Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 26 juin 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence

La commission entend M. Gilles Andréani, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d'enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les réserves opérationnelles dans la police et la gendarmerie nationales

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La Cour des comptes vient nous présenter le cinquième et dernier des rapports qu'il lui avait été demandé de réaliser en juillet dernier. Je remercie les collègues et les groupes qui ont proposé des thèmes pour les prochains rapports. Le bureau de la commission a statué et a retenu les sujets suivants :

– les heures supplémentaires dans la fonction publique ;

– les médecins et le personnel de santé scolaire ;

– la structuration de la filière de la forêt et du bois et ses performances économique et environnementale ;

– les moyens affectés à la lutte contre le terrorisme ;

– les services d'inspection du travail.

Ce sont des sujets extrêmement différents les uns des autres, qui ont été peu traités. Nous couvrirons donc un champ assez large des choses.

Permalien
Gilles Andréani, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

C'est pour moi un plaisir et un honneur de revenir devant notre commission, pour la troisième fois depuis le début de l'année, y présenter un rapport réalisé par la quatrième chambre, sur le sujet des réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie. Ces réserves ont acquis à la suite des attentats de 2015 et 2016, et du désir d'engagement de nos concitoyens à la suite ces événements, une visibilité politique plus grande. Et l'accroissement du nombre de ces réservistes est devenu une priorité avec la création d'un cadre destiné à fournir un contexte nouveau à ces réserves, celui de la Garde nationale. Des moyens budgétaires plus importants leur ont été alloués, et l'objectif a été retenu de développer la réserve de la police, à l'instar de celle de la gendarmerie.

Il s'agit d'un petit sujet en termes de budget : 110 millions d'euros en 2017 pour 36 000 réservistes de la gendarmerie et 3 500 réservistes de la police. Cependant, en 2018, des difficultés budgétaires sont apparues, qui ont freiné cette dynamique, et le recours aux réserves du ministère de l'intérieur a dû être réduit. L'emploi quotidien des réservistes du ministère de l'intérieur est passé de 3 500 à un peu plus de 2 000 en 2018. C'est dans ce contexte que la Cour a mené ses travaux pour répondre à votre demande. Elle l'a fait, selon son habitude, sur la base de questionnaires écrits et de visites sur place dans les régiments de gendarmerie et au sein des secrétariats généraux, pour l'administration du ministère de l'intérieur qui gère les réserves, et dans plusieurs directions départementales de la sécurité publique.

Nos travaux ont cherché à répondre aux cinq questions suivantes. Qu'est-ce que la réserve, et de quoi parle-t-on ? Les réservistes sont-ils réellement disponibles, et peut-on vraiment faire appel à eux ? Qui sont-ils, comment les recrute-t-on, et comment les maintient-on au sein des réserves ? Quelles missions leur confie-t-on et à quel coût ? Quel est l'avenir de la réserve ? J'aborderai ces cinq thématiques en vous faisant part à chaque fois des principales observations et recommandations de la Cour des comptes.

Le premier point concerne la définition des réserves. Au terme de notre enquête, nous avons le sentiment que le concept de réserve a été indûment étendu, et qu'il conviendrait de le clarifier et de ne qualifier de réservistes que ceux qui sont réellement disponibles. Le concept de réserve renvoie à des réalités multiples, mais au départ, c'est un concept qui est issu du monde militaire. Et même dans le monde militaire auquel il appartient, l'emploi du mot de réserve recouvre aujourd'hui des réalités extrêmement variées. Il y a des réserves opérationnelles de niveau 1 et de niveau 2, des réserves d'emploi, une réserve citoyenne, qui recouvrent des réalités extrêmement diverses. Certains réservistes dits opérationnels ne sont pas réellement mobilisables. D'autres sont des civils qui ne peuvent ni porter les armes ni être appelés à un service effectif, et constituent une réserve principalement honorifique. C'est le cas des réservistes de la réserve citoyenne des armées. De la même façon, la police englobe, sous la dénomination de réserve civile, les policiers retraités, soumis de par la loi à une obligation de disponibilité d'une durée de cinq ans, et ceux qui parmi eux ont souscrit un engagement de servir qui les rend réellement disponibles aux côtés de quelques rares réservistes issus directement de la société civile.

On a eu tendance également, au-delà de ces diverses catégories, à créer des formes d'engagement, avec la réserve civique issue de la loi du 27 septembre 2017, qui relève davantage du bénévolat que d'un véritable service de réserve. Je ne vais pas détailler ces différentes catégories de réservistes ; nous vous renvoyons pour ce faire aux pages 17, 19, 23 et 27 du rapport, où vous trouverez des schémas qui illustrent le recouvrement de ces différentes catégories et leur extrême complexité, et qui correspondent à une extension et une complexité du concept de réserve que l'on peut juger excessives.

Pour revenir à l'essentiel, nous parlons des réserves qui peuvent effectivement renforcer les services de police et de gendarmerie et qui sont principalement constituées de personnes ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve de la police ou de la gendarmerie. Ces réserves au sens strict comprenaient, à la fin de l'année 2017, 2 900 personnes dans la gendarmerie et 6 300 dans la police. 36 000 réservistes au total réellement disponibles pour le ministère de l'intérieur. Il y en a à peu près autant, pour votre information, au ministère des armées. Elles constituent les réserves militaires. Les véritables réservistes, je le répète, sont ceux qui ont souscrit un engagement à servir dans la réserve, et sont donc disponibles. Je dirai simplement que, au terme de son examen, la Cour a estimé qu'il fallait essayer de clarifier ce paysage des réserves, retenir un qualificatif unique pour les armées, la gendarmerie et la police, au-delà des différentes appellations que j'ai évoquées. Et surtout restreindre le concept de réserve à ceux qui sont réellement et immédiatement employables. De façon plus générale, nous gagnerions en clarté à ce que ce terme soit réservé à des personnes effectivement mobilisables par l'autorité publique, pour répondre à des situations où la sécurité intérieure et extérieure est en cause.

Deuxième constat, si nous voulons augmenter le nombre de réservistes du ministère de l'intérieur – et c'est plutôt en ce sens que les responsables gouvernementaux ont orienté la politique des réserves de ce ministère – alors il faut organiser le rappel des anciens gendarmes, comme celui des anciens policiers. Car dans ce tableau assez complexe des réserves, il y a une catégorie qui attire particulièrement l'attention, ce sont les réservistes qui ont quitté le service depuis moins de cinq ans, qui sont donc soumis à une obligation de servir, mais qui n'ont pas souscrit d'engagement individuel de servir dans la réserve. C'est un effectif qui est à peu près équivalent aux réserves effectives. Et si nous voulons augmenter les réserves de la police ou de la gendarmerie, il faut se tourner en priorité vers cette catégorie. Or ces réservistes, qui sont dits « de disponibilité », ne sont en fait pas disponibles. Les exercices montrent que cette réserve répond mal à l'appel. Nous ne connaissons pas les adresses. Et par conséquent, nous incitons le ministère de l'intérieur, à faire du côté de la gendarmerie ce que la police commence à faire avec succès, qui est de mieux les repérer, de les conserver dans des bases de données qui permettent de les mobiliser effectivement le moment venu. Parce qu'il s'agit du principal vivier qui pourrait permettre de le faire, si l'orientation d'élargir les réserves est maintenue.

La Cour a enfin regardé deux autres catégories de réserves sur lesquelles l'attention publique s'était portée. D'abord celle des réservistes dits « spécialistes » de la gendarmerie, qui peuvent être recrutés en dehors des cursus de formation ordinaires des réservistes. Nous avons regardé l'intégralité des personnes bénéficiant de ce statut et nous n'avons pas trouvé d'anomalies nouvelles. Nous recommandons néanmoins qu'à l'avenir, la procédure de recrutement de ces spécialistes – qui peuvent par ailleurs être fort utiles, certains d'entre eux possèdent des spécialités très rares et utiles à la gendarmerie – soit mieux formalisée, et obéisse à des critères de recrutement clairs et prédéfinis.

Ensuite, la Cour s'est intéressée aux cadres administratifs créés à plusieurs reprises pour donner une sorte d'affichage aux réservistes les plus immédiatement disponibles. En particulier le dernier créé, à l'initiative du Président Hollande, est celui de la Garde nationale, qui n'est rien d'autre qu'une petite administration qui n'a pas de responsabilité de gestion de quelque sorte que ce soit vis-à-vis des réserves. Nous avons observé que les responsabilités de cette petite administration dupliquaient celles du Conseil supérieur de la réserve militaire et en conséquence, avons recommandé que les deux soient fusionnées.

Avec le troisième constat, nous allons aborder le fond du sujet, après le contexte. C'est celui qui porte sur l'engagement des réservistes. Cet engagement est élevé. À observer les réservistes, nous constatons qu'ils font preuve d'une réelle motivation. Cette motivation est renforcée par des incitations dont les principales sont les missions, la rémunération et la promotion. Je dirai un mot sur ces différents éléments.

Certes, la volonté de servir le pays est sensible chez l'ensemble de ces réservistes. Et d'ailleurs, l'afflux des volontaires après les événements de 2015 et 2016 en témoigne. Il y a d'autres motivations – en particulier chez les retraités – telles que le désir de maintenir un lien avec leur corps d'origine et de percevoir un complément de rémunération.

Si nous observons comment la police et la gendarmerie déploient des incitations à l'intention des réservistes, nous constatons que la gendarmerie a su mieux répondre au désir d'engagement civique de la société civile que la police, dont l'ouverture à des membres de la réserve qui ne seraient pas d'anciens policiers est restée extrêmement limitée, pour de nombreuses raisons qui tiennent à son organisation et à ses règles d'emploi. Ces règles d'emploi ne permettent effectivement pas aux réservistes de la police d'assumer des missions pleinement opérationnelles.

Pour revenir à la gendarmerie, la montée en puissance de la réserve s'appuie sur un recrutement ouvert, en dépit d'un caractère assez sélectif, marqué par des âges et des origines sociales assez diverses. Les réservistes sont formés et intégrés par la gendarmerie dans le cadre d'une préparation rapide peu coûteuse, et au cours de laquelle s'établissent des liens qui semblent solides avec l'institution. Elle est ainsi en mesure de recruter 5 400 réservistes par an, ce qui lui permet de stabiliser les effectifs de la réserve.

Et le parcours de recrutement, relativement exigeant, connaît un goulot d'étranglement, celui des visites médicales, qui compliquent un peu le processus et que nous recommandons d'alléger.

La capacité d'intégration de la gendarmerie n'est cependant pas omnidirectionnelle. Elle est facilitée par les caractéristiques socioculturelles du vivier d'où sont issus les gendarmes réservistes. En effet, la réserve de la gendarmerie est composée à 70 % de personnel issu de la société civile, mais près de 40 % d'entre eux avaient déjà des liens avec la gendarmerie ou le monde militaire à un titre ou à un autre. Soit qu'ils aient accompli leur service national, ou aient été volontaires du service national après la suspension de la conscription.

La réserve est fortement structurée par grades. Elle est très encadrée, et l'encadrement est assuré par d'anciens gendarmes. Les anciens militaires, pour l'essentiel gendarmes, représentent 86 % des sous-officiers et 88 % des officiers de réserve. Donc, il y a un mélange, dans la gendarmerie, d'une ossature formée par des réservistes très proches du monde de la gendarmerie avec une ouverture réelle à la société civile.

La réserve de la police, de son côté, a fortement crû à la suite de l'impulsion politique dont j'ai parlé, puisque ses effectifs sont passés de 2 800 en 2013 à plus de 5 500 en 2017. Cependant, cette croissance reste endogamique, puisque les anciens policiers représentent plus de 90 % des effectifs des réserves de la police. Je renvoie ici aux règles d'emploi dont je parlerai un peu plus loin.

Qu'il s'agisse de la police ou de la gendarmerie, les retraités jouent un rôle essentiel au fonctionnement de la réserve. Il faut donc se préoccuper des deux facteurs qui risquent de réduire le vivier des retraités des deux forces. Le nombre de retraités de la gendarmerie qui souscrivent un engagement à servir dans la réserve a nettement diminué. En 2018, ce chiffre est tombé à 1 500, soit un chiffre historiquement bas. Plus bas que le point le plus bas antérieurement connu avant les événements de 2015 et 2016, qui était de 1 700. Et enfin, comme partout dans les corps administratifs, le recul de l'âge effectif de la retraite réduit naturellement le vivier des réservistes retraités. En contrepartie, il y a des incitations qui restent jusqu'à présent efficaces, reposant sur des leviers dont les deux premiers sont communs aux deux forces auxquelles il convient d'ajouter un troisième, propre à la gendarmerie.

Le premier, c'est celui du volume des missions. Les réservistes qui s'engagent souhaitent effectuer un nombre minimum de jours de service. Et c'est aussi nécessaire aux forces pour amortir les coûts fixes représentés notamment par leur formation. Et donc, alors qu'au niveau politique des objectifs globaux, le réserviste avait été assigné aux deux forces, celles-ci complètent cet objectif par un objectif de nombre de jours de service – en fonction d'un taux d'emploi des réservistes, et elles cherchent à conserver ce taux –, qui sont un facteur de rétention des réservistes. Ceux-ci sont en effet découragés, lorsqu'après avoir effectué leur formation, on ne fait pas appel à eux. C'est tout à fait naturel.

Deuxième élément de fidélisation, la rémunération. La rémunération brute annuelle moyenne des deux forces, soumise à des règles de cumul, en particulier en ce qui concerne les retraités, est de 3 400 euros dans la gendarmerie, et de 5 740 euros dans la police. Les 20 % de policiers les plus employés par la réserve perçoivent en moyenne 12 790 euros par an. Ce complément de ressource n'est pas négligeable. Il l'est d'autant moins que ces rémunérations bénéficient d'une exonération fiscale complète. Je signale que la Cour, à de nombreuses reprises, s'est élevée contre le principe même d'exonération fiscale des revenus, que ce soit pour les réservistes de la police ou de la gendarmerie, ou plus récemment les pompiers volontaires. Disons que si nous ne devions pas être écoutés à cet égard, à tout le moins conviendrait-il que cette exonération soit validée par le législateur, parce qu'elle repose aujourd'hui sur des bases mi-réglementaires, mi-coutumières, et qu'elle soit plafonnée.

