Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 13 novembre 2018 à 16h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Présidence

La commission entend Mme Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d'enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur le bilan de la privatisation des aéroports.

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Nous commençons aujourd'hui l'examen des enquêtes que j'ai demandées à la Cour des comptes au nom de la commission des finances. Ces demandes ont été formulées le 11 décembre dernier en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Cinq enquêtes ont été demandées à la Cour en vertu de cet article. La première porte sur l'approche méthodologique du coût de la justice, la deuxième sur les droits d'inscription dans l'enseignement supérieur, la troisième sur la dépense fiscale relative au mécénat des entreprises – sujet sur lequel une communication nous sera remise très prochainement : le rapporteur général a d'ailleurs rencontré les magistrats avec M. Gilles Carrez il y a environ une semaine.

Le quatrième thème est l'externalisation du soutien des forces en opérations extérieures, le cinquième est le bilan de la privatisation des aéroports, sujet qui nous occupe aujourd'hui.

Je rappelle que la publication de ces travaux n'intervient qu'à l'issue de la réunion de notre commission. Toutefois, conformément à la décision du bureau de la commission et en accord avec le Premier président de la Cour des comptes, le rapport de la Cour a été communiqué dès la semaine dernière à l'ensemble des commissaires afin qu'ils puissent en prendre connaissance en temps utile. En accord avec Didier Migaud, j'ai donc rompu avec l'habitude qui prévalait afin que vous disposiez, mes chers collègues, du rapport quelques jours avant notre réunion car il est parfois un peu curieux de le découvrir le jour même de l'audition et donc de ne pouvoir poser de questions. L'essentiel est d'avoir un débat riche sur le sujet.

Je rappelle également que nous avons modifié le calendrier de présentation en avançant les dates de commande des rapports pour que ceux-ci puissent nous être remis avant le printemps de l'évaluation. Nous terminons l'actuelle procédure calendaire par l'examen des rapports déjà demandés et nous examinerons les rapports suivants en avril et mai, en prévision des commissions d'évaluation que nous tiendrons dans le cadre du rintemps de l'évaluation.

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Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

Je suis heureuse de vous présenter le rapport demandé par votre commission au Premier président de la Cour des comptes.

Je suis accompagnée du contre-rapporteur, président de section, M. André Le Mer, et des trois rapporteurs, M. Jean-Michel Thornary, conseiller maître, M. Olivier Fonbaron, conseiller référendaire, et M. Jérôme Perdreau, auditeur.

Permettez-moi de rappeler brièvement la commande qui nous a été faite.

Vous avez demandé, monsieur le président, par lettre du 11 décembre 2017, au premier président de la Cour des comptes la réalisation d'une enquête sur le bilan de la privatisation des aéroports. Le 20 décembre 2017, le Premier président vous a indiqué que les résultats de cette enquête confiée à la deuxième chambre vous seraient remis en octobre 2018 ; enfin, lors d'une rencontre le 20 mars dernier, avec M. Mohamed Laqhila et les rapporteurs spéciaux de votre commission, Mme Anne-Laure Cattelot et M. Benoit Simian, nous avons convenu des axes d'investigation et des modalités de l'enquête, qui vous ont été précisés par courrier du 4 avril 2018 du Premier président.

Il a été entendu que la Cour examinerait les processus d'ouverture du capital ou de privatisation des sociétés aéroportuaires régionales Aéroport de Toulouse-Blagnac, Aéroports de la Côte d'Azur et Aéroports de Lyon, plus précisément la nature et l'atteinte des objectifs de l'État dans ces opérations. Ainsi, l'enquête devait-elle couvrir les phases de préparation de la décision, notamment s'agissant des relations de l'État avec les actionnaires publics locaux et des relations entre services de l'État concernés. Elle devait s'intéresser au processus de sélection des acquéreurs, y compris le rôle de la Commission des participations et transferts (CPT), ainsi qu'à la mise en oeuvre des nouvelles gouvernances et à l'exécution des engagements pris par les acquéreurs.

Une réunion d'étape s'est tenue entre l'équipe des rapporteurs de la Cour et les rapporteurs de votre commission le 12 septembre dernier. L'instruction a donné lieu à des échanges avec un large spectre d'interlocuteurs au sein de l'État, évidemment avec l'Agence des participations de l'État (APE) et la direction générale de l'aviation civile (DGAC), mais aussi avec la CPT, l'Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) et avec la direction générale du Trésor, qui gère la procédure d'autorisation des investissements étrangers en France.

Ont également été rencontrés le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ainsi que la direction centrale de la police aux frontières. Les rapporteurs ont rencontré des associations représentant les différents acteurs du transport aérien, à savoir l'Union des aéroports français et la Fédération nationale de l'aviation marchande.

Une attention particulière a été portée aux acteurs locaux. Outre les équipes de direction des trois aéroports, les représentants des collectivités territoriales et les chambres de commerce et d'industrie ont été rencontrés lors de déplacements sur chacun des trois sites et un échange a également eu lieu avec Airbus à Toulouse.

Le projet de rapport délibéré par la deuxième chambre a fait l'objet d'une contradiction écrite avec l'APE, la DGAC, la CPT et, pour les aspects la concernant, la direction générale du Trésor. Des auditions ont ensuite été organisées en septembre avec le commissaire aux participations de l'État, le directeur général de l'aviation civile et le président de la CPT.

La communication qui vous a été remise intègre évidemment les remarques et précisions qu'ils ont formulées, aucune ne remettant en cause le sens général des observations de la Cour.

Le rapport a enfin été validé par le comité des rapports publics et du programme de la Cour.

J'ajouterai à ce préambule deux remarques de méthode. Tout d'abord, le peu de recul dont nous disposons limite les possibilités d'analyse comparative des effets des privatisations sur la gestion des aéroports. Nous ne constatons pas de rupture mais un bilan au bout de quelques années de gestion supplémentaires serait évidemment plus éclairant sur les mérites et inconvénients de la gestion par un actionnaire privé.

En matière d'activité, il est également difficile de tirer à ce stade des conclusions tranchées sur l'efficacité de la gestion des nouveaux actionnaires, et ce d'autant plus que l'ensemble des aéroports français profitent actuellement d'une croissance forte. Seule une analyse de plus long terme permettra d'isoler d'éventuels différentiels de performance entre aéroports à actionnariat privé et public.

Il me paraît ensuite important de bien garder à l'esprit les différences existant entre ces privatisations et d'autres procédures de privatisation, réalisées ou à l'étude.

Dans le contexte d'examen par le Parlement du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), notre rapport peut évidemment être lu à la lumière du projet de privatisation d'Aéroports de Paris (ADP). De nombreux rapprochements avec la situation d'ADP sont bien entendu possibles, mais il faut également garder à l'esprit les différences existant avec les aéroports régionaux, tant en ce qui concerne le volume d'activité que le régime juridique, le régime de propriété ou les procédures applicables.

Par ailleurs, ces privatisations sont les premières cessions d'envergure réalisées depuis la cession des participations de l'État dans les sociétés autoroutières. Ces procédures avaient fait l'objet de nombreuses critiques, notamment de la part de la Cour, mais le cadre de régulation du secteur aéroportuaire, en place lors des privatisations étudiées, est très différent de celui qui est applicable aux autoroutes.

