 3 000 mètres de profondeur et peuvent aller jusqu'à 11 000 mètres. Pour mémoire, la France dispose du deuxième plus grand espace maritime au monde, soit 11 millions de kilomètres carrés, donc de vastes zones de grands fonds.

Du 27 juin au 1er juillet dernier, au cours de la deuxième conférence des Nations Unies sur l'océan, qui s'est tenue à Lisbonne, des milliers de représentants de gouvernements, d'entreprises, d'institutions scientifiques et d'organisations non gouvernementales se sont réunis pour trouver des solutions à la pollution marine, à la destruction des écosystèmes, au réchauffement et à l'acidification de l'océan et pour se mobiliser pour l'interdiction des subventions aux pêches non durables ou illégales, le développement d'aires marines protégées ou encore pour le partage des technologies et des connaissances scientifiques.

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Les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables ne sont pas à la hauteur des enjeux écologiques et environnementaux actuels. Contrairement aux effets d'annonce du Gouvernement, le budget consacré à cette mission est en stagnation. En effet, la revalorisation affichée de ces crédits est en grande partie imputable à la mise en place de mesures exceptionnelles de soutien au pouvoir d'achat et de compensation des hausses des prix de l'énergie, dans le cadre du programme 345, et non à un investissement réel dans une véritable politique environnementale et de transition écologique. Amputé des crédits de ce programme, le budget de la mission Écologie, développement et mobilité durables ne fait que compenser la baisse significative des crédits par ailleurs dédiés au programme Écologie du plan de relance.

À l'heure où la crise énergétique mondiale et la multiplication des aléas climatiques rappellent, jour après jour, l'urgence d'agir en faveur de la transition écologique et de la protection de l'environnement, il est dommageable que la France ne prenne pas ses responsabilités en la matière. Quelle crédibilité notre pays aura-t-il sur la scène mondiale, alors que de grands évènements internationaux, tels que la COP27, se préparent, s'il est incapable de mener, sur son propre territoire, une politique environnementale exemplaire ? C'est oublier que les écosystèmes ne connaissent pas de frontières et que leur préservation, comme la lutte contre le changement climatique, passe nécessairement par un effort collectif, c'est-à-dire de chacun. Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2023 ne prend pas la mesure de cette exigence et constitue, en ce sens, un rendez-vous manqué. Pour cette raison, mes chers collègues, j'invite la commission des affaires étrangères à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables pour 2023.

L'examen du budget offre également à la commission des affaires étrangères la possibilité d'analyser les instruments, les objectifs et les modalités de l'action internationale de la France en matière environnementale. Cette année, j'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport aux grands fonds marins et aux enjeux qu'ils soulèvent à l'échelle mondiale.

Les grands fonds océaniques désignent une zone de l'océan débutant à 1 000 mètres de profondeur. Ils se caractérisent par leur étendue, puisqu'ils représentent 88 % du plancher océanique, soit l'équivalent d'une immense surface de 320 millions de kilomètres carrés. La France est particulièrement concernée par la question de l'océan profond : elle dispose de la plus vaste surface au monde de grands fonds, grâce à l'importance de sa zone économique exclusive (ZEE). Ceux-ci se situent principalement en outre-mer, notamment autour de la Polynésie et de ses terres australes et antarctiques.

Les grands fonds constituent un environnement fascinant qui a nourri, depuis l'Antiquité, l'imagination et la curiosité humaines. Et pourtant, ces espaces captivants nous sont encore largement méconnus : la surface de la Lune présente désormais moins de secrets pour l'homme que les grands fonds. Seuls 5 à 10 % au plus de ces territoires ont pu être cartographiés et moins de 3 % ont été explorés à des résolutions fines ou avec des prises d'échantillon. Tout reste donc à découvrir, ou presque. Or les résultats des premières campagnes d'exploration sont extrêmement prometteurs. Ils ont révélé que, contrairement à l'idée répandue selon laquelle les grands fonds marins seraient des espaces vides, dénués de vie, ils abritent, au contraire, des écosystèmes riches et uniques, qui ont su s'adapter à des conditions de vie extrêmes. Les scientifiques y ont déjà recensé 250 000 espèces, mais il resterait encore un à dix millions de nouvelles espèces à découvrir.

Ces espaces intéressent la science, du fait des stratégies d'adaptation qu'ont dû développer leurs écosystèmes pour survivre dans un environnement hostile. Les chercheurs sont persuadés que de telles stratégies pourraient trouver des applications très concrètes dans les domaines médical, industriel et cosmétique à court terme. Aujourd'hui, 10 % des tests PCR utilisés contre la Covid-19 sont constitués de molécules marines provenant des grands fonds. Demain, ce seront peut-être des anticancéreux, des antidouleurs et des antibiotiques qui seront fabriqués grâce aux molécules et aux organismes des fonds marins.

Au-delà de leur intérêt environnemental et scientifique, les grands fonds suscitent une attention croissante en raison de leur fort potentiel économique et géostratégique. En effet, ils ne manquent pas d'atouts, à commencer par des ressources minérales. Ils sont riches en nodules polymétalliques, en encroûtements cobaltifères et en sulfures hydrothermaux. Ils disposent aussi de nombreuses terres rares et de gisements en hydrocarbures. S'il est encore trop tôt pour évaluer le potentiel économique précis de ces ressources, ces dernières attisent déjà l'intérêt des États et des compagnies privées, dans un contexte de raréfaction des gisements terrestres et d'apparition de nouveaux besoins liés à la transition écologique et numérique. La recherche de sources d'approvisionnement alternatives fait ainsi des fonds marins un enjeu stratégique et de souveraineté économique majeur.

Mais les enjeux de souveraineté ne se limitent pas à l'appropriation de ces ressources. À une époque où 90 % du commerce mondial s'effectue par voie maritime – et 75 % du commerce de l'Union européenne –, la maîtrise des grands fonds pourrait menacer, à l'avenir, le respect de la liberté en haute mer, y compris la liberté de circulation des forces navales de chaque État.

Rappelons enfin que les grands fonds abritent d'importants réseaux d'infrastructures, tels que les câbles sous-marins de transport d'énergie et de communication, qui assurent à eux seuls 97 % du trafic mondial des communications électroniques. Le Gouvernement français ne s'y est d'ailleurs pas trompé : le ministère des armées s'est doté, en février 2022, d'une stratégie visant à élargir les capacités d'anticipation et d'action de la marine nationale jusqu'à 6 000 mètres de profondeur. Les fonds marins sont désormais considérés par la doctrine militaire comme un « nouveau champ de conflictualité ».

Vous le voyez, mes chers collègues, les grands fonds sont traversés par de multiples enjeux, qui méritent toute notre attention, et ils s'imposeront sans doute comme des espaces stratégiques de premier plan dans un avenir proche. Et pourtant, leur futur est incertain, menacé par les risques inhérents à la possible exploitation de leurs ressources. Si la communauté scientifique n'est pas encore capable d'évaluer avec précision quelle sera l'ampleur des destructions de leurs écosystèmes en cas d'exploitation, elle est en revanche unanime pour affirmer qu'elle troublera durablement ces espaces. Comment imaginer que la formation de panaches liés au ramassage et au concassage des minerais, que la diffusion de nutriments et de métaux lourds ou que les émissions acoustiques produites par ces interventions ne perturberont pas ces milieux, sans même parler du risque d'accident ou d'introduction d'espèces invasives ?

L'ampleur des atteintes redoutées pourrait être d'autant plus catastrophique que ces espaces sont particulièrement fragiles et interconnectés. Plus généralement, la perturbation des grands fonds pourrait compromettre leur participation à la régulation climatique de notre planète. N'oublions pas que ce sont eux qui stockent les 30 % de CO2 émis dans l'atmosphère et absorbés par l'océan. Sans ces puits naturels de carbone, c'est toute la biodiversité mondiale qui sera menacée.

Au regard des conséquences désastreuses qu'elle pourrait susciter, il serait logique de penser que l'exploitation des grands fonds est aujourd'hui écartée, d'autant que sa rentabilité n'est pas assurée. Il n'en est pourtant rien. Les grands fonds sont menacés aussi bien dans les zones économiques exclusives et les plateaux continentaux des États, placés sous leurs juridictions, que dans les eaux de la zone internationale, qui relèvent du contrôle de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM).

Plusieurs États se sont déjà engagés sur la route de l'exploitation. C'est le cas de la Chine, de Nauru et de la Norvège, qui envisagent l'ouverture d'une partie de leurs plateaux continentaux aux activités minières, en 2023 et 2024. C'est aussi le cas de l'Allemagne, qui a expérimenté le ramassage de nodules en 2021, et de la Belgique, qui envisage leur exploitation vers 2029. Si la France ne fait pas de l'exploitation l'une de ses priorités, privilégiant la connaissance et la maîtrise des grands fonds, elle ne l'exclut toutefois pas. Sa stratégie minière, qui a connu une nouvelle impulsion en 2021, définit comme l'un de ses objectifs la poursuite de l'exploration et de l'exploitation durable des grands fonds, à court et moyen termes.

À l'échelle internationale, les perspectives ne sont guère plus rassurantes. L'AIFM s'est engagée dans la rédaction d'un règlement d'exploitation des ressources minérales dans les eaux internationales, qui devrait aboutir en 2025 au plus tard et permettre la délivrance de contrats d'exploitation. On peut certes voir dans cette initiative une tentative pragmatique d'encadrer l'exploitation des grands fonds, mais c'est aussi le signe qu'elle renonce à s'opposer à des aspirations prédatrices, qui font peu de cas de la destruction, sans doute irrémédiable, d'écosystèmes fragiles.

Il ne s'agit ni de faire le procès d'une institution, ni de sous-estimer la difficulté d'agir sur une thématique qui engage la responsabilité de tous les États, dont la sensibilité aux enjeux environnementaux et la situation économique diffèrent sensiblement. Mais je suis persuadée qu'il est possible de donner plus de visibilité à cette problématique et que la France a un rôle à jouer sur la scène internationale pour sensibiliser et mobiliser ses partenaires en faveur d'une politique assumée de protection des grands fonds marins. Une telle initiative serait en pleine adéquation avec l'agenda international de la France qui, après avoir accueilli le One Ocean Summit à Brest, en février 2022, a proposé d'organiser, avec le Costa Rica, la prochaine conférence des Nations Unies sur l'océan, en 2024.

Deux objectifs me semblent prioritaires.

Le premier, c'est de faire primer le principe de précaution environnementale sur toute considération économique. Concrètement, cela signifie l'instauration, à l'échelle internationale, d'un moratoire sur l'exploitation des ressources des grands fonds. Il ne s'agit pas de mettre ces espaces sous cloche : la recherche et les campagnes d'exploration resteraient autorisées pour faire progresser la connaissance et la compréhension de ces milieux. En revanche, toute activité minière et extractive serait suspendue et le non-respect de l'interdiction d'exploitation, sanctionné.

Je ne néglige pas la complexité d'obtenir un accord sur cette question mais je suis convaincue qu'un geste fort en faveur de la protection de l'environnement aurait un effet d'entraînement et pourrait convaincre de nombreux pays, à condition que soit engagée, en parallèle, une réflexion plus poussée sur les notions de justice environnementale et de droits des systèmes naturels. La France pourrait œuvrer activement à la promotion d'un tel moratoire et tenter de mobiliser davantage l'Union européenne, qui est encore trop timide sur cette question. Cela nécessite toutefois que notre pays clarifie sa position et confirme, dans le prolongement des propos du président de la République en juin dernier, son opposition au développement d'activités qui menaceraient les écosystèmes marins.

Le second objectif serait de réformer la gouvernance des grands fonds à toutes les échelles. Au niveau national, la France gagnerait à clarifier et à mieux articuler le rôle de chacun des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de sa politique des grands fonds. Elle doit aussi renforcer la protection des fonds océaniques dans sa ZEE et son plateau continental en mobilisant davantage son réseau d'aires marines protégées, dont les critères, notamment celui de « protection forte », devraient être réformés pour s'aligner sur les standards internationaux. Au niveau mondial, la France doit user de son influence au sein de l'AIFM pour encourager la réforme de cette institution. Il n'est pas envisageable que ses ressources puissent dépendre d'autres recettes que de celles tirées des contributions des États membres. De même, l'AIFM doit prendre en compte les critiques formulées contre son mode de fonctionnement opaque et accepter de rendre plus transparents ses travaux et ses prises de décision.

Enfin, quelle que soit l'échelle envisagée, il est nécessaire de mieux impliquer la société civile, encore trop souvent écartée des lieux de dialogue et de décision concernant l'environnement marin.

Vous le constatez, mes chers collègues, les chantiers sont nombreux pour assurer une protection effective des grands fonds marins. La France a l'occasion, sur ce sujet, de montrer qu'elle souhaite renouer avec une politique écologique et environnementale ambitieuse. Pour assurer une protection pérenne des océans et des grands fonds marins, elle pourrait soutenir l'initiative consistant à leur accorder le statut de personnalité juridique.

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Vous avez abordé toutes les questions – économiques, écologiques, stratégiques – que posent les fonds marins. Vous avez évoqué le problème que soulève leur statut et souligné la nécessité, pour la communauté internationale, de gérer ce sujet de la façon la plus satisfaisante. Le but doit-il être d'exploiter ces grands fonds de façon contrôlée ou de les laisser tranquilles ? Cette question cruciale s'avère très difficile.

Nous passons aux interventions des représentants des groupes.

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Les effets du changement climatique sont de plus en plus évidents, puisqu'on assiste à la multiplication des événements climatiques extrêmes. Nombre de nos concitoyens, particulièrement les agriculteurs, ont subi cet été des sécheresses, des incendies ou des orages violents qui ont eu un impact considérable sur la biodiversité. Ces événements ont prouvé, si c'était encore nécessaire, qu'il est urgent d'accentuer nos efforts en matière de transition écologique. C'est le choix fait par la majorité, en dépit d'un contexte économique et international complexe, doublé d'une crise de l'énergie.

Avec 28,496 milliards en autorisations d'engagement et 27,386 milliards en crédits de paiement pour la mission Écologie, développement et mobilité durables, le projet de loi de finances pour 2023 augmente considérablement les moyens dévolus à cette politique publique de première importance pour notre environnement et le bien-être de nos concitoyens. Avec une hausse respective de 32 % en autorisations d'engagement et de 29 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances 2022, c'est un effort budgétaire qu'il convient de saluer.

La création d'un nouveau programme 380, Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, doté de 1,5 milliard d'euros et destiné à accompagner les collectivités territoriales, est un autre symbole de cette ambition écologique pour notre pays. Je tiens également à saluer la hausse des crédits du programme 113 Paysages, eau et biodiversité, à l'approche de la COP15, qui doit élaborer un nouveau cadre mondial pour la biodiversité. Notre groupe défendra d'ailleurs en novembre une proposition de résolution pour réaffirmer les engagements de la France dans ce domaine. Rappelons que notre pays a pour ambition de protéger 30 % du territoire national et de placer 10 % de celui-ci en zone de protection forte.

Face à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique qui en découle, il importe que le budget de notre politique écologique sache combiner protection du pouvoir d'achat des Français et respect de notre ambition écologique. Je pense notamment à l'objectif européen de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030, ainsi qu'à l'objectif de neutralité carbone de l'Europe en 2050. C'est bien ce que fait ce budget : notre groupe votera donc en faveur de l'adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

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La France connaît l'une des pires crises énergétiques de son histoire. La mission Écologie, développement et mobilité durables revêt cette année une importance d'autant plus forte que la France se trouve à la croisée des chemins. Les arbitrages budgétaires et les stratégies énergétiques d'aujourd'hui auront de lourdes conséquences demain. À ce titre, le Rassemblement national déplore que notre politique énergétique soit uniquement dirigée vers les énergies renouvelables. Pour marcher, nous avons besoin de nos deux jambes : l'électrification, qui est indispensable pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, ne pourra se faire qu'avec le développement de notre parc nucléaire. C'est un enjeu d'indépendance nationale. Or, après les effets d'annonce du président de la République, on ne note toujours rien sur ce plan.

Bien qu'indispensable, la politique du Gouvernement pour soutenir les consommateurs est mal calibrée. Cette politique en échec est inflationniste. Nous proposons, au Rassemblement national, une baisse pérenne des taxes sur l'énergie, que nous considérons comme un bien de première nécessité, avec un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 %. Le prix de gros de l'électricité atteint des sommets ; nos entreprises sont menacées de ne pas pouvoir continuer leurs activités ; la compétitivité de notre pays, et même de l'Europe, s'effondre. La seule solution est de sortir, au moins temporairement, comme l'Espagne et le Portugal, du marché commun de l'électricité. Il est intolérable que la France annule l'avantage comparatif que lui confère son parc nucléaire en produisant de l'électricité à bon marché au profit de l'Allemagne, qui tourne au gaz et au charbon.

Dans cette mission budgétaire, nous notons aussi la faiblesse de l'investissement dans le ferroviaire. C'est pourtant la seule solution qui nous permettra de diminuer l'usage de la voiture. Nous prônons, à cet égard, une politique d'incitation qui passe par l'amélioration des liaisons ferroviaires, alors que le Gouvernement mène une politique coercitive. À l'horizon 2024, les zones à faibles émissions (ZFE) excluront des centres-villes une grande partie de nos compatriotes, surtout ceux qui ont les revenus les plus faibles. Ce Gouvernement, qui revendique son progressisme, est en train de rétablir l'octroi, qui vient tout droit du Moyen-Âge.

Enfin, la mission Écologie, développement et mobilité durables est celle qui recourt le plus aux cabinets de conseil, à hauteur de 100 millions l'année dernière. Même si c'est plus anecdotique sur le plan budgétaire, cela a une forte dimension symbolique pour nos compatriotes, qui se demandent à juste titre où va leur argent. Il est paradoxal de recourir à des cabinets de conseil, alors que de nombreux organismes publics ou parapublics pourraient remplir les mêmes missions.

Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national ne votera pas les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

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Il faut trouver une voie moyenne entre l'autosatisfaction permanente et l'attitude qui consiste à faire semblant de découvrir les problèmes. Nous avons connu cette année de grandes inondations au Pakistan et au Bangladesh ; des millions de personnes se sont retrouvées sans logement, sans électricité, voire sans accès à l'eau potable, et ce n'est que le début d'une crise d'ampleur mondiale. Ces bouleversements n'ont pas lieu qu'à l'autre bout de la planète. En France, cet été, 62 000 hectares de forêt sont partis en fumée sur une zone qui représente six fois la superficie de Paris. Mais notre pays ne tient toujours pas ses promesses, alors que l'État a été condamné plusieurs fois par le Conseil d'État pour inaction climatique.

Dans ce contexte, que propose le Gouvernement ? Une augmentation de 6 milliards d'euros seulement, sur un budget total de 480 milliards. Si l'on retire les crédits destinés à financer le bouclier tarifaire sur l'énergie et le plan de verdissement de la flotte automobile, il ne reste qu'un petit milliard, soit une goutte d'eau pour éteindre un brasier, au moment où l'humanité est confrontée au plus grand des défis. Ce budget n'est pas à la hauteur.

Nous avions un appareil d'État qui disposait des meilleurs instruments et de la meilleure expertise mais les gouvernements néolibéraux successifs ont préféré le démanteler. Alors que nous disposions de l'un des réseaux ferrés les plus développés au monde, on a préféré le démanteler en s'attaquant à la société nationale des chemins de fer (SNCF). Nous aurions pu nous appuyer sur notre outil industriel pour engager la bifurcation écologique mais notre absence de stratégie a entraîné des délocalisations et nous a fait perdre notre souveraineté. Enfin, on a négligé l'enseignement professionnel, alors que c'est lui qui pourrait former les acteurs de cette transition.

À la veille de la COP27, il est temps de rompre avec le dogmatisme et d'arrêter de naviguer à vue. Il faut partir de nos besoins et définir une vraie planification écologique, ambitieuse et solidaire.

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Notre groupe salue l'augmentation de 32 % des autorisations d'engagement (AE) et celle de 29 % des crédits de paiement (CP) prévues par le PLF pour la mission Écologie, développement et mobilités durables. Ces moyens historiquement élevés sont destinés à accompagner l'ambition d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.

La rapporteure pour avis a critiqué le fait que ces moyens stagneraient si l'on prend en considération le plan de relance. Pour ma part, je me réjouis de la pérennisation des dotations de cette mission. C'est la raison pour laquelle le groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) votera en faveur des crédits proposés.

Notre groupe soutient également une politique énergétique ambitieuse, ce qui passe par la défense de la souveraineté énergétique au niveau européen, avec un investissement massif dans les énergies décarbonées. Ce budget le permet, tout en protégeant le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Les filets de sécurité sont essentiels dans le contexte de crise actuelle. Le budget contribue aussi aux efforts en faveur de la transition écologique. En matière de rénovation thermique des bâtiments, il est nécessaire de développer une politique de soutien à long terme pour accroître les dispositifs d'incitation, notamment dans les zones tendues, comme Paris – où, faute de rénovation, les deux-tiers du parc locatif ne pourraient plus être mis en location en 2034. Nous saluons le budget de 2,5 milliards d'euros prévu en faveur de la rénovation thermique des bâtiments, ainsi que le fonds d'accélération de la transition écologique, doté de plus de 1,5 milliard d'euros pour soutenir l'action des collectivités territoriales.

Le rapport pour avis évoque la nécessité de défendre nos fonds marins. C'est un enjeu majeur qui comprend plusieurs aspects : protection des ressources rares et convoitées ; liberté de circulation ; protection des réseaux et des infrastructures ; recherche et exploration des grands fonds. La France doit faire valoir sa position, avec ses partenaires européens, afin de préserver la biodiversité des fonds marins. Lors de la conférence des Nations Unies sur les océans qui s'est tenue à Lisbonne, le président Emmanuel Macron a appelé de ses vœux un traité international contre l'exploitation minière des fonds marins en haute mer. Il est en effet nécessaire de travailler à une solution de long terme, en préparant un cadre juridique qui protège les grands fonds sans compromettre la connaissance et la compréhension de ces espaces. Nous soutenons donc la mise en place d'un moratoire international conditionné sur l'exploitation des fonds marins.

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L'éclairage apporté par la rapporteure pour avis sur les fonds marins rejoint les alertes formulées par l'association BLOOM, fondée par Claire Nouvian. Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, nous prenons note des neuf recommandations formulées, pleines de bon sens.

Une part significative de l'influence française repose sur la crédibilité internationale en matière de développement durable, sur le choix des projets soutenus par l'Agence française de développement (AFD) et sur le leadership exercé depuis la COP21. Nous ne pouvons pas nous permettre d'être en retrait. Or le rapport pour avis souligne que l'effort budgétaire reste malheureusement en deçà des enjeux.

Les crédits proposés ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées et des discours grandiloquents. Une grande partie de la progression des dotations de la mission résulte du financement des mesures d'urgence liées à la crise énergétique, telles que le bouclier tarifaire, le soutien aux effacements de consommation énergétique et MaPrimeRénov'. Le projet de budget ne comporte ainsi aucune réforme structurelle permettant de financer l'accélération de la transition écologique.

Je suis tout de même moins sévère que la rapporteure pour avis en ce qui concerne le fond d'accélération de la transition écologique. En effet, les collectivités territoriales sont souvent extrêmement innovantes et ambitieuses en la matière.

En raison des insuffisances trop nombreuses de ce projet de budget, notre groupe suivra l'avis de la rapporteure pour avis et votera contre les crédits de la mission.

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La France dispose de la deuxième zone économique exclusive dans le monde. La gestion et la protection des fonds marins revêtent une importance singulière au sein de la mission Écologie développement et mobilité durables. Votre rapport pour avis préconise notamment de renforcer la synergie des acteurs de la protection de ces fonds. J'ajouterai que la sensibilisation, l'éducation à l'écologie et la formation des futurs marins et utilisateurs de ces milieux sont fondamentales.

Je souhaite appeler votre attention sur le programme 205 Affaires maritimes, pêche et aquaculture, dont l'un des objectifs est de promouvoir la flotte de commerce et l'emploi maritime. L'économie maritime représente plus de 300 000 emplois – soit 1,5 % de la population active française – et on compte 40 000 marins. Cependant, ce secteur connaît une crise des vocations. Or les marins permettent d'acheminer les ressources nécessaires à la transition énergétique, participent aux échanges internationaux et bénéficient d'une formation de qualité. Ils seront des vigies pour préserver les fonds marins. Leur rôle est essentiel pour la défense de nos intérêts, qu'ils soient écologiques, économiques ou commerciaux. Il convient d'inscrire dans la durée la nouvelle dynamique qui a été amorcée, en lui donnant des moyens adaptés.

Enfin, et de manière plus générale, cette mission protège en reconduisant le bouclier tarifaire. Elle accompagne les ménages avec le bonus écologique et le chèque énergie. Elle soutient les collectivités territoriales avec le fonds d'accélération de la transition écologique. Elle renforce également la prévention en finançant le Commissariat général au développement durable (CGDD), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et Météo-France.

C'est pourquoi le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ces crédits.

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Sabrina Sebaihi a parlé d'un rendez-vous manqué. Le budget de la mission Écologie développement et mobilité durables augmente mais lorsqu'on regarde dans le détail on voit que c'est un trompe-l'œil. Se prononcer sur le budget destiné à l'écologie implique de considérer l'ensemble du PLF. Lorsque l'on constate les baisses d'impôts sans contreparties environnementales et la hausse des subventions à la consommation d'énergies fossiles, on peut dire à la manière d' Alternatives économiques qu'on a certes un peu plus de vert, mais surtout beaucoup plus de gris.

Consacrer le rapport pour avis au grands fonds marins est un bon choix. Alors que ces fonds ont une importance stratégique et économique, la science en sait davantage sur la Lune. La recherche scientifique doit être encouragée car le potentiel minier des fonds marins est considérable, mais le principe de précaution doit être affirmé.

J'ai relevé la proposition qui consiste à accorder la personnalité juridique aux fonds marins, comme certains pays ont pu le faire pour des éléments de la nature – sujet sur lequel j'ai commencé à travailler. Dans ma circonscription, certains militent pour donner la personnalité juridique au fleuve Rhône. L'Équateur a intégré les droits de la nature dans sa Constitution. La Nouvelle-Zélande a reconnu le fleuve Whanganui comme une entité vivante en 2017. Des éléments de la nature ont été reconnus juridiquement par la province des îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie. Pourriez-vous nous en dire davantage sur votre proposition ? D'autant que certains économistes – y compris des proches de l'écologie politique, comme Gaël Giraud – n'y sont pas favorables. Certains d'entre eux estiment que la nature a déjà les moyens de se protéger avec l'arsenal juridique français. Lui reconnaître la personnalité juridique risquerait surtout d'engraisser des cabinets d'avocats. En tout cas, le sujet est intéressant et pourra être étudié par la représentation nationale.

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Je ne donnerai pas d'avis sur cette mission budgétaire. Cela ne sert à rien – comme notre président lui-même l'a dit – puisqu'au bout du compte la deuxième partie du PLF risque de faire l'objet de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Mon groupe a exprimé son avis sur ce projet de budget lors de son examen par la commission des finances.

En revanche, il est indispensable que la commission des affaires étrangères étudie cette mission à travers son prisme particulier. D'une certaine manière, c'est même l'ensemble du PLF qu'il faudrait passer en revue.

Notre commission devrait œuvrer en faveur de la création d'un poste d'attaché spécialisé dans les questions écologiques dans chacune de nos ambassades. On a bien créé des postes d'attaché économique lorsque l'on a considéré que l'économie et les exportations étaient vitales. Alors que nous constatons que la croissance des flux de marchandises est nocive pour le climat et que la réindustrialisation est à l'ordre du jour, il faut peut-être remplacer les attachés économiques par des attachés écologiques.

L'écologie allant souvent de pair avec les droits de l'Homme, disposer dans les ambassades d'un attaché qui s'occupe des deux sujets pourrait avoir du sens. La France pourrait avancer cette proposition dans le cadre des conférences des parties (COP).

Il est nécessaire de débattre de la sanctuarisation des grands fonds marins. Le travail a été fait pour les pôles – et l'on voit qu'il faut rester vigilant malgré tout. La même question se pose pour la Lune et les corps célestes. Laissera-t-on les multinationales les exploiter sans contrôle politique et juridique international ? Nous devons empêcher cela. Certains pensent, comme Édouard Philippe, qu'il faut laisser faire le marché. J'avais démontré en 2009, avec Martine Billard, qu'il importe de s'engager dans une planification écologique de l'économie. Treize ans plus tard, on commence à se poser cette question. Mieux vaut tard que jamais.

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Je voudrais rappeler trois grands principes auxquels nous sommes tous très attachés.

Il s'agit tout d'abord de la déclaration des principes juridiques régissant les utilisations du fonds des mers et de ses ressources, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies. Elle affirme que les fonds marins doivent être utilisés à des fins exclusivement pacifiques. Si ce principe était bien défendu par tous, cela constituerait déjà une grande avancée pour éviter les conflits.

Il faut être très vigilant en ce qui concerne la compatibilité du développement du potentiel économique des fonds marins avec l'objectif de protection de la biodiversité. Dans tous les domaines, il faut savoir trouver un équilibre. L'autorité internationale des fonds marins a approuvé, à ce jour, vingt-huit contrats d'exploration, pour une superficie supérieure à 1,3 million de kilomètres carrés. Nous pouvons nous féliciter du statut d'investisseur pionnier dont bénéficie la France. Cependant, si l'exploitation des nodules polymétalliques et autres gisements minéraux marins est riche de promesses, elle menace également les équilibres écologiques des fonds marins. Il est regrettable que la cartographie et l'étude des fonds marins, patrimoine commun de l'humanité, ne soit rendue possible que par une activité qui menace les écosystèmes ; c'est un peu incongru. La France ne doit pas sacrifier les fonds marins à la compétition économique. Au contraire, l'État doit renforcer et développer les aires marines protégées. Il faut aussi faire preuve d'exemplarité, notamment en protégeant les terres australes et antarctiques françaises (TAAF). La France doit s'engager en faveur de la réforme de la gouvernance internationale des fonds marins, afin d'accroître la transparence et les pouvoirs de sanction de l'AIFM.

Enfin, il faut s'assurer de la juste répartition des bénéfices de l'exploitation des fonds marins entre les États. L'activité minière dans le domaine sous-marin est autorisée par l'AIFM en contrepartie du versement d'une taxe. Il est vital qu'une part de ces revenus alimente un fonds multilatéral pour le développement.

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Le rapport pour avis est très riche et très ambitieux – peut-être un peu trop ambitieux.

Vous saluez l'augmentation notable des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables tout en critiquant son manque d'ambition. C'est incohérent, même si c'est légitime quand on est dans l'opposition.

Le sujet des fonds marins est essentiel. Je salue vos propositions, qui mettent cependant en évidence une question sous-jacente : faut-il agir ou bien ne rien faire ? Lors de la conférence des Nations Unies sur les océans, le président de la République a demandé le 30 juin dernier d'encadrer l'exploitation des fonds marins et d'investir dans la science, pour mieux comprendre et mieux protéger ces fonds.

Vous évoquez brièvement les câbles sous-marins dans le rapport pour avis. Ces infrastructures garantissent la circulation des données et, d'une certaine façon, notre souveraineté en matière numérique – voire notre souveraineté tout court. Plusieurs câbles ont été sectionnés ces derniers jours, à la fois en mer du Nord et sur terre, très près de la Méditerranée. Comment éviter que la protection écologique des fonds marins – que nous soutenons tous – serve de prétexte pour permettre à des puissances hostiles d'agir en toute opacité contre ces infrastructures stratégiques ?

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Je salue le travail de la rapporteure pour avis et le groupe LFI-NUPES suivra sa recommandation en votant contre les crédits de cette mission.

Le programme 203 Infrastructures et services de transports ne comprend pas de hausse significative des crédits en faveur du transport ferroviaire. Pourtant la stratégie nationale bas-carbone prévoit un développement de plus de 27 % en la matière d'ici à 2030, et de plus 79 % d'ici à 2050. Pour planifier, il faut investir. Un rapport de l'association Réseau Action Climat met en évidence un besoin d'investissements annuels de près de 3 milliards d'euros supplémentaires jusqu'en 2030 pour atteindre l'objectif.

Pourquoi ne pas s'inspirer de nos voisins européens afin de mener une politique à la hauteur des enjeux environnementaux ? L'Espagne a pu financer la gratuité des trains pendant quatre mois grâce à la taxation des superprofits. L'Allemagne a mis en place un tarif unique modique qui donne accès à tous les transports collectifs.

Nous avons perdu la moitié de nos lignes ferroviaires depuis 1950. Le réseau est vétuste, avec des lignes dont l'âge moyen est de plus de vingt-neuf ans – contre dix-sept ans en Allemagne et quinze ans en Suisse –, des caténaires de quarante ans et des appareils de signalisation de vingt-six ans. Les petites lignes sont particulièrement touchées, avec une moyenne d'âge de trente-six ans. Selon le Réseau Action Climat, plus de 100 gares et haltes ferroviaires ont été fermées depuis 2017. Le fret ferroviaire ne représente que 9 % du transport de marchandises – contre 89 % pour la route. La France est bien en-deçà de la moyenne européenne, qui est de 18 %.

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Comment notre commission va-t-elle suivre les nombreux engagements pris lors du One Ocean Summit en matière de biodiversité et de pollution par les plastiques ? Dans quelle mesure pourrait-elle participer au One Planet Summit pour les îles qui se tiendra en 2023 ?

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Nous étudierons comment il est possible d'intégrer ce sujet dans le cadre de nos travaux. Quant aux déplacements, nous ne pouvons pas trop les multiplier.

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Le projet de budget est en trompe-l'œil dans la mesure où la majeure partie des crédits est consacrée aux mesures d'urgence pour faire face à la hausse des prix de l'énergie, et non à des investissements en faveur la transition écologique. Les événements de cet été, avec les incendies et la sécheresse, montrent qu'il est nécessaire d'investir massivement dans la planification de la transition écologique. Or ce projet de budget n'est pas à la hauteur des enjeux.

La question climatique n'a pas de frontière. Il est donc très important que notre commission s'empare de ces sujets car c'est bien à l'échelle mondiale qu'il faudra y répondre, grâce à des investissements massifs.

Madame Gatel a évoqué le plan de relance. Le PLF prévoit à ce titre une diminution de 8,6 milliards d'euros, avec une baisse de 100 % des AE et de 38 % des CP. Ces derniers diminueront encore de 38 % en 2024, puis de 80 % en 2025. On ne peut donc pas parler d'une pérennisation. L'impression d'augmentation du montant de la mission résulte des mesures liées à la crise de l'énergie.

Sur les grands fonds marins, on assiste aujourd'hui à une accélération de leur exploitation. Des entreprises ont demandé des permis d'exploitation à l'AIFM. Celle-ci est dans l'obligation d'instruire les demandes. Dans le même temps, on engage une procédure de modification du code minier, avec l'idée de protéger au mieux les fonds marins tout en les ouvrant davantage à l'exploitation économique. Or les scientifiques que nous avons entendus indiquent que quel que soit le mode d'exploitation, les conséquences environnementales seront dramatiques. La situation actuelle est figée mais la modification du code minier va permettre de délivrer des permis d'exploiter à des compagnies ou à des États. Il faut adopter une position ferme sur ce sujet car tout se joue maintenant.

