Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 27 juillet 2022 à 11h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à onze heures.

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Nous sommes très heureux, Général, de vous recevoir pour évoquer les grands enjeux des 5 prochaines années pour la gendarmerie nationale.

Cette commission a déjà eu l'occasion de rendre hommage au capitaine Favier, et j'avais exprimé nos condoléances au général Réty, mais je souhaitais les réitérer en votre présence, car nous n'évoquons jamais assez les noms de ceux qui se sacrifient pour notre pays.

Notre commission vous avait déjà auditionné, ainsi que les chefs de vos directions et services, en début d'année 2022, mais elle a été renouvelée à 80 %, et il nous a paru indispensable de vous entendre en ce début de législature.

Vous êtes en fonction depuis le 1er novembre 2019, après avoir été major général de la gendarmerie, de 2016 à 2019.

La gendarmerie nationale, qui est présente sur 95 % du territoire national, auprès de 52 % de la population française, est une force armée, investie d'une mission de sécurité et de paix publiques. Depuis la loi du 3 août 2009, elle est passée de la tutelle du ministère de la défense à celle du ministère de l'intérieur, auquel est également rattachée la police nationale. Son modèle est celui d'une force armée, qui exécute militairement des missions de sécurité intérieure, en s'appuyant sur la disponibilité de ses 3 100 unités territoriales, garantie par le statut général des militaires et leur immersion dans la population.

Rassemblant 100 000 personnels d'active, dont 60 000 gendarmes départementaux, la gendarmerie bénéficie du renfort de 31 000 réservistes, dont le nombre devrait progressivement être porté à 50 000 d'ici 2025.

Vous pourriez commencer par nous présenter votre stratégie GEND 20.24, ses objectifs et les moyens dont vous disposez pour la mettre en application. En tant que commissaires de la défense, nous veillons particulièrement à ce que les capacités dont vous disposez, en moyens matériels et surtout en effectifs, soient à la hauteur des nombreuses missions qui vous sont confiées.

Le gouvernement a adopté en mars dernier un projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), qui prévoit notamment la création de 200 brigades. Cette décision saluée par tous, à commencer par moi-même, qui suis député rural, revient sur des années de suppressions d'unités. Dans le prolongement du Beauvau de la sécurité, ce projet de loi est censé apporter de la visibilité et de la cohérence à votre action, comme la loi de programmation militaire pour nos forces armées. Que prévoit ce projet de LOPMI pour la gendarmerie en matière de répartition des effectifs sur le territoire, d'immobilier et de transformation numérique ? Quels effets aura sur votre personnel le protocole social qui l'accompagne ?

Lors de son audition devant notre commission il y a trois semaines, le ministre des armées, Sébastien Lecornu, a rappelé le rôle peu médiatisé joué par la gendarmerie en Ukraine. Pourriez-vous le préciser ?

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le général d'armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Merci, Monsieur le président.

Vous l'avez dit, 95 % du territoire, 95 % des maires et plus d'un Français sur deux sont situés en zone de gendarmerie, sans tenir compte des mobilités lors des vacances, qui se font souvent en direction des zones de gendarmerie. De plus, dès avant la crise sanitaire (qui a probablement exacerbé ces enjeux), la population tendait déjà à augmenter davantage dans la France moins urbanisée : elle augmente deux fois plus en zone de gendarmerie qu'en zone de police.

La zone de gendarmerie correspond également à la « France des ronds-points » occupés par les gilets jaunes, et des difficultés sociales, d'autant que la crise sanitaire a encore fragilisé la socialisation dans les petites et moyennes communes, où elle ne reposait souvent que sur les maires et quelques associations. Lors de l'opération « Répondre présent », la gendarmerie a ainsi été conduite à dépasser ses missions, en aidant les maires et les personnes les plus vulnérables à mieux passer la crise sanitaire.

La stratégie GEND 20.24 repose sur quatre piliers :

Le maillage territorial constitue la spécificité et la force de la gendarmerie par rapport à d'autres services publics. Nous disposons aujourd'hui de 3 100 brigades, contre 3 600 en 2007, et nous allons en recréer 200. La première mission de la gendarmerie nationale n'est pas d'arrêter les voleurs, mais de faire en sorte qu'il n'y ait pas de voleur, et le maillage du territoire, s'il n'en est pas une condition suffisante, en est une condition nécessaire, au même titre que le statut militaire. Or, nous sommes 100 000 pour couvrir 95 % du territoire, et nous devons également nous dégager du temps pour rencontrer les concitoyens, les maires et les élus, afin de produire du sentiment de sécurité.

33 400 des 35 000 communes françaises sont en zone de gendarmerie, ce qui représente 52 % de la population. Or, l'INSEE considère que 20 à 24 % de la population est située en zone rurale. La moitié de la population dont nous nous occupons est donc située en zones urbaines et périurbaines. Les différences d'urbanisation entre les départements conduisent cependant à des approches différenciées.

Dans le même temps, une hausse du niveau de violence est constatée, notamment à l'égard des personnes représentant des institutions : les élus et les gendarmes, notamment. Un gendarme est agressé toutes les 2 heures, et un refus d'obtempérer est enregistré toutes les 30 minutes. Les gendarmes ont également affaire à un « forcené » au moins toutes les 48 heures. Il s'agit typiquement d'un homme qui boit, frappe sa femme, s'enferme et tire sur tout ce qui bouge, y compris sa femme et les gendarmes. Ce profil est de plus en plus fréquent. S'y ajoutent les personnes suicidaires souhaitant se faire tuer par des gendarmes ou des policiers, comme nous en avons connu dans les Cévennes, à La Chapelle-sur-Erdre, ou en Dordogne, où 60 gendarmes se sont fait tirer dessus. Un hélicoptère a été touché par une balle Brenneke, ce qui a conduit à surblinder le dessous de nos hélicoptères. On s'attend moins à se faire tirer dessus en métropole qu'en mission contre des orpailleurs illégaux en Guyane, mais cela arrive.

Aujourd'hui, 165 000 interventions ont lieu chaque année pour des violences intrafamiliales. Il est difficile de faire la part de l'augmentation du phénomène et de la libération de la parole des femmes, mais ces faits sont devenus omniprésents et prennent aux gendarmes un temps considérable pour recevoir les victimes et mener les enquêtes.

Les gendarmes sont la richesse de la gendarmerie. Ce sont eux qui risquent leur vie sur le terrain, tandis que je travaille à Paris. Moi-même fils de gendarme, je réalise mieux maintenant le niveau d'engagement que ce métier implique, au service des autres. Lorsque j'appelle un gendarme blessé, il me dit toujours : « j'ai seulement fait mon travail ». Une adjudante-chef blessée au cou et défigurée par un schizophrène qui attaquait les passants avec un tesson de bouteille, s'inquiétait au téléphone d'avoir mal géré la situation, et espérait reprendre le travail au plus vite. C'est moi qui devais insister sur la nécessité qu'elle prenne soin d'elle.

Le gendarme a aussi pour caractéristique d'être logé au cœur de la population sur laquelle il veille : il est donc sous son contrôle social constant. Il arrive que nous mutions des gendarmes parce qu'ils n'arrivent pas à s'intégrer à une brigade pour cette raison. Cette insertion sociale sera encore renforcée par la mise en place d'un « principe de redevabilité », qui a été expérimenté et généralisé auprès des maires. Il s'agit de leur rendre des comptes (notamment sur les déplacements des patrouilles sur leur territoire, à l'aide de la géolocalisation et de « cartes de chaleur »), et de travailler avec eux sur les améliorations à apporter dans les mois suivants. Le taux de satisfaction des élus à notre égard est plutôt bon, mais nous devons nous ouvrir encore davantage à la critique. Contrairement à ce que pouvaient penser certains commandants de brigade il y a 25 ans, la sécurité n'est pas seulement « une affaire de professionnels ».