J'en viens maintenant aux grandes lignes et aux conclusions du rapport.

Le contexte de privatisation de ces aéroports fait l'objet du premier chapitre.

Le contexte dans lequel ces cessions ont été préparées et se sont déroulées a été favorable à l'activité aéroportuaire. Celle-ci connaît un dynamisme fort depuis plusieurs décennies qui semble devoir se prolonger au moins jusqu'en 2030.

Dans ce contexte, les aéroports régionaux principaux sont des actifs particulièrement attractifs pour des investisseurs en infrastructures, confrontés à une rareté des actifs sûrs et rentables à long terme.

La loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports a ouvert la possibilité aux grands aéroports de province, restés de la compétence de l'État, de se transformer en sociétés aéroportuaires régionales. Ces sociétés aéroportuaires régionales sont des sociétés anonymes au capital réparti initialement entre l'État pour 60 %, la chambre de commerce et d'industrie pour 25 % et les collectivités territoriales pour 15 %.

Les trois aéroports concernés ont adopté ce statut en 2007 et 2008. Les sociétés aéroportuaires régionales exploitent les plateformes aéroportuaires dans le cadre de contrats de concession avec l'État qui reste propriétaire des terrains et des infrastructures. Ce rappel est important car il montre que la volonté de privatiser ces actifs n'est pas récente. Des évolutions statutaires entreprises dès 2005 permettaient la cession des participations de l'État dans les sociétés aéroportuaires régionales. Le sujet avait d'ailleurs été évoqué dans le cours des débats parlementaires et tranché dans le sens d'un capital initial public sans engagement pour la suite. D'ailleurs, deux tentatives infructueuses de privatisation ont eu lieu avant 2014.

Enfin, les cessions coïncident avec un mouvement général d'émancipation des aéroports régionaux. Les actionnaires locaux peuvent avoir des avis divergents sur l'opportunité de privatiser et le profil d'acquéreurs souhaitable, mais tous partagent l'idée que les aéroports régionaux, par le développement de leur stratégie de desserte, doivent être des outils au service du développement économique de leurs territoires. Ainsi, l'arrivée d'acteurs privés a pu être vue comme une occasion de s'émanciper du cadre national, parfois soupçonné de favoriser les intérêts des aéroports parisiens au détriment des aéroports de province.

Il est enfin important de rappeler que l'État s'est fixé des objectifs lors de ces cessions pour évaluer leur efficacité. Le principal objectif était d'ordre financier, sous réserve qu'il permette le développement du trafic aérien, qu'il renforce la connectivité des territoires et favorise leur activité économique et l'emploi.

La conciliation entre ces différents objectifs, parfois contradictoires, a évolué entre les différentes procédures de privatisation et a fait l'objet d'arbitrages parfois difficiles entre administrations.

Après la présentation du contexte, le chapitre II du rapport est consacré à la privatisation de l'aéroport de Toulouse, que la Cour qualifie d'inaboutie. Je ne retracerai pas dans le détail le déroulement des procédures, déroulement qui figure au rapport, mais je soulignerai quelques points saillants.

Comme vous le savez, l'opération a abouti à la vente, le 17 avril 2015, de 49,99 % du capital au consortium Symbiose, qui était constitué à 51 % d'une entreprise publique chinoise, Shandong Hi-Speed Group, et à 49 % d'un fonds d'investissement implanté à Hong Kong et domicilié dans les Îles Vierges britanniques, Friedmann Pacific Asset Management.

Le prix offert par Symbiose était largement supérieur à celui proposé par le candidat qui venait en second, et le projet industriel proposé, élaboré avec l'appui de professionnels du secteur aéroportuaire, ne paraissait pas inférieur à celui des autres candidats. Toutefois, ce résultat non attendu par les acteurs du dossier a mis en lumière les défauts de la procédure avec plus d'acuité que ne l'aurait fait la sélection d'un gestionnaire français ou européen d'aéroports.

L'acquéreur retenu a immédiatement suscité des inquiétudes en raison de son absence d'expérience en matière de gestion aéroportuaire et de son manque de transparence financière. L'APE ayant choisi de ne pas exiger d'expérience en matière de gestion aéroportuaire, les critères de recevabilité des candidats étaient limités à leur capacité financière.

Les liens de l'acquéreur avec la puissance publique chinoise étaient également de nature à susciter des interrogations. De ce point de vue, l'association insuffisante et trop tardive des autres administrations de l'État, notamment la DGAC, n'a pas permis d'anticiper les difficultés ou les interrogations qu'un tel candidat était susceptible de susciter.

Le choix d'une opération de cession en deux temps, destinée à satisfaire des objectifs contradictoires, s'est également révélé malencontreux. Dans un premier temps, l'État a cédé 49,99 % du capital à l'acquéreur, cession accompagnée de la conclusion d'un pacte d'actionnaires avec celui-ci, pacte destiné à lui permettre d'exercer le contrôle opérationnel de la société.

Dans un second temps, l'État se réservait d'exercer une option de vente à l'acquéreur des 10,01 % du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac qu'il détient encore, l'acquéreur s'engageant à les acheter à un prix défini à l'avance. Cette option était exerçable trois ans après la première session pendant une durée de six mois renouvelable une fois, soit à compter du 18 avril 2018 et jusqu'au 17 avril 2019.

L'État a indiqué, en février 2018, qu'il n'avait pas l'intention d'exercer cette option de vente. La privatisation demeure donc inaboutie et la société Aéroport Toulouse-Blagnac reste dans une situation ambiguë et instable. Son capital est majoritairement public, mais le contrôle appartient à l'actionnaire privé par l'effet du pacte d'actionnaires qu'il a conclu avec l'État. Cette situation place l'APE dans une situation délicate et l'a obligée à plusieurs reprises à jouer un rôle de conciliateur entre l'actionnaire principal et les actionnaires locaux, notamment sur la question de la distribution des dividendes et la nomination des dirigeants.

Les difficultés de la gouvernance de la société sont paradoxales, car les résultats d'exploitation de l'aéroport sont satisfaisants et il n'y a pas de vraies divergences sur la stratégie de l'aéroport.

Au chapitre III du rapport, nous montrons que le processus a été amélioré pour les privatisations des aéroports de Lyon et de Nice, les leçons des imperfections du processus de privatisation de l'aéroport de Toulouse ayant été tirées.

L'article 191 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui a autorisé la privatisation des sociétés aéroportuaires régionales de Lyon et de Nice, a ajouté aux dispositions de droit commun régissant les privatisations des exigences spécifiques à la privatisation des sociétés aéroportuaires dans trois domaines.

Premièrement, les privatisations des sociétés exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire dans le cadre d'une concession accordée par l'État doivent désormais être autorisées par la loi.

Deuxièmement, le cahier des charges de l'appel d'offres est approuvé par le ministre chargé de l'aviation civile et est renforcé. Il précise les obligations de l'acquéreur relatives à la préservation des intérêts essentiels de la nation en matière de transport aérien, ainsi que de ceux du territoire concerné en matière d'attractivité et de développement économique et touristique. Il précise également les obligations de l'acquéreur, afin de garantir le développement de l'aérodrome, en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé ainsi qu'avec les collectivités territoriales actionnaires.