Il faut aussi modifier la gouvernance des fonds marins, des océans et de la haute mer car l'empilement des structures et des compétences rend les choses très complexes. En outre, l'AIFM, actuellement financée par les contributions des États, a vocation à devenir financièrement autonome grâce aux recettes issues de l'exploitation des fonds marins. Vous voyez le paradoxe : l'instance chargée de délivrer les permis en vivra directement. C'est encore contrôlé mais cela va évoluer. La France doit donc avoir une position très ferme d'autant qu'elle est un acteur majeur au sein de l'AIFM. Elle doit aussi inciter l'Union européenne, trop timide, à s'impliquer davantage.

Les fonds consacrés au secteur maritime sont beaucoup moins élevés que ceux qui bénéficient au secteur aérospatial. Le plan France 2030 prévoit ainsi, pour ce dernier, 1,5 milliard d'euros, auquel il faut ajouter 5 milliards d'euros inscrits dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Le PLF 2023 prévoit quant à lui 247 millions d'euros en AE et 241 millions d'euros en CP pour le secteur maritime, tandis que le plan France 2030 lui attribue 300 millions d'euros par an sur la question spécifique des grands fonds. L'échelle des budgets est très différente. Et on connaît donc mieux aujourd'hui la lune que les fonds marins…

Oui, il est nécessaire de protéger les câbles sous-marins, qui sont hautement stratégiques. Cela étant, je ne vois pas de contradiction entre la préservation des fonds marins et la protection de ces câbles. Préserver les fonds marins implique précisément de mieux contrôler ce qui s'y passe, ce qui suppose plus de règles et plus de contrôle de l'action des États dans ces espaces. Aujourd'hui, il est possible de couper des câbles du fait de l'insuffisance des moyens de contrôle.

S'agissant de la notion de personnalité juridique, je sais, cher Hubert Julien-Laferrière, qu'une initiative a été lancée pour la préservation du Rhône, durement touché par la pollution de ses eaux, l'exploitation intensive dont il fait l'objet pour la production d'électricité et l'aménagement artificiel. Mais la France ne reconnaît pas, pour l'instant, de personnalité juridique à un élément naturel. Vous avez néanmoins cité trois exemples de progrès à cet égard dans le monde. En tout état de cause, la reconnaissance par la France de la personnalité juridique pour les grands fonds marins ne serait qu'une première étape vers sa reconnaissance internationale car, à terme, il y faudrait une résolution de l'Organisation des Nations Unies (ONU).

Voir la France, premier pays au monde par la superficie de ses grands fonds avec 93 % de sa zone économique exclusive, soit 9,5 millions de kilomètres carrés, à une profondeur supérieure à 1 000 mètres, prendre les devants en la matière donnerait assurément une impulsion positive en ce sens.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE12 de Mme Laurence Robert-Dehault.

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Dans sa volonté de lutter pour le climat, le Gouvernement, soucieux de bien agir, propose des solutions parfois contre-productives. Si des dispositifs tels que la prime à la conversion sont louables, en ce que cette prime vise à inciter les citoyens à acheter des véhicules électriques ou hybrides, les résultats obtenus sont parfois anti-écologiques. En effet, pour bénéficier de ce dispositif, il est par exemple nécessaire de mettre son ancienne voiture thermique au rebut, ce qui peut inciter les citoyens à mettre au rebut une voiture encore en état de fonctionner. Or le véhicule le plus écologique est celui que l'on garde le plus longtemps.

L'amendement s'inscrit dans une volonté plus générale de lutter contre le gaspillage et l'obsolescence programmée ou encouragée. Il vise également à lutter contre le phénomène d'hyperconsommation, responsable chaque année de centaines de milliers de tonnes de déchets. Il ne s'agit pas de retirer l'intégralité des crédits alloués à de tels dispositifs mais de les restreindre pour en faire bénéficier les seuls citoyens dont la voiture thermique arrive réellement en fin de vie.

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Avis défavorable. Le dispositif de la prime à la conversion est en effet un outil essentiel pour permettre à la France d'atteindre ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de neutralité carbone en 2050, ainsi que pour lutter contre la pollution de l'air, cause de 48 000 décès prématurés chaque année dans notre pays. La surconsommation ne peut être opposée à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la lutte contre la pollution en laissant dans le parc automobile des véhicules polluants mais elle doit être traitée en favorisant l'économie circulaire et la réutilisation des pièces détachées. De plus, la prime à la conversion pour les ménages anticipe utilement la décision de l'Union européenne d'interdire la vente de voitures thermiques à compter de 2035. Il s'agirait donc plutôt d'augmenter le budget consacré à la prime à la reconversion que de le réduire.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE15 de M. Jérôme Buisson.

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La mission Écologie, développement et mobilité durables est la plus consommatrice de prestations de cabinets de conseil. Pour le seul premier semestre, les dépenses de cette nature étaient presque équivalentes à celles de toute l'année 2021, soit, annualisées, près de 100 millions d'euros en 2022. Alors que le Gouvernement s'est engagé devant la commission d'enquête sénatoriale de mars 2022 à réduire de 10 % ses dépenses de prestations de cabinets de conseil, celles afférentes à la mission que nous examinons ont augmenté de près de 60 % entre 2021 et 2022. L'incompréhension de nos compatriotes est d'autant plus grande que le Gouvernement crée sans cesse des comités Théodule et des agences en tout genre, surtout dans le domaine de l'écologie, faisant apparaître l'État, aux yeux de certains, comme une machine kafkaïenne. De plus, ces cabinets de conseil sont une menace pour notre souveraineté et prêtent le flanc aux influences étrangères – je rappelle à cet égard que McKinsey emploie des anciens agents de la Central Intelligence Agency (CIA) américaine. Pourquoi donc de tels recours ?

Cet amendement a pour objet de contraindre le Gouvernement à tenir ses promesses et, ainsi, de supprimer les dépenses de prestations prévues au titre de cette mission, tout en préservant les prestations prodiguées par des acteurs publics, tels que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

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Comme je l'ai souligné dans mon rapport, je partage pleinement votre inquiétude quant au recours excessif aux cabinets de conseil, qui concerne tout particulièrement la mission Écologie, développement et mobilité durables, laquelle se place en effet à la première place en termes de dépenses de ce type, selon le jaune budgétaire présenté par le Gouvernement. La solution que vous proposez est cependant inadaptée.

Tout d'abord, en effet, l'amendement tend à retirer 22 millions d'euros hors titre 2 à l'action 7 Pilotage, support, audit et évaluation du programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables, alors même que la sous-section 2, qui porte les crédits destinés aux études externes, n'est dotée que de 1,8 million d'euros. En second lieu, la solution que vous proposez est, en l'état, contre-productive, car la baisse des crédits aurait pour effet, sans création concomitante de nouveaux emplois dans le pôle ministériel du programme 217, de réduire purement et simplement les moyens alloués à l'écologie.

Si l'on peut regretter que l'État ne dispose pas en interne des compétences nécessaires pour mener de telles études, l'urgence de la transition écologique ne nous permet pas de diminuer sans contrepartie les moyens alloués à ces missions. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE16 de M. Jérôme Buisson.

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Notre pays souffre de prix de l'énergie qui atteignent des sommets, en raison, pour partie, du contexte géopolitique, mais surtout de la politique énergétique erratique du Gouvernement. D'abord antinucléaire, puis hésitant, il souhaite désormais relancer le développement de notre parc nucléaire, à en croire du moins les annonces du président de la République, qui n'ont, pour l'heure, pas eu de suites.

Pour joindre les actes à la parole, cet amendement propose la création d'un plan d'investissement pour la construction de vingt réacteurs à eau pressurisée (EPR) d'ici à 2050, pour 6,4 milliards d'euros par an sur vingt-sept ans, soit un programme de 172 milliards d'euros. Cette estimation très haute se fonde sur un rapport remis par le Gouvernement en février 2022, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie 2019-2028.

Un programme nucléaire ne pourra évidemment être lancé par un simple amendement, mais cet amendement est un appel, ou plutôt un rappel à vos engagements. Le temps presse. L'indépendance nationale ne saurait attendre.

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L'investissement dans l'énergie nucléaire n'est pas la solution pour assurer la transition écologique et la souveraineté énergétique. Il est en effet illusoire de penser que le nucléaire est une réponse plus efficace à la crise énergétique que l'investissement dans les énergies renouvelables. La construction d'un EPR prend en moyenne une quinzaine d'années, sans compter les retards fréquents dont celui de Flamanville est un parfait exemple, avec un retard d'une dizaine d'années et un coût estimé par la Cour des comptes à 20 milliards d'euros au lieu d'un chiffrage initial de 3 milliards d'euros. À titre de comparaison, il faut moins de dix ans pour la construction de parcs éoliens terrestres et onze ans pour une implantation en mer.

L'énergie nucléaire est donc une énergie chère et, de surcroît, loin d'être propre, la gestion des déchets nucléaires demeurant très problématique sur le plan écologique et en termes d'acceptabilité sociale. En outre, il est faux de penser que le nucléaire est une garantie pour l'indépendance énergétique de notre pays car la France importe, depuis le début des années 2000, l'intégralité de l'uranium utilisé pour ses centrales nucléaires, qui vient du Niger, du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan, ce qui rend la production nucléaire française dépendante de la situation géopolitique de ces pays. Enfin, les centrales nucléaires sont des infrastructures particulièrement vulnérables aux risques d'accidents, ainsi qu'aux aléas climatiques ou aux attaques hybrides.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable à l'adoption de cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Puis, elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables non modifiés.

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Examen pour avis et vote des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure (M. Alain David, rapporteur pour avis)

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La mission Médias, livre et industries culturelles, dotée de 700 millions d'euros sur le budget général, regroupe des crédits consacrés à la politique en faveur du développement et du pluralisme des médias, ainsi qu'à la politique en faveur du livre, de la lecture publique et de l'industrie musicale.

Notre commission s'intéresse plus particulièrement, dans cette enveloppe, aux moyens accordés à France Médias Monde, au titre du programme 844, et à TV5 Monde, au titre du programme 847, vecteurs audiovisuels essentiels au rayonnement de notre pays à l'international.

Notre rapporteur pour avis, M. Alain David, a judicieusement choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à une approche comparative des modes de financement de l'audiovisuel public en Europe, en concentrant particulièrement son attention sur la Suède, qui a remplacé sa redevance forfaitaire par une contribution universelle et progressive. Je m'en félicite d'autant plus que j'ai été très gêné, et même frustré, au mois de juillet, de voir apparaître en séance publique, au sein d'un texte de portée très générale, l'examen de cette question, qui n'avait pas été préalablement documentée.

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Après deux années marquées par la pandémie de Covid-19, notre audiovisuel extérieur a de nouveau connu une période dense et mouvementée. L'année 2022 a été une année charnière pour France Médias Monde, société chargée de l'audiovisuel extérieur qui regroupe la chaîne de télévision France 24 et les radios RFI et MCD – Radio France internationale et Monte Carlo Doualiya –, ainsi que pour TV5 Monde, chaîne multilatérale francophone dont la France est l'un des bailleurs de fonds.

Tout d'abord, il faut dire un mot de la situation géopolitique, à laquelle nos médias ont été particulièrement exposés. À la suite de la diffusion d'un reportage sur les exactions de la milice Wagner, la diffusion de RFI en FM et la distribution de France 24, ainsi que les sites internet de ces deux médias, ont été suspendus par le régime malien le 17 mars 2022. Cette décision arbitraire a été confirmée par le régulateur malien des médias et, malgré de nombreux courriers adressés par la partie française et le recours à une médiation, aucune justification crédible n'a été fournie.

Deuxièmement, à la suite de l'interdiction par l'Union européenne de Russia Today (RT) le 1er mars 2022, au titre des sanctions prononcées après le déclenchement de l'offensive contre l'Ukraine, le régulateur russe a coupé l'accès à France 24 et RFI. En outre, TV5 Monde n'est plus disponible en Russie en diffusion classique depuis mars 2022.

Si, au Mali comme en Russie, les chaînes restent très partiellement accessibles par VPN ou grâce à des sites miroirs, ces coupures sont une preuve éloquente de la qualité du travail fourni par nos médias extérieurs qui, à l'exacte inverse d'un média de propagande, ont la capacité de déranger ceux qui s'adonnent à des abus de pouvoir. Je dois aussi signaler que France Médias Monde s'est pleinement mobilisée dès le début du conflit en Ukraine pour assurer une couverture fiable et complète de celui-ci. Un centre régional a été ouvert à Bucarest, avec le soutien financier du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, et l'appui de la rédaction roumaine de RFI. Ce centre permet à des journalistes ukrainiens de poursuivre leur mission d'information en développant une offre numérique en ukrainien et en russe, qui favorise la lutte contre la désinformation.

L'année 2022 a ainsi souligné à gros traits le rôle stratégique de notre audiovisuel extérieur et l'importance vitale de son indépendance, garantie de sa crédibilité à l'étranger. Cet aspect n'a pas suffisamment été pris en compte par le Gouvernement dans sa réforme du financement de l'audiovisuel public. En effet, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public – la redevance –, ainsi que son remplacement par l'attribution d'une fraction du produit de la TVA ont été votés cet été dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2022. Il s'agit certes d'une solution moins dommageable que ne l'aurait été la budgétisation d'abord envisagée par le Gouvernement, qui présente un risque important car elle mettrait fin au principe d'affectation des ressources, garantie majeure d'indépendance et de stabilité. Cependant, si le financement par la TVA permet de maintenir le principe d'une affectation, aucun pourcentage n'a été fixé dans la loi, ce qui prive nos médias d'une nécessaire visibilité de leurs ressources. Surtout, la solution retenue pose question quant à sa conformité à la loi organique du 28 décembre 2021, qui prévoit que les impositions directement affectées à un tiers ne peuvent être maintenues que « si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées ». Enfin, la TVA ne permet pas de répondre à l'un des principaux défauts de la redevance : son caractère inégalitaire, du fait d'un montant unique, dissocié du niveau de revenu.

La réforme de la redevance était donc une nécessité, justifiée tout d'abord par une inadaptation croissante aux usages. En effet, la consommation de contenus audiovisuels dépend de moins en moins de la possession d'un téléviseur, qui est pourtant la condition d'assujettissement à la redevance.

Néanmoins, pour toutes les raisons que j'ai exposées, la réforme n'est pas satisfaisante. Le modèle nordique, et notamment suédois, présenté dans mon rapport, possède en revanche de nombreux atouts : la redevance forfaitaire a été remplacée en 2019 par une contribution à la fois universelle et progressive, qui maintient le principe d'un financement affecté indépendant du budget de l'État. Tous les Suédois de 18 ans et plus disposant d'un revenu imposable doivent s'en acquitter à hauteur de 1 % de leurs revenus, un plafond ayant été fixé à 123 euros par an, ce qui représente environ 10 euros par mois et 30 centimes par jour. Cette réforme, très bien accueillie par la population, devrait aujourd'hui nous inspirer : elle permettrait d'instaurer un financement stable, affecté et équitable, assurant un gain de pouvoir d'achat pour près de neuf foyers sur dix à budget constant.

Il me semble d'autant plus nécessaire d'envisager une telle réforme que le spectre de la budgétisation menace toujours nos médias. Or, en cas de budgétisation, notre audiovisuel extérieur risquerait d'être perçu à l'étranger comme un média d'Etat, au même titre que Russia Today ou son équivalent chinois, dont l'impartialité est loin d'être garantie, et non comme un média de service public. Cette menace pèse aussi bien sur le plan règlementaire – le Land de Berlin a ainsi signifié qu'en cas de budgétisation, RFI perdrait sa licence de diffusion en ondes FM – que sur le plan politique, comme on le constate en Afrique subsaharienne, où la crédibilité de l'audiovisuel public français fait déjà l'objet de critiques, au moment même où la guerre informationnelle fait rage. Face à une telle menace, ne nous enfermons pas dans le court-termisme d'un refus dogmatique de toute création d'impôt.

Dans ce contexte, les déclarations du président de la République lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs appellent quelques remarques. Une invitation a été faite à « mieux utiliser » France Médias Monde ; en réaction, les sociétés de journalistes du groupe ont tenu à rappeler leur indépendance totale à l'égard de l'État. En effet, dans la situation actuelle, de telles déclarations, sorties de leur contexte, peuvent nourrir les discours de contestation que subissent nos médias dans certains pays.

Ainsi, les dotations publiques allouées à France Médias Monde et à TV5 Monde dans le projet de loi de finances pour 2023 doivent être replacées dans un contexte de hausse généralisée des moyens consacrés à l'audiovisuel extérieur. À titre indicatif, le budget de l'allemand Deutsche Welle, partenaire de France Médias Monde sur plusieurs projets, a atteint 396 millions d'euros en 2021, en hausse constante depuis plusieurs années. La même année, le budget cumulé des médias russes RT et Sputnik était évalué à 430 millions d'euros. En 2023, France Médias Monde bénéficiera, quant à elle, d'une dotation de 284 millions d'euros et celle de TV5 Monde sera de près de 80 millions d'euros. Dans les deux cas, toutefois, ces hausses correspondent pour l'essentiel à la compensation des effets de l'inflation et des effets fiscaux induits par la suppression de la redevance. Les deux entreprises se sont en effet mobilisées pour compenser les effets de l'inflation sur les salaires, en utilisant notamment des dispositifs de prime. Nous devons néanmoins être vigilants quant au risque de perte d'attractivité de notre audiovisuel extérieur face à des concurrents privés : les compétences des journalistes et de l'ensemble du personnel sont essentielles et une fuite des cerveaux aurait des conséquences très dommageables.

Les budgets sont donc en hausse mais ils relèvent d'une approche conservatoire, après quatre années de réduction des dotations allouées à l'audiovisuel public. Les entreprises ont dû faire d'importants efforts pour répondre à cette contrainte et il serait dangereux d'aller plus loin dans cette direction, malgré une tentation nourrie par les bons résultats enregistrés. En effet, les audiences en linéaire et en numérique progressent pour France Médias Monde comme pour TV5 Monde, au-delà de l'effet exceptionnel provoqué par la pandémie. À titre indicatif, France 24 est devenu le premier média français consulté sur YouTube.