Nous portons également une attention particulière aux personnes les plus fragiles, notamment les seniors. Des dispositifs d'accompagnement, notamment numérique, ont été créés, avec un « commandement cyber » de 7 500 cyberenquêteurs qui doivent aussi réaliser de la pédagogie dans les écoles et auprès des personnes âgées, pour les aider à se protéger face à la hausse constante des arnaques. Des banques de données d'adresses mail sont récupérées à des truands qui, d'Afrique, envoient des mails par centaines de milliers, par exemple d'accusations de pédophilie, en exigeant des paiements en contrepartie d'une levée des poursuites judiciaires. Par exemple, il y a actuellement une arnaque qui utilise mon nom, dans le cadre de « procédures » contre la pédophilie. Dans ce cadre, je reçois chaque semaine des chèques, qui me sont envoyés plutôt qu'aux truands. Je ne les encaisse pas, mais ils entraînent le lancement d'enquêtes, car le disque dur d'une personne qui est prête à payer 5 000 à 10 000 euros pour éviter une poursuite judiciaire est forcément intéressant. Il est difficile d'interpeller les auteurs de ces mails en Afrique, même si nous nous y efforçons avec nos homologues des pays concernés. Une dizaine de personnes ont ainsi déjà été interpellées.

La formation initiale des gendarmes est construite autour de l'acquisition de l'ADN militaire. Les proximités sont plus grandes avec la police nationale en formation continue. Les élèves officiers comme sous-officiers disent aujourd'hui avoir délibérément voulu intégrer la gendarmerie, alors qu'ils passaient souvent ce concours parmi d'autres auparavant. Après le drame d'Ambert, où trois gendarmes ont été tués par un survivaliste, j'avais demandé au chef d'état-major de l'armée de terre (CEMAT) de l'époque, Thierry Burkhard, de former les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), ce qu'il avait accepté. Avec son successeur, Pierre Schill, nous avions visité à La Valbonne le centre de formation d'un PSIG par l'armée de terre. Nous avons aujourd'hui besoin de gendarmes capables de manœuvrer sous le feu, en situation de combat. La formation des escadrons de gendarmerie mobile a été durcie également, pour les mêmes raisons. Aux Antilles, ces escadrons se faisaient tirer dessus chaque nuit. Il faut alors savoir adopter les bons réflexes : « d'abord, je me poste ; ensuite je riposte ». Les gendarmes, qui il y a dix ans auraient objecté que leur uniforme est bleu clair, et non kaki, sont aujourd'hui enchantés par ces formations militaires, malgré leur exigence physique. Ils se sentent aujourd'hui plus militaires que jamais.

Conformément à ces attentes nouvelles de nos personnels, la symbolique et le cérémonial ont été renforcés également, avec la création d'un chant de la gendarmerie et la remise de drapeaux à différents commandements. Je m'en réjouis et nous poursuivrons en ce sens.

Par ailleurs, le fonctionnement de la gendarmerie est en train de changer de paradigme, grâce à la création de nouvelles brigades, mais aussi à la digitalisation.

Plutôt que d'attendre les usagers derrière un ordinateur, il s'agira désormais d'aller vers les gens, de passer d'une logique de guichet à une logique de pas de porte. Au mois d'août, lorsque les faits de délinquance augmentent, les usagers attendent certes des gendarmes qu'ils soient disponibles en gendarmerie, mais, en temps normal, ils devront plutôt prendre rendez-vous avec eux désormais, pour que les gendarmes se rendent à leur domicile, comme ils devront rencontrer les maires, les commerçants, etc. Nous devons provoquer cette proximité, car la population la demande, plutôt que des contacts dématérialisés. Recréer des brigades permettra d'aller en ce sens, d'autant que les 200 nouvelles brigades seront dotées de moyens de déplacement adaptés à leurs territoires : chevaux, motos, mais aussi trottinettes électriques là où c'est pertinent, etc. Des brigades itinérantes seront également chargées de partir plusieurs jours dans des territoires qui ne sont jamais investis ordinairement, en dormant en chambres d'hôtes ou chez l'habitant, etc. Le dernier changement d'une telle ampleur connu par la gendarmerie date d'il y a 300 ans, lorsque les brigades avaient été territorialisées.

Le numérique permet de mieux rendre des comptes dans le cadre de la redevabilité. Nous avons aussi développé des algorithmes permettant de placer des gendarmes au bon endroit et au bon moment, en évitant notamment de recourir à eux la nuit lorsque c'est superflu. Le temps ainsi dégagé sera mis au service du surcroît de proximité qui sera attendu des gendarmes, conformément à la commande passée par le Président de la République et le ministre de l'intérieur, d'un doublement de la présence sur la voie publique. Les effets en sont déjà perceptibles sur le terrain. Un algorithme a également permis dans onze départements d'accroître la présence des gendarmes sur les lieux où les cambriolages étaient probables, améliorant ainsi leur prévention de 3 % par rapport aux autres départements. Une deuxième version de cet algorithme, qui sera expérimentée avant la fin de l'année, tiendra compte de l'ensemble des situations de crise rencontrées. Des « cartes chaudes » seront ainsi fournies aux gendarmes qui partiront en patrouille, afin qu'ils sachent où se positionner pour prévenir les faits de délinquance, mais aussi les accidents de voiture, etc.

Nous travaillons aussi beaucoup avec les associations d'élus : l'association des maires de France (AMF), l'assemblée des départements de France (ADF), l'association des régions de France (ARF), pour identifier nos possibilités d'améliorations.

Le durcissement de la formation imposera d'accroître notre capacitaire école. La future LOPMI le prévoit. Certains bâtiments de Fontainebleau devront ainsi être reconstruits, mais il faudra aussi créer des centres de formation régionaux, pour permettre aux gendarmes d'être formés au plus près des besoins. Ce dernier sujet sera également abordé dans le cadre de la LOPMI.

La guerre en Ukraine pose à nouveau la question de la défense opérationnelle du territoire (DOT). Même si le risque d'une agression par une colonne de chars reste peu probable dans notre pays, il faudra aller au-delà de la prévention des agressions sur les seules « installations vitales ». Les renouvellements actuels d'équipements, avec le remplacement en fin d'année de nos vieux véhicules blindés et la livraison d'hélicoptères H160 (permettant de transporter jusqu'à 14 personnes équipées), rendent possible, avec la réforme du GIGN, etc., une stratégie ambitieuse que nous travaillons avec les armées face à la possibilité d'une crise de plus haute intensité.

En matière d'équipements, nous avons ainsi adopté une approche plus capacitaire, en chargeant une équipe de s'interroger sur les besoins et les missions qui seraient ceux d'une gendarmerie reconstruite à neuf dans dix ou quinze ans. Avec les spéléologues, les marins, les maîtres de chiens, etc., les spécialités sont nombreuses au sein de la gendarmerie. Cependant, par exemple, nous ne disposons pas de suffisamment de chiens. Dans certains quartiers difficiles, les voyous provoquent les gendarmes, souvent pour filmer ensuite leurs réponses, avec l'espoir qu'elles soient mal adaptées. Nous avons doté certaines de ces patrouilles de chiens sans muselière, notre doctrine différant à cet égard de celle de la police. Les auteurs de provocations peuvent ainsi se faire mordre, ce qui est moins létal que de recourir aux autres équipements de la gendarmerie, et les dissuade généralement de continuer. Les chiens qui sont entraînés par le GIGN peuvent aussi réaliser des opérations très techniques, comme sentir les explosifs dans les foules en mouvement, etc. Cette approche capacitaire permet de mieux encadrer les budgets qui sont décidés en réponse aux besoins.

