La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer.

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L'ordre du jour de cette réunion de la commission d'évaluation des politiques publiques appelle l'examen des missions Administration générale et territoriale de l'État, Immigration, asile et intégration et Sécurités.

Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, je vous laisse présenter l'exécution budgétaire de l'ensemble de ces missions.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Très attaché à la nécessité de justifier l'emploi des crédits alloués par les représentants du peuple, c'est très volontiers que j'ai répondu à l'aimable invitation de votre commission pour présenter un budget important pour notre pays sur le plan tant symbolique que financier, rassemblant à la fois les crédits alloués pour l'exercice précédent et ceux qui ont été obtenus au titre de la dernière loi de programmation du ministère de l'intérieur.

Je salue à nouveau la mémoire des quatre policiers, des neuf gendarmes et des douze pompiers décédés en service en 2022 en accomplissant leur devoir, et j'ai une pensée pour les trois policiers du Nord décédés dimanche. Vous savez que si les crédits que vous allouez au ministère de l'intérieur sont destinés à la protection des Français, ce ministère est celui qui déplore le plus grand nombre de disparitions parmi ses agents publics. C'est une réalité que nous avons tous présente à l'esprit en évoquant le travail important et difficile de ces agents.

En 2022, le taux de consommation des crédits a été très élevé : 99 %, dans un contexte très soutenu pour le ministère de l'intérieur, ce qui signifie que l'argent que vous lui octroyez est bien utilisé, du moins au sens comptable du terme. Il n'y a eu ni sous-utilisation, ni surutilisation : 22,3 milliards d'euros ont été inscrits en autorisations d'engagement et 21,3 milliards d'euros en crédits de paiement ont été dépensés. Nous avons amélioré cette exécution malgré les nombreux aléas opérationnels que nous avons connus.

La sécurité civile a dû faire face à des feux de forêts sans précédent, avec 72 000 hectares brûlés. La mission Immigration, asile et intégration a assuré sans crédits nouveaux la prise en charge, qui n'avait pas été prévue dans la discussion budgétaire, de plus de 100 000 personnes déplacées d'Ukraine. Quant à l'immigration irrégulière elle a augmenté dans des proportions supérieures aux prévisions, avec une progression de 33 % des demandes d'asile par rapport à 2021. Une partie de la dépense du ministère de l'intérieur en la matière est rendue obligatoire du fait du versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et des décisions du Conseil d'État. L'action de mon ministère a également rencontré en 2022 des difficultés opérationnelles, notamment du fait de l'organisation des élections.

Comme cela a été le cas pour toutes les missions, l'année 2022 a également été marquée par des tensions liées à l'inflation, bien que cette dernière ait été maîtrisée. Il est au demeurant un peu plus facile d'y faire face au ministère de l'intérieur que dans d'autres, car une part importante de la masse budgétaire est consacrée aux ressources humaines et, de ce fait, plus sensible à l'augmentation du point d'indice qu'à l'inflation. La discussion sur les dépenses hors titre 2 (T2) est donc réduite, mais nous avons pu, en dépit de l'inflation, travailler en matière d'habillement, de matériel de protection et d'achats de véhicules, dont les plans de relance avaient souligné l'importance.

Nous avons également poursuivi la programmation de la rénovation immobilière. En effet, l'un des problèmes structurels du ministère de l'intérieur, depuis quarante ans, tient au fait que, tandis que la masse budgétaire relevant du T2 – liée aux recrutements ou aux indemnités, primes et prestations allouées aux policiers, gendarmes et autres agents de préfecture – connaît une augmentation continue, la masse hors T2 ne suit pas le même rythme, ce qui explique l'état de dégradation des casernes de gendarmerie, les difficultés des commissariats et le fait que nombre de préfectures n'aient pas effectué leur transition énergétique.

Nous avons commencé à remédier à cette situation dès mon arrivée au ministère et, pour la première fois, la croissance des crédits hors T2 est supérieure à celles des crédits en T2. Toutefois, de nombreux exercices budgétaires seront nécessaires – notamment dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) – pour rattraper ce retard. Je proposerai, en répondant à vos questions, des pistes d'amélioration profonde du fonctionnement des crédits hors T2 sans augmentation budgétaire.

En 2021 et 2022, nous avons rénové plus de 700 commissariats et brigades de gendarmerie, ce qui est sans précédent pour le ministère de l'intérieur. Certaines de ces opérations ont un caractère très symbolique, comme le nouvel hôtel des polices de Nice ou celui de Valenciennes, une opération attendue depuis plus de soixante ans et qui faisait l'objet d'une demande récurrente des élus. C'est aussi le cas de la réhabilitation des logements des gendarmes à Drancy ou de la caserne Hetzel à Marseille.

Dès 2022, nous avons commencé à préparer les grands événements qui marqueront les années budgétaires 2023 et 2024 – la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques – en matière de lutte contre les drones, de modernisation des salles de commandement et de cybersécurité.

Dans l'exécution de la mission Immigration, asile et intégration, très contrainte par le contexte international et par les décisions de justice rendues, nous n'avons pas lésiné non plus sur ce qui relève proprement du ministère de l'intérieur et de son action dans la politique de l'intégration. Conformément à la demande du Parlement, nous avons mis en place à la fois le programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (Agir) et l'application France-Visas, qui assure une plus grande efficacité dans la délivrance des visas, ainsi que le programme Administration numérique pour les étrangers en France (Anef), qui permet déjà à ces derniers, dans certains départements, d'obtenir leurs papiers en préfecture en un seul rendez-vous au lieu de trois précédemment.

S'agissant de la transformation numérique du ministère de l'intérieur, engagée depuis trois ans, l'année 2002 a été particulièrement importante. Le ministère de l'intérieur connaît en effet une très forte dette numérique, assez semblable à celle que j'ai connue en arrivant à Bercy, où nous avons engagé la modernisation de l'impôt et instauré l'impôt à la source. Cette dette numérique tenait à la fois à l'organisation même du service numérique du ministère de l'intérieur, à des projets qui n'avaient pas toujours été suivis au niveau approprié et, surtout, à une volonté de chaque service de travailler en silo et non pas en commun, les faisant se perdre parfois dans des dépenses trop importantes pour des résultats peu efficaces à l'échelle du service public.

Nous avons donc réorganisé le numérique au ministère de l'intérieur. Parmi les exemples de notre efficacité et de la bonne utilisation de l'argent public, je citerai le réseau radio du futur, qui substituera à la radio physique des policiers, gendarmes et pompiers une radio numérique accessible directement sur leur téléphone NEO, qui comportera des applications de géolocalisation ou d'image. Les parlementaires qui ont participé au comité de liaison sur la Lopmi ont pu en avoir une démonstration tout à fait convaincante. Je citerai également le système NexSIS, qui révolutionne notamment l'interopérabilité pour les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), et qui nous aurait été bien utile face à la tempête Alex. Quant à l'identité numérique, lancée en 2022, c'est désormais une réalité concrète, comme vous l'avez sans doute vu dans la presse. Elle aussi a été présentée aux parlementaires lors du comité de liaison. Elle permet de traiter d'une manière dématérialisée le permis de conduire et la pièce d'identité, puis, demain, la procuration, qui se fera entièrement en ligne. France-Visas, enfin, que j'ai déjà évoquée, améliore largement l'efficacité du service public dans la délivrance des visas.

J'en viens à la question de la masse salariale et du constat de la Cour des comptes, que j'ai déjà évoquée tout à l'heure dans l'hémicycle lors des questions au Gouvernement. La masse salariale du ministère de l'intérieur est par définition importante, avec 250 000 policiers et gendarmes, une administration territoriale et de nombreuses agences. Nous ne souscrivons pas en totalité au constat de la Cour des comptes, notamment pour ce qui concerne les démissions. En effet, comme nous l'avons du reste indiqué dans notre lettre complémentaire à la Cour, toute une partie des départs s'expliquent par le fait que les personnes concernées ont réussi un autre concours dans la police ou la gendarmerie, puisque nous avons augmenté de 40 % le nombre de places ouvertes, ou alors par des départs en retraite, du fait de la création de la réserve opérationnelle.

Car l'un des grands enjeux auxquels est confronté le ministère de l'intérieur est celui du recrutement : les postes que vous nous avez offerts, combinés avec les effets de la pyramide des âges, permettent désormais au ministère de recruter chaque année plusieurs milliers de personnes : il s'agit de garder un concours dynamique tout en assurant une sélection à la hauteur de ce qu'on attend des policiers et des gendarmes. Je suis heureux de constater que, pour les premiers concours que nous avons lancés avec ces masses plus importantes, le rapport entre le nombre de places offertes et le nombre de candidats est resté globalement stable, ce qui permet d'espérer qu'indépendamment de la formation, la qualité des candidats – souvent jeunes, même si j'ai supprimé la barrière d'âge pour l'accès au concours – est équivalente à celle du recrutement précédent.

Les crédits du ministère de l'intérieur ont donc été exécutés quasiment à l'euro près. Nous devons continuer à résorber la dette hors T2, s'agissant tant d'immobilier que de matériel. C'est également le cas pour la dette numérique, que les crédits de la Lopmi permettront de résorber d'ici à la fin du mandat.

Il faut aussi, bien sûr, gérer le mieux possible une masse salariale très éclatée partout sur le territoire national, en outre-mer, dans de nombreux services très différents, mais aussi à l'étranger, où policiers et gendarmes servent dans le cadre de plusieurs opérations engagées par l'État.

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Nous allons maintenant entendre les rapporteurs spéciaux.

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La mission Administration générale et territoriale de l'État porte les crédits et les emplois du réseau des préfectures, ainsi que ceux d'une grande partie de l'administration centrale du ministère de l'intérieur. Ces crédits ont été exécutés à hauteur de 4,8 milliards d'euros en autorisations de paiement (AE) et 4,6 milliards d'euros et en crédits de paiement (CP), ce qui représente une consommation supérieure de 9 % aux AE votées en loi de finances initiale, et de 5 % pour les CP. Cet écart provient essentiellement de la surexécution des crédits du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur.

Le programme 354 Administration territoriale de l'État est le plus important des programmes de la mission. Avec 2,5 milliards d'euros de dépenses en 2022, l'exécution de ses crédits est conforme à la prévision, malgré des aléas importants, dont le premier est l'accueil d'environ 100 000 réfugiés ukrainiens qui ont fui leur pays envahi par la Russie à partir de la fin du mois de février 2022. Cet événement majeur a nécessité une mobilisation rapide des services des préfectures chargés d'instruire les demandes d'autorisation provisoire de séjour et s'est traduit par un dépassement du sous-plafond d'emplois de près de 100 équivalents temps plein (ETP), financé par un redéploiement au sein du ministère de l'intérieur.

L'autre aléa majeur résulte de la dégradation importante des délais de délivrance des cartes d'identité et des passeports. Les problèmes que cela pose dans la vie quotidienne de nos concitoyens m'ont incité à y consacrer un rapport dans le cadre du Printemps de l'évaluation. J'aurai donc l'occasion tout à l'heure d'évoquer plus précisément cette question.

Je voudrais savoir, monsieur le ministre, quelles sont les grandes orientations à venir en matière de renforcement des effectifs des préfectures. J'ai en effet le souvenir qu'il était question d'un réarmement lors du dernier projet de loi de finances (PLF). C'est là une question que je compte suivre de près pour la commission.

J'en viens maintenant au programme 232 Vie politique, qui a connu une année particulièrement importante, avec les élections présidentielle et législatives ainsi que des élections territoriales dans quatre collectivités d'outre-mer. 489 millions d'euros ont été dépensés, dont 414 pour l'organisation des élections.

Je me réjouis que nous ayons, cette fois, évité le fiasco de la diffusion de la propagande électorale qui avait entaché le double scrutin local de l'année précédente. Je regrette néanmoins que cette défaillance dans la mise sous pli et la distribution des professions de foi lors des élections départementales et régionales n'ait pas été l'occasion de revoir en profondeur ce système un peu désuet. J'ai eu l'occasion d'en débattre lors de l'examen du PLF en commission et ne peux que renouveler mon appel à remettre à plat les règles de diffusion de la propagande électorale. Ne faudrait-il pas les digitaliser, pour ceux qui l'acceptent ? Est-il utile de maintenir la délivrance des bulletins de vote à domicile ? Ne faudrait-il pas supprimer les affiches électorales, que plus grand monde ne vient admirer ?

Pour ce qui concerne le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur, troisième et dernier de la mission, j'observe que l'écart entre la réalisation et la prévision résulte d'importantes dépenses et engagements de dépenses en matière numérique et immobilière. L'apport de 368 millions d'euros du plan de relance en autorisations d'engagement et de 191 millions en crédits de paiement est venu combler cet écart.

J'évoquerai, pour terminer, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui se trouve au cœur d'une actualité brûlante avec le fonds Marianne. Il semblerait en effet qu'une partie des 2,5 millions d'euros de cet appel à projets, censés « promouvoir les valeurs républicaines et combattre les discours séparatistes », ait été détournée de cet objectif. Je rappelle que le parquet national financier a ouvert une information judiciaire sur ce dossier et que le Sénat s'est doté d'une commission d'enquête à ce sujet.

D'une manière générale, comment est contrôlé l'usage des deniers publics dans le cadre du FIPD ? Car c'est finalement là que réside la question, au-delà de la polémique à propos du fonds Marianne. En 2022, 75 millions d'euros ont été dépensés au titre du FIPD, dont 8 millions d'euros provenaient du plan de relance. Il s'agit là essentiellement de subventions versées à des collectivités, mais aussi à des associations. Si je ne me trompe, les appels à projets sont principalement gérés au niveau départemental. J'ose espérer que l'affaire du fonds Marianne n'est qu'une exception.

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Mathieu Lefèvre et moi-même allons vous présenter l'exécution 2022 des crédits de la mission Immigration, asile et intégration, qui regroupe les crédits alloués par l'État aux politiques publiques pilotées par le ministère de l'intérieur en matière de garantie de l'exercice du droit d'asile, de lutte contre l'immigration irrégulière, d'accueil des déplacés d'Ukraine, d'accueil et d'intégration des étrangers primo-arrivants et de procédures de naturalisation.

Ces crédits sont répartis entre le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française et le programme 303 Immigration et asile, le plus important.

L'exécution 2022 se caractérise par des dépenses toujours élevées : les crédits dédiés ont été exécutés à hauteur de 2,265 milliards en autorisations d'engagement et de 2,215 milliards en crédits de paiement, soit des montants supérieurs à ceux ouverts par la loi de finances initiale.

Après deux années marquées par la crise sanitaire, au cours de laquelle les dépenses ont connu une baisse, les crédits exécutés ont subi les conséquences d'une part du conflit en Ukraine, avec l'accueil de personnes déplacées, et d'autre part d'une demande d'asile soutenue.

Le programme 104 a été surexécuté de 45 millions d'euros, hors fonds de concours européens. Son exécution n'appelle pas d'observation particulière, hormis les débuts de la mise en œuvre du programme Agir, conçu pour permettre un accompagnement personnalisé des bénéficiaires d'une protection internationale .

En revanche, le programme 303 dont va vous parler Mathieu Lefèvre concentre l'essentiel des crédits et des questions que nous souhaiterions vous poser.

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Monsieur le ministre, nous souhaitons nous associer à l'hommage que vous avez rendu aux policiers décédés dans le Nord. Au-delà des chiffres que nous évoquons aujourd'hui, il s'agit là de vies humaines.

Le programme 303 soutient le fonctionnement de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), la garantie de l'exercice du droit d'asile et la lutte contre l'immigration irrégulière. En 2022, ce programme a également servi pour la première fois de support à la forte mobilisation du ministère de l'intérieur en faveur de l'accueil de déplacés d'Ukraine. Il a connu, durant cet exercice, une surexécution de 275 millions d'euros, principalement imputable à ce dernier poste, mais aussi au niveau élevé des dépenses en faveur des demandeurs d'asile.

Le coût de l'accueil des déplacés d'Ukraine est estimé à 472 millions, répartis entre 254 millions de dépenses d'hébergement et 218 millions de dépenses d'allocations. Nous saluons à ce titre la remarquable mobilisation du ministère de l'intérieur, mais aussi celle du monde associatif et de la société civile, et la coordination qui a été effectuée.

Le coût de l'accueil des demandeurs d'asile est estimé à un peu plus de 1,2 milliard d'euros, répartis entre 990 millions de dépenses d'hébergement et un peu moins de 300 millions de dépenses d'allocations.

Les crédits soutenant la lutte contre l'immigration irrégulière ont, pour leur part, été sous-exécutés, en raison essentiellement d'un retard indu dans la réalisation d'investissements pour l'aménagement de nouveaux centres de rétention administrative. À l'inverse, et il faut le saluer, les frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ont connu une augmentation significative grâce à votre action volontariste, passant de 21,8 à 31,3 millions d'euros, en crédits de paiement, entre 2021 et 2022. Je salue à cet égard la reprise significative observée au cours de l'année 2022, avec 11 400 éloignements forcés, contre 10 100 en 2021.

Compte tenu de ces éléments, quelles sont, monsieur le ministre, vos prévisions de consommation de l'allocation pour demandeur d'asile, notamment dans son volet relatif aux déplacés d'Ukraine ? Nous confirmez-vous que cette dépense sera financée, comme l'an passé, en interministériel ? Toujours à propos du programme 303, quelles sont vos prévisions de consommation concernant l'action 3 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière ?

Pour ce qui est par ailleurs du programme 104, où en est le déploiement du programme Agir ?

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Monsieur le ministre, permettez-moi de joindre ma voix à l'émotion collective suscitée par le décès tragique de trois policiers à Roubaix. Gardons à l'esprit que ce dont nous traitons aujourd'hui n'est pas seulement une question technique ou budgétaire, mais un domaine où l'humain domine et où le service public, dans ce qu'il a de plus noble, est au service de l'intérêt général.

En tant que rapporteure spéciale, je me réjouis comme vous de constater que l'année 2022 est, en ce qui concerne la mission Sécurités, considérée par la Cour des comptes comme une année à la gestion réussie, ne présentant pas de sous-budgétisation ni de tensions majeures. Les crédits des forces de sécurité intérieure et de la sécurité routière représentaient en 2022 près de 97 % des crédits de paiement exécutés de cette mission. Les dépenses d'investissement n'en ont pas moins progressé de 46 % en crédits de paiement et de 118 % en autorisations d'engagement, grâce à une dotation initiale en hausse sensible de 6,7 % en AE et 4,1 % en CP.

J'ai été pour ma part chargée de trois programmes et du compte d'affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

Les crédits exécutés du programme 152 Gendarmerie nationale connaissent une progression de 440 millions d'euros en CP, soit environ 4,8 %, par rapport à 2021. L'écart par rapport au montant prévu en loi de finances initiale est modéré : 2 % en CP et 0,4 % en AE. Si les dépenses de fonctionnement progressent de 5,1 % en AE et de 13,2 % en CP, la hausse des investissements est bien plus sensible : 71,6 % pour les autorisations d'engagement et 34,4 % pour les crédits de paiement. L'acquisition de véhicules constitue le premier poste d'investissement de la gendarmerie nationale, qui a pu commander 90 véhicules blindés polyvalents et 459 véhicules de maintien de l'ordre. Les opérations immobilières demeurent le deuxième poste d'investissement.

Les analyses de la Cour des comptes appellent toutefois l'attention sur les emplois, qui représentent 85 % des dépenses du programme. Tant les sorties que les entrées ont été, comme en 2021, plus nombreuses que prévu et le schéma d'emploi réalisé est en retrait de 31 ETP, par rapport à une programmation de 154 ETP. Le plafond d'emplois, qui s'élevait à 101 348 équivalents temps plein travaillé (ETPT), a été consommé à hauteur de 99 754. Seraient notamment en cause une concurrence avec les polices municipales et la hausse des détachements vers d'autres administrations. D'importants efforts ont certes été fournis au cours du précédent quinquennat, mais nous devons rester attentifs aux emplois, d'autant que les vacances qui résultent d'une importante rotation du personnel « réduisent le potentiel opérationnel des forces de sécurité intérieure », comme le souligne la Cour des comptes – mais vous êtes très attentif à cette question, comme vous venez de le rappeler.

Estimant que l'attractivité et la fidélisation ne peuvent être assurées par les seules revalorisations indemnitaires, dont l'effectivité apparaît ici limitée, la Cour des comptes insiste sur la nécessité d'une amélioration des conditions de travail des personnels et d'une gestion dynamique des ressources humaines. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer l'état de vos réflexions sur cette question, qui concerne aussi bien la police que la gendarmerie ?

J'en viens précisément au programme 176 Police nationale. Comme l'an dernier, le montant exécuté – en l'occurrence, 12,14 milliards d'euros en AE et 11,8 milliards d'euros en CP – est très proche de la programmation initiale. Les deux principaux postes d'investissement sont, comme pour la gendarmerie mais dans un ordre inversé, l'immobilier et les véhicules. Les emplois représentent 87 % des dépenses du programme et sont marqués, comme pour la gendarmerie, par une légère sous-exécution du plafond d'emplois et du schéma d'emploi.

Pour ce qui concerne la sécurité routière, les crédits de paiement exécutés du programme 207 Sécurité et éducation routières progressent de 22,2 % en CP : c'est autant d'argent consacré à sauver plus de vies sur les routes. S'y ajoutent les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Après deux années marquées par la pandémie de covid-19 et les restrictions de circulation qu'elle a imposées, les recettes d'amendes de la circulation ont progressé de 243 millions d'euros. Du point de vue des dépenses, à la forte sous-exécution de l'année 2021 succède une exécution très proche de la programmation initiale, pour atteindre un montant de près de 1,5 milliard d'euros.

Ce CAS est parfois décrié et sa suppression pure et simple est parfois évoquée. Quelles sont les évolutions qui pourraient amener une simplification ?

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Avec l'intensité de la saison des feux 2022 – terme de moins en moins adapté, au vu de l'extension de la période de risque incendie – les crédits de la sécurité civile ont largement été mis à contribution. Je rappelle que les crédits du programme 161 Sécurité civile, c'est-à-dire les crédits de l'État, ne représentent qu'une petite part des dépenses de sécurité civile, la majorité de ces dépenses étant assumée par les Sdis.