France Médias Monde a poursuivi la mise en œuvre de sa politique éditoriale multilingue, autour notamment du projet Afri'Kibaaru, financé en partie par l'Agence française de développement. Ce projet, qui a permis de développer la diffusion de RFI en langues africaines, autour de deux rédactions locales implantées à Dakar et à Lagos, s'accompagne d'actions de formation des journalistes et permet de consolider la présence de RFI en Afrique subsaharienne, dans le contexte de tensions que je vous ai présenté. On peut aussi signaler le passage réussi, à budget constant, à vingt-quatre heures de diffusion quotidienne de la déclinaison hispanophone de France 24, qui rencontre un succès grandissant en Amérique latine.

Il s'agit là d'exemples parmi d'autres du travail accompli au quotidien par France Médias Monde, qui participe aussi activement à la lutte contre la désinformation. Les différents programmes que j'ai cités y contribuent, aux côtés de modules spécifiquement dédiés à la vérification de l'information.

Pour TV5 Monde, l'année écoulée a été marquée par la poursuite de la mise en œuvre de son plan stratégique autour de deux priorités principales : l'accroissement de la découvrabilité audiovisuelle francophone grâce au lancement, voilà un an, de la plateforme francophone de vidéo à la demande TV5Mondeplus, gratuite et disponible quasiment partout dans le monde, et la sensibilisation des publics aux enjeux environnementaux par le lancement et la labellisation de programmes.

TV5 Monde est également très présente en Afrique, où la chaîne coopère avec les médias locaux et contribue à la promotion de la langue française. En 2022, les réflexions sur une possible association de pays africains à la gouvernance de la chaîne ont progressé, sans aller jusqu'à envisager une adhésion pleine sur le modèle de ce qui a été accompli cette année avec Monaco.

L'année écoulée a mis notre audiovisuel public sous le feu des projecteurs mais un débat national demeure nécessaire afin de mieux informer nos concitoyens sur les spécificités de notre audiovisuel extérieur. Ce dernier est pourtant un élément essentiel de la présence de la France à l'étranger. C'est un outil de rayonnement, qui apporte une précieuse contribution à notre diplomatie, à notre économie, à la transmission de valeurs et à la voix de la France et de la francophonie. Malgré un soutien réaffirmé au travail de nos médias, j'appelle, compte tenu des difficultés que rencontre ce secteur, à voter contre les crédits de l'audiovisuel extérieur, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux auxquels nous devrons faisons face. Nous avons besoin de moyens supplémentaires pour faire rayonner la France dans le monde.

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Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.

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Je félicite tous les opérateurs de notre audiovisuel extérieur, qui portent les valeurs de la France au-delà de nos frontières, pour la qualité de leur travail d'information. Nos médias extérieurs conduisent une série de projets ambitieux et plébiscités autour de priorités stratégiques telles que le plurilinguisme, la promotion de la francophonie ou encore la lutte contre la désinformation.

Le PLF pour 2023 prévoit une dotation publique à France Médias Monde de 284,7 millions d'euros, contre 254,2 millions en 2022. Cette hausse, que vous jugez apparente, permet néanmoins de continuer à assurer la pérennité de notre action audiovisuelle extérieure. Il faut également saluer la dotation de près de 80 millions pour TV5 Monde, en progression de 3,8 millions par rapport à 2022. Cette augmentation des budgets répond à une demande des syndicats.

Dans un contexte de guerre de l'information, l'audiovisuel est un instrument du soft power. On doit lui accorder les moyens de réussir, conformément à nos ambitions et à la stratégie d'influence française.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur de ces crédits.

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L'été dernier, en accord avec les citoyens français, nous avons supprimé la redevance audiovisuelle. Depuis plusieurs années, nos compatriotes manifestent un sentiment de défiance envers l'audiovisuel public. Le taux d'équipement en téléviseurs est passé de 98 % à 92 % des ménages entre les années 2010 et l'année 2020. Les Français se désintéressent de la télévision et ce phénomène s'accentuera à mesure du renouvellement des générations. Un sondage du 12 juillet 2018 indique que 56 % des Français sont satisfaits des programmes proposés par l'audiovisuel public ; c'est bien peu comparé au Royaume-Uni, qui enregistre 86 % de taux de satisfaction, ou à l'Allemagne, où ce taux atteint 60 %. Le même sondage révèle que 53 % des Français jugent l'audiovisuel public partisan.

Malgré cela, le secteur audiovisuel public a décidé d'ignorer toute remise en question. Ses turpitudes n'épargnent pas nos médias extérieurs. Si France Médias Monde participe au rayonnement culturel de la francophonie et ne bénéficie pas, à ce titre, de moyens suffisants pour rivaliser avec ses concurrents étrangers, il en est autrement de TV5 Monde. J'ai regardé une vidéo de cette chaîne, sur YouTube, en date du 24 octobre dernier, consacrée à l'actualité internationale. Sur une durée de vingt minutes, on y trouve un reportage relatif à l'élection du Premier ministre britannique, non sans critiques envers Boris Johnson et le Brexit, une couverture de la guerre en Ukraine, la relation d'une manifestation pour le climat, à Bruxelles, regroupant à peine 20 000 participants et un reportage sur la lutte contre les gangs au Salvador, qui dénonçait les conditions de détention de criminels ayant brisé des vies. L'intégralité de ces reportages était très orientée.

Je voudrais dire un mot de la nouvelle offre de web creation de TV5 Monde, par laquelle la chaîne finance des créateurs de contenus internet. On y trouve, parmi les bénéficiaires de subventions, une certaine Camille Ghanassia, auteure notamment d'une web série intitulée « Le meufisme », qui promeut l'idéologie déconstructiviste sans retenue. Alors que ces médias sont là pour informer, faire rayonner et mettre en avant la France et les Français, ils se retrouvent à faire de la propagande idéologique et partisane. C'est une raison suffisante pour que le groupe Rassemblement national vote contre les crédits proposés.

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La dotation publique en faveur de France Médias Monde et de TV5 Monde atteint 365 millions d'euros, soit près de 35 millions supplémentaires par rapport à 2022. Cette progression est toutefois due essentiellement à l'inflation et à la compensation de la fin de la redevance audiovisuelle, subitement supprimée après des concertations minimales. Une fois l'illusion de l'augmentation de la dotation dissipée, on réalise que le Gouvernement a préféré maintenir le statu quo sur l'action de l'audiovisuel extérieur. Rappelons que France Médias Monde a dû mener, sous le précédent quinquennat, une recherche effrénée d'économies en raison du resserrement de son budget. Ces crédits ne compensent donc pas ces baisses. C'est d'autant plus étonnant que l'information a pris une importance considérable sur le plan international. France Médias Monde a ainsi réalisé, au cours des derniers mois, de très bonnes audiences, en progression de 18 % sur deux ans – et de 37 % pour la diffusion numérique. France Médias Monde et TV5 Monde deviennent des maillons incontournables du soft power français, alors que la France réduit depuis des années la voilure de son action culturelle diplomatique – je pense en particulier aux instituts français.

Le président Macron a évoqué, ces dernières semaines, l'importance d'avoir des relais d'information partout dans le monde. Ceux-ci doivent toutefois disposer d'une indépendance claire ; or, cette condition a été mise à mal par la suppression de la redevance audiovisuelle. Cette mesure pourrait remettre en cause la diffusion de certaines chaînes du réseau à l'international. M. Macron a oublié d'envisager les conséquences concrètes d'une décision, qui apparaît irréfléchie. Notre commission devrait engager une réflexion sur le sujet et s'efforcer d'identifier une solution de financement pérenne des deux groupes.

L'exigence d'indépendance est d'autant plus impérieuse que l'action française en Afrique est de plus en plus décriée, en partie en raison d'opérations d'influence menées par des États étrangers. Le choix du Mali de couper la diffusion de France Médias Monde doit nous alerter.

La France insoumise appelle à la vigilance sur le processus de renouvellement à la tête de France Médias Monde. Nous tenons à maintenir l'audiovisuel public à l'abri des réseaux d'influence du pouvoir en place. La nomination récente d'Aurore Bergé au conseil d'administration de France Télévisions a suscité l'émoi, à juste titre, à la suite, qui plus est, de la suppression de la redevance.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission.

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Le rapport met en exergue l'importance de l'audiovisuel extérieur dans un monde où les tensions géopolitiques sont de plus en plus pressantes. RFI, France 24 et TV5 Monde ont ainsi fait l'objet de coupures et de restrictions de diffusion au Mali et en Russie. Depuis de nombreuses années, la France a développé une stratégie d'influence, notamment sur le continent africain. L'audiovisuel extérieur constitue précisément une clé non négligeable du rayonnement français. Aussi devons-nous lui donner des moyens suffisants. Notre stratégie d'influence est aujourd'hui contrariée par un certain nombre États, qui ont des prétentions sur des pays où nous sommes implantés. Pensez-vous que nous accordons à l'audiovisuel public extérieur les moyens nécessaires à cette stratégie ?

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Le bilan de l'action de l'audiovisuel extérieur est globalement positif. Les audiences sont en hausse, l'offre multilingue a été renforcée – France 24 émet en continu en quatre langues, grâce au travail de quatre rédactions –, il existe des coopérations européennes étendues et la transformation numérique se poursuit.

Dans la réflexion sur le financement de notre audiovisuel, en particulier de notre audiovisuel extérieur, nous devons accorder une place centrale à l'indépendance des médias. Qu'entend-on par un média public ? Il s'agit là d'une zone grise de la législation internationale. L'origine du financement ne suffit pas à déterminer s'il s'agit de propagande ou d'audiovisuel public – le Land de Berlin a ainsi évoqué la charte de la BBC. Nous devons mener un travail approfondi, au sein de la commission, pour trouver la bonne formule. Je note que France Médias Monde forme depuis six mois des journalistes ukrainiens en exil sur des questions comme la neutralité.

L'audiovisuel public est utile même à ceux qui ne le regardent ou ne l'écoutent pas. Il est profitable à la société, car il élève le débat et donne des repères. En ce sens, l'audiovisuel public est une politique publique, ce qui justifiait la réforme de la redevance. Le problème central est le rapport entre le financement de l'audiovisuel intérieur et extérieur.

Nous voterons en faveur de ces crédits.

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La coupure de la diffusion de France Médias Monde, en mars dernier, au Mali et en Russie, a mis en lumière la force que constitue l'indépendance de ce média et la gêne qu'elle cause à des pays voulant asseoir leur propagande. Ni France Médias Monde, ni TV5 Monde ne sont des outils de propagande officiels, des médias gouvernementaux : telle est la singularité française – je le dis en particulier à Mme Robert-Dehault.

Certaines déclarations ont suscité de vives réactions des journalistes, telle celle du président de la République, qui a incité les diplomates à « mieux utiliser le réseau France Médias Monde ». La réforme du financement de l'audiovisuel a jeté le doute sur l'indépendance à long terme de notre action audiovisuelle extérieure. Ce n'est pas un bon signal car la suppression de la redevance soumet le budget de ce service public à une fraction d'un impôt perçu par l'État. Nous soutenons la pérennisation d'un financement autonome et progressif de l'audiovisuel public dans son ensemble. Nous serons très vigilants, lors de chaque examen budgétaire, sur l'attribution des moyens, qui sont, pour l'heure, insuffisants.

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Dans un contexte de crise, le groupe Horizons et apparentés salue la hausse des crédits dédiés à notre audiovisuel extérieur. Il souligne le bilan positif de France Médias Monde et se félicite que sa situation financière soit enfin stabilisée. Cette entité joue un rôle essentiel, en ce qu'elle diffuse une information fiable aux téléspectateurs, aux auditeurs et aux internautes du monde entier. Son rôle se trouve accru par les tensions internationales, qui multiplient les risques de désinformation et les tentations d'ingérence. Les rédactions de France Médias Monde contribuent à diffuser la culture francophone et les valeurs démocratiques sur tous les continents. C'est une composante importante de la politique de rayonnement et d'influence de la France qu'il faut soutenir avec détermination. Le modèle suédois mériterait d'être étudié ; des coopérations pourraient être engagées.

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Je voudrais dire d'emblée que nous ne voterons pas ces crédits.

Je m'interroge sur le rôle qu'a joué la désinformation russe sur la présence française au Sahel et l'échec de l'opération Takuba. L'attraction nouvelle qu'exerce la Russie en Afrique se traduit par l'apparition de points d'appui militaro-économiques et de campagnes de diffusion de fausses informations promouvant des thèses anti-impérialistes et ciblant spécifiquement la France et les pays occidentaux. Tous les supports sont mis à profit, parfois en langue locale. Que faisons-nous pour contrer l'influence des fake news étrangères ? Nos médias peuvent-ils lutter contre la défiance grandissante des populations africaines à notre égard ?

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Alors que, cette année, un budget spécifique vise à renforcer le pôle communication du Quai d'Orsay et sa présence sur les réseaux sociaux afin de contrer la désinformation, et alors que l'on cherche des solutions pour que la France soit mieux comprise dans le monde et réagisse aux attaques dont elle est l'objet sur internet, le Gouvernement semble enfin décidé à augmenter un peu le budget de France Médias Monde. Avec une audience de 251 millions de personnes et 2,3 milliards de vidéos vues et de démarrages audio, France Médias Monde, qui reçoit une dotation de 285 millions d'euros, est un formidable outil d'information, dont la fiabilité permet de lutter contre la fausse information et la propagande. Pourtant, même avec une augmentation de 25 millions, que nous saluons, la structure de cette entité reste affaiblie par les 16 millions d'économies imposées depuis 2017. L'ambition de créer une BBC à la française n'est toujours pas à notre portée. De fait, le groupe britannique dispose d'un budget de 100 millions supérieur à celui de France Médias Monde. Les plans d'économies successifs ont perturbé le service. Nous espérons que l'augmentation proposée par le budget 2023 permettra un réel renforcement à long terme de ce service public.

Nous espérons également que France Médias Monde pourra continuer à faire son travail sans interférence politique car, en septembre dernier, Emmanuel Macron avait suscité une vive polémique en déclarant que ce groupe avait vocation à « combattre les narratifs mensongers », après avoir évoqué le « narratif russe, chinois ou turc ». Ces propos nous ont profondément choqués, en ce qu'ils démontrent la volonté de l'exécutif de faire de France Médias Monde un instrument politique, ce qui mettrait à mal sa légitimité. Les journalistes ont d'ailleurs tenu à rappeler leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique ; notre groupe soutient totalement cette démarche.

La position de France Médias Monde est quelque peu ambiguë car le groupe est tenu d'informer le public hors de nos frontières tout en étant un opérateur de l'influence française parfois voulue par le pouvoir politique. Outre l'expression de cette volonté de maîtrise, l'exécutif reste très ambigu sur les financements de l'opérateur. La contribution à l'audiovisuel public ayant été supprimée, le versement d'une fraction de la TVA adossée à une taxe affectée n'est en effet un montage financier ni sérieux, ni crédible.

Notre commission gagnerait à auditionner plus souvent cette entité, afin de mieux comprendre les enjeux internationaux auxquels elle est confrontée et de mieux percevoir sa valeur ajoutée, notamment l'usage qu'il fait de multiples langues vernaculaires.

Nous doutons que nous soyons amenés à nous prononcer sur ce budget dans l'hémicycle mais, si tel était le cas, les élus de notre groupe voteraient contre les crédits insuffisants et précaires qui nous sont proposés.

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Ayant exercé pendant plus de quinze ans l'activité de journaliste, principalement à l'international, et ayant travaillé pour TV5 Monde, mon expérience nourrit mon opinion sur l'audiovisuel extérieur français, qui me paraît confronté à deux problèmes principaux.

Premièrement, la logique de la réduction des coûts et des effectifs signifie une perte sèche de talents et de compétences. Alors que les uns et les autres se targuent de lutter contre les fausses informations, éliminer des postes de journalistes semble contreproductif. Dans un secteur hautement concurrentiel, qui exige un investissement particulier pour cultiver les profils d'exception, cette vision comptable explique en partie la faible audience de l'action audiovisuelle extérieure de la France par rapport à celle de ses concurrents. Produire de l'information de qualité exige de nombreux journalistes, dont la liberté et l'indépendance dépendent aussi de leur sécurité financière.

Deuxièmement, je discerne un mélange des genres entre l'influence politique mise en avant par le chef de l'État, les membres du Gouvernement et certains élus, et le discours d'impartialité et de neutralité journalistique. Je reste dubitative quant à la possibilité de faire cohabiter de façon étanche ces deux logiques, qui sont ontologiquement incompatibles : j'en veux pour preuve les attaques orchestrées par les puissances étrangères contre les médias français. Les médias sont effectivement des outils d'influence ; ils sont perçus comme tels, et on parle de « guerre informationnelle » à dessein.

L'ambiguïté ne trompe personne. Il est impératif pour la clarté du message qu'envoie l'audiovisuel extérieur français mais aussi pour la sécurité même des journalistes, d'exprimer aux niveaux budgétaire et politique la totale indépendance et la sanctuarisation du financement de l'action audiovisuelle extérieure de la France, faute de quoi nous perdrons en crédibilité, en savoir-faire et en audience.

L'affectation d'une part de la TVA n'est pas une solution satisfaisante. Nous devons réfléchir à de nouvelles formes de financement qui garantissent l'indépendance de l'audiovisuel public. Il nous faut assurer la stabilité, la transparence et la pérennité de ces ressources par un financement adapté aux nouvelles formes de consommation, universel et progressif.

En attendant, ce budget scelle l'incertitude et entérine la politique de réduction des effectifs menée depuis cinq ans. Pour ces raisons, je m'abstiendrai de voter ces crédits.

