Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 12 juillet 2023 à 9h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

La commission entend la communication de Mmes Sandrine Josso et Laure Lavalette, rapporteures de la mission « flash » sur les maladies neurodégénératives.

Ce point de l'ordre du jour fera l'objet d'un compte rendu écrit ultérieurement. La vidéo est disponible sur le portail :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13737822_64ae546a64bfc.commission-des-affaires-sociales--lutte-contre-le-dumping-social-sur-le-transmanche-et--renforcemen-12-juillet-2023

Nominations de rapporteurs

Communication sur les maladies neurodégénératives

Questions des représentants des groupes

Questions des députés

Echange de vues

Suspension

Puis la commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime (n° 1439) (M. Didier Le Gac, rapporteur).

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Nous en venons à l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime. Ce texte sera à l'ordre du jour de la séance publique le mercredi 19 juillet prochain.

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Je suis heureux de vous retrouver pour la deuxième lecture de la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime. Le 28 mars dernier, notre assemblée a adopté, à la quasi-unanimité, cette proposition de loi, suivie, le 21 juin, par le Sénat – également à l'unanimité –, témoignant de notre attachement collectif et transpartisan à la sauvegarde de la marine marchande de notre pays.

Comme vous le savez, les armateurs français, les marins nous regardent et attendent avec impatience ce texte, qui sera une première. En effet, jamais le Parlement n'avait légiféré sur cette question auparavant. Le temps presse et la pression concurrentielle déloyale est de plus en plus forte. C'est pourquoi l'adoption de cette proposition de loi doit impérativement intervenir dans les meilleurs délais, avant la fin de l'été. En effet, certains des décrets d'application doivent être soumis au Conseil supérieur de la marine marchande, puis au Conseil d'État, soit un processus long de plusieurs mois avant leur signature. Retarder l'adoption du texte conduirait inévitablement à reporter son entrée en vigueur après le début de l'année 2024.

Sur le fond, les modifications apportées par le Sénat n'ont pas affaibli la portée de notre texte. En effet, les avancées majeures que nous avons introduites – l'instauration d'un salaire minimum, la parité obligatoire entre le temps de travail et le temps de repos – ont été maintenues, voire sécurisées sur le plan juridique, donc renforcées par le Sénat. Même si nous sommes tous attachés au droit d'amendement et au débat parlementaire, l'urgence de la situation doit être notre seule boussole et devrait nous conduire à un vote conforme. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui me semble constituer un compromis équilibré entre efficacité de la loi de police et sécurité juridique, dans un contexte où des recours semblent probables, sinon certains.

Concernant l'article 1er, qui définit le champ d'application de la proposition de loi, le secrétaire d'État chargé de la mer a rappelé, à l'Assemblée comme au Sénat, que ce texte avait vocation à s'appliquer uniquement aux liaisons transmanche, en aucun cas à celles avec la Corse ou avec le Maghreb. Je sais que c'est un sujet qui est cher à notre collègue Sébastien Jumel, qui a déposé un amendement en ce sens. Je tiens à le remercier et à le rassurer : cela sera bien précisé dans le décret et je demanderai au ministre de s'y engager formellement au banc.

Soyez également rassurés quant à l'organisation des rythmes de travail et à la rémunération du temps de repos des marins : c'est tout simplement le droit commun du travail qui s'applique, les salariés étant rémunérés pour leur temps de travail. En revanche, les repos, hors cadre des congés payés, ne sont pas rémunérés, comme c'est le cas pour l'ensemble des salariés de notre pays : ni plus, ni moins. Les contrôles permettront néanmoins de s'assurer que les marins employés sur le transmanche respectent bien ce rythme, fondé sur la parité entre le temps de travail en mer et le temps de repos à terre.

Concernant le dumping social que subissent les armateurs français assurant les liaisons maritimes avec la Corse, soumises au cadre très protecteur du dispositif de l'État d'accueil, le point d'équilibre trouvé au Sénat me semble être le bon. D'une part, les sanctions pénales, dont le renforcement avait été inscrit à l'article 1er bis, existent déjà. D'autre part, le régime de sanctions administratives – plus souple et rapide – introduit à l'article 1er ter a été conforté, afin d'améliorer l'efficacité des contrôles. Je remercie à cet égard notre collègue Colombani d'avoir retiré son amendement.