La politique actuelle de digitalisation suppose une augmentation du niveau de recrutement. Le statut militaire permet de diversifier les profils recrutés, par rapport à ceux qui le sont dans l'administration. Un concours « Master 2 sciences dures » a ainsi été ouvert il y a deux ans, et plus de la moitié des officiers recrutés aujourd'hui sont ingénieurs ou titulaires d'un Master 2 de sciences dures. Des parcours de carrière clairs doivent ensuite être proposés à ces nouveaux entrants pour réussir à les conserver.

Une épreuve à option numérique a également été créée au sein du concours de sous-officier de la gendarmerie. Les meilleurs candidats sont regroupés au sein d'« e -compagnies » où ils reçoivent des formations numériques, en plus de la formation habituelle des gendarmes.

En effet, la prochaine crise sera cyber. De nombreuses collectivités, hôpitaux, etc. sont déjà attaqués. Le FBI nous a indiqué que même les hôpitaux israéliens, pourtant très protégés, étaient touchés.

Par ailleurs, les attentes très fortes en matière de protection de l'environnement font que les truands qui veulent aujourd'hui gagner beaucoup d'argent sans risque doivent se lancer dans le trafic de déchets. Une convention a par exemple été signée avec la Société du Grand Paris pour prévenir ce trafic. Nous avons pris ce sujet à bras-le-corps avec Europol et les autres forces européennes, ce qui fait régulièrement émerger des dossiers très lourds.

Le protocole social de la gendarmerie a été aligné sur celui de la police, ce qui élèvera les niveaux de rémunération, et permettra de créer une grille indiciaire accélérant les carrières des sous-officiers qui se porteront candidats dans les régions qui manquent de gradés. Les gendarmes sont parmi les plus mobiles des militaires, mais certaines régions restent peu attractives, et muter les personnels contre leur gré nuit à leur niveau de performance.

La gendarmerie a été mobilisée en Ukraine très rapidement, d'abord parce que ce sont des gendarmes mobiles qui protégeaient l'ambassade à Kiev, avec une équipe du GIGN, qui a été renforcée. Lors du passage de l'ambassade de Kiev à Lviv, une autre équipe du GIGN est allée sécuriser Lviv. Le GIGN a également assuré le transfert de Kiev à la Moldavie, durant 2 jours et demi, d'une cinquantaine de véhicules et de près de 200 personnes, dont plusieurs ambassadeurs européens. Durant les premières semaines du conflit, en effet, les seuls militaires armés en Ukraine étaient russes, ukrainiens ou français. Les mêmes gendarmes du GIGN ont ensuite ramené l'ambassade de Lviv à Kiev.

En relation bilatérale avec la justice ukrainienne, nous avons également envoyé des experts (avec un laboratoire d'analyse rapide d'ADN inventé par un gendarme il y a quelques années) aider les enquêteurs ukrainiens à déterminer comment étaient mortes les personnes retrouvées dans les charniers ou ailleurs. Nous avions également envoyé des experts en pièges, au cas où certains de ces corps soient piégés. Les Ukrainiens étaient déjà très bien équipés eux-mêmes, et les autopsies comme les modélisations de scènes de crimes ont rapidement été nombreuses. Seule la France a aidé à ce niveau les enquêteurs ukrainiens.

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Je vous remercie, Général, pour votre présentation détaillée. En tant qu'ancien maire, je peux témoigner de l'attachement des Français à leurs gendarmes.

À 24 mois de l'organisation du plus grand événement sportif international, le Président de la République a souhaité rappeler la nécessité d'une mobilisation de l'État pour assurer la sécurité des sportifs et des spectateurs. Un objectif de 50 000 personnels de la réserve opérationnelle a notamment été fixé pour les Jeux olympiques 2024. La montée en puissance devra être rapide, puisqu'ils seront précédés de la Coupe du monde de rugby 2023. Or, les réservistes sont rémunérés, non en ETP, mais par des crédits sous enveloppe, qui constituent trop souvent une variable d'ajustement. Ils devront en l'occurrence être sanctuarisés pour garantir l'atteinte du nombre de réservistes et de formateurs espéré.

Depuis 2008, 15 escadrons de gendarmerie mobile ont été supprimés, en raison de restrictions budgétaires. Or, ils ne sont pas utilisés seulement pour le maintien de l'ordre, mais aussi souvent en renfort des brigades territoriales : ils ont par exemple sécurisé les zones touchées par les incendies en Gironde. Ils seront eux aussi essentiels pour assurer la protection des Jeux olympiques. Comment comptez-vous procéder à cet égard ?

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Général, c'est un véritable honneur pour les députés du groupe Rassemblement national de vous recevoir aujourd'hui.

Au regard de la diversité des missions de la gendarmerie (lutte contre la drogue, les violences intrafamiliales, etc.), le contexte sécuritaire général en France inquiète, avec notamment une montée perceptible de la délinquance de droit commun.

Le Président de la République avait en début d'année promis la création des 200 brigades de gendarmerie en milieu rural dont vous avez parlé, dans un objectif de renforcement de la proximité sur les territoires. Au-delà des effets d'annonce, où trouver les effectifs de ces brigades ?

Comme dans toutes les administrations, le point d'indice des fonctionnaires de la gendarmerie a été revalorisé au 1er juillet, de 3,5 %. Toutefois, cette revalorisation se fait à budget constant. Quels champs budgétaires seront en conséquence sacrifiés par la gendarmerie pour atteindre cette revalorisation ?

Pourriez-vous nous rappeler les moyens d'action de la gendarmerie nationale dans le cadre de la DOT ?

Enfin, pourriez-vous nous indiquer où en est le développement du réseau radio du futur (RRF), qui doit constituer le nouveau système de communications sécurisées de nos forces de l'ordre ? Pourra-t-il être lancé en 2023, comme c'était initialement prévu ?

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Je tiens à saluer le travail des gendarmes auprès des policiers et des pompiers durant les terribles incendies de Gironde, pour protéger les habitants dans les zones menacées, et leurs biens dans les zones évacuées.

Grâce à son ancrage territorial et à son action de protection quotidienne de la population, la gendarmerie est populaire. Je peux le constater auprès des habitants des petites communes de ma circonscription.

Cependant, l'équipement antiémeute des blindés de maintien de l'ordre récemment livrés, avec une lame flottante à l'avant, un lance-grenades ou une caméra de surveillance à longue portée, interroge. Concilier la liberté de manifester et le respect de l'ordre public est au fondement de la doctrine française du maintien de l'ordre. Lors des mouvements sociaux récents, dont les Gilets jaunes, la « logique de face-à-face qui caractérise notre gestion du maintien de l'ordre » selon les conclusions du rapport de la défenseuse des droits en novembre dernier, a pourtant suscité incompréhension et réprobation. Pourriez-vous donc préciser l'usage prévu pour ces véhicules blindés dans la stratégie de maintien de l'ordre lors de rassemblements publics, et les perspectives d'évolution de celle-ci ?

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Général, vous avez évoqué votre souhait de renforcer en interne l'adhésion aux valeurs de la gendarmerie. Il est également important de les véhiculer à l'extérieur. À cet égard, les cadets de la gendarmerie, créés il y a 15 ans en région Rhône-Alpes, et généralisés en 2018 dans 70 départements, nous semblent très importants pour susciter l'engagement citoyen et républicain des jeunes, et « faire nation ». S'inscrivant dans le cadre du service national universel (SNU) et d'autres dispositifs, le programme des cadets permet à une association locale, coordonnée avec les forces opérationnelles de la gendarmerie, d'accueillir, sur une année, des jeunes volontaires de 16 à 18 ans, pour les faire participer à des actions civiques ou de mémoire et leur faire découvrir la gendarmerie et le milieu militaire. Malgré l'objectif de former à terme 30 cadets par département, ce dispositif reste malheureusement méconnu. Quelle communication la gendarmerie envisage-t-elle de réaliser pour pallier ce manque de visibilité ?