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On ne peut pas comparer notre financement, qui est destiné à un service public indépendant et qui a vocation à renforcer la présence française, avec les crédits dédiés aux médias de propagande pure, en particulier russes ou chinois. Il faut mener des stratégies antipropagande, au moyen de budgets et de modalités d'action spécifiques, qui ne passent pas par les médias de service public.

On peut discuter de moyens supplémentaires mais on ne sera jamais à l'échelle de notre ambition. N'est-ce pas le moment de penser à un média européen très puissant vis-à-vis de nos partenaires africains ? Il manque également un média francophone panafricain. En effet, TV5 est un média occidental – qui réunit le Canada, la Suisse, la Wallonie et la France –, dont les programmes ne correspondent pas nécessairement aux attentes des publics africains. Enfin, France Médias Monde bénéficie de financements de l'Agence française de développement pour mener des projets spécifiques. Ne pourrait-on pas imaginer une ligne budgétaire destinée à la valorisation de l'action française dans les pays où l'on fournit de l'aide au développement ?

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Je me joins aux compliments adressés à notre rapporteur pour avis, en soulignant l'intérêt de la proposition qu'il a faite en partant de l'exemple suédois.

Il existe une inégalité structurelle : comme le disait le grand polémiste d'extrême droite et ultramontain qu'était Louis Veuillot, « je vous demande la liberté au nom de vos principes et je vous la refuse au nom des miens ». Certains de nos concurrents, notamment russes, s'arrogent ainsi un monopole de la propagande au nom de leurs principes et exigent de nous le pluralisme au nom de nos propres principes , ce qui nous place en situation d'infériorité.

Je reviens sur le financement, dont nous avons beaucoup débattu en juillet. Deux questions, sur lesquelles je ne me prononcerai pas, se posent.

La première concerne le lien entre la contribution de chacun et ses revenus. Ce qui nous est proposé avec la TVA, c'est un système proportionnel, limité par le fait que le taux d'épargne est beaucoup plus fort lorsque les revenus sont élevés. Devons-nous au contraire considérer que l'audiovisuel est un bien culturel que l'on paie en fonction de sa valeur, indépendamment du revenu de chacun ? Dans une librairie, on ne paie pas les livres en fonction de son revenu. Ou bien devons-nous considérer, comme notre rapporteur pour avis et de nombreux parlementaires, notamment de gauche, que le prélèvement doit être progressif ? Il existe encore une autre solution, qui avait été défendue par notre collègue Stéphane Peu, ce dont je l'avais félicité, qui est un prélèvement strictement proportionnel, sur la même base que celle de la TVA mais en corrigeant le biais que j'ai indiqué.

La deuxième question est celle de l'indépendance des médias. Comme l'a rappelé le rapporteur pour avis, la loi organique de 2021 dispose que les impositions directement affectées à un tiers doivent être « en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées », ce qui est très contraignant. Je ne suis pas sûr qu'il existe un lien entre les revenus et l'activité en question. Par ailleurs, si on établit un lien avec le revenu, comme en Suède, la contribution doit-elle baisser en cas de récession ? Et qui décide ? Nous sommes tous d'accord pour préserver le système de l'arbitraire gouvernemental. Sommes-nous aussi d'accord pour le préserver de l'autorité parlementaire ? S'agissant du véhicule, faut-il prévoir un compte d'affectation spéciale et comment peut-on intervenir annuellement pour réguler les crédits ?

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Il faudra réfléchir à toutes ces questions dans les années ou même les semaines qui viennent car il est urgent de trouver des solutions concernant le financement de l'audiovisuel public.

Les Suédois ont abordé le sujet d'une manière différente. Il est vrai qu'ils ont un attachement particulier à leur audiovisuel public. L'hiver dure cinq ou six mois chez eux… Toute une réflexion a été menée autour de deux questions posées aux Suédois, à travers leurs forces vives : qu'attendez-vous de l'audiovisuel public et quelle participation envisagez-vous ? Il existe une fondation, chargée de faire fonctionner l'audiovisuel public suédois en toute indépendance. Une coalition qui n'était pas nécessairement favorable à cette indépendance est arrivée au pouvoir mais l'audiovisuel public suédois est à l'abri de tout changement politique grâce aux verrous existants. Le Parlement perd-il ainsi de son pouvoir ? Certainement, mais le pouvoir appartient au peuple suédois. S'agissant du financement, tout Suédois de plus de 18 ans et assujetti à l'impôt sur le revenu paie une contribution, progressive et relativement modique, puisque son montant est compris entre 3 ou 4 euros et 10 euros par mois maximum. Les Suédois trouvent que leur audiovisuel public, dont j'ai rencontré la présidente, fonctionne très bien. Le système me paraît en effet très démocratique, très ouvert et équilibré.

Quelles difficultés la suppression de la redevance suscite-t-elle pour nos médias ? C'est un choc pour eux : la redevance permettait une certaine indépendance par rapport au pouvoir. La contribution de l'État, en revanche, peut être modifiée d'une année sur l'autre, au gré des capacités financières ou des priorités déterminées par le pouvoir en place. On peut comprendre que les équipes au sein de nos médias demandent de la visibilité : ce sont des professionnels, qui ont une carrière et un outil de travail, mais aussi des salariés, qui ont une famille à nourrir. La suppression de la redevance a été faite hâtivement. On l'a annoncée au nom du pouvoir d'achat, sans avoir réfléchi à une solution de remplacement mais en soulignant qu'on ne créerait pas d'impôt supplémentaire, ce qui nous a menés à une impasse. Saurons-nous trouver les mots pour convaincre l'exécutif ? Je me tourne vers la majorité…

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La majorité pense aussi qu'on ne détruit vraiment que ce qu'on remplace.

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Compte tenu de son intérêt pour le rayonnement de la France, la transmission des valeurs et la francophonie, nous devons donner suffisamment de visibilité à notre audiovisuel extérieur. Nous accompagnerons la majorité. Il faut avancer sur ce sujet avant de perdre toutes les forces vives de notre audiovisuel. Les sollicitations sont très fortes : nos concurrents n'hésitent pas à dépouiller de leurs meilleurs éléments ceux qui sont en difficulté.

Quand on regarde les budgets de la Deutsche Welle et de la BBC, on voit bien qu'il y a un déséquilibre. Néanmoins, ne comparons pas nos budgets avec ceux des médias de propagande russe ou chinois. Ils ont d'autres objectifs, d'autres moyens et d'autres façons de travailler.

Des collaborations importantes existent avec la Deutsche Welle et la BBC. Les Allemands, toutefois, ont commencé à réagir : ils émettent des réserves sérieuses quant aux collaborations possibles à l'avenir si nous continuons sur cette voie en ce qui concerne le financement de l'audiovisuel public, c'est-à-dire si l'indépendance de celui-ci disparaît. Ils sont indépendants et veulent un partenaire indépendant, ce qui est tout à fait normal.

S'agissant de la création d'un média européen, pourquoi pas. J'ai échangé avec la direction de la Deutsche Welle et celle de la BBC : elles ne sont pas opposées à cette idée mais la question de notre mode de fonctionnement se pose. Là aussi, il faut une indépendance suffisante de notre côté pour que de véritables partenariats puissent se développer.

Notre audiovisuel extérieur est apprécié dans le monde pour son esprit de liberté, son indépendance et son objectivité. On a vu à l'occasion du printemps arabe, en particulier en Tunisie, que les jeunes s'étaient tournés vers France Médias Monde, qu'ils préféraient aux médias arabes, souvent tentés par la propagande, venant d'un côté ou d'un autre. Les prises de position des Maliens et des Russes étaient partisanes – comme nous avons supprimé du paysage Russia Today, c'était un peu la réponse du berger à la bergère.

(Sourires.)

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Notre audiovisuel extérieur forme des journalistes étrangers, en particulier des Ukrainiens. France 24 est également active en Amérique du Sud.

Il faut consolider cet outil pour le rayonnement de la France. Nous devons absolument trouver des solutions pour l'aider. Essayons d'imaginer un financement original, en nous inspirant des pratiques étrangères qui fonctionnent bien.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE13 de Mme Laurence Robert-Dehault.

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Cet amendement concerne un autre sujet que l'audiovisuel extérieur. Je propose en effet d'annuler la baisse des crédits alloués à l'action Livre et lecture du programme 334. Certes, la tendance générale est que les Français lisent de moins en moins, ou du moins différemment, mais 65 % d'entre eux, selon un sondage de l'institut Ipsos, aimeraient lire davantage. Bien que le recul de la lecture ne soit pas une fatalité, la tendance observée commande à l'industrie du livre de se renouveler pour s'accorder avec les nouvelles pratiques, comme le développement de la lecture numérique.

Les 20 millions d'euros de crédits que je demande de ne pas supprimer pourraient, par exemple, soutenir la collecte et la préservation des collections par la Bibliothèque nationale de France, pour garantir, à l'heure du numérique, la constitution d'une mémoire commune et durable. Ces 20 millions d'euros pourraient également soutenir les associations qui œuvrent au développement de la lecture auprès des jeunes et des seniors en situation d'exclusion, du public hospitalisé ou des personnes handicapées.

Les Français lisent moins, c'est une réalité, mais il ne faut pas tomber dans le cynisme et accepter ce constat sans agir. Selon 90 % des Français qualifiés de « grands lecteurs », la lecture contribue à l'épanouissement personnel.

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Cet amendement relève plutôt de la commission des affaires culturelles. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

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J'aurais aimé que nous puissions débattre de manière approfondie de cet amendement !

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles relatifs à l'Action audiovisuelle extérieure non modifiés.

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Examen pour avis et vote des crédits de la mission Immigration, asile et intégration (M. Nicolas Metzdorf, rapporteur pour avis)

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Les moyens de la mission Immigration, asile et intégration sont portés par le PLF pour 2023 à un peu plus de 2 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 5,3 %.

Cette enveloppe finance, entre autres, les actions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour gérer les flux migratoires, intégrer les étrangers en situation régulière, notamment les réfugiés, mais aussi accueillir et examiner les demandes d'asile.

Notre rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à l'accueil des déplacés ukrainiens en France depuis le 24 février.

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La mission Immigration, asile et intégration est composée de deux programmes : le programme 303 Immigration et asile et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française. Les crédits de paiement cumulés de ces deux programmes augmentent de 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 et atteindront un peu plus de 2 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement augmentent, quant à elles, plus fortement, de plus de 34 %.

Le programme 303 regroupe l'essentiel des crédits de la mission. Il porte en particulier sur les moyens relatifs à l'entrée, au séjour et au travail des étrangers, à l'exercice du droit d'asile et à l'éloignement des personnes en situation irrégulière. C'est ce programme qui finance notamment l'hébergement et le versement d'une allocation aux demandeurs d'asile. Dans le projet de loi de finances pour 2023, les crédits de paiement du programme 303 sont quasiment stables, à l'exception de ceux qui concernent la lutte contre l'immigration irrégulière. Ces derniers augmentent de plus de 17 %, en vue de financer, notamment, la poursuite du plan d'ouverture de places en centres de rétention administrative (CRA). En 2023, la capacité de ces centres sera ainsi portée à 1 961 places en métropole, avec la livraison du CRA d'Olivet et l'extension du CRA de Perpignan. Les capacités n'étaient que de 1 490 places en 2017.

Je rappelle que le Gouvernement a décidé de destiner prioritairement la rétention administrative aux étrangers en situation irrégulière qui causent des troubles à l'ordre public. Pour les autres, l'assignation à résidence doit être privilégiée, dans un premier temps, avant de recourir à la rétention administrative si nécessaire. Ces principes ont été clairement posés dans une circulaire du 3 août 2022 et j'ai pu en observer la mise en œuvre lors de ma visite, il y a quelques semaines, du centre de rétention du Mesnil-Amelot. L'accent a donc été mis sur la fermeté à l'égard des étrangers délinquants.

Les autorisations d'engagement du programme 303 augmentent très nettement, de près de 37 %, pour atteindre un peu plus de 2,1 milliards d'euros. Cela s'explique par le renouvellement, pour trois ans, des conventions pluriannuelles de l'hébergement d'urgence.

On ne peut que saluer l'effort fourni depuis 2017 pour créer des places d'hébergement, tant pour les demandeurs d'asile que pour les réfugiés en situation de vulnérabilité. On est ainsi passé d'environ 80 000 places en 2017 à près de 120 000 en 2022. En 2023, 4 900 places supplémentaires seront créées pour les demandeurs d'asile, dont 900 places en hébergement d'urgence.

Le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française, qui finance la politique d'accueil et d'intégration des étrangers primo-arrivants, a un poids moindre au sein de la mission : il ne représente qu'un quart de ses crédits. Il est, cette année, orienté très dynamiquement puisque son budget augmente de 24 %, aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, pour atteindre 543 millions d'euros. Le choix a donc été clairement fait, dans le projet de loi de finances pour 2023, de mettre l'accent sur l'intégration des étrangers qui séjournent de façon légale sur notre territoire.

Les crédits du programme 104 financeront en particulier la poursuite du déploiement du projet dénommé Agir, qui est destiné à accompagner dans leur insertion les personnes ayant obtenu le statut de réfugié. Ce dispositif prévoit la mise en place, dans chaque département, d'un guichet unique pour aider les réfugiés rencontrant des difficultés particulières à accéder à l'emploi ou au logement.

Je dirai à présent quelques mots des grandes tendances que l'on peut observer en matière migratoire. On assiste tout d'abord à une reprise des demandes d'asile après le ralentissement consécutif à la crise sanitaire. On s'achemine ainsi vers les 125 000 demandes d'asile en France en 2022, tandis que le pic historique de 2019, avec 132 000 demandes d'asile, devrait être dépassé en 2023. Il faudra être particulièrement attentifs aux différentes tensions géopolitiques en cours au Sahel, en Tunisie, au Liban ou encore en Europe de l'Est, qui pourraient renforcer les flux attendus.

Concernant les traversées de la Manche, la situation demeure préoccupante. Sur les huit premiers mois de 2022, 44 240 migrants ont été impliqués dans une traversée ou une tentative de traversée, soit une augmentation de 93 % par rapport à la même période de 2021. L'action des autorités françaises a permis de mettre en échec 57 % des tentatives en 2021, contre seulement 28 % en 2018. Depuis le début de l'année 2022, des opérations quasi-quotidiennes ont permis de mettre à l'abri un grand nombre de personnes campant sur les sites de Calais et de Grande-Synthe.

Le pacte européen sur la migration et l'asile, présenté par la Commission européenne le 23 septembre 2020, devrait aboutir à un nouveau règlement relatif à la gestion de l'asile et de la migration, qui vise à refondre le règlement Dublin III de 2013. Il s'agit de trouver un équilibre entre la responsabilité de l'État de première entrée – souvent la Grèce ou l'Italie – et la solidarité que doivent lui manifester, par des mesures de relocalisation ou de soutien, les autres États membres. De vraies avancées ont été obtenues pendant la présidence française de l'Union européenne, les États membres s'étant mis d'accord sur une mise en œuvre graduelle du pacte, ainsi que sur un mécanisme volontaire et temporaire de relocalisation des demandeurs d'asile.

J'en viens à présent à la question de l'accueil des réfugiés ukrainiens. Plus de 7,7 millions d'Ukrainiens ont fui leur pays depuis le déclenchement du conflit, le 24 février 2022. Cette situation inédite depuis la seconde guerre mondiale a conduit les États membres de l'Union européenne à décider, le 4 mars 2022, l'activation du mécanisme de la protection temporaire, prévu par la directive du 20 juillet 2001. Ce dispositif avait été adopté à la fin des années 1990, à l'issue de la guerre de Yougoslavie, et visait à faire face à d'éventuelles arrivées massives de réfugiés. La protection temporaire permet d'accorder un statut protecteur similaire à celui des réfugiés pour une durée maximum de trois ans, sans avoir à examiner les situations individuelles.

Il ressort des auditions que j'ai menées et de mes déplacements que la France a mis en place, dans des délais très brefs, un accueil particulièrement efficace et digne, dont nous pouvons légitimement être très fiers. Nous accueillons à ce jour plus de 105 000 déplacés ukrainiens titulaires d'une autorisation provisoire de séjour. Ils perçoivent l'allocation pour demandeur d'asile, ont accès à une couverture maladie et ont le droit d'exercer une activité professionnelle, ce qui est le cas de 12 % des adultes. Près de 20 000 enfants ukrainiens sont scolarisés. S'agissant de l'hébergement, les solutions sont diverses : une moitié des déplacés ukrainiens ont trouvé des solutions par eux-mêmes, l'autre moitié se répartissant entre des structures d'hébergement collectif proposées par l'État et un hébergement citoyen conventionné. Il faut saluer l'engagement d'un grand nombre de nos compatriotes, qui se sont mobilisés avec générosité pour offrir un accueil. Enfin, une attention particulière a été portée aux femmes, qui représentent 77 % des déplacés, et aux enfants pour éviter tout risque de traite et d'exploitation. La France s'est donc montrée à la hauteur de son histoire dans l'accueil remarquable qu'elle a réservé aux Ukrainiens contraints de fuir leur pays.

Les enjeux qui se profilent sont de trois ordres. Tout d'abord, il faut anticiper de nouvelles arrivées, qui pourraient être plus substantielles que prévu avec la dégradation de la situation en Ukraine. Il convient ensuite de tirer les conséquences de la poursuite à moyen terme de la présence des déplacés ukrainiens sur notre sol, ce qui implique que l'État prenne le relais de l'hébergement citoyen, que les déplacés ukrainiens soient davantage accompagnés vers l'emploi et qu'ils s'investissent plus dans l'apprentissage du français. Enfin, l'expérience engrangée au cours de ces derniers mois ne doit pas rester inemployée. Des leçons doivent être tirées pour le cas où une autre crise et un autre afflux de déplacés se produiraient.

Je conclurai cette présentation en vous invitant à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration. Il s'agit d'un budget équilibré, reposant sur une augmentation non négligeable des crédits de paiement et une augmentation notable des autorisations d'engagement et axé sur le financement de priorités claires : l'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés, la mise à niveau du parc de rétention et le renforcement de l'intégration des ressortissants étrangers qui séjournent de manière régulière dans notre pays.