Enfin, concernant la suppression des rapports sur le contrôle des pratiques de dumping introduits aux articles 3 et 4, comme l'a rappelé le Sénat, les parlementaires que nous sommes disposent d'autres moyens de contrôle.

Arrivé quasiment au terme de l'examen de ce texte, j'ai pleinement conscience que cette proposition de loi ne peut épuiser, à elle seule, la question des pratiques déloyales dans le domaine de la marine marchande. Des négociations seront nécessaires, au niveau européen, pour faire évoluer les règles de la concurrence dans le secteur du transport maritime. Par ailleurs, nous attendons également l'application du texte de loi britannique adopté cette année.

Néanmoins, je le redis, l'adoption de ce texte constitue bien une première étape déterminante pour mettre un terme aux pratiques les plus néfastes, à la fois pour les marins, mais aussi pour la sécurité des liaisons transmanche. Je tiens à rappeler, encore une fois, qu'une loi de police sera d'autant plus efficace qu'elle ne souffrira d'aucune insécurité juridique.

Pour conclure, je me réjouis vivement du travail collectif qui a prévalu autour de cette proposition de loi : il a permis d'enrichir considérablement le texte initial. Des trois propositions de loi déposées, il y a moins d'un an, sur cette même question, sur le bureau de notre assemblée, nous avons réussi à faire un seul texte, coconstruit et renforcé juridiquement par le Sénat. Nous pourrons être fiers de le présenter à nos collègues, la semaine prochaine dans l'hémicycle.

Hier soir, dix-neuf amendements avaient été déposés : quatre d'entre eux ont été déclarés irrecevables et trois ont été retirés ; douze restent donc à examiner.

Article 1er : Application des minima hiérarchiques et d'une organisation du travail spécifique au personnel de certaines lignes maritimes internationales régulières

Amendement AS11 de M. Sébastien Jumel.

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La loi Jumel est devenue la loi Le Gac ! Notre collaboration a permis d'aboutir à un consensus. Cette proposition de loi n'est, certes, pas révolutionnaire, ni ne solde l'ensemble des sujets liés aux pratiques peu respectueuses des hommes et des femmes qui font vivre nos liaisons maritimes, mais elle permet tout de même de les protéger : j'en suis satisfait. Il y a urgence à voter rapidement ce texte et à constituer une task force à l'échelle européenne pour rendre obligatoires des mesures de protection à ce niveau. Je suis prêt à aller porter la voix des marins français à Bruxelles avec tous ceux qui souhaiteront également le faire.

Cet amendement vise à obtenir un engagement ferme, au banc, du secrétaire d'État, sur le périmètre de la future loi : je souhaite qu'elle se borne à réglementer le dumping social sur les liaisons transmanche, entre l'Angleterre et les îles anglo-normandes, et la France, en excluant de son champ d'application les lignes méditerranéennes. Je me doute que cet amendement d'appel ne sera pas adopté, puisque l'objectif est une adoption conforme. Je le déposerai donc à nouveau en séance, afin d'obtenir des engagements clairs et fermes quant à la rédaction du décret.

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Vous avez raison de le redéposer en séance : le Gouvernement pourra ainsi réitérer devant la représentation nationale l'engament qu'il avait pris en première lecture devant nos deux assemblées. Je rappelle en outre qu'une communication a été faite en ce sens au Conseil supérieur de la marine marchande. Je partage votre préoccupation et vous invite à retirer votre amendement.

La commission rejette l'amendement.

Amendements AS10 et AS5 de Mme Claudia Rouaux.

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Les amendements portent sur le salaire minimum horaire : le texte ne précise pas s'il est fait référence au salaire brut ou au salaire net. Il est donc important de préciser que les dispositions s'appliquent au salaire horaire brut des marins, susceptible de bénéficier de coups de pouce par voie réglementaire, comme le Smic.

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L'amendement AS10 étant satisfait, je vous invite à le retirer. Le salaire brut est la référence générale en droit français, seule la notion de salaire minimum brut figurant dans le code du travail, ainsi que dans les conventions et accords collectifs.

De même, l'amendement AS5 est déjà satisfait et je vous invite également à le retirer, les dispositions du code du travail relatives aux modalités de fixation du Smic et à sa revalorisation constituant déjà la référence.

Les amendements AS10 et AS5 sont retirés.

Amendement AS2 de Mme Claudia Rouaux.