Le troisième élément de fidélisation du réserviste est l'organisation militaire de la gendarmerie. Cette organisation militaire permet aux gendarmes d'offrir à leurs réservistes un cursus de carrière. Ils progressent en grade, se voient attribuer des décorations. Ils sont intégrés dans un corps où ils progressent. Ce n'est pas un cadre que peut offrir la police nationale dans la configuration qui est la sienne aujourd'hui. Je mentionne pour mémoire –vous le trouverez dans le rapport – le fait qu'au fur et à mesure que l'on déployait des incitations destinées à répondre au besoin d'engagement citoyen post-attentats, nous avons mis au point, en particulier dans le cadre de la Garde nationale déjà citée, quelques incitations en direction des jeunes : dispenses d'examens professionnels pour servir dans des sociétés de sécurité privées, facilitations pour le permis de conduire, etc. Elles sont très nombreuses. Je dirai simplement qu'à l'examen de ces incitations, nous trouvons quelques aberrations administratives, et notamment le fait que les incitations déployées en direction des réservistes de la gendarmerie ne profitent pas intégralement aux réservistes de la police nationale. Je le signale, c'est expliqué plus en détail dans le rapport, et nous recommandons que les deux séries d'incitations soient alignées.

Quatrième constat : les réservistes apportent un concours devenu indispensable aux deux forces, avec une grande souplesse d'emploi et pour un coût maîtrisé. Disons, si la Cour devait porter un jugement synthétique sur les réserves et leur contribution à l'exercice de leur mission par les deux forces de sécurité intérieure, que ce jugement est positif.

Commençons par la gendarmerie. Les réservistes de la gendarmerie sont considérés comme des gendarmes à part entière. Ils sont armés, ils sont dotés du même uniforme que celui des personnels d'active, et ils concourent à toutes leurs missions à l'exception des tâches de maintien de l'ordre en unité organisée. Ils effectuent ainsi patrouilles, contrôles routiers, secours aux victimes et tous les autres types de missions, soit incorporés à des unités d'active, soit dans des unités de réservistes. Ils sont cependant dans l'impossibilité d'exercer les missions d'officiers de police judiciaire, quand bien même ils auraient eu cette qualité avant de quitter le service actif. Et la Cour recommande que cette question soit le cas échéant examinée par les ministères de l'intérieur et de la justice.

En 2017, l'emploi des réservistes représente à peu près un million de journées, ce qui équivaut à 5 % en équivalents temps plein travaillé (ETPT) des effectifs de la gendarmerie nationale, mobilisables en fonction des circonstances. L'usage polyvalent du réserviste de la gendarmerie lui permet d'être appelé lors des congés des personnels d'active, et lors des pics d'activité et migrations saisonnières. Lorsque nous voyons la courbe d'emploi des réservistes de la gendarmerie, nous voyons un pic aux alentours des vacances d'été autour du mois d'août (le Tour de France, les congés, etc.) et fin de l'automne, début d'hiver, qui culminent avec les vacances de Noël. Il y a là deux pics d'activité qui apportent un soulagement aux forces d'active et qui représentent un concours véritablement indispensable dans l'état actuel des choses au fonctionnement de la gendarmerie. La souplesse d'emploi de la réserve permet aussi de faire face à des crises, par exemple les barrages autoroutiers mis en place après la fuite des frères Kouachi, qui ont fait largement appel à des services de la gendarmerie sur le réseau autoroutier d'Île-de-France, la sécurisation d'une zone d'accident aérien, ou les renforts dictés par la mobilisation des personnels d'active due à des circonstances particulières.

C'est ainsi que pendant les manifestations des « gilets jaunes », où les réservistes n'ont pas servi au maintien de l'ordre, ils ont au moins soulagé les forces de gendarmerie, et pendant ces journées, des pics quotidiens de 5 000 réservistes ont été enregistrés chaque samedi au plus fort de la crise. Comme je l'ai indiqué, la structuration par grade des officiers de réserve, sous-officiers, gendarmes et des réservistes de la gendarmerie, permet la création d'unités d'intervention constituées exclusivement de réservistes, sous forme de détachements de surveillance et d'interventions de réservistes. Certains d'entre eux ont été engagés assez longtemps à la suite du passage de l'ouragan Irma à Saint-Martin. Deux compagnies de réserve territoriale y ont été maintenues pour une durée de trois mois.

Enfin, à l'autre extrémité du spectre de l'emploi des réservistes de la gendarmerie, certaines unités sont en situation de faiblesse d'effectifs structurels, et des gendarmes réservistes y sont donc affectés de façon récurrente. Connaissant bien l'unité, ils la renforcent de façon très régulière. C'est une approche qui reste cependant marginale dans la doctrine d'emploi de la gendarmerie et qui se rapproche d'ailleurs davantage de celle de la police nationale, où les réservistes sont appelés à tel ou tel commissariat, telle ou telle unité qu'ils connaissent bien, où ils ont leurs habitudes, où ils ont parfois servi et donc opèrent d'une façon tout à fait différente des réservistes de la gendarmerie.

Pour caractériser la doctrine d'emploi de la police, je dirai qu'elle est fondée sur un principe de spécialisation et de complémentarité des tâches des réservistes. 300 000 journées en 2017, un peu moins de 1 % du volume de travail de la police nationale. C'est beaucoup moins en proportion que les gendarmes. Ils ne disposent pas de toutes les prérogatives de leurs collègues, quand bien même ils sont d'anciens policiers. Ils ont un uniforme légèrement différent. Ils ne peuvent ni intervenir de façon autonome ni encadrer d'autres policiers. Le réserviste de la police intervient en soutien sur les tâches particulières qui allègent la police d'active pour des tâches jugées prioritaires. C'est ainsi que les réservistes de la police sont affectés à des gardes statiques de bâtiments, des missions urgentes non planifiées qui pourraient désorganiser le service d'active, comme des transferts de détenus imprévus, des interventions d'urgence dans des centres de rétention administratifs, etc. Ils apportent un soutien administratif important à un certain nombre de procédures, notamment les procédures de défense juridique de l'État dans le cadre du contentieux des étrangers.

Le recours aux policiers s'effectue selon une amplitude très forte. L'emploi quotidien varie de 900 réservistes à 3 700 en moyenne selon les mois. En gros, la souplesse d'emploi des réservistes de la gendarmerie et de la police va de pair avec un coût d'usage, si je puis dire, qui est faible. La journée de réserviste tout compris revient – les rapporteurs l'ont calculé – à 105 euros dans la police et 116 euros dans la gendarmerie, dépenses nettement inférieures à celles des personnels d'active. Dans la police, cela est dû au fait qu'il y a un barème forfaitaire de rémunération des réservistes qui n'a pas été revalorisé depuis longtemps. Et dans la gendarmerie, les gendarmes réservistes sont payés de la même façon que le personnel d'active. Une journée de lieutenant-colonel est payée le même taux qu'un lieutenant-colonel d'active. Simplement, les grades moyens sont beaucoup plus bas dans la réserve. Et par conséquent, la journée moyenne est moins élevée en coût que celle du gendarme, et il faut défalquer du coût du gendarme le coût du logement, qui est important, dans le coût moyen du personnel de la gendarmerie. Pour un gendarme, c'est 6 000 euros par an en moyenne. Donc, nous avons un système souple, relativement peu onéreux, et qui rend un système réel qui permet à ses forces de réserve de se substituer de façon flexible et astucieuse à un accroissement des personnels d'active, qui n'offriraient ni la même flexibilité d'emploi ni le même niveau de compétences. Et donc au total, nous portons en termes d'efficience un jugement positif sur ce dispositif.

Cinquième et dernier constat, l'année 2018 a révélé des risques pour la réserve et il est temps de réfléchir à son dimensionnement optimal. Malgré la croissance des crédits de la réserve en loi de finances initiale (LFI), régulière depuis 2015 et qui a culminé en 2018, nous avons assisté au cours de ce même exercice à un brusque freinage en exécution et même, pour la gendarmerie, à la constitution d'une dette à l'endroit des réservistes. En effet, dans la gendarmerie, en particulier au cours de l'exercice 2018, les crédits de rémunération des personnels de la réserve ont été ponctionnés dès février au bénéfice de ceux de l'active. Cela est lié à la tension structurelle sur le titre 2 de la mission Sécurités. C'est un sujet que votre commission connaît bien et qui fait que les réservistes ont tendance à jouer le rôle de variable d'ajustement. Cela a conduit cette année-là à limiter drastiquement le recours aux réservistes dans la gendarmerie, puisque par exemple au mois de juin 2018, 900 réservistes ont été déployés, contre 2 700 en 2017. C'est devant ce blocage que le ministre lui-même a décidé de relancer le recours aux réservistes. Mais au total, il est resté inférieur au niveau de 2017, et les réservistes n'ont pas pu être payés pendant plusieurs mois alors même que des dispositions avaient été prises pour accélérer la mise en paiement des soldes des réservistes. Ceci concerne la gendarmerie.

Dans la police, nous avons un problème particulier : les délégations de crédit au profit des gestionnaires des réservistes de la police sont effectuées quasiment mensuellement, ce qui prive ces gestionnaires de toute visibilité sur leur marge de manoeuvre pour la rémunération des réservistes. Et en conséquence, la planification des forces de recours aux réservistes est faite à très courte vue. D'autant qu'au milieu de l'année, au 28 mai 2018, une réduction de 50 % des budgets consacrés aux réserves a été annoncée aux secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur, au moment même où s'organisaient les recrutements de la période estivale. Donc, nous avons en 2018 une année qui est très illustrative de difficultés plus générales sur les crédits de personnels de la police et de la gendarmerie nationales, mais qui montre la fragilité du système de recours aux réservistes.

Pour conclure, je voudrais partager avec vous les réflexions qui sont les nôtres sur le volume des réservistes et la possibilité d'accroître ce système. Ni dans la gendarmerie ni dans la police, les annonces politiques tendant à augmenter le volume des réservistes n'ont été assorties d'une réflexion interne sur le dimensionnement optimal des forces de réserve. La gendarmerie a recours de façon sensible aux ETPT – 5 % des ETPT, c'est considérable. On peut dire de façon empirique, en regardant le volume des gendarmes retraités qui souscrivent un engagement à servir dans la réserve, qu'il y a des marges de progression, mais elles ne sont pas inépuisables. Il faudrait que la gendarmerie réfléchisse à la possibilité éventuellement d'accroître quelque peu ce système.

Les problèmes de la police sont beaucoup plus fondamentaux. La police a entrepris une réflexion et même annoncé à plusieurs reprises une indication de tendance, qui était de rapprocher le système de la police de celui de la gendarmerie, de s'ouvrir plus largement sur la société civile, d'élargir la gamme des missions que les policiers réservistes peuvent remplir. Mais en dépit de ces annonces et réflexions, trois obstacles importants nous paraissent continuer à s'opposer à un accroissement sensible des effectifs de réserve de la police qui prendrait modèle sur celui de la gendarmerie.

D'une part, il existe des résistances – qui ne sont pas critiquables, elles correspondent à des réflexions qui sont tout à fait honorables et qui méritent que l'on s'y intéresse – pour armer les volontaires qui n'auraient pas de passé policier, et pour leur faire exécuter une large gamme de missions dans les zones de police, dont les policiers estiment que les lieux et les populations ont des caractéristiques qui rendent inapproprié le recours à des réservistes issus de la société civile. C'est le premier obstacle.

Deuxièmement, la police ne dispose à ce jour ni de centre, ni de personnel de formation, ni – ce qui est plus important – d'une capacité d'encadrement comparables à ceux de la gendarmerie, qui lui permettraient de fabriquer un amalgame efficace entre des réservistes en grand nombre issus de la société civile et les forces d'active. Et ce problème de l'encadrement dans la police – assuré d'une façon très différente de celle de la gendarmerie – est un problème qui déborde le cadre de la réflexion sur les réservistes.

Enfin, il est assez logique que dans le cadre de budgets contraints, la priorité soit donnée au recrutement de réservistes anciens policiers, plus directement opérationnels que ceux tournés vers la société civile.

Pour conclure, je dirai donc que la transformation de la réserve de la police sur le modèle de celui de la réserve de la gendarmerie – à supposer que ces transformations soient décidées – ne pourrait se faire sans une impulsion politique qui permette de surmonter ces trois catégories d'obstacles.

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Merci beaucoup, monsieur le président, pour ce travail très complet et passionnant. Vous avez évoqué une sorte de variable d'ajustement sur les crédits de rémunération. Je comprends que les crédits utilisés – en tout cas programmés pour les réserves – peuvent être utilisés pour ceux qui sont en situation active. La Cour formule-t-elle des recommandations destinées à éviter de recourir à cette pratique ?

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Déjà à l'occasion de ce dernier « 58 2° » de la saison, je voulais, comme je l'ai fait en aparté tout à l'heure en vous accueillant, vous remercier pour le travail conjoint entre l'Assemblée nationale et votre institution. Je crois que nous avons rarement été aussi loin, y compris sur le rajustement des calendriers des institutions, de façon que nous puissions bénéficier de vos conseils et de vos indications. Et sachez qu'en tout état de cause, notre assemblée est très à l'écoute de ce qui nous a été indiqué depuis le début des rendus que vous avez eus devant cette commission.

Cette absence d'élargissement du vivier des réservistes du service de la police nationale vers la société civile me semble effectivement poser un problème sérieux, compte tenu du fait qu'elle concerne des zones urbaines où, précisément, le caractère citoyen d'une réserve doit être bien marqué. Je ne vais pas dire que le caractère citoyen est mieux marqué que dans les zones gendarmerie que dans les zones police, mais il arrive que nous ayons différentes appréciations dans la société civile.

Finalement, il ne s'agit pas de contraintes budgétaires très marquées : nous avons très bien compris votre discours, nous sommes face à quelque chose qui relève parfois du culturel. La différence entre le bleu et le blanc n'est pas que celle de l'uniforme. Il conviendrait que sur ces sujets-là – je ne sais si c'est prévu – vous puissiez, au ministère de l'intérieur, avoir une écoute suffisante pour que nous puissions réorienter les choses de façon que ce ne soit pas le parent pauvre de cette idée intéressante qu'est la réserve. De la même façon que les pompiers volontaires sont indispensables aux sapeurs-pompiers et concourent de manière très efficace au service, je pense qu'il faut que nous y arrivions ensemble.