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Avant d'en venir aux représentants des groupes, nous allons entendre la contribution écrite du groupe LIOT sur cette mission budgétaire. Je rappelle en effet que les groupes politiques qui n'ont pas pu désigner cette année de rapporteur pour avis se sont vu reconnaître par le bureau de la commission la possibilité de présenter une contribution annexée au rapport pour avis de leur choix et, s'ils le souhaitent, d'exprimer cette contribution oralement.

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Nous saluons le travail du rapporteur mais avons souhaité apporter un complément à ce travail qui omet de mentionner Mayotte, alors que c'est, avec la Guyane, le territoire le plus affecté par la question migratoire dans notre pays.

Nous prenons bonne note de l'extraordinaire effort fourni par l'hexagone pour recevoir l'immigration ukrainienne. Nous sommes d'autant plus admiratifs que ce même pays, qui s'organise en un temps record pour faire face à un tel afflux, se révèle totalement incapable de déployer des efforts semblables à Mayotte pour une situation à peu près comparable. La solidarité et la générosité dont l'hexagone a fait preuve envers les Ukrainiens nous apparaissent à nous, Mahorais, à géographie variable, alors qu'un tsunami migratoire déstabilise profondément notre île depuis plusieurs années. La même administration qui déploie des trésors d'ingénierie et de savoir-faire pour répartir les migrants, les accueillir dignement et veiller à l'équilibre de chaque territoire se dit absolument incapable de faire face à une situation identique sur notre île, pourtant petite de seulement 374 kilomètres carrés.

Mayotte compte plus de 48 % d'étrangers, dont 95 % sont issus des Comores. Disposant de la plus grande maternité d'Europe, elle a enregistré plus de 10 000 naissances en 2021, 7 400 bébés étant nés d'une mère comorienne. Seulement 12 % des évacuations sanitaires partant de Mayotte concernent des ressortissants français et 80 % des inscrits dans les écoles et les collèges de l'île sont des ressortissants comoriens. L'immigration clandestine est le premier problème de Mayotte.

Le choix de la majorité de ne pas en faire mention dans ce rapport pourrait apparaître comme le souhait d'invisibiliser notre département et de cacher l'échec colossal des gouvernements successifs dans la protection de nos frontières et la gestion du flux migratoire à Mayotte. Nous attendons avec impatience les résultats des travaux du ministre de l'intérieur, qui prend la situation au sérieux, et nous espérons que celles et ceux qui défendent ici avec ardeur les migrants ukrainiens et l'accueil à la française sauront faire preuve de la même générosité pour aider Mayotte à faire face à la crise migratoire qui la submerge. Nous serons à leurs côtés pour aider la République à avancer. Pour ces raisons, je m'abstiendrai de voter ces crédits.

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L'action du ministère de l'intérieur s'inscrit dans un monde en mouvement, marqué par des crises dont les enjeux migratoires sont rarement absents. D'où l'importance de cette mission budgétaire qui se décline en trois objectifs : la maîtrise des flux migratoires, la garantie de l'exercice du droit d'asile et le renforcement de l'intégration des étrangers en situation régulière.

La situation internationale, complexe et dangereuse, affecte l'exécution de cette mission. Ce budget, sincère, tient compte de l'amélioration des délais de l'OFPRA et de son impact sur l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). On peut saluer les principales évolutions des crédits concernant l'accueil, l'examen des situations des demandeurs d'asile, l'amélioration de l'hébergement, l'intégration des primo-arrivants, l'accompagnement renforcé des réfugiés, la poursuite du plan d'augmentation des capacités de rétention ou encore le déploiement de l'administration numérique des étrangers en France.

D'autres leviers, non budgétaires, sont également actionnés. Ainsi, dans le domaine international, la discussion dans le cadre du pacte graduel se poursuit. Je salue également les efforts du ministre de l'intérieur pour éloigner les étrangers en situation irrégulière qui constituent une menace pour l'ordre public, pour améliorer les conditions d'accueil dans les préfectures et enfin pour appliquer le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés (SNADAR).

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance se prononce en faveur des crédits de cette mission budgétaire.

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L'intégralité de la mission Immigration, asile et intégration s'attache à accompagner les conséquences de l'immigration sans jamais en rechercher les causes. On lit avec intérêt, comme autant de vœux pieux, l'amélioration des contrôles, la lutte contre la fraude documentaire, la lutte contre le détournement des procédures, le renforcement des contrôles aux frontières, la dynamisation de la politique d'éloignement – bref, tout ce que ce Gouvernement n'a pas fait en cinq ans.

Rien sur nos capacités à dissuader les comportements frauduleux, la transparence avec le coût réel de l'immigration, la nécessaire remise en cause de l'agence Frontex, les accords de 1968 avec l'Algérie. Cette légèreté est terrifiante. Que d'effets d'affichage, d'annonces, dont nous pouvons déjà dire qu'ils ne seront pas suivis d'effet ! La vérité est que nous avons beau gonfler les crédits de cette mission, nous n'obtiendrons rien sans nous assurer que les procédures mises en œuvre sont efficaces.

Ainsi, alors que le nombre d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) a explosé, passant de 89 134 à 122 839 entre 2013 et 2019, les crédits affectés aux reconduites à la frontière n'ont que très légèrement augmenté, passant d'environ 25 millions d'euros en 2013 à 35 millions d'euros en 2020. Le taux d'exécution des OQTF, quant à lui, s'est fortement dégradé sur la même période, passant de 17 % à 4,8 % – le préfet Didier Lallement nous avait indiqué qu'un délit sur deux, à Paris, était commis par un étranger souvent en situation irrégulière. Bref, tout le monde entre et personne ne sort ! La remontée du taux d'exécution des OQTF est en effet primordiale pour la conduite d'une politique sérieuse de réduction de la criminalité. Le lien entre immigration et insécurité, en métropole comme en outre-mer, est clair.

L'actualité nous ébranle mais alors que le garde des sceaux nous invitait à nous taire, nous lui montrons qu'il est temps de parler. Le Rassemblement national a déposé un amendement pour réaffirmer la puissance de la rétention administrative, malgré le faible nombre de places, et de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Face à une justice qui est ressentie comme lente, laxiste, sans équité, nous devons répondre par une volonté sans faille de protéger les Français. Nous ne garantirons aucun droit d'asile sans mesure ferme contre ceux qui le discréditent par la fraude et parfois le crime.

Enfin, mettre un terme au laxisme migratoire, c'est aussi s'indigner contre l'exploitation des migrants sur notre territoire, par l'ubérisation de notre économie, cette espèce de bobo-attitude qui plaide pour défendre les intérêts de peuples du bout du monde et qui se montre complice, ici, de ceux qui profitent de ce nouveau lumpenprolétariat. Notre devoir, c'est l'efficience : il faut s'assurer que nos services appliquent les lois, en leur en donnant les moyens, afin de protéger les intérêts de notre peuple. Nous voterons donc contre ces crédits.

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Monsieur le rapporteur, vous affirmez que la France s'est montrée à la hauteur de son histoire et de ses valeurs dans l'accueil qu'elle a réservé aux déplacés ukrainiens. Un constat en découle : quand la volonté politique est là, nous pouvons être à la hauteur des défis. Mais sommes-nous réellement à la hauteur quand nous tendons une main aux déplacés ukrainiens tout en brandissant la matraque contre les autres réfugiés ? Sommes-nous réellement à la hauteur quand des familles avec enfants en bas âge doivent dormir dans la rue faute de places d'hébergement, dans l'irrespect le plus total des obligations de la France en matière de droits humains ? C'est le cas dans ma circonscription, au Mans, où la préfecture met en avant la non-vulnérabilité des enfants de plus de trois ans dormant à la rue.

Le projet de budget joue sur les effets d'annonce inhumains, masquant bien mal ses fondements sécuritaires. Certes, les bleus budgétaires annoncent fièrement la création de 5 900 places d'hébergement mais on peut s'interroger sur l'application réelle de cette mesure quand on sait que seules 900 nouvelles places avaient vu le jour sur les 4 900 prévues dans le projet de loi de finances pour 2022. Ces annonces cachent difficilement l'absence d'une politique d'accueil digne et humaniste. Ainsi, votre rapport se garde bien de noter la diminution de 176,3 millions d'euros de la dotation pour l'allocation pour demandeur d'asile. Il omet également de mentionner la diminution de 3 % des crédits de l'action Garantir l'exercice du droit d'asile.

Au contraire, c'est une approche sécuritaire que le Gouvernement poursuit, au mépris de ses engagements en matière de droits humains. La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la France à neuf reprises pour avoir enfermé des mineurs dans des centres de rétention administrative. Les associations dénoncent l'allongement de la durée de la rétention administrative, l'insalubrité, la promiscuité, la surpopulation et les mauvais traitements subis par les personnes enfermées dans ces centres. Qu'importe : le Gouvernement s'entête et annonce un plan d'ouverture de places en CRA et investit 52,2 millions d'euros dans des lieux de privation de liberté.

Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration reflètent la compromission de ce Gouvernement face aux idées du Rassemblement national. Non, nous ne pouvons pas dire que la France est à la hauteur de ses valeurs quand le Gouvernement entretient les fantasmes de l'extrême droite sur une immigration massive, alors que la plupart des flux de migration ont lieu au sein des pays du Sud. Non, le Gouvernement n'est pas à la hauteur quand il opère un tri au sein des personnes que nous accueillons. Non, il n'est pas à la hauteur quand il annonce un projet de loi sur le droit d'asile pour début 2023 et ouvre la porte à une débauche de xénophobie, comme ce fut le cas lors des débats sur la loi « asile et immigration » de 2018.

Nous rejetons cette approche fondée sur les coups de com' et la course folle au sécuritaire. Nous réclamons une approche humaniste, solidaire et réaliste. Sans surprise, le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale votera contre les crédits alloués à la mission Immigration, asile et intégration.

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En 2023, 2,1 milliards d'euros seront consacrés à la mission Immigration, asile et intégration, en hausse de 6 % par rapport à 2021. Le plus éloquent est qu'une somme de 1,9 milliard d'euros est allouée à l'action Garantir l'exercice du droit d'asile, ce qui représente 89 % du programme avec une augmentation du parc d'hébergement pour les demandeurs d'asile.

Ce qui nous préoccupe le plus, c'est l'OFPRA. Le délai moyen de traitement d'un dossier ne cesse d'augmenter : 261 jours en 2021, soit neuf mois pour une première demande, alors que la loi « asile et immigration » de 2018 prévoyait 90 jours. Nous sommes loin du compte ! Quant au taux de transfert des demandeurs d'asile placés sous procédure Dublin, il est de seulement 16 % en 2021, ce qui démontre la dérive du système d'asile européen.

Avec 169,5 millions d'euros, la lutte contre l'immigration irrégulière représente seulement 9,6 % du programme, bien loin des discours de fermeté du ministre de l'intérieur. De plus, l'augmentation des crédits pour l'éloignement des migrants en situation irrégulière sera en grande partie effacée par l'inflation sur les prix du carburant.

Concernant l'accueil des Ukrainiens, une grande partie du dispositif d'accueil est centralisée dans les préfectures. Dans les territoires éloignés des villes préfectures, cela oblige les Ukrainiens et les familles qui les accueillent à se rendre à plusieurs reprises à une centaine de kilomètres de leur domicile : cela décourage les bonnes volontés. Il faudrait que des personnes référentes soient présentes en sous-préfecture pour apporter les renseignements nécessaires et éviter de longs déplacements. En outre, si, durant les premiers mois d'accueil des Ukrainiens, les familles accueillantes et les communes qui ont joué le jeu ont eu le sentiment d'être soutenues en raison de la vague populaire de soutien de l'ensemble des Français, c'est un peu moins le cas aujourd'hui et certaines familles accueillantes se sentent un peu délaissées.

Le groupe Les Républicains votera contre les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

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Le budget dédié à la mission Immigration, asile et intégration est en hausse de 6 %, avec deux objectifs clairement affichés : l'accueil des demandeurs d'asile et la réduction du délai moyen de traitement de la demande d'asile.

La création de près de 4 900 places d'hébergement en 2023 démontre la volonté de la France d'améliorer les conditions d'accueil. Depuis 2017, le nombre de places d'hébergement a doublé. Le Gouvernement a également souhaité améliorer la situation des travailleurs associatifs engagés dans l'accueil de ces personnes fragiles avec une revalorisation salariale et une augmentation des coûts journaliers des dispositifs d'hébergement.

Des efforts importants ont été faits pour réduire les délais d'examen des procédures de demande d'asile. S'ils sont encore trop longs, 200 recrutements supplémentaires ont été effectués depuis 2020 pour faire face à l'augmentation très forte du nombre de demandes d'asile et 8 équivalents temps plein supplémentaires seront embauchés en 2023. L'amélioration du délai de traitement des demandes d'asile ne doit pas se faire aux dépens des étrangers en France, qui se retrouvent parfois en situation d'illégalité faute d'avoir pu accéder en temps et en heure aux services préfectoraux. Pensez-vous, monsieur le rapporteur, que les moyens prévus dans ce budget nous permettront d'atteindre les deux mois d'examen des demandes d'asile en 2023 ?

Le volet intégration représente plus d'un quart du budget. Je voudrais saluer la montée en puissance du programme Agir, vecteur important d'intégration des réfugiés, ainsi que l'extraordinaire mobilisation de nos concitoyens et de nos institutions dans l'accueil des réfugiés ukrainiens. Nous partageons vos recommandations et insistons particulièrement sur la nécessité d'assurer la transition entre les dispositifs d'urgence et ceux plus pérennes pour donner des perspectives aux réfugiés ukrainiens.

Bien évidemment, le groupe Démocrate votera ces crédits.

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Le projet de loi de finances pour 2023 donne le ton dès les premières lignes de la présentation du budget : la dimension sécuritaire prédomine largement avec la mise en valeur de la lutte contre l'immigration clandestine, à travers l'introduction de la biométrie dans les visas, le renforcement des contrôles aux frontières et la dynamisation de la politique d'éloignement. Le ton anxiogène est également de mise lorsque sont constatés les flux migratoires importants et la nécessité de les contrôler. À cet égard est annoncé un effort particulier pour lutter contre les filières clandestines qui exploitent la précarité des personnes souhaitant s'établir en France.

Du côté de l'intégration, le budget 2023 est un copié-collé des précédents. L'accent est mis principalement sur une mesure issue de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France : le contrat d'intégration républicaine, signé chaque année par près de 100 000 personnes, dont les réfugiés font partie. Les actions territoriales sont encore une fois évoquées avec la volonté affichée d'approfondir l'apprentissage de la langue française, l'insertion sociale et professionnelle.

Cette année, l'intégration des femmes est présentée comme une priorité. Depuis 2018, les forfaits de formation linguistique ont doublé, 600 heures de formation sont prévues pour les primo-arrivants qui ne savent ni lire, ni écrire et la formation pédagogique est passée de deux à quatre jours. Les collectivités territoriales sont mises à contribution depuis 2020 avec la mise en place des contrats territoriaux d'accueil et d'intégration.

Concernant l'asile, enfin, il est toujours nécessaire de rappeler les principes constitutionnels qui encadrent le droit positif : il doit être garanti à toute personne un examen impartial de sa demande par un établissement public. Dans ce cadre, tout demandeur d'asile dispose d'un droit de séjour, ainsi que du droit à l'hébergement et à une prise en charge sociale. Alors que le nombre de demandes d'asile augmente depuis 2008, l'objectif présidentiel d'un délai global de six mois est loin d'être atteint. On est en droit de regretter que la réflexion ne soit jamais menée sur la dimension qualitative de la procédure du droit d'asile. Nos procédures permettent-elles d'assurer son effectivité ?

Le groupe Socialistes et apparentés votera contre les crédits de la mission.

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Votre rapport pointe avec justesse les engagements pris par la France pour l'accueil des réfugiés ukrainiens. Traiter les enjeux migratoires, c'est toucher du doigt un certain nombre de problèmes majeurs de notre siècle. L'immigration est en effet directement corrélée aux crises qui s'accumulent aux frontières de l'Europe, aux dynamiques démographiques et au dérèglement climatique.

Pour 2023, les moyens de la mission s'élèvent à 2,674 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et à 2 milliards d'euros de crédits de paiement, soit des augmentations respectives d'un peu plus de 34 % et de presque 6 %. L'État est fort d'une longue tradition d'accueil des demandeurs d'asile et nous nous devons d'être à la hauteur en la matière. Le groupe Horizons et apparentés approuve donc la forte concentration des crédits de la mission consacrés à cette action. En outre, nous accueillons positivement l'objectif de réduction des délais de traitement des demandes d'asile à 60 jours contre 75 jours en 2022.

L'intégration est également un aspect déterminant de la politique migratoire de la France. Ainsi, le renforcement des crédits en faveur de cette action est bienvenu. Le groupe se réjouit par ailleurs que plus de la moitié de ces crédits soient mis à disposition des préfets de région, compte tenu de la nécessaire territorialisation des politiques d'intégration. Enfin, cela doit aller de pair avec la lutte contre l'immigration irrégulière, qui voit ses moyens renforcés.

Le groupe Horizon et apparentés votera donc en faveur de cette mission budgétaire.

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Étant l'auteur du rapport 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France, que j'avais remis à Édouard Philippe, alors Premier ministre, je suis particulièrement attaché à ce que la France joue pleinement son rôle dans l'accompagnement des personnes fuyant leur pays.

Je salue tout d'abord l'augmentation des crédits alloués au programme 104 Intégration et accès à la nationalité française, qui passe de 283 millions d'euros en 2018 à 543 millions en 2023. Je suis heureux de voir que cette trajectoire de renforcement des crédits ne se dément plus depuis 2019. Les propositions que j'avais formulées en 2018 ont permis le doublement du nombre d'heures d'apprentissage du français destinées aux primo-arrivants et la mise en place du programme Agir.