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En première lecture, nous considérions que la proposition de loi n'était pas suffisamment ambitieuse. Le professeur Chaumette, éminent spécialiste du droit maritime, est catégorique : cette loi est construite dans le seul but d'éviter des recours. Elle ne servira à rien, car il faudrait impérativement garantir que la rémunération du temps de repos à terre soit équivalente à celle versée au titre du temps d'embarquement, heure pour heure. Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que ce principe n'existait pas. Pourtant, qu'ils soient en mer ou sur terre, les marins français bénéficient des mêmes rémunérations. C'est sur ce point que s'appuient les compagnies pour faire du dumping social.

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Dire que cette proposition de loi ne sert à rien me semble excessif. C'est la première fois que le Parlement va voter une loi pour instaurer, d'une part, un salaire minimum sur les navires du transmanche et, d'autre part, une obligation de parité entre le temps de travail et de repos.

La question de la rémunération du temps de repos est une fausse question. Les marins ne sont pas rémunérés pour leur temps de repos, comme tous les salariés français. Comme à terre, la rémunération des marins est calculée à partir du temps de travail effectué, soit 35 heures hebdomadaires, lequel conditionne un repos hebdomadaire et un repos compensateur, en cas d'heures supplémentaires ou de dépassement de la durée maximale de travail. Rémunérer le temps de repos reviendrait à payer deux fois les marins, ce qui serait inédit. Il faudrait faire de même pour tous les salariés, afin d'éviter toute rupture d'égalité, et cette disposition remettrait en cause le modèle économique de tous les armateurs.

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Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le rapporteur, que les marins ne travaillent pas 35 mais 48 heures sur un bateau. Le compte n'y est pas. Quand chez P&O Ferries il faut un marin pour un poste, dans les autres compagnies maritimes françaises il faut 2,5 marins pour un poste. Comment voulez-vous lutter contre le dumping si vous ne rémunérez pas les marins par rapport au temps total de 48 heures ? Ne parlez pas du droit français, il s'agit du droit maritime.

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En adoptant mon amendement instaurant une durée de repos équivalente au temps de travail, on a empêché les marchands de savonnettes de prospérer. P&O embauche des marins venus de pays low cost qu'il paie au lance-pierre et fait travailler pendant dix ou douze semaines avant de les laisser, sac à terre, sans leur donner un rond. Le texte nous prémunit contre cette concurrence déloyale et contre le risque de temps de travail qui ne respectent pas les exigences de sécurité. Notre loi ne peut prospérer que si elle est une loi de police qui adosse les conditions de travail et les conditions sociales à des exigences de sécurité. La préoccupation de ma collègue socialiste, qui reprend une revendication de la CFDT, n'est pas complètement illégitime. Il faudra un jour nous intéresser aux contrats courts, pour lesquels la question du temps de repos se pose. L'exigence d'efficacité vis-à-vis de cette loi de police nous enferme, puisque si l'on ne vote pas le texte conforme, son adoption interviendra après les élections sénatoriales et les marchands de savonnettes du transmanche continueront à flinguer nos lignes.

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Monsieur le rapporteur, vous nous dites que les temps de repos ne sont pas rémunérés en France. Mais qu'en est-il alors des congés payés et des repos compensateurs ?

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Ce n'est pas la même chose ! Un congé payé n'est pas un temps de repos, un repos compensateur non plus. Ils sont, eux, rémunérés, contrairement au temps de repos. L'amendement imposerait de verser une double rémunération aux marins, ce qui remettrait en cause tous les équilibres économiques des compagnies. Les syndicats poussent à l'adoption d'une telle mesure, de crainte que les marins étrangers soient tenus de travailler sur d'autres lignes pendant leur repos. Néanmoins, grâce au principe de la parité, le passage d'une compagnie à l'autre sera fortement empêché.

Avis défavorable.

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Pour Mme Rouaux, le temps d'embarquement est du temps de travail ; or ce n'est pas le cas. Revoir ces équilibres conduirait à la mort d'un modèle. Il faut prendre les temps de repos pour ce qu'ils sont : des temps de repos. Même s'ils n'offrent pas le loisir de jouir de son foyer ou d'activités, ils ne peuvent pas être comptabilisés comme du temps de travail. D'ailleurs, des compensations sont prévues pour ces sujétions particulières.

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Dans un certain nombre de métiers, le temps de non-travail n'est pas rémunéré. Par exemple, les enseignants ne sont payés que dix mois de l'année et leur salaire est réparti sur douze mois – les grandes vacances ne sont pas payées en réalité.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques AS12 de Mme Sandrine Rousseau et AS17 de M. Matthias Tavel.

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L'amendement vise à rétablir le durcissement des sanctions en cas de récidive, en interdisant aux navires appartenant à la compagnie maritime en infraction d'accoster dans un port français, dès la troisième infraction constatée. Cette mesure, proposée par Matthias Tavel, avait été adoptée en première lecture. Le montant actuel de l'amende de la sanction pénale est largement insuffisant pour contraindre au respect des dispositions du texte.

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Nous avons tous conscience de l'urgence qu'il y a à voter cette loi de police et nous savons que, si elle n'est pas votée d'ici à la semaine prochaine, le délai ne sera pas conforme à l'exigence de protection de la sécurité maritime et des marins français. Pour autant, la méthode est un peu cavalière. Nous travaillons à l'Assemblée la semaine prochaine, et le Gouvernement aurait pu avoir le courage d'exiger que le Sénat se réunisse pour une deuxième lecture, ce qui nous aurait permis de défendre un certain nombre de points adoptés en première lecture ou, à tout le moins, de travailler à faire converger les points de vue. Vous avez fait le choix de donner au Sénat le dernier mot, ce qui n'est pas tout à fait l'esprit de notre Constitution.

L'occasion est un peu manquée, parce que les sénateurs LR ont envoyé un mauvais signal de grande complaisance à l'égard des patrons voyous des mers, en supprimant l'interdiction d'accoster à la troisième infraction, en créant la possibilité de remplacer les amendes par un simple avertissement ou en supprimant le renforcement des sanctions pénales. Nous croyons, au contraire, que quand on a affaire à des sociétés comme DP World, la maison mère de P&O, qui fait plusieurs milliards d'euros de profit par an, il faut des sanctions extrêmement dissuasives et fermes, si l'on veut faire respecter les avancées du texte que sont la garantie de la parité du temps passé à bord et à terre, le respect du salaire minimum ou l'exclusion du registre international français, que le ministre a bien voulu reprendre parmi nos propositions.

Parce qu'il nous semblait trop limité, nous n'avions pas approuvé le texte en première lecture. Sans vouloir lui faire obstacle, nous aurions souhaité que son examen à l'Assemblée en deuxième lecture permette de le renforcer, afin qu'il contienne des sanctions réellement dissuasives.

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Il est vrai que nous avions introduit cette disposition en première lecture. En la rejetant, le Sénat, dans sa sagesse, a en réalité renforcé juridiquement le texte : il nous a alertés, en quelque sorte, sur le fait que cette mesure ne pouvait être retenue. D'abord, elle ne respecte pas les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines. Ensuite, et surtout, la notion de troisième infraction serait une nouveauté en droit pénal.

Avis défavorable.

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D'abord, il peut arriver que l'addition des délits entraîne la perte d'un droit – le permis de conduire en est l'illustration. Ensuite, les sénateurs sont de droite : en bons libéraux, ils n'aiment pas adosser le non-respect de la loi à des sanctions, surtout lorsque celles-ci visent des entreprises. C'est dommage.

Si l'on veut que ce texte soit suivi d'effet, il faut que l'État se dote des moyens humains permettant de contrôler le respect des normes sociales dans les liaisons transmanche. Cela dit, un autre mécanisme de contrôle sera mis en œuvre : la surveillance par les marins et leurs organisations syndicales. Si, après deux infractions, P&O Ferries est à nouveau pris la main dans le sac, peut-être serons-nous conduits à organiser des manifestations dans les ports – autorisées ou non –, auxquelles nous assisterons avec nos écharpes tricolores, en liaison avec les organisations syndicales.

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L'important est que la loi produise des effets. Or cela suppose que les sanctions soient à la hauteur. En l'occurrence, nous vous proposons un mécanisme assez simple, qui inciterait vraiment les compagnies à respecter les règles. Je ne comprends donc pas l'avis négatif du rapporteur.

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La droite ne refuse pas les sanctions par principe. L'enjeu, monsieur Jumel, est de faire en sorte que le texte puisse être appliqué. Nous voulons éviter d'adopter une disposition qui créerait une faille juridique. Certaines personnes sont à l'affût de telles erreurs : il ne faut pas prendre le risque de leur permettre d'attaquer le texte.

Celui-ci ne sera sans doute pas parfait, mais nous aurons eu le mérite d'agir. S'il présente des failles, nous serons suffisamment intelligents pour y revenir, tous ensemble, afin d'y remédier.

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Mieux vaut prévenir que guérir. Si nous légiférons sur le sujet, c'est justement parce qu'il y avait des failles, ouvertes notamment à l'occasion du Brexit – mais le dumping social prospère aussi sur d'autres liaisons maritimes. Ce texte nous offre l'occasion de remédier au problème en imposant des sanctions dissuasives ; nous devrions nous en saisir.

Vous dites, monsieur le rapporteur, qu'il s'agit d'une première étape dans la stratégie du Gouvernement en matière de lutte contre le dumping social, mais nous avons du mal à discerner les suivantes. C'est aussi pour cette raison que nous déposerons de nouveau notre amendement en séance. D'abord, nous souhaitons marquer que l'Assemblée nationale avait adopté cette disposition en première lecture, ce qui signifie que certains collègues se déjugeront s'ils ne la votent pas de nouveau. Ensuite, et surtout, cela donnera au secrétaire d'État chargé de la mer l'occasion de nous exposer clairement les moyens qu'il entend déployer pour veiller à l'application de la loi et les mesures qu'il compte prendre ou proposer pour faire cesser le dumping social sur les liaisons transmanche, ainsi que sur l'ensemble des liaisons maritimes.

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J'avais moi-même déposé en séance un amendement visant à interdire l'accostage des navires sous peine de sanctions.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que la mesure vous paraît disproportionnée. Force est pourtant de constater que le Royaume-Uni a adopté une disposition similaire. En confirmant le vote de la première lecture, nous serions donc à égalité avec lui. N'oublions pas qu'il est question de vies humaines et de sécurité en mer. Nous parlons des passagers et des marins empruntant le deuxième détroit le plus fréquenté au monde. Ces amendements ne me semblent donc pas disproportionnés. Si la disposition n'est pas adoptée et que les compagnies continuent à ne pas respecter la loi après son entrée en vigueur, c'est-à-dire à partir de janvier 2024, nous serons présents dans les terminaux du Calaisis, de la région de Dieppe et de toute la façade ouest.

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D'abord, le principe de proportionnalité des peines n'est ni de gauche ni de droite : il est d'ordre constitutionnel. Je ne souhaite pas que nous fragilisions juridiquement le texte.

Ensuite, ne vous méprenez pas : la proposition de loi augmente d'ores et déjà les sanctions pénales et crée de nouvelles sanctions administratives, notamment pour veiller au respect des obligations prévues à l'article 1er. Le régime pénal sera suffisamment répressif – bien plus, en tout état de cause, que dans les transports terrestres : les amendes pénales, par exemple, sont deux fois plus lourdes que celles prévues pour une infraction similaire. Lorsqu'une infraction sera commise par une personne morale – ce qui sera le cas dans les situations qui nous occupent –, le montant sera multiplié par cinq, et encore doublé en cas de récidive. Enfin, l'amende sera prononcée autant de fois qu'il y aura de salariés en infraction. Si ces amendements sont rejetés, ce n'est donc pas pour autant que nous ferons preuve de mansuétude ou qu'il n'y aura pas de sanctions.

Vous avez raison de rappeler que les Britanniques ont introduit une mesure semblable. Toutefois, la loi est construite différemment chez eux. Une large place est laissée à l'autorité portuaire : c'est elle qui décide si le bateau peut accoster ou pas et qui détermine la sanction. En revanche, ils ne prévoient pas d'amendes administratives ou pénales au sens où nous l'entendons.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS18 de M. David Guiraud.

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Il s'agit, là encore, de rétablir le texte adopté en séance par l'Assemblée nationale. Nous proposons de supprimer la possibilité, introduite par le Sénat, de remplacer la première amende par un simple avertissement. En effet, une telle mesure manifeste une tolérance à l'égard de ces infractions. Or il n'y a pas lieu de faire preuve de mansuétude quand on exprime, comme nous le faisons tous ici, la volonté d'opposer une réponse ferme au dumping et de défendre les droits sociaux et la sécurité maritime. L'idée de donner un simple avertissement à des sociétés multinationales qui ont démontré, l'année dernière, le peu de cas qu'elles faisaient de leurs salariés, relève à tout le moins de la naïveté, sinon de la complaisance.