Ainsi, partant de 568 millions prévus en loi de finances initiale, l'exécution du programme a été portée à près de 653 millions, soit une hausse de presque 15 %, due principalement aux feux de forêt dévastateurs que nous avons connus. Il a, en effet, fallu augmenter fortement les dépenses d'entretien des moyens aériens, acheter davantage de produits retardant et mobiliser vingt colonnes de renfort de plus qu'en temps normal. Ces dépenses supplémentaires n'ont pas été assez anticipées par le Gouvernement, comme en témoigne l'ouverture nette de près de 40 millions en loi de finances rectificative ou le dégel total de la réserve de précaution. Et encore le Gouvernement a-t-il pu se reposer sur d'importants reports de crédits de l'année précédente – près de 70 millions – ainsi que sur une sous-exécution substantielle des crédits liés à la lutte contre la pandémie de covid.

Le niveau très élevé de consommation des crédits, à 96,6 %, témoigne par ailleurs d'une absence de marges de manœuvre budgétaires. En 2021 déjà, la Cour des comptes alertait quant à un programme budgétaire particulièrement rigide, alors même que la vocation de ce programme est de gérer des crises, par nature imprévisibles. L'année 2022 est donc un véritable signal d'alarme pour les moyens de notre sécurité civile, qu'il nous faut prendre au sérieux. Vous avez souvent qualifié, Monsieur le ministre, la saison 2022 d'exceptionnelle, qui sortirait de l'ordinaire. Or, du fait du changement climatique, de telles saisons relèveront bien plus désormais de la norme que de l'exception en matière de risque incendie.

Lorsque j'ai visité la base aérienne de la sécurité civile à Nîmes, on m'a d'ailleurs indiqué que l'activité de l'année 2022 avait été intense pour les forces aériennes de la sécurité civile, mais moindre qu'en 2017 ou 2003 par exemple. Cette saison 2022 aurait en outre pu et dû être mieux anticipée. En effet, dès 2010, un rapport interministériel indiquait qu'une augmentation de 30 % des surfaces sensibles se traduirait par une augmentation des coûts d'au moins 20 % d'ici à 2040, et recommandait d'adapter le dimensionnement de la flotte à une extension du risque sur le territoire national.

Si donc je salue vos annonces sur le renouvellement de la flotte de Canadair et des hélicoptères de la sécurité civile, je regrette néanmoins que des efforts d'investissement n'aient pas été réalisés plus tôt et que nous soyons désormais au pied du mur. Les rapporteurs spéciaux qui m'ont précédé avaient pourtant eux aussi alerté sur le vieillissement de la flotte, le surcoût du maintien en condition opérationnelle et le non-respect du contrat opérationnel pour les hélicoptères. Compte tenu des délais de livraison, les moyens aériens de la sécurité civile n'augmenteront pas avant plusieurs années, probablement 2027-2028, et nos forces de sécurité civile devront donc faire face à une extension géographique et à une intensification du risque incendie avec des moyens insuffisants.

L'exécution budgétaire 2022 doit constituer un tournant en matière de budget de la sécurité civile. Nous devons mieux anticiper.

Monsieur le ministre, j'ai plusieurs questions que je n'ai pas pu poser dans le cadre de l'examen du PLF. Au-delà des investissements annoncés, avez-vous prévu d'augmenter le budget général de fonctionnement de la sécurité civile en conséquence ? Pour ce qui est de la flotte aérienne, ne serait-il pas judicieux d'envisager, au-delà du renouvellement des Canadair, l'achat d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau, qui sont régulièrement loués ou réquisitionnés par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises et par de nombreux Sdis ?

Je tiens à saluer le renouvellement de la flotte d'hélicoptères EC145 de la sécurité civile. L'état de détérioration de certaines bases est cependant préoccupant. Un plan d'investissement et de rénovation est-il prévu ?

Je me réjouis que vous ayez avancé sur la question de la rémunération des personnels navigants de la sécurité civile et de l'attractivité de leurs carrières. Allez-vous faire de même pour les techniciens chargés du maintien en condition opérationnelle ? En visitant le groupement d'hélicoptères de la sécurité civile, j'ai été très surpris de constater que, du fait d'un manque de personnel, cinq lignes de visite seulement étaient opérationnelles, alors qu'il en existe six et que les ETP ont été adoptés pour une septième dans le cadre de la Lopmi.

Pour ce qui est, enfin, des indicateurs de performance du programme 161, l'indicateur Efficacité du dispositif de protection des forêts est aujourd'hui caduc, car il se limite aux seuls incendies survenant dans les départements méditerranéens ; celui qui porte sur la disponibilité des moyens aériens est différent pour les avions et les hélicoptères et ne permet pas de distinguer si une indisponibilité résulte d'une surutilisation ou d'une cause mécanique ou accidentelle. Une mise à jour de ces indicateurs, utiles à la représentation nationale, est donc nécessaire.

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L'année 2022, pour ce qui concerne le budget Administration générale et territoriale de l'État, marque le tournant d'une politique qui a peut-être trop insisté pendant quelques années sur la dématérialisation. Il faut remettre des effectifs opérationnels – des humains – au contact des usagères et des usagers pour certaines procédures. Il est question avec ce budget des préfectures et sous-préfectures, mais aussi des services de délivrance des cartes grises et autres procédures dématérialisées par exemple.

Or l'exécution 2022 du programme 354 fait apparaître une très faible augmentation du nombre d'ETPT, qui traduit en réalité des effectifs supplémentaires dégagés sous forme de vacations et de contrats à durée déterminée pour faire face à des pics d'activité. Cette situation, signalée dans le rapport annuel de performance, était déjà décriée par la Cour des comptes, qui dénonçait un recours excessif aux contrats infra-annuels, augmentant de fait le coût global de fonctionnement du ministère sans fournir pour autant la qualité de service qu'assuraient précédemment des fonctionnaires titulaires dans les différentes administrations.

La promesse nous avait été faite lors du vote du budget 2022 que c'en était fini de cette situation, qu'il y aurait enfin des effectifs supplémentaires en 2023. Or, l'exécution 2022 ne montre aucun changement de trajectoire. Monsieur le ministre, peut-on espérer qu'un jour les usagers seront au contact d'êtres humains pour accomplir leurs démarches administratives ?

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J'ai lu dans la presse que la Première ministre entendait demander aux ministères de réduire leurs dépenses de 5 %, mais j'ai cru comprendre que telle n'était pas votre intention. Pouvez-vous nous apporter un éclaircissement à ce sujet ?

S'agissant des incendies, je crains que 2022 ne constitue pas une exception. Nous devrons certainement faire face, à l'avenir, à des feux dans des départements qui n'en imaginaient même pas l'hypothèse. Les moyens de la sécurité civile seront donc essentiels, sans même parler des autres catastrophes qui peuvent survenir, à l'image des orages très violents qui ont frappé la Corse en août dernier. Quels financements sont prévus pour réparer les dégâts causés par ces phénomènes ?

Vous avez annoncé que les étrangers pourraient effectuer leurs démarches grâce à un seul rendez-vous en préfecture. J'attends de voir. En Seine-Saint-Denis, bien que des efforts aient été engagés, il faut attendre encore très longtemps pour obtenir un rendez-vous, ce qui peut avoir pour conséquence de placer les intéressés dans l'illégalité. C'est l'une des préoccupations majeures des personnes qui viennent me voir dans ma circonscription. Ne devrait-il pas y avoir une sorte d'obligation de résultat de l'État ? Autrement dit, si aucun rendez-vous n'est proposé au-delà d'une certaine date, la demande recevrait un avis positif. La situation devient en effet insupportable.

On nous a parlé de Jeux olympiques solidaires, écologiques et ouverts à tous. Or ce qu'on constate surtout, c'est un ample déploiement sécuritaire. Que penser du fait que certaines populations de Seine-Saint-Denis, et surtout les jeunes, sont quasiment ciblés à l'avance comme pouvant être des fauteurs de troubles alors que, théoriquement, les Jeux devraient leur être ouverts ? Je m'interroge aussi sur le coût du dispositif prévu pour la cérémonie d'ouverture. Ne voit-on pas trop grand, eu égard aux moyens humains mobilisables ? Ne pourrait-on pas trouver un compromis ?

Enfin, entre 2000 et 2020, le nombre d'étrangers en France a augmenté de 36 %, soit moitié moins que la moyenne européenne. Le principal enjeu, en la matière, est, à mon sens, celui de l'accueil. En 2022, les études ont représenté le premier motif d'attribution d'un titre de séjour, loin devant le travail et les raisons humanitaires. L'immigration au titre du regroupement familial est très minoritaire. Très souvent, les intéressés qui cherchent un hébergement, y compris les demandeurs d'asile, ne peuvent s'en remettre qu'aux associations et aux citoyens. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait augmenter les moyens de l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration), de l'Ofpra, des Cada (centres d'accueil pour demandeurs d'asile), des centres d'hébergement d'urgence, bref de toutes les structures permettant un accueil digne de ce nom, même si je conçois que cela ne peut pas reposer sur votre seul ministère ?

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Je salue les fonctionnaires qui œuvrent à notre sécurité quotidienne, avec une pensée particulière pour les trois policiers qui ont été tués cette semaine.

S'agissant de la mission Administration générale et territoriale de l'État, le plafond des ETP a été légèrement dépassé en 2022 par rapport à ce qui était prévu, en particulier pour assurer l'accueil des réfugiés ukrainiens et réduire les délais de délivrance des titres d'identité. On peut se féliciter que l'État ait cette souplesse. Monsieur le ministre, vous aviez défini comme objectif stratégique le renforcement des effectifs des sous-préfectures et des préfectures. Cette tendance est-elle déjà perceptible dans les chiffres de 2022 ? Quelles sont vos prévisions pour les prochaines années ? Entendez-vous continuer à renforcer les services déconcentrés de l'État ?

L'exécution de la mission Immigration, asile et intégration a été également supérieure à ce qui était prévu, dans un contexte marqué par la hausse des demandes d'asile et par la guerre en Ukraine. Les programmes 104 Intégration et accès à la nationalité française et 303 Immigration et asile ont connu une surexécution respective de 45 et de 277 millions. Malgré ce phénomène, que l'on comprend, la Cour des comptes a considéré que les pouvoirs publics ont bien réagi face à la situation ukrainienne et que l'exécution de la mission était sincère. Quelles dépenses prévoyez-vous en 2023 en comparaison des efforts exceptionnels accomplis l'année dernière ?

Concernant le programme 161 Sécurité civile, vous vous êtes adaptés à un certain nombre de risques qui, par définition, n'étaient pas prévus en début d'année. Les deux lois de finances rectificatives ont porté les crédits à près de 800 millions, ce qui s'est traduit par l'acquisition de nouveaux avions et hélicoptères. Face aux conséquences du réchauffement climatique, qui provoque une intensification des saisons de feux un peu partout en France, l'État répond présent. La loi de finances pour 2023 prévoit une hausse historique du pacte capacitaire, abondé de 150 millions. Pouvez-vous détailler cet effort, que je salue, en faveur des Sdis ?

S'agissant de la mission Sécurités, la Cour des comptes a souligné que la gestion de 2022 a été réussie. Elle ne s'est caractérisée par aucune sous-budgétisation ni tension majeure. Le taux d'exécution des programmes s'est élevé à 99,7 %, ce qui est assez remarquable. Cela s'est traduit par 21,44 milliards d'euros de crédits de paiement pour la police et la gendarmerie nationales. Et cela s'est vu ! Les policiers et les gendarmes sont nombreux à témoigner des changements quant à leur équipement par exemple, ou leurs véhicules. Il faut toutefois être attentif à l'effet d'éviction qui peut survenir entre les frais de personnel, d'une part, et les dépenses d'investissement d'autre part, ces dernières augmentant plus vite car elles sont affectées par l'inflation due à la forte tension pesant sur les matériaux. Comment avez-vous géré ce phénomène en 2022 ? Quelles sont vos prévisions pour 2023 ?

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Je m'associe évidemment à l'hommage rendu à Paul, Manon et Steven, les trois policiers de Roubaix décédés il y a deux jours à la suite de l'accident provoqué par un chauffard qui, compte tenu de son état, n'aurait jamais dû prendre le volant.

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Gérald Darmanin, ministre

Plusieurs d'entre vous ont relevé que les crédits inscrits en début d'année ne correspondaient pas toujours aux dépenses effectuées au cours de l'année budgétaire. C'est vrai pour tous les ministères, mais particulièrement pour celui de l'intérieur, qui gère des crises dans les domaines de la sécurité, de la sécurité civile ou encore de l'accueil des étrangers – domaines dans lesquels il est par définition difficile d'anticiper. Nous avions néanmoins inscrit les crédits budgétaires nécessaires pour faire face aux aléas, comme le montre le taux de consommation de plus de 99 %, et su faire preuve de souplesse dans la conduite des programmes et l'utilisation du budget.

Monsieur le président, s'agissant de la baisse des crédits des ministères de 5 %, et comme je l'ai écrit à la Première ministre, je considère que lorsque les parlementaires viennent de voter à une très large majorité une loi de programmation qui prévoit une augmentation de 15 milliards d'euros des crédits, à la suite d'arbitrages annoncés par le Président de la République voilà deux ans, il n'y a pas lieu de la raboter, sans quoi les lois de programmation ne serviraient pas à grand-chose. C'est autre chose que de demander des efforts sur les crédits inscrits en début d'exercice.

Durant les trois ans de mes fonctions de ministre de l'action et des comptes publics, je n'ai jamais proposé de raboter des lois de programmation, qu'il s'agisse de la loi de programmation militaire, de la loi de programmation de la recherche ou de la loi de programmation et de réforme pour la justice. Ce dernier ministère a connu une sous-consommation des crédits dédiés à la construction de prisons, ce qui n'a rien à voir avec un rabotage.

Comme je l'ai dit à Mme la Première ministre et à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, il me paraît d'encore moins bonne politique de raboter les crédits d'une loi de programmation la première année même de son exécution. Cela serait peu respectueux des parlementaires. Cela étant dit, on peut se demander s'il n'y a pas trop de lois de programmation, lesquelles ont tendance à rigidifier le budget de l'État. J'ajoute qu'un rabotage général n'est jamais une bonne solution budgétaire. En tout état de cause, les ministres en charge des comptes publics opéreront évidemment les traditionnels arbitrages. Je n'ai pas encore entamé les discussions budgétaires avec le ministre de l'économie et des finances, j'ai uniquement répondu à sa lettre.

S'agissant des démarches des étrangers et de l'Anef, monsieur le président, j'espère pouvoir vous rassurer. Les agents de la préfecture et des deux sous-préfectures de la Seine-Saint-Denis effectuent un travail considérable. Les files physiques ont été souvent remplacées par des files numériques, ce qui peut être source de difficultés pour les agents comme pour les demandeurs. Vous avez parfaitement raison, des personnes s'en trouvent parfois en situation irrégulière du fait de l'incurie de l'État, ce qui est évidemment inacceptable. Toutefois, une solution de type « Qui ne dit mot consent » ne serait pas admissible, notamment pour des raisons de sécurité.

J'ai proposé à la Première ministre d'engager une réforme des préfectures, qui peut se faire avec ou sans la loi immigration, dans la mesure où elle ne comporte pas de dispositions législatives. Il me semble que les agents devraient moins être présents pour le traitement des primo-demandes et des renouvellements, et consacrer plus de temps au contrôle des personnes qui soulèvent des problèmes d'ordre public ou qui ne sont pas admis à rester à long terme sur le territoire national.

L'Anef simplifie grandement le travail des agents et des personnes qui demandent des papiers, puisque, là où il fallait trois rendez-vous, il n'en faudra plus qu'un seul. Je souhaite même qu'il n'y en ait plus du tout pour les renouvellements. Je pense aux chibanis et autres personnes qui se trouvent depuis très longtemps sur le territoire national et doivent renouveler régulièrement leur demande. Les faire revenir à chaque fois en préfecture soulève des questions quasiment éthiques. Une réforme essentielle sera menée cette année.

Monsieur de Courson, monsieur Bernalicis, c'est la première fois que nous réaugmentons le nombre de personnes travaillant au sein de l'administration territoriale de l'État. Quand je suis arrivé au ministère de l'intérieur, cela faisait trente-deux ans de suite que l'on supprimait des postes dans les préfectures et les sous-préfectures. Pour mes deux premières années, sur ma proposition, Jean Castex a décidé de n'en supprimer aucun. Ce n'est pas très glorieux, mais c'est mieux qu'une baisse. Et la loi de programmation a prévu 350 effectifs supplémentaires au sein de l'administration territoriale. En faut-il davantage ? C'est une question soumise au débat. Je ne serai jamais contre, bien sûr, mais il faut aussi prendre en considération la numérisation du travail.

M. Bernalicis semble considérer qu'il y a deux types de personnes : les fonctionnaires, qui rendraient un service public de qualité, et les contractuels qui en fourniraient un mauvais. C'est oublier un peu vite que la fonction publique compte déjà 20 % de contractuels, qui effectuent un travail important. Il y en a même qui risquent leur vie : une grande partie des militaires, par exemple, sont des contractuels. Le couplet sur la valeur de l'humain et les bons et mauvais agents du service public me semble donc peu approprié.

La sécurité des Jeux olympiques et paralympiques représente un coût de 200 millions pour le ministère de l'intérieur, cérémonie d'ouverture comprise. Je pourrai vous indiquer, d'ici à quelques mois, le détail du coût de cette cérémonie, mais c'est le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques qui en assume l'essentiel, au côté de la Ville de Paris.

Quant au fait que les Jeux seraient trop sécuritaires, il ne m'appartient pas de juger les choix faits par le Comité olympique, pas plus que le contenu du dossier de candidature et les engagements de Manuel Valls et Bernard Cazeneuve : il me revient de les appliquer et de garantir la sécurité. Je ne crois pas que l'on cible telle ou telle population en Seine-Saint-Denis, et vous êtes le premier, monsieur le président, à m'en parler. Personnellement, je ne fais pas de lien entre la délinquance et la jeunesse. Nous souhaitons évidemment réduire la délinquance et le désordre public. Cela fera partie de l'héritage que l'État léguera au département. Le maire de Saint-Denis lui-même, qui ne partage pas mes opinions politiques, a demandé 1 million d'euros pour l'installation de caméras de vidéoprotection, et je lui donne bien sûr une réponse favorable. Nous serons d'ailleurs à l'écoute des vœux formulés dans le cadre de la fusion de Saint-Denis et de Pierrefitte.

L'année 2023 sera marquée par la création de 4 900 places pour les demandeurs d'asile, dont 2 500 dans les Cada. L'articulation entre l'action du ministère du logement et la nôtre se heurte parfois à certaines difficultés. En principe, les personnes entrant dans le dispositif du ministère de l'intérieur doivent être hébergées et être des demandeurs d'asile. Les programmes du ministère du logement, quant à eux, s'adressent principalement aux sans-domicile fixe. Or, on sait tous que, pour un certain nombre de raisons, ces deux publics se mélangent. Des demandeurs d'asile bénéficient ainsi du programme du ministère du logement, ainsi que des personnes qui ont épuisé tous les recours et doivent quitter le territoire national.

Le Conseil d'État a rappelé que le droit au logement cédait devant l'obligation de quitter le territoire. La difficulté réside dans la gestion de ces centres et la distinction entre les personnes qui relèvent du statut de demandeur d'asile, à qui nous devons le logement, les sans-domicile fixe, que le ministère du logement doit accueillir, et les personnes qui doivent quitter le territoire national et ne peuvent bénéficier de ces deux programmes budgétaires. Pour plusieurs raisons, à commencer par la circulaire Collomb-Mézard, cette distinction n'est pas appliquée. On ne peut en effet pas demander aux associations de contrôler l'identité des personnes qu'elles accueillent, qui sont en proie à de lourdes difficultés. Cela explique toutefois les problèmes budgétaires que nous rencontrons, même si les crédits dédiés du ministère de l'intérieur sont en croissance continue. Peut-être votre commission pourrait-elle réfléchir à un programme commun entre les ministères de l'intérieur et du logement ou à l'élaboration d'une politique du logement plus adaptée, qui permettrait de sortir de la discussion autour du programme 303.

Pour continuer les questions dans l'ordre, je souligne que pour la première fois depuis fort longtemps, l'État recrée des sous-préfectures. Beaucoup avaient été supprimées par le passé, en outre-mer comme en métropole.

Nous avons revu les modalités d'envoi de la propagande électorale. Ce que nous confiions auparavant à des sociétés privées, une grande partie des préfectures le font désormais en interne, ce qui explique sans doute l'efficacité constatée pour les élections de 2022. Le marché était quasi-monopolistique – seules La Poste et Adrexo assurant la distribution des plis – et l'État n'avait pas prévu de devoir se substituer à des opérateurs privés défaillants. Nous avons tiré les conséquences des difficultés passées pour l'organisation de la présidentielle et des législatives. La distribution s'est déroulée du mieux possible, même si ce n'est jamais un exercice facile, compte tenu des délais légaux.

Réfléchir à la modernisation de la propagande, c'est poser la question de la numérisation. Certains y sont favorables, entre autres pour des raisons budgétaires, puisque cette évolution entraînerait une économie de 60 millions d'euros, et parce qu'ils sont à l'aise dans le monde numérique. D'autres estiment que la propagande est un moment important de notre vie démocratique, que les personnes âgées en particulier doivent avoir accès à la version imprimée et que la suppression de la distribution influerait à la baisse sur la participation aux élections. Bref le débat n'est pas que budgétaire. Une solution serait de laisser le choix aux citoyens, en leur demandant de signaler s'ils veulent ou ne veulent pas recevoir la propagande. Nous y travaillons. En outre, j'ai proposé que, dans le cadre de la modernisation du vote, un déménagement entraîne automatiquement le changement de liste électorale.

Monsieur de Courson, parmi les quatre programmes du FIPD, le fonds radicalisation est le deuxième plus petit. Il se monte à 12 millions, sur un total de 74 millions d'autorisations d'engagement, et n'abonde pas que le fonds Marianne. Les crédits du FIPD sont à 92 % déconcentrés et permettent de financer, par exemple, des associations de prévention de la délinquance, l'installation de caméras de vidéoprotection ou encore l'équipement des polices municipales à la demande des maires. Le fonds Marianne est récent puisqu'il a été créé au lendemain de l'assassinat du professeur Samuel Paty, ce qui peut expliquer que les gestionnaires soient peu accoutumés au contrôle budgétaire qui a cours au ministère de l'intérieur et, en l'occurrence, au secrétariat d'État à la citoyenneté.

Vous l'avez dit, le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête et le Sénat a constitué une commission d'enquête sur le sujet. Fonctionnaires et politiques répondront bien sûr à toutes les demandes. Nous avons fourni au président de votre commission des finances les documents qu'il a demandés, qu'il est libre d'utiliser. Nous n'avons rien à cacher. Par ailleurs, bien avant la décision du PNF, j'ai demandé à l'Inspection générale de l'administration (IGA) d'ouvrir une enquête dont les résultats seront remis à Mme Sonia Backès dans une quinzaine de jours. Je les rendrai publics et nous en tirerons les conclusions qui s'imposent.

Madame Hai, indépendamment de l'augmentation annuelle de 300 millions d'euros des crédits alloués aux dépenses immobilières prévue par la Lopmi, qui est importante mais ne sera pas suffisante pour résorber la dette, trois types de mesures, cumulables, peuvent être adoptées en la matière.

Premièrement, il faudrait arrêter de demander aux élus de construire des casernes à la place de l'État, comme on le fait depuis quarante-cinq ans. La difficulté vient de la concurrence quelque peu déloyale qui règne parfois entre les territoires. Souvent, les maires ont souscrit des emprunts, éventuellement toxiques, qui les mettent en difficulté dans leurs discussions avec les banques et peuvent entraîner des procédures contentieuses coûteuses. Les loyers, dans de tels cas de figure, ne sont pas utilisés à des fins de rénovation et, quarante après, l'État n'est toujours pas propriétaire. Nous proposerons bientôt à Bercy et au Parlement, sans doute dans le cadre du projet de loi de finances pour l'an prochain, que l'État se charge de la construction de ces bâtiments en lieu et place des communes. Comme il ne sera pas en mesure d'investir lui-même, car les crédits risquent de lui faire défaut, il pourrait conclure des partenariats public-privé (PPP) avec de grands groupes immobiliers. Cela impliquerait un regroupement de la construction des brigades et un examen au cas par cas : il est des endroits où l'on n'a pas besoin de locaux de garde à vue, d'autres où des open spaces seraient adaptés, par exemple.

Deuxièmement, le ministère de l'intérieur a un parc immobilier très diversifié : outre l'hôtel des ministres à Beauvau, des hôtels à rénover en province, comme la préfecture de Marseille, des sous-préfectures, y compris en outre-mer, des casernes de gendarmerie, des commissariats… Nous ne sommes pas de très bons gestionnaires, ce qui n'est pas imputable aux agents mais au fonctionnement général de notre immobilier. L'État lui-même, de manière générale, ne sait pas très bien gérer l'immobilier, notamment dans le cadre de la transition écologique. C'est pourquoi je propose à Bercy l'institution d'une foncière. Le secteur public garderait évidemment une large majorité des voix : il ne s'agit pas de privatiser le domaine public, mais de l'ouvrir à des professionnels de la gestion immobilière.

Le dernier sujet concernant l'immobilier est la construction en PPP de grands sites du ministère de l'intérieur. Cela a très bien fonctionné, par exemple, pour le siège de la direction générale de la gendarmerie nationale, à Issy-les-Moulineaux. Il faut évidemment regarder de près chaque cas, mais l'hypothèse du PPP me semble devoir être étudiée pour la création de sept casernes de gendarmerie mobile et de quatre unités de CRS, qui représentent chacune un coût de près de 30 millions d'euros. En tout état de cause, vu comment sont logés nos CRS et nos gendarmes mobiles, il est clair que notre façon de faire actuelle n'est sans doute pas tout à fait la bonne.

Monsieur Chauche, malgré les efforts accomplis par l'État, que vous avez notés, les crédits de la sécurité civile n'étaient incontestablement pas suffisants pour faire face aux crises de l'année 2022. Depuis lors, le Président de la République a fait des annonces qui se sont traduites dans la Lopmi et le seront je l'espère aussi par des augmentations de crédits dans le PLF pour 2024, afin de concrétiser le pacte capacitaire, autrement dit aider les Sdis.

Vous avez affirmé que les Sdis assument la majorité des dépenses de sécurité civile. Permettez-moi de rappeler que l'État leur verse 1,5 milliard pour effectuer les achats capacitaires – camions, casernes… Ces financements proviennent non seulement des crédits de la sécurité civile, mais aussi de la dotation de soutien à l'investissement local et de la dotation d'équipement des territoires ruraux, versements qui sont rarement mis en avant par les élus locaux.

J'en viens au financement des Sdis. D'abord il n'est pas adapté, me semble-t-il, à la transition écologique. Ensuite, les Sdis sont victimes d'une forme de dol. La taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) censée leur permettre de fonctionner est versée aux départements, qui leur en reversent tout ou partie. Or, face aux difficultés qu'ils éprouvent en matière de politique sociale, certains départements conservent une part du produit de la taxe pour financer un peu de RSA ou une maison départementale des personnes handicapées. Avant de demander plus d'argent à l'État, commençons par renforcer la régulation afin que cette recette soit bien affectée là où elle doit l'être, au Sdis.

Deuxièmement, je m'interroge aussi au sujet de la péréquation entre départements. Ainsi, le département des Hauts-de-Seine perçoit la TSCA alors qu'il ne connaît pas de feux de forêt. D'autres départements, tels que le Jura et les Vosges, doivent désormais s'équiper pour faire face à des feux alors qu'ils ont moins de recettes que les Hauts-de-Seine. De même qu'il existe une péréquation en matière de droits de mutation, ne faudrait-il pas en organiser une entre les départements qui ont beaucoup de ressources pour financer un Sdis, aussi efficace fût-il – la brigade de sapeurs-pompiers de Paris dans le cas des Hauts-de-Seine – et ceux qui ont peu de recettes mais doivent protéger de grands massifs forestiers ?

Oui, l'État doit investir davantage et certains départements doivent mieux flécher le produit de la TSCA vers les Sdis. Surtout, il faut une péréquation entre les départements pauvres, qui ajoutent à leurs difficultés sociales celles dues à la transition climatique, et les riches, où cette dernière pèse moins puisque ce sont souvent les plus urbanisés. J'en ai beaucoup parlé au président de l'Assemblée des départements de France, François Sauvadet, qui partage en partie cette opinion. Je propose que nous en discutions lors du prochain projet de loi de finances.

De la même manière, les Sdis pourraient bénéficier d'autres recettes facilement. Nous devons être plus cohérents. Vous avez récemment discuté de la possibilité de supprimer un certain nombre de malus écologiques pesant sur les camions de pompiers. Il est en effet un peu absurde de demander aux Sdis de les acquitter alors que l'État en assurera le remboursement ensuite par le biais de subventions. Certaines de nos conceptions doivent changer face au réchauffement climatique.

Les crédits accordés à la sécurité civile augmentent de façon très importante. S'agissant des moyens aériens, qui relèvent de l'État, nous accroissons le nombre d'avions et d'hélicoptères et renouvelons le parc. La Lopmi a prévu le nécessaire pour ce qui concerne les hélicoptères, qui seront fournis par Airbus. Pour les avions, la difficulté réside dans le fait qu'il faut d'abord construire une usine pour construire les Canadair. Nous avons prévu 45 millions sur quatre ans pour renouveler la flotte de Canadair.

Pour les moyens de lutte contre les feux de forêt, 60 millions sont prévus en crédits de fonctionnement. En effet, quand des pompiers du Nord ou de l'Eure vont aider ceux des Landes, c'est l'État qui paye ces colonnes de renfort, en dédommageant les Sdis. Au titre du pacte capacitaire, 150 millions sont prévus pour l'achat de camions et de moyens d'intervention des sapeurs-pompiers.

Une convention très importante a été signée par l'ensemble des syndicats des personnels navigants de la sécurité civile. Il faut faire de même avec les techniciens. Pour ces derniers et conformément à ma demande, des CDI ont déjà remplacé les CDD de trois mois.

Contrairement à ce que l'on peut lire dans les journaux, les nouvelles en matière d'asile sont plutôt bonnes. Pour la première fois depuis quasiment une dizaine d'années, nous constatons une baisse continue pendant cinq mois des demandes d'asile sur le territoire national. Nous étions à 13 000 demandes en moyenne à la fin de l'année dernière, à 13 593 en janvier 2023, à 11 171 en février, 11 990 en mars et 10 351 en avril – c'est-à-dire le chiffre le plus bas depuis que je suis ministre de l'intérieur, alors qu'il y a 60 % de demandes d'asile en plus en Europe. Il faut constater à la fois l'efficacité de l'Ofpra, qui instruit plus vite les dossiers, et les efforts faits par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui doivent être poursuivis. Vous avez accepté d'affecter davantage d'effectifs, ce qui a permis de resserrer les contrôles et d'accélérer l'instruction des dossiers.

Il faut le souligner car, de ce fait, nos prévisions budgétaires pour 2023 ne méritent pas les propos très critiques que j'ai pu entendre. Je constate d'ailleurs que si l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne connaissent une très forte augmentation des demandes d'asile, tel n'est pas le cas de la France pour l'instant. Cela étant dit, il reste encore six mois dans l'année et je ne veux présumer de rien.

Pour répondre à M. Lefèvre et à Mme Dupont, je suis d'accord pour associer le ministère de l'éducation nationale au schéma national d'accueil des demandeurs d'asile. L'hébergement citoyen, qui avait été imaginé pour accueillir les réfugiés ukrainiens, doit également être pris en compte, même s'il ne correspond pas à la tradition du ministère de l'intérieur.

Comme le nombre de demandes d'asile semble baisser, les prévisions de dépenses en matière d'ADA ne seront probablement pas dépassées. Il est même possible que nous ne consommions pas tous les crédits votés, lesquels pourraient dès lors être réutilisés dans le cadre interministériel. C'est dans ce même cadre, monsieur Lefèvre, que doivent être réglées d'éventuelles difficultés budgétaires, qui ne devraient pas se produire cette année en matière d'asile.

Nous allons continuer à soutenir le programme Agir évoqué par Mme Dupont. On compte 2 559 bénéficiaires de la protection internationale orientés vers ce dispositif, qui devrait concerner 26 nouveaux départements en 2023. Nous allons essayer de le généraliser en 2024.

Je terminerai par la sécurité routière. Je reste persuadé que le recours à un compte d'affectation spéciale n'est jamais très bon par rapport au principe d'universalité budgétaire. En l'occurrence, le CAS a une vertu pédagogique, puisque les associations de victimes – qui font un travail formidable – touchent une partie des recettes des amendes, ainsi que les collectivités territoriales qui acceptent de faire des aménagements routiers. Mais nous pourrions imaginer un monde sans CAS, où ces recettes resteraient garanties. Il est sans doute encore un petit peu tôt pour proposer la suppression du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, mais je suis prêt à en discuter avec le Parlement.

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Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.

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Le groupe Renaissance se joint à l'hommage que vous avez rendu aux trois policiers décédés et salue plus généralement l'ensemble des policiers, gendarmes et pompiers qui risquent leur vie chaque jour pour notre sécurité.

Nous vous félicitons, monsieur le ministre, pour le sérieux de l'exécution budgétaire de votre ministère, qui a d'ailleurs été saluée par la Cour des comptes, en particulier pour ce qui concerne la mission Sécurités. La Cour a ainsi estimé que 2022 a été « une année à la gestion réussie, ne présentant pas de sous-budgétisation ou de tensions majeures ».

Il faut souligner l'importance des moyens engagés pour équiper les forces de sécurité avec des nouveaux véhicules, ce qui était nécessaire et a été fort apprécié.

Pourriez-vous détailler l'état d'avancement du programme de création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie ?

Des conventions ont encore récemment pu être conclues avec des départements, notamment celui de Saône-et-Loire, pour construire des casernes de gendarmerie ou accélérer des réhabilitations qui s'éternisaient car les bailleurs s'étaient désengagés. Quel regard portez-vous sur ces conventions ? J'en profite pour redire mon attachement au plan qui vous a été présenté par le département de Saône-et-Loire, en particulier pour la commune de Pierreclos.

S'agissant de la billetterie des Jeux olympiques, si l'on s'émeut du prix élevé de 100 000 places pour la cérémonie d'ouverture, il faut faire preuve de cohérence s'agissant des billets gratuits. Il y a forcément un coût, qui sera supporté soit par l'usager, soit par l'impôt.

Il est normal que la commission des finances s'interroge sur le coût des Jeux en matière de sécurité. De quels moyens aurez-vous besoin ? Pensez-vous faire appel à ceux dont disposent les collectivités locales afin de renforcer les équipes ?

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Selon votre ministère, l'allongement des délais de délivrance des titres d'identité relève de trois facteurs conjoncturels : un rattrapage des retards liés au covid, un effet saisonnier dû aux prochaines vacances et une anticipation trop précoce des demandes. Cependant un problème structurel a été mis en évidence. L'objectif de productivité et d'économie d'effectifs n'est pas atteint. Les demandes de titres d'identité augmentent, selon l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) elle-même.

Par votre entêtement, vous avez mis en difficulté des milliers de fonctionnaires municipaux. Je salue leur capacité d'adaptation, leur empathie et leur calme face aux difficultés de nombre de nos concitoyens qui souffrent d'illectronisme et sont mécontents des délais qui leur sont imposés. Face à cette réalité qui n'avait encore une fois pas été anticipée, il est temps de reconnaître votre échec et de revenir à la situation antérieure.

En ce qui concerne l'immigration, 62 207 obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont été prononcées lors du premier semestre de 2021 : 3 501 ont été exécutées, soit un taux de 5,6 %. De surcroît, il n'y a que 1 800 places dans les centres de rétention administrative (CRA). Un tiers des personnes inscrites au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) sont des étrangers. En 2020, les étrangers représentaient 24 % des détenus dans les établissements pénitentiaires. Et je passe sur l'afflux massif de mineurs non accompagnés.

La surdélinquance est liée inéluctablement à l'immigration, et c'est une réalité incontestable. Par ailleurs, l'état exsangue des finances publiques en France ne permet plus d'accueillir toute la misère du monde. L'immigration déborde des métropoles urbaines et inonde désormais nos campagnes, avec son flot d'insécurité et de délinquance. M. Macron veut repeupler les zones rurales en ouvrant grand les vannes. Non merci ! Il est temps de fermer le robinet de l'immigration.

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Les dépenses de personnel représentent 85 % des crédits de la mission Sécurités. Or ils sont sous-consommés.

Tout d'abord, il existe des difficultés objectives de recrutement. Même en baissant les exigences de niveau lors des concours, ce qui n'est pas sans susciter des interrogations, et avec de bonnes rémunérations, le compte n'y est pas.

Ensuite, les mauvaises conditions de travail, connues de tous, et la surexposition sociale liées aux consignes gouvernementales en général et aux vôtres en particulier, contribuent à cette désaffection. Elles alimentent le désamour entre la jeunesse et la police.

Des départs en masse ont été constatés en 2022, pires qu'en 2021. La Cour des comptes indique que 10 840 départs en cours de carrière ont eu lieu dans la police nationale, soit une augmentation de 33 % en quatre ans, et 15 000 dans la gendarmerie, soit une augmentation de 25 %. Les personnels ont le sentiment d'être noyés sous les dossiers. L'autoritarisme qui a prévalu lors de la réforme de la police judiciaire est pointé. D'une certaine façon, les policiers craignent de voir le service public qu'ils incarnent tiré vers le bas, comme à l'hôpital.

Comment allez-vous répondre à cela ? Vous en avez dit deux mots, mais nous insistons. Quel management ? Quelle formation ? Quelle rémunération ? Surtout, quel sens donner aux missions des agents qui assurent le service public de la sûreté – malheureusement parfois même au péril de leur vie, comme on a pu encore le constater ce week-end ?

Il ne peut y avoir de service public efficace sans bien-être des agents qui le font fonctionner, et bien sûr sans sens du travail.

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La présentation du document budgétaire de la mission Immigration, asile et intégration, qui comprend les programmes 104 et 303, ne permet pas toujours de mener une bonne analyse des crédits.

Pouvez-vous préciser quel est le coût réel pour l'État de l'hébergement des demandeurs d'asile ? Il semblerait que l'hébergement en hôtel augmente en Île-de-France ; à l'échelle nationale, on entend régulièrement évoquer une dépense annuelle de 1 million pour ce type d'hébergement. Pouvez-vous le confirmer ?

Pour le seul accueil des réfugiés ukrainiens, l'État français a dépensé 471,6 millions dans le cadre du programme 303. Mais il semblerait que d'autres dépenses aient été engagées par d'autres programmes, ce qui porterait le coût global à 634 millions en 2022.

Je ne vous apprends rien en disant que les OQTF constituent le gros point noir de la politique migratoire française. Comment entendez-vous faire en sorte que les laissez-passer consulaires ne soient plus délivrés au compte-gouttes ?

Enfin, comment expliquez-vous la surexécution du programme 303, avec des dépenses supérieures de presque 20 % à ce qui avait été initialement prévu – soit 277 millions de plus que la somme originelle de 1,459 milliard ?

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Mon groupe et moi-même nous associons bien évidemment à l'hommage rendu aux trois policiers tombés ce dimanche.

Vous avez déjà donné beaucoup de réponses, monsieur le ministre. Je m'attacherai donc aux programmes 152, 176 et 161 de la mission Sécurités, en vous adressant tout d'abord un satisfecit pour la qualité de leur gestion, avec des taux exceptionnels d'exécution des crédits. Notre groupe salue les renforts en personnel déjà déployés, les objectifs de la Lopmi et les discussions engagées pour l'implantation des 200 nouvelles brigades de gendarmerie.

Toutefois des points de vigilance ont été relevés, notamment en ce qui concerne les difficultés de recrutement. Il faudra aussi réduire le stock d'heures supplémentaires, qui a été pointé par la Cour des comptes.

Quelle politique de recrutement comptez-vous conduire ? Comment améliorer les conditions de travail et la gestion des ressources humaines au sein du ministère ?

Vous avez devancé ma question en indiquant que l'État entend financer directement la construction des nouvelles brigades de gendarmerie. Mais qu'adviendra-t-il des projets qui sont entamés et qui connaissent des surcoûts, ou de ceux qui sont sur le point de démarrer ? Je connais plusieurs cas en Savoie. Avez-vous une doctrine générale s'agissant de l'accompagnement des collectivités qui feraient face à des difficultés ?

En ce qui concerne le programme 161 Sécurité civile, la saison 2023 s'annonce malheureusement aussi catastrophique que la précédente. Quid de la réserve de précaution, qui a été consommée à 79 % en 2021 et à 100 % en 2022 ? Faudra-t-il envisager de l'augmenter, peut-être même de manière pérenne ?

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L'immigration et l'asile sont des sujets ô combien sensibles et politiques. Nous aurons l'occasion d'y revenir prochainement.

Les dépenses d'intervention ont augmenté au-delà de ce qui était prévu par la loi de finances initiale (LFI) pour 2022, en raison de l'afflux de personnes venant d'Ukraine. Pourtant, dans sa note d'analyse budgétaire pour l'année 2022, la Cour des comptes indique que 38 % des réfugiés non ukrainiens n'ont pas pu être hébergés dans des structures spécialisées. Ils ont dû compter sur leurs propres moyens ou ont été orientés vers l'hébergement d'urgence de droit commun – qui relève d'un autre programme, rattaché à la mission Cohésion des territoires.

Comment entendez-vous faire pour que les droits des personnes qui demandent une protection ou un statut de réfugié soient respectés ? Les crédits en faveur de l'ADA ont été revus à la baisse par la LFI pour 2023, alors leur consommation a été plus forte en 2022. Les prévisions sont-elles réalistes, alors même que la guerre continue en Ukraine et que rien n'est envisagé pour les personnes déplacées de ce pays ?

Les femmes et les hommes des Sdis sont en première ligne face à la montée des demandes d'urgence de nature médicale et sociale, qui représentent un quart des interventions, mais aussi face aux incendies et aux intempéries. Parallèlement, la réforme de la fiscalité locale pèse sur les départements. Comment entendez-vous faire pour que les insuffisances des politiques nationales, que les Sdis doivent pallier, soient mieux prises en compte en amont et compensées en aval ?

S'agissant des moyens aériens de la sécurité civile, quelle solution allez-vous apporter pour concilier la préservation des deniers publics et la nécessité d'une flotte sûre et efficace ?

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À la suite du terrible drame survenu dans le Nord dimanche dernier, je souhaite évoquer la mémoire des trois policiers décédés en mission et leur rendre hommage. Je tiens à souligner la mobilisation de votre ministère pour les familles et les collègues de ces fonctionnaires de police, ainsi que votre présence à leurs côtés lundi matin au commissariat de Roubaix, dans ma circonscription.

En raison entre autres de la réouverture des frontières après la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, les dépenses de la mission Immigration, asile et intégration, notamment celles liées à l'accueil des réfugiés et des demandeurs d'asile, ont augmenté en 2022. En parallèle, les dépenses de lutte contre l'immigration irrégulière connaissent a priori un léger retard d'exécution. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet de la lutte contre l'immigration irrégulière ? Pensez-vous qu'il soit nécessaire de réorganiser les budgets qui y sont consacrés en vue du prochain projet de loi de finances ?

Les dépenses de personnel de la police et de la gendarmerie ont augmenté de 5,8 % en 2022, contre 1,3 % en 2021. Cela a permis une croissance inédite des effectifs, qui était attendue par nos concitoyens. Quel bilan pouvons-nous tirer de cette augmentation des effectifs de policiers et de gendarmes sur l'ensemble du territoire national ?

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Dans ma circonscription comme lors de mes auditions et déplacements sur le sujet, le constat est le même : la France ne se donne pas les moyens d'accueillir dignement et d'intégrer celles et ceux qui ont choisi de l'être. La surexécution des programmes 104 et 303, respectivement à hauteur de 45 et de 277 millions d'euros, démontre à elle seule le déficit structurel de moyens en matière d'intégration.

La dématérialisation des procédures de demande de titre de séjour – sans réel accompagnement des personnes exposées à la fracture numérique et sans possibilité d'accueil physique – et le manque d'accès aux formations civiques, linguistiques et professionnelles sont des conséquences directes de l'insuffisance des crédits. Preuve de cette défaillance, ce sont les associations qui doivent accomplir le travail de l'État.

Cette grave insuffisance étatique a d'abord une conséquence en matière de dignité humaine. Comment s'intégrer à la société française lorsque l'on est baladé d'une administration à une autre, que l'on n'est pas en mesure de remplir les formulaires ou que les dispositifs nécessaires à une bonne insertion manquent ?

Cette défaillance de l'État a aussi des conséquences sociales et économiques. Dans certaines préfectures, il faut plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous et les retards peuvent aller jusqu'à deux ans. Par-delà les dossiers dématérialisés, ce sont des familles et des vies qui sont mises entre parenthèses, avec à la clé des licenciements et des pertes de droits quand les titres de séjour ne sont pas renouvelés dans les délais. La dématérialisation a peut-être fait disparaître les files d'attente devant les préfectures, mais elles existent encore sous une autre forme.

D'ici à 2050, le changement climatique risque de provoquer le déplacement de plus de 200 millions de personnes. Il serait peut-être temps de se doter d'une véritable politique d'accueil, ambitieuse et digne.

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Lors d'une audition par la commission des lois, Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, avait affirmé que les droits fondamentaux ne prévoient pas une obligation de moyens mais une obligation de résultat.

Vue à travers ce prisme, l'exécution de la mission Immigration, asile et intégration ne peut que constituer un échec. Nous pourrions soulever de nombreux points, mais j'en aborderai un en particulier.

Le 4 mai 2023, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France pour la onzième fois depuis 2012 en raison de sa politique d'enfermement des enfants. La Cour a ainsi estimé que leur enfermement constituait un traitement inhumain et dégradant. En 2022, quatre-vingt-quatorze enfants ont été enfermés en CRA dans l'Hexagone. Le nombre est trente fois supérieur outre-mer, du fait notamment de l'enfermement de 2 905 enfants à Mayotte.

Dans une interview de décembre dernier, vous avez affirmé que vous souhaitiez mettre fin à l'enfermement des enfants. Pourtant, le projet de loi relatif à l'immigration déposé au Sénat ne tient pas cette promesse. En effet, l'interdiction d'enfermement ne concernerait que les mineurs de 16 ans et ne s'appliquerait pas à Mayotte, où cet enfermement est le plus pratiqué. En outre, l'interdiction ne concernerait que les CRA, et l'on peut craindre son contournement avec des placements dans des locaux de rétention administrative ou des zones d'attente.

Monsieur le ministre, vous évoquez régulièrement l'État de droit. Quand la France va-t-elle enfin respecter la Convention européenne des droits de l'homme sur ce sujet ?

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Le rapport annuel de performance indique que le taux d'élucidation des cambriolages de résidences principales et secondaires est inférieur à 10 %, pour un objectif autour de 15 %. Avez-vous pu identifier les causes de cette dégradation ? Disposez-vous des moyens nécessaires pour améliorer ce résultat ?

Quant à la question des bombardiers d'eau, je ne vous demanderai pas une fois encore d'en positionner à Bastia : vous serez bien obligé d'y venir, c'est tellement évident ! Non, je vous parlerai plutôt des prestataires privés qui nous contactent tous pour proposer leurs services aériens. Pensez-vous qu'ils peuvent compléter l'action des Canadair pour faire face aux besoins en matière de lutte contre les incendies ?

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Nous en venons aux questions des autres députés.

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Je m'associe bien entendu à l'hommage qui a été rendu aux policiers décédés en service dimanche.

S'agissant des feux de forêt, vous avez annoncé que le Gouvernement souhaitait améliorer la flotte aérienne de la sécurité civile. Le rapport sur l'exécution budgétaire du programme 161 indique que cette flotte passera seulement de trente-sept à quarante appareils. Vous me direz que c'est une amélioration, mais est-ce suffisant compte tenu de l'aggravation des feux à laquelle nous faisons face ? Comme vous l'avez rappelé, le Jura a été fortement touché.

Vous avez longuement parlé du financement des Sdis et souhaitez une contribution des départements riches en faveur des pauvres. Mais attention à ne pas confondre départements mal gérés et départements pauvres. Il faudrait commencer par vérifier que le financement des Sdis est bien assuré pour moitié par les communes et par les départements, car tout le monde n'en est pas là.

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Je souhaite vous parler des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, lesquels, par définition, sont en grande majorité entrés illégalement en France. En 2022, 40 % des demandeurs ont obtenu l'asile, les 60 % restants n'étant pour la plupart pas expulsés puisque les OQTF sont très peu exécutées.

Dans ma circonscription, il est prévu d'installer un Cada dans un petit village de 4 000 habitants. Le maire n'a pas été consulté – vous n'êtes pas obligé de le faire – et n'a pas donné son accord. Pire : la population est vent debout contre ce projet, dont elle a appris l'existence par le biais d'une annonce de Pôle emploi. Au niveau national, 70 % des Français sont contre l'accueil des migrants ; je peux vous dire que dans ce village, c'est bien plus.

Comment pouvez-vous imposer une telle décision à un petit village ? Comment est-il possible que les habitants l'apprennent grâce à une offre d'emploi ? Tout s'est fait en catimini. Que pouvez-vous répondre ?

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Vous qui êtes remonté comme un coucou quand il s'agit de stigmatiser les exilés, monsieur le ministre, je vous trouve un peu mou pour garantir le financement de leur dignité et du droit.

Vous avez prévu la création de 6 400 places en Cada entre 2021 et 2023. Selon la Cour des comptes, les dépenses consacrées aux Cada ont finalement été moins importantes que la ressource disponible. Combien de places ont été créées ? Leur nombre est-il suffisant, sachant que selon la Cimade la moitié des demandeurs d'asile ne sont pas hébergés ?

Vous vous félicitez de la baisse du nombre de ces derniers. L'Ofpra a supprimé plus de 40 000 euros de subventions au centre LGBT de Nantes destinés à l'aide aux demandeurs d'asile, en arguant qu'il ne s'agirait pas de son activité principale. À combien s'élève la baisse à l'échelle nationale ?

Je me suis rendu deux fois à Saint-Brévin-les-Pins pour défendre le maire – ce que vous n'avez pas fait. Combien coûtent vos abandons face à l'extrême droite, à Callac, à Saint-Brévin-les-Pins, ou hier à Tours, alors qu'il revient à l'État de mettre en œuvre les projets de Cada ?

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Le ministre n'a pas condamné l'attentat commis hier contre le centre LGBT de Tours ! Tous les centre LGBT attendent cette condamnation !

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Une fois encore : chacun peut intervenir ici comme il le souhaite sur le fond, mais pas sous la forme parfois adoptée en séance. Cela vaut pour tout le monde.

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Je m'associe à l'hommage rendu aux trois policiers et j'ai une pensée pour leur famille.

Monsieur le ministre, vous venez de faire un très beau cadeau de Noël aux maires qui attendent une nouvelle gendarmerie ou qui ont déjà commencé des travaux, en annonçant que l'État prendrait en charge les 200 nouvelles gendarmeries prévues, ainsi que les autres. Avez-vous estimé le coût total de cet investissement pour les trois prochains PLF, en tenant compte de la taille des bâtiments ou du prix du foncier, qui varie beaucoup d'une commune à l'autre ?

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Il faut reconnaître des progrès en matière de sécurité civile, tant dans les annonces du ministre que dans la proposition de loi « incendie », mais ce sont des petits progrès. Or les petits progrès sont souvent des reculs, parce qu'ils ne prennent pas vraiment en compte les conséquences du réchauffement climatique.

En 2022, 66 000 hectares sont partis en fumée, ce qui représente plusieurs millions de pertes – l'ex-ministre du budget que vous êtes ne peut qu'y être sensible. En Gironde, l'ensemble des pertes se chiffrent en milliards d'euros. Et 2023 s'annonce encore pire. J'étais ce week-end sur la base d'aviation de Nîmes-Garons, où l'on attend des avancées. Monsieur le ministre, à quand une politique qui prenne vraiment en compte le réchauffement climatique ?

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Monsieur le ministre, c'est quand même à vos amis politiques que l'on doit l'instauration des loyers budgétaires, qui sont responsables de la situation actuelle pour la gendarmerie. Vous ne les avez pas remis en cause et ils existent toujours. Et je ne parle pas de la rétention d'autorisations d'engagement, qui fait que les gendarmes et les policiers manquent de moyens pour leurs casernes, ni du fait que vous avez dit aux collectivités que si elles ne payaient pas les locaux, vous ne mettriez pas de caserne chez elles. Vous pouvez essayer de réviser l'histoire, mais c'est ainsi que cela se passe.

Par ailleurs, s'agissant du programme 176 Police nationale, vous vous êtes enorgueilli l'année dernière de doubler le budget de la formation. Mais vous n'en avez exécuté que la moitié en 2022 ! Comment expliquez-vous cela : il n'y a pas besoin de formation dans la police ? Ou alors, peut-être que nous avions raison et qu'il fallait rouvrir des écoles de police avant d'augmenter les crédits destinés à la formation !

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Je tiens, comme mes collègues, à rendre hommage aux trois jeunes policiers décédés dimanche.

Le plan de 10 000 recrutements de policiers et de gendarmes lancé par Emmanuel Macron en 2017 s'est achevé en 2022. La mission Sécurités comptait environ 250 000 ETP en 2022, contre 247 000 en 2017, soit une hausse de 3 000 ETP sur les 10 000 promis. Il faut reconnaître que 4 000 ETP du service support du ministère de l'intérieur ne sont plus comptabilisés dans le budget de la police nationale, alors qu'ils existent toujours. Cela fait donc un total de 7 000 ETP supplémentaires, soit 3 000 de moins que ce que vous aviez annoncé.

Cela s'explique en partie par la difficulté à fidéliser les effectifs de sécurité. Nos gouvernements n'ont pas assez soutenu moralement nos policiers et nos gendarmes au cours des dernières décennies. Monsieur le ministre, quelles sont les actions envisagées pour renforcer l'attractivité du métier de policier et de gendarme et pour éviter que les recrutements se concentrent sur des postes administratifs, aux dépens des postes opérationnels ?

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Monsieur Cabrolier, vous avez raison, les maires doivent à l'évidence être associés aux projets d'implantation des centres d'accueil pour demandeurs d'asile. Le soutien que l'État apporte aux maires concernés peut et doit faire l'objet d'une critique constructive : c'est précisément l'objet du rapport que Mathieu Lefèvre et moi vous présenterons tout à l'heure.

En tant que maire, j'ai installé un centre d'accueil pour demandeurs d'asile dans ma commune, qui n'est pas beaucoup plus grande que celle que vous évoquiez, puisqu'elle compte 6 000 habitants. On peut tout à fait entendre les peurs, les inquiétudes, le besoin d'informations de nos concitoyens face à une situation nouvelle, et l'État doit être aux côtés des maires pour accompagner, informer et rassurer.

Mais je ne peux pas vous laisser dire que 70 % des Français seraient opposés à l'accueil des demandeurs d'asile. C'est totalement faux, et ce n'est pas ce que l'on constate sur le terrain. Ce que l'on constate en revanche, et qu'il faut dénoncer, c'est la manière dont l'extrême droite instrumentalise cette question. C'est encore ce qui s'est passé à Saint-Brévin-les-Pins, et c'est ce à quoi tous les républicains doivent s'opposer.

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Monsieur le ministre, la réponse que vous avez faite au sujet de la TSCA et de son usage par les départements m'a surpris. Les auteurs du rapport de l'IGA m'ont affirmé que tous les départements consacrent aux Sdis des crédits supérieurs à ce qu'ils perçoivent au titre de la TSCA, sauf un où la somme est strictement la même. Est-ce une question de dynamique ? Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet, et peut-être nous fournir le rapport ?

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Gérald Darmanin, ministre

J'ai déjà répondu à nombre de questions.

Les 200 brigades de gendarmerie représenteront 2 144 ETP. Le choix de leur implantation sera rendu public à la fin du mois de juin, au terme de la consultation des élus par les préfets.

Monsieur Dirx, les territoires ne vont pas contribuer financièrement à la sécurité des Jeux olympiques. En revanche, nous pourrons modifier temporairement certaines zones de police et de gendarmerie pour nous adapter à l'afflux de population causé par l'événement. À Châteauroux par exemple, où se dérouleront les épreuves de tir, on pourrait imaginer – ce n'est qu'une hypothèse – que la gendarmerie gère la sécurité autour du site olympique et que la police s'occupe du reste du dispositif. Ces modifications ne dureraient que le temps des Jeux.

Monsieur Dessigny, nous avons réduit de dix jours le délai de délivrance des titres d'identité, qui s'établit désormais à 58 jours en moyenne – avec des variations selon les territoires. Cela a été possible grâce à des efforts faits sur l'ensemble de la chaîne. Vous parlez de revenir à la situation antérieure. J'avoue ne pas bien comprendre de quoi il s'agit. Faut-il que l'État ne délègue plus cette mission aux collectivités locales ?

Certaines d'entre elles, comme la mairie de Tourcoing, ont fait le choix d'ouvrir plus de créneaux horaires, et d'autres non. Certaines ont choisi d'utiliser le dispositif de recueil (DR) et d'autres non, et nous ne pouvons pas le leur imposer, en vertu de l'article 72 de la Constitution. Pour reprendre l'exemple de Tourcoing, les communes voisines n'ont pas souhaité mettre en place le DR, si bien que leurs habitants doivent se rendre à Tourcoing. Reconnaissez qu'il s'agit là d'une responsabilité locale. Enfin, les effectifs de l'ANTS n'ont pas baissé mais augmenté, précisément pour faire face à cette forte demande.

Vous ne pouvez pas faire comme si le covid n'avait pas existé. Pendant deux ans, les gens n'ont pas voyagé et n'ont pas renouvelé leurs titres d'identité. Le délai de validité étant de dix ans, cela fait 20 % de gens supplémentaires aujourd'hui dans le hall des mairies. Il est un peu démagogique d'expliquer que l'État est responsable de tout. Si vous aviez été aux responsabilités, les choses se seraient passées de la même façon.

S'agissant des OQTF, je n'ai pas bien compris votre démonstration. D'abord, le taux d'exécution n'est pas de 5 % : c'est un chiffre que j'entends souvent, mais qui n'a aucun fondement. En 2022, il y a eu 132 000 OQTF prononcées et 19 429 départs : si l'on fait une règle de trois, on est loin des 5 %. Du reste, ce calcul n'a aucun sens, car il ne faut pas comparer ce qui n'est pas comparable. Si vous raisonnez comme cela, c'est que vous ne savez pas comment fonctionnent les services de police.

Une OQTF est une mesure administrative par laquelle un préfet dit qu'une personne doit quitter la France, soit dans un délai de trente jours, soit sans délai – c'est-à-dire immédiatement. Sur les 132 000 OQTF prononcées, 70 % ont fait l'objet d'un recours. Or le dépôt d'un recours entraîne la suspension de la mesure : c'est la loi. Par définition, il y a donc 70 % des OQTF que je ne peux pas exécuter, et vous ne le pourriez pas non plus si vous étiez aux responsabilités. Dans mon projet de loi, je proposerai de limiter ces recours, à la fois en nombre et dans le temps. Reste qu'on ne peut pas faire le rapport entre les deux chiffres.

Par ailleurs, en comptant environ un an de délai, nombre des OQTF prononcées au cours de l'année 2022 ne seront exécutées qu'en 2023. Il faut donc réfléchir à partir des chiffres de l'année précédente. Or, en 2021, il y avait eu 110 000 OQTF, ce qui change déjà les choses. Bref, votre mode de calcul n'est pas très honnête, mais je crois que vous le savez très bien.

Enfin, un tiers selon vous des personnes inscrites au FSPRT seraient étrangères. En réalité, sur les 22 000 personnes qui y sont inscrites, on compte 316 étrangers en situation irrégulière : on est loin de vos chiffres.

Madame Martin, je crois avoir déjà répondu à la question des effectifs. S'agissant de l'idée selon laquelle il y aurait un divorce entre la police et la jeunesse, je vous encourage à aller voir les policiers : ils sont jeunes. Les trois policiers qui sont morts dimanche étaient jeunes. Il n'y a pas d'opposition entre la police et la jeunesse. Ceux qui choisissent la police et la gendarmerie sont souvent de très jeunes gens. Je ne crois pas qu'il y ait d'un côté, des gens jeunes et de l'autre, des policiers vieux.

Monsieur Hetzel, je vous confirme que le coût du logement des demandeurs d'asile dans des hôtels est d'un peu plus de 1 million par an. S'ils sont logés à l'hôtel, c'est qu'il n'y a pas assez de centres d'accueil, notamment en Île-de-France. Il faut avoir à l'esprit que 50 % des demandeurs d'asile sont en Île-de-France, surtout en Seine-Saint-Denis. Cette surconcentration crée des problèmes d'intégration et c'est pourquoi nous avons lancé une politique de desserrement, avec des Cada en province. Les personnes qui arrivent dans notre pays ont tendance à se fixer en Île-de-France, souvent parce qu'elles y ont des contacts – liés à leur pays d'origine, leur religion, leur famille. C'est là qu'elles font leurs démarches administratives et qu'elles se fixent. Si nous voulons intégrer ces personnes et accélérer leurs démarches, nous avons intérêt à les répartir sur le territoire. Cela nécessite des aménagements à la fois pour ces personnes, qui n'ont pas forcément envie de quitter l'Île-de-France, mais aussi pour les territoires d'accueil.

Depuis le 1er janvier, nous avons obtenu 20 % de laissez-passer consulaires en plus, alors même que nous rencontrons des difficultés avec les pays du Maghreb, à qui nous demandons l'essentiel de ces laissez-passer. Le groupe LR propose de subordonner la délivrance de visas à celle de laissez-passer consulaires : c'est une piste qui peut être étudiée, même si je ne crois pas à la systématicité. Je constate par ailleurs, monsieur le député, que certains parlementaires nous reprochent d'être trop souples avec les pays du Maghreb tout en voulant libéraliser les visas avec le Maroc… Avouez qu'il y a là une certaine contradiction. Moi-même, j'ai pu tomber dans cette facilité quand j'étais à votre place, mais je ne peux plus me permettre ce genre d'incohérence à présent que je suis au Gouvernement.

Cela étant, vous avez raison, l'un des outils pour résoudre le problème migratoire, si tant est qu'il y en ait un, ce sont les laissez-passer consulaires. Toutefois, cette question relève aussi, et peut-être surtout, du ministère des affaires étrangères.

Madame Ferrari, monsieur Lecamp, vous me demandez quand et comment les 200 brigades de gendarmerie seront construites. Nous avons inscrit 3 millions d'euros par brigade dans le budget. Toutes les brigades ne seront pas construites par l'État : certaines communes veulent le faire elles-mêmes, ou rénover des bâtiments. Notre idée, c'est de faire des « paquets » de brigades et de conclure des PPP. Il faut encore y travailler, mais c'est une proposition que nous faisons aux élus locaux.

S'agissant des brigades qui ont déjà été construites ou qui sont en cours, s'il y a des difficultés financières, je demanderai au directeur général de la gendarmerie de se rapprocher des maires concernés. Tous les jours, nous aidons des collectivités locales à revoir leur projet de brigade pour l'adapter à leur situation, car le cahier des charges, très jacobin, ne correspond pas forcément à leur territoire. Toutes les brigades n'ont pas forcément besoin de locaux de garde à vue, ni de locaux de police judiciaire. Il doit être possible d'envisager des formes de mutualisation entre brigades voisines. Il est possible de réduire les coûts, y compris pendant la construction, et nous pourrons nous rapprocher de vous pour cela.

Madame Karamanli, je crois avoir déjà largement répondu à votre question relative à l'ADA. Elle sera certainement sous-exécutée cette année, car le nombre de demandeurs d'asile – notamment venant d'Ukraine – est en baisse. Sur les 486 millions consacrés à l'ADA, 280 millions, en autorisations d'engagement, sont destinés à l'Ukraine.

Madame Gérard, vous me demandez s'il y a un lien entre l'augmentation des effectifs et l'action du ministère de l'intérieur. Je pourrais vous démontrer que plus il y a de bleu sur le terrain, moins il y a de délinquance. Cela se vérifie notamment dans votre département. À l'exception des violences intrafamiliales, pour lesquelles la présence des forces de l'ordre sur la voie publique ne change par définition pas grand-chose, tous les faits de délinquance sont en baisse dans le département du Nord. J'insiste : là où les effectifs de police ont beaucoup augmenté, dans le Nord, à Marseille, à Lyon et à Paris, la délinquance connaît une baisse comprise entre 10 et 20 %. Le préfet du Nord a d'ailleurs fait il n'y a pas longtemps une conférence de presse à ce sujet.

Enfin, n'oublions pas que l'augmentation des effectifs sur le terrain conduit aussi à une augmentation des faits constatés. D'ailleurs, le premier travail des policiers et des gendarmes n'est pas d'arrêter les voleurs mais d'éviter qu'il y en ait, en étant plus présents sur le terrain. Pour moi, il y a une corrélation évidente entre la hausse des effectifs et la baisse de la délinquance, hors violences commises à l'intérieur du foyer.

Monsieur Tellier, la France est le premier pays qui va interdire la rétention de mineurs dans les CRA. Pour moi, on est un enfant jusqu'à 16 ans, et c'est moins évident entre 16 et 18 ans. Mais j'ai toujours dit que j'étais ouvert aux amendements des parlementaires tendant à remonter le curseur s'il le fallait. Si le texte de loi sur l'immigration est adopté, les mineurs ne pourront plus être retenus dans des CRA dès l'année prochaine, et à Mayotte dès 2025. Ce qui justifie ce décalage d'un an, c'est le fait que les personnes, à Mayotte, restent moins de 48 heures en moyenne dans les centres de rétention administrative, contre un mois et demi sur le sol hexagonal. J'ai visité le CRA de Mayotte à plusieurs reprises, notamment le volet famille : il n'est pas comparable au CRA de Vincennes ou à celui du Mesnil-Amelot, mais cela n'enlève rien au fait que Mayotte sera concerné par cette mesure. Enfin, depuis le 1er janvier, il n'y a pas un seul mineur dans les centres de rétention de l'Hexagone : je n'ai pas attendu la loi pour donner cette consigne. À l'heure actuelle, il doit y avoir 96 % d'hommes dans les CRA.

Monsieur Castellani, le taux d'élucidation des cambriolages était effectivement de 10 % l'année qui a suivi l'épidémie de covid, mais ce chiffre a évolué depuis et il remonte tout doucement, grâce à l'augmentation des moyens de la police technique scientifique (PTS), qui a un rôle essentiel en la matière, comme les caméras de vidéosurveillance – n'en déplaise à certains. Nous avons totalement remodelé la PTS, nous avons créé une école spécifique pour former ses agents et nous augmentons ses moyens. Plus il y aura de relevés d'empreintes et d'analyses génétiques, y compris sur de petits cambriolages ou vols de voiture, plus on aura d'interpellations.

J'en viens à la Corse, en commençant par remarquer que, cet été, elle n'a pas connu les difficultés qu'ont connues d'autres territoires français. Les bombardiers d'eau n'ont d'intérêt que lorsqu'ils sont nombreux à arriver en moins d'une demi-heure sur une zone où il y a moins de 500 hectares de feu. Au-delà, on l'a vu dans le Landes, l'essentiel de la gestion doit se faire au sol. L'enjeu n'est donc pas tant de prédisposer des bombardiers que de mobiliser une flotte, avec Météo France, pour repérer les zones où il y aura la plus grande sécheresse. Si la Corse en fait partie, nous y prépositionnerons évidemment des moyens aériens.