Je veux également répondre à l'un des principaux arguments des partis politiques qui surfent sur la xénophobie : celui selon lequel les étrangers ne travailleraient pas. Alors qu'en 2015, le taux d'emploi des primo-arrivants n'atteignait que 35 %, il était de 60 % en 2020. Cela démontre que lorsque l'on propose un parcours adapté, porteur de sens, qui favorise l'orientation professionnelle dès l'arrivée en France, les résultats sont au rendez-vous. Je me réjouis donc, même si beaucoup reste à faire, que le Gouvernement persévère sur cette voie en matière de politique d'intégration.

Toutefois, je ne pourrai me prononcer pour l'adoption de ces crédits car la situation de l'hébergement des demandeurs d'asile reste totalement inacceptable, surtout dans les grandes métropoles où nombre d'entre eux survivent dans des conditions absolument indignes. Les chasser au-delà du périphérique parisien ne masquera pas ce qui est une honte absolue pour notre pays.

Des millions de personnes devront se déplacer à cause des changements climatiques d'ici à 2050. Les émissions des pays occidentaux ont des répercussions dramatiques à l'autre bout du monde sur des populations qui, bien souvent, sont les moins responsables du problème. La France doit se préparer à recevoir des réfugiés climatiques en nombre. Nous devrons, dans les années à venir, leur fournir un accueil digne, à la hauteur de ce que nous sommes. Il est donc crucial d'augmenter de manière très significative les crédits dédiés à l'hébergement des demandeurs d'asile dans le programme 303 Immigration et asile. Cela pourrait être fait en réorientant une partie des crédits dédiés à l'ouverture des places supplémentaires en centre de rétention administrative. Interdisons une fois pour toutes d'enfermer des enfants ! Ils étaient encore plus de 3 000 en 2021 ; nous pourrons ainsi héberger ceux, tout aussi nombreux, qui dorment dans la rue alors qu'ils ont le droit à une protection.

À l'image de ce qui a été fait pour les réfugiés ukrainiens, faisons feu de tout bois pour l'ensemble des exilés et développons l'hébergement citoyen. Le Gouvernement octroie une aide financière aux Français qui reçoivent des Ukrainiens à leur domicile. J'avais proposé la mise en place d'un crédit d'impôt citoyen, dispositif d'entraide vertueux qui pourrait s'élever jusqu'à 1 800 euros par an : il avait été adopté par les parlementaires de la majorité contre l'avis du Gouvernement. Je renouvelle donc cette proposition, chers collègues !

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Loin des déclarations d'intention d'Emmanuel Macron, la politique migratoire menée depuis 2017 a été marquée par une dégradation des conditions d'accueil et d'accompagnement, des atteintes aux droits fondamentaux et des traitements dégradants, en particulier à l'égard de l'accueil des mineurs isolés étrangers. De nombreuses associations, la Défenseure des droits, la Cour européenne des droits de l'Homme et des organisations internationales ont pointé du doigt la France pour tous ses manquements. La loi « asile et immigration » de 2018 a marqué un grave recul des libertés et des droits des étrangers. Les dispositifs créés par cette réforme, tels que le raccourcissement des délais de recours ou le doublement de la durée de rétention, n'ont pas eu l'effet dissuasif escompté par le Gouvernement. Même selon vos propres critères, que nous réfutons par ailleurs, cette réforme est un total échec. En revanche, depuis 2017, la rétention des enfants a continué de croître, les centres de rétention administrative sont saturés et l'externalisation de la politique de contrôle migratoire est renforcée.

Le droit d'asile est un droit fondamental, profondément ancré dans notre tradition républicaine et inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. C'est aussi une obligation internationale au titre de la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés. Le droit d'asile ne peut être une variable d'ajustement de la politique de l'immigration.

Dans ce cadre très dégradé de l'accueil en France, on ne peut que saluer l'immense élan de générosité envers les Ukrainiens, que les États de l'Union européenne appellent des « réfugiés » et non des « migrants ». Le Gouvernement a même annoncé qu'il verserait 150 euros par mois aux familles françaises hébergeant des réfugiés ukrainiens pendant au moins 90 jours. Il s'agit d'une mesure réclamée de longue date par les associations venant en aide aux personnes déplacées, notamment depuis la crise migratoire syrienne de 2015. Cette attitude exemplaire, que nous saluons, est conforme à nos valeurs et respectueuse des droits fondamentaux des réfugiés. Cet exemple doit créer un précédent. Toutefois, nous constatons que ce budget ne reflète pas le nécessaire nivellement par le haut des conditions d'accueil des personnes déplacées. Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera donc contre les crédits de cette mission budgétaire.

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Dressant un état des lieux très complet de l'accueil des réfugiés ukrainiens en France – auquel je suis très favorable –, le rapport de notre collègue aurait dû répondre de manière plus précise au souhait des Français, lesquels veulent une réduction drastique des entrées sur le territoire français. À le lire, on a l'impression qu'il n'y a aucun problème. Si l'avis qui nous a été présenté affirme qu'il faut lutter plus efficacement contre l'immigration irrégulière, il n'évoque pas la réduction de l'immigration légale. Il ne prend pas la mesure de la situation – à cet égard, envoyer des immigrés dans nos campagnes, comme le suggère le président de la République, est une très mauvaise idée. Rien n'est donc fait pour lutter contre l'immigration, au contraire. Le rapport évoque l'amélioration de l'efficacité du traitement des dossiers de naturalisation, laquelle reste ouverte aux ascendants et aux frères et sœurs de personnes de nationalité française. Je voterai contre l'adoption des crédits qui nous sont soumis, qui ne vont pas assez loin et qui sont inadaptés à la situation.

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Madame Youssouffa, il est vrai que mon rapport ne mentionne pas Mayotte mais vous savez combien nous avons à cœur d'aider ce département à lutter contre l'immigration massive venue des Comores, qui met en péril son équilibre démographique. Gérald Darmanin et Jean-François Carenco sont très impliqués sur cette question.

Monsieur Chenu, je ne crois pas que l'on puisse parler d'affichage, quand les crédits d'une mission budgétaire augmentent d'une manière aussi importante. Vous dites que les OQTF ont un faible taux d'exécution mais le nombre d'éloignements contraints, qui avait chuté au moment de la crise liée au Covid, a augmenté de 20 % entre 2021 et 2022 : c'est une évolution significative, une dynamique très positive qu'il faut souligner.

Madame Leboucher, vous nous reprochez de traiter les demandeurs d'asile d'une façon inhumaine. Je vous rappelle toutefois que nous avons doublé nos capacités d'hébergement depuis 2015, afin de les accueillir de la manière la plus humaine possible. En 2017, 45 % des demandeurs d'asile étaient hébergés ; 73 % d'entre eux le sont aujourd'hui. C'est une augmentation notable, que vous auriez dû souligner. La baisse de la dotation prévue pour l'allocation pour demandeur d'asile est liée à la diminution du nombre de demandes d'asile par rapport à ce qui avait été anticipé pour 2022 mais aussi au fait que les délais d'examen des demandes d'asile se raccourcissent.

Je ne comprends pas pourquoi monsieur Aurélien Taché a annoncé que le groupe Écologiste-NUPES voterait contre les crédits de cette mission, alors qu'il a juste auparavant salué la qualité du rapport et l'évolution de ce budget. Il a, lui aussi, estimé que nous ne faisions pas preuve d'assez d'humanité dans l'accueil des demandeurs d'asile ; je me contenterai de rappeler l'augmentation de nos capacités d'accueil depuis 2015.

Monsieur Lecoq, l'augmentation du nombre d'enfants en rétention est tout simplement liée à l'augmentation du nombre de parents en rétention. La France fait de son mieux pour aider les familles, qui ne veulent pas être séparées. Par ailleurs, vous avez dit que l'hébergement de familles ukrainiennes dans des foyers français pouvait constituer un précédent. Le Gouvernement est effectivement en train de réfléchir à la manière d'encadrer l'hébergement citoyen, qui a constitué une vraie soupape. Les demandeurs d'asile sont entre 120 000 et 130 000 chaque année en France et, en six mois, nous avons accueilli plus de 100 000 Ukrainiens. Nous n'avions pas connu une telle vague de réfugiés depuis la seconde guerre mondiale. Or ce sont nos concitoyens qui nous ont permis d'accueillir l'essentiel de ces personnes. Nous réfléchissons à la manière de pérenniser ce système en aidant les familles d'accueil.

Monsieur Seitlinger, vous regrettez la longueur du délai de traitement des dossiers par l'OFPRA. Ce délai a certes augmenté jusqu'en 2020, mais il diminue depuis. Il est tombé à 261 jours en 2021 ; il est de 140 jours actuellement, l'objectif étant d'atteindre 60 jours en 2023. Vous dites que les familles qui ont accueilli des réfugiés ukrainiens ont été oubliées. Je ne crois pas que ce soit le cas, puisque le Gouvernement s'est engagé à leur verser 150 euros par mois.

Madame Gatel, nous devons effectivement continuer de réduire le délai de traitement des demandes d'asile : c'est un vrai défi. Le directeur de l'OFPRA est assez optimiste et pense qu'il pourrait être réduit à 60 jours en 2023.

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Le 28 novembre 2017, lorsqu'il s'est exprimé à l'université de Ouagadougou, le président de la République a souligné que la « révolution de la mobilité » devait permettre de repenser les liens entre l'Afrique et l'Europe. La mobilité entre les deux continents est un élément essentiel du renouvellement des relations entre l'Afrique et la France voulu par le président Macron. À ce titre, la question de l'octroi de visas est devenue un enjeu majeur de nos relations bilatérales avec les pays de ce continent.

Or je constate qu'il existe une tension entre la politique de rayonnement, et surtout d'attractivité de la France, et la manière dont s'opère le contrôle des flux migratoires, en particulier lorsqu'ils proviennent du continent africain. Il y a un décalage entre la volonté affichée de faire venir en France des talents et de faciliter la circulation et les échanges, d'une part, et le taux élevé des rejets de demande de visa, d'autre part. Les dossiers sont très longs à monter, voire coûteux, et les délais de traitement sont de plus en plus importants. Chaque année, dans les pays de ma circonscription, des étudiants qui devraient partir en France se voient refuser leur visa. Je suis également sollicitée par nombre d'entrepreneurs et d'artistes, dont les dossiers sont rejetés.

Même lorsqu'une demande a été approuvée par l'OFII, les délais d'instruction compromettent parfois le départ du candidat dans les temps. Plus grave, j'ai pu constater, lors de mes déplacements en circonscription, le désarroi de certains de nos concitoyens français n'ayant pas obtenu de visa pour leur conjoint, voire pour leur enfant. Ce phénomène suscite une forme de colère qui nuit à notre rayonnement et alimente le sentiment anti-français. Comment articuler l'attractivité de la France et le contrôle des flux migratoires ? La situation que j'ai décrite suscite frustration et mécontentement en Afrique, sans pour autant enrayer les flux d'immigration irrégulière.

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L'immigration illégale connaît une progression inédite dans l'ensemble des pays de l'Union européenne, dont la France. En 2020, on a constaté 124 930 franchissements irréguliers aux frontières de l'Europe et leur nombre a atteint 200 000 en 2021, soit une augmentation de près de 60 % en une seule année. De janvier à septembre 2022, le nombre d'entrées illégales a encore augmenté de 70 %, selon l'agence Frontex. Ce sont donc près de 228 000 personnes qui ont pénétré illégalement sur les territoires européens depuis le début de cette année : c'est l'équivalent de la population de Lille.

En parallèle, le groupe Renew Europe, auquel la majorité appartient au Parlement européen, a voté, le 18 octobre, contre la validation des comptes de Frontex, marquant ainsi son opposition à la lutte contre l'immigration aux frontières extérieures de l'Union. Je rappelle par ailleurs que l'ancien directeur général de Frontex, M. Fabrice Leggeri, a été lâché par l'administration française au moment de la présidence française de l'Union, alors que c'était l'un des seuls directeurs généraux de l'Union européenne de nationalité française. Comment pouvez-vous prétendre vouloir lutter contre l'immigration illégale – c'est-à-dire appliquer la loi –, tout en prenant des décisions qui vont systématiquement à l'encontre de cette politique ?

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Permettez-moi d'insister sur les CRA en abordant la situation de celui du Mesnil-Amelot, évoqué dans le rapport pour avis. Ce centre est situé dans ma circonscription et j'ai eu l'occasion de le visiter à plusieurs reprises, à la suite de divers signalements de la Cimade à propos de grèves de la faim, de tentatives d'évasion, de détournements punitifs des salles d'isolement et de la suroccupation des cellules.

Le rapporteur pour avis fait état de sa propre visite dans ce CRA pour défendre l'idée qu'il faut « renforcer l'effectivité des décisions d'éloignement par le biais notamment d'une simplification du contentieux ». Il indique que 83 % des places en CRA sont occupées par des individus qui correspondent à un profil spécifique, c'est-à-dire qui ont par exemple exercé des violences sur personne dépositaire de l'autorité publique ou commis des violences intrafamiliales, des infractions sexuelles ou des infractions en lien avec les stupéfiants. Pour ma part, j'ai surtout remarqué le nombre incalculable de ceux qui étaient retenus pour avoir refusé un test PCR avant d'embarquer dans un avion et qui, pour cette raison, sont considérés de manière disproportionnée comme des criminels.

Le rapporteur pour avis n'a-t-il pas été frappé par l'état désastreux des sanitaires ou des fontaines à eau prétendument potable, qui provoquent le dégoût car elles sont envahies de moisissures ? N'a-t-il pas remarqué la présence de retenus souffrant de troubles psychiatriques ? A-t-il imaginé pouvoir dormir près de ces personnes ? Les personnels eux-mêmes ont déploré des dysfonctionnements dans la prise en charge des retenus.

Le rapporteur pour avis a-t-il réellement visité le CRA du Mesnil-Amelot ou bien s'est-il contenté de rencontrer la direction ? Et pourquoi n'a-t-il pas auditionné la Cimade ?

Plusieurs retenus m'ont confié regretter la prison, où ils se sentaient davantage traités comme des êtres humains. Cela doit nous interroger sur notre propre humanité. La seule position humaniste, c'est de fermer les CRA.

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Bravo au rapporteur pour avis pour la qualité de son travail, qui témoigne d'une réelle finesse d'analyse, ce qui n'est pas le cas dans tous les partis représentés à l'Assemblée nationale.

Même si je suis prudente sur certains points – comme l'hébergement d'urgence ou la liste des métiers en tension –, je constate que la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, ainsi que les budgets successifs ont permis d'améliorer les délais de traitement des demandes et l'intégration des étrangers. La gestion remarquable de l'afflux de déplacés ukrainiens montre que la France sait être un territoire d'accueil et faire fi des pseudo-réticences par rapport à la présence d'étrangers.

Outre les réfugiés syriens accueillis sur notre sol à travers le mécanisme de Dublin, la France s'est engagée à plusieurs reprises auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à accueillir des réfugiés syriens réinstallés en provenance pour l'essentiel du Liban, de la Jordanie et de la Turquie. Dans ce dernier pays, ils sont 2 millions – et on sait l'instrumentalisation qui en a été faite par le président Erdoğan vis-à-vis de l'Union européenne. Les ONG signalent des cas de renvoi forcé en Syrie. On trouve aussi 1,1 million de réfugiés syriens au Liban, ce qui représente une proportion importante de la population, alors même que la situation économique peut pousser les Libanais à demander leur départ. Il en est de même en Jordanie, qui compte 760 000 réfugiés.

La France devait accueillir 10 000 réfugiés syriens réinstallés. Or cet objectif a été ramené à 5 000 personnes. Qu'en est-il désormais de cette politique, qui permet à des milliers de familles d'être prises en charge et d'intégrer la communauté française ?

Il ne faut pas opposer les misères entre elles. Le général Sergueï Sourovikine, qui s'est illustré par sa politique de frappes massives en Syrie, vient d'être nommé à la tête de l'opération militaire spéciale en Ukraine. Même cause, mêmes effets. Il faudrait s'occuper aussi des Syriens et pas seulement des réfugiés les plus récents. Les familles syriennes sont très bien accueillies dans la majorité des cas – comme je le constate dans ma circonscription – et elles souhaitent rester en France pour construire et réussir leur vie.

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Les chiffres qui figurent dans le rapport pour avis donnent le vertige, en ces temps de disette pour le peuple français. Le programme Intégration et accès à la nationalité française sera augmenté de 106 millions d'euros, soit une hausse de 24 %, pour atteindre 543 millions d'euros en 2023. L'action 12 Intégration des étrangers primo-arrivants va bénéficier de 135 millions d'euros, ce qui représente 70 % de plus qu'en 2022.

Pourriez-vous m'expliquer pourquoi l'action n° 3 Lutte contre l'immigration irrégulière ne fait l'objet a contrario que de cinq lignes dans le rapport pour avis ? Il est prévu de consacrer 10 millions d'euros à l'externalisation de certaines tâches et pour ouvrir des places en CRA. Cette somme ne servira donc pas du tout au retour des clandestins chez eux, alors que la France est cernée par l'immigration illégale.

Les réfugiés ukrainiens sont déjà 105 000 sur notre territoire, soit l'équivalent de la ville de Nancy. Compte tenu de la situation, les choses ne vont malheureusement pas s'améliorer. Lorsque la paix sera revenue, ne devra-t-on pas donner plus d'importance à la proposition n° 5 concernant le retour des déplacés, qui figure dans le rapport pour avis ? L'Ukraine aura besoin des Ukrainiens pour se reconstruire.

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Je souhaite remettre en question la nomenclature de ce projet de budget, et plus particulièrement le périmètre de la mission Immigration, asile et intégration.