Troisièmement, les candidats au rachat des parts de l'État dans une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire doivent disposer d'une expérience en tant que gestionnaires d'aéroports ou d'actionnaires d'une société gestionnaire d'aéroports de taille comparable.

Au-delà même de ces exigences, les cahiers des charges des privatisations des aéroports de Lyon et de Nice ont fortement évolué par rapport à celui de la privatisation de l'aéroport de Toulouse. Les critères de recevabilité des candidats sont plus exigeants, les exigences de transparence financière ont été renforcées, le contenu des offres a été enrichi, la procédure a été ajustée et implique davantage les actionnaires locaux. Un engagement contractuel des candidats sur les modalités de respect des objectifs posés par la loi du 6 août 2015 a enfin été mis en place.

De fait, les opérations de privatisation des aéroports de Nice et de Lyon n'ont pas conduit à la répétition des difficultés qui avaient été constatées dans l'opération toulousaine. La concertation avec les acteurs locaux a été bien menée, malgré une incompréhension en fin de procédure – il y est fait référence à la page 66 du rapport.

Le choix des acquéreurs a finalement satisfait les acteurs locaux tant à Nice qu'à Lyon. À Lyon, c'est un consortium, constitué de Vinci Airports pour 51 % des parts, de la Caisse des dépôts et consignations pour 24,5 % et de Predica pour 24,5 %, qui a acquis, le 3 novembre 2016, la participation de 60 % détenue par l'État pour un montant de 535 millions d'euros, soit 21,2 fois son bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements (EBITDA).

À Nice, le même jour, le consortium Azzurra, composé du groupe italien Atlantia pour 65,01 %, d'Aeroporti di Roma pour 10 % et d'EDF Invest pour 24,99 %, a acquis les parts de l'État dans la société aéroportuaire régionale Aéroports de la Côte d'Azur pour un montant de 1,222 milliard d'euros, soit 22,1 fois son EBITDA. Dans les deux cas, il s'agit du candidat qui avait offert le prix le plus élevé. L'écart entre la meilleure offre et la suivante étant de 1,9 % à Lyon et de 1,5 % à Nice.

Le chapitre IV, enfin, présente les conclusions et les recommandations de la Cour. Le rapport retrace ici les éléments de bilan des procédures de cession et propose des améliorations possibles compte tenu des réserves méthodologiques que j'ai rappelées en introduction. Les messages de la Cour tiennent en cinq points et donnent lieu à sept recommandations récapitulées à la page 13 du rapport.

Premier message, les objectifs financiers de l'État ont été dépassés. Les trois aéroports ont été valorisés à des niveaux qui n'avaient pas été anticipés, les candidats à l'acquisition ayant proposé des prix élevés au regard de privatisations comparables. L'attractivité de ces plateformes et les perspectives de croissance de leurs résultats expliquent qu'un nombre suffisant de candidats, nationaux ou non, s'y soient intéressés. Toutefois, comme nous l'expliquons dans le rapport, il n'est pas possible d'établir précisément le bilan financier de l'opération pour l'État à ce stade, en l'absence de visibilité de l'évolution de l'activité des aéroports et de leur profitabilité d'ici au terme des concessions.

La Cour relève certaines incertitudes qui ont pu subsister dans les cahiers des charges, en particulier sur l'évolution future des cadres de régulation de ces aéroports, mais elles n'ont pas produit d'effets visibles sur les niveaux de valorisation, la plupart des candidats ayant fait le choix d'assumer ces risques en construisant leurs offres sur la base des hypothèses les plus favorables. Il conviendra à l'avenir de clarifier autant que possible les règles et principes prévalant dans l'élaboration du cadre de régulation futur afin d'offrir une réelle visibilité aux candidats, sans pour autant lier l'État régulateur dans ses décisions futures. Tel est l'objet de la recommandation numéro 1.

Notre deuxième message, c'est que les procédures peuvent encore être renforcées. Celles mises en oeuvre à Nice et Lyon tiennent compte des insuffisances révélées par la procédure toulousaine et apparaissent plus robustes. La Cour relève toutefois plusieurs points pouvant encore donner lieu à des améliorations. J'en citerai trois.

D'abord, en matière de sélection des offres. Si le prix a vocation à demeurer un critère essentiel, il est souhaitable de renforcer encore la prise en compte des autres intérêts à préserver dans ces opérations, qui ont été précisés par la loi du 6 août 2015 et qui englobent les intérêts du transport aérien et ceux des territoires concernés en matière d'attractivité économique et touristique. Cela peut notamment se traduire par des prescriptions plus explicites et engageantes dans le cahier des charges, de manière à rendre les projets industriels des candidats comparables à un horizon raisonnable. Les engagements souscrits par les candidats doivent être formalisés et leur non-respect assorti de sanctions. Telle est notre recommandation numéro 2.

Ensuite, la Cour s'est interrogée sur le rôle des conseils financiers ou juridiques dont l'APE s'entoure pour préparer les privatisations, puis pour analyser les offres, et sur leurs modalités d'intervention. L'APE ne s'entoure pas de conseils de spécialistes de l'activité aéroportuaire. Or, dans la mesure où la loi demande à prendre en compte la qualité des projets industriels et leur impact sur les territoires, la comparaison de ces projets industriels et leur cohérence avec les offres financières sont une nécessité qui appelle une expertise spécifique existant au moins pour partie à la DGAC, d'où notre recommandation numéro 4.

Enfin, la question des conflits d'intérêts entre conseils de l'APE et candidats doit être anticipée et traitée avec la plus grande fermeté pour assurer l'équité de la procédure et limiter les risques contentieux ou au moins d'image. Les contrats liant l'APE à ses conseils doivent notamment lui permettre de réagir sans délais, en renforçant les exigences de déclaration par les conseils des situations à risque et en saisissant systématiquement la CPT de telles situations et des mesures prises en conséquence. Tel est l'objet de notre recommandation numéro 3.

Le troisième message concerne la procédure d'autorisation des investissements étrangers, qui doit être adaptée. Deux privatisations sur trois ont abouti à la sélection d'un acquéreur étranger. Cela témoigne de l'ouverture réelle de ces procédures, qui favorise une concurrence importante.

De telles opérations sont soumises au régime de droit commun défini par le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Or ce décret destiné à des projets de cession établis entre acteurs privés ne paraît pas adapté aux cessions des participations de l'État. En effet, la demande d'autorisation est adressée au ministre de l'économie en fin de processus, une fois que l'acquéreur pressenti a été désigné publiquement par ce même ministre. Ce dispositif doit donc être adapté à la situation particulière des cessions de participations publiques pour intervenir plus en amont, antérieurement au choix de l'acquéreur par le ministre, par exemple, au niveau de la recevabilité des candidatures.

Des marges de négociation de l'État avec les candidats seraient ainsi mieux préservées et des difficultés liées à un acheteur étranger pourraient être identifiées plus tôt. Plusieurs modalités sont possibles. Il reviendra à la direction générale du Trésor et à l'APE de déterminer lesquelles sont les plus pertinentes. Telle est notre recommandation numéro 5.

Le quatrième message est que l'État doit conserver un niveau d'information suffisant pour que ses leviers instruments de contrôle demeurent effectifs.