Madame Dalloz, monsieur Chauche, je crois vraiment que le financement des Sdis doit passer par les départements et la péréquation. Mais cela ne veut pas dire que l'État ne doit pas y contribuer. Je vous communiquerai le rapport de l'IGA sur le sujet, commandé par mon prédécesseur.

Madame Regol, vous avez raison, il faut prendre le virage du changement climatique – des sécheresses, des calamités, du manque d'eau. Vous considérez que nous ne faisons que de petites avancées alors qu'il faut une vraie révolution. Je l'entends, mais je crois que cette révolution devra être européenne. La flotte d'avions est payée à 90 % par l'Union européenne et les feux se déclarent dans des pays différents chaque année : c'était l'Italie et l'Espagne en 2021, la France en 2022. Le mécanisme européen n'a pas fini de fonctionner.

Monsieur Cabrolier, dès votre première phrase vous avez dit que les demandeurs d'asile étaient en grande majorité entrés illégalement en France, mais par définition ce n'est pas le cas ! Ils peuvent devenir illégaux si la France leur refuse l'asile, mais la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen garantissent le droit pour quiconque de demander l'asile.

On entend parfois qu'il faudrait refuser tout titre de séjour aux personnes arrivées illégalement sur le territoire national. Mais l'essentiel des personnes en situation irrégulière sont arrivées en France de façon tout à fait régulière, avec un visa touristique. Ce qui fait la masse des migrants, ce n'est pas l'immigration illégale par la frontière italienne ou espagnole, comme le disent souvent les responsables du Rassemblement national ; ce sont les gens qui sont arrivés avec un visa classique et qui restent après son expiration. Et pourtant, il y a un nombre fou de gens qui sont contre l'immigration et qui me demandent sans cesse d'intervenir pour régulariser des sans-papiers… Bref le demandeur d'asile, je le répète, n'est pas réputé illégal. Il le devient lorsqu'on lui a refusé l'asile et qu'il n'a pas obtenu de titre de séjour.

S'agissant de votre deuxième question, Stella Dupont vous a déjà en partie répondu : 50 % des demandeurs d'asile se concentrent en Île-de-France. On ne peut pas dénoncer la tendance au communautarisme et, en même temps, s'opposer à ce que les demandeurs d'asile soient envoyés dans des zones où ils ont plus de chances de s'intégrer et d'avoir accès à ce qui leur est nécessaire, y compris l'école. Concentrer les difficultés dans certains quartiers n'est pas une solution, et nous avons des devoirs envers les personnes qui nous demandent l'asile.

Lorsque j'étais maire, j'acceptais d'accueillir des demandeurs d'asile quand le préfet me le demandait – à condition, bien sûr, que ce soit en proportion des moyens de la commune et du territoire. Mais c'est une question sensible. Je ne partage pas tout à fait votre constat, mais nous aurons l'occasion d'en reparler. Si le préfet n'a pas consulté le maire, c'est une erreur : la consigne est qu'il le fasse. Mais même si le maire s'y oppose, il y a un moment où l'État doit prendre des décisions. C'est comme les places de prison et les places en CRA : j'attends toujours qu'un maire du Rassemblement national m'en propose ! Je n'ai reçu aucune réponse des maires de Fréjus, d'Hénin-Beaumont ou du Pontet. Les CRA, c'est toujours mieux chez les autres…

Monsieur Bernalicis, je suis désolé de vous dire une nouvelle fois que vous vous trompez, puisque j'ai supprimé les loyers budgétaires en 2018. S'agissant des heures supplémentaires dans la police nationale, leur stock est en baisse pour la troisième fois consécutive, puisque nous sommes passés de 16,5 à 14,7 millions d'heures cette année. Deux millions d'heures par an, ce n'est évidemment pas suffisant, mais c'est important.

S'agissant de la formation, vous savez bien que c'est en 2023, et non en 2022, qu'ont été introduits les quatre mois de formation supplémentaires. Nous avons déjà eu cette discussion et vous ne voulez pas avouer que vous avez tort. Du reste, vous passez votre temps à dire qu'il n'y a pas assez de crédits, mais vous ne les votez jamais. C'est assez étonnant.

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Il faut reconnaître que le 49.3 ne nous a pas permis de tout voter…

La commission en vient à l'examen de la thématique d'évaluation : La délivrance des titres d'identité et les indicateurs de performance (M. Charles de Courson, rapporteur spécial)

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La délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports connaît depuis plus d'un an une crise sans précédent. Le délai d'attente pour obtenir ces documents atteint des niveaux inégalés, qu'il s'agisse d'une première demande ou d'un renouvellement. Actuellement, il faut compter en moyenne plus de quatre mois pour espérer obtenir sa carte nationale d'identité ou son passeport, et il ne s'agit là que d'une moyenne.

Lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, j'ai appelé l'attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur ce problème, en déposant un certain nombre d'amendements. Hélas, l'engagement de la responsabilité du Gouvernement avant l'examen des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l'État m'a empêché de vous interpeller à ce sujet, monsieur le ministre. C'est pourquoi j'ai choisi d'en faire ma thématique pour le printemps de l'évaluation. Comment en est-on arrivé à de tels délais pour une démarche administrative aussi banale ? Et comment améliorer les choses ?

Tout d'abord, il importe de bien comprendre de quoi il est question lorsqu'on parle des délais de délivrance. Il y a en réalité une succession de délais, qui débute par le temps d'attente d'un rendez-vous pour déposer son dossier dans une mairie équipée d'un dispositif de recueil, destiné à recueillir les empreintes digitales. Ce premier délai est le plus long et le plus dégradé : il est actuellement de 67 jours ouvrés, en moyenne, soit environ trois mois. Il est arrivé à ce niveau dès le deuxième trimestre 2022. Fin 2018, il n'était que de 11,5 jours. Mais il ne s'agit que d'une moyenne ; dans certaines communes, il faut patienter jusqu'à 150 jours, tandis que d'autres n'ont aucun délai ou proposent aux usagers de venir sans rendez-vous.

Une fois qu'un dossier complet a été déposé, il faut encore compter un temps d'attente de 29 jours en moyenne pour obtenir sa carte d'identité ou son passeport, contre 15,8 jours en 2018. Au total, le délai d'attente a augmenté de 69 jours en moyenne par rapport à 2018. Le temps d'attente recouvre lui-même toute une série de délais, qui commence par l'instruction du dossier dans un centre d'expertise et de ressources titres (Cert), dépendant d'une préfecture, se poursuit avec la mise en production du document par l'Agence nationale des titres sécurisés et se termine par sa fabrication à l'Imprimerie nationale, avant l'acheminement dans la mairie où la demande a été déposée.

Lorsqu'on met tous ces délais bout à bout, on obtient un temps d'attente d'environ 96 jours ouvrés, contre 27 en 2018. Cette attente suscite légitimement la colère des usagers, surtout à l'approche des vacances d'été. Lors des examens du PLF, j'avais été étonné par l'absence de véritable indicateur relatif à ces délais dans le projet annuel de performance de la mission Administration générale et territoriale de l'État. Il existe bien un indicateur, intitulé « délai moyen d'instruction des titres », mais il ne mesure en réalité que le temps d'instruction par les Cert. D'après le dernier rapport annuel de performance, ce délai était de 18 jours pour les passeports et de 21 jours pour les cartes nationales d'identité en 2022.

On me répondra sans doute que le temps d'obtention d'un rendez-vous en mairie n'est pas du ressort du responsable du programme 354 Administration territoriale de l'État. Pourtant, la délivrance des titres est bien une compétence de l'État, les communes n'étant finalement que les points de dépôt des demandes et, qui plus est, sur la base du volontariat.

Parlons maintenant des réponses que le Gouvernement a souhaité apporter à cette crise. En mai 2022, soit il y a un an, un plan d'urgence national a été lancé. Il comporte deux axes : accroître l'offre de rendez-vous en mairie, en augmentant le nombre de dispositifs de recueil et en optimisant l'accueil des usagers ; et accélérer l'instruction des demandes, ce qui a impliqué le renforcement temporaire des effectifs des Cert, l'achat de matériel pour l'Imprimerie nationale et la promotion du site de pré-demande en ligne de l'ANTS.

Dans le cadre de ce plan d'urgence a été récemment mis en œuvre le contrat urgence titre. Cette convention conclue entre un maire et le préfet promet une prime de 4 000 euros par DR à toute commune qui accroît le nombre de demandes qu'elle recueille d'au moins 20 %. Par ailleurs, les communes peuvent s'affilier, sur la base du volontariat, à une plateforme commune de prise de rendez-vous pour éviter les doublons, avec une majoration de dotation de 500 euros à la clé.

Ces mesures sont certes bienvenues, mais je ne suis pas certain qu'elles régleront le problème à moyen et long terme. Pour l'heure, il est difficile de bien évaluer leur impact sur les délais qui, après une lente décrue au second semestre 2022, sont repartis à la hausse. À mon sens, ce plan d'urgence ne peut avoir qu'un impact limité, précisément dans la mesure où il est conçu pour traiter une urgence : un problème conjoncturel uniquement provoqué par la hausse saisonnière des demandes de titres à l'approche de l'été et l'effet du rattrapage d'après-covid.

Or la crise actuelle me semble plutôt révélatrice d'un défaut de conception du système de délivrance des titres tel qu'il est mis en œuvre depuis 2017. La fin de la pandémie et la levée des restrictions de voyage n'ont fait qu'accentuer un dysfonctionnement préexistant. J'en veux pour preuve le fait que le délai moyen d'obtention d'un rendez-vous se hissait déjà à 27,9 jours ouvrés en juin 2019.

L'origine des problèmes rencontrés réside dans le fait que nous sommes passés de 36 000 communes où accomplir ces démarches à 2 600, sur la base du volontariat. De plus, le système est déterritorialisé, chaque usager pouvant se rendre dans la mairie de son choix dès lors qu'elle est équipée d'un dispositif de recueil. La compensation financière pour l'installation d'une station d'accueil des demandes n'est guère intéressante pour les communes. Jusqu'à l'année dernière, la dotation forfaitaire pour les titres sécurisés (DTS) s'élevait à 8 580 euros par an et par DR, avec une majoration de 3 550 euros pour les DR enregistrant plus de 1 875 demandes par an.

Lors de l'examen du dernier PLF, j'ai plaidé pour un système strictement proportionnel. J'ai été en partie entendu : depuis le 1er janvier, la DTS se compose d'une base de 9 000 euros et d'une part fonction du nombre de demandes, qui peut atteindre 12 500 euros pour les DR enregistrant plus de 4 000 demandes par an, soit une dotation globale pouvant atteindre, en incluant la majoration de 500 euros attachée à l'adhésion à une plateforme commune de prise de rendez-vous, 22 000 euros par DR.

Je salue cette évolution, mais je continue de plaider pour une compensation entièrement proportionnelle – tant d'euros par titre – assortie d'un malus en cas de sous-utilisation d'un DR. J'ai en effet relevé des écarts considérables : les 10 % des DR les plus utilisés traitent en moyenne 500 demandes par mois, alors que les 10 % les moins utilisés n'en traitent qu'une vingtaine.

Le déploiement des DR dans les territoires n'est pas seul en cause ; les moyens alloués par les communes les expliquent aussi. Certaines proposent des rendez-vous toute la semaine, d'autres sur des créneaux réduits, d'autres enfin donnent la priorité – ce qui est en principe interdit – à leurs habitants ou à ceux de l'intercommunalité au détriment de ceux qui n'en font pas partie. Je recommande donc que les conventions signées avec les mairies fixent des objectifs quantitatifs en matière de délai de fixation des rendez-vous, au lieu de se borner à régir la gestion matérielle des DR.

Par ailleurs, je suis favorable à une augmentation des droits de timbre sur les titres d'identité, afin d'améliorer la compensation financière des communes. Je rappelle que la carte nationale d'identité est gratuite depuis 1998 – elle coûtait environ 25 euros auparavant, et tel est toujours le cas en cas de perte – alors même qu'il n'est pas obligatoire d'en détenir une. Sachant que 5,5 millions de cartes nationales d'identité sont produites chaque année et que la délivrance des passeports est payante, à un prix d'ailleurs très supérieur, rétablir ce montant représenterait une ressource de 137,5 millions d'euros.

Je précise pour terminer que mon rapport traite également des titres de séjour. La question étant très différente, puisque leur délivrance relève des préfectures et sous-préfectures et qu'ils ne font pas l'objet d'une actualité aussi brûlante que les cartes d'identité et les passeports, j'ai préféré concentrer mon propos sur ces derniers.

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Gérald Darmanin, ministre

Monsieur de Courson, je vous remercie de votre travail. Nous partageons une grande part de vos constats, peut-être pas toutes vos conclusions.

Le rétablissement de l'impôt qu'est le droit de timbre toucherait en premier lieu les personnes les plus en difficulté, qui auraient à choisir entre les deux titres d'identité. C'est ce que faisaient certaines personnes auparavant, notamment dans les publics sociaux les plus touchés. Je ne suis donc pas favorable à son rétablissement.

Ce qui est sûr, c'est que l'État, par deux fois, a augmenté les moyens alloués aux communes. Il est exact qu'il n'avait pas, à l'époque où cela s'est fait, compensé l'intégralité du coût de la reprise par une partie d'entre elles de la délivrance des titres d'identité. Je vous remercie d'avoir rappelé que des moyens ont été alloués depuis.

Le parc de DR a augmenté de 30 % et 600 ont été installés depuis le début de cette année. Toutefois, le nombre de machines n'est pas tout : il faut que les communes acceptent de les installer, avec ce que cela suppose de personnel municipal et d'horaires étendus. Depuis 2022, année qui fait l'objet de votre rapport, l'offre de rendez-vous dans les mairies a progressé de 80 % : elle est passée de 780 000 rendez-vous offerts en janvier 2022 à 1,4 million en mars 2023, notamment grâce aux efforts des collectivités locales et de l'ANTS ainsi qu'à la fourniture de DR supplémentaires.

Les Cert instruisent désormais un nombre de titres au plus haut : 275 000 demandes par semaine, ce qui est inédit. Nous rattrapons ainsi notre retard, même si la situation reste difficile et même inacceptable dans certains territoires. Nous avons aussi déployé, sous la responsabilité de la ministre déléguée Dominique Faure, trente-et-un « titrodromes » pour améliorer encore la situation.

Enfin, l'une des difficultés constatées tenait à ce que certains prenaient des rendez-vous dans plusieurs mairies pour augmenter leurs chances d'obtenir une pièce d'identité, ce qui engendrait beaucoup de rendez-vous non honorés. Nous avons donc créé un site internet visant à éviter ces no show, auquel 60 % des mairies se sont affiliées, ce qui offre un gain de 30 %. Par ailleurs, nous avons réduit les cas où il faut produire un titre, par exemple pour la délivrance des diplômes, ce qui permet également de gagner du temps.

Cela dit, j'admets que le service public de la délivrance des titres d'identité est mal rendu, en raison de la crise du covid et peut-être aussi d'un défaut de prévision de tous les acteurs. Nous nous inspirerons des conclusions de votre rapport pour traiter, dans les semaines à venir, cette situation qui perdure de façon tout à fait inacceptable dans une partie du territoire.

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Je sais gré à Charles de Courson d'avoir choisi ce sujet car, par-delà les chiffres, monsieur le ministre, il s'agit d'un problème qui peut se révéler insurmontable pour certains de nos concitoyens. Des gens doivent renoncer à un voyage prévu plusieurs mois à l'avance faute de passeport, pour eux-mêmes ou leurs enfants. C'est devenu un sujet majeur dans ma circonscription.

Comment en est-on arrivé là, en partant d'un système qui était tout de même assez rapide ? Vous avez évoqué la possibilité d'obtenir des titres en un seul rendez-vous, voire sans. Quel objectif visez-vous à l'échelle nationale en matière de délais ?

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Ce qui est incompréhensible, pour les Français, ce n'est pas qu'il y ait des problèmes, mais que nous ne soyons pas capables de les résoudre en un an ni même en deux.

Les recommandations du rapporteur spécial me surprennent un peu. Rendre la carte d'identité payante touchera nos concitoyens les plus fragiles. Sa détention n'est pas obligatoire, or nous avons intérêt, compte tenu des exigences de sécurité auxquelles nous sommes soumis, que le plus grand nombre de nos concitoyens en aient une. Je ne comprends pas bien l'objet de cette mesure : s'agit-il de réduire la demande ou d'obtenir une recette supplémentaire ?

La reterritorialisation des demandes me semble assez contre-intuitive dès lors qu'il s'agit de résoudre un problème de délais : nous avons plutôt intérêt à massifier pour réduire les écarts entre mairies. Les Cert doivent, à l'échelon régional, améliorer la répartition de la charge de travail.

S'agissant de la compensation des collectivités territoriales, il peut être séduisant de la rendre proportionnelle, mais l'absence de part forfaitaire placerait les plus petites d'entre elles dans l'incertitude et les amènerait à ne plus rendre ce service public, ce que nous ne souhaitons pas. Cette mesure contredit la reterritorialisation des demandes proposée juste avant. Elle risque de créer un problème pour en résoudre un autre.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Le groupe Renaissance s'opposera à la création d'impôt proposée par le rapporteur spécial.

Par ailleurs, les mesures coercitives proposées nous étonnent. Le rapport propose de reterritorialiser la délivrance des titres, de renforcer le contrôle de l'offre de rendez-vous, de rendre contraignantes les conventions de mise à disposition des DR et d'instaurer un système punitif de malus pour les communes. Je vois difficilement comment tout cela se conjugue avec une souplesse accrue, qui me semble nécessaire en matière de délivrance des titres.

Au nom du groupe Renaissance, je salue l'effort budgétaire consenti par l'État s'agissant du nombre de DR. La dotation est passée de 48 à 72 millions d'euros, ce qui a permis d'augmenter significativement le nombre de rendez-vous proposés en 2023.

Monsieur le ministre, s'agissant de la délivrance des titres de séjour, envisagez-vous d'adopter, pour les dossiers ne présentant aucune difficulté, une logique de back-office intégral, consistant à les traiter sans prise de rendez-vous ?

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Il est question d'un délai moyen de délivrance des titres d'identité, mais il y a des communes où ce délai est bien plus long et d'autres où il est bien plus court. Une commune bretonne, que je ne nommerai pas pour ne pas la mettre en difficulté, est connue à l'échelle régionale, voire nationale, pour sa rapidité de traitement en la matière et reçoit en conséquence de nombreuses demandes.

Comment se fait-il que certaines communes parviennent à remplir leur mission de service public rapidement et d'autres non ? Est-il possible de répliquer ce qu'elles parviennent à faire ? Vos services les ont-ils contactées ?

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Certaines communes se sont montrées réticentes au déploiement de DR supplémentaires pour des raisons financières. Installer un appareil est une chose, disposer de personnel pour accueillir le public et faire le travail de recensement en est une autre. Certaines communes indiquent que la compensation versée par l'État ne leur permet pas de financer les postes nécessaires. Ne faut-il pas prévoir, de façon contractuelle et peut-être ponctuelle, une indemnisation plus importante ? On sait en effet que les retards de l'ANTS sont en cours de résorption : c'est en amont que les retards perdurent.

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Nous nous félicitons des mesures adoptées pour essayer de réduire le temps d'obtention et de renouvellement des papiers. Certes, il est de 67 jours en moyenne, mais n'oublions pas qu'il atteint cinq à six mois en certains endroits, comme à Nantes.

Nous ne pensons pas que rétablir ou augmenter le droit de timbre sur la délivrance des titres soit une solution. Peut-être faut-il envisager l'instauration d'un bonus-malus, en fonction du taux d'utilisation des DR, pour accompagner les communes.

S'agissant des indicateurs de performance, il s'avère que les délais de délivrance des titres d'identité ne tiennent pas compte du processus dans sa totalité, de la pré-demande en ligne à la récupération du titre par l'usager. Les délais de rendez-vous auprès des mairies, ainsi que ceux de fabrication, d'acheminement et de retrait du titre ne sont pas comptabilisés dans les indicateurs de performance. Monsieur le ministre, prévoyez-vous d'introduire un indicateur couvrant la totalité du processus ?

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Les indicateurs de performance ne devraient-ils pas intégrer la satisfaction des demandes présentées en urgence ? Ce sont des cas qui arrivent.

Par ailleurs, de quels moyens les mairies disposent-elles pour accompagner les personnes qui n'ont pas de connexion internet et qui doivent se rendre sur la plateforme en ligne créée par l'ANTS ? L'accompagnement par les maisons France Services est bienvenu mais encore insuffisant.

Enfin, le chantier de l'identité numérique facilitera-t-il la délivrance des titres ?

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Gérald Darmanin, ministre

Les difficultés datent pour l'essentiel des années du covid. Pendant deux ans, les gens n'ont pas renouvelé leurs titres : ils ne pouvaient pas voyager, voire sortir de chez eux, et de nombreux guichets des collectivités locales et de l'État avaient fermé.

Les titres d'identité étant valables dix ans, il a donc fallu renouveler trois fois plus de titres que les 10 % habituels depuis la fin de la crise du covid, soit depuis un an et demi – et encore faut-il tenir compte du développement du télétravail et des difficultés d'accès à certains services publics, dont certains ne sont revenus que très récemment à un accès physique intégral. De surcroît, la reprise a coïncidé avec les départs en vacances d'été.

C'est vrai, il y a des gens qui attendent depuis cinq ou six mois des pièces d'identité. Je suis le premier à le déplorer et à considérer que ce service public n'est pas rendu d'une manière normale et que nous devons son rétablissement aux Français. Nous faisons tout pour cela. Il y a aussi des gens qui déposent leur demande au dernier moment, alors même qu'ils ont leurs documents de voyage, et qui n'obtiennent pas satisfaction aussi rapidement qu'auparavant parce que nous faisons passer avant eux les gens qui attendent depuis un certain temps.

Il est exact que le temps d'attente est bien plus long dans certains territoires, la région nantaise par exemple, que dans d'autres. J'aimerais quand même rappeler que cette situation exceptionnelle se produit dans quasiment tous les pays du monde, sauf bien sûr ceux où la carte d'identité n'existe pas, tels le Royaume-Uni. Pour les passeports, la difficulté est accrue par le fait qu'il en existe plusieurs types.

Aurions-nous pu anticiper cette crise consécutive aux années covid ? Sans doute. Je n'étais pas en responsabilité lors de la crise aiguë du covid, mais j'admets sans réserves que nous aurions pu l'anticiper. Le Gouvernement essaie de rattraper le temps perdu, en lien avec les collectivités locales.

Pourquoi certaines communes sont-elles plus efficaces que d'autres ? La première raison est toute bête : certaines ont la fibre optique, d'autres non. Lorsque nous déployons des DR dans des communes qui n'ont pas la fibre, notre difficulté principale est de convaincre notamment le gestionnaire Orange – c'est ce que fait la ministre Dominique Faure – de l'installer. Le premier problème est donc l'accès à un bon débit internet.

Le deuxième, ce sont les horaires. Je constate parfois que certaines collectivités locales refusent d'étendre les horaires d'accueil. Or les gens qui demandent un titre d'identité affluent le samedi, car souvent ils ne travaillent pas ce jour-là. Nous avons suggéré à plusieurs reprises aux communes, par le biais des préfets, d'ouvrir l'accès aux DR non seulement en semaine, mais aussi le week-end et singulièrement le samedi. Que cela leur pose des problèmes de gestion des heures supplémentaires et des ressources humaines, je ne le conteste pas, mais il faut en passer par là si nous voulons résoudre le problème. Certaines mairies acceptent de faire travailler leurs agents le samedi, voire le dimanche.

Troisièmement, le temps d'attente dépend aussi beaucoup du territoire. Si vous êtes environné de communes équipées de DR, votre demande est traitée structurellement plus rapidement que s'il y en a peu. Je constate par ailleurs dans ma commune, qui est plutôt pauvre, que les populations ayant besoin de titres d'identité sont plutôt celles ayant un train de vie plus aisé, qui partent en vacances à l'étranger en famille, ou en déplacement professionnel. Les difficultés les plus importantes surviennent donc souvent dans les territoires les plus aisés, où les départs en vacances sont plus nombreux que dans les territoires les plus touchés socialement.

Il y a donc de nombreuses explications au fait que les choses ne se passent pas partout de la même façon. Mais certaines disparités restent difficilement compréhensibles ; elles s'expliquent notamment par une longue période au cours de laquelle les no show étaient nombreux. Anxieux de ne pas avoir de papiers d'identité, les gens prenaient plusieurs rendez-vous et ne les annulaient pas une fois qu'ils étaient servis. Cela a représenté 30 % des demandes dans certains départements, soit 30 % d'offre de rendez-vous en moins.

Monsieur le rapporteur spécial, vous dressez vous-même le constat que l'ANTS a respecté les délais qui lui ont été fixés. C'est donc en amont que le problème subsiste.

Sur les indicateurs de performance, je comprends la demande des parlementaires. Le Gouvernement, dans ses documents budgétaires, présente la performance de l'État et de ses agences. Je ne suis pas défavorable à la prise en compte de la chaîne du service public dans son ensemble ; les parlementaires peuvent y procéder. Prenons acte que, si telle est la volonté de la commission des finances, la chaîne du service public figurera dans les prochains documents budgétaires. Une telle évolution suppose de disposer d'éléments que nous n'aurons peut-être pas en totalité lors de la discussion budgétaire, mais elle nous semble importante.

Monsieur Lefèvre, je vous remercie d'avoir rappelé les efforts du Gouvernement et les annonces de la Première ministre. Il semble difficile de dématérialiser complètement la délivrance des titres d'identité, car il faut prendre les empreintes des demandeurs. Je n'exclus pas que la technique permette un jour de les prendre à distance par le moyen d'un système numérique non falsifiable, mais rien de tel n'est envisageable dans les prochaines années. Le « paluchage », comme on dit au ministère de l'intérieur, exigera toujours un passage d'ici là.

Madame Karamanli, l'identité numérique est une réponse, mais elle n'est pas la seule. Au demeurant, la pièce d'identité numérique stockée sur votre smartphone est complémentaire de la pièce d'identité physique, qui reste un préalable. La première ne remplace pas la seconde, mais elle permettra, demain, de voyager, de régler ses achats et de faire des duplicatas en cas de perte du titre d'identité physique.

À ce propos, les fortes difficultés du service public de délivrance des titres d'identité ne doivent pas faire oublier une grande réussite du ministère de l'intérieur : nous avons fourni 15 millions de pièces d'identité numérique, au format permis de conduire, qui empêchent l'usurpation d'identité grâce à une puce électronique.

D'ailleurs, les problèmes que nous rencontrons s'expliquent en partie par le fait que le covid est arrivé lorsque nous introduisions la carte d'identité numérique. Nous avons modifié les processus de l'ANTS, des mairies et de la production des pièces d'identité : il ne semble pas qu'un retard spécifique en ait découlé, mais il n'est pas interdit de penser que les équipes étaient en partie mobilisées par l'introduction de la carte d'identité numérique. C'est une évolution importante, car elle permet de lutter contre l'usurpation d'identité, laquelle fait 800 000 victimes par an, ce qui est énorme. Elle sera totalement déployée d'ici sept ans.

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J'ai soulevé la question de la gratuité de la carte d'identité – le passeport est payant, à 86 euros, soit un prix très supérieur au prix de revient pour l'État – parce que le cœur du problème réside dans les moyens mis en œuvre par les communes ayant volontairement choisi d'installer un dispositif de recueil et de délivrer les titres d'identité. Certaines y consacrent de gros moyens, ce qui réduit largement le temps d'attente.

Le Gouvernement a porté de 40 à 100 millions le montant alloué à l'indemnisation des communes. Soucieux que je suis des finances publiques, monsieur le porte-parole du groupe Renaissance, je propose un moyen de financer cette augmentation, d'autant que rien ne justifie le fait que les cartes d'identité soient gratuites et pas les passeports, dont le prix est élevé. C'est un moyen d'assurer une compensation aux communes, sans affectation bien sûr.

En ce qui concerne la territorialisation, j'ai dans mon département une commune équipée d'un DR dont les services prennent immédiatement en charge quiconque se présente. Temps d'attente : zéro. Des gens viennent de la région parisienne. Est-ce raisonnable ? La territorialisation permettrait de répartir l'effort, en disant quelles communes sont desservies par un DR. À défaut, l'hétérogénéité persistera.

Monsieur le ministre, les délais d'attente n'ont pas une cause technologique. Le vrai problème, ce sont les moyens. Et si je préconise d'adopter des critères qualitatifs, c'est parce qu'il n'est pas normal que l'État verse de l'argent sans fixer un objectif, éventuellement assorti d'un bonus-malus. D'ailleurs, l'État a commencé à introduire un bonus. Il faut aller plus loin. Je ne vois pas pourquoi l'État verse de l'argent sans fixer un objectif de délai, par exemple de trente ou quarante jours, entre la saisie de la pré-demande et l'obtention d'un rendez-vous.

Il y va de la qualité du service public, qui n'est pas sans importance, monsieur Lefèvre. Récompenser les bons, voire pénaliser les mauvais, est un principe de base de la bonne gestion des finances publiques.

La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

La commission examine la thématique d'évaluation : L'orientation directive des demandeurs d'asile en région (M. Mathieu Lefèvre et Mme Stella Dupont, rapporteurs spéciaux).

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La politique d'orientation directive des demandeurs d'asile mise en œuvre par le ministère de l'intérieur depuis janvier 2021 vise à rééquilibrer l'accueil des demandeurs d'asile à l'échelle du territoire national. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie en a fixé les principes.

Lors de l'élaboration du premier schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés (Snadar), en 2020, un constat s'imposait : la région Île-de-France représentait 20 % des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile et concentrait 46 % des demandes d'asile. Vue de l'extérieur, pour de nombreux demandeurs d'asile, la France, c'est Paris, ou plutôt l'Île-de-France.

Afin de réduire la concentration des demandeurs d'asile en Île-de-France, un rééquilibrage de l'accueil dans les territoires s'imposait, d'autant que cette forte concentration était à l'origine de situations inacceptables marquées par la formation de campements insalubres et des conditions d'accueil indignes. Certes, les campements subsistent, ce que nous regrettons, mais la part de migrants – qui ne sont pas tous demandeurs d'asile – à la rue à Paris a diminué en 2022. Leur nombre, toujours trop élevé, dépasserait un peu 500, contre 2 400 en 2018. On mesure à ce chiffre le chemin parcouru.

Les récents événements survenus à Saint-Brévin-les-Pins, ayant poussé à la démission son maire, M. Yannick Morez, ont ramené au centre des débats la question de l'accueil des demandeurs d'asile dans les territoires. Lorsque j'étais maire, j'ai été à l'origine de la création d'un lieu d'accueil pour demandeurs d'asile dans ma commune de Chalonnes-sur-Loire, dans le Maine et Loire. Si les habitants ont d'abord soulevé des questions légitimes, nous avons pu y répondre, et elles n'ont jamais donné lieu au moindre débordement.

Dans le cadre de nos travaux, M. Lefèvre et moi-même avons échangé avec M. Morez, ainsi qu'avec M. Laurent Laroche, maire de la petite commune de Bélâbre, dans l'Indre, qui fait face lui aussi, avec courage et dignité, à des comportements inacceptables suscités par un projet d'implantation d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile dans sa commune. Nous leur réitérons tout notre soutien.

Monsieur le ministre, j'ai quatre questions. D'abord, comment envisagez-vous de renforcer la protection des élus locaux confrontés aux menaces et aux violences que je viens d'évoquer ? Quelle sera l'évolution de la capacité du dispositif national d'accueil (DNA) en 2024, sachant que la capacité d'hébergement est au cœur de notre politique publique de l'asile ?

Vous semble-t-il possible d'associer le ministère de l'éducation nationale à la préparation du prochain Snadar, sachant que l'accès des enfants à l'apprentissage du français est important partout sur le territoire ? S'agissant de l'hébergement citoyen des demandeurs d'asile, qui me tient très à cœur, ne pensez-vous pas que son développement pourrait contribuer à favoriser la fluidité du DNA, notamment pour les réfugiés, qui ont parfois du mal à accéder à un logement ? L'hébergement citoyen est une piste intéressante à explorer, dès lors qu'il est bien maîtrisé, bien encadré, bien accompagné et bien coordonné par des professionnels.

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Stella Dupont et moi-même invitons nos collègues du Rassemblement national à lire notre rapport, ce qui leur évitera de confondre demandeur d'asile et étranger en situation irrégulière, et de parler de l'orientation directive comme d'une stratégie de repeuplement de nos campagnes, ce qu'elle n'est absolument pas. Je réaffirme la solidarité de notre groupe avec MM. Morez et Laroche, et j'invite ces mêmes collègues à s'inscrire dans le cadre de la stratégie du Gouvernement visant à protéger les élus concernés par l'implantation d'un centre d'accueil des demandeurs d'asile.

Nous dressons de l'orientation directive, après deux ans de mise en œuvre, un bilan plutôt positif. Les chiffres devraient vous en convaincre : en deux ans, elle a été proposée à 48 000 demandeurs d'asile, parmi lesquels 12 000 l'ont refusée. Sur les 36 000 qui ont accepté, un peu plus de 30 000 ont rejoint leur lieu d'hébergement.

Premier point positif, cela a permis de desserrer fortement la pression exercée sur l'Île-de-France, où la part de primo-demandeurs d'asile est passée de 46 % à 35 %, la cible pour la fin 2023 étant à 23 %. Le nombre de campements insalubres a été considérablement réduit. D'après la préfecture de l'Île-de-France, le nombre de migrants à la rue a diminué entre 2019 et 2022, passant de 3 500 chaque soir à environ 600.

Par ailleurs – second point positif – la part des demandeurs d'asile hébergés a fortement progressé, en raison notamment de la progression du nombre de places dans le DNA, non seulement en région parisienne mais aussi en région, où plusieurs milliers de places ont été créées.

Cette stratégie a bien fonctionné, en partie grâce à l'adhésion des demandeurs d'asile. Environ 60 % d'entre eux l'ont acceptée. Le taux de refus est plus élevé pour certaines nationalités, notamment parmi les Turcs et les Bangladais, en raison non de la protection dont elles bénéficient, mais de considérations d'ordre économique, ces nationalités étant bien insérées dans des réseaux préexistants.

Les fragilités de cette politique résident, comme nous l'ont indiqué les préfets, dans le volume de la demande d'asile et dans le nombre de maintiens indus dans le DNA, lesquels s'expliquent paradoxalement par la réduction des délais. La décision d'asile étant prise plus rapidement grâce aux efforts consentis par le Gouvernement, des gens qui sont déboutés ou qui obtiennent la protection internationale peuvent être maintenus indûment dans le DNA.

Stella Dupont et moi-même formulons plusieurs recommandations pour lutter contre ce phénomène, mais aussi pour mieux accompagner la situation sanitaire des demandeurs d'asile, mieux associer le ministère de l'éducation nationale à cette politique pour prendre en compte la situation des élèves allophones et mieux associer les élus locaux à l'implantation des centres pour demandeurs d'asile.

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Gérald Darmanin, ministre

Je remercie M. Lefèvre et Mme Dupont de leur travail, et salue particulièrement l'engagement de longue date de cette dernière dans l'accompagnement des demandeurs d'asile.

Je condamne évidemment les agressions d'élus. Ils sont nombreux à connaître des difficultés, qu'il s'agisse d'agressions verbales ou, malheureusement, d'agressions physiques. Les faits évoqués par Mme Dupont seront bien portés à la connaissance non seulement du ministère de l'intérieur, mais aussi du ministère de la justice. Dans le cas du maire de Saint-Brévin-les-Pins, il s'agit à la fois d'assurer la protection du maire et d'assurer la réponse pénale, en veillant à faire en sorte que le procureur de la République échange en direct avec les élus, ce à quoi je sais que le garde des sceaux est très attentif. Pour ma part, j'ai pris le 16 mars dernier, donc avant les difficultés graves qu'a rencontrées le maire de Saint-Brévin-les-Pins, une instruction visant à protéger les élus, notamment dans le cadre de l'accueil des demandeurs d'asile sur leur territoire qui est souhaité et parfois imposé par l'État.

La capacité du DNA a augmenté. Elle est passée de 82 362 places en 2017 à 119 732 places en 2023, en comptant les 5 900 places qui doivent être ouvertes cette année. D'ici la fin de l'année, le nombre de places pour demandeurs d'asile aura donc augmenté de 45 % depuis l'élection du Président de la République et de la majorité parlementaire. Cet effort est d'autant plus remarquable qu'il a enjambé la période très particulière du covid, qui a exigé de loger des personnes qui n'auraient pas dû l'être en temps normal, et la période d'intensification des flux migratoires qui a suivi.

Les besoins sont très importants. La situation s'améliore, mais il reste du travail au ministère de l'intérieur, puisque ce sont 60 % des demandeurs d'asile qui vivent dans des conditions matérielles conformes au DNA. Il ne faut pas en déduire qu'il manque 40 % de places : certaines places sont occupées par des gens qui n'y ont pas droit. Sans doute faut-il mener un travail fin avec le ministère du logement. Au ministère de l'intérieur, nous sommes conscients des nombreux problèmes humains et d'accompagnement que pose cet état de fait, mais nous ne pouvons que le constater.

Nous avons donc prévu pour 2024, sous l'autorité de la Première ministre, de clarifier la situation en distinguant, parmi les demandes de logement, celles qui relèvent de l'asile, celles qui relèvent de l'hébergement des sans-abri et les autres. Par ailleurs, nous travaillons à l'inscription d'une augmentation du nombre de places dans le budget 2024, dont les arbitrages par la Première ministre sont en cours.

S'agissant de la participation du ministère de l'éducation nationale à l'élaboration du Snadar pour la période 2024-2027, elle est prévue pour les enfants en âge d'être scolarisés. J'espère pouvoir annoncer lors de la prochaine discussion budgétaire qu'elle a bien eu lieu.

L'hébergement citoyen a bien fonctionné pour l'accueil des réfugiés ukrainiens. Pour les autres demandeurs d'asile ou de protection, il n'existe que de façon très limitée. Il faut l'étendre en l'encadrant pour éviter les abus, des deux côtés d'ailleurs. Enrichis de l'expérience de l'accueil des Ukrainiens, nous pouvons imaginer cette évolution.

Un dispositif exceptionnel a été adopté par l'État et les préfectures. Nous pourrions l'essayer dans deux ou trois départements pilotes avant de le généraliser – si le Maine-et-Loire est candidat, nous le sélectionnerons avec plaisir –, non sans prendre connaissance auparavant du retour d'expérience de l'hébergement des réfugiés ukrainiens, dont s'occupe la ministre Sonia Backès et que nous pourrons vous faire parvenir. Il faudra tenir compte du fait que 90 % des réfugiés ukrainiens sont des femmes, contrairement aux autres demandeurs d'asile, qui sont majoritairement des hommes. Nous pouvons néanmoins imaginer des dispositifs, dans le cadre d'une intégration citoyenne des réfugiés.

Quoi qu'il en soit, j'ai chargé la direction générale des étrangers en France et la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) de réfléchir à l'hébergement citoyen. Une mission a été menée par Frédérique Lahaye de Fréminville et Thierry Tuot, qui a été remplacé après avoir été nommé président de la section de l'intérieur du Conseil d'État mais a eu le temps d'aborder le sujet avec moi. La Dihal a prévu un dispositif pour 110 personnes réfugiées, en attendant une expérimentation plus large dans quelques départements que je vous proposerai.

S'agissant des prévisions de consommation de crédits, la demande d'asile étant restée basse au premier trimestre et ayant baissé au second, nous ne consommerons sans doute pas l'intégralité des 321 millions alloués au financement de l'allocation pour demandeur d'asile par la loi de finances pour 2023. Bien entendu, cette prévision est soumise aux soubresauts de la vie diplomatique, aux éventuels franchissements de frontières et aux difficultés que peuvent connaître nos voisins. Je demeure donc prudent mais, pour l'heure, nous ne constatons aucune tension particulière sur les crédits de l'ADA.

On dénombre en moyenne, pour le premier trimestre de cette année, 83 675 bénéficiaires de la protection temporaire offerte aux Ukrainiens – des doubles comptes peuvent parfois se produire, notamment pour des enfants. Le nombre de bénéficiaires de l'ADA est donc à peu près comparable à celui de l'année dernière et nous pensons qu'il se maintiendra, avec peut-être une légère évolution positive en raison de l'évolution de la guerre en Ukraine.

Au-delà des aspects militaires, on observe que, malgré les propositions d'accueil de la France, notre pays n'a pas été la première destination choisie par les réfugiés ukrainiens. En effet, la communauté ukrainienne en France est de petite taille, à la différence par exemple de celles d'Espagne ou d'Italie, ou de l'Allemagne, qui est, après les pays frontaliers, celui qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés d'Ukraine. Nous avons, pour notre part, envoyé des bus et des fonctionnaires pour ramener des réfugiés en France, mais ils ont refusé de venir. Nous continuons à ouvrir nos portes mais, hormis le cas particulier de Nice, qui compte une population ukrainienne plus importante, il n'y a pas de raison que le territoire national connaisse une forte augmentation du flux d'Ukrainiens.

Enfin, oui, un problème particulier se pose pour l'Île-de-France. Comme je l'ai dit tout à l'heure, un desserrement est nécessaire, pour les demandeurs d'asile, pour les élus, pour l'intégration et pour le traitement des demandes, voire pour les refus et les reconduites aux frontières. En tout état de cause, il n'y a pas lieu de laisser perdurer la situation actuelle en Île-de-France. Je rappelle qu'au 23 mai, sept sas d'accueil temporaire sont opérationnels.

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C'est à minuit vingt-cinq que nous abordons ce sujet important… Je remercie Stella Dupont et Mathieu Lefèvre pour leur rapport, qui pose de vraies questions. Je suis convaincu que la répartition sur le territoire des personnes arrivant en France est l'une des solutions pour une bonne politique migratoire.

La difficulté actuelle est de deux ordres. D'abord, il est ici question de demandeurs d'asile. Cela ne tient pas compte, notamment en Île-de-France, des personnes qui ne sont pas régularisées mais ne seront jamais expulsées parce qu'elles vivent et travaillent en France depuis des années – nous ne serons certainement pas d'accord sur cette question, monsieur le ministre. C'est très certainement ce qui explique que seulement 15 % des OQTF soient exécutées : il ne s'agit pas de laxisme, mais d'un mouvement normal lié au fait que de nombreuses personnes, pour diverses raisons, ne peuvent tout simplement pas quitter le territoire. Je vois tous les jours des personnes dont les parents sont français, qui font de brillantes études en France mais qui ont le malheur d'être arrivés après leurs parents, de telle sorte que leur situation ne peut pas être régularisée. Au lieu de vouloir expulser les personnes qui ne sont pas régularisées, mieux vaudrait peut-être chercher à les intégrer à la société, pour la plus grande satisfaction de tous.

Cette question complique les déménagements sur les territoires. Le relatif échec du départ vers les régions s'explique par l'absence de centres d'accueil dignes de ce nom en Île-de-France. Il devrait s'agir d'un véritable sas pour l'accueil administratif des personnes concernées, qui permettrait de mieux anticiper et mieux préparer leur déplacement vers les régions. Voilà peu de temps, dans ma circonscription, a eu lieu l'expulsion du squat Unibéton, le plus grand d'Île-de-France. Il est clair que les personnes expulsées d'un squat et envoyées en régions rencontrent le problème décrit par Mathieu Lefèvre et Stella Dupont : paradoxalement, le sentiment de déracinement qu'ils éprouvent tient moins au fait qu'ils viennent d'arriver qu'à l'absence d'une communauté pour les entourer. La solution à ce problème doit être préparée, et cela suppose en premier lieu l'existence d'un sas, comme c'est le cas dans de nombreuses capitales à travers le monde, qui disposent de centres d'accueil plus efficaces que les nôtres.

Plusieurs des préconisations formulées sont intéressantes, comme l'augmentation du nombre de centres d'accueil des demandeurs d'asile ou le fait de favoriser l'accès au travail pour certains d'entre eux. J'adhère aussi à certaines des propositions de Stella Dupont, qui me semblent propres à améliorer concrètement la situation des personnes qui, face à l'incertitude d'un déplacement, préfèrent retourner en Île-de-France ou dans les grands centres urbains. Il semble intéressant de supprimer la possibilité d'orientation directive sans hébergement, qui peut donner à ces personnes l'impression qu'il n'y a pas de retour possible, car cela contribue à une meilleure intégration. De même, l'idée d'enrichir l'algorithme utilisé pour déterminer la région d'affectation des demandeurs d'asile afin de tenir compte de leurs attaches particulières est également intéressante, comme celle d'un d'aménagement de l'implantation territoriale de l'Ofii. Ce rapport comporte donc des recommandations qui vont dans le bon sens.