Pour rebondir sur ce que disait le président de la commission à l'instant, vous critiquez sévèrement la gestion budgétaire des réserves opérationnelles. Vous les qualifiez de variables d'ajustement au sein des budgets de la police et de la gendarmerie. De quoi s'agit-il ? Cela relève-t-il d'une facilité de gestion ? Est-ce une réelle sous-budgétisation régulière des crédits en LFI ? Quel est le motif très précis sur cette gestion budgétaire qui fait que vos critiques sont assez marquées sur ce sujet ?

Et pour terminer, vous êtes revenu sur l'exonération d'impôt sur le revenu de l'indemnité journalière du réserviste. Les mots « exonération d'impôt » me font à peu près le même effet que les mots « crédit d'impôt » ou autre : c'est ce que l'on appelle une allergie de printemps... Confirmez-vous qu'il n'y a aucune évaluation du coût de cette exonération, comme vous semblez le dire ? Et confirmez-vous également – ce que vous venez de dire et qui nous interpelle – qu'il n'y a même pas de base légale à cette rémunération ? Parce que quand un ancien maire comme moi voit qu'une dépense a été effectuée et qu'il n'y avait pas de base légale à la dépense, je pense que je me rappelle le dialogue que nous pouvions avoir avec le comptable du Trésor, puis avec la préfecture, même si les choses apparaissaient comme indispensables à tout le monde. Donc je m'étonne vraiment que quelque chose comme cela puisse passer sans base légale.

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Je rappelle que ce rapport avait été commandé sur la proposition de Nadia Hai, Romain Grau et Olivier Gaillard, rapporteurs spéciaux.

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Je voudrais m'associer, monsieur le président et monsieur le rapporteur général, à vos remerciements. D'abord pour la qualité et l'exhaustivité de ce rapport, et également pour la qualité et l'exhaustivité de votre exposé ce matin. Remerciements plus largement – et le rapporteur général en parlait avec beaucoup de précision – sur la qualité de nos échanges qui ont précédé l'élaboration de ce rapport et qui nous ont permis de travailler ensemble, d'enrichir nos idées et nos constats.

Je voudrais mentionner deux utilités très précises sur l'idée de la réserve dans les forces de l'ordre. D'abord, le caractère important, voire essentiel, de la création et l'élaboration du lien entre la Nation et les forces de l'ordre. Nous le voyons bien – et vous le dites tout au long de votre rapport – que tout le monde s'entend sur ce constat. Tout le monde le partage. Donc, il nous incombe de le faire vivre.

Le second élément que nous partageons pleinement – et vous avez insisté sur ce point dans votre exposé – c'est celui de l'utilité même des réserves et des forces de réserves dans le rôle des forces de l'ordre, et dans le concours de leur action, qu'il s'agisse de complément sur des activités qualifiées d'accessoires, ou de complément sur des activités essentielles à leurs missions. Nous partageons ces deux idées, mais elles impliquent de notre part que nous sachions convaincre sur les moyens à mettre en face. Et sur les moyens à mettre en face – je ne reviendrai pas sur la question du Rapporteur général – je retiens deux idées un peu majeures. Tout d'abord, les différences – dépassant les différences budgétaires, qui sont parfois culturelles, comme le disait le rapporteur général – entre l'utilisation, l'emploi, le nombre de réservistes entre la police d'une part et la gendarmerie nationale d'autre part. Par ailleurs, pour le dire en termes pudiques, sur le fait qu'il existe de grandes marges de progression dans l'emploi, dans l'utilisation des réservistes pour la police nationale.

Au-delà de ce constat et de ces éléments que nous partageons, j'avais quelques questions à vous poser, vous soulignez dans le rapport que la gestion de la réserve par la police est, comme je le disais, largement à parfaire. Et que la direction générale de la police nationale (DGPN) gagnerait en utilisant un peu ce que fait la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) pour l'utilisation de la réserve. Quelles sont selon vous les pratiques qui devraient être prioritairement harmonisées entre l'une et l'autre des deux forces ?

Comment les indicateurs de performance de la réserve pourraient-ils être complétés pour améliorer son efficacité et donc améliorer sa visibilité, et finalement sa mobilisation ?

Vous soulignez la nécessité d'articuler forces actives et forces de réserve. Quels sont selon vous les enjeux de cette articulation ? Existe-t-il un point d'équilibre entre le nombre de réservistes et le nombre de forces actives par unité ? Quels seraient les risques d'une expansion ou d'une augmentation trop forte de la réserve pour l'une et l'autre des deux forces ? Enfin, comment s'articulent selon vous, en termes de missions et de gestion, la réserve statutaire composée d'anciens gendarmes et de policiers ayant une obligation de servir, et la réserve opérationnelle ?

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Je me joins également au rapporteur général et à mon collègue Romain Grau pour les remerciements concernant la qualité des travaux et des échanges que nous avons eus.

En complément des propos de notre rapporteur général, vous avez parlé de la réserve comme étant une variable d'ajustement. Comment concilier les contraintes budgétaires de la police et le coût induit par une réforme de sa réserve, et quelles sont les marges de manoeuvre identifiées pour ce faire ?

J'ai également deux autres questions, qui concernent plus la gestion des ressources humaines, et plus précisément le ressenti que peuvent avoir les réservistes et les personnels d'active sur la formation dispensée aux réservistes, qui sont peu évoquées dans le rapport. Quel est également le ressenti des réservistes et des personnels d'active sur l'équipement des réservistes et les dépenses afférentes ? Et les dépenses afférentes sont-elles adaptées et font-elles l'objet d'un suivi suffisant ?

Enfin, le rapport comprend des recommandations en faveur d'un meilleur suivi de la réserve et d'une ouverture réussie de la police à la société civile. Le fonctionnement de la réserve de la gendarmerie pourrait-il être entièrement appliqué à celle de la police dans le cadre de cette ouverture, et compte tenu notamment de leurs différences d'emprise territoriale ?

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Merci pour ce rapport de qualité, cela a été dit. Vous rappelez que le budget, comme ma collègue vient de le dire, constitue une variable d'ajustement au sein des budgets de la police et de la gendarmerie. Vous soulignez notamment le fait que les objectifs affichés de la croissance de l'activité de la réserve n'ont jamais été traduits dans les évolutions budgétaires des programmes malgré des augmentations importantes en LFI. S'il apparaît que la DGGN et la DGPN assurent le suivi budgétaire nécessaire à la réserve civile, il est à rappeler que dans la gendarmerie, de 2013 à 2017, les dépenses de la réserve opérationnelle étaient supérieures aux crédits votés en LFI. Ce qui n'a pas manqué de générer de réelles difficultés en 2018, puisque ces défauts de crédits ont généré des pauses en emploi ou rémunération des réservistes opérationnels au printemps 2018, comme vous l'avez parfaitement souligné tout à l'heure. C'est un défaut que nous ne pouvons évidemment pas accepter, considérant avec évidence que l'État ne peut être un mauvais payeur.

Dès lors, monsieur le président, vous évoquiez dans votre présentation le fait que des dispositions aient été prises. Quelles sont-elles ? Comment assurer que ces agents soient certains de bénéficier de leur droit à la rémunération en s'engageant comme ils le font et comment éviter un fiasco ? Parce que nous pouvons véritablement le définir de la sorte, Comme celui du système d'information Louvois pour la rémunération des militaires. Et à quand la mise en place de sources soldes ?

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Merci pour ce travail, qui est très important. Nous avons tous été alertés sur les difficultés de paiement qui sont intervenues, qui ne sont pas admissibles et qui ternissent l'image de l'État.

J'ai une remarque sur l'exonération fiscale dont vous avez souhaité qu'il y soit mis fin ou, s'il n'y était pas mis fin, qu'elle soit clarifiée. S'il y était mis fin, ne serait-ce pas de nature à remettre en cause l'attractivité du dispositif ? Vous indiquiez en effet que le nombre de retraités qui avaient souscrit un engagement avait baissé en 2018.

J'ai une autre question sur ce système qui apporte une certaine flexibilité, que vous avez appelée « variable d'ajustement ». Existe-t-il des dispositifs analogues dans les pays voisins, ou est-ce un dispositif spécifiquement français ?

Vous avez indiqué que les retraités constituaient un bon vivier, mais qu'il y avait un vrai souci de disponibilité, notamment parce qu'un certain nombre d'informations n'étaient pas connues s'agissant des adresses. C'est relativement inquiétant : cela représente-t-il un nombre important de réservistes, ou bien s'agit-il de situations marginales ?

Enfin, quelle est l'évolution du taux de féminisation des réservistes ?

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Merci pour cette enquête dense et la richesse de votre rapport, qui dresse le bilan financier des réserves.

Il en ressort que nous avons, d'un côté, une ambition affichée de développer les réserves et, de l'autre, aucune traduction budgétaire en LFI. Plus inquiétant encore, nous avons pu assister au printemps 2018 à une pause d'emploi des réservistes, ou encore au second semestre à des plaintes de certains réservistes concernant le remboursement très tardif de frais, quand d'autres étaient alertés sur le montant de leurs soldes. Et je crains que les réserves de la police et de la gendarmerie ne deviennent effectivement des variables d'ajustement des finances. Ce qui, face aux événements tragiques qu'a connus notre pays au cours des dernières années, à la nécessité et l'efficacité d'un tel dispositif, ne peut être toléré.

Or, vos recommandations sont nombreuses. Effectivement, avec ces douze recommandations, nous sommes en droit même de nous poser la question : y a-t-il un pilote dans l'avion ou, plus exactement, y a-t-il un commandement ? Avec les événements récents des « gilets jaunes », ce sujet mérite toute notre attention et notamment budgétaire. Dès lors, comment faire mieux avec un budget toujours restreint ?

Je m'interroge aussi sur le service national universel, dont les objectifs – rappelons-le – sont la cohésion sociale et nationale ainsi que la prise de conscience des enjeux de la défense et de la sécurité nationale, un réel brassage social et territorial, ainsi qu'un renforcement de l'adhésion à un projet collectif. Je me demande donc si le SNU ne peut pas déboucher à terme sur un vivier de réservistes ?

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Je voudrais d'abord féliciter la Cour des comptes pour la qualité de ce rapport très détaillé des réserves, dont vous faites un bilan plutôt positif de la gestion.

Avant de vous interroger, je voudrais à mon tour saluer l'engagement de nos concitoyens réservistes. Comme Churchill le qualifie dans ses Mémoires en des termes restés célèbres : « les réservistes sont deux fois citoyens ».

Pour la réserve opérationnelle de la gendarmerie et en particulier le recrutement des spécialistes, vous recommandez de mettre en place une procédure qui garantisse la compétence et le niveau appropriés du grade conféré. Pouvez-vous nous dire comment cette mesure a été reçue par la DGGN et si la gendarmerie entend la retenir ?

Je voudrais ensuite m'attarder sur le caractère et le cadre incitatifs. Pages 49 et 50 de votre rapport, vous abordez la question des réservistes en situation d'activité, avec la dissymétrie entre le privé et le public. Je partage votre proposition de suppression de la double rémunération. Il est normal que le réserviste soit soldé soit par la police, soit par la gendarmerie, pour la mission effectuée. Mais il me semble effectivement anormal qu'il le soit également par l'employeur public alors qu'il y a une absence de service fait. D'autant que si les grandes collectivités peuvent assumer assez aisément la charge, les petites collectivités ont des problèmes financiers pour le faire. Je pense que la délégation aux collectivités territoriales devrait peut-être se saisir de cette question. Et si nous suivions votre recommandation, monsieur le président, pouvez-vous nous indiquer combien d'agents réservistes seraient concernés ?

Page 51, vous indiquez également que certaines régions de gendarmerie n'ont pas versé la prime de fidélité. C'est une prime qui avait été mise en place au lendemain des attentats par le Président Hollande. Je voudrais savoir combien de cas cela représente et si ces jeunes réservistes vont quand même bénéficier de cette mesure, ou s'ils vont la perdre.

Concernant les paiements, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, la gendarmerie a connu de grandes difficultés en 2018, certains réservistes ayant été rémunérés six mois après leur mission. A votre connaissance, la situation est-elle régularisée aujourd'hui ?

Enfin, vous recommandez que la police ouvre plus largement sa réserve aux civils. Si ce choix était retenu, pensez-vous qu'elle ait les capacités humaines et techniques de le faire, et avez-vous estimé financièrement le coût de cette mesure ?

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Ma première question, que semble-t-il, vous n'avez pas abordée, concerne le niveau des effectifs de la réserve. Y a-t-il un bon niveau, au regard des missions, tant de la police que de l'armée, des réserves ? C'est une question très difficile, me semble-t-il. Mais je n'ai pas vu dans votre rapport les éléments pour y répondre.

Ma deuxième question concerne le statut fiscal – plusieurs collègues l'ont déjà posée. Une exonération est accordée sans base légale : vous nous recommandez soit d'adopter un amendement afin que cette exonération soit explicitement prévu, soit de la supprimer. C'était d'ailleurs la position de la Cour dans ses travaux antérieurs. Si nous abordons ce problème, cela posera aussi la question de l'indemnisation des sapeurs-pompiers volontaires, qui sont eux aussi exonérés. Mais pour eux, il y a une base légale, alors qu'il n'y en a pas concernant la réserve.

La troisième question concerne ces règles un peu invraisemblables de cumul avec les retraites. Dans votre rapport, vous signalez ces règles, qui ne sont d'ailleurs pas homogènes entre la police et la gendarmerie. Que préconisez-vous ? Ne pensez-vous pas que dans un cadre plus général, il faudrait lever tout cela ? Car nous ne le faisons que morceau par morceau, par exemple chez les médecins, afin que les médecins retraités puissent continuer à exercer. Il serait d'ailleurs peut-être intéressant – je m'adresse au président de la commission et à tous nos collègues – que nous engagions un travail sur les règles emploi-retraite, qui sont d'une incroyable complexité et d'une incroyable diversité, qui montrent qu'il n'y a pas de politique. Nous « bricolons » domaine par domaine. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Concernant la situation pour les actifs, vous aviez, dans votre précédent rapport, il y a huit ans maintenant, estimé que nous ne pouvions pas continuer avec une telle dissymétrie entre les actifs venant du privé et ceux venant du secteur public, les uns cumulant, et les autres ne cumulant pas, à l'exception, rare, de certaines entreprises privées comme pour les pompiers par exemple. Que préconisez-vous exactement ? Ne faudrait-il pas, encore une fois, avoir une position homogène entre le privé et le public ?