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Mon général, les commissaires de la défense m'ayant fait l'honneur de me désigner rapporteur pour avis du budget de la gendarmerie nationale, je suis heureux et fier de travailler auprès de vos forces, auxquelles je rends hommage.

Le département de la Dordogne, dont je suis élu, est le troisième en superficie de France, et son troisième département forestier, puisque la forêt occupe 45 % de son territoire. De nombreux administrés périurbains vivent dans de petites communes rurales, très éloignées des centres-villes et des services publics. De quels leviers la gendarmerie dispose-t-elle pour maintenir le lien avec cette population et lui apporter une offre de sécurité « sur mesure » ? Quelle est votre stratégie à cet égard ?

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Depuis de nombreuses années, la doctrine française de maintien de l'ordre, confrontée à de nouvelles formes de mobilisation, cristallise les tensions et les interrogations au sein de notre société. D'un côté, nombre de manifestants dénoncent les violences dont ils font l'objet de la part des forces de l'ordre ; de l'autre, policiers et gendarmes sont trop souvent pris pour cibles. Dans ce cadre, le groupe socialistes et apparentés avait demandé et obtenu la mise en place en 2020 d'une commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre. Publié en janvier 2021, le rapport de cette commission avait émis plusieurs recommandations relatives à la politique de formation des policiers et gendarmes intervenant dans les opérations de maintien de l'ordre : la généralisation de formations communes aux unités de police et de gendarmerie ; la mise en place de formations adéquates pour les unités non spécialisées susceptibles d'être mobilisées ; le développement d'actions de formation initiale et continue en matière de déontologie présentant un caractère pratique et adapté aux publics concernés.

La formation constitue un enjeu absolument déterminant pour adapter la politique de maintien de l'ordre en France. Il s'agit d'assurer non seulement la sécurité de nos concitoyens, dans l'exercice de leur liberté fondamentale de manifester ; mais aussi celle de nos propres forces de l'ordre. À cet effet, nous avions proposé, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2022, d'allouer 100 millions d'euros supplémentaires à la gendarmerie nationale pour renforcer ses moyens en matière de formation, notamment des jeunes recrues.

Avez-vous le sentiment qu'une évolution salutaire a eu lieu en matière de formation des forces de l'ordre ? Les propositions précédemment évoquées vous semblent-elles à même de restaurer une confiance entre la population et les forces de l'ordre ? Quelles sont aujourd'hui vos revendications à cet égard, au-delà des centres régionaux dont vous avez parlé ?

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Je tiens d'abord à saluer les efforts actuels pour renforcer les liens entre les élus des territoires et la gendarmerie. Une réunion récente, à laquelle j'ai participé, entre les élèves gendarmes de Châteaulin (avec le général Devy et la colonelle Tournant) et les élus du Finistère, s'est avérée extrêmement utile pour mieux connaître le territoire, ses problématiques de sécurité, mais aussi de recrutement.

Je salue également les efforts des gendarmes du Finistère pour accompagner les opérations de lutte contre l'incendie qui a ravagé les Monts d'Arrée, et les brigades de recherche en charge des enquêtes criminelles. Quelle est votre doctrine concernant le rôle de la gendarmerie et les moyens dont elle devrait disposer dans cette lutte contre les incendies ?

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Le colonel Michel m'a fait part de problèmes d'effectifs dans les brigades, notamment mobiles, de la Lozère (seul département de moins de 100 000 habitants), en particulier dans le sud, ce qui inquiète les élus, alors que les sorties d'école semblent en diminution. Quelle est votre position concernant ce problème récurrent ?

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Général d'armée Christian Rodriguez

Les 50 000 réservistes prévus le sont, non pour les Jeux olympiques, mais pour l'ensemble du quinquennat. Le budget de formation 2023 sera à cet égard meilleur que celui de 2022, et la trajectoire croissante ainsi dessinée permettra d'atteindre l'objectif, car nous disposons de volontaires, dont la formation avait été anticipée. Le taux moyen d'engagement des réservistes, de 20 à 24 jours par an actuellement, pourra aussi être augmenté si nécessaire. Ils seront importants pour les Jeux olympiques, mais ils le sont tous les jours, notamment pour la proximité de la gendarmerie avec la population, 2 000 à 3 000 réservistes étant engagés chaque jour.

15 escadrons ont disparu avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), mais la LOPMI prévoit la recréation de 11 unités de forces mobiles, dont la répartition entre escadrons et CRS reste à décider par le ministre. Elles permettent l'envoi rapide de professionnels pour des missions locales multiples, d'aide ou de maintien de l'ordre.

Les 200 brigades également prévues par la LOPMI seront constituées d'ETP supplémentaires. Des créations de postes sont donc attendues pour 2023, mais des débats sont en cours à ce sujet, comme sur les questions de revalorisation et de point d'indice.

En matière de DOT, le rôle de la gendarmerie est d'abord de tenir les territoires. Certains sites, d'importance vitale, sont déjà protégés par construction, mais d'autres, qui ne sont pas classés (points de distribution d'électricité, châteaux d'eau, etc.), doivent être connus de la gendarmerie également.

Nous devons aussi être préparés à faire face en première intervention à des personnes lourdement armées. La formation, mais aussi la transformation de la composition de nos pelotons de surveillance et d'intervention ont été durcies en conséquence. Ils comprennent aujourd'hui 20 à 30 gendarmes, dont une moitié d'active et une moitié de volontaires, c'est-à-dire de jeunes sous contrat de six ans au maximum. Nous avons obtenu la transformation en trois ans de ces postes de gendarmes adjoints volontaires en postes de gendarmes d'active.

L'armement doit lui aussi être interrogé. En Dordogne, nous avons constaté que le pistolet des brigades n'était pas suffisant. Toutefois, les gendarmes ne peuvent pas transporter des armes automatiques dans leurs actions du quotidien ni les laisser dans leurs véhicules.

Dans l'attente du RRF, qui est prévu pour plus tard, PCSTORM constituera une étape intermédiaire en 2023 ou 2024. Avec l'arrivée de la 5G, un réseau solide et permettant de transférer par exemple des vidéos est devenu nécessaire pour tous les usagers du ministère de l'intérieur, pompiers compris. Un réseau bas débit est aujourd'hui obsolète. Ce dossier très important est suivi de très près.

Les centaures remplaceront d'autres blindés, les véhicules blindés à roue de la gendarmerie (VBRG), qui étaient certes 1,5 fois moins grands, de sorte qu'ils ne pouvaient pas transporter 10 personnes. En revanche, ils disposaient déjà de lames flottantes et d'une tourelle, pouvant recevoir une arme de guerre. Bien évidemment, les centaures ne seront pas équipés d'armes de guerre pour le maintien de l'ordre. Toutefois, ils pourront aussi servir en cas de violences urbaines lourdes, pour protéger les gendarmes en déplacement. Il s'agit alors de manœuvrer pour intercepter les personnes qui tirent sur les gendarmes, précisément sans leur tirer dessus en retour, et si possible sans les blesser : c'est la stratégie quotidienne du GIGN. Un chien a ainsi pu arrêter un forcené récemment. Aux Antilles, nous ne disposions pas de suffisamment de blindés.

L'emploi des blindés demande un haut niveau d'autorisation. Ils n'avaient plus été employés pour le maintien de l'ordre jusqu'aux violences lourdes connues en haut des Champs-Élysées, lors des manifestations de gilets jaunes. L'enjeu des blindés concerne donc surtout leurs conditions réglementaires et législatives d'emploi, qui n'ont aucune raison d'être durcies actuellement.