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Les recommandations des deux rapporteurs spéciaux sur l'orientation directive des demandeurs d'asile visent à rééquilibrer la prise en charge de ces derniers sur l'ensemble du territoire national, objectif auquel nous souscrivons tous. Ils en dressent un bilan plutôt positif, avec six demandeurs d'asile sur dix qui acceptent l'orientation qui leur est proposée.

Je note tout de même qu'un certain nombre des demandeurs d'asile accueillis en Cada n'ont absolument aucune chance de recevoir une réponse positive, compte tenu de leur pays d'origine, et ne devraient à strictement parler pas se trouver là.

Dans quel but proposez-vous d'associer à cette réflexion le ministère de l'éducation nationale ?

Par ailleurs, vous proposez de réduire les possibilités de maintien indu dans le dispositif national d'accueil. Avez-vous chiffré le coût de cette présence indue ?

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Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

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Je me félicite que la politique d'orientation directive des demandeurs d'asile appliquée depuis 2021 soit évaluée. Alors qu'historiquement la région Île-de-France concentrait à elle seule une grande majorité des demandeurs d'asile, ce qui nuisait à la qualité de leur accueil, l'orientation directive a équilibré la présence des demandeurs d'asile sur l'ensemble de notre territoire. Je me réjouis que le bilan en soit globalement favorable et souscris globalement aux propositions formulées.

Ma première interrogation porte sur le taux de refus de l'orientation directive : quatre demandeurs d'asile sur dix. Selon les rapporteurs, en deux ans, 48 000 propositions d'orientation ont été faites, pour 12 000 refus et 36 000 acceptations, sur lesquelles 30 400 des intéressés ont rejoint leur lieu d'hébergement. Quelles sont les raisons de ces refus et comment en réduire le nombre ?

Ma seconde question porte sur l'intégration de ces demandeurs d'asile : dispose-t-on d'éléments chiffrés qui permettraient de savoir si elle est meilleure en région qu'en Île-de-France ?

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M. Lefèvre et M. le ministre nous ont parlé de la différence entre demandeurs d'asile et clandestins. Il est un point sur lequel nous ne sommes clairement pas d'accord : pour nous, quelqu'un qui franchit la frontière illégalement est un clandestin. Vous conviendrez en effet que, tant qu'il n'a pas rencontré une association et formulé sa demande d'asile, il est en situation illégale en France. Or nous considérons que toute personne qui entre illégalement en France ne peut plus demander l'asile.

Nous pensons que les demandes d'asile doivent être faites à l'étranger, dans les consulats et les ambassades. Les personnes se trouvant dans des pays tels que la Syrie par exemple peuvent le faire dans un pays voisin. Les intéressés pourraient être placés sous la protection de la France le temps de l'étude de leur dossier. C'est la France qui aurait la charge de faire venir ceux qui obtiendraient l'asile sur le territoire national, ce qui leur éviterait un voyage difficile – vous voyez que nous faisons preuve d'humanité.

Il a été question d'une commune dont 70 % de la population s'oppose à l'implantation d'un centre d'accueil. Or certains d'entre vous contestent ce chiffre. C'est simple : lorsqu'un centre d'accueil doit être déployé dans une commune, organisons un référendum local, afin que le dernier mot revienne au peuple !

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Face à l'arrivée des réfugiés ukrainiens, nous avons été capables d'accélérer le traitement des demandes d'asile. À cette fin, l'Ofii a par exemple délocalisé des permanences dans certains territoires. Pourrait-on généraliser cette organisation pensée pour les réfugiés ukrainiens afin d'offrir une réponse plus rapide aux demandeurs d'asile ?

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L'orientation directive, qui permet, depuis janvier 2021, le transfert des primo-demandeurs d'asile de l'Île-de-France vers la province, se fait au moyen d'un algorithme. Est-il possible, comme la proposition en a été faite, de mieux prendre en compte les attaches particulières dans une région pour favoriser l'intégration et l'accompagnement de ces personnes ?

Comment faire en sorte que les différents types d'hébergement que l'on connaît depuis plus de dix ans s'intègrent dans un parcours normé et adapté à la situation du demandeur de la protection et à ses besoins ? Selon quel calendrier cette réforme pourrait-elle être menée ? On peut sans doute tirer les leçons du traitement d'un certain nombre de cas, comme celui des réfugiés ukrainiens. N'oublions pas que les personnes ayant obtenu l'asile apportent une richesse au pays et répondent à ses besoins.

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Gérald Darmanin, ministre

Monsieur Salmon, savoir si les étrangers qui n'ont pas encore déposé leur demande d'asile sont en situation régulière ou non n'est pas une opinion. C'est déterminé par le droit – sauf à décider de ne plus se conformer à la Déclaration universelle des droits de l'homme, à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés ni à notre Constitution : c'est un choix politique…

Le préambule de la Constitution de 1946 prévoit que « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République. » En vertu de ce principe, on ne peut refuser à un demandeur d'asile l'accès au territoire français, hexagonal ou ultramarin. Les emprises consulaires ne sauraient représenter un substitut. Les membres du Rassemblement national, mais aussi des Républicains devront faire sortir la France de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et modifier en profondeur sa Constitution s'ils souhaitent externaliser les demandes d'asile. Vous ne citez d'ailleurs jamais de pays qui ait appliqué ce type de mesures. Il faudrait au moins avoir l'exemple d'un État démocratique qui en ait accepté le principe !

Les 120 à 140 000 demandeurs d'asile annuels ne constituent pas une difficulté majeure pour un pays de 70 millions d'habitants. La vraie question est de savoir de quelle manière on traite les demandes, dans quel délai et comment on reconduit les personnes déboutées. Si vous étiez aux responsabilités, vous ne feriez pas autre chose que nous, car un triple Frexit – de la CEDH, de la Constitution et de la Charte des Nations unies – nous placerait au ban des nations.

Monsieur le président, vous avez parfaitement raison, je dresse les mêmes constats que vous quotidiennement. Toutefois, si des gens ne sont ni régularisables, ni expulsables, ils ne figurent pas dans le dispositif national d'accueil géré par le ministère de l'intérieur. Les personnes sans abri dépourvues de titres de séjour sont prises en charge par le ministère du logement : je ne parle ici que des crédits budgétaires de mon ministère, qui gère les demandeurs d'asile. Ce qui est certain, c'est qu'entre 15 et 20 % des personnes qui se trouvent dans le DNA ne devraient pas y être, et qu'elles prennent donc la place de demandeurs d'asile. C'est une difficulté majeure à laquelle est confronté mon ministère. Il faut orienter ces personnes vers un autre dispositif géré, par exemple, par le ministère du logement. Pour reprendre votre exemple, il faut que l'intéressé se retourne vers ses parents, et l'État peut l'aider à le faire. Quant aux personnes qui ne sont ni expulsables ni régularisables, elles font l'objet du projet de loi qui vient d'être présenté au Parlement, que tous les groupes d'opposition n'ont pourtant pas déclaré soutenir.

Monsieur le rapporteur général, vous avez raison, les demandeurs de certaines nationalités n'ont à peu près aucune chance de l'obtenir l'asile, ce qui est un défaut de notre système. Alors, faut-il poursuivre la politique des pays sûrs ou non ? Je signale que leurs ressortissants sont susceptibles de remplir d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile. Par exemple, les personnes homosexuelles ou transgenres, qui sont susceptibles de faire l'objet d'une condamnation pénale dans quasiment tous les pays de droit musulman, pourraient à ce titre demander l'asile dans notre pays. D'autres critères que la nationalité sont pris en compte lors de l'examen des dossiers par l'Ofpra – qui est indépendant – et par la CNDA – qui est un juge administratif.

Monsieur le président, je peux vous rejoindre en ce qui concerne le souhait d'avoir des centres d'accueil dignes de ce nom. Je pense que vous noircissez un peu le tableau, même si je peux comprendre votre impression compte tenu de l'état des centres en Île-de-France et singulièrement dans votre département. Depuis trois ans, le Gouvernement a créé des sas d'accueil. On peut certes discuter pour savoir s'ils sont assez nombreux ou assez équipés. Il faut faire attention à la manière dont nous accueillons les demandeurs d'asile, qui parfois attendent un accompagnement individualisé, ou parfois peuvent chercher à séjourner dans notre pays par un moyen détourné – c'est une des difficultés auxquelles il faut faire face. Cela étant dit, je suis d'accord avec vous et avec les propositions des rapporteurs : ces sas peuvent être mieux organisés.

Associer l'éducation nationale est une proposition intéressante pour mieux accompagner les enfants, monsieur le rapporteur général. La possibilité d'inscrire ses enfants est un sujet très important dans la répartition territoriale des demandeurs d'asile. Ces enfants font parfois face à de grandes difficultés éducatives, notamment lorsqu'ils ont dû effectuer des trajets très durs et qu'ils ont subi des sévices sexuels, comme c'est le cas d'une partie des jeunes filles que nous accueillons. L'éducation nationale devant ensuite s'en occuper, mieux vaut qu'elle soit associée en aval à la mise en place du dispositif, afin de pouvoir déterminer les endroits où le bon accompagnement pourra être organisé.

Pour répondre à Mmes Karamanli et Goulet, je dirai qu'agir plus vite est bien sûr notre problème principal. Je peux comprendre l'affirmation du président Coquerel : oui, il y a un problème d'accueil, personne n'a jamais dit le contraire. L'immigration pose plusieurs problèmes, dont une crise de l'accueil. Pour expliquer cette crise, vous allez me dire que nous n'avons pas dégagé suffisamment de moyens, je vais vous dire que nous mettons trop de temps pour répondre aux demandes d'asile. Ce délai excessif handicape aussi bien la personne à qui sera accordé l'asile que celle à qui il sera refusé.

Attendre un an et demi pour obtenir une réponse lorsque l'on cherche à faire valoir ses droits constitutionnels et conventionnels est inacceptable, car pendant cette période très longue l'intéressé ne peut pas travailler et ne peut pas se projeter dans l'avenir. C'est également inacceptable pour celui à qui l'on refusera l'asile, car entre-temps il aura pu faire sa vie en France, eu ou scolarisé un enfant, voire aura commencé à travailler clandestinement, autrement dit à se faire exploiter. On crée une situation où la personne n'est ni expulsable, ni régularisable.

La réponse réside dans la rapidité.

L'Ofpra et les préfectures ont fait d'énormes efforts, grâce d'ailleurs aux moyens budgétaires que vous leur avez accordés. Je suis fier que vous m'interrogiez désormais sur la répartition des demandeurs d'asile sur le territoire national, et non plus comme il y a trois ans sur le point de savoir pourquoi l'Ofpra met neuf mois pour examiner un dossier. Le délai de réponse aux demandeurs d'asile a été ramené à cinq mois, et parfois beaucoup moins.

Le problème, c'est la juridiction administrative. Ce n'est pas pour dire du mal de la CNDA en tant que telle, mais elle met encore, elle, entre neuf et douze mois pour répondre à une demande de l'Ofpra ou, le plus souvent, d'un demandeur d'asile débouté. Ces délais posent un problème d'accueil des personnes. L'objet du projet de loi que nous soumettons donc au Parlement est précisément de les réduire : il ne s'agit pas de limiter les possibilités de recours des demandeurs d'asile mais de faire en sorte qu'ils interviennent dans des délais raisonnables, compatibles avec nos capacités d'accueil – dont je crains qu'elles ne puissent pas être considérablement élargies.

L'immigration n'est pas une opinion. Être pour ou contre n'a pas beaucoup de sens puisque, quoi qu'il arrive, il y aura des vagues migratoires très importantes. Il a déjà été question ce soir des migrations climatiques auxquelles nous serons évidemment confrontés dans les prochaines années.

Bref, s'agissant des délais et puisque cela n'a pas été relevé, je constate que l'Ofpra a fait des efforts considérables, conformes aux engagements du Président de la République.

Je termine avec la protection que nous avons accordée aux Ukrainiens. J'entends parfois dire que nous avons fait beaucoup d'efforts pour eux et moins pour les autres réfugiés.

Premièrement, cette comparaison me paraît un peu douteuse. Je rappelle que les États européens ont décidé ensemble d'accorder une protection temporaire, qui présente beaucoup d'avantages par rapport à la demande d'asile classique. Car ce n'est pas un asile. Lorsque certains me demandent de donner à tous ce que nous avons accordé aux Ukrainiens, je veux bien dire chiche, mais je ne suis pas certain que cela rende beaucoup service aux intéressés. Ce que nous disons aux Ukrainiens, c'est qu'ils n'obtiendront pas l'asile, car leur pays ne sera plus en guerre dans quelques années, et qu'ils bénéficient de trois ans de protection. Est-ce que cela servirait la cause des Syriens, des Afghans et des Pakistanais ?

Deuxièmement, la protection accordée autorise les Ukrainiens à travailler immédiatement. Or, lorsque ce sujet a été évoqué récemment, j'ai compris que certains n'étaient pas favorables au fait que les demandeurs d'asile travaillent. Il faut être cohérent et se décider pour l'un ou l'autre. Pour notre part, nous pensons que les ressortissants de certains pays, comme les Afghans, qui sont à peu près certains d'obtenir l'asile, doivent pouvoir travailler sans attendre. C'est un débat politique. Mais on ne peut pas demander tout et son contraire.

Troisièmement, les situations ne sont pas comparables. Les Ukrainiens présents sur le territoire national sont moins de 100 000, et il s'agit pour 90 % de femmes avec des enfants, qui restent à quatre heures de trajet de leur pays et de leur famille. Cela n'a rien à voir avec les centaines de milliers de personnes qui ont traversé les mers pour venir, qui n'ont parfois absolument pas la même culture que nous et qui sont surtout des hommes, les familles venant dans un second temps.

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Je voudrais souligner votre ouverture face aux recommandations que nous formulons, notamment en ce qui concerne l'hébergement citoyen. J'ai bien entendu votre intérêt pour cette mesure. Je salue aussi la mobilisation de tous les acteurs – agents des préfectures, Ofpra, CNDA. Même si nous souhaiterions que les choses aillent encore plus vite, on constate que les choses évoluent – l'orientation directive des demandeurs d'asile en est l'illustration. La qualité de l'accueil s'améliore, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire.

La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre, rapporteurs spéciaux.

La commission en vient à l'examen de la thématique d'évaluation : L'adéquation des moyens des services départementaux d'incendie et de secours à leurs missions et aux défis à venir (M. Florian Chauche, rapporteur spécial).

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Pour commencer, je tiens à remercier l'ensemble des personnes qui m'ont accordé du temps lors des auditions et visites que j'ai menées dans le cadre de ce rapport d'évaluation.

J'ai pu m'appuyer sur le rapport de l'Inspection générale de l'administration d'octobre 2022 et sur l'audition de ses auteurs. Ce document présente l'avantage d'analyser dans la durée l'évolution des dépenses des Sdis, de leurs interventions et de leurs modes de financement. J'ai bien évidemment rencontré les organisations syndicales des Sdis, dont je salue l'engagement et que je remercie pour la qualité de nos échanges ainsi que pour leur franc-parler. Je remercie les préfets du Var et des Vosges qui ont partagé avec moi leur expérience en matière de gestion de crise. La comparaison entre deux départements inégalement confrontés à des incendies était intéressante.

Puisqu'il était question du financement des Sdis et de son adéquation au changement climatique, j'ai auditionné des chercheurs de l'Institut de l'économie pour le climat. Il était aussi indispensable d'entendre les représentants de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des maires de France, qui sont les premiers financeurs des Sdis. Je tiens à remercier aussi la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, ainsi que les personnels et les représentants syndicaux de la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes, dont la visite a été particulièrement instructive.

Je souhaite, enfin, avoir un mot pour les personnels de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers et de l'Entente Valabre, où j'ai pu mesurer le professionnalisme et le degré de compétence de nos forces de sécurité civile. La France dispose d'un pôle d'excellence que beaucoup de pays lui envient en matière de formation et de préparation aux incendies et à la gestion de crise.

Si j'ai choisi cette thématique, c'est parce que j'ai été frappé, lors de l'examen du projet de loi de finances, de voir à quel point la sécurité civile était un sujet transpartisan. Tous les groupes politiques avaient déposé des amendements au PLF sur l'exonération de malus écologique et le tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). De nombreux groupes avaient également déposé des amendements pour faire évoluer la fraction de TSCA dédiée au financement des Sdis. Nous sommes nombreux sur ces bancs à vouloir offrir à nos Sdis des moyens supplémentaires et je regrette que le Gouvernement, en faisant un usage répété de l'article 49.3 lors de l'examen du projet de loi de finances, nous ait empêché d'en débattre. Je crois sincèrement qu'il aurait été possible de trouver un accord, et que c'est toujours le cas. Nous l'avons d'ailleurs constaté la semaine dernière, lors de l'examen de la proposition de loi relative à la lutte contre le risque incendie, où nous avons voté à la quasi-unanimité pour l'exonération de malus écologique pour nos Sdis et pour un tarif réduit de TICPE, ainsi que pour rejeter les amendements de suppression du Gouvernement sur ces sujets.

Notre modèle fait face à deux problèmes majeurs : d'une part, une sursollicitation de nos sapeurs-pompiers dans le domaine sanitaire et, d'autre part, le défi climatique, qui va induire une forte augmentation des crises et de leur intensité, et face auquel nous sommes insuffisamment préparés. Entre 2002 et 2021, le nombre d'interventions réalisées par nos sapeurs-pompiers est passé de 3,6 à 4,7 millions, mais seules les interventions de secours aux personnes ont augmenté ; elles représentent désormais plus de 80 % du total. Cela n'est pas sans conséquences : les Sdis ont logiquement investi prioritairement dans des véhicules de secours et d'assistance aux victimes, au détriment des véhicules d'intervention et de lutte contre les incendies, comme les camions-citernes feux de forêt (CCF).

Surtout, près de 20 % des interventions des Sdis ne relèvent pas de leur mission. Je pense aux fameuses carences ambulancières ou aux activités d'aide à la personne. Cela pose un certain nombre de problèmes. Le premier est d'ordre financier, puisque l'indemnisation des carences ambulancières ne couvre pas le coût réel de l'intervention et que le nombre de carences indemnisé est encore trop faible. Le deuxième est d'ordre opérationnel : il arrive souvent que les pompiers doivent attendre plusieurs heures une prise en charge dans un hôpital, ce qui n'est pas acceptable.

Tout cela entraîne une perte de sens pour de nombreux sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels, des difficultés de recrutement et de nombreuses démissions, ce qui est inédit. Les volontaires ont aussi tendance à s'engager pour une durée plus courte. Soit dit en passant, les exonérations de cotisations patronales n'y changeront rien : si vous souhaitez recruter 25 000 sapeurs-pompiers supplémentaires, Monsieur le ministre, il va falloir prendre des mesures pour les recentrer sur leur cœur de mission et redonner ainsi du sens à leur engagement. La loi Matras a certes apporté des avancées mais vous devez poursuivre ce travail avec le ministère de la santé.

J'en viens au changement climatique. Il est inutile de détailler ses conséquences pour nos forces de sécurité civile. Les événements récents ont montré à quel point le risque s'est étendu géographiquement et à quel point il s'est intensifié. Les épisodes de grêle, l'été dernier, et d'inondations en ce moment dans l'Allier témoignent également de l'accroissement des événements climatiques extrêmes, auxquels nous devons nous préparer. Or, force est de constater que nous ne sommes pas prêts à faire face aux conséquences du changement climatique. Le nombre de camions-citernes feux de forêt, qui sont un outil de base dans la lutte contre les incendies, est passé de 5 117 en 2002 à 3 143 en 2020. Et ce matériel moins nombreux est aussi en moins bon état, puisque le taux de vétusté du matériel mobile d'incendie est passé de 51 % en 2011 à 61 % en 2021.

La mise en place des pactes capacitaires est bienvenue et je la salue, mais elle ne permettra pas de rattraper le retard accumulé. Le coût de ces engins a par ailleurs explosé et il faut désormais compter deux ans entre la commande et la livraison. Nos Sdis vont devoir faire des efforts d'investissement énormes et ceux-ci ne seront pas répartis équitablement, car 40 % du parc national des CCF est regroupé dans seulement seize départements. Si les départements du pourtour méditerranéen, historiquement confrontés au risque incendie, sont relativement bien armés et préparés, d'autres territoires ont tout à faire : acheter du matériel, former leurs sapeurs-pompiers et sensibiliser la population.

S'agissant des moyens aériens de l'État, je regrette que les recommandations de la mission interministérielle de 2010 n'aient pas été suivies. Nous aurions dû et pu adapter le dimensionnement de notre flotte aérienne à l'extension du risque incendie. Au lieu de cela, on a attendu au maximum avant de remplacer les Tracker et on se retrouve, pour l'été 2023, avec une flotte aérienne en moyens propres de douze Canadair, huit Dash et trois Beechcraft, une flotte quantitativement identique à celle des années 1990, alors même que le risque a augmenté, que la durée des feux s'est allongée et que le territoire à défendre s'est étendu. Nous voilà donc contraints de procéder à des locations onéreuses, que nous aurions pu éviter en anticipant.

Vous l'aurez compris, je suis convaincu que nous devons augmenter significativement les moyens alloués à nos Sdis et j'ai des propositions à vous faire en ce sens.

Je crois, premièrement, qu'il convient d'augmenter le taux de la TSCA pour dégager des moyens supplémentaires pour les Sdis. Afin de ne pas faire peser cette hausse indistinctement sur l'ensemble de nos concitoyens, il serait judicieux de moduler le taux en fonction du coût d'achat des véhicules. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, l'idée d'un mécanisme de péréquation. Ne pourrait-on pas envisager de consacrer une partie de l'augmentation de la TSCA à un fonds de solidarité et d'investissements au profit de nos Sdis les moins bien dotés ? Surtout, l'utilisation de cette ressource pose un problème de lisibilité, puisque les Sdis pensent que les départements ne la leur reversent pas intégralement. Il faut mettre fin à cette opacité et faciliter l'accès à l'information, afin de ne pas alimenter ces fantasmes.

Le fait que la contribution des communes soit plafonnée à l'évolution de l'inflation pose également des problèmes. En Gironde, par exemple, la forte augmentation de la population entraîne un accroissement des interventions du Sdis, à moyens constants. Je connais les difficultés financières des communes et je ne dis pas qu'elles ne contribuent pas assez au financement des Sdis, mais il me paraîtrait judicieux de relever le taux plafond de la taxe de séjour sur les hébergements luxueux, afin de faire contribuer ceux qui en ont les moyens et qui, par ailleurs, contribuent le plus fortement au changement climatique. Ainsi, les communes qui le souhaitent pourraient dégager des moyens supplémentaires pour le financement des Sdis.