La Cour s'est également interrogée sur les effets d'un changement d'actionnariat sur les moyens de contrôle et leviers dont dispose l'État. Ces moyens et leviers ne changent pas. Tout d'abord, il convient de rappeler que c'est l'État qui assure lui-même avec ses agents la navigation aérienne, le contrôle aux frontières et les contrôles douaniers. En outre, dans les domaines où l'État n'intervient pas directement, il dispose de larges pouvoirs lui permettant d'encadrer l'activité des aéroports et de prescrire les investissements qu'il juge nécessaires. L'évolution tarifaire est soumise à la validation d'une instance indépendante, l'ASI, qui peut imposer des baisses de redevances si les profits des exploitants dépassent durablement le coût moyen pondéré de leur capital. Toutefois, ces moyens de contrôle ne pourront être utilisés efficacement que si les services compétents de l'État disposent d'une information suffisante sur la gestion et les orientations stratégiques des aéroports. La présence, sans voix délibérative, d'un représentant de la DGAC dans les instances de gouvernance est ainsi souhaitable, et fait l'objet de notre recommandation numéro 6. Des acteurs locaux qui ont, à l'heure actuelle, un pouvoir de blocage sur les décisions importantes auraient également intérêt à se coordonner afin de garantir leur capacité à peser sur les orientations des aéroports et à défendre les intérêts de leur territoire.

Notre cinquième et dernier message est que les engagements des acquéreurs doivent faire l'objet d'un suivi efficace. Les difficultés rencontrées à Toulouse et les tensions entre actionnaires locaux et l'acquéreur tiennent en particulier à des malentendus et à des incompréhensions initiales sur la portée des engagements de ce dernier. Une plus grande formalisation des engagements et des sanctions associées à leur non-respect constitue une partie de la réponse. Mais, pour être crédible, elle doit s'accompagner d'un suivi efficace. Or, les instances de suivi prévues dans les cahiers des charges à Nice et Lyon n'ont pas encore été installées. Elles doivent être mises en place sans délai. Pour jouer leur rôle, ces comités pourraient être placés sous l'autorité du préfet de département. Telle est la recommandation numéro 7 de notre rapport.

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Je reviens d'un mot sur la privatisation de l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Je retiens de votre propos que si cette privatisation ne signifie pas un échec, l'aéroport a cependant, en termes de procédure, essuyé les plâtres.

Des engagements des différents groupes acquéreurs, en tout cas concessionnaires, figuraient dans les cahiers des charges. Il s'agissait notamment d'engagements d'optimisation des infrastructures, de développement industriel des aéroports et d'amélioration des accès aux aéroports. Font-ils l'objet de discussions, voire de mises en chantier ? Je sais bien que tout cela est extrêmement récent et que vous ne disposez que de peu de recul, mais comment réagissez-vous à ces engagements pris par les acquéreurs ?

La cession de l'aéroport de Nice nous intéresse en référence au projet de privatisation d'ADP. On est en effet passé d'un système de caisse unique à un système de double caisse ou de caisse aménagée entre revenus commerciaux et revenus aéroportuaires. Avez-vous considéré que cela avait un impact sur les redevances facturées aux compagnies aériennes ? Elles en sont extrêmement inquiètes. Selon vous, leurs craintes sont-elles justifiées ?

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Madame la présidente, messieurs les membres de la Cour des comptes, merci de votre analyse.

Dans le contexte des Assises de l'aérien, s'agissant de cessions d'aéroports à des gestionnaires privés, les compagnies aériennes sont nombreuses à exprimer des craintes. Elles ont peur des conséquences des redevances aéroportuaires et donc de la rentabilité de leurs activités, alors même que nous connaissons un accroissement du trafic aérien. Avez-vous constaté cette crainte de la part des aéroports qui ont été récemment privatisés ? Connaissez-vous des exemples d'aéroports européens de taille similaire récemment privatisés ?

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Madame la présidente, les cessions de participation de l'État ont été opérées dans un contexte très porteur pour le transport aérien. Comment sont suivis les engagements des actionnaires pour optimiser les développements industriels, les infrastructures aéroportuaires ou les accès aux aéroports ? Je pense notamment à l'offre liant Casil Europe à l'État, qui a suscité des frustrations des collectivités.

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Lors de l'examen de l'article du projet de loi PACTE concernant la privatisation d'ADP, une longue discussion a porté sur la différence entre privatisation et dérégulation, notamment du trafic aérien.

La privatisation d'ADP est un sujet d'importance pour les Franciliens notamment, mais pas uniquement, s'agissant de l'aéroport d'Orly, qui a la spécificité de respecter un certain nombre de créneaux annuels de vol et un couvre-feu nocturne de 23 heures 30 à 6 heures du matin aux termes d'un arrêté ministériel du 6 octobre 1994.

Nous avons donc eu un long débat sur la nécessité ou non de privatiser ADP. La privatisation peut-elle remettre en question les garde-fous de la régulation et avoir pour conséquence d'entraîner plus de nuisances aériennes pour les riverains ? Avez-vous relevé, parmi les cas que vous avez étudiés, une évolution du pouvoir de régulation aérienne de la puissance publique, même si les aéroports autres que celui d'Orly ne sont pas assujettis à des créneaux ni au couvre-feu ?

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Madame la présidente, je vous remercie de ce rapport extrêmement intéressant.

Dans mon rapport spécial, je fais un focus sur la privatisation de l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Je vous remercie pour toutes les critiques que vous avez formulées !

Je ne reviens pas sur le fait que l'on n'ait pas demandé aux sociétés candidates de justifier d'une expérience en matière de gestion d'aéroport. Je vous interrogerai sur deux points : le pacte d'actionnaires – j'ignore si vous avez pu le consulter avant de rédiger votre communication – et la distribution des dividendes.

Ainsi que vous l'expliquez de manière extrêmement limpide dans votre communication, le consortium chinois est en train de vider les caisses de la société. Certes, ces sommes étaient intégrées dans le prix qu'il a payé. Dans la mesure où il avait proposé un prix élevé pour récupérer l'aéroport, il se rembourse aujourd'hui en vidant les caisses. Ainsi qu'il est écrit dans le rapport annuel de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, il a pioché 16 millions d'euros dans les caisses pour verser des dividendes. En 2017, il a opéré différemment, en procédant à un changement d'écritures comptables de la dotation aux amortissements, ce qui n'est pas interdit en comptabilité. Des commissaires aux comptes vérifient ce genre de choses. Mais rien n'est indiqué dans le rapport annuel, si ce n'est qu'il est procédé à un changement d'écritures comptables, lequel permet de dégager 12 millions d'euros de bénéfices. Le consortium fait ainsi passer le bénéfice de 8 millions d'euros à 20 millions d'euros en 2017 et l'actionnaire majoritaire, le consortium, distribue la totalité du bénéfice en dividendes.

En termes de protection d'un outil stratégique de l'État, je trouve le fait extrêmement grave et je voudrais connaître votre point de vue. Le changement d'écritures comptables figure dans le rapport annuel 2017 de la société et n'est pas abordé dans votre rapport, ce qui est extrêmement dommageable.

Par ailleurs, le consortium détient 49,9 % des parts et, pour obtenir la majorité, s'appuie sur les 10,1 % que l'État continue à détenir, lequel, au gré d'un pacte d'actionnaires, vote dans le même sens que le consortium chinois. Que pensez-vous de la stratégie de l'État, qui suit les yeux fermés un actionnaire privé ayant acquis des parts dans l'aéroport ? J'ai bien conscience que cette question peut vous mettre quelque peu en porte-à-faux et qu'elle dépasse le périmètre de votre mission, mais si vous souhaitez y répondre, madame la présidente, surtout n'hésitez pas ! La Cour des comptes pourrait-elle être amenée à formuler une recommandation selon laquelle un pacte d'actionnaires qui oblige l'État à suivre les yeux fermés un actionnaire privé ne devrait pas figurer dans la stratégie de l'APE ?

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Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

Monsieur le président, en ce qui concerne le suivi des engagements pour les aéroports de Toulouse, de Lyon et de Nice, il convient de distinguer le cahier des charges s'appliquant à la cession de l'aéroport de Toulouse, qui ne donnait pas de caractère contraignant au projet industriel développé par les candidats. Il n'en reste pas moins que l'État dispose des moyens de contraindre l'acquéreur à procéder aux investissements nécessaires en matière d'infrastructures aéroportuaires dans le cadre du contrat de concession et des contrats de régulation économique (CRE), qui définissent des plafonds d'investissement.

Nous avons observé que les engagements vis-à-vis des collectivités locales n'ont pas été formalisés et qu'une forme d'incompréhension est née entre l'investisseur et les collectivités territoriales quant à la portée de ces engagements, d'où notre recommandation de les formaliser plus précisément et de prévoir des sanctions en cas de non-respect et de mise en place effective du comité des engagements.

À Lyon comme à Nice, le cahier des charges demandait aux candidats de produire une lettre récapitulant les engagements spécifiques qu'ils prendraient en matière industrielle, sociale et environnementale. Cette lettre avait une valeur d'engagement contractuel, la portée de cet engagement étant toutefois assez limitée. À l'exception de certains points précis pour lesquels les engagements sont détaillés, les candidats s'engagent à déployer des efforts pour mettre en oeuvre leurs projets industriels. Pour autant, il n'existe aucune obligation globale de résultat. Par ailleurs, comme le relève le rapport, le cahier des charges ne prévoit pas de sanctions et les comités chargés d'assurer le suivi n'ont pas été réunis, d'où nos recommandations en la matière.

Votre deuxième question, monsieur le président, portait sur l'impact de la mise en place d'une caisse aménagée à Nice. Elle a, en effet, été aménagée. Le passage en caisse aménagée prévoit à court terme une baisse du taux moyen plafond des redevances. Dans l'immédiat, en raison de la mise en place de cette caisse aménagée, il n'y a pas d'impact à la hausse des redevances dues par les compagnies aériennes.

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Jean-Michel Thornary, conseiller maître à la Cour des comptes

Madame Cattelot, vous nous avez interrogés sur les comparaisons européennes. Les comparaisons qui figurent au rapport ne portent pas sur le sujet que vous évoquez mais sur les valorisations des transactions de privatisation. S'agissant des niveaux de redevance et de leur évolution post-privatisation, nous n'avons pas de données.

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Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

M. Simian a posé une question sur le suivi des engagements, à laquelle j'ai répondu précédemment, notamment au sujet des collectivités territoriales.

J'en arrive aux questions posées par Mme Rabault sur la privatisation de l'aéroport de Toulouse. Le pacte d'actionnaires est une situation particulière, puisque l'acquéreur n'a pas la majorité ; il a signé avec l'État un pacte d'actionnaires aux termes duquel l'État doit voter comme l'acquéreur. Il s'agit d'une situation que nous qualifions dans le rapport d'« ambiguë » et « instable ». Dans les faits, néanmoins, l'APE a joué un rôle important d'intermédiaire pour convaincre Casil Europe de renoncer à une partie de ses prétentions en matière de dividendes, en menaçant de ne pas le soutenir dans le cas contraire. Casil Europe voulait obtenir l'essentiel du résultat et l'APE a fini par le convaincre de renoncer à ses prétentions. L'acquéreur ne cache d'ailleurs pas sa déception quant aux limites du contrôle qu'il est en mesure d'exercer. Cette situation nous paraît donc à la fois inconfortable pour l'État et pour l'acquéreur comme pour les autres actionnaires, et elle n'est pas souhaitable. Il est à noter que l'État n'a pas reproduit cette situation de cession en deux temps pour les deux autres aéroports.

Vous avez interrogé, madame Rabault, sur le changement des écritures comptables. Le rapport y fait référence s'agissant des durées d'amortissement, lesquelles influent fortement sur le niveau du résultat net. En effet, les durées d'amortissement ont été réévaluées en 2017 sur la base des travaux d'un cabinet d'audit et acceptées par le commissaire aux comptes de la société. Elles sont désormais comparables à celles pratiquées dans les autres aéroports étudiés. Nous avons constaté cette modification.

La seconde évolution sur le calcul du résultat procède d'une demande de l'actionnaire qui a souhaité l'établissement des comptes de la société selon les normes International Financial Reporting Standards (IFRS) en 2017 pour faciliter la consolidation de ces comptes avec ceux du groupe, le référentiel IFRS étant le seul qui soit utilisé par les groupes internationaux pour leurs comptes consolidés. Les comptes établis dans un autre référentiel doivent être mis en correspondance pour permettre cette opération. Or les normes IFRS conduisaient à majorer fortement le résultat de l'aéroport en 2017. Les actionnaires locaux s'y sont opposés car ils y ont vu un moyen de majorer artificiellement les dividendes. Un compromis a été trouvé qui prévoit un montant distribuable de la totalité du résultat aux normes françaises, soit 13,8 millions d'euros, alors qu'il aurait été de plus de 20 millions d'euros en appliquant les normes IFRS.

L'APE a considéré que le pacte d'actionnaires était couvert par le secret des affaires. La Cour a néanmoins eu accès à ce pacte ainsi qu'aux travaux préparatoires. Les principales dispositions qui portent sur la gouvernance et les modalités d'évolution du capital figuraient dans le cahier des charges et sont, à ce titre, publiques. Le projet de pacte a été communiqué aux actionnaires locaux qui n'ont pas émis d'avis négatif à son encontre.

À M. Saint-Martin, je répondrai que la privatisation n'a pas eu d'impact sur les pouvoirs de régulation dont dispose l'État sur aucun des trois aéroports. Le pouvoir de régulation résulte à la fois des pouvoirs de l'État en matière de sécurité et de CRE. La DGAC peut intervenir dans l'hypothèse où l'aéroport ne prévoit pas les investissements indispensables aux infrastructures. Nous n'avons pas constaté que le processus de privatisation ait privé l'État des pouvoirs nécessaires à la préservation de ses intérêts stratégiques dans le domaine aéroportuaire.

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Merci, madame la présidente, pour l'ensemble de vos explications.

Parmi les recommandations que vous formulez, je n'ai rien entendu sur le contrôle de l'origine des fonds. Parmi les acquéreurs de l'aéroport de Toulouse, je note des sociétés, implantées aux Îles Vierges britanniques, qui sont des holdings détenant d'autres holdings. Si ce sujet ne relève pas de votre mission, je vous prie de me pardonner cette question inopportune...

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Merci, madame la présidente, pour les informations que vous nous avez communiquées.

Ma première question porte sur l'aéroport de Toulouse. Vous avez relaté le processus, aujourd'hui inachevé, d'une privatisation qui n'a pas abouti. Quelle est l'alternative susceptible de découler de cette situation ? Sommes-nous dans une situation de blocage, ou pouvons-nous espérer connaître une évolution à relativement court terme ?

Ma seconde question est relative aux CRE, dont vous faites état dans vos recommandations. Ces contrats sont susceptibles d'être remis en question par une généralisation et posent notamment une difficulté qui est liée à l'adéquation entre les redevances et le niveau des investissements nécessaires au maintien ou à l'augmentation des redevances. Quelles sont les difficultés à lever pour que ces CRE, a priori pertinents, soient généralisés ?

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Je suis élu de la métropole de Toulouse, l'un des actionnaires minoritaires de l'aéroport. Mes questions porteront sur la privatisation, qui a fait l'objet de ma part de nombreuses questions au Gouvernement.

Madame la présidente, vous avez rappelé les nombreuses faiblesses de ce dossier. Dans un premier temps, l'État a cédé 49,99 % du capital à un acquéreur – Casil Europe – et a conclu un pacte d'actionnaires avec lui.

En dépit du nombre de parts possédées par les actionnaires locaux, qui s'élèvent à 50,01 %, ce pacte particulier permet à Casil Europe d'exercer le contrôle opérationnel de la société. Ce pacte a-t-il été rendu public, et quel est précisément son contenu ? Vous avez déjà commencé à fermer la porte en disant que le sujet était couvert par le secret des affaires...

Dans un second temps, l'État se réserve le droit d'exercer l'option de vente à Casil Europe des 10,01 % du capital qu'il détient encore, cette option étant exerçable jusqu'au 17 avril 2019. Mais le Gouvernement a indiqué en février 2018, en réponse à mes questions dans l'hémicycle, qu'il n'avait pas l'intention d'exercer cette option de vente. La privatisation demeure donc inaboutie et l'aéroport de Toulouse-Blagnac reste dans la situation ambiguë et instable d'une entreprise dont le capital est majoritairement public mais dont le contrôle appartient à l'actionnaire privé, par l'effet de ce pacte d'actionnaires. Quelles sont les caractéristiques de ce pacte d'actionnaires en termes juridiques et de durée notamment ?

Deuxième question, à laquelle je suis sûr que vous allez pouvoir me répondre : en cas de cession des parts restantes de l'État à un tiers ou aux actionnaires locaux, qu'adviendrait-il des obligations figurant dans ce pacte d'actionnaires ?

J'ajouterai une question à celle posée par le président Éric Woerth, qui a évoqué les engagements en matière d'infrastructures. Au cours des conversations et des négociations entre l'État et Casil Europe, le financement d'une ligne de métro à Toulouse et du parc des expositions a été évoqué. Ainsi que vous l'indiquez dans le rapport, ces deux éléments ont fait l'objet d'incompréhensions. Ces objets figuraient-ils dans d'autres documents que le pacte d'actionnaires initial ?

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La commission des finances souhaiterait savoir si ces trois privatisations sont un succès, un échec, ou si « cela dépend des cas » ?

Vous avez souligné, madame la présidente, que vous ne disposiez pas du recul suffisant pour répondre à cette question sur le plan des investissements, des nouvelles lignes ou de la qualité du service avant et après la privatisation. Pourriez-vous néanmoins nous faire part de quelques éléments ?

Vous avez constaté qu'il n'y avait pas de CRE dans les appels d'offres, et vous dites qu'il serait une bonne chose que les futures privatisations d'aéroports en intègrent un. Est-il possible d'intégrer un CRE sans avoir en face un candidat ? Il s'agit bien d'un CRE par candidat. Je m'explique. Il peut y avoir des stratégies très différentes selon les différents candidats à la privatisation.

Le CRE est un contrat où figurent l'ensemble des projections de trafic de niveau des redevances, d'investissement, etc. Il s'agit d'un document essentiel à tous les aéroports. C'est au regard du CRE que l'on vérifie le respect des engagements.

Ne faudrait-il pas plutôt négocier un CRE par candidat avant d'en retenir un ?

Vous soulevez par ailleurs le problème des risques de conflit d'intérêts entre les conseils et l'État, et indiquez que l'on a fait appel à des cabinets extérieurs. Avez-vous pu vérifier selon quelle procédure ont été choisis les conseils de l'État ? Certains d'entre eux avaient-ils des liens avec des candidats ? Leur a-t-on demandé de signer un engagement attestant qu'il n'avait aucun lien avec aucun des candidats ?

Question subsidiaire : qu'est devenu le président de Shandong Hi-Speed Group, qui, semble-t-il, a été emprisonné en Chine ? On dit qu'il aurait disparu, qu'il serait en prison. Par ailleurs, avez-vous pu approfondir la situation de Friedmann Pacific Asset Management, société implantée à Hong Kong, mais domiciliée dans les Îles Vierges britanniques, qui ne sont pas considérées comme le paradis de l'honnêteté sur terre ! Elles n'ont de vierges que le nom, selon le trait d'un humoriste...

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Je reviens sur le pacte d'actionnaires. J'ai eu la possibilité, sous la législature précédente, alors que j'étais rapporteure générale, de le consulter comme j'ai consulté le contrat en son entier. Ces deux documents, en effet, relèvent du secret des affaires et du secret fiscal, ce que je respecte.

Estimez-vous normal que l'État français, même s'il agit en tant qu'actionnaire, s'en remette à un investisseur privé au moment des votes ?

La majorité a voté la privatisation d'ADP, qui bénéficie d'un chèque en blanc puisque le Gouvernement pourra faire figurer ce qu'il veut dans le cahier des charges. Afin d'éviter ce genre de situations, recommandez-vous que les rapporteurs spéciaux étudient le cahier des charges qui sera proposé avant la conclusion de la transaction ?

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Madame la présidente, merci de votre présentation.

J'ai compris que les procédures de privatisation se sont améliorées et que vous conseillez de les renforcer. Mais je m'aperçois au fil des questions qu'émerge un conflit entre intérêt général et intérêts privés.

Selon nous, les aéroports ne devraient, par principe, pas être privatisés, car il s'agit de services d'intérêt général, et ce à un double titre : la sécurité des infrastructures et la sécurité des frontières. L'État doit garder son pouvoir de régulation.

Un point n'a pas été mentionné, qui montre bien des contradictions ou en tout cas des conflits d'intérêts entre la logique de l'intérêt général et la logique des intérêts privés qui sont la recherche du profit à tout prix, évoquée implicitement par Mme Rabault.

Je change maintenant de sujet. Le transport aérien contribue pour 2 % à 3 % aux émissions des gaz à effets de serre. Pour un investisseur privé, il y a un intérêt à promouvoir le transport aérien qui, pourtant, ne concourt pas à la transition écologique. C'est un conflit d'intérêts parmi d'autres : la sécurité, déjà évoquée, les infrastructures, les frontières. Comment envisager ce qui suscite des conflits d'intérêts ?