L'objectif est bien plutôt d'abaisser le niveau de violence dans les relations avec les manifestants. Dans le cadre du schéma national de maintien de l'ordre, des équipes ont été formées spécifiquement à cette fin. Il faut toutefois aussi être capable d'élever le niveau de réponse en fonction de l'évolution de la situation. Lorsque j'étais lieutenant, l'escadron qui était devant moi s'est fait tirer dessus sur le Champ-de-Mars durant une manifestation. Aujourd'hui, les black blocks se mêlent aux manifestants, parfois après avoir loué des appartements sur le chemin des manifestations, afin de ne pas être détectés. Des règles claires doivent néanmoins encadrer le maintien de l'ordre, et le droit de manifester reste absolument indiscutable.

La formation et le contrôle de la déontologie sont également essentiels dans l'application de ces règles. Je n'ai aucun scrupule à recourir à l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) lorsque des gendarmes sont suspectés de violences illégitimes. Le directeur de la police est d'accord avec moi sur ce point.

Nous devons davantage communiquer sur les cadets, afin d'y recruter davantage de jeunes, qui par exemple pourront ensuite s'engager dans la réserve de la gendarmerie dans le cadre du SNU. Une fédération des cadets sera sans doute créée pour leur donner davantage de visibilité. Ils sont souvent animés par des réservistes bénévoles, avec un admirable engagement citoyen.

Des brigades seront recréées en Dordogne, mais il faudra aussi les rendre mobiles, par exemple en les dotant de chevaux. J'ai ainsi renoncé à appliquer le dispositif de gestion des événements (DGE) en Dordogne, car les effectifs n'étaient pas suffisants compte tenu de l'immensité de ce département.

La gendarmerie ne mène pas la lutte contre les incendies : elle y est engagée pour évacuer les populations et éviter les pillages. Nous sommes également chargés des enquêtes. Avec les algorithmes, les pompiers parviennent à anticiper les déplacements des incendies, mais nous parvenons aussi à prévoir les lieux où les feux risquent de prendre. Nous avons ainsi interpellé plusieurs personnes, souvent perturbées, qui étaient soupçonnées d'être à l'origine d'incendies.

Dans les petits départements, le manque de gendarmes est beaucoup plus pénalisant que dans les grands départements. Nous essayons donc d'y transférer des effectifs, même si nous réalisons plutôt les mutations et les remplacements de départs en retraite durant l'été, pour des raisons d'organisation familiale. Les créations de brigades devraient également apporter des effectifs dans ces petits départements.

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J'ai l'honneur d'être l'auteur de la loi du 9 juillet 2010, qui a permis de développer les outils de saisie et de confiscation des biens des délinquants, et de créer l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. La gendarmerie a toujours été extrêmement engagée à ce sujet. Avec Laurent Saint-Martin, nous avons fait un point sur l'application de ce texte. En matière législative et fonctionnelle, pourriez-vous nous dire ce qui peut être fait pour en améliorer encore le fonctionnement ?

Je sais que vous travaillez à la dématérialisation des réquisitions, notamment avec les banques. Se développe-t-elle suffisamment rapidement ?

La loi du 9 juillet 2010 permettait la saisie et la vente immédiate des véhicules des délinquants, pour des sommes ensuite bloquées à la Caisse des dépôts et consignations, qui pouvaient ainsi être rendues si les personnes concernées étaient finalement innocentées. Or, dans plus de la moitié des cas, les parquets n'utilisent pas ce texte, voire demandent à la gendarmerie et à la police de ne pas saisir les véhicules pour éviter des frais de fourrière au cas où ils ne seraient pas vendus immédiatement. De nombreux députés sont pourtant très attachés à ces saisies de véhicules, qui constituent des signes de réussite dans trop de secteurs de notre pays.

Par ailleurs, la gendarmerie occupe un patrimoine très important. Où en est la mise en photovoltaïque de ses toitures ? Le solaire thermique permet de fournir 60 % de l'eau chaude gratuitement, et de produire de l'énergie pour l'autoconsommation comme pour participer à la souveraineté de notre pays.

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Le département de la Côte-d'Or a la chance de disposer d'une caserne régionale de gendarmes et d'une très grande école de gendarmerie. Elles m'ont fait remonter un besoin de recruter davantage de gendarmes adjoints volontaires, lié à une difficulté à recruter des jeunes. Quelles sont vos perspectives à cet égard ?

En matière de sécurité routière, une remontée de la mortalité sur les routes est constatée après la crise sanitaire, ce qui reste peu évoqué au niveau national comme local. Du fait que les routes départementales et métropolitaines relèvent de responsabilités différentes, les collectivités tendent à se renvoyer les responsabilités les unes aux autres à ce sujet. Je milite donc pour la création d'une action commune et de grande envergure dans ce domaine.

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Pour assurer la sécurité des Français, il faut écouter les gendarmes de terrain. Deux compagnies de gendarmerie sont présentes dans ma circonscription, à Cambrai et Avesnes-sur-Helpe. Leurs questions principales portent d'une part sur le projet ambitieux de créer 200 brigades de gendarmerie, soit 3 brigades par mois ; d'autre part sur la logistique et le casernement, qui dépendent du service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), que vous gérez.

Au regard de la baisse des effectifs entre 2007 et 2012, la répartition opérationnelle actuelle des effectifs interroge, les grandes métropoles ayant été avantagées par rapport aux zones rurales et périurbaines, où une augmentation de la délinquance est en conséquence constatée. Changerez-vous donc votre stratégie d'affectation des militaires à cet égard ?

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14 gendarmes se sont donné la mort depuis janvier 2022, et 12 en 2021. Je veux ici leur adresser un hommage appuyé, ainsi qu'à leurs proches et à leurs collègues. Même si aucun passage à l'acte ne saurait être réduit à une cause unique, l'analyse de toutes ces situations dramatiques met en évidence l'existence de risques psychosociaux inhérents au métier. La qualité de vie au travail doit être questionnée : les conditions matérielles d'exercice (la vétusté des locaux, l'insalubrité des appartements de fonction, notamment domaniaux), la pression liée aux objectifs chiffrés ou le manque de reconnaissance de la hiérarchie peuvent constituer autant de facteurs aggravants.

La directive européenne sur le temps de travail, qui donne à chaque travailleur le droit à 11 heures consécutives de repos par tranche de 24 heures, et à une durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures, n'a toujours pas été transposée pour les gendarmes n'étant pas en opération. Comment alors maintenir un équilibre entre le temps de l'engagement opérationnel, celui du repos, et celui de la formation ?

Le plan de prévention des risques psychosociaux ne prévoit que 2 jours de formation pour les sentinelles chargées de détecter les signaux faibles. Les estimez-vous suffisants ? Quelles garanties de discrétion pouvez-vous apporter pour la consultation des psychologues dans les locaux de la gendarmerie, alors même que cet acte souvent difficile est encore trop souvent considéré comme un aveu de faiblesse ? Seuls 44 psychologues cliniciens sont affectés aux 102 000 gendarmes, soit 1 pour 2 300 : est-il prévu d'améliorer ce ratio ? Enfin, quelle reconnaissance mémorielle la gendarmerie nationale peut-elle apporter à celles et ceux qui, tragiquement, en arrivent à ce geste extrême ?

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Je peux témoigner qu'en Seine-et-Marne, pas un seul maire ne se plaint de l'efficacité des forces de gendarmerie, qui réalisent en effet un travail militaire, mais aussi de proximité et de lien avec les élus.

Nous avons la chance que l'École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) y soit implantée. Son bâtiment est magnifique, mais un peu vétuste. Quels sont vos projets pour la moderniser, et selon quel calendrier ?

Quels critères géographiques, démographiques ou liés à la délinquance seront retenus pour la répartition des 200 brigades ?

Le matériel militaire qui circule en Ukraine risque d'être utilisé par la délinquance et les réseaux mafieux, voire pour de la déstabilisation : comment analysez-vous cette menace et comment comptez-vous y répondre ? De tels problèmes avaient déjà été rencontrés en Yougoslavie.