Enfin, le rapport de l'IGA souligne que les ressources qui financent les Sdis sont sans lien direct avec l'activité des sapeurs-pompiers. Les pompiers le réclament depuis longtemps. Il est temps de réfléchir à une contribution directe de la part des compagnies d'assurances. Ces dernières en ont les moyens ; elles réalisent des bénéfices importants, notamment grâce à l'action des sapeurs-pompiers, qui protègent les personnes et les biens.

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Gérald Darmanin, ministre

Je me retrouve dans nombre de vos propos.

Vous avez raison, les pompiers ont souvent à mener des interventions qui ne relèvent pas de leur cœur de mission, ce qui les décourage et coûte de l'argent aux Sdis : il s'agit des carences ambulancières et de l'aide à la personne, notamment aux personnes âgées. Ce qui est un peu paradoxal, c'est que le département est la collectivité qui gère les Sdis, mais aussi la politique de l'âge et du handicap. Dans mon département du Nord, beaucoup de personnes âgées appellent les sapeurs-pompiers parce qu'elles sont seules à leur domicile, ou parce que dans leur Ehpad, souvent géré par le département, il n'y a plus de gardien ou d'infirmer de nuit. Ce sont les pompiers qu'on appelle alors pour relever une personne qui est tombée de son lit, voire ramasser une télécommande. Cela relève un peu de la bobologie.

Les départements doivent concilier ces deux politiques publiques en renforçant les moyens en personnel dans les Ehpad – j'ai pu constater, quand j'étais maire, que lorsque les effectifs baissaient, ils étaient remplacés par les pompiers – ou bien en prévoyant que les dispositifs de téléalarme, en cas de maintien à domicile, fassent plutôt passer un agent du conseil départemental, voire d'un autre opérateur, comme La Poste, pour faire la levée de doute. Cela permet d'éviter d'engager un véhicule avec quatre sapeurs-pompiers pour ramasser la télécommande d'une vieille dame. Si vous avez donc parfaitement raison sur le constat, il faut que les départements, qui gèrent ces deux politiques publiques parfois de manière contradictoire, règlent ce problème avec l'État.

Le deuxième problème est celui des déserts médicaux, qui obligent les pompiers à compenser le manque de praticiens. Cela soulève la question de l'implantation des médecins dans les zones rurales et dans les zones urbaines socialement défavorisées. Il faudra peut-être revoir le statut de la médecine libérale ou l'organisation de la médecine de jour.

La loi Matras a lancé l'expérimentation d'un numéro unique pour les appels d'urgence dans certains départements. En organisant la régulation des appels en amont, elle permet d'éviter la compétition entre les différents numéros existants – le 18, le 115 et même parfois le 17. Cela fait gagner beaucoup de temps aux sapeurs-pompiers. Il est également important de souligner que certains professionnels de santé – infirmières libérales, pharmaciens, professions paramédicales – sont capables d'accomplir les gestes médicaux actuellement pratiqués par les sapeurs-pompiers.

Je partage donc votre constat : les sapeurs-pompiers font en très grande partie un métier qui ne correspond pas à celui pour lequel ils se sont engagés, avec le risque de décourager les vocations. Nous devons donc travailler avec les départements pour qu'ils soient cohérents dans leur politique du grand âge et du handicap, et avec le ministère de la santé afin de mieux nous organiser pour envoyer les pompiers dans des interventions correspondant à leurs fonctions.

S'agissant des feux de forêt de l'été dernier, je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre analyse. Je souhaite rappeler que 90 % de ces feux sont provoqués par l'homme, de manière volontaire ou non. Plutôt que le nombre de pyromanes, c'est notre comportement qui est en cause – s'arrêter sur le bord de la route pour fumer une cigarette, ne pas éteindre le barbecue... Il n'est donc pas tout à fait exact d'affirmer que le réchauffement climatique est la seule cause de l'augmentation des feux de forêts : il ne fait qu'amplifier ce phénomène. Si vous jetez votre mégot de cigarette par terre en période de sécheresse, le feu prend plus facilement, c'est certain, mais ce sont les comportements individuels qui sont en très grande partie responsables des feux de forêt.

Autre chiffre qu'il est important d'avoir à l'esprit : 90 % des feux ont touché des forêts privées. Ceux des Landes et du Jura ont pris dans des forêts privées mal entretenues, où des gens organisaient une forme coutumière de récupération, notamment de sève, avec l'installation de caravanes qui n'auraient pas dû être là. Tous les professionnels de la nature savent qu'on gère une forêt en coupant du bois ; or les propriétaires s'y sont parfois opposés. Certes, on peut toujours acheter des avions, renforcer le pacte capacitaire ou augmenter la fraction de TSCA dédiée au financement des Sdis. Mais avant même de dépenser, il faut s'interroger sur le mode de gestion. Les ministères de l'écologie et de l'intérieur doivent travailler sur la prévention en imposant des obligations aux propriétaires privés. La gestion du domaine public par l'ONF et les communes est très différente de celle des forêts coutumières ou privées.

S'agissant du recrutement des pompiers, comme vous l'avez dit, il n'y a pas moins de volontaires en France mais moins de jours de volontariat, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Cela est peut-être dû à une crise de la vocation ou à des difficultés entre volontaires et professionnels, mais cela tient également aux employeurs qui ne libèrent pas suffisamment les pompiers – des employeurs privés bien sûr, et il faut leur demander de faire des efforts, mais aussi des employeurs publics : commençons donc par libérer davantage nos personnels. Le statut du sapeur-pompier doit être plus ou moins calqué sur celui de l'élu municipal, qui dispose d'un droit d'absence pour exercer son mandat.

Enfin, la gestion des Sdis doit être améliorée. Lorsque je me suis rendu en Gironde, j'ai constaté que seuls 6 % des effectifs du Sdis étaient mobilisés alors que les feux ravageaient le département depuis plusieurs jours. Si certains pompiers étaient en vacances ou bien déjà mobilisés par d'autres interventions, ce taux apparaît tout de même très bas. Il a été nécessaire de faire venir des colonnes de renfort de Bretagne et du nord de la France, ce qui fait perdre du temps et coûte cher. Le plus simple est pourtant de mobiliser les pompiers du département. C'est une affaire complexe, je le sais, mais quand moins de 10 % des effectifs d'un Sdis sont mobilisés sur des feux gigantesques, c'est que quelque chose ne va pas dans notre fonctionnement. Nous y travaillons actuellement avec les départements de France.

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Je ne peux m'empêcher d'être inquiet quand je vous entends minimiser les effets du réchauffement climatique. À vous entendre parler des 90 % des feux qui sont dus à des individus et de la gestion privée des forêts, on pourrait supposer que ces facteurs jouent un rôle plus important que le réchauffement et la sécheresse. Or ces phénomènes climatiques s'étendent désormais à des régions qui, autrefois, n'étaient pas susceptibles de s'enflammer. Des départements du centre de la France subissent dorénavant des feux importants, et la Bretagne est désormais une région à risque !

Le déclenchement de feux par des individus a toujours existé, notamment dans les départements de climat méditerranéen. Mais dès lors que le risque s'étend à tout le territoire, le problème est d'une autre nature. Cela explique en partie pourquoi la France, qui jusque-là aidait chaque été ses voisins à lutter contre les incendies, a dû leur demander de l'aide l'été dernier. Malheureusement, il faut s'attendre à ce que cela se reproduise et s'y préparer. On peut certes travailler sur la gestion des forêts ou les moyens dévolus à la sécurité, mais ce phénomène ne cessera pas de progresser, année après année. Le jour viendra où il n'y aura même plus de renforts provenant de Bretagne parce que celle-ci devra elle aussi lutter contre des incendies. Je me permets de vous alerter sur ce point car on se trompe si on pense que cela n'arrivera pas.

Un travail d'estimation du coût global des phénomènes climatiques de l'été 2022 a-t-il été effectué au niveau interministériel ? Cela nous donnerait une idée un peu plus précise des moyens qu'il faudra mobiliser dans les années à venir.

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Gérald Darmanin, ministre

Loin de minorer le réchauffement climatique, j'ai dit que c'est un accélérateur. Si 90 % des feux ont une origine humaine, ce qui est un fait, leurs conséquences sont amplifiées par le réchauffement climatique : alors qu'un jet de mégot ne déclenchait pas nécessairement un feu autrefois, c'est le cas quasiment systématiquement désormais.

La difficulté en Bretagne, dans le Jura ou dans les Vosges, c'est que les Sdis ne sont pas équipés pour faire face à des feux de forêt, contrairement aux départements méditerranéens. Or, l'été dernier, 50 % des feux étaient situés au nord de la Loire. Il s'agit d'un problème capacitaire, qui n'est pas lié au changement climatique.

Le plus grand ennemi du pompier, ce n'est pas la sécheresse mais le vent. Notre problème principal, c'est que, contrairement à d'autres pays européens, nous ne disposions pas encore d'un supercalculateur météo nous permettant de prédisposer les moyens de lutte contre les incendies. Cette année, grâce à Météo France, il sera possible d'anticiper les alertes.

Vous avez cependant raison sur un point, monsieur le président : la lutte contre les incendies ou contre les calamités climatiques relève du niveau interministériel. Le ministère de l'intérieur se charge du curatif et le ministère de l'écologie du préventif.

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Je partage une très grande majorité des constats du rapporteur spécial. Je le remercie d'avoir ainsi mis en valeur le rôle essentiel des sapeurs-pompiers dans nos territoires.

Je veux réaffirmer le soutien indéfectible de l'État aux Sdis. Il assure près d'un quart de leur financement, à hauteur de 1,5 milliard d'euros, alors que c'est une compétence des départements. Nous avons voté, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, une hausse historique du pacte capacitaire, de 150 millions d'euros. Les départements, et c'est normal, assument la plus grande partie de la hausse des dépenses des Sdis depuis 2003. Il faut aussi noter que, selon le rapport de l'IGA d'octobre 2022, on observe une légère baisse de leur contribution nette depuis 2016. Cela reste donc assez stable.

Vous évoquez l'expertise particulière des Sdis des départements méditerranéens. Celle-ci peut-elle servir à d'autres départements ? Comment organiser ce transfert de compétences ? Par ailleurs, en matière de financement, vous évoquez une contribution supplémentaire des compagnies d'assurance : avez-vous interrogé ces dernières pour savoir si elles la répercuteraient dans les primes d'assurance ?

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Monsieur le ministre, vous avez souligné l'augmentation du risque de feux de forêt, lesquels frappent d'ailleurs successivement plusieurs États membres de l'Union européenne.

Le 28 octobre dernier, le Président la République a reçu les représentants des forces vives mobilisées lors de la campagne de feux de 2022. À cette occasion, il a annoncé une nouvelle stratégie, consistant pour l'essentiel en un vaste plan de réarmement aérien : l'investissement atteindra 250 millions, dont 150 destinés aux Sdis. Les principales mesures sont organisées en trois volets.

Le premier vise à soutenir le volontariat. Lors des feux en Gironde, l'an dernier, certaines grandes entreprises avaient pris des initiatives pour libérer leurs salariés exerçant les fonctions de sapeur-pompier volontaire. En octobre, dans le cadre du congrès des sapeurs-pompiers, à Nancy, vous aviez, monsieur le ministre, témoigné de votre réelle ambition dans ce domaine. Le plan aura pour objet d'allonger la durée pendant laquelle les entreprises pourront libérer les sapeurs-pompiers volontaires en améliorant l'indemnisation.

Deuxièmement, le nombre de colonnes de renfort sera doublé. Dans sa note relative à l'exécution budgétaire, le rapporteur spécial rappelle que quarante-quatre colonnes ont été mobilisées en 2022, soit vingt de plus que les années précédentes.

Troisièmement, la France procédera au renouvellement de sa flotte de douze Canadair et en achètera quatre de plus d'ici à 2027. Dès cette année, elle fera en outre l'acquisition de deux hélicoptères lourds supplémentaires.

Comme le rapporteur général, le groupe Renaissance salue cette impulsion décisive.

Vous venez de nous signifier de nouveau votre engagement dans ce domaine. Pourriez-vous nous éclairer sur le rythme prévu pour la concrétisation de ces annonces présidentielles importantes ?

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Votre discussion avec le président de la commission était intéressante, monsieur le ministre, et, une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec vous. Si je ne nie pas le réchauffement climatique ni la nécessité de faire des efforts, il me semble que nous obtiendrons plus rapidement des résultats en éduquant les gens, notamment afin d'éviter les négligences, quitte à sanctionner parfois les responsables d'incendies involontaires. Certes, je ne connais pas, s'agissant des incendies, la part des départs de feux dus à des négligences et celle des feux provoqués par des pyromanes, mais je pense que nous pouvons faire diminuer le nombre de sinistres en luttant contre la négligence, le cas échéant en menaçant les gens de sanctions et en communiquant autour de la question.

En Haute-Saône, un feu a eu lieu l'année dernière, alors qu'avant il n'y en avait jamais. Vous donniez l'exemple du mégot jeté : un tel geste, qui n'avait pas d'incidence, en a désormais partout en France. Il faut vraiment communiquer et prévoir des sanctions.

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La flotte d'hélicoptères de la sécurité civile connaît de grandes difficultés. La Cour des comptes a pointé un risque concernant le marché relatif à son maintien en condition opérationnelle. Pouvez-vous nous dire un mot de l'avancement de ce dossier ?

En ce qui concerne le financement des Sdis, vous avez parlé assez longuement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance. Elle devrait faire l'objet d'une réflexion, ce dont je vous remercie. Que penseriez-vous, en tant qu'ancien ministre du budget, d'une remise à plat de la contribution du bloc communal ? Cela me semble être une piste intéressante.

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Gérald Darmanin, ministre

Je ne suis pas sûr qu'il faille demander aux communes de contribuer davantage, car les plus petites sont déjà, en proportion, les plus sollicitées, alors même que leurs moyens sont très limités. En revanche, on pourrait imaginer que les intercommunalités, qui ont davantage de recettes, soient au rendez-vous. C'est le cas pour les métropoles, qui exercent une partie des compétences des Sdis.

Les régions pourraient participer davantage elles aussi, dans la mesure où elles sont chargées du tourisme et du développement économique, domaines pour lesquels les feux de l'été dernier ont été désastreux, notamment dans les Landes et en Gironde. Elles jouent également un rôle important en matière d'aménagement du territoire et de transition écologique – certaines ont produit des plans très élaborés en la matière. Or le lien entre le réchauffement climatique et les incendies est évident. Je salue le président de la région Nouvelle-Aquitaine, qui s'est dit prêt à contribuer à des transitions de grande ampleur dans le cadre des compétences régionales. L'an dernier, plusieurs feux se sont déclenchés à proximité des lignes de train express régional en raison de la combinaison de la chaleur, d'un manque de débroussaillage et de la vétusté du réseau. Je suis sûr que de nombreuses régions souhaitent avancer en matière de lutte contre les incendies, y compris à travers une contribution volontaire.

En ce qui concerne la flotte aérienne, nous avons trois problèmes, qui tiennent à la vétusté des appareils, à leur nombre et à la capacité d'en produire.

Pour remédier à la vétusté, nous renouvelons la flotte, notamment celle d'hélicoptères. Nous en avons commandé trente-six à Airbus ; ils seront opérationnels dès 2024. Les capacités de bombardement d'eau et de surveillance augmentent au fil du temps. Le renouvellement de la flotte améliore donc la sécurité des équipages, qui interviennent dans des conditions très difficiles – le vent, par exemple, est une des principales sources de risque – et augmente les capacités de largage.

Il existe deux catégories d'avion : les appareils de reconnaissance et ceux de largage, du type Canadair, tout en sachant que certains avions de reconnaissance transportent également du retardant, ce qui permet donc une action immédiate. En Australie et aux États-Unis notamment, on a vu intervenir des gros avions associant de la sorte reconnaissance et largage de produits. Nous nous sommes demandé si nous devions faire pareil.

Nous travaillons avec plusieurs constructeurs d'avions assez connus pour essayer d'utiliser pour la reconnaissance des avions n'ayant pas été conçus dans ce but. L'enjeu n'est pas tant de larguer de l'eau que de repérer très rapidement les feux : plus vite on identifie un incendie, moins on a besoin d'eau pour l'éteindre.

Une partie de la flotte aérienne pourrait aussi être remplacée par des drones militaires – d'où le lien avec l'opération Héphaïstos, dans sa nouvelle version. En effet, contrairement aux avions de reconnaissance et aux hélicoptères, ces drones peuvent voler la nuit, ce qui permet de voir l'intensité du feu et de déterminer la manière et le lieu où il convient d'intervenir.

En matière de reconnaissance, le nombre d'appareils n'est donc pas le seul critère : ceux dont nous disposerons seront plus rapides, plus efficaces, dotés de technologies plus avancées, et des drones pourront venir s'y ajouter.

S'agissant du largage, la difficulté tient au fait qu'il faut commencer par construire en Europe une usine qui produira des Canadair, ce qui est en cours. Tous les pays européens sont confrontés au même problème. Nous aurons donc un nombre limité de Canadair pendant un certain temps, mais il est prévu de l'augmenter. Vous avez voté la trajectoire financière permettant de les acquérir dans le cadre de la Lopmi. Si d'autres pays sont capables de produire des avions bombardiers d'eau avant l'achèvement de l'usine en question, nous les achèterons bien volontiers.

Entre-temps, nous devons louer des appareils, notamment des hélicoptères. Cela ne me choque pas. Vous dites que le coût de la location est important. La comparaison n'a pas été menée pour l'été dernier, mais si nous faisions le calcul, le coût de la location ne serait sans doute pas très différent de celui de l'achat, car lorsqu'on loue un appareil, on n'en assure pas la maintenance. Or, dans ce domaine, non seulement il n'est pas facile de trouver des techniciens – vous l'avez dit, les postes budgétés ne sont pas toujours pourvus – mais leurs services se paient très cher la nuit lorsqu'il s'agit d'employés de sociétés privées. S'il convient donc de travailler sur l'attractivité du métier et d'augmenter les rémunérations, la location d'appareils peut aussi se révéler un bon « deal ». C'est ce que nous faisons l'hiver pour assurer la protection dans les montagnes : en plus des hélicoptères de la gendarmerie et de la sécurité civile, nous louons aussi, parfois, des appareils de reconnaissance. Le personnel des sociétés en question paie d'ailleurs le prix de son héroïsme : l'hélicoptère qui s'est écrasé en montagne il y a deux ans avait été loué et, outre les CRS, les personnes qui se trouvaient à bord et ont trouvé la mort dans l'accident étaient des employés de la compagnie privée.

Il n'y a pas de contradiction à considérer que le réchauffement climatique est responsable d'une partie de la situation et à constater que le comportement humain explique les départs de feu : les deux phénomènes se conjuguent. Il faut à la fois entretenir la forêt, consacrer des moyens très importants à la transition de notre modèle de sécurité civile pour répondre aux calamités supplémentaires auxquelles nous serons confrontés, et faire davantage de prévention.

Je vous donnerai quelques exemples tout bêtes. Tous les pompiers vous diront que la suppression des cendriers dans les voitures pose d'énormes problèmes de sécurité civile. De même, les barbecues en forêt et le défaut de débroussaillement sont responsables d'une grande partie des feux. Moi non plus je ne suis pas en mesure de distinguer ce qui relève de l'activité criminelle et ce qui relève de l'incendie involontaire, mais quand une trentaine de départs de feux se produisent dans le même massif au même moment, on se doute bien, même si l'on ne trouve pas le responsable, qu'il ne s'agit pas là d'événements purement accidentels.

Notre modèle de sécurité civile a tout de même fait la preuve de sa résilience. On peut le critiquer tant qu'on veut, et oui, les mégafeux sont une catastrophe écologique, mais nous n'avons pas à déplorer le moindre mort, contrairement à ce qui s'est passé chez tous nos voisins européens – alors que des vacanciers avaient été entourés par les flammes, notamment en Gironde et dans les Landes. Moins d'une quinzaine de maisons ont été détruites, toutes les entreprises et exploitations agricoles ont été dédommagées. Grâce aux agriculteurs et aux collectivités locales, nous avons su faire face à la situation. Il est vrai que des difficultés importantes doivent être résolues et que nous devons opérer une transition, mais si nous nous comparons, nous pouvons être très fiers de notre modèle et de l'héroïsme des pompiers et du personnel navigant.

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Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je n'ai pas contesté le fait que le modèle ait des qualités, à commencer par les personnes qui le servent. Je dis simplement que, dans la mesure où il y aura de plus en plus de feux partout, la question des moyens finira par se poser.

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Gérald Darmanin, ministre

C'est la raison pour laquelle nous augmentons le budget.

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En matière de prévention, monsieur le rapporteur général, l'Entente Valabre, établissement public qui réunit des collectivités et départements du sud de la France, accomplit effectivement un travail formidable : elle forme les sapeurs-pompiers à combattre les feux de forêt et mène un travail de prévention, notamment à travers des campagnes de publicité. Nous pourrions développer ce modèle dans d'autres zones de défense du pays.

Il serait intéressant de consacrer une étude à la valeur de tout ce qui est sauvé par les pompiers, et donc aux économies réalisées par les compagnies d'assurances grâce aux Sdis : vies, bâtiments, véhicules, tout cela a une valeur. Sur la base de cette évaluation, nous pourrions faire contribuer un peu plus les assureurs.

J'ai une pensée pour les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, et pour les associations de sécurité civile : tous vont être fortement sollicités à court terme lors de la Coupe du monde de rugby, et durant les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Je remercie M. le ministre pour ses réponses. Toutefois, je partage l'avis du président de notre commission : du fait du changement climatique, les feux vont se développer un peu partout en France et de manière simultanée. Dès lors, il sera plus difficile de déployer des colonnes de renfort.

Pour finir, je formule le vœu – pieux ou non, l'avenir nous le dira – que nous puissions approfondir les discussions relatives au financement des Sdis lors du prochain projet de loi de finances.

La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de M. Florian Chauche, rapporteur spécial.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 23 mai 2023 à 21 heures

Présents. - M. Mickaël Bouloux, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Pascal Lecamp, M. Mathieu Lefèvre, Mme Véronique Louwagie, M. Xavier Roseren, M. Emeric Salmon, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Joël Giraud, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei

Assistaient également à la réunion. - M. Ugo Bernalicis, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, Mme Élisa Martin, Mme Sandra Regol, Mme Sabrina Sebaihi