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Je souhaite tout d'abord vous remercier pour votre travail et pour votre exposé.

Je voudrais à présenter vous interroger sur la question du coût de la formation des réservistes de la gendarmerie. Vous rappelez dans votre rapport que les réservistes bénéficient d'une formation présentielle de 115 heures sur deux semaines. Ces formations sont organisées lors des vacances scolaires dans toutes les régions françaises, au sein des installations de la gendarmerie ou des autres armées. Pensez-vous qu'il y a des possibilités de mutualisation des structures dans un objectif de minimisation des coûts ? Plus précisément, pensez-vous qu'il est optimal d'organiser les formations uniquement lors des vacances scolaires ou pourrait-on les organiser tout au long de l'année ? Cela permettrait d'éviter l'utilisation des locaux uniquement quelques semaines par an, et surtout de mobiliser tous les formateurs au même moment.

Par ailleurs – j'anticipe peut-être un peu – pensez-vous qu'il y aurait des possibilités de mutualisation avec les locaux mis à disposition de l'état pour le service national universel ?

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Je voudrais m'appuyer sur quelques exemples vécus sur le terrain, notamment dans le domaine de la gendarmerie. Mais cette analyse vaut certainement également pour la police. Parce que la réserve opérationnelle, au départ, est d'abord conçue comme un renfort. Or, sur le terrain, il n'en est rien ou presque, parce que, dans les faits, c'est plutôt d'abord une variable d'ajustement des personnels, pour permettre aux militaires d'active de prendre leur repos et de faire valoir leur droit à permission. C'est vraiment cela la réalité. Bien sûr, ce sont des renforts saisonniers appréciés dans le cadre de grands événements : G7, Tour de France puis saison estivale. Nous sommes un certain nombre de territoires à être concernés. Mais le premier problème, c'est que cette réserve opérationnelle est, d'abord, il faut le dire, une variable d'ajustement des personnels, et n'offre pas véritablement de moyens supplémentaires.

Le deuxième problème, c'est que c'est aussi, vous l'avez dit, une variable d'ajustement budgétaire. En effet, lorsque nous construisons le budget – sous réserve qu'il n'y ait pas de problème avec le calculateur budgétaire, parce qu'il me semble que c'est arrivé récemment – nous repartons d'un socle de mesures nouvelles à reconduire. Et arrive ensuite le budget de la réserve opérationnelle, qui est renégocié chaque année.

Le troisième problème sur lequel je voudrais insister, c'est que cette enveloppe de réservistes opérationnels est notifiée très tardivement au commandant de groupement. C'est généralement au mois de mars, et c'est trop tard. Sachant que dès le mois de septembre, les commandants de groupement se contraignent eux-mêmes pour en conserver un peu jusqu'à la fin de l'année, au risque d'ailleurs de ne pas utiliser les moyens qui sont mis à leur disposition de façon déjà très contrainte.

Pour aller dans l'objectif de tenir le terrain, de tenir le rythme pour nos gendarmes et d'améliorer les services à la population, ne serait-il pas possible d'abord de sanctuariser, sur la base d'antécédents bien connus, une enveloppe non négociable et reconductible de réserve opérationnelle, plutôt que de la laisser voguer au gré des négociations annuelles ? Ne serait-il pas également pertinent d'introduire une forme de fongibilité d'une année sur l'autre, pour donner plus de souplesse sur le terrain à l'emploi des réservistes ?

Ma dernière question, qui nous remonte très régulièrement, est celle de la décorrélation des crédits du titre 2, avec ceux du titre 3 et du titre 5. En clair, il y a des cas de figure où il y a suffisamment de moyens pour payer les salaires des réservistes, mais plus pour faire face aux frais de déplacement. Cette dernière question est plutôt une invitation à mieux corréler ces différents titres de crédits pour une utilisation optimale de la réserve opérationnelle.

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En complément de ce que disait tout à l'heure Mohamed Laqhila sur le vivier que pouvaient représenter les jeunes dans le cadre du service qui va être mis en place, qu'en est-il au niveau de l'encadrement fait par les réservistes ? Comme ils vont être considérablement sollicités, quelle évolution devrait selon vous marquer le budget afin de remplir les objectifs numériques de mobilisation de ces forces, et de rémunération des périodes de mobilisation ?

Selon vous, comment la réserve opérationnelle des deux forces pourrait-elle être mieux gérée, notamment eu égard à la correspondance des grades ou emplois occupés ?

Enfin, les crédits permettent-ils un entretien suffisant des compétences des réservistes ?

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La Cour des comptes relève un essoufflement des moyens budgétaires mis à disposition des réserves opérationnelles pour 2018. Nous nous rendons compte que, finalement, il y a une vraie contradiction avec les discours souvent tenus par le ministère de l'intérieur, qui affirme régulièrement que la sécurité des Français reste la priorité du gouvernement. D'ailleurs, la Cour note les écarts entre les crédits votés en LFI : en LFI, l'exécution budgétaire est favorable à la réserve jusqu'en 2017, mais nous avons une vraie rupture en 2018. S'ajoutent à ces problèmes budgétaires d'autres problèmes, d'ordre plutôt administratif, les restrictions mises à l'emploi des civils qui semblent décourager leur candidature dans la police nationale. Et les délais d'attente, le faible nombre de contrats signés et la faible appétence des services à les employer ont suscité beaucoup de déceptions chez ceux qui souhaitaient souscrire à un engagement à servir dans la réserve.

Étant ainsi souligné qu'il nous semble une impérieuse nécessité de se donner les moyens de nos ambitions, à l'heure où l'on regarde à la loupe les niches fiscales, l'exonération fiscale à hauteur de 12 000 euros par an est-elle dans le viseur des services de Bercy ?

Je m'interroge aussi sur les primes non versées alors que nous avons effectué beaucoup d'annulations de crédits.

Et a-t-on comparé notre dispositif avec celui des pays voisins ?

Enfin, pensez-vous que les moyens mis en oeuvre pour la formation sont en adéquation avec les missions souhaitées ?

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Mes questions concernent la mobilisation des réservistes, plus spécifiquement dans les zones touristiques, notamment sur le littoral et en montagne, sur des territoires dont la population se voit multipliée par dix dans les périodes de haute fréquentation. Cet hiver en Savoie, avec les « gilets jaunes », nous avons eu des difficultés dans les stations à pouvoir mobiliser suffisamment de personnels d'active, mais aussi de réservistes dans les stations, avec de vraies difficultés de sécurité publique.

Quelle est la doctrine de mobilisation de la réserve dans ces territoires touristiques ? Vous avez parlé de variable d'ajustement : est-elle plus qu'ailleurs encore une variable d'ajustement de l'active, qui elle-même se voit mobilisée davantage lors de ces périodes ? Y a-t-il une promotion particulière de la réserve opérationnelle auprès des citoyens dans ces territoires spécifiques où les besoins sont renforcés de manière récurrente et prévisible ? À partir de quel seuil et de quels critères de manifestation la réserve est-elle mobilisée ?

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J'aimerais rebondir sur la notion de variable d'ajustement, à propos de cette réserve opérationnelle. Le rapport met en évidence le faible coût et sa souplesse. Mais est-ce qu'en vérité cela ne dénote pas que la réserve sert à pallier, à un coût moindre, le manque d'effectifs dans la police et la gendarmerie, alors qu'elle met en avant en même temps l'importance et la priorité en matière de sécurité ?

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Gilles Andréani, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

Merci, mesdames et messieurs les députés, pour l'intérêt que vous avez porté à notre travail, dont vos nombreuses questions témoignent.

Vous-même, monsieur le président, avez posé la question budgétaire, la question de l'insuffisance des crédits de rémunération, des retards de paiement, etc. Dans les années 2000, jusqu'en 2017, ce que nous avons, pour être précis, c'est une légère – mais significative – sous-budgétisation des crédits de rémunération des réservistes. Nous n'avons pas prévu assez d'argent pour rémunérer les réservistes. À part en 2018, nous avons une exécution des prévisions budgétaires et des budgets de rémunération des réservistes en augmentation, et qui sont a priori convenables.

C'est un problème plus général de tension sur le titre 2 des forces de sécurité dans leur ensemble, et en particulier de la gendarmerie, qui a conduit, à la différence des autres années, à ponctionner un budget de rémunération des réserves qui était plus favorable que les années précédentes, pour compenser des difficultés sur le titre 2 plus général des forces d'active. Cela a entraîné des reports que nous pouvons estimer à 19 millions d'euros, ce qui est beaucoup compte tenu des masses en jeu, des crédits de rémunération de réservistes de la gendarmerie, des retards de paiement, des désorganisations dans la planification de la mise en place des réserves au cours de l'année 2018.

Cela a été corrigé en LFI, où les crédits de rémunération des réservistes de la gendarmerie passent de 98 à 135 millions d'euros. Mais cela va servir en grande partie à régulariser la dette née des reports de l'année précédente. Cela renvoie à un problème que la Cour souligne inlassablement dans ses rapports et devant votre commission, qui est le fait que non seulement il y a des tensions sur les crédits de rémunération de personnel des forces de sécurité, mais il y a aussi un effet d'éviction. Nous le mesurons avec les réservistes sur les crédits d'équipement et de fonctionnement. Vous connaissez bien le problème de la mission Sécurités. Ceci l'illustre une fois de plus. C'est un problème qui est de toute autre ampleur que le problème des réservistes. Pour les réservistes mêmes, nous avons en plus une série de griefs ou d'observations critiques que nous portons sur la gestion infra-annuelle de ces crédits. Ces crédits sont délégués à de multiples reprises, quasiment mensuellement en ce qui concerne la police. Des ajustements interviennent sans préavis en cours d'année. Et la planification du déploiement des réservistes au cours de l'année est donc rendue extrêmement compliquée, pour ne pas dire impossible, par une gestion budgétaire infra-annuelle qui nous paraît être faite à courte vue.

Mais c'est aussi lié au problème précédent. Nous ne déléguons les crédits qu'au compte-gouttes et de façon fractionnée, en raison de la tension qui existe sur le titre 2 des forces de sécurité. Voilà où nous en sommes. Le problème était suffisamment accusé en 2018, pour qu'il y ait eu une augmentation en LFI 2019. Et si l'année 2018 ne doit pas être tenue pour illustrative d'un phénomène général par rapport à tout ce que nous avons vu, elle est quand même très saillante.

Pour ce qui est de la gestion infra-annuelle, notre recommandation est de limiter le nombre de délégations de crédits et de permettre aux gestionnaires des forces de réserves d'avoir de la visibilité sur l'emploi des réserves et des crédits dont ils disposeront à cet effet.

Monsieur le président, vous avez également posé la question de la base juridique de l'exonération fiscale : il me semble que c'est une instruction du service de la législation fiscale. À tout le moins, si cette pratique devait être maintenue, elle devrait faire l'objet d'une décision du législateur ; cela paraît le minimum que l'on puisse demander de ce point de vue. J'ajoute que je ne suis même pas sûr qu'il y ait un texte pour la police car l'instruction ne semble viser que la gendarmerie. Nous sommes donc face à une anomalie, qui nous paraît tout à fait déplorable.

Pour en venir à la toute dernière question du rapporteur général, l'exonération fiscale ne fait l'objet d'aucune évaluation. Il y a une évaluation forfaitaire qui figure en loi de finances, mais nous pensons qu'elle ne correspond à aucune évaluation sérieuse du coût de cette mesure.

Vous posez une question fondamentale, à laquelle à la vérité je n'ai pas de réponse. On voit que la police nationale ne parvient pas à utiliser ses réserves pour fabriquer du lien entre la société civile et les forces de sécurité à la façon dont le font les gendarmes. La question à laquelle je n'ai pas de réponse – parce qu'il n'y a pas de doctrine ou de politique affichée de la police à cet effet qui permettrait de répondre à votre question –, est la suivante : est-ce que c'est possible ? Est-ce que les réserves sont le meilleur vecteur pour créer du lien entre la police et la société civile, ou mieux intégrer sur le plan territorial les forces de police dans leur environnement ? Il y a d'autres vecteurs, il y a les adjoints de sécurité, il y aura peut-être demain une contribution de la police au service national universel, etc. Les réserves sont-elles véritablement le meilleur vecteur ? La police a pour l'instant une conception efficiente et utilitaire de l'emploi des réservistes. Elle prend des retraités qui connaissent le métier, qui dégagent les policiers d'active de tâches spécifiques pour des missions jugées prioritaires, spécialisées, qui sont confiées aux réservistes. Cette doctrine ne crée pas de lien, sinon avec les anciens retraités de la police au profit de la police. Et nous voyons qu'il y a une résistance de la part de la police, que, encore une fois, je peux comprendre, à s'ouvrir davantage par ce biais, par ce vecteur-là, à la société civile.

L'observation que nous faisons n'est pas de le recommander ; nous n'avons pas à proprement parler dit qu'il fallait le faire. Nous avons observé qu'à plusieurs reprises, des intentions avaient été exprimées dans ce sens. Nous disons que si nous devons le faire, il y a des obstacles à lever. Je crois que ces obstacles, que j'ai essayé de résumer dans mon intervention, sont assez clairement identifiés. Certains tiennent à des problèmes assez fondamentaux d'insertion de la police elle-même dans le tissu social, et j'avoue que je ne sais pas si les réservistes pourraient contribuer à améliorer la situation. Et d'autre part, il y a des problèmes plus objectifs et plus mesurables du point de vue de la Cour des comptes. C'est que les méthodes d'encadrement de la police et le degré d'encadrement des exécutants par les services de police ne sont pas du tout du même ordre que ceux de la gendarmerie. La gendarmerie reste, en ce qui concerne l'encadrement, fidèle à ses racines militaires. Elle offre donc des conditions d'encadrement très supérieures en efficacité à celles de la police pour ce qui est des réserves.

J'en reviens aux questions des rapporteurs spéciaux. Je commencerai par celle de M. Grau. C'est évidemment une question essentielle : dans quelle mesure la police doit-elle tirer les leçons de ce que fait la gendarmerie nationale ? Sur le plan général de l'utilisation des réserves, je renvoie à ma réponse précédente. Je pense honnêtement que la police nationale pourrait sans doute élargir la gamme des missions confiées aux réservistes. Je ne pense pas qu'il y ait d'obstacles, quel que soit le jugement que l'on peut porter sur une extension très volontariste du champ des réserves de la police. Je pense qu'une gamme de missions beaucoup plus large pourrait être confiée à la police nationale.

Ensuite, sur le plan de la gestion, la gendarmerie dispose d'un système de gestion qui est bien adapté aux besoins des réservistes : c'est un système spécifique qui lui permet de planifier le rappel des réservistes, et du même coup d'envoyer les convocations et ensuite d'assurer la liaison avec le service de paie, etc. C'est un logiciel qui fonctionne bien. La police a un volume d'activité des réservistes qui est bien inférieur, de telle sorte que je ne sais pas si elle a besoin d'un système aussi développé. Mais il est certain qu'aujourd'hui, la gestion des réservistes est faite de façon soit manuelle, soit avec des tableaux Excel reproduits à chaque niveau de décision de la chaîne administrative de la police nationale. Ce n'est pas une situation satisfaisante. Il y a des progrès à faire en matière de gestion de logiciels, en s'inspirant de ce que fait la gendarmerie.

Il y a aussi des petites mesures à prendre qui faciliteraient la vie des réservistes. Pour ne vous donner qu'un exemple, le réserviste de la police nationale n'a pas de carte d'accès automatisée à son commissariat. Il doit y pointer de façon manuelle. Il y a beaucoup de choses que nous pourrions faire pour améliorer la situation, du point de vue de la gestion des réservistes de la police nationale, et ce en s'inspirant de certaines pratiques de la gendarmerie.

Les indicateurs de performance existent, mais ils ne sont pas dans les documents de performance. Nous pourrions donc demander cela à la police et à la gendarmerie. Mais les gestionnaires disposent de plusieurs indicateurs. D'abord, évidemment, le nombre de réservistes, le nombre de jours de réserve, le taux d'emploi des réservistes qui, encore une fois, est pour eux un objectif important. Le réserviste heureux, c'est celui qui sait. La gendarmerie a un objectif qui doit d'abord être en jours d'emploi de ses réservistes ; il y a un optimum qui est recherché. La répartition sociodémographique des réservistes, leurs profils, le nombre de vacations effectivement réalisées – ce n'est pas véritablement un indicateur, c'est plutôt une mesure d'activité qu'autre chose – sont connus. Par ailleurs, un certain nombre d'informations sont fournies à cette structure administrative qu'est la garde nationale et qui fait tous les ans un rapport au Parlement sur l'essentiel de la Garde nationale que sont les réserves de l'armée, de la police nationale et de la gendarmerie. Par conséquent, un certain nombre de ces données remontent par ce biais au Parlement, même si ce rapport ne nous a pas frappés par sa qualité : il est assez superficiel et routinier, mais il y a quand même quelques données qui ressemblent à des indicateurs de performance, et ceux que j'ai cités paraissent raisonnablement bien choisis.

J'en viens à la question du format : quel est le volume optimal ? Comme je vous l'ai dit, nous avons l'impression que nous ne sommes pas loin d'un volume satisfaisant, de façon empirique, du point de vue de la gendarmerie. Peut-être pourrait-il encore augmenter, notamment de façon à atteindre une gestion plus proactive des réserves qui ne servent pas simplement au remplacement des forces actives, mais qui se voient confier des missions propres.

Cela dit, cela arrive. J'ai cité le cas tout à fait emblématique de Saint-Martin, où nous avons dépêché les réserves, ou encore de missions qui sont vraiment opérationnelles, et non des « bouche-trous », comme la chasse aux frères Kouachi, à laquelle les réserves ont contribué. Elles ont donc des rôles propres ; elles ne sont pas uniquement des forces supplétives.

Par ailleurs, nous n'avons pas d'opinion nous-mêmes sur le dimensionnement, mais nous recommandons quand même que la gendarmerie et la police en aient un. Il n'y a pas de réflexion sur le niveau optimal des réserves. Nous n'avons pas trouvé de document ou de prise de position de doctrine indiquant le niveau optimal selon la gendarmerie ou la police. Il me semble que cela n'existe pas et, par conséquent, cela est à faire. En particulier du côté de la police, puisque nous avons cette disproportion entre 1 % et 5 % des ETPT. Nous pressentons qu'il y a une marge de progression du côté de la police nationale, même avec une doctrine d'emploi qui resterait à peu près conforme à ce qu'elle est aujourd'hui, même sans bouleversement de la conception que la police se fait de sa réserve.

Il y a donc certainement une marge de progression de ce côté-là, et nous ne discernons pas une réflexion très proactive de la part des deux forces de sécurité, particulièrement de la police sur cette question du volume.

Madame Hai, vous avez parlé du ressenti des réservistes. Il est positif. Nous avons des sondages, des questionnaires – vous les trouverez dans le rapport – sur le désir de se réengager des réservistes et de continuer à faire partie des réserves. Il est assez élevé : 70 % à 80 %. Nous voyons une satisfaction. Les rapporteurs ont effectué un grand nombre de déplacements et ont rencontré des réservistes : il n'y a pas d'expression spontanée d'insatisfaction. Au contraire, ils sont contents, y compris de l'équipement. Il y a quelques faiblesses au niveau de l'équipement – nous le savons, nous les citons dans le rapport –, mais nous ne sentons pas de réserve.

La formation de la gendarmerie peut paraître courte – 115 heures ce n'est pas très long –, mais elle est poursuivie sur le tas. Là aussi, la vertu du système d'encadrement de la gendarmerie fait que la formation se poursuit au fur et à mesure. Et je pense qu'il y a des vertus du point de vue de la proximité entre les réservistes et la gendarmerie, et du lien entre la gendarmerie et la société civile, à ce que cette formation ne s'effectue pas dans des centres spécialisés que nous pourrions mutualiser, mais qu'elle soit dispersée à l'échelon départemental des légions de gendarmerie. Cela permet une insertion des réservistes dans le tissu social qui ne me semble pas être une mauvaise chose.

Nous pouvons globalement considérer que, pendant longtemps, les dépenses des réservistes ont été un peu sous-estimées sur le plan budgétaire. Il y a des petits manques qui gagneraient à être compensés.

Enfin, peut-on calquer le modèle de la police sur celui de la gendarmerie ? Je pense avoir déjà un peu répondu à la question. Je dirais oui, mais encore une fois il y a des préconditions et il faut y réfléchir. Aller dans cette direction, c'est un choix politique qui dépasse le champ des conclusions que peut faire un rapport de la Cour des comptes.

Nous disons néanmoins qu'il y a un avantage à mieux exploiter le vivier de cette partie des réserves opérationnelles, qui, en fait, n'est pas opérationnelle, que sont les réserves statutaires, c'est-à-dire les réserves qui correspondent à une obligation de servir qui n'est pas effective parce que les intéressés n'ont pas souscrit un engagement à servir. Il vaudrait mieux les recenser davantage et les connaître mieux. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Après tout, la loi prévoit qu'ils sont à disposition en tant que réservistes. Autant que nous sachions où ils sont, et que nous soyons en mesure de faire de temps en temps un exercice pour les rappeler. Cela me paraît de bonne politique.

Pour ce qui est des autres questions, je voudrais m'intéresser d'abord à ce qui a été dit du cadre incitatif, à savoir la dissymétrie entre le public et le privé et le problème des cumuls activité-retraite. Voilà deux sujets tout à fait essentiels. Permettez-moi de dire en préambule que ce sont des sujets qui dépassent le cadre de notre rapport, parce qu'ils sont communs aux forces armées, ainsi qu'à la police et à la gendarmerie. C'est un sujet général, pour ce qui est des incitations. Et c'est un sujet qui, s'agissant du cumul emploi-retraite, va naturellement bien au-delà du problème des réserves.

Je peux répondre sur deux points de principe assez simples. Premièrement, je pense que la dissymétrie de traitement entre les réservistes issus de la fonction publique et les réservistes issus du secteur privé ne peut que poser question du point de vue de l'équité. Il est important de commencer à réfléchir à la manière de la réduire. Il y a des dispositions qui sont prises par contrat avec certaines entreprises. Mais toutes les solutions ne peuvent pas venir de la bonne volonté des entreprises. Il y a des pays qui ont des systèmes de réserves militaires extrêmement actifs, et dans lesquels on a réussi à régler ce problème. En particulier le Royaume-Uni, qui a un système de rappel des réservistes et d'implication des employeurs –grâce à des avantages consentis à ces derniers – qui permettent à leurs salariés de servir dans la réserve. Il me semble que les salariés sont défrayés d'une partie des frais qu'ils peuvent consentir à cet effet. C'est important, c'est un très bon système. Je pense donc qu'il y a des efforts à faire pour aménager un système de ce genre qui rapproche la situation du réserviste issu du monde de l'entreprise du réserviste fonctionnaire. Il y a une asymétrie de traitement qui doit être réduite et il y a des pistes, en particulier dans les exemples étrangers, pour ce faire.

Sur le cumul emploi-retraite, cela ouvre un champ qui déborde le cadre de notre rapport. Mais je pense que ces mesures gagneraient à être revisitées dans leur ensemble. Certaines d'entre elles remontent à une époque qui était celle du partage de l'emploi, qui n'a pas résisté en tant que concept, à l'évolution économique et à l'analyse. Il y a une sédimentation de mesures qui sont extraordinairement compliquées à comprendre, et qui ne peuvent apparaître que byzantines et vexatoires pour les intéressés.

Et d'une façon générale, il me semble que la position de la Cour sur cette question s'inspire de ce qu'elle dit en général sur les retraites. Dans un monde de tensions sur le financement des retraites, nous avons plutôt intérêt à inciter les retraités à travailler, s'ils le souhaitent, plutôt qu'à compliquer la vie de ceux qui désirent le faire. C'est une remarque qui n'est pas dans le rapport et qui n'a pas été délibérée par la Cour des comptes. Mais il me semble qu'il y a matière à un examen d'ensemble des dispositions limitant les cumuls emploi-retraite, et que cet exemple des réservistes de la police et de la gendarmerie l'illustre parfaitement.

À deux questions plus précises que vous m'avez posées, concernant le nombre des agents réservistes issus du secteur public qui seraient concernés par une diminution des avantages touchant les réservistes issus de l'administration, j'avoue que je n'ai pas le chiffre. Mais nous vous le communiquerons, ainsi que le chiffre de ceux qui bénéficiaient ou auraient dû bénéficier de la prime de fidélité qui ne leur a pas été versée.

Monsieur Potterie, sur le coût de la formation et la mutualisation des structures, j'ai essayé de répondre. Il me semble que nous avons plutôt intérêt à rester sur le schéma actuel, sous bénéfice d'inventaire. Nous n'avons pas fait une expertise pour voir s'il y avait beaucoup de mutualisations à opérer dans le cadre de la formation.

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Françoise Saliou, conseillère maître à la Cour des comptes

Les structures dans lesquelles sont formés les réservistes durant les vacances scolaires, bien évidemment, sont utilisées le reste de l'année pour former les personnels d'active, que ce soient les militaires des armées ou les militaires de la gendarmerie. Ce sont des locaux qui sont utilisés par ailleurs.

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Gilles Andréani, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

J'ajoute que la gendarmerie recrutant beaucoup de jeunes, il y a beaucoup d'étudiants pendant les vacances scolaires ou universitaires. C'est un bon moment pour faire les formations.

Concernant le taux de féminisation, il est plus élevé dans la réserve que dans l'active pour ce qui concerne la gendarmerie. Il est d'un peu plus de 20 % dans la réserve et un peu moins de 20 % dans l'active. En revanche, il est inférieur et insuffisant dans l'encadrement, et l'encadrement officier en particulier. Nous avons ici une sorte de dissymétrie dont la gendarmerie est, me semble-t-il, consciente.

J'en reviens très rapidement aux questions budgétaires, notamment la question de M. Brun. Nous ne pouvons pas sanctuariser les crédits de personnels dans un contexte « lolfien », les crédits des réservistes par rapport à l'ensemble du titre 2 de la gendarmerie,. Mais, encore une fois, l'augmentation des crédits des rémunérations des réservistes en LFI est quand même le signe que le problème a été identifié.

Il reste une dernière question de Mme Bonnivard sur les zones touristiques. Y a-t-il une doctrine particulière d'emploi de la gendarmerie par rapport à ces zones ? À vrai dire, je ne sais pas.

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Christine Bronnec, rapporteure extérieure à la Cour des comptes

Simplement, dans la définition du nombre de réservistes par région, c'est un des indicateurs qui est pris en compte. C'est-à-dire que la gendarmerie prend en compte les effectifs, mais également les événements prévisibles – Tour de France, etc. – et aussi le fait qu'il s'agit de zones touristiques. De la même façon, dans la police, cela fait partie des éléments qui définissent le nombre de réservistes qui seront octroyés.

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Merci pour ce travail très important et extrêmement intéressant, qui sera très utile.

La commission entend ensuite une communication de M. Philippe Chassaing sur l'inclusion bancaire.

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Nous allons entendre immédiatement Philippe Chassaing, qui a travaillé sur une mission « flash » consacrée à l'inclusion bancaire. Il faudra d'ailleurs que le bureau de la commission définisse mieux quelles sont les conditions du « flash » et du « non-flash ».

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L'inclusion bancaire est devenue un élément déterminant de l'inclusion sociale. Il est aujourd'hui indispensable d'avoir accès à des services bancaires et des moyens de paiement adaptés pour participer à la vie économique et sociale de la Nation. Le but de l'inclusion bancaire est précisément d'offrir cet accès à l'ensemble du public. C'est un sujet essentiel dont l'actualité est très forte. C'est pourquoi j'ai sollicité cette mission.

Les pouvoirs publics se sont donc intéressés à la question de l'inclusion bancaire. Première manifestation en 1984, la création du droit au compte doit assurer à tous l'accès à un compte associé à des prestations bancaires basiques. Depuis, les dispositifs se sont multipliés, qu'il s'agisse du traitement du surendettement, de la détermination de services bancaires de base, du développement du microcrédit, de la mission d'accessibilité bancaire confiée à La Banque postale et de la création de l'offre spécifique pour tous les clients fragiles, ou encore plus récemment du plafonnement des frais d'incidents bancaires pour les clients en fragilité financière. Ainsi, c'est un véritable arsenal qui a été constitué afin d'accompagner les clients en fragilité financière. Cette notion a d'ailleurs été précisée et sert aujourd'hui de plus en plus à définir le public cible des politiques d'inclusion bancaire.

Le sujet est d'actualité, comme je le disais, avec l'engagement pris par les banques en décembre dernier, de plafonner les frais d'incidents bancaires à 25 euros par mois pour tous les Français en situation de fragilité financière, soit environ 3,4 millions de personnes. Je me suis intéressé aux détails de cet engagement, sollicité par le Président de la République. Je reviens en détail dans le rapport écrit sur les conditions qu'il faut réunir, à mon avis, pour que ce plafonnement soit pérenne et devienne l'un des principaux outils d'inclusion bancaire. Je tiens à saluer à ce titre, la rapidité avec laquelle les banques ont mis en oeuvre ce plafonnement, effectif pour tous les réseaux depuis le 1er février dernier.

Aujourd'hui, 3,4 millions de personnes bénéficient de ce plafonnement des frais d'incidents bancaires, et aucune difficulté ne m'est remontée au cours de mes travaux. Cet engagement sera d'ailleurs contrôlé par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Le principal défaut du dispositif reste à mon avis qu'il s'applique à une population dont la définition est trop imprécise. De plus en plus, nous avons fondé notre politique d'inclusion bancaire sur cette notion de fragilité financière, dont les contours restent flous. L'Observatoire de l'inclusion bancaire – l'OIB, instance de concertation entre réseau bancaire, associations, et acteurs institutionnels – précise qu'en 2018, plus de la moitié des personnes en situation de fragilité financière sont détectées grâce à des critères normés, dans le cadre monétaire et financier, mais dont le niveau reste à la main des banques. Ces critères sont de deux sortes : les flux créditeurs et le montant des frais d'incidents, que l'on appelle des critères subjectifs. Il existe aussi des critères objectifs de la fragilité financière, qui sont au nombre de deux : la personne est dite interdite bancaire ou elle est considérée comme surendettée.

Pour résumer, plus de la moitié des personnes en situation de fragilité financière, et donc plus de la moitié des personnes qui bénéficient des frais d'incidents bancaires à 25 euros, sont détectées par les banques elles-mêmes. Il me semble qu'il existe peu de politiques publiques dont le public cible est défini par les acteurs privés du secteur commercial. La première condition de réussite de notre politique d'inclusion bancaire est de définir précisément le public auquel elle s'applique, faute de quoi il ne sera pas possible d'évaluer si les orientations qui sont les nôtres permettent de diminuer le nombre de personnes en situation de fragilité.

Par ailleurs, le plafonnement des frais d'incidents bancaires, qui est un vrai progrès pour les publics fragiles, doit pouvoir être étendu grâce à une meilleure définition de cette fragilité. Ma principale recommandation est donc de parvenir à une harmonisation des critères de détection de la fragilité financière. Je propose pour cela de faire confiance à la concertation réalisée au sein de l'OIB. Les meilleures pratiques à mettre en place en matière d'identification des publics fragiles y seraient discutées afin de faire émerger un standard commun de détection.

Ensuite, le législateur se saisirait de ces travaux, pour consigner dans la loi, si cela lui semble opportun, les critères les plus appropriés pour déterminer la fragilité financière. Une nouvelle charte d'inclusion bancaire précisant les responsabilités respectives des nombreux acteurs intervenant en matière d'inclusion bancaire pourrait venir consigner ces nouvelles orientations. En effet, les banques sont au coeur de nos politiques d'inclusion bancaire, non seulement par la détection des publics en situation de fragilité financière, mais également dans l'accompagnement qui leur est proposé. Elles se sont engagées à attacher plus d'attention à ces publics afin de résoudre les difficultés financières le plus en amont possible. Ces engagements sont cosignés dans une charte bancaire de 2014, fruit d'une initiative parlementaire, à l'occasion de l'examen à l'Assemblée nationale de la loi bancaire de 2013.

J'ai pu noter que certains réseaux s'étaient investis de longue date dans l'accompagnement des publics fragiles, et proposent des plateformes internes performantes dédiées à ces publics. Les progrès dans l'accompagnement des publics fragiles restent pourtant trop limités, par une application à géométrie variable des engagements de 2014. Je considère qu'il faut en particulier améliorer la transparence sur la détection des fragilités financières réalisée par les banques et organiser une remontée d'informations suffisante pour que les parlementaires puissent assurer qu'elles remplissent leurs obligations.

Ma deuxième recommandation est donc de préciser les obligations des banques en matière d'accompagnement des publics en situation de fragilité. La rédaction d'une nouvelle charte, qui inclurait les nouveaux outils de la politique d'inclusion bancaire comme le plafonnement des frais d'incidents, serait l'occasion de faire progresser cet accompagnement.

Je me suis aussi intéressé aux outils d'inclusion bancaire destinés à aider le public concerné à retrouver un fonctionnement bancaire normal. Il s'agit du droit au compte, de la mission d'accessibilité bancaire confiée à La Banque postale, et de l'offre spécifique clients fragiles (OCF). Il me semble que les objectifs et la place de chacun de ces outils dans notre politique d'inclusion bancaire doivent être précisés. La mission d'accessibilité bancaire confiée à La Banque postale joue un rôle essentiel dans la prébancarisation des publics précaires. Cette mission impose à La Banque postale d'ouvrir à toute personne qui en fait la demande un livret A assorti de prestations bancaires limitées. Elle est destinée aux personnes qui sont en très grande précarité, aux invisibles de l'inclusion bancaire, ceux qui n'ont pas accès au système bancaire lui-même et qui ne peuvent donc pas être détectés par les critères de fragilité financière.

Néanmoins, de nombreuses personnes l'utilisent en parallèle d'un compte classique. Je pense qu'il faut aujourd'hui recentrer cette mission sur ces publics, qui du fait de la faiblesse de leurs revenus, ou de leur incapacité à utiliser les services à distance, ne peuvent accéder à une gestion bancaire normale. Pour cela, il faudrait exercer un contrôle systématique au moment de l'ouverture du livret A, pour faire vérifier que les demandeurs n'ont pas déjà de compte courant issu d'une offre commerciale standard. Les clients qui en ont les moyens financiers pourraient également être incités à basculer vers l'offre spécifique. L'OCF a été créée en 2013 à destination des publics en situation de fragilité financière, afin de les aider à mieux gérer leur budget. Il s'agit d'un outil pertinent d'inclusion bancaire, qui bénéficie d'ailleurs d'un plafonnement des frais d'incidents bancaires à 20 euros par mois, et 200 euros par an. Elle reste néanmoins peu attractive. Seulement 10 % des 3,4 millions de personnes identifiées en situation de fragilité y souscrivent. Cela vient en particulier des moyens de paiement limités, avec une carte à autorisation systématique qui ne permet pas par exemple de payer le péage ou de faire un plein, et elles bénéficient seulement de deux chèques de banque par mois, ce qui est extrêmement restrictif.

De plus, alors que le plafonnement lié à la souscription de l'OCF touche environ 340 000 personnes, celui décidé en décembre dernier en touche dix fois plus et n'impose pas de souscrire à une offre limitée et parfois stigmatisante. Je crains donc que le nouveau plafonnement risque de réduire encore plus l'intérêt de l'offre spécifique. Cela implique pour moi de la renforcer en en faisant un véritable outil d'accompagnement vers une gestion budgétaire normale et le retour à une offre commerciale standard. La popularité de cette offre pourrait d'ailleurs être renforcée par l'élargissement des moyens de paiement qui y sont attachés. Je fais quelques propositions à ce titre dans mon rapport.

Enfin, le recentrage de la mission d'accessibilité bancaire permettrait de mieux l'articuler avec la procédure du droit au compte, ouverte essentiellement aux personnes qui ont les moyens d'un fonctionnement bancaire classique, mais qui pour diverses raisons, et notamment une interdiction bancaire, en sont exclues.

Une autre condition de réussite de notre politique d'inclusion bancaire est donc de mieux définir la place de chaque outil. L'accessibilité bancaire permettrait une première bancarisation aux plus précaires. L'offre spécifique serait un dispositif d'accompagnement renforcé vers le fonctionnement budgétaire normal. Enfin, le droit au compte permettrait de régler les situations de certaines personnes exclues du fonctionnement bancaire, alors qu'elles ont les moyens de gérer normalement un compte.

Les travaux de la mission ont également souligné le rôle essentiel qu'un nouvel acteur est appelé à jouer en matière d'inclusion bancaire. Ce sont les points conseil budget (PCB), qui doivent devenir des lieux où toutes les personnes qui le souhaitent pourraient être accompagnées dans leur gestion budgétaire. Le dispositif repose sur la labellisation par l'État de structures existantes, généralement les associations ou les centres communaux d'action sociale (CCAS), qui bénéficient d'un financement en échange d'un respect du cahier des charges qui leur assigne le rôle de pivot dans l'animation du dispositif d'inclusion bancaire sur les territoires. Toute personne peut s'y rendre pour bénéficier d'un diagnostic budgétaire, avec notamment la recherche systématique des droits sociaux auxquels elles n'auraient pas eu recours. Ces structures peuvent par exemple accompagner une personne dans la constitution de son dossier de surendettement et la suivre tout au long de la procédure. Je considère qu'il s'agit d'un outil intéressant, offrant l'opportunité de créer une acculturation commune entre les acteurs de l'inclusion bancaire, qui viennent d'horizons très différents. Il a d'ailleurs fait l'objet d'une expérimentation qui a permis de préciser ces modalités dont les retours sont assez positifs.

Il me semble néanmoins qu'un certain nombre de conditions doivent être réunies afin que ce nouvel acteur apporte une réelle plus-value par rapport au dispositif existant. En particulier, les rapports avec les banques et d'autres créanciers, comme les fournisseurs d'énergie ou les bailleurs sociaux, pourraient être formalisés au sein de conventions, qui détermineraient à l'échelon local les responsabilités respectives dans l'accompagnement des publics fragiles. De plus, les 400 PCB prévus doivent être déployés de façon équitable sur les territoires, et dans un avenir proche, afin de produire leurs effets le plus rapidement possible.

Je souhaite que leurs résultats soient régulièrement évalués afin de déterminer si les orientations retenues aujourd'hui sont les bonnes. Le déploiement des PCB doit également favoriser le développement du microcrédit personnel accompagné qui permet d'ouvrir l'accès au crédit aux publics qui en sont aujourd'hui exclus, afin de financer un projet professionnel. C'est un outil précieux, mais encore limité, qui nécessite un accompagnement lourd et intéresse peu les réseaux bancaires. Il a néanmoins toute sa place dans l'accompagnement global proposé par les PCB et dans le cadre d'une offre spécifique, qui gagnerait d'ailleurs à être systématisée au sein de ces deux dispositifs.

La troisième condition de réussite est donc de parvenir à fédérer l'ensemble des acteurs de l'inclusion bancaire, issus de milieux très différents, en créant une acculturation commune. Le déploiement des PCB doit jouer un rôle pivot en orientant les publics vers les outils les plus adaptés.

Je terminerai ma présentation sur la question de l'éducation budgétaire et financière. La France est en retard sur le sujet. Alors que certains pays mènent des politiques volontaristes de formations à tous les âges, les Français restent peu sensibilisés au fonctionnement des marchés bancaires et financiers, et peu familiers avec les notions économiques fondamentales. Aussi me semble-t-il que les politiques d'inclusion bancaire pourraient être complétées par un renforcement de la formation sur ces sujets en particulier au niveau de l'éducation secondaire. L'expérimentation d'un passeport permettant de valider des compétences économiques et financières sur le modèle des compétences informatiques est un progrès à encourager. Le développement des PCB sur tout le territoire doit également participer à la formation d'un public déjà adulte. La Banque de France est très active sur le sujet, comme en témoigne l'ouverture récente de la Cité de l'économie, projet qu'elle a piloté.

La quatrième condition pour que les politiques d'inclusion bancaire parviennent à leurs fins est donc d'améliorer la formation de l'ensemble de la population autour des notions budgétaires et financières fondamentales.

Ma conclusion, et mon sentiment après une vingtaine d'auditions, de tables rondes, de déplacements aux sièges des grands groupes bancaires français, porte sur l'accélération incontestable des progrès réalisés en matière d'inclusion bancaire ces dernières années. La méthode de concertation entre les acteurs bancaires associatifs et syndicaux au sein de l'OIB et du comité consultatif du secteur financier (CCSF) a permis des avancées tangibles et consensuelles.

La latitude laissée aux banques dans les enjeux d'inclusion bancaire interroge néanmoins. Je constate que les réseaux se sont saisis de ces questions et ont pris des initiatives qui vont parfois au-delà de la réglementation ou de ce que leur engagement professionnel prévoyait. L'engagement de décembre dernier sur le plafonnement des frais d'incidents bancaires est une étape importante pour la politique d'inclusion bancaire qui permet de lutter contre l'accumulation de frais d'incidents sur les personnes déjà fragiles. J'ai eu l'occasion d'approfondir ce sujet sur les frais d'incidents lors de mes travaux. Il semblerait que nos voisins européens ne sont pas concernés. J'aimerais qu'une étude soit conduite pour mieux comprendre ce phénomène essentiellement français.

Aller plus loin aujourd'hui, c'est parvenir à donner une définition plus rigoureuse de la fragilité financière qui nous permettrait de cibler efficacement et équitablement les publics devant bénéficier d'un accompagnement spécifique. Je propose de nous appuyer pour cela sur la connaissance par les banques de leur propre clientèle, mais aussi sur la qualité des échanges menés au sein de l'OIB sous l'impulsion du gouverneur de la Banque de France, en lien avec les associations de consommateurs. Nous pourrons ensuite décider s'il est nécessaire de consigner cette définition de la fragilité financière dans la loi.

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Merci d'avoir travaillé sur cette problématique qui me tient à coeur puisque s'agissant de cette législature et des précédentes, j'avais déjà déposé un certain nombre d'amendements pour que nous arrivions à nos fins en la matière. J'en ai d'ailleurs retiré certains au profit d'engagements gouvernementaux successifs qui ont été plus ou moins tenus.

S'agissant du problème d'identification que vous soulevez – identification qui passe par l'harmonisation des critères, puisque il y a finalement autant de doctrines qu'il y a de banques – et de la définition même d'une personne en fragilité financière, pensez-vous qu'il faut faire confiance aux banques pour harmoniser les choses, ou alors convient-il que nous déterminions cette définition dans la loi, par exemple dans un prochain projet de loi de finances ? Donc, un peu de concertation et la schlague, ou seulement de la concertation et de l'harmonisation volontaire ?

Au sujet des frais bancaires, c'est vrai que malgré le système de plafonnement concernant les frais d'incidents bancaires, c'est problématique. Nous parlons de frais bancaires la plupart du temps, mais nous mettons un peu de tout là-dedans : les frais de tenue de compte, les préservices, les prestations bancaires, et il y a ce qui nous intéresse, c'est-à-dire les frais d'incidents bancaires. Même en plafonnant, il y a des personnes qui ont tellement d'incidents successifs que nous nous retrouvons face à des situations parfois dramatiques. Nous avons tenté d'encadrer un peu plus ces frais ; le Gouvernement ne l'a pas souhaité et a laissé cela à la diligence des banques, qui devaient être particulièrement attentives à ce sujet. Avez-vous eu l'occasion de comparer la traduction de cet engagement par les différents acteurs bancaires, et quel bilan pouvez-vous dresser à ce jour du respect des engagements qui ont été pris par les banques ?

Enfin, je suis, comme vous, interpellé par la problématique de la singularité française sur ce sujet. C'est vrai que lorsque vous ouvrez un journal économique français, vous voyez régulièrement des articles sur ces problématiques de frais d'incidents bancaires. Quand vous ouvrez un journal italien ou allemand, vous n'en voyez pas, alors qu'il y a encore plus de banques dans ces pays-là. Il y a pratiquement une banque par province en Italie, et une banque indépendante par Sparkasse en Allemagne. Pour autant, il ne semble pas y avoir cette problématique. Cela n'a pas l'air de relever de la même logique chez nos voisins européens. Avez-vous eu une explication à cela ? Le réseau bancaire, précisément parce qu'il est tellement diversifié, tellement régionalisé dans un certain nombre de pays où la concurrence joue réellement, y compris en faveur des publics fragiles, a-t-il une autre conception des publics fragiles dans ces pays-là ? J'aimerais avoir cet éclairage européen.

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Je rejoins l'analyse du rapporteur général sur la définition des critères de définition de la fragilité financière. Vous invitez à une concertation entre les banques. Aujourd'hui, des critères existent, qui relèvent à la fois du législatif et du réglementaire. Peut-être avez-vous vous-même déjà un avis sur ce que devraient être la définition et les critères que nous devrions retenir pour définir cette fragilité financière, pour nous éclairer sur l'avenir de cette définition.

Vous évoquez – et c'était le dernier point de votre intervention – la formation en termes économiques et financiers des Français. Vous proposez l'expérimentation d'un passeport dans votre rapport, qui permettrait de valider dans le secondaire les compétences économiques et financières. Avez-vous eu des échanges avec le ministère de l'éducation nationale ? Sont-ils intéressés ? Existe-t-il des expériences étrangères en la matière ?

Ma dernière question porte sur la recommandation 22, qui propose d'étudier l'extension du microcrédit au financement des dépenses de rénovation énergétique permettant de réduire les charges fixées payées par le bénéficiaire. Ne craignez-vous pas que cela soit redondant avec des dispositifs existants ? Je pense à l'écoprêt à taux zéro (PTZ), aux dispositifs de l'Agence nationale de l'habitat, etc. Pouvez-vous nous dire quelle est la valeur ajoutée de cette proposition ?

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Je partage avec les collègues qui se sont exprimés précédemment ce besoin de définir la notion de fragilité financière. Parce que la mesure que vous nous avez donnée, au sein du public susceptible de bénéficier de ces plafonnements, qui ne sont que de 11 %, c'est quand même peu.

Avez-vous pu mesurer le niveau de connaissances par l'ensemble des acteurs qui peuvent être au contact de ce public en situation difficile – assistantes sociales, centres d'action sociale ou associations – de ces dispositifs dont pourrait bénéficier ce public ?

Avez-vous pu mesurer le niveau d'intervention plus ou moins important des différents organismes financiers, et cela est-il communicable ? Peut-on faire une présentation de la manière, peut-être différente, dont les organismes financiers présentent ces dispositifs auprès du public ?

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Dans la population plus fragile, j'ajouterais aussi les commerçants et les artisans, pour lesquels il n'y a aucun plafond. Le plafond des frais d'incidents est quand même de l'ordre de 300 euros par an pour les plus fragiles. Il n'y a quasiment pas de limite pour les commerçants et les artisans, qui sont aussi une population fragile. Je préférerais effectivement que nous évitions ces incidents, plutôt que de plafonner les frais. Mais ma question est simple : faut-il légiférer davantage pour protéger les plus faibles ?

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Effectivement il existe un mal dont souffre un trop grand nombre de nos concitoyens, qui concerne 3,6 millions de personnes en fragilité financière. Ce rapport nous propose quelques pistes d'amélioration. Je voudrais saluer le travail réalisé par notre rapporteur. Je remercie aussi la disponibilité des personnes auditionnées.

J'aborderai le sujet de la détection des fragilités et des suites qui sont données. Il ressort d'ailleurs des auditions que la détection de la fragilité financière est difficile et à géométrie variable. Elle se fait par les banques, en raison de critères établis par celles-ci. L'intelligence artificielle peut être utilisée afin de réaliser une détection précoce et informer du risque d'attente. Toutefois, il paraît souvent difficile de faire entendre au client qu'il risque d'être à moyen ou long terme une situation d'impayé.

Enfin, le problème majeur est que peu de clients acceptent de s'entretenir avec la banque lorsqu'ils sont informés du risque révélé par l'algorithme. En effet, ils perçoivent cela comme une espèce d'intrusion de la banque dans leur vie privée et ne se rendent pas compte du risque, puisqu'il n'est pas encore avéré. C'est pourquoi une infime minorité de clients contactés suite à l'alerte de l'algorithme répondent aux sollicitations de la banque pour éclaircir leur situation. Ce qui permettrait pourtant de lever le doute, et d'éviter que le risque d'insolvabilité ne se réalise vraiment.

Il me semble très important que puisse être déclenchée une relation humaine, en tout cas une proximité pour une analyse plus personnalisée des difficultés, et trouver les bonnes solutions, comme cela a été rappelé avec ma collègue, avec quelques fois les CCAS et les dispositifs d'accompagnement les mieux adaptés. Quels moyens, quelles méthodes pouvez-vous développer pour provoquer cette relation humaine et de proximité ?

Concernant les frais bancaires, quel est l'état d'esprit du secteur bancaire au regard de ces difficultés de gestion ? Les frais de gestion sont une ressource importante pour ces banques. Vont-elles convenir de s'en priver au moment où l'activité bancaire connaît des remous, notamment de rentabilité, suite à la baisse des taux ? Car le prêt de l'argent est quand même l'activité principale des banques.

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J'ai eu effectivement le plaisir d'assister à l'une des auditions de la mission, et je salue le travail remarquable et toutes les recommandations qui ont été faites. D'ailleurs, dans son rapport sur la mobilité internationale des Français, remis le 11 septembre 2018 au Premier ministre, ma collègue Anne Genetet souligne les difficultés rencontrées par les expatriés français pour ouvrir ou maintenir un compte bancaire en France. On parle de 3,6 millions de personnes en France. J'ajouterai à cela 3,5 millions de Français qui résident à l'étranger.

Nous en avons parlé, monsieur le rapporteur. Alors même que l'ouverture ou le maintien d'un compte en banque en France est un droit, nombreux sont nos compatriotes à l'étranger qui nous font part du non-respect de ces règles par des établissements bancaires français. S'ajoute à cela une inégalité de traitement selon les pays de résidence. Or, détenir un compte bancaire en France constitue un droit essentiel, notamment pour les personnes qui conservent des liens économiques forts avec la France. Et ils en ont besoin pour recevoir une partie ou la totalité de leurs revenus. Citons par exemple le cas des retraités français qui perçoivent une pension de source française, ou celui des propriétaires de biens immobiliers qui reçoivent des revenus locatifs et doivent s'acquitter de certains frais et charges en France.

Aussi, je souhaitais savoir de quelle façon contraindre ces établissements bancaires français à respecter leurs obligations, pour permettre à ces 3,5 millions de Français installés à l'étranger d'ouvrir et de conserver un compte bancaire en France. Je sais que la recommandation n° 14, sur les défaillances de cette notion de droit au compte, va dans ce sens. Mais nous constatons que les banques sont réticentes même à remettre des lettres de refus qui permettent d'ouvrir la procédure auprès de la Banque de France. Donc, beaucoup de nos concitoyens se font radier, notamment en Côte d'Ivoire, et découvrent du jour au lendemain qu'ils n'ont plus de compte en banque. C'est peut-être une autre fragilité bancaire que celle sur laquelle vous avez travaillé en métropole.

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Monsieur le Rapporteur, votre rapport tombe très bien. Que se passera-t-il si demain le groupe La Poste intègre le groupe de la Caisse des dépôts et consignations ? Puisque La Banque postale a une mission d'intérêt général pour l'obligation d'ouverture de compte bancaire, pour 1,50 euro, il me semble. Pour cela, le groupe La Poste reçoit 320 millions d'euros de l'État, sur une diminution de rémunération du livret A. Ce qui n'est d'ailleurs pas très juste.

Tout cela pour dire que finalement seule une banque au statut bien particulier a cette obligation d'ouverture de compte. Mais lorsque nous formulons une demande d'ouverture de compte, c'est souvent un refus de vente dans des établissements bancaires autres que La Banque postale. Un compte est en effet un acte de vente.

Je voudrais savoir quelle est votre opinion sur cette question. Avec le compte sont vendus tous les services associés, qui, eux, sont facturés. Les prestations sociales, qui aujourd'hui concernent beaucoup de clients du groupe La Poste, ne suffisent déjà pas aux personnes pour vivre, et donc ils ont déjà beaucoup de mal à payer les services associés. Car c'est le livret A qui est leur compte bancaire principal. Je voudrais donc savoir comment vous vous projetez avec l'intégration du groupe La Poste dans la Caisse des dépôts. Que deviendront ces 320 millions d'euros dédiés au fonctionnement de La Poste pour les surcharges et les obligations de missions de service public ?

Enfin, j'ai bien lu vos recommandations sur une charte bancaire, pour répondre au rapporteur général. Je connais des banques à l'étranger, et le refus de vente bancaire est extrêmement condamné dans d'autres pays, notamment en Allemagne, en Espagne et, d'ailleurs, en Italie, mais ce n'est pas le cas dans notre pays. Je voudrais avoir votre sentiment sur le sujet. Quant à la charte, c'est bien, mais le domaine législatif, c'est mieux.

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Vous traitez très brièvement, en une demi-page, de la prévention du surendettement. Nous avions voté des textes – il y a dix ans maintenant – qui ont été assez efficaces, puisque nous avons une baisse du nombre de nos concitoyens en surendettement.

Ma question porte sur l'une des idées que nous avions votées – d'ailleurs contre l'avis du Gouvernement à l'époque : la création d'un fichier centralisant les crédits à la consommation, entre autres. Il a été annulé par le Conseil constitutionnel parce qu'il allait trop loin. Que pensez-vous de cette idée ? Ne faudrait-il pas reprendre le texte en l'aménageant, pour le rendre compatible avec la décision du Conseil constitutionnel, comme mesure efficace de lutte contre le surendettement et donc sur l'inclusion bancaire ?

L'engagement pris par les banques n'a pas de caractère contraignant, comme vous le rappelez. Mais, globalement, elles s'y tiennent. Il s'agit du problème du plafonnement mensuel et annuel des frais d'incidents bancaires. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait aller plus loin dans le plafonnement du taux du crédit ? Puisque dans les neuf catégories, il n'y a pas de taux d'intérêt. Ce sont simplement les frais d'incidents. Nous avions déjà légiféré là-dessus, mais ne faudrait-il pas durcir ? C'est un problème que vous n'avez pas soulevé.

Je partage votre sentiment sur les PCB. Que peut-on faire pour améliorer la gestion des budgets des familles ?

Il y a un sujet que vous n'abordez pas ici, c'est le lien avec les conseils départementaux. Dans mon département – et beaucoup de départements l'ont fait – nous avons recruté des assistantes sociales spécialistes en économie sociale et familiale pour aider les familles à gérer. Parce que lorsque nous regardons la réalité sociale, nous constatons que, pour beaucoup des familles en difficulté, ce n'est pas un problème de ressources, mais un problème de gestion. Elles ne savent pas gérer, mais cela s'apprend, c'est comme tout. Certaines banques sont allées dans ce sens – vous le signalez d'ailleurs dans une note de bas de page – le Crédit agricole, par exemple, a mis au point ce que l'on appelle les points Passerelle. Ce sont souvent d'anciens salariés du Crédit agricole à la retraite qui se mettent à disposition des familles pour les aider à gérer. C'est très efficace, d'après les évaluations qui en ont été faites. Cela permet de mettre tout le monde autour de la table, y compris les conseils départementaux, dont vous ne parlez d'ailleurs pas dans cette partie.

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Au même titre que Mohamed Laqhila, je voudrais avoir votre sentiment sur l'extension de ce type de dispositif aux indépendants, commerçants artisans, voire aux très petites entreprises. Connaissant le nombre d'entreprises de moins de dix salariés contraintes de fermer pour trois mois de découvert dépassé ou des agios qui mettent en risque l'entreprise, je voudrais avoir votre avis à ce sujet.

Et ne penseriez-vous pas utile et pertinent que la puissance publique accompagne plus les travaux de certaines associations remarquables sur le sujet ? Je pense notamment à CRESUS. Je voudrais avoir votre sentiment sur ce type d'actions.

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S'agissant de votre première question sur la confiance, Monsieur le rapporteur général, pourrait-on confier aux banques l'édification ou l'élaboration de ces critères ? Ma proposition entre dans le cadre de l'OIB, qui rassemble, sous la responsabilité du gouverneur de la Banque de France, à la fois des banques, mais aussi les associations de consommateurs. Je pense donc que c'est le bon cadre pour mener cette réflexion. Je pense que cela répond aussi à votre question, madame Peyrol. Toutefois, je précise dans mon rapport qu'il n'est pas exclu que les législateurs s'emparent aussi du sujet, s'ils viennent à s'apercevoir que les critères décidés sont trop restrictifs et excluent une partie de la population de ce plafonnement.

Ensuite, concernant la singularité des incidents bancaires dans ce pays, nous avons été surpris, en faisant des comparaisons avec l'international, qu'il y ait dans ce pays davantage d'incidents bancaires. Les rencontres que nous avons faites avec le CCSF témoignent d'une concurrence qui s'organisait au sein du réseau bancaire. Les banques en ligne venaient pousser les banques de réseau de détail à une concurrence très forte. Elles proposaient notamment un certain nombre de services bancaires gratuitement, ce qui poussait les banques de détail à s'aligner sur ces engagements. Si bien qu'il se produisait un déplacement des frais d'incidents bancaires qui avaient tendance à augmenter, justement pour faire face à ces frais bancaires qui étaient relativement modestes. Ce que nous proposons, en réalité, c'est de mener une étude pour savoir quelle place les incidents bancaires représentent dans le modèle bancaire français et d'essayer de comprendre un peu mieux cette spécificité française.

J'en viens à une troisième question de Mme Peyrol. Il faut bien comprendre que dans la définition de la fragilité financière, il y a deux paramètres : il y a des critères objectifs, qui sont l'interdiction bancaire et le fait d'être surendetté , puis il y a les critères subjectifs. C'est pour cela que l'on peut s'appuyer sur l'expérience des banques pour essayer de voir quels sont les critères qui viendraient – encore une fois sous la responsabilité du Gouverneur de la Banque de France – définir au mieux cette population financièrement fragile. Je pense que c'est un peu ce regard des banques, combiné à celui des associations de consommateurs, qui pourrait permettre plus facilement de définir ces critères objectifs.

Toutefois, il faut le reconnaître, nous n'avons pas à ce stade pu définir clairement quels pourraient être les critères et les paramètres exacts de cette fragilité financière. Reviendra-t-il au législateur de donner une précision, par exemple pour savoir quels sont les flux créditeurs qui doivent abonder un compte ? À partir du moment où vous êtes en fragilité financière, c'est extrêmement compliqué à définir. De même, quel montant d'incidents bancaires doit être pris en compte pour définir ce qu'est la fragilité financière ? Aujourd'hui, nous considérons que ce travail peut être mené davantage dans le cadre de l'OIB, et que nous, législateurs, pouvons ensuite nous en emparer.

Concernant la formation que nous proposons, nous avons le témoignage d'une expérience menée à Créteil, qui mettait en place un passeport financier en quatrième, avec pour objectif de permettre à ces jeunes de s'approcher de la gestion budgétaire et financière. Dans tous les cours de mathématiques et un certain nombre de cours d'éducation civique, sont également donnés des éléments concernant l'éducation financière et budgétaire. Mais c'est assez parcellaire. Ce que nous proposons, c'est de le rassembler sous forme de passeport et de faire en sorte que ce soit généralisé, à l'instar de ce qui se passe notamment pour le passeport en informatique.

S'agissant de la question du microcrédit, effectivement cela ne vient pas s'ajouter, c'est une alternative. C'est un plus qui viendrait prendre en charge par exemple le reste à charge qui demeurerait suite au PTZ. L'objectif n'est pas de créer des dispositifs supplémentaires, qui viendraient s'additionner aux autres. C'est plutôt dans le cas, par exemple, où une famille peut bénéficier d'un appui du PTZ et où il y a un reste à charge : le microcrédit pourrait s'additionner.

Vous avez évoqué le rôle des PCB. Effectivement, à ce stade, nous avons parlé d'acculturation. Il nous semble que les acteurs de la fragilité financière ne se parlent pas vraiment. Nous considérons que l'émergence de ce nouvel acteur serait un outil utile pour créer cette acculturation entre les différents réseaux. Nous proposons d'ailleurs que les conventions soient liées entre les banques et les PCB, de sorte que le dialogue soit rendu obligatoire. C'est un peu la condition pour que les PCB prennent leur place.

Vous soulignez le fait que l'offre spécifique est insuffisamment déployée. Nous faisons des propositions pour que la transition vers l'offre spécifique soit plus facile parce qu'aujourd'hui, si une personne en difficulté financière souhaite aller vers l'offre spécifique, des freins et des verrous rendent ce passage compliqué. Nous proposons aussi d'enrichir l'offre spécifique en essayant de lever les freins, notamment au niveau de la restriction concernant les cartes de crédit.

Je vous rejoins sur la question du marketing, qui aujourd'hui fait défaut. Mais, encore une fois, l'offre spécifique doit être pérennisée. Certaines banques ont mis en place un certain nombre de dispositifs d'accompagnement très puissants. Il serait utile de faire en sorte que cette offre spécifique soit le plus souvent possible couplée à ces dispositifs dont parlait Charles de Courson, comme les dispositifs passerelles pour le Crédit agricole par exemple. Si nous pouvions alors de manière plus systématique coupler la détention d'une offre spécifique avec un suivi particulier fait par ces passerelles, je pense que l'offre spécifique gagnerait en visibilité et aurait une valeur ajoutée incontestable. Ce qui est aujourd'hui un peu plus délicat, sachant que la mise en oeuvre du plafonnement à 25 euros a tendance à vampiriser l'offre spécifique, puisque l'écart entre l'offre spécifique plafonnée à 20 euros et une offre standard à 25 euros est trop minime. Il faut donc adjoindre à cette offre spécifique des services supplémentaires pour pouvoir la développer.

Monsieur Laqhila, vous demandez s'il ne faudrait pas légiférer plus. Si l'enjeu à terme est que le législateur s'empare du sujet, pourquoi pas. Je n'y vois pas d'obstacle. Nous avons des instances de régulation, il faut les utiliser pleinement. Et au moment où ces instances feront des propositions, le législateur sera tout à fait en capacité de s'emparer de ce travail et éventuellement de l'enrichir.

Monsieur Bricout, concernant le fait de renforcer les contacts, c'est ce que je viens de dire sur les PCB. Effectivement, c'est l'un des acteurs essentiels que nous devons faire émerger. L'enjeu est encore une fois d'être en capacité de créer des liens, des passerelles entre les différents acteurs de l'inclusion sociale.

S'agissant du besoin d'humain, la charte de 2014 stipule clairement la nécessité de favoriser et développer la relation humaine entre les banques et les personnes en fragilité financière. C'est assez hétérogène : certaines banques y sont vraiment plongées ; d'autres ont été plus hésitantes, ou ont mis en place des dispositifs moins puissants. Je considère qu'il faut que les banques s'emparent de cette question de l'accompagnement et qu'elles puissent créer des dispositifs ad hoc, comme le dispositif Passerelle, ou encore L'Appui de La Banque postale, qui sont des lieux dédiés à cette fragilité financière et où l'on apporte des réponses à ces publics.

Vous avez également parlé de l'expatriation et de la question du droit au compte. C'est pour cela que nous faisons des propositions dans le sens d'une procédure beaucoup plus intégrée, pour que la Banque de France soit en mesure de contrôler l'effectivité de cette procédure. Aujourd'hui, il est notamment très difficile pour certains d'obtenir le récépissé lié au refus d'ouverture de compte. En retour, nous ne savons pas du tout non plus si le compte a été ouvert par la suite. Il convient donc de disposer d'une procédure beaucoup plus intégrée.

Au sujet du défaut d'ouverture de compte, la solution française a été de déplacer le problème. Parfois, les relations étaient tellement mauvaises entre le client et la banque, que ce n'était pas une mauvaise idée de déplacer le problème et ainsi faire repartir une relation nouvelle auprès d'une autre banque. C'était peut-être l'une des raisons du droit au compte. En tout cas, le droit au compte est une autre manière de traiter le sujet. Il existe : essayons donc de le mettre en oeuvre et de faire en sorte qu'il soit plus efficient.

Concernant la mission d'accessibilité de La Banque postale, nous insistons dans le rapport sur ce sujet qui nous semble extrêmement important. En 2020, cette mission doit arriver à échéance et une réflexion doit débuter pour savoir si elle doit être reconduite. Nous considérons que l'ouverture du livret A doit se concentrer sur un public bien spécifique et singulier, notamment les personnes qui n'ont pas de documents administratifs. Nous pensons que les personnes qui sont en capacité d'avoir un compte bancaire normal peuvent s'exempter d'ouvrir un livret A qui a un coût pour les finances publiques. Mais nous soulignons dans notre rapport l'importance du dispositif de La Banque postale dans son maillage territorial. Et nous avons aussi pu voir l'importance – nous en avons eu de multiples témoignages – de cette présence de proximité dans la relation bancaire qui se nouait entre le client et le conseiller. C'est vrai que La Banque postale occupe un rôle important. Des études montrent notamment que la gestion de cette population coûte davantage à La Banque postale parce qu'elle a ce public-là, plutôt qu'une banque de détail qui aurait une population fragile moindre. Il faut donc en tenir compte, et nous le disons dans le rapport.

J'en viens maintenant à la question du fichier positif. Nous nous sommes essentiellement intéressés aux outils existants. C'est pour cela que nous n'en avons pas parlé. Aujourd'hui, il y a une asymétrie entre le prêteur et l'emprunteur, et la seule manière de combler cette asymétrie d'information, c'est encore d'avoir une information supplémentaire que viendrait capter le prêteur. Je pense qu'en effet le fichier positif pourrait être une réponse ; c'est à étudier. Mais nous ne l'avons pas fait, car ce n'était pas un outil existant. Il faut reconnaître que l'encadrement du crédit a fait diminuer le nombre de surendettés. Incontestablement, aujourd'hui, c'est une politique publique qui réussit. Toutefois, si nous devons aller encore plus loin, je pense qu'il faut combler cette asymétrie d'information entre le prêteur et l'emprunteur.

Vous avez posé la question du plafonnement des taux. Pourquoi ne pas élargir ? Aujourd'hui, il y a neuf frais qui sont plafonnés. Est-ce que cela devrait intégrer ce plafonnement ? Pourquoi pas. Nous considérons que le plafonnement est un outil pertinent pour gérer l'inclusion bancaire et faire en sorte que les personnes ne s'enfoncent pas. Il sera probablement nécessaire à l'issue d'une première année d'exercice de faire le bilan pour voir de quelle manière ce plafonnement s'est mis en oeuvre. Nous n'avons pas de retours à ce stade indiquant que le plafonnement n'a pas bien été mis en oeuvre, aucun défaut n'a été signalé. Mais nous pourrions toutefois nous demander à l'avenir s'il y a une nécessité d'élargir à plus de neuf opérations d'incidents bancaires, qui aujourd'hui rentrent dans ce plafonnement.

S'agissant de la problématique de la gestion des familles, effectivement les points Passerelle sont cet outil qui vient former, et qui va permettre à des populations de s'aguerrir à la gestion budgétaire. Et c'est vrai que c'est quelque chose qui fait défaut : il y a d'un côté cette difficulté de la gestion budgétaire, et parfois aussi un manque de ressources, qui fait que la personne aura beaucoup de difficultés à être dans une situation de non-fragilité financière, parce que tout simplement les ressources font défaut.

Il est également vrai que l'on nous a parlé d'un certain nombre de personnes qui rencontraient des difficultés dans la gestion au quotidien. Les PCB sont là pour aider ces personnes à acquérir ces connaissances. L'enjeu est de nouer le plus de conventions possible et si, demain, elles doivent nouer les conventions avec les conseils départementaux, bien évidemment il faut les mettre autour de la table. Le terme d'acculturation est vraiment le bon terme. Il faut que les acteurs de la protection des clients en fragilité financière se parlent. Le seul moyen d'y parvenir, c'est d'établir des conventions des éléments objectifs.

Enfin, merci, madame Grégoire pour votre question concernant les artisans commerçants. Il me semble que, dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE »), il n'y avait plus l'obligation d'avoir un compte séparé d'un compte professionnel. Dans tous les cas de figure, désormais, il est un peu plus difficile de faire la différence entre les deux. Toutefois, nous avons traité la population en situation de fragilité financière et nous ne nous sommes pas intéressés au monde économique. Il n'y a pas d'objection à ce que l'on puisse mener ce type d'enquête et que, pour des personnes en situation de fragilité financière qui seraient des micro-entrepreneurs, il y ait un plafonnement qui soit mis en oeuvre.

La fragilité financière n'est pas un état définitif ; il doit être temporaire. Et une question doit nous animer : comment sortir de cette situation. Y a-t-il une offre spécifique qui pourrait s'adresser à ces populations d'artisans et commerçants ? L'objectif est de faire le constat que la personne rencontre une fragilité, un dysfonctionnement sur ses comptes, et de l'amener progressivement à retrouver un fonctionnement normal de ses comptes.

CRESUS est bien évidemment un acteur, mais un acteur qui vient après les PCB, puisqu'ils sont plutôt dans une remédiation des dettes pour éviter le surendettement. C'est une pièce supplémentaire. C'est ce que nous appelons les « PCB 2 », que l'État n'a pas jugé bon de développer, puisqu'il y avait déjà des intervenants. Là aussi, les PCB 1 peuvent nouer des contacts avec les acteurs associatifs de la protection des acteurs de la fragilité financière.

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Merci beaucoup, monsieur le rapporteur, pour ce travail très complet.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 26 juin à 9 heures 30

Présents. - M. Damien Abad, M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Joël Giraud, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Benoit Simian, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Jean-Noël Barrot, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Daniel Labaronne, M. Olivier Serva, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

Assistait également à la réunion. - Mme Josiane Corneloup

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