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La gendarmerie intervient efficacement en zone rurale, mais aussi en zone urbaine. À Marseille, sont ainsi implantés la caserne Beauvau et l'État-major à la Timone.

Le rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) fait état d'un taux de divorce particulièrement élevé dans la gendarmerie, à 62 % en 2020, contre 42 % en 2019, et 47 % en 2020 dans l'armée de terre, la marine et l'armée de l'air et de l'espace. Est-ce lié à un problème de condition militaire, et peut-être de conditions de logement ? Quelle est votre analyse à cet égard ?

La garde républicaine équestre détachée à Marseille permet de sécuriser le littoral, notamment les calanques et les alentours de la prison des Baumettes. Ce détachement est-il pérenne ? Est-il envisagé de le développer ?

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Les criminels sont de plus en plus spécialisés, dans différents domaines (infractions à l'environnement, cyberattaques, trafics d'art, etc.). Pour y répondre, spécialisez-vous vous-mêmes vos unités dans les départements, ou centralisez-vous des unités spécialisées avant de les répartir dans les territoires ?

Le centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (CREC) travaille actuellement sur les soldats augmentés, les véhicules autonomes, les drones, les communications, etc. Quelles sont les priorités du centre de recherche de l'école des officiers de la gendarmerie nationale (CREOGN) pour les gendarmes en France dans les cinq à dix ans à venir ?

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Général d'armée Christian Rodriguez

Monsieur Warsmann, vos travaux législatifs ont été salutaires, mais tout n'est pas complètement aligné. Un problème de formation des enquêteurs, mais aussi des magistrats, se pose à cet égard. Les saisies progressent néanmoins chaque année. Je rêve que nous puissions en dresser un catalogue, au sein duquel nous pourrions commander ce qui répond à nos besoins. Un garde républicain m'avait ainsi fait la demande d'un tracteur saisi : j'ai pu le lui fournir en un mois. Je pense comme vous que c'est ainsi que la gendarmerie « fait mal » aux truands. Aujourd'hui, 1 100 à 1 200 véhicules saisis sont déjà conduits par des gendarmes, et je souhaite intéresser les régions de gendarmerie à aller plus loin en ce sens.

Le photovoltaïque suppose un investissement de départ. Or, l'administration a du mal à investir, et nous manquons de budget pour entretenir correctement notre patrimoine domanial. Il est plus simple de payer un loyer aux collectivités lorsqu'elles se chargent des constructions. Néanmoins, le photovoltaïque fait partie des moyens d'économies d'énergie envisagés en conséquence de la guerre en Ukraine.

Aucune difficulté de recrutement des gendarmes adjoints volontaires en sortie d'école ne m'a été remontée. Les effectifs théoriques définis sont pourvus. Il est cependant difficile d'anticiper les départs. Le taux de chômage étant plutôt bas actuellement, les gendarmes adjoints volontaires souhaiteront probablement davantage devenir des gendarmes, et partiront sans doute moins avant la fin des six ans que par le passé. Aujourd'hui, un candidat sur trois est sélectionné au concours de gendarme adjoint volontaire, contre un sur six à sept pour le concours de sous-officier. Ce taux de sélection est satisfaisant. Il pourrait être amélioré, mais les gendarmes adjoints volontaires constituent déjà ainsi une bonne part du recrutement des gendarmes d'active.

Réaliser des statistiques actuellement en matière de sécurité routière est difficile, car seules des années atypiques viennent de s'écouler. De plus, les statistiques de décès actuelles concernent des accidents survenus en 2021. Même si le nombre de personnes au volant a diminué durant la crise sanitaire, la dangerosité des comportements au volant a augmenté. La gendarmerie ne relâche pas ses efforts dans ce domaine. La déléguée interministérielle à la sécurité routière est très volontaire également. La généralisation de l'installation de boîtes noires sur les nouveaux véhicules devrait dissuader les comportements à risque. La prévention ne suffit malheureusement pas, et il faut continuer à déployer des gendarmes sur les axes les plus dangereux.

Le SAELSI, désormais nommé « service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'intérieur » (SAILMI), comprend des gendarmes et des policiers, mais ne dépend plus des directeurs généraux de la police nationale (DGPN) et de la gendarmerie nationale (DGGN), mais du secrétaire général du ministère, ce qui fonctionne plutôt bien cependant.

Il faut 5 à 6 ans pour construire une brigade. Dans l'attente, les 200 brigades seront créées de manière très souple, dès 2023. Il suffira que les mairies leur fournissent des bureaux. Des logements et garages pourront ensuite être loués, le temps d'entreprendre les constructions. Nous savons « bricoler » de cette manière, avec l'aide des élus.

La répartition des créations de postes entre la police et la gendarmerie ne dépend ni du DGPN ni du DGGN, qui décident seulement de la répartition des postes qui leur sont octroyés. Nous disposons à cet égard d'un outil indiquant quelles zones sont en sous-effectifs. En Bretagne, par exemple, la croissance de la population a été plus importante que celle des effectifs de gendarmerie, ce qu'il faudra réussir à rattraper.

Le taux de suicide dans la gendarmerie correspond à celui de la moyenne nationale alors que chaque gendarme dispose d'une arme à son domicile, ce qui ne doit cependant pas occulter le fait que chaque suicide constitue un échec. Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour les prévenir. Avoir logé les gendarmes avec leurs familles dans les casernes facilite la détection des signaux faibles par les camarades, les chefs, les psychologues, les médecins militaires et la concertation, composée de gendarmes élus pour représenter les gendarmes. Nous faisons en sorte que toutes ces personnes se parlent, malgré le secret médical, pour alerter sur les gendarmes qui se sentiraient moins bien. Intégrer à un algorithme tous les cas de passage à l'acte a également permis de leur trouver des déclencheurs inattendus. Les notes attribuées aux gendarmes notamment, qui sont subjectives et peu utiles, seront supprimées en conséquence de cette enquête.

Une décision juridique a été prise concernant l'application de la directive temps de travail (DTT) à la gendarmerie départementale, malgré son statut militaire. Nous l'appliquons. Le repos est indispensable notamment pour prévenir les risques psychosociaux. L'État-major a quant à lui toujours appliqué la DTT, sauf exception. Toutefois, il comprend de moins en moins de gendarmes, et de plus en plus de personnels civils ou du corps de soutien.

Par ailleurs, la DTT prévoit 24 heures de repos par semaine et 4 semaines de vacances par an, tandis qu'un gendarme dispose de 48 heures de repos par semaine et 9 semaines de vacances par an. Les gendarmes peuvent toutefois se reposer moins de 48 heures par semaine en cas d'enquête importante à mener (comme dans le cas des incendies récents), mais pas toutes les semaines. Aller plus loin supposerait de revenir sur le statut militaire des gendarmes pour en faire des policiers. Pour conserver les capacités de montée rapide en puissance de la gendarmerie tout en appliquant strictement l'ensemble des mesures de temps de travail, nous avons calculé qu'il faudrait 40 000 gendarmes supplémentaires.

L'EOGN évolue. Ses pôles ont été réorganisés. Le coût de sa rénovation a été évalué à 224 millions d'euros, dont 52,2 millions d'euros de crédits de paiement entre 2023 et 2027. Une première enveloppe de 23,7 millions d'euros nous a été accordée à la faveur du Beauvau de la sécurité. Sont notamment prévus prochainement un stand de tir mutualisable, un parcours de stress, un stade, un gymnase et différentes simulations destinées à soutenir l'enseignement.

Lors d'un déplacement dans le Tarn, le Président de la République a indiqué que la répartition et la typologie des 200 brigades seraient décidées en concertation entre les élus locaux et les préfets, ce qui me paraît la meilleure méthode. Je dois en parler cette semaine avec le ministre. La gendarmerie ne décidera pas, elle précisera seulement les flux actuels de circulation de la délinquance, et les types de brigades disponibles (qui sont extrêmement divers).