Le projet annuel de performances ne fournit qu'une vision partielle des dépenses liées à l'immigration. Le document de politique transversale sur la politique française d'immigration et d'intégration constitue un progrès vers l'établissement d'un bilan global. Toutefois, ces deux documents demeurent incomplets car ils ne prennent en compte que les dépenses de l'État. Or les collectivités territoriales et la sécurité sociale supportent une partie des coûts. Plusieurs rapports sur la mission Immigration, asile et intégration lors des précédents projets de lois de finances ont rappelé le besoin d'évaluer les dépenses faites en la matière par les différentes administrations publiques.

À l'heure de la transparence, les parlementaires et nos compatriotes veulent savoir quel est le coût réel de l'immigration pour la France.

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Le rapport pour avis s'appuie sur des éléments précis et documentés, alors que certains parlementaires nous livrent souvent leurs fantasmes et leurs obsessions, qui auraient davantage leur place sur le divan d'un psychanalyste.

Je ne vous livre pas le témoignage d'un bobo dégénéré mais celui d'un ancien primo-arrivant, comme des centaines de milliers de Français qui se sont installés à l'étranger. Au Canada, l'intégration est fondée sur le travail et nous devrions nous inspirer de ce véritable modèle. À titre d'exemple, 95 % des femmes migrantes y occupent un emploi, contre seulement une sur deux en France.

La France et les Français ont parfaitement démontré leur capacité à intégrer correctement lors de l'accueil des déplacés ukrainiens, notamment grâce au statut de protection temporaire qui permet d'exercer une activité professionnelle dès l'obtention d'un titre provisoire de séjour.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de cette expérience afin d'améliorer notre système d'accueil en matière d'intégration professionnelle ?

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Les principaux objectifs affichés par le projet de loi de finances en matière d'immigration et de droit d'asile sont l'amélioration des conditions d'accueil des demandeurs d'asile et celle des performances des services et des procédures.

Au milieu de ce satisfecit migratoire général et des félicitations mutuelles entre humanistes de salon, vous nous obligez à jeter encore une fois un pavé dans la mare : la priorité consiste à limiter l'immigration et à ne pas en favoriser les conditions.

Parmi les derniers objectifs de ce budget, très loin dans l'ordre des priorités, figure la lutte contre l'immigration irrégulière. Nous espérons – et doutons à la fois – que la priorité sera donnée au renvoi des personnes qui n'ont rien à faire chez nous. Selon les chiffres du ministère de l'intérieur, au premier semestre 2021, 3 501 obligations de quitter le territoire français ont été exécutées sur un total de 62 207 prononcées, soit un taux de 5,7 %.

La loi est dure. Elle s'applique aux Français mais visiblement pas aux délinquants étrangers. Bien entendu, la majorité sera scandalisée qu'on demande tout simplement l'application de la loi. Les Français doivent se taire, obéir, payer et subir ce scandale au nom de l'humanisme. Pour nous, c'est non !

Quel est l'avis du rapporteur sur cette question ?

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La politique d'immigration de la France est un échec. Je ne parle évidemment pas de l'accueil des réfugiés ukrainiens, qui s'est plutôt bien déroulé, même si les communes ont largement pris leur part dans cette organisation d'urgence.

Les chiffres concernant les expulsions des ressortissants algériens, marocains et tunisiens n'ont jamais été aussi mauvais. Dans le cas de l'Algérie, entre janvier et juillet 2021, 7 731 OQTF ont été prononcées et seulement 22 ont été exécutées, soit à peine plus de 0,2 %. Cela s'explique notamment par le fait que l'Algérie refuse de délivrer les nécessaires laissez-passer consulaires. Ce constat a amené Emmanuel Macron à diviser par deux le nombre de visas délivrés à des ressortissants algériens et marocains et à le diminuer de 30 % pour les Tunisiens. Mais, un an plus tard, marche arrière toute : au détour d'une visite en Algérie, le président français annonce plus de souplesse dans la délivrance des visas et en promet même 8 000 pour les étudiants algériens – rien que ça !

En 2019, les laissez-passer consulaires délivrés par l'Algérie avaient permis 1 652 éloignement forcés. Mais les autorités algériennes se sont contentées d'accorder 389 laissez-passer en 2020, 34 en 2021 et 5 sur les deux premiers mois de 2022, alors que les Algériens sont les plus concernés par des OQTF.

Dans un entretien publié par l'hebdomadaire Le Point, l'ancien ambassadeur Xavier Driencourt explique que les migrations sont une véritable variable d'ajustement démographique pour un pays où les jeunes représentent plus de 70 % de la population. Mais il indique également qu'une des raisons pour lesquelles les autorités algériennes ne souhaitent pas reprendre leurs ressortissants est qu'ils sont « contaminés par nos mœurs » et qu'il est donc hors de question de reprendre ces mauvais sujets.

On ne réglera pas le problème sans réelle volonté de prendre le taureau par les cornes. En l'absence d'une telle volonté, je ne voterai pas les crédits de cette mission budgétaire.

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À force de congratulations, on dirait que vous avez oublié que votre groupe était minoritaire ! C'est pourtant bien ce que manifeste votre recours répété à l'article 49-3 de la Constitution. Après Élise Leboucher, j'enfonce donc le clou : vous poussez des cris d'orfraie quand on évoque une compétition, dans les mots et dans les actes, avec l'extrême droite, mais vous oubliez un peu vite que c'est bien le préfet de l'Hérault – nommé par le Gouvernement, si je ne me trompe – qui a tweeté à propos de la délinquance des sans domicile fixe étrangers, avant de supprimer ce tweet qui visait une catégorie d'immigrés en fonction de leur nationalité. Je vous rappelle aussi que c'est bien Gérald Darmanin qui trouvait Marine Le Pen trop molle à son goût. La surenchère dans votre vocabulaire et dans vos actes montre que vous faites des différences entre les migrations – monsieur Lecoq relevait que vous parliez tantôt de « migrants » et tantôt de « réfugiés » –, ce qui dessine une cartographie à géométrie variable selon les pays d'origine des personnes dont nous parlons ici.

Or, avec le dérèglement climatique, les migrations vont s'accroître mais ni le Gouvernement, ni même madame Ménard, qui vient d'employer le même vocabulaire, ne semblent voir qu'aujourd'hui, les migrations vont surtout des pays du Sud vers les pays du Sud. Tous les mouvements seront bientôt chamboulés parce que nous ne changeons rien à nos modes de production et en restons, par exemple, à un modèle de marché européen.

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Monsieur le rapporteur pour avis, je vous félicite pour votre excellent rapport et pour le travail réalisé sur le terrain. Vous vous êtes en effet rendu à Kiev et avez procédé à des auditions approfondies, notamment pour ce qui concerne l'immigration ukrainienne. Comme plusieurs de mes collègues, je salue aussi l'action menée par le Gouvernement ces derniers mois pour soutenir et accueillir les Ukrainiens, et permettre leur immigration en France. C'est, comme vous l'avez dit, à la hauteur de nos valeurs et nous pouvons en être fiers.

En tant que députée des Français qui résident en Amérique latine et dans les Caraïbes, je tiens à rappeler que c'est en Guyane que la France possède sa plus longue frontière : plus de 1 000 kilomètres de contact avec le Suriname et le Brésil, et environ 3 000 demandes d'asile par an, dans des conditions et avec des infrastructures qui ne sont pas toujours à la hauteur de nos ambitions politiques. Cette immigration est très diverse : haïtienne, syrienne, palestinienne ou vénézuélienne. À la lumière de ce qui a déjà été dit et des progrès réalisés dans ce budget – qui, je l'espère, sera voté pour nous permettre d'augmenter nos moyens et les crédits destinés à l'intégration –, quelles sont les dispositions envisagées pour améliorer la situation des demandeurs d'asile sur le territoire de la Guyane et pour accompagner d'une manière durable ces régions en crise ?

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Je remercie madame Lakrafi pour les propos objectifs et très intéressants qu'elle a tenus en tant que députée des Français de l'étranger.

Que faisons-nous pour les demandeurs d'asile primo-arrivants, qui travaillent sans être régularisés, sans possibilité d'hébergement et avec de grandes difficultés pour obtenir des rendez-vous en préfecture, faute d'investissements en la matière ? Les délais de traitement des dossiers de demande d'asile sont très longs et alimentent les réseaux mafieux de tous types. Le système néolibéral et le recours massif à la sous-traitance dans les marchés publics et dans le secteur du bâtiment et des travaux publics sont aussi un appel du pied aux travailleurs sans papiers. L'État laisse faire et accompagne les sociétés ubérisées. De fait, la majorité des livreurs d'Uber Eats sont en situation irrégulière. À Bagnolet, par exemple, on a récemment fait appel à des travailleurs sans papiers, payés au lance-pierre, pour travailler dans un centre d'hébergement d'urgence.

Le salariat déguisé, sans protection sociale, a pour effet pervers d'alimenter les réseaux illégaux, comme le montrent les travaux pénibles du Grand Paris. Au péril de leur vie, des personnes traversent la Méditerranée ou la Manche – où, voilà quelques mois, un bébé irakien de trois jours a été retrouvé mort sur la plage – pour venir occuper des postes sans aucune protection sociale. Cette société ubérisée nous met aujourd'hui devant un constat accablant : aucune personne née en France et munie de papiers ne travaillerait dans de telles conditions, pour un ou deux euros la course.

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À la suite de ceux de mes collègues qui ont évoqué les titres de séjour, je soulignerai pour ma part les difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens – notamment en Seine-Saint-Denis – pour obtenir des rendez-vous en préfecture. Quelques récentes décisions de justice ont été rendues en ce sens. Ainsi, le 3 juin 2022, le Conseil d'État a annulé l'imposition du téléservice pour les titres de séjour en Seine-Saint-Denis. En juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a indiqué que la préfecture devait réviser son système de prise de rendez-vous en préfecture. Toutefois, on ne constate pas encore d'application de ces recommandations. Quelles propositions pouvez-vous formuler en la matière ? Des milliers de personnes se trouvent en difficulté dans des démarches administratives très simples, leurs déplacements, leur emploi ou leurs études et les recours à la justice se multiplient.

Je tiens, pour conclure, à réagir à l'interpellation où il a été question de divan et de psychiatrie. La psychiatrisation des opposants politiques est une aberration. Ce sont là des méthodes de régime autoritaire et, qui plus est, une attitude validiste.

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Il est intéressant d'entendre dire qu'un rapport pourrait mettre d'accord La France insoumise et le Rassemblement national : le « en même temps » de la communication a ses limites ! La politique de la minorité sur l'immigration est incohérente : comment expliquer que la politique menée envers les Ukrainiens – que nous approuvons – ne puisse pas s'appliquer aux Algériens, aux Somaliens, aux Afghans ? Pourquoi employez-vous, à certains moments, le mot « migrant » et à d'autres, celui de « réfugié » ? Je ne sais sur quels critères vous vous fondez, si ce n'est, peut-être, la couleur de la peau…

J'ai entendu des intervenants bourgeois, certainement pas bohèmes mais assurément dégénérés (Exclamations) expliquer à la députée de la circonscription concernée comment fonctionnait son CRA. J'aimerais vous ramener à la réalité : venez à la préfecture du Val-de-Marne et vous verrez s'il est facile de prendre un rendez-vous. Vous parlez des CRA comme si c'étaient des colonies de vacances alors que, là-dedans, il y a des gens qui avalent des rasoirs et tentent de se suicider.

Le Rassemblement national affirme vouloir employer tous les moyens possibles pour empêcher l'immigration illégale. En ce cas, il faut commencer par lutter contre le réchauffement climatique parce que des millions de personnes vont être obligées de migrer. Or, rien n'est planifié en la matière.

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Le mot « dégénéré » a été employé à deux reprises dans cette assemblée, une fois par la majorité, une fois par l'opposition, et c'est deux fois de trop ! C'est intolérable !

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Monsieur Boyard, vous radicalisez les deux positions que s'efforce de suivre simultanément l'État.

Notre politique d'immigration avance sur deux jambes. La première, c'est celle de l'humanisme français. L'immigration a toujours fait partie de notre histoire. Nous sommes, pour beaucoup, issus de l'immigration, laquelle a contribué à développer la France et sa culture. Elle est une richesse lorsqu'on vient pour travailler, créer, fonder une famille et adhérer aux valeurs de la République. L'immigration, en ce sens, est une chance et ne doit pas être perçue comme un danger pour notre pays. La deuxième jambe, c'est l'autorité et la fermeté. Nous ne voulons pas d'une immigration qui ne serait pas respectueuse de la République, de ses valeurs, qui remettrait en cause la Constitution française et ce qui fait de nous un pays démocratique ouvert sur le monde et respectueux de toutes les cultures.

Le budget de l'État avance sur ces deux jambes. Les crédits augmentent de manière assez considérable pour permettre à ceux qui veulent s'intégrer d'être accueillis convenablement. Ils sont également en hausse pour augmenter les places de CRA et permettre à la France de ne pas avoir sur son sol des étrangers qui ne veulent pas faire partie de la République.

La majorité défend la nuance sur cette question éminemment délicate. On ne peut pas résumer la France, comme le fait LFI, à un pays qui exclut, qui ne veut pas de l'immigration : nous sommes le deuxième pays en Europe pour l'accueil des étrangers et nous en sommes fiers. On ne peut pas non plus réduire la France, comme le fait le RN, à un pays qui accueille toute la misère du monde et qui laisse sur son sol des étrangers qui veulent nuire à la République.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE14 de M. Jérôme Buisson.

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Le pourcentage d'obligations de quitter le territoire français exécutées est passé de 17,1 % à 4,8 % entre 2013 et 2019. Les demandes d'asile sont en hausse, il n'y a pas de contrôles aux frontières, très peu de places en CRA ; on se trouve face à un chaos migratoire. LFI fait état de la mort d'un bébé immigré, ce qui est très regrettable, mais je rappellerai, de mon côté, la mort de Lola et d'une petite fille à Rouen.

La politique du Gouvernement en termes de lutte contre l'immigration irrégulière est un échec. Certes, nous saluons la hausse de 17,8 % des moyens alloués à cette action mais, au vu des chiffres catastrophiques concernant l'exécution des OQTF, ce n'est pas d'un petit ajustement budgétaire que nous avons besoin, mais d'un big bang. Même le projet annuel de performances le révèle, quoique très pudiquement : « L'appel à Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes) pour participer à des vols assurés directement par l'Agence permet de mesurer la hausse des besoins de financement ».

Je vous propose d'augmenter de 100 millions d'euros, soit de 50 %, le budget du programme de lutte contre l'immigration irrégulière. Il est en effet grand temps de relever les taux d'exécution des OQTF et, pour ce faire, de consacrer de vrais moyens à la rétention comme à la reconduite à la frontière.

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Vous avez dit vous-même que cet enjeu n'était pas un problème budgétaire. Dès lors, je donnerai un avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE11 de Mme Laurence Robert-Dehault.

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Chaque année, nous payons plusieurs dizaines de milliers d'euros au titre de l'allocation pour demandeur d'asile en faveur d'étrangers dont la situation n'a rien à voir avec la réelle détresse des demandeurs d'asile. Même déboutés en première instance du statut de réfugié, les requérants continuent de percevoir l'ADA pendant toute la durée de la procédure d'appel devant la Cour nationale du droit d'asile, alors que plus des deux-tiers d'entre eux se verront à nouveau déboutés.

L'amendement vise à désinciter les futurs migrants à venir en France réclamer à tort le statut de réfugié ; à cette fin, il prévoit que les demandes d'asile seront déposées dans l'ambassade du pays d'origine.

Par ailleurs, il propose de rediriger les crédits vers l'action Intégration des étrangers primo-arrivants. Plutôt que d'accueillir toujours plus d'étrangers qui, dans bien des cas, sont condamnés à vivre dans des conditions indignes, ne vaut-il pas mieux, en effet, favoriser l'intégration de ceux qui se trouvent déjà sur place ? Malgré les efforts du Gouvernement, la majorité des primo-arrivants n'ont pas une maîtrise suffisante de la langue française pour s'intégrer au mieux à la société française et au monde du travail. Ce budget pourrait donc être fléché vers l'apprentissage de notre langue.

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Avis défavorable. Vos calculs reposent sur un versement mensuel de l'ADA de 426 euros, alors que cette somme n'est versée qu'aux demandeurs d'asile qui ne se sont pas vu proposer de places d'hébergement. Pour 73 % d'entre eux, qui sont hébergés, l'allocation s'élève à 204 euros. Par ailleurs, l'amendement est contraire au droit européen, en particulier à la directive « accueil » du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

La commission rejette l'amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration non modifiés.

La séance est levée à 12 h 55

Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 26 octobre 2022 à 9 heures

Présents. – M. Damien Abad, Mme Nadège Abomangoli, Mme Véronique Besse, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Chantal Bouloux, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Louis Boyard, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Julie Delpech, M. Frédéric Falcon, M. Nicolas Forissier, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, M. Guillaume Garot, M. Hadrien Ghomi, Mme Olga Givernet, M. Michel Guiniot, Mme Marine Hamelet, M. Joris Hébrard, Mme Laurence Heydel Grillere, M. Alexis Jolly, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, Mme Amélia Lakrafi, M. Tematai Le Gayic, Mme Élise Leboucher, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, M. Sylvain Maillard, Mme Emmanuelle Ménard, M. Nicolas Metzdorf, Mme Nathalie Oziol, M. Bertrand Pancher, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, Mme Barbara Pompili, M. Jean-François Portarrieu, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, Mme Michèle Tabarot, M. Aurélien Taché, Mme Liliana Tanguy, Mme Laurence Vichnievsky, M. Lionel Vuibert, M. Christopher Weissberg, M. Éric Woerth, Mme Caroline Yadan, Mme Estelle Youssouffa, M. Frédéric Zgainski

Excusés. – M. Moetai Brotherson, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Olivier Faure, M. Michel Herbillon, M. Arnaud Le Gall, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Marcangeli, Mme Mathilde Panot

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, Mme Maud Gatel