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Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

M. Jolivet et M. de Courson ont posé la question de l'origine des fonds. Je les renvoie à la page 55 du rapport, où il est écrit : « Dans l'opération toulousaine, l'APE a dû demander à l'acquéreur de modifier son schéma d'acquisition pour éviter un risque de réputation ; en outre, l'opération avait montré un besoin de renforcer les garanties sur l'origine des fonds. » L'APE en a tiré les leçons dans les cahiers des charges relatifs aux privatisations de Lyon et Nice.

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Avez-vous pu accéder à l'origine des fonds qui ont permis l'acquisition de l'aéroport de Toulouse ? Qui est derrière si ce n'est une entreprise publique chinoise ?

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André le Mer, président de section à la Cour des comptes

Il s'agit d'un consortium comprenant l'entreprise publique chinoise Shandong Hi-Speed Group, qui détient la majorité, et un fonds détenu par M. Mike Poon, qui comprend un investisseur probablement très lié à l'État chinois. Pour parler clairement, l'État chinois, en grande partie, a investi dans cette affaire. D'où les questions que nous posons sur les investisseurs étatiques dans ce genre d'opérations d'investissement.

M. Mike Poon est le président du fonds, non celui de l'entreprise Shandong Hi-Speed Group. Il a, en effet disparu pendant quelques mois en 2015. Apparemment, il a eu des problèmes.

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André le Mer, président de section à la Cour des comptes

La Cour n'a pu investiguer cet aspect. Mais il a réapparu depuis.

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Nous entendons la Cour des comptes, non les services secrets !

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Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

Nous avons en effet, madame Louwagie, qualifié la situation à Toulouse d'« instable » et d'« ambiguë ». Vous avez parlé, pour votre part, de situation de blocage. Sur les possibilités d'évolution, la Cour n'a pas investigué non plus.

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André le Mer, président de section à la Cour des comptes

Nous sommes confrontés à un équilibre instable où il y a un accord général sur la stratégie de l'aéroport mais où l'État fait le lien entre les acteurs locaux et les partenaires chinois dans une position ambiguë. En raison du pacte d'actionnaires, les Chinois, minoritaires au capital, occupent une position stratégique prééminente. Pour l'heure, nous n'avons pas constaté de problèmes majeurs. L'aéroport de Toulouse tourne, le trafic augmente, les résultats sont là. Nous dressons un constat clinique à l'instant t : le fonctionnement de l'aéroport ne pose pas de problèmes, hormis éventuellement relationnels, cristallisés sur des questions de dividendes. Nous qualifions la situation d'inconfortable et d'instable, posant à ce titre des questions pour l'avenir.

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Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

Pour répondre à la question sur l'opportunité de privatiser des aéroports, relevons que les économistes ne sont pas unanimes sur le caractère de monopole des aéroports. Une grande partie de la clientèle des aéroports est captive, mais les aéroports régionaux, que nous étudions dans le rapport, sont en concurrence entre eux ou avec d'autres aéroports, français et étrangers, voire avec d'autres modes de transports tels que le train. Les ouvertures de liaisons ferroviaires à grande vitesse à Toulouse, comme ce fut le cas à Lyon, mais aussi de liaisons longue distance par bus à très bas tarifs, ont eu des effets négatifs sur le trafic aérien.

Rappelons que les redevances pratiquées par les aéroports et leurs investissements font l'objet d'une régulation spécifique, qui vise à répondre aux risques induits par les situations de monopole, et qu'exercent à la fois l'ASI et la DGAC.

S'agissant du pacte d'actionnaires, il n'appartient pas à la Cour de répondre à la question d'opportunité : est-il normal que l'État se mette dans les mains d'un actionnaire privé par un tel pacte ? Nous avons amplement décrit dans le rapport la situation qui en découle.

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Il n'a pas été répondu à la question de savoir ce qu'il advient, en cas de cession des parts restantes de l'État à un tiers ou aux actionnaires locaux, des obligations figurant dans ce pacte d'actionnaires.

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Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

La réponse à cette question est couverte par le secret des affaires.

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Le secret des affaires n'est pas opposable aux rapporteurs spéciaux.

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S'ils le souhaitent, il leur appartiendra d'utiliser leurs prérogatives.

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Ma question concerne la composition des redevances. Sont-elles fixes, ou bien incluent-elle une part variable ? Dans le cadre de quelques délégations de service public que j'ai eu à gérer dans mon ancien métier, il arrivait qu'il y ait une part fixe et une part variable, selon plusieurs seuils : 70 % et 30 %, voire 90 % et 10 %. Cela existe-t-il et cela vous semble-t-il efficient ?

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La Cour évoque le cas de la banque d'affaires Mediobanca, qui était le conseil de l'État dans la cession de l'aéroport de Nice en même temps – ce n'est pas neutre – qu'elle était actionnaire minoritaire d'Atlantia, membre principal du consortium vainqueur ! La Cour rappelle à cette occasion la nécessité d'une vigilance accrue en matière de prévention des conflits d'intérêts au niveau de l'APE et entre les conseils, qu'il s'agisse des banques, des conseils juridiques, des cabinets d'audit ou des candidats.

Eu égard aux éléments de précaution que vous mettez en oeuvre par rapport à l'ensemble de ces transactions, comment analysez-vous le projet de loi PACTE, qui comporte des dispositions renforçant le suivi et le contrôle des investissements étrangers ainsi que la protection des entreprises jugées stratégiques ? Selon moi, nous sommes confrontés à un non-sens, mais j'attends que vous nous livriez votre analyse.

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Madame la présidente, en préambule à ma question, je pense qu'il aurait été utile et souhaitable que votre rapport nous ait été communiqué avant l'examen du projet de loi PACTE, voté au mois d'octobre par notre assemblée et qui prévoit la privatisation d'ADP.

Avec mon collègue Jean-Louis Bourlanges, nous avions défendu un amendement à ce projet de loi, qui visait à permettre aux collectivités franciliennes et au département de l'Oise d'entrer au capital d'ADP ou du moins de se porter candidats dans le cadre d'un fonds d'investissement, ce qui leur était jusqu'alors impossible de par le statut d'extraterritorialité d'ADP.

Suite à vos remarques, au rapport et au propos de mon collègue Jean-Luc Lagleize sur la situation ambiguë et instable de l'aéroport de Toulouse, dont le contrôle appartient à l'actionnaire privé par l'effet du pacte d'actionnaires, quel regard portez-vous sur la possibilité que nous avons ouverte à ces collectivités publiques de faire acte de candidature dans le cadre d'un fonds d'investissement ?

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Après les commentaires et toutes les questions qui ont été posées, j'avoue que peu de choses me rassurent par rapport à des équipements d'intérêt stratégique, notamment celui de Toulouse où est implantée la société Airbus. Cette dernière est-elle protégée des privatisations ?

Nous avons parlé du pacte d'actionnaires, des décisions qui pouvaient être prises, des problèmes de régulation liés aux privatisations, des contrats de régulation économique, des problèmes de redevances, de la distribution des dividendes. En outre, entre 2016 et 2017, les réserves de l'entreprise ont été siphonnées d'environ 16 millions d'euros, afin de compenser une offre surenchérie au départ. On parle aussi de conflits d'intérêts, on s'interroge sur les origines de fonds. Certes, des recommandations sont faites, des améliorations peuvent sans doute être apportées, mais la vraie recommandation à faire n'est-elle pas d'arrêter les privatisations, notamment celle d'ADP ? C'est la seule question que je me pose.