La distribution très large d'armes en Ukraine actuellement pose en effet problème. La directrice d'Europol m'a ainsi indiqué que des passages d'armes par des délinquants avaient très rapidement été détectés en Pologne. La frontière ukrainienne est toutefois très surveillée par l'ensemble des pays, et un suivi est réalisé sur place. J'ai encore abordé cette question hier avec le directeur de la police lettone. Il est difficile par exemple de faire passer des lance-roquettes discrètement.

Je découvre cette augmentation du taux de divorce de 42 % à 62 % en 2020, que je suis incapable d'analyser immédiatement. Je l'examinerai, et je vous ferai un retour.

Le détachement d'une garde républicaine équestre à Marseille est définitif, sauf si les élus estiment n'en avoir plus besoin. Je suis même prêt à examiner d'autres demandes et à y répondre. Je souhaite augmenter le nombre de nos postes à cheval. Un nouveau sera créé à Deauville cet été. Dans le Grand-Est, nous créons un tel poste au moment des vendanges. Au milieu des vignes, ces brigades peuvent voir loin et sont très dissuasives. Elles sont très utiles également pour les incendies. Elles permettent aussi de faire évoluer les carrières des cavaliers.

La spécialisation de la délinquance est un vrai problème. Nous y avons répondu par la création d'offices supranationaux, couvrant la police comme la gendarmerie, et qui répondent chacun à un contentieux. Or, les truands pratiquent de plus en plus plusieurs types de trafics simultanément. Ma conviction est donc qu'il faut davantage croiser les compétences, pour disposer d'unités capables de faire du cyber, comme de traquer le blanchiment d'argent, même de la drogue, en blockchain et en cryptomonnaie. Cela suppose une évolution de la doctrine.

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Général d'armée Christian Rodriguez

Nous avons des moyens. La question est plutôt celle des priorisations. Il faut notamment réduire au maximum les tâches que nous réalisons sans réelle plus-value.

Nous commençons seulement à faire travailler le CREOGN de Melun sur les questions d'innovation liées notamment aux objets connectés, qui multiplieront les données de masse à traiter dans le cadre des enquêtes judiciaires. Un Observatoire des objets connectés a ainsi été mis en place, regroupant des officiers scientifiques et ingénieurs qui coopèrent avec l'ensemble des organismes et des universités travaillant sur ces sujets, pour définir notamment les formations à prioriser pour nos cadres. Les axes de recherche du CREOGN vous seront transmis. J'ai nommé un scientifique pour le diriger il y a un an et demi.

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Le dernier rapport de l'IGGN inquiète pour la sécurité de nos gendarmes : « en 2021, les gendarmes ont subi 4 160 agressions physiques. Aucune n'a heureusement eu d'issue fatale, mais 1 883 gendarmes ont été blessés. Sur les dix dernières années, les agressions perpétrées contre les gendarmes ont progressé de 110 %, les agressions avec armes de 323 %, et le nombre de gendarmes blessés de 40 % ».

Traiter cet « ensauvagement » de notre société doit être une priorité pour nous tous. Quel est selon vous le plan d'action à mettre en place pour diminuer les violences contre nos gendarmes ?

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Le DGE a été bâti autour de la DTT, qui est en cours de révision. Dans le Beaujolais, où je suis députée, les gendarmes ont su s'adapter, en proposant à leurs hiérarchies de nouvelles formes d'organisation, qui ont été acceptées, ce dont je vous remercie. Le problème du taux d'usure des voitures, dans des territoires très étendus, reste cependant à traiter dans le DGE. Par ailleurs, il manque des PAX dans les brigades actuellement.

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Ces dernières années, les menaces terroristes et la crise sanitaire qui dure ont entraîné une surmobilisation des réservistes opérationnels de la gendarmerie nationale, qui doivent assumer également leurs missions habituelles de renfort aux services d'ordre et de sécurité. Estimez-vous que les effectifs et les budgets alloués à la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, ainsi que le temps consacré par les réservistes à ces activités (de 30 jours par an maximum) sont suffisants ? Dans le cas contraire, comment les augmenter ?

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Le Tour de France nécessite un dispositif de sécurité hors norme. Pourriez-vous nous dresser un bilan des moyens déployés durant les trois semaines du Tour 2022 ?

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Plusieurs brigades ont fermé ces dernières années dans le Jura, département très rural. L'annonce de la création de 200 brigades a donc suscité un immense espoir. Les députés doivent être associés à la concertation sur la répartition de ces brigades.

Le modèle présenté d'une gendarmerie de proximité, et qui utilise des chevaux, est intéressant pour la ruralité.

Le Jura est un département qui trie des déchets depuis longtemps, ce qui, avec la pénurie de matériaux actuelle, attire les convoitises de la nouvelle délinquance dont vous avez parlé. Or, seuls les déchets dangereux, et non les déchets courants, disposent d'une traçabilité effective. Pensez-vous qu'il faudrait faire évoluer la législation à cet égard ?

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La digitalisation de la gendarmerie nationale permet de lutter contre la criminalité numérique, mais aussi de déployer des programmes comme NéoGend, par lequel des terminaux numériques sont fournis à tous les personnels d'active, civiques ou militaires, afin qu'ils restent connectés à l'administration centrale et à ses outils. Bien que les systèmes d'exploitation de la solution NéoGend aient été fournis et mis à niveau par l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), la sécurisation de ces dispositifs constitue encore un enjeu majeur, à plus forte raison à un an de la Coupe du monde de rugby et deux ans des Jeux olympiques de Paris 2024. Comment la garantir pour éviter notamment toute fuite de données ou cyberattaque susceptible de porter atteinte à la sécurité des sportifs et spectateurs présents à ces occasions ?

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Ma circonscription s'étend sur 128 kilomètres du nord au sud, et comprend 350 communes. Les maires et les commerçants n'y sont donc plus visités par les gendarmes depuis longtemps. De plus, trois brigades y ont été fermées ces dernières années, et la fermeture d'une quatrième est évoquée. Elles ont été regroupées en une « communauté de brigades », qui devait comprendre 24 gendarmes, un sous-officier et un lieutenant. Seul un adjudant-chef est finalement venu, parce qu'apparemment les officiers peuvent choisir leurs affectations. Cette communauté de brigades couvre 42 kilomètres, et il lui faut généralement une heure pour intervenir. Nous nous y sommes habitués.

Par ailleurs, l'État, les communes et les départements ne souhaitent plus construire de gendarmeries depuis longtemps. Il faut désormais s'adresser à des offices HLM, ce qui pose de nombreux problèmes. J'espère néanmoins que vous pourrez en faire construire.

Si malgré tout une nouvelle brigade est inaugurée dans ma circonscription, je souhaite que vous veniez l'inaugurer.

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Quel bilan tirez-vous de l'expérimentation GEND 20.24 lancée sur la base de l'intelligence artificielle ?

Je vous remercie pour la proximité de la gendarmerie avec les élus que vous avez organisée. Les concertations avec les maires sont désormais fréquentes, et de nombreux maires y ont en effet regretté que les brigades aient été regroupées sur des espaces tels que les interventions prennent 40 minutes.

Auriez-vous des recommandations à émettre sur le plan législatif concernant la sécurité routière ? Devons-nous par exemple modifier la loi sur les saisies de véhicules ?

Enfin, savez-vous quel budget serait nécessaire pour remettre toutes les gendarmeries dans un état acceptable ?

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Dans les Pyrénées Atlantiques, les gendarmes font part d'un manque de dotation immobilière.

Par ailleurs, si la vocation à devenir gendarme reste répandue, les candidatures pour devenir officier de police judiciaire semblent peu nombreuses. Partagez-vous ce constat, et comment y remédier ?