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La faculté d'adresser un avertissement existe déjà dans le code du travail en matière de sanctions administratives. Par ailleurs, cette disposition ne vise nullement à diminuer l'efficacité du texte : il s'agit de compléter l'éventail des possibilités et de graduer les peines en fonction des circonstances et de la gravité des faits. Enfin, l'avertissement n'est pas une étape obligatoire : en cas d'infraction grave, il est possible de prononcer directement une sanction.

Avis défavorable.

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Nous comprenons que le texte doive être voté conforme mais il est dommage de rejeter un tel amendement. De mémoire, on compte un contrôleur pour 3 500 marins. Outre que le risque d'être pris en infraction est donc assez faible, un simple avertissement n'empêchera aucun navire de circuler encore deux ou trois ans sans être verbalisé.

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L'avertissement est certes une simple possibilité mais nous savons tous qu'une telle disposition n'a de sens que si elle est utilisée. En l'occurrence, les bornes de l'avertissement sont franchies depuis longtemps et nous avons besoin de répression et de sanctions. En matière d'infractions au code du travail, l'avertissement est une première étape possible, mais vous n'avez manifestement pas la même politique pénale dans tous les domaines.

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Encore une fois, l'avertissement ne sera pas la règle. Le code du travail le prévoit dans le cadre de la proportionnalité des peines et il est impossible de ne pas en faire état. Un armateur qui ne respecterait franchement pas les dispositions de la loi ne recevrait pas un simple avertissement ! Si l'infraction est grave, une sanction lui sera appliquée.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS13 de Mme Sandrine Rousseau.

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L'amendement vise à informer les organisations syndicales représentatives de la marine marchande et du personnel portuaire des sanctions administratives prononcées à l'encontre de l'employeur ou de l'armateur.

La version actuelle du texte prévoit que l'autorité administrative qui prononce des sanctions informe le procureur de la République des suites données aux infractions constatées, mais ne prévoit pas de publicité des infractions constatées.

Afin de permettre aux organisations syndicales d'effectuer un suivi des infractions et, le cas échéant, d'accompagner les salariés concernés et de contribuer à une amélioration de la situation, il nous semble indispensable de les informer des infractions commises.

Cet amendement permettra aussi aux syndicats de connaître d'éventuels comportements systémiques frauduleux de la part de certains employeurs.

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Je suis convaincu que les organisations syndicales disposeront de ces informations. Compte tenu de la séparation constitutionnelle des pouvoirs, aucun pouvoir de suivi des infractions sanctionnées administrativement ne peut être confié aux partenaires sociaux dans quelque secteur d'activité que ce soit. De plus, le ministre s'est engagé à présenter à échéance précise un bilan des contrôles et des suites données devant le Conseil supérieur de la marine marchande, où siègent les organisations syndicales.

Avis défavorable.

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Il ne s'agit pas d'organiser un suivi des sanctions mais d'informer les organisations syndicales. Le retour d'information auquel vous faites allusion est global, sans que les sanctions soient détaillées. Vous bottez en touche d'une manière qui est la limite de l'honnêteté intellectuelle.

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Vous n'avez certainement pas écouté ma réponse.

Les organisations syndicales siègent au Conseil supérieur de la marine marchande et le ministre s'est engagé à faire part à ce dernier d'un état précis des sanctions.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS6 de Mme Claudia Rouaux.

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L'amendement vise à harmoniser le montant de l'amende administrative avec celui de l'amende prononcée dans le cadre du régime pénal des sanctions. En l'état du texte, les armateurs écoperaient d'une amende administrative moindre, de 4 000 euros par marin, que celle prononcée par le juge, qui est de 7 500 euros par marin.

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Nous avons déjà voté un régime de sanctions pénales ou administratives dissuasives et nous devons respecter le principe de proportionnalité des peines.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS8 de Mme Claudia Rouaux.

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Dans l'hypothèse probable où ce texte serait voté conforme, il se passerait plusieurs mois entre sa promulgation et l'entrée en vigueur de l'article 1er, au 1er janvier 2024. Nous proposons de laisser au Gouvernement le soin de fixer cette date par décret, tout en garantissant qu'elle ne puisse être postérieure au 1er janvier 2024.

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Demande de retrait ou avis défavorable, votre amendement étant satisfait. L'alinéa 48 dispose en effet que l'article 1er entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Outre que j'ignore si un tel procédé législatif serait constitutionnel, je note qu'il est paradoxal de demander l'adoption d'un amendement qui interdirait tout vote conforme du texte, ce qui retarderait mécaniquement de plusieurs mois après le 1er janvier 2024 son application.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'article 1er non modifié.

Article 1er bis : Renforcement des sanctions pénales dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil

La commission maintient la suppression de l'article 1er bis.

Article 1er ter : Création d'un régime de sanctions administratives dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil

Amendement AS19 de M. Matthias Tavel.

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Dans la logique des amendements précédemment défendus, nous proposons la suppression de l'avertissement et l'instauration de sanctions immédiates.

Si nous ne pouvons pas amender ce texte, ce n'est pas de notre faute mais de celle du Gouvernement, qui n'a pas voulu programmer une deuxième lecture au Sénat. Il s'agit d'une forme de « 49-3 sénatorial », qui interdit tout bon travail parlementaire.

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J'assume totalement la responsabilité de ce calendrier. Si j'avais été persuadé que le texte issu du Sénat ne correspondait pas aux valeurs que nous avons défendues en première lecture, je n'aurais pas demandé un vote conforme et nous aurions pris le temps de l'enrichir encore. Or, ce n'est pas le cas. Le texte, tel qu'issu du Sénat, est conforme à ce que nous souhaitions. Ce n'est pas un amendement comme celui-ci qui l'enrichirait ou le renforcerait.

Je répète que l'avertissement n'est qu'une possibilité inscrite dans le code du travail et qu'il n'y a aucune obligation à en passer d'abord par là. Les services de l'État en viendront directement aux sanctions si les infractions sont graves.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'article 1er ter non modifié.

Article 2 : Sanction de l'admission à bord de gens de mer ne disposant pas d'un certificat d'aptitude médicale établi à l'étranger valide

La commission adopte l'article 2 non modifié.

Article 3 : Rapport sur l'état des pratiques relatives au dumping social sur les lignes régulières de ferries au sein de l'Union européenne

La commission maintient la suppression de l'article 3.

Article 4 : Rapport recensant les besoins humains et financiers des services en charge de l'inspection du travail maritime pour assurer leurs missions, notamment dans la lutte contre le phénomène de dumping social

Amendement AS7 de Mme Claudia Rouaux.

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En tant que corapporteure d'application de cette loi, je retire cet amendement. Avec M. le rapporteur, nous aurons l'occasion de vérifier si nous disposons des moyens suffisants permettant la bonne application du texte.

L'amendement est retiré.

La commission maintient la suppression de l'article 4.

Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

Enfin, la commission statue, en application de l'article 148, alinéa 3, du Règlement, sur le classement de la pétition (n° 1067) du 20 octobre 2022 « Allongement de la durée du congé maternité » (M. Thibault Bazin, rapporteur).

Ce point de l'ordre du jour fera l'objet d'un compte rendu écrit ultérieurement. La vidéo est disponible sur le portail :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13737822_64ae546a64bfc.commission-des-affaires-sociales--lutte-contre-le-dumping-social-sur-le-transmanche-et--renforcemen-12-juillet-2023

Décision sur la pétition portant sur l’allongement de la durée du congé maternité

Questions des représentants des groupes

Questions des députés

Vote

La séance est levée à douze heures vingt.

Informations relatives à la commission

La commission a désigné :

– M. Marc Ferracci et M. Paul Christophe rapporteurs du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi, adopté par le Sénat (n° 1528) ;

– Mme Claudia Rouaux, corapporteure d'application de la proposition de loi visant à lutte contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime (n° 1439) ;

– M. Guillaume Garot, corapporteur d'application de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels (n° 1175).

Présences en réunion

Présents. – M. Thibault Bazin, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Victor Catteau, M. Hadrien Clouet, M. Mickaël Cosson, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, Mme Christine Loir, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Paul Molac, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, Mme Claudia Rouaux, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry

Excusés. – Mme Josiane Corneloup, M. Yannick Monnet, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist

Assistaient également à la réunion. – M. Pierrick Berteloot, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Josso, M. Sébastien Jumel, M. Matthias Tavel