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En ma qualité de rapporteur spécial, je demanderai officiellement les pièces que mon collègue Jean-Luc Lagleize a réclamées.

La Cour des comptes préconise dans ses recommandations la mise en place d'un comité de suivi sur les engagements des acquéreurs qui serait placé sous l'autorité du préfet. À la page 95 de votre rapport, vous insistez sur la nécessité d'affirmer le rôle des actionnaires locaux. Pouvez-vous préciser ce point ?

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Madame la présidente, messieurs les membres de la Cour des comptes, merci pour le travail que vous avez réalisé.

À lire le document et à vous entendre, quelques sujets d'inquiétude émergent. Un point concerne la question de la sécurité aéroportuaire. Vous mentionnez cette question à la page 95, en évoquant l'avis du SGDSN.

Existe-t-il aujourd'hui, pour l'Etat, des garanties quant aux investissements qui seront effectués par les actionnaires en question dans les trois aéroports ? Existe-t-il des clauses permettant, le cas échéant, de contraindre les investisseurs privés à assumer ces investissements ? Le sujet est stratégique, car il est essentiel de disposer d'un levier d'action. Je pense que vous l'avez exploré, et votre réponse sera sûrement intéressante à entendre

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Il semblerait que l'offre financièrement la plus avantageuse soit retenue. Ne pensez-vous pas qu'un tel choix puisse affecter la qualité d'un service d'une manière quelconque ?

Vous critiquez le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. De fait, il ne semble toujours pas adapté aux cessions de participations de l'État, en ce que l'annonce publique de la désignation de l'acquéreur intervient avant même que le ministre de l'économie n'ait donné son autorisation, pourtant dite préalable. Quelles réponses avez-vous reçues de la part du cabinet du ministre sur ce sujet ?

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Le titre de votre communication, Le processus de privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice, m'amène à poser une question très simple après ce que j'ai lu et pu entendre des réponses fournies : souffrons-nous d'un manque d'expertise en amont et d'un manque de compétences en aval ?

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Madame la présidente, je tiens d'emblée à vous remercier de votre bilan de la privatisation des aéroports de Toulouse, Nice et Lyon. L'enjeu reste éminemment politique, notamment dans le contexte du projet de privatisation d'ADP.

Il est vrai aussi que certaines dérives relevées par votre communication, relatives notamment à l'aéroport de Toulouse, interpellent la représentation nationale. Elles portent sur les modalités de privatisation des grandes infrastructures aéroportuaires. Avant de poursuivre dans cette dynamique, il convient de disposer du plus grand nombre d'informations possible afin de se prémunir contre de potentielles dérives.

Dans ce contexte, je vous poserai deux questions. Page 89 de votre communication, vous soulevez une préoccupation relative au risque de conflit d'intérêts. À cet égard, je rejoins ma collègue Marie-Christine Dalloz. Des liens ont pu exister entre la société qui a conseillé l'APE et les actionnaires de l'acquéreur, en particulier dans le cas du rachat de l'aéroport de Nice via la banque d'affaires Mediobanca et l'actionnaire Atlantia, par ailleurs gestionnaire du viaduc de Gênes. Quelles pistes vous sembleraient réalistes afin de parer aux conflits d'intérêts, particulièrement préoccupants dans le cadre de la cession de tels actifs par la puissance publique ?

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Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

Je me rends compte que je n'ai pas répondu tout à l'heure à certaines des questions de M. de Courson, qui a demandé si les objectifs avaient été atteints. Comme nous l'indiquons dans le rapport, l'objectif principal qui a été assigné par l'État à ces privatisations était un objectif financier et, à cet égard, on peut dire que l'objectif a été atteint.

M. de Courson et d'autres membres de la commission nous ont interrogés sur des situations potentielles de conflits d'intérêts et évoqué notamment le cas de Mediobanca, que nous analysons aux pages 89 à 91 du rapport.

Il s'agit d'une situation de conflit d'intérêts potentielle, qui a été repérée par les acteurs du dossier. Elle a fait l'objet de mesures que la Cour ne juge pas suffisantes pour dissiper toute apparence de conflit d'intérêts. C'est la raison pour laquelle nous avons développé une recommandation n° 3 qui permettrait de se prémunir contre ce type de risque.

En ce qui concerne la privatisation d'ADP, je ne peux pas vous apporter d'éléments de réponse puisque nous avons travaillé sur la privatisation des aéroports régionaux. Le rapport que nous avons commis et l'expérience qui a été acquise par les acteurs de ces privatisations doivent permettre de remédier à un certain nombre de difficultés apparues à l'occasion des premières privatisations. Avec Toulouse, Nice et Lyon, nous avons essuyé les plâtres, si j'ose dire, et des procédures plus robustes sont mises en place à cet égard.

Vous nous avez interrogés sur la réponse du cabinet du ministre en matière d'investissements étrangers. Nous n'avons pas de réponse du cabinet mais, comme vous, j'ai entendu les déclarations du ministre de l'économie et des finances sur la future privatisation d'ADP et le fait que le Gouvernement serait attentif à la question des investisseurs étrangers. Je pense que les leçons de la privatisation de l'aéroport de Toulouse ont été tirées à cet égard.

En ce qui concerne le rôle des actionnaires locaux, nous n'avons pas émis de recommandations, si ce n'est qu'à la fin du rapport, à la page 95, nous préconisons qu'ils aient une unité de vues afin de peser sur les décisions.

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Jean-Michel Thornary, conseiller maître à la Cour des comptes

Les redevances sont payées par les compagnies afin d'équilibrer les charges du service public aéronautique. Elles sont calculées en fonction des appareils et du nombre de passagers par appareil. Il n'y a pas d'incertitude sur la manière dont ces redevances sont calculées. Elles sont proposées par l'exploitant à la DGAC, dans le cadre de négociations annuelles, soit au sein du CRE, soit en dehors. Après validation par l'ASI, elles sont rendues publiques. Sur chacun des sites des exploitants des trois aéroports, vous trouverez le détail des redevances que chaque compagnie aérienne doit payer en fonction des vols et du nombre de passagers de chaque vol.

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Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

J'en viens à la question posée sur la sécurité aéroportuaire et les moyens d'action de l'État. Il y a lieu d'être rassuré à cet égard, car l'État dispose de tous les moyens pour imposer des investissements de sécurité ; par ailleurs, les CRE lui permettent de contrôler la viabilité économique des aéroports.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 13 novembre 2018 à 16 heures 15

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Benjamin Dirx, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Gaillard, M. Patrick Hetzel, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, Mme Valérie Lacroute, M. Mohamed Laqhila, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Paul Mattei, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Benoit Simian, M. Jean-Pierre Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Joël Giraud, M. Alexandre Holroyd, M. Marc Le Fur, M. Olivier Serva, M. Philippe Vigier

Assistaient également à la réunion. - M. Xavier Breton, Mme Isabelle Florennes, M. Jean-Luc Lagleize, M. Jean-Luc Warsmann, M. Michel Zumkeller

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