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Général d'armée Christian Rodriguez

Le rapport de l'IGGN fait en effet état d'une augmentation des agressions sur les gendarmes. J'en conclus à un besoin de mieux former les gendarmes pour mieux y répondre, et pour davantage faire retomber l'agressivité des personnes concernées. De plus en plus de négociateurs sont formés et engagés à cette fin. Ils y ont également formé les maires. Ce sont souvent les négociateurs qui parviennent à faire se rendre les forcenés, sans que personne ne soit blessé.

La gendarmerie doit aussi contribuer à mieux accompagner les jeunes, par exemple en acceptant de prendre davantage de cadets en stage, ou en faisant l'effort d'aller au contact des jeunes, avec les associations, même là où c'est plus difficile. Un problème d'augmentation de la fragilité psychologique, qui devrait encore s'aggraver l'année prochaine, se pose également. Je n'ai pas de solution à cet égard, hormis apprendre aux gendarmes comment maîtriser quelqu'un en limitant les risques pour lui comme pour eux.

Le DGE a été mal compris. Il n'est pas lié à la DTT, mais vise à réduire le nombre de patrouilles de nuit là où elles ne sont pas requises. Pour éviter de mettre 40 minutes à intervenir, les voitures doivent être situées là où les risques sont réels, car il n'est pas possible d'occuper 95 % du territoire à 100 000 gendarmes. En cas de problème à un endroit où il était peu probable, il faudra réveiller les gendarmes locaux pour qu'ils interviennent.

J'examinerai la situation des effectifs dans le Rhône, et je déterminerai plus généralement quels départements sont en sous-effectifs, afin de vous en faire part, Monsieur le président, et de procéder aux corrections requises. Comme je l'expliquais, la situation devrait être rétablie au 1er septembre.

Une fois porté à 50 000, le nombre des réservistes devrait être suffisant : le nombre de réservistes employés par jour pourra ainsi être porté de 3 000 actuellement à 4 000 ou 5 000. Par ailleurs, les réservistes peuvent être employés jusqu'à 180 jours par an (et même au-delà pour certains), et non seulement 30, en fonction de leur disponibilité. Les étudiants notamment nous consacrent beaucoup de temps durant leurs vacances.

Le dispositif de protection du Tour de France a été adapté au fil des années, en lien avec Amaury Sport Organisation (ASO), avec qui nous entretenons d'excellentes relations. Le GIGN a été intégré à ce dispositif, avec un hélicoptère et un véhicule qui suivent la caravane en permanence, pour prévenir les risques terroristes. Le fait que 4 à 5 personnes se placent cette année au milieu de la route pour faire passer un message a constitué un phénomène nouveau, qui risque de se reproduire. Nous avons réussi à éviter un blocage du Tour par deux fois, mais il a eu lieu une autre fois, même s'il n'a finalement duré que 15 minutes. Le nombre de kilomètres à couvrir empêche de placer un gendarme tous les 50 mètres. Heureusement, l'immense majorité des spectateurs du Tour sont extrêmement respectueux.

Les députés seront très probablement intégrés à la concertation très large sur la répartition des brigades qui sera pilotée par les préfets, et qui les concernera au premier chef.

Je n'avais pas encore réfléchi à la traçabilité des déchets. Nous traçons pour l'instant les entreprises émettrices, mais je note cette idée. Je travaille actuellement à la création d'une gendarmerie verte, que j'ai proposée à Gérald Darmanin.

J'ai mis fin à la fermeture des brigades il y a six mois. À l'origine, elles avaient été créées en fonction des capacités de déplacement des chevaux par jour, et certaines n'étaient distantes que de dix kilomètres. En Corse, une brigade n'était ainsi tenue que par deux gendarmes : c'était souvent le conjoint d'un gendarme qui tenait la radio. C'est ce qui a conduit à créer des comités de brigades, mais il y a très longtemps : j'étais alors capitaine. Aujourd'hui, nous devons en effet resserrer parfois le maillage à nouveau.

Le manque de lieutenants pour honorer les postes ouverts tient au fait que les sous-officiers ne sont pas nombreux à aller chercher le grade de lieutenant. Les postes d'officiers vacants seront donc transformés en postes de sous-officiers, car l'essentiel tient, non au grade, mais aux compétences, qui sont les mêmes entre un major et un major qui vient de passer lieutenant. J'examinerai la situation dans la quatrième circonscription de Côte-d'Or, et je serai heureux d'y inaugurer une brigade.

Nous avons commencé à tirer quelques bilans d'ensemble de GEND 20.24, mais sans entrer dans le détail. Il a par exemple permis d'augmenter de 1 127 800 heures la présence des gendarmes en sécurité du quotidien. 54 projets ont été engagés, soit 60 % des projets envisagés. 110 000 actions de sensibilisation sur les cybermenaces ont été menées auprès de seniors, 190 000 auprès de commerçants et artisans. 47 000 entreprises, 5 500 établissements de santé et 20 000 collectivités territoriales ont également été sensibilisés sur les cybermenaces.

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Le temps d'intervention des brigades a-t-il été amélioré ?

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Général d'armée Christian Rodriguez

Je me renseignerai pour vous apporter une réponse précise. Là où le DGE fonctionne bien, par exemple en Isère (où il a d'abord été mis en œuvre, avant d'être généralisé), limiter au nécessaire le travail des gendarmes de nuit a permis de libérer 40 ETPT pour travailler de jour. Les algorithmes ont ainsi été utilisés pour générer de la présence physique.

Des brigades interdépartementales ont été créées également, pour systématiquement engager les brigades les plus proches, plutôt que celles situées dans le même département.

Je réfléchirai à la question que vous me posez concernant la sécurité routière, et je vous y répondrai ultérieurement. Je crois beaucoup aux radars embarqués dans des véhicules conduits par des personnes qui ne sont ni gendarmes ni policiers. Cela permet d'augmenter le nombre de mesures réalisées et de les rendre invisibles, ce qui devrait davantage inciter au respect des limitations de vitesse.

En matière immobilière, une ancienne étude avait montré que 300 millions d'euros par an seraient nécessaires pour entretenir notre patrimoine domanial. Une autre solution consisterait à passer du domanial au locatif, mais cela rigidifierait les budgets. Les collectivités ne sont pas réticentes à construire des casernes, car il leur suffit généralement de neuf ans pour rentrer dans leurs frais, et cela apporte des familles supplémentaires sur leur territoire. Lorsque les taux étaient presque négatifs, une foncière d'État aurait pu être intéressante. Nous avions commencé à y travailler avec M. Jolivet, mais cela n'a malheureusement pas abouti.

Un problème de recrutement d'officiers de police judiciaire se pose dans la police, mais pas dans la gendarmerie, où ils sont presque trois fois plus nombreux que dans la police. De plus, les nouvelles grilles indiciaires devraient encore inciter les personnels à monter en grade.

Les spécialistes en affaires immobilières sont rares et très recherchés, notamment par le privé. Nous avons plus de mal à les conserver que les « geeks ».

J'invite enfin les députés qui s'intéressent comme moi aux questions de cybersécurité à visiter notre service de la transformation.

La séance est levée à treize heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Christophe Bex, M. Frédéric Boccaletti, M. Benoît Bordat, M. Hubert Brigand, M. Vincent Bru, Mme Danielle Brulebois, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Emmanuel Fernandes, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Stéphanie Galzy, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Anne Le Hénanff, Mme Delphine Lingemann, Mme Alexandra Martin, Mme Michèle Martinez, Mme Lysiane Métayer, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Valérie Rabault, M. Julien Rancoule, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Mikaele Seo, Mme Nathalie Serre, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Mélanie Thomin, Mme Corinne Vignon

Excusés. - M. Xavier Batut, M. Julien Bayou, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Martine Etienne, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. David Habib, M. Bastien Lachaud, M. Olivier Marleix, Mme Pascale Martin, M. Fabien Roussel, Mme Isabelle Santiago

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann